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Comment appr ´ ehender le risque d’illiquidit ´ e dans le syst ` eme bancaire ? Mihaela COSTISOR * octobre 2006 * E.R.U.D.I.T.E., University Paris XII Val de Marne, 61 Avenue G´ en´ eral de Gaulle, 94010, Cr´ eteil Cedex, France. Email : mihaela costisor@yahoo.fr 1

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Comment apprehender le risque d’illiquiditedans le systeme bancaire ?

Mihaela COSTISOR ∗

octobre 2006

∗E.R.U.D.I.T.E., University Paris XII Val de Marne, 61 Avenue General de Gaulle,94010, Creteil Cedex, France. Email : mihaela [email protected]

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Introduction

La plupart des travaux sur les crises bancaires ont explique les episodesde faiblesse dans le systeme financier par des problemes de solvabilite, lerisque de liquidite etant dans quelque sorte oublie ou souvent confondu avecl’insolvabilite. Le risque de liquidite et de solvabilite sont des risques inherentsa l’activite bancaire, ils peuvent interagir et se renforcer mutuellement enaggravant les difficultes dans le systeme bancaire. Par ailleurs, il est importantde bien distinguer l’illiquidite de l’insolvabilite, de connaıtre la nature de cesrisques afin de pouvoir prendre des mesures appropriees pour prevenir lesfaillites bancaires.

Le papier se propose de mettre en evidence que le risque de liquiditeest « reel » et qu’il peut menacer la stabilite du systeme bancaire. Au senslarge, « le risque de liquidite, dans le contexte des faillites de banques estle risque de retraits massifs des depots bancaires ou d’insuffisance d’actifsliquides pour que les banques puissent couvrir ces retraits »1 .

La contribution la plus importante a la theorie du risque de liquiditeappartient sans doute a Diamond et Dybvig (1983) [8]2 qu’ils montrent quela ruee bancaire est un pur risque de passif provenant uniquement du com-portement destabilisant des deposants. Plus recemment, de nouveaux defisse sont profiles a l’horizon, la maıtrise du risque de liquidite dans le systemede paiement constituant la preoccupation des specialistes.

Le risque d’illiquidite touche principalement le systeme bancaire des paysemergents dont les marches monetaires sont encore embryonnaires. Pour au-tant, les plus grandes economies n’ont pas ete epargnees, comme les Etats-Unis, par exemple. La situation creee apres les attentats du 11 septembre2001 etait comparable avec celle durant le « National Banking Era » (1863-1913) caracterisee par cinq crises bancaires3 , les plus severes etant en 1873,

1GONZALEZ-HERMISILLO Brenda [1999] [13], « Crises bancaires : se doter d’indica-teurs d’alerte avancee »,Finances et Developpement, juin, pages 36-39

2DIAMOND Douglas D., DYBVIG Philip F. [1983], « Bank Runs, Deposit Insurance,and Liquidity », The Journal of Political Economy, Vol. 91, June 1983, pages 401-419

3La crise bancaire est definie par les specialistes comme une situation dans laquelleun nombre important de banques sont confrontees, plus ou moins simultanement, auxdemandes de leurs deposants sollicitant la conversion des depots en cash. CHAMP Bruce[2003] [4], « Open and Operating : providing Liquidity to Avoid a Crises », EconomicCommentary, Federal Reserve Bank of Cleveland, issue Feb 15

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1998, 1893 et 19074 . Il ne s’agissait ni de risque operationnel5 , ni de risquede solvabilite6 , mais de risque de liquidite.

L’absence de cooperation entre les banques et les capacites limitees decommunication et de transport sont parmi les causes attribuees aux crisesd’autrefois. Nous nous rappellons qu’en septembre 2001, a Manhattan, lessystemes informatiques et de transport aerien etaient fortement endomma-ges et les institutions financieres ont du evacuer leurs etablissements. Cesperturbations ont abouti a un blocage dans le systeme de paiement : cer-taines banques ont ete confrontees a un excedent de liquidite et d’autres aune penurie. La synchronisation des paiements electroniques n’a plus ete pos-sible parce que les fonds recus d’un cote ne financaient plus les versements aoperer de l’autre cote, ce qui a entraıne une forte augmentation de la demandede liquidite 7.

Malgre cette ressemblance de situation, aucune panique ou crise bancairen’a ete enregistree en 2001, ceci grace a la FED (la Banque Centrale desEtats-Unis) qui est intervenue en qualite de preteur en dernier ressort ou dederniere source de liquidite.

A travers ce papier, nous nous demandons sur les sources du risque deliquidite afin de pouvoir expliquer la vulnerabilite des banques aux crisesbancaires. Dans ce sens, nous avons retenu la structure du bilan et les inter-dependances entre les institutions financieres nees suite a l’exposition directesur le marche interbancaire et au sein du systeme de paiement.

La premiere section de ce papier est consacree a un debat concernant lerisque de liquidite et de solvabilite afin de connaıtre la nature et les particu-larites de ces risques. La deuxieme section expose les principales approches

4Ces crises se sont produites dans des periodes ou l’augmentation de la demande deliquidite etait en quelque sorte anticipee. A l’epoque, l’economie des Etats-Unis etait prin-cipalement axee sur l’agriculture : le printemps, les fermiers avaient besoin de liquiditespour acheter des equipements et des semences, et l’automne, pour cueillir et mettre larecolte sur le marche. CHAMP Bruce [2003]

5Des dysfonctionnements des systemes informatiques ou des controles internes, deserreurs humaines ou de gestion qui ne generent ou n’aggravent ni le risque de credit, nile risque de liquidite. BANQUE DE FRANCE, http ://www.banque-france.fr, « Risquesdans les systemes de paiement »

6La solvabilite des banques ne peut pas etre mise en question car les reserves etaientsuffisantes pour couvrir les demandes de retrait. Pendant « National Banking Era », leprobleme consistait dans le fait que, les reserves avaient une structure pyramidale qui nepermettait pas une distribution efficace et rapide de la liquidite aux banques en difficulte.A l’epoque, il n’existait ni Banque Centrale, ni marche interbancaire. La proportion laplus importante de reserves etait deposee dans les grandes villes appelees « central reservecities ». CHAMP Bruce [2003]

7CUMMING Christine M [2002] [6] « Le systeme de paiement americain apres le 11septembre », Finances et Developpement, mars, page 20

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du risque de liquidite dans un systeme bancaire parfaitement homogene. Lesruees de type ”sunspot ”et informationnel representent deux idees directricesde cette section. La troisieme section propose une analyse la contagion durisque de liquidite sur le marche interbancaire. La quatrieme section examinele risque de liquidite dans le systeme de paiement. La derniere partie est laconclusion.

Section 1. Illiquidite ou insolvabilite ?

La plupart des auteurs s’accordent sur le fait que la principale sourcede vulnerabilite du systeme bancaire est la structure du bilan des banques.La banque collecte les fonds des agents, en leur offrant en contrepartie uncontrat de depot (ou a dette fixe). Les passifs bancaires, representes donc parles depots auxquels s’ajoute le capital apporte par les actionnaires, serventau financement des actifs bancaires. Ceux-ci representent principalement descredits accordes aux grandes compagnies industrielles et des investissementsdirects dans des actifs a long terme.

Il faut preciser que, du fait des decalages de maturite entre les actifs et lespassifs bancaires, la banque s’expose elle-meme a un risque d’illiquidite car lesdepots sont exigibles a tout moment, tandis que les credits sont illiquides etnon fongibles. L’illiquidite de ces derniers s’explique par le fait que la banquedetient plus d’information sur les projets finances par elle d’une part, et queces projets demandent une certaine periode de temps pour creer de la valeur,du cash-flow, d’autre part.

Le capital agit comme un tampon entre la valeur des actifs et des pas-sifs. Quand la valeur des actifs excede la valeur des passifs, les retraits desdeposants sont entierement satisfaits, et les actionnaires touchent des divi-dendes. Sachant, qu’en general les actifs sont risques, leur rendement etantdonc incertain, le capital doit etre suffisant pour maintenir la confiance desdeposants dans la qualite du portefeuille bancaire.

Par consequent, la solidite d’une banque depend non seulement du finan-cement de projets d’investissements profitables, mais aussi du comportementstrategique ou mimetique des deposants vis-a-vis de la capacite de la banquea faire face a ses engagements.

Le risque d’illiquidite et le risque de solvabilite sont des risques inhe-rents au systeme bancaire. Des auteurs, comme Diamond et Dybvig (1983),montrent dans leur modele, devenu la reference en matiere, qu’un systeme areserves fractionnaires, financierement sain, peut etre victime du comporte-ment strategique de ses propres deposants.

Normalement, une banque satisfait les demandes de retrait en utilisant

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les revenus generes par les investissements a long terme et par les creditsrembourses par les entrepreneurs. Au cas ou ces ressources sont insuffisantes,la banque essaie d’attirer de nouveaux depots en tant que source additionnellede liquidite et/ou de vendre ses actifs a court terme. Une autre solutionenvisageable serait d’emprunter sur le marche interbancaire ou a la BanqueCentrale a un taux d’interet penalisant. La liquidation des actifs a long termeest evidemment la derniere et la plus couteuse source de liquidite.

Les problemes commencent lorsque la banque ne peut plus respecterses engagements vis-a-vis des deposants ou d’autres banques. Est-ce cela unsigne d’illiquidite ? Ou bien d’insolvabilite ? Il est essentiel de connaıtre lanature des problemes de liquidite et de solvabilite sachant que les remedessont totalement differents. Une banque peut faire faillite sans que la paniquese produise (pur risque de solvabilite), et des paniques peuvent ou non de-clencher la fermeture des banques (pur risque de liquidite).

Une banque est insolvable quand la valeur des actifs est inferieure a celledes passifs. La depreciation de l’actif du bilan s’explique principalement parla baisse de la valeur des actifs illiquides au cas ou ceux-ci sont evalues auprix de marche et/ou par la deterioration du portefeuille de credit. Dans cecontexte, le capital n’est pas suffisant pour couvrir les pertes et la banquen’est plus capable de satisfaire ses obligations envers les deposants et lesautres creanciers. La situation d’insolvabilite reclame l’application du droit dela faillite qui repartit les actifs entre les creanciers (deposants, autres banques,actionnaires) a moins, que la banque ne soit recapitalisee par absorption, ousauvee par les autorites publiques.

En admettant qu’a un moment donne une banque est solvable, mais inca-pable de transformer suffisamment d’actifs en cash pour honorer les retraits,elle est alors illiquide. C’est la notion qu’on va la retrouver souvent dansce papier. Normalement, la banque n’a besoin que d’une petite proportiond’actifs liquides pour satisfaire les chocs de liquidite subis par les agents. Labanque doit alors optimiser son stock de reserves (en monnaie banque cen-trale) en cherchant a la fois a les minimiser car elles ne sont par remunereeset a les garder a un niveau suffisant pour faire face aux retraits aleatoires.Ce systeme appele a reserves fractionnaires peut provoquer des problemesd’illiquidite au cas ou un grand nombre de deposants veulent retirer. Quandles demandes de retrait excedent les actifs a court terme, il y a un vrai soucide liquidite car la banque doit emprunter a la Banque Centrale ou sur lemarche interbancaire ou meme vendre ses actifs a long terme, afin qu’ellepuisse surmonter la crise de liquidite.

La question naturelle qui se pose est de savoir si les deux scenariospeuvent interagir et se renforcer reciproquement menacant la solidite d’unebanque et/ou du systeme bancaire. En premier lieu, au niveau d’une banque,

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les problemes de liquidite peuvent se transformer rapidement en problemes desolvabilite. Lorsqu’une banque est en manque de liquidites, suite a des impor-tantes demandes de retraits et ne parvient pas a trouver d’autres sources deliquidite, elle va preferer rationner le credit plutot que vendre ses actifs a longterme. Suite a cette demarche, les entrepreneurs ne peuvent plus continuerleur activite, donc creer de la valeur pour pouvoir rembourser les credits.En consequence, la valeur du portefeuille de credits de la banque baisse,des provisions supplementaires sont necessaires. Finalement, cela provoqueral’insolvabilite de la banque. D’autre part, l’insolvabilite est susceptible d’ag-graver la situation d’illiquidite au cas ou la banque est confrontee aux rueesde ses deposants. Dans un contexte ou la banque est insolvable, la liquida-tion imminente des actifs a long terme, necessaire pour satisfaire les chocs deliquidite, entraıne le creusement de l’ecart entre la valeur du passif bancaireet la valeur de l’actif. Cette conjoncture a pour effet l’amplification du risqued’illiquidite, et de plus, il est fort probable que les deposants ne soient pastous rembourses.

En second lieu, au niveau du systeme bancaire, l’interaction entre lesdeux scenarios se manifeste sous la forme du phenomene de contagion repo-sant sur la theorie du petit choc. Du fait des interdependances qui existententre les banques via le marche interbancaire et au sein du systeme de paie-ment, la ruee speculative a la Diamond et Dybvig (1983) ou l’anticipationde l’insolvabilite d’une banque peut se propager par contagion a d’autresbanques solvables entraınant des ruees en cascade et, finalement, l’effondre-ment du systeme bancaire.

La Banque Centrale intervient generalement par une injection de liqui-dite pour aider les banques a combler le manque de liquidite. On doit sou-ligner encore une fois qu’il faut distinguer un probleme de solvabilite d’unprobleme d’illiquidite et qu’il ne faut pas injecter de l’argent dans une banqueinsolvable. La pratique a mis en evidence que la demande frequente de cre-dit aupres de la Banque Centrale et/ou d’autres banques, ou le refus d’unebanque de preter a une banque en difficulte via le marche interbancaire sug-gere des possibles problemes de solvabilite.

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Section 2. Approches du risque de liquidite

dans un systeme bancaire homogene

Ruees liees au comportement destabilisateur des depo-sants

L’approche classique sur la panique bancaire suggere que les ruees sontliees a des evenements aleatoires et non a l’economie. La panique bancaireest definie comme la perte soudaine de confiance de la part des deposants enla capacite de la banque a faire face a ses engagements fixes par le contratde depot.

Dans ce sens, le modele le plus representatif est celui de Diamond etDybvig 8 (1983)ou les ruees bancaires sont considerees comme des prophetiesauto realisatrices, liees a la nature stochastique des retraits. Il a ete concupour mettre en evidence que, le systeme a reserves fractionnaires composed’une seule banque, financierement saine, peut etre vulnerable a cause ducomportement destabilisateur des deposants.

Dans un secteur bancaire parfaitement competitif compose d’une banquerepresentative et sans acces au marche interbancaire, les banques offrent descontrats de depots optimaux fournissant une assurance de liquidite aux de-posants, dont les besoins de consommation sont incertains dans le temps.Cette hypothese est tres importante pour pouvoir envisager des paniques ban-caires liees au comportement destabilisateur des deposants. Normalement,les contrats de depot devraient maximiser le bien-etre des consommateursen offrant une remuneration superieure a l’autarcie. Mais, si beaucoup dedeposants veulent retirer en meme temps, la banque ne pourra pas honorertoutes ces demandes, car ses actifs sont en majorite illiquides. La paniquebancaire se traduit alors par une diminution du bien-etre car la valeur deliquidation des investissements a long terme est inferieure au rendement dela technologie de stockage (autarcie).

Regardons plus en detail la methodologie envisagee par Diamond etDybvig (1983). Le cadre d’analyse repose sur une formalisation assez simpleconcernant les preferences de consommation, la technologie d’investissementet l’information. Il y a un continuum d’agents ranges sur l’intervalle [0, 1]qui vivent sur trois periodes : T = (0, 1, 2) et un seul bien homogene deconsommation.

8DIAMOND Douglas D., DYBVIG Philip F. [1983], « Bank Runs, Deposit Insurance,and Liquidity », The Journal of Political Economy, Vol. 91, June 1983, pages 401-419

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Les agents recoivent en T = 0 une dotation initiale d’une unite de biende consommation. Ils ont la possibilite de choisir entre stocker le bien etl’investir dans un processus de production partiellement irreversible qui necomporte aucun risque. La technologie rapporte un rendement bas egal a 1au cas ou elle est interrompue et un rendement eleve R si l’investissement vaarriver a maturite.

Selon la dimension temporelle du besoin de consommation, on distinguedeux categories de deposants : impatients qui consomment en T=1 et pa-tients qui doivent consommer en T = 2. Ex ante, les agents sont tous iden-tiques, chacun ayant la meme chance d’etre impatient. Lequel d’entre euxdoit consommer prematurement, sans pouvoir profiter du rendement eleve del’investissement, est une information privee que chacun apprend en T = 1.Par contre, le nombre total d’agents impatients est une information publique,connue en T = 0. En supposant que t est la proportion des agents de type1 et (1− t) la proportion des agents de type 2, la fonction d’utilite pour lesdeux categories d’agents est alors donnee par la relation (1) :

(1)U(c1, c2) =

{U(c1) si l’agent est impatientρU(c2) si l’agent est patient

ou U(c1) et U(c2) representent l’utilite de consommation de l’agent im-patient et patient pendant les deux periodes et ρ est le coefficient d’actuali-sation, R−1 ≺ ρ ≤ 1.

Sachant que l’objectif est de maximiser l’utilite de consommation, lesagents choisissent d’investir leur bien dans la production. Le premier scena-rio correspond au cadre concurrentiel caracterise par l’absence de la banque.Effectivement, en T = 0, les agents investissent leur dotation et puis, ilsechangent leur bien sur un marche competitif qui s’ouvre en T = 1 et T = 2.Puisque le type d’agent est une information privee, il n’est pas possible deconcevoir un marche contingent aux types des agents, et par consequent, leprix a payer pour avoir une unite de bien est le meme pour tous. Il s’en-suit qu’a l’equilibre, les agents ne peuvent pas atteindre un bien-etre supe-rieur a celui obtenu en autarcie, c’est-a-dire investissant directement et donc,n’echangeant pas. Les consommations optimales de l’agent de type 1 en T = 1et T = 2 sont : c1∗

1 = 1 et c2∗1 = 0. Les consommations optimales de l’agent

de type 2 en T = 1 et T = 2 sont :c2∗2 = R et c1∗

2 = 0. L’utilite totale espereeen T = 0 est alors :E(U) = tU(1) + (1− t)ρU(R).

Il est a noter que l’hypothese du coefficient d’aversion relative au risquesuperieur a l’unite, c’est-a-dire les gens preferent un gain relativement sur aun gain bien plus important mais aleatoire, s’avere etre essentielle.

Pour s’assurer contre le risque de « mourir » en T = 1, les deposantsposent les bases d’un marche de mutualisation du risque individuel de liqui-

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dite via une transformation des echeances. Une telle coalition appelee banque,situation qui correspond au second scenario, satisfait les chocs de liquiditedes agents en limitant la diminution de leur bien-etre. La banque mutualisece risque par le biais d’une prime de liquidite que les deposants sont prets apayer pour pouvoir consommer quand ils ont besoin.

La banque collecte les dotations initiales des agents en leur offrant encontrepartie un contrat de depot (r1, r2) specifiant le nombre d’unites a reti-rer en T = 1 et T = 2. Afin de determiner les termes du contrat de depot,on considere le bilan d’une banque mutuelle, dont le profit est nul, qui agitexclusivement dans l’interet de ses deposants. Dans un contexte ou le nombred’agents impatients est une information publique, le probleme de maximisa-tion de l’utilite de consommation consiste en la resolution du programmepresente dans le Tableau 1 9.

Tab. 1 – Le bilan d’une banque mutuelleBilan banque

Actifs non risques PassifsT = 1 L tc1

1

T = 2 (1− L) R (1− t) c22

L + (1− L) R tc11 + (1− t) c2

2

Max {tU (c11) + (1− t)ρU (c2

2)}Sous :(2) L = tc1

1 et (1− L) R = (1− t) c22

(3) c11 < c2

2

ou L represente les actifs a court terme, (1−L)R le rendement des actifsa long terme, c1

1 la consommation de l’agent de type 1 en T = 1 et c22 la

consommation de l’agent de type 2 en T = 2.On remarque qu’en plus des contraintes de ressources (2) qui indiquent

que les retraits en T = 1 sont satisfaits par les actifs a court terme et queles retraits en T=2 sont satisfaits par les actifs a long terme, la banque faitegalement face a une contrainte d’incitation (3) garantissant qu’aucun agentde type 2 n’a interet a se faire passer pour un agent de type 1.

A l’equilibre u′(c1∗1 ) = Ru′(c2∗

2 ) et c1∗1 = L/t et c2∗

2 = (1 − L)R/(1 − t).Puisque le coefficient d’aversion relative au risque est superieur a l’unite, lesconsommations optimales doivent verifier les relations suivantes : c1∗

1 > 1 et

9Les tableaux 1 et 2 ont ete etablis par l’auteur de ce papier a partir des formules dumodele

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c2∗2 . On deduit d’ici que le contrat optimal est le couple (r1 = c1∗

1 > 1 etr2 = c2∗

2 < R).

Tab. 2 – Le contrat de depot propose par la banqueAllocations optimales

Banque liquide Banque illiquidecontrat de depot (1, R) contrat de depot (r1, r2)

c1∗1 = 1 c2∗

2 = R c2∗1 = c1∗

2 = 0 c1∗1 > 1 c2∗

2 < R c2∗1 = c1∗

2 = 0

Les faits stylises plus haut nous incitent a retenir que, par rapport a unebanque liquide qui offre le meme niveau de la consommation que l’autarcie,une banque qui n’est pas contrainte a etre liquide ameliore le bien-etre socialdes deposants en les assurant contre le risque d’etre de type 1 (Tableau 2.).Pour illustrer cela, on s’appui sur les graphiques etablis par Marini (2003) [17]10. Sur la Figure 1, l’ensemble des contrats de depot qu’une banque liquidepeut emettre est represente par la surface hachuree non comprise la droited’assurance totale. Le contrat offert par la banque se trouve dans le pointA(1, R) ou l’utilite de consommation est E(U) = tU(1) + (1 − t)ρU(R).Cependant, il est important de remarquer que cet equilibre n’est pas Pareto-optimal car le bien-etre des individus qui retirent en T = 1 ne peut pas etreameliore, leur utilite de consommation etant preetablie a une unite. D’autrepart, les deposants sont prets a payer une prime de liquidite afin de s’assurercontre le risque de devoir consommer tot et de beneficier d’une allocationsuperieure a la dotation initiale.

Sur la Figure 2, l’ensemble des contrats emis par une banque illiquide estrepresente par la surface hachuree, non comprise la droite d’assurance totale.Les contrats situes sur le segment AC, non compris le point C, mettent enevidence l’exposition de la banque au risque d’illiquidite. Le contrat optimalse trouve en effet dans le point B ou r1 = c1∗

1 > 1 et r2 = c2∗2 < R et

u′(c1∗1 ) = Ru′(c2∗

2 ). On remarque que le point B se trouve plus proche dupoint C, ou la consommation devient independante du type de l’agent quedu point A qui correspond a l’autarcie, ce qui signifie que le contrat de depotpermet d’atteindre un optimum de Pareto, car il n’est pas possible d’ameliorerle bien-etre d’un deposant sans deteriorer celui d’un autre agent.

A travers cette section, nous nous proposons egalement d’analyser lesequilibres qui caracterisent ce modele afin de pouvoir expliquer pourquoi les

10MARINI Francois [2003], « Monnaie, banque et capital », Revue d’economie politique,Nr 1 (janvier fevrier 2003), pages 110 et 111

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Fig. 1 – L’equilibre d’une banque liquide

Fig. 2 – L’equilibre d’une banque illiquide

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banques sont vulnerables aux ruees des deposants.

Comment apprehender le risque de liquidite dans ce modele ? Dans uncontexte ou la contrainte de service sequentiel est appliquee et la liquidationdes actifs longs suppose un certain cout, le modele admet deux equilibres deNash. Quand beaucoup de deposants decident d’un coup de liquider leursdepots, il devient rationnel pour chacun des autres de retirer, provoquantainsi une ruee inefficiente. Cela correspond a l’equilibre de panique ou de« bank run ». Une panique se traduit par une allocation sous optimale desressources car la banque est forcee de liquider ses investissements a long termepour couvrir les demandes de retrait. Normalement, les deposants qui retirenten premier percoivent une remuneration superieure par rapport a ceux quiattendent. En anticipant une baisse du bien-etre, chaque individu se precipitealors pour retirer le plus vite possible.

A l’oppose, si personne n’anticipe de panique bancaire, seulement lesconsommateurs ayant subis des chocs de liquidite retirent. Tant que la banquea assez de liquidites pour couvrir les demandes, il n’y a aucune panique. Ceciest l’equilibre de verite.

Le choix entre les deux equilibres est conditionne par l’apparition d’unetache solaire qui influence seulement le comportement des deposants. Lesanticipations sont rationnelles car chaque deposant retire ou non, en antici-pant une liaison entre la presence (absence) d’une tache solaire et la presence(absence) de la panique bancaire.

Dans ce modele, la ruee bancaire est un pur risque de passif provenantuniquement du comportement destabilisateur des deposants car les actifsbancaires ne sont pas risques, leur rendement etant donc certain. La naturenon risquee des actifs est une supposition importante pour montrer que lesruees bancaires peuvent toucher meme les banques solvables.

Le fait que le systeme bancaire est compose d’une seule banque repre-sentative constitue une limite du modele. Le risque de liquidite « n’est rendupossible que, parce que la banque fournit aux deposants une assurance contrele risque d’etre de type 1 via une transformation des echeances parce qu’iln’existe pas de marche secondaire sur les depots. Cette derniere hypotheseest cruciale pour generer la possibilite de paniques liees aux comportementsstrategiques des deposants. »11

Ce qu’on reproche de maniere generale a ce modele de panique pure, est

11MARINI Francois [1992] [16], ”Les fondements micro-economiques du concept de pa-nique bancaire : une introduction”, Revue economique, volume 43, numero 2, p. 301 -326

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l’absence d’evenement en mesure d’expliquer le changement du comporte-ment des deposants. La ruee bancaire est un phenomene aleatoire, un « suns-pot », une tache solaire, la qualite des actifs bancaires ne jouant aucun rolesur la decision des agents. « This [variable] could be a bad earnings report, acommonly observed run at some other bank, a negative government forecast,or even a sunspot. It need not be anything fundamental about the bank’scondition »12.

Quant aux mecanismes dont la banque dispose pour se proteger des rueesdes deposants, Diamond et Dybvig (1983) demontrent l’efficacite de la sus-pension de la conversion de depots en cash. Les auteurs evoquent egalementle role positif joue par l’assurance des depots par le gouvernement via la taxa-tion des agents patients retirant en T = 1, en tant que moyen efficace pourcalmer la panique.

Jusqu’ici, nous avons analyse le concept de ruee sous l’hypothese qu’iln’y a qu’une seule banque, qu’il n’y a pas de marche interbancaire et que lesactifs ne sont pas risques. La manifestation et l’interpretation de la ruee ban-caire change visiblement si l’on introduit un risque sur les actifs ou plusieursbanques. Dans la section suivante, on se propose d’affiner l’analyse du risquede liquidite pour un systeme homogene avec une seule banque representative,en considerant que les actifs bancaires sont risques.

Ruees liees aux informations recues par les deposantssur les actifs bancaires

Une vision alternative au modele de type « sunspot », a ete developpeepar plusieurs auteurs tels que Jacklin et Bhattacharya (1988) [14] 13 et Chariet Jagannathan (1988) [5] 14 .Ils ont introduit un nouveau concept de rueebancaire, appele run informationnel, liee a la diffusion d’une mauvaise infor-mation sur la qualite des investissements bancaires dans un contexte ou lerendement des actifs bancaires est incertain.

Pourquoi on s’interesse a ces modeles ? A une premiere vue, nous sommestentes de penser qu’il s’agit des purs mecanismes de solvabilite. Mais, apresune analyse plus affinee, on se rend compte que le concept de run infor-mationnel n’est pas lie exclusivement a l’insolvabilite, mais il represente une

12DIAMOND Douglas D., DYBVIG Philip F. [1983], « Bank Runs, Deposit Insurance,and Liquidity », The Journal of Political Economy, Vol. 91, June 1983, page 405

13JACKLIN Charles J., BHATTACHARYA Sudipto [1988], « Distinguishing Panics andInformation-Based Bank Runs : Welfare and Policy Implications », Journal of PoliticalEconomy, University of Chicago Press, vol. 96(3), pages 568-92, June

14CHARI V V, JAGANNATHAN Ravi [1988], « Banking Panics, Information, and Ra-tional Expectations Equilibrium », Journal of Finance, vol. 43 (3), pages 769-761, July

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autre composante du risque de liquidite. Les deposants paniquent parce qu’ilsanticipent que leur banque ne sera plus capable de les rembourser au niveaufixe par le contrat.

Jacklin et Bhattacharya (1988) apportent un eclairage nouveau sur ledeclenchement du run informationnel en fonction de la nature risquee desactifs bancaires. Leur cadre d’analyse reprend des elements cles du modelede Diamond et Dybvig (1983), mais il y a aussi quelques differences notablesconcernant la technologie et les preferences de consommation des deposants.

Par rapport au modele de base, il y a une technologie a court termeet une autre a long terme, offrant une utilite de consommation positive, etles deposants ont une faible aversion pour le risque. Le rendement des actifsbancaires est incertain, d’ou le probleme de double asymetrie d’informationentre les deposants et la banque : la banque ne peut pas observer les vraisbesoins de consommation des agents, et les agents ne peuvent pas apprecierla qualite des actifs bancaires. On note R le rendement total des actifs surles deux periodes (T = 1 et T = 2), qui peut etre bas (Rl) ou haut (Rh), ouRh > 1, 0 < Rl < Rh.

Les ruees se declenchent parce qu’en T = 1, une proportion des agentspatients (de type 2) recoit un signal imparfait sur le rendement des actifsdans T = 2, signal qu’ils utilisent pour reviser leur comportement, c’est-a-dire pour decider de retirer ou non. En anticipant sur le fait que le rendementrealise sera inferieur au rendement promis - on se rappelle que les depots sontdes contrats a dette fixe - les deposants se rendent compte que la banque serainsolvable et donc, incapable de respecter ses engagements. Dans un contexteou la contrainte de service sequentiel est appliquee sur les retraits effectuesen T = 115 , les deposants ayant recu des mauvaises nouvelles ont interet amentir, a se faire passer pour des agents impatients et a retirer le plus vitepossible.

Examinons le bilan 16 d’une banque dont les actifs sont risques. Afinde maximiser l’utilite de consommation de ses deposants, la banque doitresoudre le programme illustre dans le Tableau 3, ou (4) est la contraintebudgetaire ou des ressources et (5) est la contrainte d’incitation qui nousassurent que les agents de type 2 retirent en T = 2.

Lorsque les agents patients ne recoivent aucune information, les alloca-tions de consommation en T = 1 et T = 2 correspondent aux allocations

15On est dans le cas d’une banque mutuelle qui agit exclusivement dans l’interet de sesdeposants et qui sera liquidee en T=2 apres le partage des actifs a long terme entre lesdeposants patients.

16Le bilan a ete etabli par l’auteur de ce papier a partir des formules du modele.

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Tab. 3 – Le bilan d’une banque dont les actifs sont risquesBilan banque

Actifs risques PassifsT = 1 L tc1

1 + (1− t) c12

T = 2 (1− L) R tc21

(R

)+ (1− t) c2

2

(R

)Max

{t[u (c1) + u

(c21

(R

))]+ (1− t)

[u (c1

2) + u(c22

(R

))]}Sous :

(4) L = tc11 + (1− t)c1

2 et tc21

(R

)+ (1− t) c2

2

(R

)(5) E (U (c1

1, c21, 2)) ≤ E (U (c1

2, c22, 2))

⇒ Consommations optimales c1∗1 , c2∗

1 , c1∗2 , c2∗

2 positives

optimales calculees ex ante par la banque. Mais, que se passe-t-il quand uneproportion d’agents patients recoit en T = 1 un signal informatif indiquant unfaible rendement des actifs bancaires a maturite ? Ces agents, appeles agentspatients informes, utilisent le signal pour reviser leurs attentes. En effet, ilsretirent quand l’utilite de consommation obtenue en se faisant passer pourdes agents impatients excede l’utilite obtenue en attendant jusqu’a T = 2, :c12 > c2

2(R). Cette probabilite joue donc un role crucial car elle represente leseuil au-dela duquel les agents informes preferent retirer en T = 1, plutotqu’en T = 2. Elle est aussi importante pour la banque parce que c’est lepoint ou le bon equilibre peut basculer vers le mauvais equilibre. Jacklin etBhattacharya (1998) montrent que, plus le risque augmente (l’ecart entre Rh

et Rl se creuse), plus la probabilite que les agents patients informes retirenten T = 1 augmente.

La principale limite du modele reside dans le fait que le systeme bancaireest parfaitement homogene, compose d’une seule banque representative. Celaveut dire que, au cas ou les deposants percoivent des mauvaises nouvelles surla rentabilite des actifs bancaires, il n’y aura pas de baisse du volume desdepots dans le systeme s’il n’existe pas des reserves alternatives de valeur.

Il est a noter que l’assurance de depot permet d’eviter les ruees bancaires,non parce qu’elle rend le retrait de chaque deposant independamment desretraits agreges, mais parce qu’elle decourage les deposants de surveiller laqualite de la technologie dans laquelle la banque a investi.

Pour d’autres auteurs, comme Chari et Jagannathan (1988), les paniquesse produisent parce qu’il y a un probleme d’extraction d’information, une

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confusion. Effectivement, une part des agents patients appeles les informesrecoit en T = 1 un signal sur le rendement futur des actifs bancaires. Lesautres agents, les non informes, observent seulement la longueur de la filed’attente. Ils ne sont pas aptes a differencier les agents qui retirent parcequ’ils ont recu une mauvaise information de ceux qui ont experimente desvrais chocs de liquidite.

En ce qui concerne le cadre d’analyse, il faut preciser que, par rapportau Diamond et Dybvig (1983), les auteurs introduisent trois aleas : sur laprobabilite d’etre agent impatient, sur la probabilite que les agents patientsrecoivent un signal et sur la probabilite que le rendement des actifs bancairessoit bas. Le volume total de retraits est une information publique. En bref,en T = 1, chaque individu apprend en prive son type (impatient, patientinforme ou non informe). Les agents patients informes maintiennent leursinvestissements si et seulement si le signal indique un rendement eleve desactifs bancaires. Par rapport au modele de reference, la contrainte de servicesequentiel n’est pas appliquee, c’est-a-dire les actifs a court terme sont par-tages entre ceux qui retirent en T = 1, et les actifs a long terme entre ceuxqui retirent en T = 2.

Comment les agents de type 2 non informes reagissent-ils ? Avant deprendre une decision ils observent le niveau de retraits agreges car ils estimentqu’il est correle au signal recu par les agents informes ou aux chocs de liquiditesubis par les agents de type 1. Ceci explique l’effet de confusion qui representel’idee centrale autour de laquelle ce modele est construit. La ressemblanceentre ce modele et celui de Diamond et Dybvig (1983) est frappante dansle sens ou le comportement destabilisateur des agents non informes peutentraıner des ruees bancaires et finalement, la faillite d’une banque.

La panique bancaire est un equilibre de Nash a anticipations rationnelles.Quand les retraits globaux sont eleves, chaque agent non informe pense quele rendement des actifs sera faible et s’inquiete de la solvabilite de sa banque.Afin de se proteger contre les eventuelles pertes, il decide de retirer. Aucontraire, lorsque les retraits agreges sont reduits, les agents non informesanticipent un rendement eleve des actifs, donc il n’y aura pas de ruees. Il enresulte que la nature du signal recu par les agents informes sur la qualite desactifs n’exerce aucune influence sur les decisions prises par les non informes.

La solution proposee par Chari et Jagannathan (1988) pour calmer lapanique est la suspension de la convertibilite des depots en cash susceptibled’ameliorer l’utilite collective, mais qui n’est pas certainement un optimumcar, certains agents de type 1 ayant effectivement subi des chocs de liquiditene pourront pas financer une consommation qui leur est pourtant necessaire.

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Vis-a-vis de cette approche, nous nous demandons sur la facon dont lerisque d’illiquidite et solvabilite interagissent ? On se rappelle que le risqued’illiquidite est une caracteristique du systeme a reserves fractionnaires. Lesbanques sont vulnerables aux ruees des deposants au cas ou ils pensent queleur banque n’est plus capable de satisfaire les retraits au niveau suppose.

Un premier point a aborder concerne la relation qui existe entre lacontrainte de service sequentiel et les ruees bancaires. Quand les retraits sontsoumis a cette contrainte, les deposants sont incites a collecter des informa-tions sur la qualite des actifs bancaires. Selon Calomiris et Kahn (1991) [3]17,les ruees bancaires jouent un role disciplinaire. Car, chaque tentative des di-rigeants, d’engager la banque dans des activites risquees mettant en peril lacapacite de la banque de payer les deposants, est sanctionnee par des rueesaux guichets. Dans un autre ordre d’idees, les ruees peuvent etre efficacesou inefficaces. Sont efficaces les ruees qui frappent les banques insolvablescaracterisees par un faible rendement des actifs. Les ruees sont inefficaceslorsque les banques solvables, mais temporairement illiquides, sont victimesde la surveillance exageree de la part de leurs deposants.

Le second point a aborder concerne l’interaction entre le risque d’illiqui-dite et de solvabilite dans ces deux modeles. Cette interaction est beaucoupplus evidente dans Chari et Jagannathan (1988) ou les deposants mal infor-mes ne peuvent pas se rendre compte si les agents patients informes retirentparce qu’ils ont recu des mauvaises informations sur la rentabilite des actifsbancaires, ou bien qu’ils ont subi des chocs de liquidite sur leurs preferencesde consommation.

En admettant que, les agents patients informes ont recu un signal negatifsur le rendement des actifs, alors les ruees des non informes s’averent etreefficaces, car elles aboutissent a la fermeture des banques insolvables. Aucontraire, au cas ou les agents patients retirent parce qu’ils ont besoin deconsommer, les ruees des agents non informes sont totalement inefficaces carla banque est financierement saine, mais illiquide. Ce dernier scenario colleen quelque sorte au modele de reference de Diamond et Dybvig (1983) : labanque est solvable et chaque agent retire parce ce que les autres font la memechose. Pour satisfaire les retraits, la banque doit proceder a la liquidation,socialement inutile, des projets rentables. Sachant que la liquidation des actifsa long terme est assez onereuse, il est fort probable que la banque devienneinsolvable. Avant que l’illiquidite se transforme en insolvabilite, les autoritesdoivent rapidement intervenir par une injection de liquidites, necessaire pourretablir la confiance des deposants.

17CALOMIRIS C.W., KAHN C.M. [1991], « The Role of Demandable Debt in Structu-ring Optimal Banking Arrangements », American Economic Review, 81(3), pages 497-513

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Enfin, un troisieme point a aborder est le fait que l’insolvabilite aggravela situation d’illiquidite. Cela est tres bien mis en evidence dans le modelede Jacklin et Bhattacharya (1988). Les deposants patients, en anticipant unfaible rendement des actifs, decident de retirer leurs fonds, de se faire passerpour des agents impatients. En plus, dans un contexte ou la contrainte deservice sequentiel est appliquee, il y a le risque de ne rien recevoir au cas oules agents attendent le moment ou les investissements vont arriver a maturite.Pour satisfaire les demandes, la banque doit liquider, habituellement a perte,ses actifs a long terme, ce qui creuse l’ecart entre la valeur des passifs et desactifs bancaires.

Jusqu’a present le concept de panique pure et de run informationnel ontete analyses seulement pour une seule banque representative (systeme ban-caire homogene). Mais, que se passe t’il si l’on introduit plusieurs banques ?Le marche interbancaire est-il vraiment un mecanisme efficace pour aider lesbanques a mieux faire face aux chocs de liquidite ? Comment apprehender lerisque de liquidite dans le systeme de paiement ? Les reponses a ces questionsferont l’objet des sections suivantes.

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Section 3. Le risque de liquidite et le risque de

contagion

L’histoire des crises financieres montre que les banques sont « le maillonfaible du systeme financier »18. Il est largement accepte que le risque deliquidite et/ou de solvabilite, qui touche initialement une banque, peut setransmettre par contagion a toutes les autres institutions financieres compo-sant le systeme bancaire. La definition classique de la contagion s’appuie surle mecanisme dit de la « boule de neige » ou du petit choc qui frappe ini-tialement une banque, une region ou un pays et qui se repand par contagiondans tout le systeme bancaire d’un pays ou dans une region geographique 19.

Les sections anterieures ont fait ressortir que, dans un systeme bancaireparfaitement homogene, il peut y avoir une ruee des deposants de type « suns-pot » ou un run informationnel. Au niveau du systeme bancaire a plusieursbanques, les ruees peuvent se generaliser par contagion aux banques d’unpays ou d’une region, menacant la solidite du systeme bancaire dans sonensemble.

A travers cette section, nous nous demandons sur les mecanismes decontagion susceptibles de propager les risques de liquidite et de solvabilitedans le systeme bancaire. Dans ce sens on evoque la mefiance des deposantset les interdependances entre les banques sur le marche interbancaire et dansle systeme de paiement. Le risque de liquidite dans le systeme de paiementsera analyse dans la section 4.

Contagion par les ruees des deposants

La faillite d’une banque est susceptible de modifier le comportement desdeposants des autres banques favorisant ainsi la propagation de la crise. Acet egard, Freixas20 (1999) distingue deux mecanismes de contagion par lesruees des deposants : l’une est la contagion pure a la Diamond et Dybvig(1983) et l’autre est la contagion par la similitude des actifs.

En premier lieu, la contagion purement speculative est liee a des eve-nements aleatoires (« sunspot ») a la Diamond et Dybvig (1983) et nona l’economie reelle. Le fait que, les deposants d’une banque se ruent touspour retirer, represente l’element declencheur des ruees des deposants dans

18MARINI Francois [2005] « Les developpements recents de l’histoire des crises bancairesaux Etats-Unis », Revue francaise d’economie, no.4/vol XIX, page 111

19BANQUE MONDIALE http ://www1.worldbank.org20FREIXAS Xavier [1999] [10], « The Lender of Last Resort in Today’s Financial Envi-

ronment », CREI, Universitat Pompeu Fabra, Barcelona, Issue 4, 1 - 24

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d’autres banques solvables, mais illiquides. Il faut remarquer que, la conta-gion des ruees bancaires est modelisee comme un equilibre de tache solaire,le comportement mimetique des deposants etant le seul element qui entraınela faillite des banques.

En second lieu, la contagion par la similitude des actifs se produit parceque les banques investissent dans des actifs similaires. Une banque peut fairefaillite a cause de la faible rentabilite des investissements, ce qui a des re-percussions sur le comportement des deposants des autres banques ayant fi-nance des actifs identiques. En cherchant a se proteger contre les eventuellespertes, expliquees bien evidemment par la baisse de la valeur de ces actifs, lesdeposants vont liquider leurs depots, contribuant ainsi a la propagation del’insolvabilite a toutes les banques ou les actifs ont des rendements correles.

Les deux mecanismes de transmission posent a nouveau la question del’interaction entre le risque de liquidite et le risque de solvabilite. Dans lepremier cas de contagion, les ruees sont inefficaces parce qu’elles aboutissent ala fermeture des banques solvables. Dans le second cas, les ruees sont efficacescar elles frappent principalement les banques ayant une faible rentabilite deleurs actifs, donc les banques sont insolvables.

Il est a signaler que, l’effondrement du systeme bancaire intervient dansun contexte ou les banques ne sont pas reliees entre elles, et les paniquesbancaires sont le resultat du comportement destabilisateur ou strategiquedes deposants.

Zaghini et Sbracia (2001) [20]21 offre un recensement des causes possiblesde transmission d’un choc financier au niveau international. Premierement,une crise bancaire dans un pays peut representer la variable « sunspot »qui declenche des ruees (ou panique bancaire) dans un autre pays.Ce cadrecorrespond au modele de ruees bancaires a equilibres multiples de Diamondet Dybvig (1983) etendu au niveau international. Deuxiemement, une autrecause de transmission serait la revision des attentes des deposants sur lesperspectives economiques. Les deposants peuvent interpreter les episodes defaillites bancaires dans un pays comme un indice des difficultes dans l’econo-mie mondiale. Le resultat est une sequence de retraits massifs et de faillitesen cascade. La ressemblance entre ce mecanisme de contagion et le cadred’analyse envisage par Jacklin et Bhattacharya (1988) et Chari et Jaganna-than (1988) est evidente. Les deposants non informes sont receptifs plutot ala faillite d’une banque interpretee comme un signal des difficultes dans lemonde ou dans une region, qu’a la qualite des actifs de leur banque. Ils se

21SBRACIA Massimo, ZAGHINI Andrea [2001a], « Crises and Contagion : The role ofthe banking system », Marrying the Macro and Micro Prudential Dimensions of Stability,BIS, page 249

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fient a cette information et par consequent, ils decident de se ruer vers leurbanque. Dans ce contexte, meme en l’absence d’une mauvaise information,les deposants informes decident egalement de liquider leurs depots. Il s’ensuitdonc qu’une seule faillite peut declencher une panique bancaire contagieusedans tout le systeme bancaire.

Contagion du risque de liquidite via le marche inter-bancaire

Le marche interbancaire, un segment particulier du marche monetaire re-serve aux institutions financieres, joue au moins deux roles dans les systemesfinancieres modernes. Un marche qui fonctionne correctement doit canaliserles liquidites des banques en surplus de tresorerie vers les banques en defi-cit. Ce marche represente aussi le lieu ou la Banque Centrale intervient demaniere active pour mettre en pratique ses politiques monetaires.

Dans le modele de reference de Diamond et Dybvig (1983) l’industriebancaire etait composee d’une seule banque representative et sans marchesecondaire sur les depots. Durant les ruees des deposants, les banques sol-vables, mais illiquides, n’ayant pas la possibilite de se procurer de la liquiditenecessaire pour restaurer la confiance des deposants, devaient liquider leursactifs a long terme, entraınant ainsi leur faillite.

En realite, le marche interbancaire est un reseau d’interdependances oules banques echangent des actifs financiers, empruntent ou pretent a courtterme. Malgre le role incontestable joue par ce marche pour distribuer de laliquidite entre les banques, il presente toutefois un inconvenient majeur : lesliaisons tissees favorisent la propagation d’une crise, qui touche initialementune seule banque, dans tout le systeme bancaire.

Au cas ou une banque solvable, mais illiquide ne detient pas assez d’actifspouvant etre facilement echanges contre la liquidite, les autres institutionsfinancieres, selon les adeptes de l’approche liberale du marche 22 , devraientlui fournir la liquidite dont elle a besoin, sans aucune garantie et apres avoirprealablement analyse la solvabilite de l’emprunteur.

En 1985, Bhattacharya et Gale [2]23 ont mis en avant les avantages quiresultent d’un marche interbancaire pour la distribution efficace de la liqui-dite entre les banques, afin que celles-ci puissent repondre aux chocs subispar les deposants sur leurs preferences de consommation. Selon les auteurs,

22L’approche liberale ou l’approche du free-market a ete analysee par FREIXAS Xavier[1999], page 7

23BHATTACHARYA Sudipto, GALE Douglas [1985], « Preference Shocks, Liquidity,and Central Bank Policy », Caress Working # 86-01

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ce marche permet de mutualiser le risque de liquidite, constituant ainsi unealternative a l’assurance de depot, necessaire pour prevenir les ruees des de-posants. Contrairement aux Diamond et Dybvig (1983), qui se concentrentsur un probleme de coordination entre des deposants, Bhattacharya et Galemettent l’accent sur un probleme de coordination entre les banques sur lemarche interbancaire. Il s’agit du probleme du passager clandestin : unebanque aura toujours interet a investir au maximum dans les actifs a longterme, sachant qu’elle peut faire appel au marche interbancaire pour se pro-curer de la liquidite.

La litterature recente remet en question le fonctionnement efficient dumarche interbancaire durant les crises financieres. A cet egard, Flannery(1996) [9]24 a developpe un modele sur le defaut du marche interbancaireen montrant qu’une banque, durant une crise, peut douter de la credibilite(solvabilite) des contreparties. L’idee centrale est que ni les preteurs, ni laBanque Centrale ne peuvent pas distinguer les banques illiquides de cellesinsolvables. Dans un contexte ou une banque n’est pas capable de diversifierson portefeuille en pretant a des banques illiquides, elle prefere quitter lemarche. C’est pour cela que l’echec du marche interbancaire peut etre inter-prete comme un probleme de coordination entre les banques. Dans un autremodele theorique, Freixas, Parigi et Rochet (2000) [12]25 analyse le role dumarche interbancaire dans une economie dans laquelle les deposants veulentconsommer leur bien dans une autre region geographique. Dans ce modele, lecomportement des banques est semblable a celui des deposants analyses parDiamond et Dybvig (1983). Le marche interbancaire rend possible la redis-tribution de la liquidite entre les banques, evitant la liquidation des actifs along terme.

A travers cette section, nous nous proposons d’accorder une attentionparticuliere a l’approche envisagee par Allen et Gale (2001) [1] . En s’ap-puyant sur le role joue par les depots interbancaires, le modele apporte unecontribution importante a l’analyse du risque de liquidite sur le marche in-terbancaire et a l’explication du phenomene de contagion au sein du systemebancaire d’un pays et/ou au niveau international.

En 2001, Allen et Gale26 ont developpe un modele qui met en evidence le

24FLANNERY Mark J [1996], « Financial Crises, Payment System Problems, and Dis-count Window Lending », Journal of Money, Credit and Banking, Ohio State UniversityPress, vol. 28(4), pages 804-24, November

25FREIXAS Xavier, PARIGI Bruno, ROCHET Jean Charles [2000], « Systemic Risk,Interbank Relations and Liquidity Provision by the Central Bank », Journal of Money,Credit and Banking, vol. 32, n. 3, pages 611-638

26ALLEN Franklin, GALE Douglas [2001], « Financial Contagion », Journal of Political

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role du marche interbancaire en tant que mecanisme d’assurance de liquiditepour que les banques puissent mieux faire face aux demandes de retrait. Ense concentrent aussi sur le phenomene de contagion rendu possible par lesliaisons reelles entre les regions27 (liaisons appelees positions interbancaires),les auteurs se rallient a la theorie du petit choc qui peut se repandre dansd’autres secteurs, contribuant ainsi a la generalisation de la crise financieredans toute l’economie bancaire.

Dans un systeme bancaire homogene la banque assurait les agents contrele risque de devoir consommer prematurement en leur offrant un contrat dedepot a montant fixe. Dans un contexte ou les actifs bancaires n’etaientpas risques, les ruees bancaires provenaient uniquement du comportementdestabilisateur des deposants.

Quant au principe de fonctionnement du marche interbancaire, le pro-bleme essentiel reside dans le fait que, les chocs de liquidite dans les diffe-rentes regions ne sont pas parfaitement correles, plus precisement certainesregions sont confrontees a une demande elevee de liquidite, d’autres a unefaible demande. Les depots interbancaires, dont le role est de redistribuer laliquidite entre les banques, representent en effet une forme d’assurance contrele risque de liquidite. Cependant, ces depots n’ont ni la nature, ni la formedes contrats discretionnaires ou a montant fixe. Il en resulte donc que, danscertaines situations, les banques en surplus de tresorerie peuvent refuser depreter une banque en deficit, notamment quand la demande totale de liqui-dite excede l’offre totale. La structure du marche peut ou non favoriser lapropagation de la crise de liquidite a d’autres regions.

Illustrons les faits stylises evoques plus haut. La methodologie reposeprincipalement sur les hypotheses faites par Diamond et Dybvid (1983). Il ya trois periodes T=(0,1,2), un continuum d’agents identiques ex-ante et unetechnologie d’investissement. On distingue deux categories d’agents : patientsavec une probabilite (1 − ω) et impatients avec une probabilite ω, ou ω estune information publique. Ex ante, chaque agent a la meme chance d’etreimpatient ; l’incertitude est resolue en T = 1 quand chacun apprend en priveson vrai type. Il est a noter que ω peut prendre une valeur soit elevee ωH ,soit basse ωL avec 0 < ωL < ωH < 1. Au niveau de la banque, il y a deuxetats de la nature (S1 ou S2) dont la realisation depend exclusivement dela realisation du type d’agent ω . La banque28collecte des fonds aupres du

Economy, University of Chicago Press, vol. 108(1), pages 1-33, February27La notion de region est une metaphore pour designer une seule banque, une region

geographique d’un pays ou meme un pays entier. Elle peut correspondre egalement a unsecteur specialise de l’industrie bancaire.

28Il s’agit d’un secteur bancaire parfaitement competitif qui agit exclusivement dansl’interet des deposants, le profit est nul.

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public qui servent a financer des actifs non risques, a court et a long terme.Elle offre en contrepartie un contrat de depot (c1, c2) mentionnant un montantfixe pour chaque periode. Les actifs a court terme (L) sont representes parla technologie de stockage qui ne rapporte rien, et les actifs a long terme(1−L), partiellement illiquides, representes par la technologie de productionqui rapporte R > 1 si l’investissement arrive a maturite ou 0 < r < 1 s’il estliquide prematurement.

L’originalite du modele de Allen et Gale (2000) consiste dans le faitque l’economie est divisee ex ante en quatre regions (banques) identiques(A, B, C,D), chacune etant composee d’une banque representative qui veri-fie les elements ci-dessus. Les hypotheses, selon lesquelles chaque region subitdes chocs aleatoires de liquidite et la demande de liquidite reste constanteau niveau du systeme bancaire pour chaque etat de la nature, sont essen-tielles pour mettre en evidence le role des depots interbancaires en tant quemecanisme d’assurance contre les chocs de liquidite.

Tab. 4 – La repartition des chocs de liquidite pour chaque region et pourchaque etat, en T = 0

A B C DS1 ωH ωL ωH ωL

S2 ωL ωH ωL ωH

Ex-ante, les banques sont toutes informees des etats de la nature S1 etS2 et de la correlation qui existe entre ces etats et la nature des chocs deliquidite subis par les deposants (Tableau 4). Il est important de mentionnerque la demande globale de liquidite est constante pour chaque etat de lanature. Mais, la realisation de la demande de liquidite (elevee ou reduite) asatisfaire par chaque banque est une inconnue. L’incertitude est resolue enT = 1, quand les deposants apprennent s’ils doivent consommer aussitot ounon, et les banques prennent connaissance de l’etat de la nature ou elles setrouvent concretement, S1 ou S2. On note que, initialement, chaque region ala meme probabilite d’etre confrontee a une demande elevee de liquidite.

L’hypothese relative a la demande globale de liquidite, qui reste constantemalgre la repartition stochastique des consommateurs a travers chaque re-gion, permet d’envisager un mecanisme d’assurance de liquidite interregionaleou les regions en surplus de liquidites fournissent des fonds aux regions enmanque de liquidites.

Dans un autre ordre d’idees, ce dispositif d’assurance de liquidite consti-

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Fig. 3 – Structure complete dumarche

Fig. 4 – Structure incomplete dumarche

tue un element rassurant a la fois pour les banques et pour les deposants. Pourla banque, l’existence de ce marche a l’avantage d’eviter la liquidation desactifs a long terme quand la demande de liquidite surpasse les actifs liquides.Car, il est connu que, la liquidation prematuree des investissements entraıneinevitablement la baisse de la valeur des actifs bancaires, donc l’insolvabilitede la banque. D’ailleurs, les auteurs proposent une charte d’utilisation des res-sources bancaires afin de mieux satisfaire les retraits des agents impatients :d’abord epuiser les actifs liquides, ensuite liquider les depots interbancaireset, a la fin, vendre les actifs a long terme (qui est la solution la plus couteuse).Quant aux deposants, tant qu’il y a assez de liquidites dans le systeme, il n’ya pas de raison de paniquer, de se ruer vers sa banque.

La question qui se pose des lors, est de savoir comment le mecanismede depots interbancaires fonctionne-t-il ? Pour mettre en evidence cela, nousnous proposons d’analyser le bilan de quatre banques (A, B, C,D) en fonctionde la structure du marche. Supposons que le nombre d’agents impatients enT = 1 est eleve pour A et C et faible pour B et D. En T = 2, c’est l’inverse.Compte tenu de la nature des liaisons interregionales, le marche interbancairese divise en deux categories : le marche complet et le marche incomplet.Puisque les regions sont toutes identiques, leurs depots sont parfaitementsubstituables.

En premier lieu, sur un marche interbancaire complet (Figure 3.), unebanque est connectee a toutes les autres banques, les liaisons sont donc reci-proques. Au contraire, sur le marche incomplet, chaque region est connecteede facon unilaterale a un nombre reduit de regions, par exemple a cellesadjacentes (Figure 4.).

Dans ce qui suit, regardons les bilans des banques pour chaque etat dela nature et la facon dont l’egalite « Actif=Passif » est verifiee pour chaqueperiode. En premier lieu, nous allons analyser le cas du marche interban-

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caire complet, les bilans etant synthetises dans le Tableau 529 et presentes demaniere detaille dans les Tableaux 6 et 7.

Tab. 5 – La structure du bilan dans le cas du marche interbancaire complet

Banque Banque(demande elevee de liquidite en T=1) (demande faible de liquidite en T=1)

Actifs Passifs Actifs PassifsT = 1 Actifs a court Retraits de ses propres Actifs a court Retraits de ses propres

terme deposants impatients terme deposants impatientsCreances sur les Retraits des banques Retraits des banquesautres banques ou la demande est ou la demande est

elevee en T = 1 elevee en T = 1

T = 2 Actifs a long Retraits de ses propres Actifs a long Retraits de ses propresterme deposants patients terme deposants patients

Retraits des banques Creances sur les Retraits des banquesou la demande est autres banques ou la demande estelevee en T = 2 elevee en T = 2

Comment les banques font-elles face aux chocs de liquidite en T = 1?Prenons la banque A confrontee a une demande elevee de liquidite. Au passifde son bilan (Tableau 6.) figure a la fois les retraits effectues par ses propresdeposants impatients et les retraits de la banque C, confrontee aussi a unedemande elevee. Les actifs a court terme, ainsi que par les creances sur lesautres banques (B, C, et D) servent a satisfaire l’ensemble de retraits. Quanta la banque B dont la demande de liquidite est faible, le passif (Tableau 6.)reflete les retraits de ses propres agents impatients, mais aussi les retraits ef-fectues par les banques A et C, confrontees a une demande elevee de liquiditeen T = 1. Son actif bancaire est compose seulement des actifs a court terme.

Comment les banques font-elles face aux chocs de liquidite en T = 2? Lepassif de la banque A (Tableau 7.) reflete tant les retraits de ses propres agentspatients, que les retraits des banques B et D dont la demande de liquiditeest elevee. La valeur de liquidation des actifs a long terme est inscrite al’actif du bilan. Concernant la banque B, au passif (Tableau 7.), on distingueles retraits de ses propres agents patients et les retraits faits par la banqueD confrontee a une demande elevee. Du cote de l’actif, il y a la valeur deliquidation des investissements, ainsi que les creances sur les autres banquesA, C et D.

29Les tableaux 5, 6 et 7 ont ete etablis par l’auteur de ce papier a partir des formulesdu modele

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Tab. 6 – Le fonctionnement du marche interbancaire complet en T=1A (demande elevee de liquidite) B (demande faible de liquidite)

Actifs Passifs Actifs PassifsT = 1 L ωHc1 L ωLc1

3(

ωH−γ2

)c1

(ωH−γ)2

c1(ωH−γ)

2c1

(ωH−γ)2

c1

L + 3(

ωH−γ2

)c1 ωHc1 + (ωH−γ)

2c1 L ωLc1 + (ωH − γ)c1

C (demande elevee de liquidite) D (demande faible de liquidite)Actifs Passifs Actifs Passifs

T = 1 L ωHc1 L ωLc1

3(

ωH−γ2

)c1

(ωH−γ)2

c1(ωH−γ)

2c1

(ωH−γ)2

c1

L + 3(

ωH−γ2

)c1 ωHc1 + (ωH−γ)

2c1 L ωLc1 + (ωH − γ)c1

C (demande elevee de liquidite) D (demande faible de liquidite)

On a suppose que : γ = ωH+ωL

2

La contrainte de budget pour A et C est : L + 3(

ωH−γ2

)c1 = ωHc1 + (ωH−γ)

2c1

Et pour B et D : L = ωLc1 + (ωH − γ) c1

Ce qui revient a la contrainte de budget γc1 = L qui correspondau modele de Diamond et Dybvig (1983), sauf que la proportiondes agents impatients est differente

En second lieu, nous allons analyser le cas du marche interbancaire in-complet, les bilans etant synthetises dans le Tableau 830 et detailles dans lesTableaux 9 et 10. En regardant le bilan de la banque A ou la demande deliquidite est elevee en T = 1, on observe que l’actif du bilan (Tableau 9),compose des actifs a court terme et des creances sur la banque adjacente,sert a couvrir les retraits de ses propres deposants impatients. En T = 2,c’est l’inverse, car la banque A est confrontee a une demande faible de li-quidite. Dans ce cas, les actifs a long terme (Tableau 10) sont entierementrepartis aux deposants patients et a la banque adjacente D, confrontee a unedemande elevee de liquidite. En ce qui concerne la banque B qui fait facea une faible demande de liquidite en T = 1, le passif du bilan (Tableau 9),forme par les retraits des deposants impatients et de la banque adjacente Aconfrontee a une demande elevee, est couvert exclusivement par les actifs a

30Les tableaux 11, 12 et 13 ont ete etablis par l’auteur de ce papier a partir des formulesdu modele

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Tab.7

–Le

fonct

ionnem

ent

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che

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caire

com

ple

ten

T=

2A

(dem

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faib

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liquid

ite)

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elev

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liquid

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Pas

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Act

ifs

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T=

2(1−

L)R

(1−

ωH

)c2

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L)R

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H−

γ)

2c 2

3( ω

H−

γ2

) c 2(ω

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γ)

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(ωH−

γ)

2c 2

(1−

L)R

(1−

ωH

)c2+

(ωH−

γ)c 2

(1−

L)R

+3

( ωH−

γ2

) c 2(1−

ωL)c

2+

(ωH−

γ)

2c 2

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faib

lede

liquid

ite)

D(d

eman

de

elev

eede

liquid

ite)

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Act

ifs

Pas

sifs

T=

2(1−

L)R

(1−

ωH

)c2

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L)R

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γ)

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) c 2(ω

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γ)

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L)R

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)c2+

(ωH−

γ)c 2

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L)R

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( ωH−

γ2

) c 2(1−

ωL)c

2+

(ωH−

γ)

2c 2

La

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L)R

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vie

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tspat

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court terme. En T = 2, le nombre de deposants qui retirent etant tres eleve,la banque doit liquider ses actifs a long terme, mais aussi ses creances sur labanque C.

Tab. 8 – La structure du bilan dans le cas du marche interbancaire incomplet

Demande elevee de liquidite en T=1 Demande faible de liquidite en T=1

Actifs Passifs Actifs PassifsT = 1 Actifs a court Retraits de ses Actifs a court Retraits de ses

terme propres deposants terme propres deposantsCreances sur impatients impatientsla banque Retraits de la banqueadjacente ou la demande de

liquidite est elevee

T = 2 Actifs a long Retraits de ses Actifs a long Retraits de sesterme propres deposants terme propres deposants

patients Creances sur la patientsRetraits de la banque banque adjacenteou la demande deliquidite est elevee

Certes, le marche interbancaire joue le role d’assurance de liquidite, mais,dans certaines situations, il favorise aussi la propagation de la crise de liqui-dite dans tout le systeme bancaire. En effet, l’inconvenient vient du fait quela liquidation des depots interbancaires n’aboutit pourtant pas a la creationde liquidite additionnelle. Dans ce sens, il est important de remarquer que,s’il y a un exces de demande globale de liquidite, les interdependances tisseesentre les banques peuvent provoquer de nombreuses faillites.

On se demande desormais si la facon, dont les banques sont reliees entreelles, constitue un element decisif a la propagation de la crise de liquiditedans une region a d’autres regions, a travers les depots interbancaires.

Sur le marche complet, il n’y a pas de moyen d’esquiver le paiement desa part car les liaisons interbancaires sont reciproques. Lorsque la demandetotale de liquidite est superieure a l’offre, et le deficit n’est pas tres important,chaque region absorbe une partie des chocs de liquidite a travers la liquidationd’une petite proportion des investissements a long terme. Dans ce contexte,l’impact initial de la crise est beaucoup plus attenue et, il est donc possibled’eviter la generalisation de la crise.

Au contraire, la structure incomplete du marche s’avere etre tout a faitfragile, car une perturbation de liquidite dans une region peut etre ressen-tie tres fortement dans les regions avec lesquelles elle est connectee, dans le

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Tab. 9 – Le fonctionnement du marche interbancaire incomplet en T=1A (demande elevee de liquidite) B (demande faible de liquidite)

Actifs Passifs Actifs PassifsT = 1 L ωHc1 L ωLc1

(ωH − γ)c1 (ωH − γ)c1

L + (ωH − γ)c1 ωHc1 L ωLc1 + (ωH − γ)c1

C (demande elevee de liquidite) D (demande faible de liquidite)Actifs Passifs Actifs Passifs

T = 1 L ωHc1 L ωLc1

(ωH − γ)c1 (ωH − γ)c1

L + (ωH − γ)c1 ωHc1 L ωLc1 + (ωH − γ)c1

La contrainte de budget pour A et C est : L + (ωH − γ)c1 = ωHc1

Et pour B et D : L = ωLc1 + (ωH − γ)c1

Ce qui revient a la contrainte de budget γc1 = L : qui correspondau modele de Diamond et Dybvig (1983), sauf quela proportion des agents impatients est differente

sens qu’elles subissent egalement une crise de liquidite, qui se transforme en-suite en insolvabilite. L’explication est liee a la nature unilaterale des liaisonsinterbancaires. Les banques dans les regions adjacentes non touchees par lacrise de liquidite poursuivent leurs propres interets et refusent de liquider unepartie des actifs a long terme jusqu’a ce qu’elles soient elles-memes exposeesa la contagion.

Prenons un exemple pour illustrer ce point. On suppose que, exception-nellement et non anticipe, la demande globale de liquidite excede les actifsliquides. En effet, en T = 1, la banque A est confrontee a une demande deliquidite, plus elevee que prevu (ωH + S > ωH ), ou S represente le choc sup-plementaire de liquidite. Dans ce cas, les liquidites seront insuffisantes poursatisfaire les retraits des deposants impatients, soit ( L < (ωH + S) c1). Laseule solution, dont dispose la banque A, est de liquider une partie de sesactifs a long terme. Vu le cout eleve, les banques cherchent a eviter le pluspossible de liquider prematurement leurs investissements. Ceci explique l’hos-tilite affichee par la banque adjacente B, en surplus de liquidites en T = 1,qui se protege contre les eventuelles ruees de ses deposants, en refusant defournir de la liquidite a la banque A en deficit. On se rappelle que les inves-tissements sont partiellement illiquides et rapportent un rendement bas s’ilssont liquides avant d’arriver a maturite. Puisque la valeur des actifs a long

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Tab. 10 – Le fonctionnement du marche interbancaire incomplet en T=2A (demande faible de liquidite) B (demande elevee de liquidite)Actifs Passifs Actifs Passifs

T = 1 (1− L)R (1− ωH)c2 (1− L)R (1− ωL)c2

(ωH − γ)c2 (ωH − γ)c2

(1− L)R (1− ωH)c2 + (ωH − γ)c2 (1− L)R + (ωH − γ)c2 (1− ωL)c2

C (demande faible de liquidite) D (demande elevee de liquidite)Actifs Passifs Actifs Passifs

T = 1 (1− L)R (1− ωH)c2 (1− L)R (1− ωL)c2

(ωH − γ)c2 (ωH − γ)c2

(1− L)R (1− ωH)c2 + (ωH − γ)c2 (1− L)R + (ωH − γ)c2 (1− ωL)c2

La contrainte de budget pour A et C est : (1− L)R = (1− ωH)c2 + (ωH − γ)c2

Et pour B et D : (1− L)R + (ωH − γ)c2 = (1− ωH)c2

Ce qui revient a la contrainte de budget : (1− γ)c2 = (1− L)R qui correspondau modele de Diamond et Dybvig (1983), sauf quela proportion des agents patients est differente

terme (1− L) R ≺ [1− (ωH + S)] c2 + (ωH − γ) c2 diminue, la banque n’estplus en mesure de s’acquitter de ses dettes envers la banque D. Il s’ensuitdonc, qu’au niveau de la banque D, la valeur de l’actif du bilan diminuesuite a la depreciation de ses creances sur la banque A. L’anticipation del’insolvabilite entraıne evidemment des ruees des deposants dans la banqueD. La boule de neige continue a rouler car, la banque D refuse de donnerdes liquidites a la banque C, qui se voit forcee de vendre ses actifs a longterme. Cela entraıne des ruees dans la banque C et puis, dans la banque B.Finalement, il y aura des ruees des deposants dans tout le systeme et lesbanques, initialement solvables mais illiquides, se trouvent soudainement enetat d’insolvabilite.

Enfin, pour conclure cette section portant sur la manifestation du risquede liquidite sur le marche interbancaire, il est important de souligner deuxaspects. Sur le marche complet, le risque de contagion est « presque » ab-sent. Nous ne detectons pas de ruees de type informationnel ou d’interactionentre le risque de liquidite et de solvabilite. Certes, la possibilite d’avoir desruees de type « sunspot »reste envisageable, mais, malgre cela, le marchefonctionne correctement et le systeme bancaire s’avere etre stable dans cecas. En revanche, la structure incomplete du marche non seulement favorisela propagation de la crise, mais elle amplifie les effets pervers de l’interaction

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entre le risque de liquidite et solvabilite, menacant la stabilite du systemebancaire dans son ensemble. En raison de cet inconvenient, Allen et Galeestiment que l’intervention de la Banque Centrale serait benefique pour com-pleter le marche, pour le faire fonctionner correctement en distribuant demaniere efficace de la liquidite entre les banques. Les effets de la contagionsur les banques financierement saines (solvables) seront ainsi diminues.

Section 4. Approches du risque de liquidite et

de contagion dans le systeme de paiement

Le systeme de paiement est devenu part integrante d’une economie mo-derne et efficace. Les interdependances entre les institutions financieres auniveau national et international se sont developpees, et le reglement destransactions en temps reel est devenu presque banal. Le systeme de paie-ment, defini comme « un ensemble d’instruments, de regles et de procedures,destine a realiser des transferts de fonds entre etablissements bancaires etfinanciers »31 , est susceptible d’amplifier l’exposition des institutions finan-cieres aux risques de liquidite et de credit32.

Harry Leinonen [15]33 suggere que l’architecture du systeme de paiementest en pleine modification, et les institutions financieres devront faire face ades nouveaux defis. Tandis que le risque de credit connaıt un certain recul, lerisque de liquidite et les techniques de gestion de la liquidite deviennent desobjectifs de plus en plus importants. Ceci est le resultat de la politique meneepar les autorites monetaires qui ont conseille aux institutions financieres dereformer leur systeme de paiement, plus precisement de passer du systeme netau systeme brut, afin de reduire le cout genere par la presence des banquesinsolvables au sein du systeme de paiement net.

Le passage au systeme de paiement brut ou en temps reel, qui pose laquestion du niveau optimal de reserves de liquidites pour que la banque puissefaire face aux demandes de paiement, s’explique, selon Rochet (2003) [19]34 ,par la peur que l’illiquidite d’une grande banque puisse se propager a d’autres

31BANQUE DE FRANCE, http ://www.banque-france.fr, « Systemes de paiement etde titres : definitions »

32Le risque de credit est le risque que l’emprunteur ne rembourse pas sa dette al’echeance.

33LEINONEN Harry [2005], « Liquidity, risks and speed in payment and settlementsystems - a simulation approach », Bank of Finland Studies, E :31

34ROCHET Jean-Charles [2003], « Bank Runs and Financial Crises : A Discussion »,Credit, Intermediation, and the Macroeconomy : Readings and Perspectives in ModernFinancial Theory edite par S. Bhattacharya et A. Thakor, pages 324-338

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banques, via le phenomene de contagion.

Dans ce qui suit, nous accordons une attention speciale a l’article deFreixas et Parigi (1998) [11] 35 qui se proposent de mettre en evidence le roledu systeme de paiement en tant que mecanisme reel de propagation des crises,dans un environnement ou les chocs de liquidite et solvabilite touchent lesintermediaires financiers. Leur approche repose en effet sur la theorie du petitchoc qui se repand dans toute l’economie, theorie utilisee pour demontrer lefait, qu’une banque qui ne peut plus faire face aux paiements a echeanceentraıne une reaction en chaıne, menacant la stabilite du systeme financier.

Le cadre d’analyse est construit sur l’organisation du systeme de paie-ment compte tenu de la duree d’achevement des transactions. Dans ce sens,les auteurs offrent une analyse du systeme de paiement interbancaire brut etnet en termes des risques, en particulier du risque de liquidite et de contagion.

Dans le systeme de paiement brut, la finalite des transactions est im-mediate, les ordres de transfert etant executes en temps reel et de maniereirrevocable. A l’oppose, dans le systeme de paiement net, le reglement definitifest realise en fin de journee, apres la consolidation et la compensation des po-sitions debitrices et creditrices. Pendant la journee, pour honorer les retraits,les banques se pretent des lignes de credit, automatiquement renouvelees.

Il est important de remarquer que, le mecanisme de fonctionnement dusysteme de paiement net est pourtant different de celui du marche interban-caire. Comme on l’a deja vu dans la section precedente, le role du marcheinterbancaire est de distribuer la liquidite a l’interieur du systeme bancaire,c’est-a-dire le surplus de liquidites est canalise vers les banques en deficit.Evidemment, le but est d’eviter la liquidation onereuse des actifs a longterme. Quant au systeme de paiement net, les banques se pretent des lignesautomatiques de credit intra-journalier, ceux-si sont enregistres au passif dubilan par la banque qui emprunte et a l’actif du bilan par la banque quiprete. Au cas ou, en fin de journee, une banque presente un solde crediteurdes positions (les dettes etant superieures aux creances interbancaires), elledoit alors emprunter sur le marche interbancaire la liquidite necessaire pourreduire son exposition aux risques.

Regardons plus en detail le cadre d’analyse. En s’appuyant sur les ele-ments cles du modele de Diamond et Dybvig (1983), Freixas et Parigi (1998)posent les bases d’une nouvelle approche, plus elaboree, dont l’originaliteconsiste dans l’introduction d’une dimension spatiale concernant les prefe-

35FREIXAS Xavier, PARIGI Bruno [1998], « Contagion and efficiency in gross and netinterbank payment systems », Proceedings, Federal Reserve Bank of Chicago, issue May,pages 247-274

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rences de consommation a travers l’espace.Il y a deux economies (ıles) identiques, un continuum de deposants, un

bien de consommation et trois periodes correspondant a des moments dif-ferents de la journee T = (0, 1, 2). Dans chaque ıle, il y a une banque par-faitement competitive (le profit est nul) qui accomplit a la fois deux roles :d’assurance de liquidite a la Diamond et Dybvig (1983) et de transfert descreances des deposants a l’autre banque.

Les consommateurs disposent d’une dotation initiale d’une unite de bienqu’ils deposent a la banque. Celle-ci peut soit la stocker, soit l’investir dansune technologie de production partiellement illiquide, qui rapporte un rende-ment eleve une fois arrivee a maturite. En contrepartie, la banque offre auxagents un contrat de depot qui leur garantit un certain niveau de la consom-mation pour chaque periode et et qui leur permet de consommer sur l’autreıle, si besoin.

Comme dans le modele de Diamond et Dybvig (1983), il y a deux cate-gories d’agents : impatients (t) qui consomment en T = 1 et patients (1− t)qui consomment en T = 2 et, le coefficient d’aversion relative pour le risqueest superieur ou egal a l’unite. Il est a noter que l’incertitude ne concernepas la dimension temporelle de la consommation (quand consommer), maisla dimension spatiale (ou consommer). Dans ce contexte, le role de la banquen’est plus de mutualiser le risque de devoir consommer prematurement, maisde mutualiser le risque de devoir consommer sur l’autre ıle en T = 2. Cerisque concerne en exclusivite les agents patients qui se divisent d’ailleursen deux categories : les agents patients non strategiques (1− λ) qui doiventabsolument consommer sur l’autre l’ıle et les agents patients strategiques (λ)qui peuvent choisir entre consommer sur leur ıle et consommer sur l’autre ıle.L’utilite de consommation des agents d’une banque est alors :

U(c1, c2, c2) =

U(c1) avec la probabilite tU(c2) avec la probabilite (1− t)(1− λ)U(c2) avec la probabilite (1− t)λ

ou c1 est la consommation des agents impatients en T = 1, c2 la consom-mation des agents non strategiques sur l’autre ıle en T = 2 et c2 la consom-mation des agents strategiques en T = 2.

Comment apprehender le risque de liquidite dans le systeme de paie-ment ? La facon dont la banque repond aux chocs de liquidite est differentedans le systeme de paiement brut relativement au systeme net. Car, dans lepremier cas, les banques ne sont pas reliees entre elles, donc elles agissent de

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maniere isolee et, dans le second cas, les banques sont interconnectees via leslignes de credit intra-journalier, donc elles agissent conjointement.

Le systeme brut presente l’avantage de regler chaque transaction entemps reel dans un contexte ou les agents patients doivent retirer et transferereux-memes le bien sur l’autre ıle, pour pouvoir le consommer en T = 2. L’in-convenient majeur est que les banques doivent toujours avoir des importantesreserves de liquidites, et par consequent, limiter les investissements.

En revanche, dans le systeme de paiement net, c’est la banque qui trans-fere les depots des agents a l’autre banque et il n’y pas besoin de liquider lesactifs bancaires a long terme. De plus, les banques sont tenues par un contratde se preter reciproquement des lignes de credit pendant la journee, lignes quirepresentent des creances sur les actifs de l’autre banque. Il en decoule que,par rapport au systeme brut, au niveau d’une banque, le fonctionnement dusysteme net repose sur la compensation des creances a encaisser, correspon-dant aux retraits des agents patients arrives de l’autre banque, et les dettes apayer, correspondant aux retraits de ses agents patients dans l’autre banque.La liquidite intervient en fin de journee quand les banques reglent seulementle solde net apres la consolidation et la compensation des operations.

On se demande desormais quelle est la correlation entre le rendement desactifs bancaires et les preferences de consommation des deposants a traversl’espace. En d’autres termes, dans quelle mesure la nature des actifs bancaires(risquee ou non risquee) contribue a la prise de decisions par les deposants.

Dans le systeme de paiement brut, les agents patients strategiques ont lapossibilite de choisir entre attendre la realisation du rendement des investis-sements et retirer. Par contre, les agents non strategiques ne dispose que d’unseul choix, qui est de retirer et transferer eux-memes le bien sur l’autre ıle.Dans le systeme net, les agents patients ont les memes strategies, auxquelless’ajoute la possibilite que la banque fasse elle-meme le transfert des biensdirectement sur l’autre ıle.

En premier lieu, dans un contexte ou le rendement est certain, donc lesactifs bancaires ne sont pas risques, le cadre d’analyse se rapproche visible-ment de la configuration a equilibres multiples de Diamond et Dybvig (1983).Il y a un bon equilibre et un mauvais equilibre.

Illustrons le bon equilibre. Du cote du systeme de paiement brut (Ta-bleau 11.), le bon equilibre correspond au scenario ou les agents impatients etpatients non strategiques retirent en T = 1 et les agents patients strategiquesattendent le moment ou les investissements arrivent a maturite (T = 2). Ducote du systeme net (Tableau 12.), le bon equilibre suppose qu’en T = 1,les agents impatients retirent et qu’en T = 2, la banque transfere le biendes agents patients non strategiques sur l’autre ıle et les agents strategiquesattentent la realisation du rendement des actifs bancaires.

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En ce qui concerne l’equilibre de panique, pour les deux systemes depaiement, les ruees bancaires sont de type « sunspot », car elles proviennentuniquement du comportement destabilisateur des deposants, comme dansDiamond et Dybvig (1983).

Tab. 11 – Le bilan d’une banque dont les actifs ne sont pas risques. Le casdu systeme de paiement brut

Rendement certainBilan banque systeme de paiement brut

Actifs PassifsT = 1 L tc1

(1− t)(1− λ)c2

T = 2 (1− L)R (1− t)λc2

L + (1− L)R tc1 + (1− t)[(1− λ)c2 + λc2]

Max{tU (c1) + (1− t) [(1− λ) U (c2) + λU (c2)]}Sous :(6) tc1 + (1− t)(1− λ)c2 = L et (1− t)λc2 = (1− L)REn appliquant le multiplicateur de Lagrange, on obtient :U ′(c1) = U ′(12) = α ⇒ c1 = c2

On rappelle que c2 < c2

Ou (6) est la contrainte budgetaire.A ce stade, il est important de mentionner que le systeme net domine

le systeme brut en termes d’allocation de consommation. Car, comme dansle modele de Diamond et Dybvig (1983), le bien-etre des deposants diminueau fur et a mesure que la proportion des deposants impatients augmente.En effet, la liquidite de la banque, comme le demontre les auteurs, est unefonction croissante du nombre d’agents qui retirent en T = 1. Autrement dit,plus le nombre d’agents impatients en T = 1 est eleve, plus le niveau desactifs liquides est eleve, pour que la banque puisse faire face aux demandesde retrait. Cela etant dit, dans le systeme de paiement brut, le nombre dedeposants retirant en T = 1, soit (t + (1− t)(1−λ)) excede celui du systemenet (t), ce qui suppose donc plus de liquidites et moins d’investissements.Sachant que les deposants ne peuvent pas beneficier du rendement eleve desactifs a long terme, le systeme brut offre une allocation de consommationinferieure a celui offerte par le systeme net.

En second lieu, le vrai debat concernant la facon dont la banque re-pond aux chocs de liquidite commence lorsqu’il y a une incertitude sur lerendement de la technologie de production. Des aspects des modeles de run

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Tab. 12 – Le bilan d’une banque dont les actifs ne sont pas risques. Le casdu systeme de paiement net

Rendement certainBilan banque systeme de paiement net

Actifs PassifsT = 1 L tc1

T = 2 (1− L)R (1− t)c2

L + (1− L)R tc1 + (1− t)c2

Max{tU (c1) + (1− t) U (c2)}Sous :(7) tc1 = L et (8) (1− t)c2 = (1− L)REn appliquant le multiplicateur de Lagrange, on obtient :U ′(c1) = α et U ′(c2) = β

⇒ c1 = L(t)t

c2 = [1−L(t)]R1−t

informationnel de Jacklin et Bhattacharya (1988) et de Chari et Jagannathan(1988) sont incontestablement presents. Du fait de l’asymetrie d’information,les agents patients prennent leur decision en fonction de la nature du signalsur les actifs bancaires, signal recu en prive en T = 1.

Les equilibres caracterisant le systeme de paiement brut dans ce cas,correspond aux equilibres d’une banque en autarcie. Les ruees des deposantspeuvent etre efficaces ou inefficaces. Dans le premier cas, le role disciplinairedes ruees est evident car elles entraınent la fermeture des banques insolvables.Ce scenario correspond bien au modele de run informationnel de Jacklinet Bhattacharya (1998) et Chari et Jaganattan (1998). Dans le second cas,quand les ruees proviennent uniquement du comportement destabilisateurdes deposants, donc la qualite des actifs bancaires n’est pas mise en question,elles sont inefficaces. On est bien dans le cadre d’analyse des ruees de type« sunspot » a la Diamond et Dybvig (1983). Il faut egalement remarquer que,le risque de contagion est totalement absent, car la finalite des transactionsest immediate et donc, il n’en decoule ni des dettes, ni des creances pour labanque.

Quant au systeme de paiement net, l’analyse des equilibres impose quelquesexplications preliminaires. D’abord, le role disciplinaire des ruees bancairesest nettement amoindri. Il s’agit du probleme du passager clandestin. Car,lorsque le rendement est incertain et le signal recu par les deux ıles est dif-

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ferent, les deposants patients de la banque ou le signal indique un faiblerendement des actifs transferent leurs biens dans la banque ou le signal esthaut (le rendement des investissements est plus eleve), au lieu de liquider(retirer) leurs depots. Il en resulte donc que, en choisissant le transfert desbiens a l’autre banque, les deposants prolongent involontairement la vie desbanques insolvables au sein du systeme de paiement, car celles-ci continuentd’accumuler des dettes et des creances. Ensuite, les banques sont reliees entreelles via les lignes de credit favorisant la propagation des risques de liquiditeet solvabilite. La faillite d’une banque est susceptible d’influencer le compor-tement des deposants de l’autre ıle. Le systeme net se caracterise ainsi pardeux equilibres, les deux etant inefficaces car la banque est exposee au risquede contagion.

Le premier type d’equilibre appele « potential contagion equilibrium »correspond au fonctionnement normal de l’activite de paiement. Il n’y a pasde ruees bancaires et les banques reglent leurs dettes. Mais, il n’est pas unequilibre stable du fait des creances qu’une banque a sur les actifs bancaires del’autre banque. Lorsqu’une banque devient insolvable, l’autre sera egalementtouchee. Ce scenario correspond bien au risque pur de solvabilite car la baissede valeur des actifs de la banque insolvable entraıne une baisse de valeurdes actifs de la banque initialement saine, qui devient aussi insolvable. Lacontagion se produit en effet quand les participants en tant que crediteurs dela banque en faillite, ont envoye des ordres de paiement en se basant sur desfonds qui ne sont jamais recus.

Le second equilibre appele « contagion - triggered bank run equilibrium »correspond a la contagion des ruees des deposants dans tout le systeme depaiement, que ce soit des ruees de type run informationnel ou de type « suns-pot ».

Premierement, la contagion se produit au moment ou les ıles recoiventdes signaux differents (Tableau 13.). Ce scenario 36repose sur l’hypothese del’anticipation rationnelle des possibles effets negatifs de la contagion sur leniveau de la consommation, hypothese qui explique la decision des deposantsde se ruer vers leur banque pour retirer. L’anticipation du comportement de

36« First, for some parameter values equilibrium 1 fails to exist. The potential free ridingof the late diers in the low-signal island destroys equilibrium 1 and makes it optimal to runin the high-signal island. In this case, runs occur in both islands. The run that occurs in thehigh-signal island is induced by the mere fear of what can happen at the settlement stage.Second, even for the parameter values for which equilibrium 1 exist, given a speculativerun in the high-signal island, it is optimal to run in the low-signal island as well. », XavierFreixas & Bruno Parigi « Contagion and Efficiency in Gross and Net Interbank PaymentSystems », Credit, Intermediation, and the Macroeconomy Readings and Perspectives inModern Financial Theory (Sudipto Bhattacharya, Arnoud Boot, and Anjan Thakor) page.308

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free rider des agents patients de la banque ou le signal est bas peut fairebasculer le bon equilibre vers l’equilibre de panique dans la banque ou lerendement est eleve. Supposons que la banque A recoit un signal haut (ren-dement eleve des actifs) et l’autre banque B un signal bas (rendement faibledes actifs). La strategie adoptee par les agents patients de l’ıle ou le signalest bas est de transferer leur bien a l’autre banque pour beneficier d’une re-muneration plus elevee ((1 − t)cA). L’effet de domino se traduit ici par unediminution du niveau de l’allocation de consommation offerte par la banquesolvable. Ce niveau (cA) est superieur au niveau de la consommation dansl’autre banque (cB), mais toutefois inferieur a l’allocation obtenue en autarcie37. Cette baisse du bien-etre provient effectivement du probleme du passagerclandestin. Les deposants de la banque solvable s’inquietent de la possibiliteque leur banque puisse honorer ses engagements contractuels, une fois lesagents patients arrives de l’autre banque. Cet element, entraıne des rueesd’abord dans la banque solvable, et ensuite dans l’autre banque.

Au cas ou les deux banques recoivent des signaux bas, il n’y a pas decontagion et les banques ne sont pas liquidees car chaque deposant patient,ignorant le signal de l’autre ıle, prefere toujours l’utilite de consommationofferte par l’autre ıle.

Deuxiemement, la contagion des ruees des deposants peut aussi biense produire dans un contexte ou le probleme de free rider est ignore, enconsiderant que la banque ayant un rendement eleve est confrontee a des rueesspeculatives a la Diamond et Dybvig de la part de ses deposants, situationqui declenche ulterieurement des ruees dans l’autre banque, ou le signal estbas.

Pour conclure cette section sur le risque de liquidite dans le systeme depaiement, selon Freixas et Parigi (1998), le systeme de paiement brut doitetre privilegie lorsque la probabilite, que le rendement des actifs soit bas, estelevee et, le nombre de deposants qui veulent retirer pour pouvoir consommerailleurs est faible. Le principal inconvenient est qu’il suppose une utilisationexcessive de la monnaie banque centrale, ce qui oblige la banque a avoir desreserves importantes de liquidites pour faire face aux retraits. Par contre, sila probabilite de faillite de la banque est faible et, le nombre de transactionsest eleve en raison de la mobilite des deposants, les banques preferent adopterle systeme de paiement net. Du fait des lignes de credit intra journalier, lesbanques ont la possibilite d’investir moins dans les actifs a court terme etplus dans la technologie a long terme et de satisfaire les demandes de retraitsans devoir liquider les investissements. La mutualisation du risque de devoirconsommer ailleurs, en permettant aux deposants de transferer leurs biens a

37cA = (1−tc1)[(2−λ)RH+RL](1−t)(3−λ) ; cB = (1−tc1)[(1−λ)RH+2RL]

(1−t)(3−λ)

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Tab.13

–Le

bilan

de

deu

xban

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enT

=2.

L’u

ne

est

solv

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Bilan

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Bilan

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tc1)R

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t)λc A

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t)c B

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une autre banque, contribuent en effet a la maximisation de leur bien-etre.

CONCLUSION

Le present papier s’est propose d’apporter un eclairage sur l’importancereelle du risque de liquidite et sur la necessite de bien evaluer et gerer cerisque, afin d’eviter que les banques, se trouvant temporairement dans l’im-possibilite de respecter leurs engagements, ne deviennent insolvables.

Nous avons recense les principales approches du risque de liquidite dansle cadre d’une architecture bancaire construite progressivement en partantd’une banque individuelle et en aboutissant petit a petit a un systeme ban-caire.

Nous nous sommes appuyes sur la nature du risque d’illiquidite et de sol-vabilite et les problemes qui peuvent survenir suite a leur interaction. Commenous l’avons vu, la liquidite peut constituer un probleme pour une banque,lorsqu’elle subit les ruees de ses deposants. Ces ruees peuvent etre de type« sunspot » ou le hasard est associe au comportement mimetique des depo-sants ou de type informationnel ou la performance de la technologie d’in-vestissement est a la base des decisions. Nous avons egalement accorde uneattention particuliere aux consequences du risque de liquidite au niveau dela contagion sur le marche interbancaire et dans le systeme de paiement. Acet egard le mecanisme de depots interbancaire est un instrument efficaced’assurance de liquidite entre les banques. Mais, il presente l’inconvenient depropager une crise qui touche initialement une banque dans tout le systeme.Concernant le risque de liquidite dans le systeme de paiement, nous avons ob-serve que, dans le systeme brut le risque de contagion de la crise de liquiditea d’autres banques est totalement absent. Par contre, dans le systeme net,les banques sont reliees entre elles, via les lignes de credit, qui favorisent lapropagation des risques de liquidite et solvabilite et de plus, amplifient leurseffets. A defaut d’intervention de la part des autorites monetaires par uneinjection de liquidite dans les banques illiquides, le systeme bancaire, dansson ensemble, risque de devenir insolvable.

Ce papier se propose egalement d’ouvrir de nouvelles perspectives d’ana-lyse du risque de liquidite notamment sur le marche interbancaire. Actuelle-ment, dans la litterature se dessinent deux tendances differentes concernant lerisque de liquidite et ses consequences au niveau de la contagion. La premiereconcerne l’analyse du risque de liquidite et de contagion dans un contexte oules actifs bancaires a long terme sont evalues au prix de marche. La seconde seconcentre sur la gestion quotidienne de la liquidite en fonction de fluctuationsdes retraits des deposants et des investissements dans des actifs illiquides. Je

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me propose dans un travail ulterieur de poser les bases d’un modele de conta-gion sur le marche interbancaire qui utilise les apports des deux tendances,c’est-a-dire, ou les ratios de liquidite sont calcules compte tenu des flux decash-flows et des actifs a long terme evalues au prix de marche.

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