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& INFO COM Journalisme en ligne licence master doctorat SOUS LA DIRECTION DE AMANDINE DEGAND ET BENOÎT GREVISSE PRATIQUES ET RECHERCHES Préface de Jane B. Singer Postface de Nicolas Kayser-Bril

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Le journalisme en ligne bouscule les repères des professionnels de l’information.

Ce livre, rédigé par une équipe internationale de scientifi ques et d’acteurs de terrain, offre une synthèse inédite des nombreuses études qui abordent ce phénomène. Il fournit les clés essentielles qui permettent de comprendre les mutations rapides du journalisme en expliquant, d’une part, ce que sont les nouvelles pratiques professionnelles et en proposant, d’autre part, des méthodes d’analyse.

L’ouvrage décrit le quotidien des rédactions Internet, précise les compétences nécessaires pour pratiquer ce journalisme de l’immédiat et les dérives potentielles auxquelles les professionnels sont exposés.

Les étudiants et les chercheurs trouveront ici des données empiriques recueillies au cœur des rédactions, mais aussi de nombreuses pistes méthodologiques pour aborder leur objet d’étude : de la fabrication de l’information en ligne jusqu’aux produits fi nis présentés sur les sites Web, en passant par les études de réception.

JOULIGISBN : 978-2-8041-7068-4www.deboeck.com

Cet ouvrage s’adresse aux étudiants et enseignants en journalisme ainsi qu’aux professionnels de l’information.

Historienne de l’art et journaliste de formation, Amandine Degand est doc-teur en information et communication à l’Université catholique de Louvain (Belgique). Elle est membre de l’Obser-vatoire du Récit Médiatique (ORM).

Docteur en communication, Benoît Grevisse est professeur à l’Université catholique de Louvain (Belgique) où il dirige l’École de journalisme de Lou-vain (EJL). Il est également membre de l’Observatoire du Récit Médiatique (ORM). Il enseigne à l’Université de Neuchâtel et l’Université de Genève (Suisse) et intervient régulièrement en entreprise de presse dans le cadre d’audits et conseils, comme en forma-tion continuée de journalistes.

Professeur à l’Université d’Iowa (USA) et à l’Université centrale du Lancashire (UK), Jane B. Singer a été la première “news manager” du Prodigy Interactive Services. Elle a également travaillé comme reporter pour la presse écrite et comme rédac-trice en chef.

Nicolas Kayser-Bril est l’un des pionniers du journalisme de données en France. Après avoir mis en place le pôle “datajour-nalisme” chez OWNI, il a cofondé, en 2011, la société Jour-nalism++, une agence accompagnant les rédactions dans leur transition vers le web des données.

Avec les contributions d’Arnaud Anciaux, Luc Bonneville, Geneviève Bonin, Jean-Marie Charon, Daniel Cornu, Dominique Cotte, Édouard Cruysmans, Julien Figeac, Chantal Francoeur, Samuel Gantier, Alfred Hermida, Valérie Jeanne-Perrier, Florence Le Cam, Arnaud Mercier, Nathalie Pignard-Cheynel, Franck Rebillard, Florence Reynier, Omar Rosas, Nathalie Sonnac, Yves Thiran, Annelise Touboul.

Journalisme en ligne

Jour

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LM 1-2D

Dans le cadre du nouveau Système Européen de Transfert de Crédits (E.C.T.S.), ce manuel couvre en France le niveau : Master 1-2.En Belgique : Master 1-2En Suisse : Master 1-2Au Canada : Master 1-2

&INFO COM

Journalisme en ligne

licencemasterdoctorat

SOUS LA DIRECTION DEAMANDINE DEGAND

ET BENOÎT GREVISSE

PRATIQUES ET RECHERCHES

Préface de Jane B. SingerPostface de Nicolas Kayser-Bril

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&INFO COM constitue la bibliothèque de référence de l’étudiant des 1er et 2e cycles en information-communication. La collection porte les labels EJL (École de journalisme de Louvain) – ORM (Observatoire du récit médiatique), gages de sa proximité avec son public étudiant et de sa renommée internationale, et offre à l’étudiant des manuels de qualité, au contenu aussi complet que concis. Dans cette perspective, un appareil pédagogique structure chaque ouvrage.

Ses directeurs, Benoît Grevisse et Marc Lits, sont tous deux professeurs à l’École de journalisme de Louvain (UCL, Belgique) et membres actifs de l’Observatoire du récit médiatique (UCL). Ils sont entourés d’un comité scientifi que international, garantie supplémentaire de la qualité de la collection et de ses proximités avec les programmes des différentes écoles de journalisme et de communication.

COMITÉ SCIENTIFIQUE

BELGIQUE : Jan Baetens (KUL), Daniel Biltereyst (Université de Gand)FRANCE : Jean-Marie Charon (Ingénieur d’études CNRS, EHESS), Daniel Deloit (École supérieure de journalisme de Lille), Yves Jeanneret (Université d’Avignon), Guy Lochard (Université Paris 3), Jacques Noyer (Université Lille 3), Bruno Ollivier (Université des Antilles et de la Guyane), Michael Palmer (Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3), Rémy Rieffel (Paris 2 IFP), Denis Ruellan (Rennes 1 - IUT Lannion), Jacky Simonin (Université de La Réunion), Jean-Claude Soulages (Université Lyon 2), Jacques Walter (Université de Metz), Yves Winkin (École Normale Supérieure Lyon)ROUMANIE : Mihai Coman (Université de Bucarest)SUISSE : Annik Dubied (Université de Genève)CANADA : Serge Proulx (Université du Québec à Montréal), Thierry Watine (Université Laval)CHILI : Bernardo Amigo Latorre (Universidad de Chile)BURKINA FASO : Serge-Théophile Balima (Université de Ouagadougou)R. D. CONGO : François Budimbani (Facultés catholiques de Kinshasa)

TITRES PARUS- Degand A. et Grevisse B., Journalisme en ligne

- Derèze G., Méthodes empiriques de recherche en communication

- Grevisse B., Écritures journalistiques

- Grevisse B., Déontologie du journalisme

- Jespers J.-J., Journalisme de télévision

- Koutroubas Th. et Lits M., Communication politique et lobbying

- Lallemand A., Journalisme narratif en pratique

- Lits M., Du récit au récit médiatique

- Marthoz J.-P., Journalisme international. 2e édition

- Marthoz J.-P., Couvrir les migrations

- Pasquier M., Communication publique

- Sepulchre S., Décoder les séries télévisées

- Verhaegen P., Signe et communication

À PARAÎTRE

- Derèze G. et Diana J.-Fr., Journalisme sportif

- Reyniers A., Communication interculturelle

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Journalisme en ligne

SOUS LA DIRECTION DEAMANDINE DEGAND

ET BENOÎT GREVISSE

PRATIQUES ET RECHERCHES

Préface de Jane B. SingerPostface de Nicolas Kayser-Bril

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Couverture et maquette intérieure : cerise.beMise en page : Frame

© Groupe De Boeck s.a., 2012 1re édition Éditions De Boeck Université Rue des Minimes 39, B-1000 Bruxelles Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiel-

lement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

Imprimé en Belgique Dépôt légal :

Bibliothèque nationale, Paris : décembre 2012 ISSN 2030-8906 Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles : 2012/0074/369 ISBN : 978-2-8041-7068-4

Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez notre site web: www.deboeck.com

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Préface

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PRÉF

ACE

Depuis des siècles, les journalistes considèrent que leur rôle social est essen-tiel au débat public. Tout particulièrement au cours du

XX

e

siècle et au débutdu

XXI

e

siècle, ils ont cru – et c’était dans une certaine mesure justifié – que,sans les informations que les journalistes fournissaient, les populations, dis-persées géographiquement et distinctes démographiquement, ne seraient pasen mesure de prendre part au débat civil, lequel est indispensable à toutesociété démocratique.

Au cours de cette période, les participants à ce débat sont restés cloisonnés,au moins du point de vue des salles de rédaction. Les journalistes parlent àd’autres journalistes, en personne ou au travers d’échanges arbitrés. Et lesjournalistes s’adressent au public, principalement au moyen des produitsqu’ils ont créés et qu’ils contrôlent : journaux, magazines, programmes télé-visés, Internet, etc.

Mais les journalistes ne parlaient jamais réellement avec leur public. Depuisdes centaines d’années, les journalistes ont rassemblé des informations, lesont évaluées, interprétées et y ont réagi ; tout cela, ils l’ont fait dans les limi-tes de la bulle que constitue une salle de rédaction, eux-mêmes étant à l’inté-rieur et le public à l’extérieur. La bulle était perméable à l’informationcentrifuge – des journalistes vers le public –, mais relativement imperméableà l’information transitant dans l’autre direction. Quant au discours public, ilavait généralement lieu, lui aussi, à l’intérieur de la bulle, et seulementlorsqu’il correspondait à la définition de “nouvelle”, définition qui, bienentendu, dépend des professionnels en place.

Internet a fait exploser cette bulle.

1.

La fin de l’isolement

De nombreux changements ont bouleversé le secteur des médias depuis aumoins dix ans, comme nous allons le voir et l’expliquer ci-après. Mais peut-être que rien n’est plus fondamental pour ceux qui occupent des postes dansce secteur économique que cette évolution : d’une salle de rédaction isolée,dont les employés sélectionnaient puis diffusaient les informations qui

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alimentaient le discours public, vers une salle de rédaction qui, au contraire,est simplement une composante supplémentaire d’un milieu informatif nondélimité dans lequel ledit discours prend spontanément naissance en tout lieuet se répand librement partout. Dans ce milieu, les journalistes ont perdu leurrôle exclusif propre, leur identité professionnelle propre qui les distinguaitnettement de leur “auditoire”.

Les journalistes sont devenus une partie du public tout en restant au servicede celui-ci. L’observateur est désormais également un acteur. Le commenta-teur est aussi un interlocuteur. Le reporter est également un assembleur et lerédacteur en chef est aussi un homme de réseau.

Cette évolution des relations entre les journalistes et les citoyens, et par con-séquent de la conception que les journalistes se font d’eux-mêmes, soulève uncertain nombre de questions existentielles et profondément philosophiquess’adressant à des gens dont la place dans le tissu social et la vie publique estsi longtemps demeurée pratiquement incontestée.

N’importe qui peut-il être journaliste ? Si c’est le cas, que se passe-t-il si rienne distingue le professionnel de l’amateur ?

Tout le monde est-il capable de créer quelque chose qui sera unanimement con-sidéré comme étant du journalisme ? Si c’est le cas, que se passe-t-il si aucunevaleur ne réside dans la production d’un groupe professionnel spécifique ?

Le meilleur chemin jusqu’à la “vérité” passe-t-il par la vérification de l’infor-mation disponible avant de la diffuser, la méthode journalistique classique ?Ou vaut-il mieux diffuser l’information disponible le plus rapidement et leplus largement possible de telle sorte qu’elle puisse être façonnée par l’apportet l’éclairage collectifs dans cet espace médiatique, désormais sans limites,que nous occupons tous ?

Lorsque la connaissance généralisée de quasiment tout évènement dans lemonde est sensiblement concomitante de la survenue dudit évènement, quelleest la nature de la responsabilité du journaliste en tant qu’homme decommunication ? Auprès de qui est-il redevable de cette responsabilité, etcomment celle-ci peut-elle être la mieux assurée ?

2.

Questions pratiques

Outre ces questions majeures, il en existe un grand nombre qui sont plus con-crètes, mais auxquelles il n’est pas nécessairement plus facile de répondre.Comme vous le lirez tout au long de ce livre, ces questions couvrent, notam-ment, des sujets technologiques, organisationnels et juridiques.

Comment le journaliste va-t-il concilier les différentes tâches consistant àfournir de l’information dans des formats de plus en plus divers (écrit,

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Préface

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photographie, infographie, vidéo, son), pour un nombre croissant de plates-formes (médias “historiques” tels que la presse et la radio, sites Internet, télé-phones mobiles intelligents, tablettes), et ce, tout en intervenant dans l’espacedes médias sociaux où règne la cacophonie perpétuelle (blogs, microblogstels que

Twitter

, réseaux sociaux tels que

Facebook

et autres nouveautés quiseront apparues au moment où vous lirez ces lignes) ? Comment les salles derédaction et les individus qui y travaillent se préparent-ils à utiliser le plusvite possible la prochaine innovation technologique dont on n’a pas encoreidée ? Et l’innovation suivante, puis celle d’après ?

Comment les organisations qui emploient traditionnellement des journalistescontinuent-elles à engranger assez de recettes pour se maintenir à flot ? L’évo-lution vers un espace médiatique ouvert où tant d’informations sont scanda-leusement gratuites, où tant de publicité est ridiculement bon marché et où lecomportement du public est frustrant, tant il est changeant, constitue unemenace virtuelle à l’encontre de tout modèle économique commercial qui,jusqu’à présent, a fonctionné dans le domaine des moyens de communicationde masse. D’autres modèles de financement existent pourtant. Parmi ceux-ci :les subventions gouvernementales qui ont traditionnellement renforcé lapresse française ; de même que les modèles de journalisme sans but lucratif(

non-profit journalism

) bénéficiant du soutien de fondations philanthropi-ques, voire de généreuses personnes physiques, et qui, ces derniers temps, enAmérique du Nord, sont devenus plus précaires. Mais la pérennité et la viabi-lité à long terme de tels modèles, notamment au cours des périodes économi-ques troublées, demeurent en suspens. Un climat omniprésent d’instabilitéfinancière règne sur de nombreuses salles de rédaction – dans lesquelles l’aus-térité est devenue la nouvelle norme – et s’accompagne d’effets prévisibles surles effectifs, la disponibilité des ressources et le moral des journalistes.

En réponse à ces défis, de nombreuses salles de rédaction se réorganisent.Elles déplacent à la fois les meubles et les gens, définissant des postes nou-veaux et redéfinissant les anciens. Il y a de nouvelles tâches quotidiennes àremplir et de nouveaux délais pour les mener à bien. Pour de nombreusesorganisations agissant dans le domaine de l’information, les produits numé-riques sont passés du rang d’accessoire à celui de clé de voûte et leur créationrelève de plus en plus de la responsabilité de tous les membres de la salle derédaction plutôt que d’un petit groupe de gars un peu fêlés relégués dans uncoin. Le lectorat, qui faisait autrefois l’objet d’un examen mensuel (etencore !), est désormais contrôlé une fois par minute (voire plus) ; et il estétudié dans le détail plutôt que de manière globale. Au milieu du chaos créépar le changement, comment reconnaître les signes du succès ? À ce jour, per-sonne ne le sait vraiment.

En fait, la liste des questions restant sans réponse certaine, voire sans aucuneréponse du tout, s’allonge de plus en plus. Même le cadre légal relativement

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clair dans lequel les médias opèrent est devenu déroutant. Les lois, après tout,sont issues d’un territoire, et à quelques exceptions près, leur champ d’appli-cation s’arrête aux frontières du pays qui les a établies. Le droit français n’estpas tout à fait le même que le droit allemand ou belge, ni que le droit cana-dien. Les lois gouvernant les médias en France ne peuvent pas non plus êtreimposées aux journaux allemands ni aux sites Internet belges, pas plus qu’auxchaînes de télévisions canadiennes, et ce, même si ces pays ont des cadresmédiatiques comparables et une conception collective similaire du rôle dujournalisme dans la société. Comment des lois limitées aux citoyens d’un paysparticulier peuvent-elles s’appliquer à un moyen de communication planétairedont les utilisateurs vivent dans l’un des près de deux cents pays différentsrépartis sur tout le globe, pays parmi lesquels certains ont une idée radicale-ment différente de la fonction que la presse doit assurer ? Ces lois doivent-elles être appliquées au-delà des frontières nationales ? Lesquelles ? Commentest-il même possible de convenir, au niveau mondial, de lois appropriées ? Etqui chargera-t-on de les mettre en application et de les faire respecter ?

Par conséquent, à bien des égards, nous nous apprêtons à entrer dans unenvironnement médiatique qui vient d’être bouleversé par un tremblement deterre dont l’onde de choc n’est pas encore amortie. Les journalistes et lespublics sont engagés depuis peu dans diverses formes de dialogue et soulè-vent des questions restant sans réponse tandis que leurs rôles et relations con-vergent et divergent. Les nouvelles technologies apparaissent rapidement etsont intégrées aux procédures de travail avec des résultats mitigés. Les modè-les économiques anciens ne fonctionnent plus et les nouveaux n’ont pas faitleurs preuves à ce jour. Les tâches et structures des salles de rédaction sonten cours de redéfinition et de reconfiguration, avec des effets inconnus à lafois sur les professionnels qui y travaillent et sur les produits.

En résumé, nous ignorons encore en grande partie ce que l’avenir est suscep-tible de réserver aux journalistes.

3.

S’adapter au changement

Toutefois, l’une des choses que nous savons, c’est que les journalistes vonts’adapter et que la façon dont ils vont s’adapter va influer sur le journalismequ’ils vont produire. Les recherches que j’ai moi-même menées sur unepériode qui remonte à l’apparition du Web comme support viable du jour-nalisme tendent à montrer que, contrairement à ce que sous-entend l’éti-quette galvaudée de “dinosaures” qu’on voudrait leur appliquer, le métier dejournaliste et le rôle des journalistes sont bien plus susceptibles d’évoluer quede disparaître.

Au sein des salles de rédaction, le changement est accepté quelquefois avecréticence, souvent avec lenteur, et presque toujours avec plus de doute que

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de confiance quant à ses chances de succès – et même sans avoir une imageclaire de ce à quoi le “succès” peut bien ressembler. Mais, avec du recul, onse rend compte que l’accumulation de mesures timides finit par donner destransformations significatives, et ce, en un temps considérablement pluscourt qu’une vie d’homme.

Un contenu qui, ne serait-ce qu’il y a quelques années, était transféré, moyen-nant peu de modifications – voire aucune –, du support classique à Internetest désormais fréquemment créé d’emblée pour la diffusion en ligne et dansdes formats novateurs qui exploitent de plus en plus subtilement les capacitésdu moyen de communication concerné.

Il n’y a pas si longtemps, les professionnels des salles de rédaction considé-raient les blogueurs comme des imposteurs et des intrus qui n’avaient pasleur place dans le monde du journalisme ; maintenant, les reporters tiennentleur blog et les blogueurs font du journalisme. Et tous reconnaissent qu’ilstirent avantage de l’extension de la collecte d’information et de la multipli-cation des options de narration.

Récemment encore, les journalistes considéraient les comptes rendus que l’ontrouvait dans les réseaux sociaux comme étant sujets à caution et narcissi-ques, voire ineptes ; ils ont cependant rapidement réalisé que les plates-for-mes de microblogging et de “réseautage social” sont des outils de reportageextraordinaires. Et il est devenu difficile d’imaginer s’en passer pour suivreles dernières nouvelles et les tendances de l’actualité.

Et les journalistes qui n’avaient que rarement, si ce n’est jamais, interagi avecles lecteurs et les spectateurs le font désormais de manière routinière. Le large“public” indifférencié engagé dans un “discours” vaguement conceptualisés’avère être constitué d’un très grand nombre d’individus ayant des chosesintéressantes à dire, pas seulement entre eux mai aussi à destination des gensqui sont à l’intérieur de cette bulle éclatée qu’est la salle de rédaction.

Le changement est inévitable : il a lieu, que nous le voulions ou non. Maispour que le changement soit bénéfique, il doit résulter d’un effort délibéré,intense et collectif.

Pour le journaliste, cet effort comprend un ajustement continu, non seule-ment aux pratiques et aux produits, mais aussi aux perceptions enracinéesdes praticiens et du public, aux rôles et aux responsabilités, aux tâches et auxtraditions… Le défi à relever est ambitieux et présente de multiples facettes,mais il est riche de nombreuses promesses dans un monde interconnecté évo-lutif où l’information crédible est plus importante que jamais pour ce qui estdevenu un débat civil mondial.

Jane B. S

INGER

Université de l’Iowa, États-Unis d’Amérique

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Introduction

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INTR

ODU

CTIO

N

Le journalisme en lignecomme objet d’étude

protéiforme

L’adaptation aux changements occasionnés par l’émergence du journalismenumérique relève d’un effort, comme le suggère J. B. Singer dans sa préface.L’objectif de cet ouvrage collectif sera de passer au crible quelques-uns de cesefforts d’adaptation consentis par une frange grandissante de la populationjournalistique. Il apparaît néanmoins difficile de savoir dans quelle mesure cesefforts aboutiront à une amélioration des conditions de travail des journalis-tes. Aussi vrai que nous savons peu de choses sur l’avenir de la profession,nous ne savons rien du sort qui sera réservé aux études sur le journalisme enligne. Leur spécificité n’est-elle pas, d’ailleurs, déjà contestée ?

Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord revenir sur quelques tra-vaux représentatifs de l’évolution des études sur le journalisme en ligne, sanspour autant prétendre à un état de l’art exhaustif de cet objet tentaculaire.

1.

Quelques travaux marquants

Les premiers travaux sur la presse en ligne prennent corps dans la vagued’études s’intéressant à l’informatisation de la presse (Dagiral et Parasie,2010). Dans ce contexte, Jean-Marie Charon a tôt décelé de nouveaux pro-fils professionnels liés à l’apparition du vidéotexte, incarné, en France, par leMinitel (Charon et Cherki, 1984 ; Charon, 1985, 1991).

À la fin des années 1990, les journalistes prennent lentement conscience duformidable potentiel d’Internet en tant que source d’information. La recher-che présente alors majoritairement le Web comme une voie pour améliorer lejournalisme (Pavlik et Ross, 2000, cités par Le Cam, 2005). François Demers,note que, si peu de gens s’informent en ligne à l’époque, le Web est« cependant investi de grands espoirs comme média-porteur de l’information,comme nouveau débouché commercial pour les produits journalistiques etdonc comme nouveau marché du travail pour les professionnels du journa-lisme » (1998 : 34). Tout en s’interrogeant sur la viabilité d’un marché del’information en ligne, F. Demers constate les atouts de la toile en tant qu’outilde travail journalistique dopant les capacités d’enquête, d’espionnage et de

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Journalisme en ligne

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Introduction

collecte de données (

Ibidem

: 23). Dès 1998, Jane B. Singer s’interroge surl’avenir du rôle journalistique de

gatekeeper

, qui semble avoir perdu de sapertinence dans un univers en ligne où l’internaute est désormais en mesurede sélectionner lui-même l’information qu’il souhaite consulter (1998). Paral-lèlement, Mark Deuze annonce des transformations importantes dans la pra-tique et les valeurs des journalistes qui “passent

online

”. Internet, tout enmettant en danger le rôle d’intermédiaire du journaliste, invite les journalistesà apprivoiser de nouvelles pratiques et technologies et crée, par là même, untype spécifique de journalisme (Deuze, 1999 : 373).

L’optimisme pour les premières expériences de journalisme digital s’accom-pagne d’un certain déterminisme technologique, d’une « utopie communau-taire et techniciste liée à l’irruption des “nouvelles technologies” » (Maigret,2008 : 251). Manuel Castells en est sans doute l’un des plus illustres prophè-tes, pour sa trilogie d’ouvrages : « L’ère de l’information » (1996), « Lasociété en réseaux » (1997) et « Le pouvoir de l’identité » (1998).

Dans cettelignée, certains auteurs parleront de journalisme réticulaire ou

network jour-nalism

, illustrant « la convergence entre un noyau de compétences et de fonc-tions journalistiques et le potentiel civique du journalisme en ligne »

1

(Bardoel et Deuze, 2001).

Mais les prophéties technophiles tournent au vinaigre. Pour Nicolas Pélissier,la révolution annoncée n’aura pas lieu. Il dénonce un sentiment de déjà vuface aux prétendus bienfaits d’Internet. « Et si la technique, contrairementaux prévisions, se révélait être un facteur d’irrationalité, de conflictualité, decomplexification, voire de repli sur soi ? » (Pélissier, 2001 : 7). La formuleest encore empreinte de technodéterminisme, mais l’un des leitmotivs de larecherche des années à venir est déjà bien présent : la recherche des bienfaitset méfaits d’Internet pour le journalisme. Par extension, l’impact de toutesles nouveautés associées au webjournalisme sera questionné. Par exemple :

Quel est l’impact du mode d’organisation convergent ou intégré sur laqualité des productions journalistiques (Singer, 2004 ; Huang

et al.

,2004 ; Bettels, 2005 ; Este

et al.

, 2011) ?

Que dire de l’incidence de la concentration des médias (souvent associéeaux stratégies de convergence) sur les productions journalistiques (Ber-nier, 2008) ?

L’Internet entraîne-t-il une uniformisation des productions (Boczkowskiet de Santos, 2006) ?

Les transformations vécues par les professionnels de l’information et de lacommunication ont-elles une influence sur le moral des journalistes (Baro-mètre CSA 2007 ; Fion, 2008) ?

1. Traduction de l’auteur.

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Introduction

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L’accélération des rythmes de production influence-t-elle la crédibilité descontenus journalistiques en ligne (Cassidy, 2007) ?

Quelle est l’incidence de la reconfiguration des pratiques professionnellessur la régulation et l’autorégulation de la profession (Friend et Singer,2004) ?

Face aux nouveaux supports et aux nouvelles modalités de consommationde l’information numérique, quels sont les modèles d’affaires émergents(Sonnac, 2009) ?

Quels sont les enjeux du journalisme participatif et du phénomèned’«

individualisation de masse

» (Gillmor, 2004 ; Bowman et Willis,2004) des médias ?

S’intéressant au pôle de la réception, d’autres chercheurs se demandent,par exemple, de quelle façon les jeunes consomment de l’information dansun environnement numérique (Mindlich, 2005). Quels sont encore les fac-teurs d’adoption d’un mode de consommation de l’information en ligne(Nguyen, 2010) ? Comment le public consomme-t-il l’information dansdes situations de mobilité (Figeac, 2007, 2010) ? Et la consommation desmédias en ligne se substitue-t-elle à la consommation des médias “tradi-tionnels” (Granjon et Le Foulgoc, 2010) ?

Comment les rôles des professionnels de l’information se trouvent-ilsreconfigurés (Cassidy, 2005) ?

Parallèlement à ces questionnements, des chercheurs se demandent si lestransformations qui affectent la profession journalistique doivent être inter-prétées en termes de rupture ou de continuité (Pélissier, 2001 ; Estienne,2007). Bourdieu notait déjà qu’il y a là un piège : le risque de tomber dans« l’illusion du jamais vu », qui insiste sur l’originalité et la nouveauté des réa-lités observées, ou, à l’inverse, dans « l’illusion du toujours ainsi » (2006 :49). Les professionnels eux-mêmes sont confrontés à cette question : doi-vent-ils interpréter leur vécu comme une évolution ou comme une révolutiondes pratiques professionnelles ? (Degand, 2012).

Le journaliste en ligne, lui-même, doit-il être considéré, dans l’analyse,comme un journaliste comme les autres (Ruellan, 1998) ? Ou comme une“race” journalistique à part entière (Deuze et Dimoudi, 2002), comme uneinstance productrice d’une culture particulière (Deuze, 2008b) ? Y a-t-il, enoutre, des différences notables de culture journalistique si le média est un

pure player

, né en ligne, ou un acteur préexistant, mis en ligne alors qu’ilexistait déjà sur d’autres supports ? Comment classifier les choses ?

Mark Deuze est l’un des premiers à s’être demandé ce qu’est, finalement, unjournaliste multimédia (2004). Un peu plus tard, il en vient à se demanderqu’est-ce que le journalisme tout court (2005). C’est que la question de la cir-conscription du webjournalisme rejoint l’éternelle question qui taraude la

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Journalisme en ligne

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Introduction

sociologie du journalisme de part en part. Denis Ruellan (1993) n’a-t-il pasmontré, à ce sujet, que la profession, tout en se donnant l’air de vouloir con-trôler ses frontières, se complaît, finalement, dans une situation floue per-mettant d’intégrer de nouveaux profils professionnels à mesure que ceux-ciapparaissent ?

Face à ce flou du terrain, les chercheurs optent souvent pour un découpagede la réalité. Ils distinguent, pour les besoins de leur analyse, les journalistesWeb des autres segments professionnels préexistants (que d’aucuns nom-ment les “journalistes traditionnels”, à défaut d’une appellation plus adé-quate). Il est pourtant difficile de croire qu’il existe encore des journalistesqui exercent leur métier traditionnellement, sans profiter aucunement de latechnologie Internet, et sans que la présence d’une rédaction en lignen’influence aucunement leur travail. Une question terminologique, maisaussi typologique, émerge alors. Par ailleurs, l’appellation “journaliste Web”devient boiteuse à mesure que les rédactions en ligne et hors ligne se voientintégrées, dans un processus de convergence. Dans certaines rédactions oùtous les journalistes en poste sont supposés nourrir le site en plus leurs tâchesquotidiennes, on pourrait presque conclure à la disparition de la “race” jour-nalistique exclusivement “Web”…

L’évolution constante du jeune objet de recherche que constitue le journa-lisme digital entraîne donc une évolution des classifications et des terminolo-gies utilisées par les acteurs. Sans doute est-il aussi vrai, inversement, que leregard porté sur le journalisme en ligne par les professionnels et les cher-cheurs influence la façon dont celui-ci se structure, dans la pratique. Mais cesévolutions symétriques ne semblent pas linéaires. En effet, les choix termino-logiques des chercheurs et autres théoriciens dénotent certaines visions dumonde, certaines représentations implicites. C’est flagrant dans le cas de cejournalisme tantôt appelé “journalisme citoyen”, “participatif”, “

grassroot

,

do-it-yourself

”,

guerilla

”,

democratic

” ou encore “

street journalism

”.Certains de ces termes sont plus neutres, tandis que d’autres sous-entendentun engagement citoyen, voire politique, du public, qui instaurerait un nouvelordre démocratique.

Le même problème se pose face à notre objet d’étude central, qualifié, tour àtour, de “cyberjournalisme”, de “journalisme multimédia”, “en ligne”, “Inter-net”, “digital”, “numérique” ou encore de “webjournalisme”. Si les deux pre-miers termes nous semblent un peu datés, nous utiliserons les autresindistinctement. Néanmoins, la pluralité des terminologies semble aller de pairavec une pluralité de traditions de recherche, de points de vue qui se chevau-chent et s’interpénètrent. Parler du webjournalisme implique en effet de par-courir, non seulement l’histoire de la toile elle-même, mais aussi l’histoire desautres médias d’information qui, d’une façon ou d’une autre, se retrouventtous potentiellement agrégés sur l’espace virtuel. On ne peut pas non plus

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Introduction

Introduction

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expliquer les pratiques de recherche, de sélection et de mise en forme de l’infor-mation en ligne sans se référer à une sociologie globale du journalisme. De lamême manière, le

datajournalism

, ne peut être compris qu’en référence auxpremières expériences de

computer assisted reporting

qui a connu ses beauxjours dans les années 1980. Le webdocumentaire témoigne pour sa part autantd’une évolution des pratiques documentaires et cinématographiques que depratiques de narration en ligne. Et cette narration en ligne, elle-même, nedécoule-t-elle pas des premières expériences de productions de contenus viavideotexte ou Minitel ?

2.

Un projet collectif

Vu la multitude des angles possibles pour aborder la question du journalismeen ligne, un projet d’ouvrage synthétique appelait, forcément, à la collectiond’une multitude d’expertises. Cette nécessité était d’autant plus prégnanteque nous souhaitions donner une vision la plus complète possible des enjeuxqui pèsent sur la profession, en différents endroits du globe. Nous avonsdonc ciblé et sollicité des auteurs, chercheurs renommés pour la plupart ouprofessionnels faisant preuve d’une activité autoréflexive. Chacun d’entreeux est spécialiste d’une facette de l’objet d’étude auquel est dédié cetouvrage. Les chercheurs sont principalement issus de la francophonie (Belgi-que, France, Canada, Suisse). Mais Jane B. Singer et Alfred Hermida vien-nent enrichir ce panorama de leur regard et de leur expertise anglo-saxonne.

En ressort un ouvrage qui s’attache à décrire, de la façon la plus didactiquepossible, non pas LE journalisme en ligne, mais LES journalismes en ligne.Dans nos propres travaux ancrés sur le terrain belge francophone (Degand,2012), nous avons dressé le portrait d’un webjournaliste plutôt jeune et plu-tôt déconsidéré au sein de son espace professionnel du fait de ses tâches de

desk

qui, souvent, se limitent à de l’édition ou à de la recomposition de con-tenus journalistiques préexistants. Des constats similaires ont invité certainschercheurs à parler de journalistes « de seconde zone » (Garcia 2008 : 72 ;Quandt 2008 : 89) ou de « pôle dominé » de la profession (Estienne, 2007).Mais cette réalité évolue constamment. Déjà, sur le terrain belge franco-phone, pointent des activités d’animation de communautés, de couverture endirect d’actualités au travers d’outils tels que

Cover it live, Twitter

ou

Storify

,voire même de reportage ou d’investigation. Ceci peut encore sembler bienmaigre en regard des activités des reporters Web et autres datajournalistesqui œuvrent dans les rédactions les plus avant-gardistes du monde. Entre cesextrêmes se dessine un continuum qui oppose, d’une part, un journalisme deprestige, réalisé par des privilégiés pour un public privilégié, et d’autre part,un journalisme grand public, réalisé à moindres frais et symboliquement peuvalorisé au sein de son espace professionnel.

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Journalisme en ligne

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Introduction

3.

Structure de l’ouvrage

En glissant constamment d’un bout à l’autre de ce continuum, cet ouvrageentend donner une vision la plus complète possible, d’une réalité complexeet protéiforme. Nous pourrions en structurer le propos en six partiesprincipales :

Repères historiquesPour ouvrir la réflexion, Jean-Marie Charon revient sur les principauxjalons historiques permettant de comprendre comment le journalisme enligne a vu le jour et s’est organisé, imposant, successivement, différentsdéfis aux acteurs de terrain.

Les stratégies organisationnelles et leurs répercussions identitairesL’article de Chantal Francoeur et Amandine Degand, de même que celuide Florence Le Cam montrent, chacun à leur façon, comment les stratégiesorganisationnelles structurent l’expérience des acteurs de terrain et contri-buent à façonner leur identité.

Analyse des pratiques émergentesCinq chapitres sont consacrés aux mutations qui touchent directement lespratiques professionnelles. Ils portent respectivement sur :

– l’usage des logiciels de mesure d’audience (Yves Thiran),

– les pratiques de vérification de l’information en ligne (Amandine Degand),

– le journalisme participatif (Alfred Hermida),

– l’usage des réseaux sociaux (Valérie Jeanne-Perrier)

– et enfin sur le webdocumentaire (Samuel Gantier).

Enjeux économiquesNathalie Sonnac examine l’un des enjeux les plus préoccupants pour lesentreprises de presse dans leur globalité : le bouleversement économiquequi voit, d’une part, l’entrée de nouveaux acteurs dans la chaîne de pro-duction et, d’autre part, l’émergence de modèles d’affaires qui prennent encompte les spécificités de l’économie d’Internet (concentration, fragmen-tation des audiences, demande de gratuité).

RégulationBenoît Grevisse et Daniel Cornu s’intéressent à ces défis en termes d’auto-régulation. Au-delà des réponses que tente d’apporter la déontologie à la“révolution” du journalisme en ligne, ils montrent en quoi les trois grandsrôles journalistiques définis par l’éthique journalistique permettentd’observer et d’évaluer l’évolution des pratiques.Édouard Cruysmans, pour sa part, esquisse les contours des principauxenjeux juridiques sous-jacents. Il note, entre autres, que le droit de réponse

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Introduction

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et la responsabilité en cascade n’ont pas encore trouvé de développementslégislatifs propres à Internet. En ce contexte incertain, la doctrine et lajurisprudence jouent un rôle extrêmement important.

MéthodologiesLe dernier chapitre, édité par Geneviève Bonin et Luc Bonneville, s’adresseavant tout aux chercheurs et aux étudiants qui souhaitent découvrir lesmultiples options méthodologiques possibles. Il vise à donner quelquesjalons, pour inspirer, sans pour autant chercher à prescrire une voie toutetracée.

Si l’on considère l’ensemble de cet ouvrage, son objectif est certainement defournir au chercheur ou au professionnel (aguerri ou en devenir) les clefs per-mettant de s’orienter dans les concepts théoriques comme dans ces pratiquesen pleine évolution. Il s’agit enfin de rompre avec quelques clichés, souventtrès éloignés de la réalité du terrain… les rédactions en ligne ne ressemblantbien souvent ni au bagne, ni à l’éden journalistique.

Amandine D

EGAND

Université de Louvain, Belgique

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CHAP

ITRE

Chapitre 1 19

1

Historiquedu journalisme en ligne

Jean-Marie CHARON

CNRS – École des Hautes Études en Sciences Socialesà Paris, France

1. Les prémices................................................................................... 202. Les médias à la découverte du Web .................................................... 233. La bulle ?....................................................................................... 264. Web 2.0 et nouveaux acteurs ............................................................ 265. Intégration et “bi-média”................................................................. 296. À la recherche du modèle économique ................................................ 307. L’invention d’une/de nouvelle(s) forme(s) de journalisme...................... 32

Les premières ébauches d’un journalisme en ligne s’enracinent dans l’informa-tisation de la fabrication des journaux au début des années 1970. Dans cesmoments initiaux, qui précèdent l’apparition d’Internet, ce ne sont que quel-ques journaux qui s’aventureront sur la voie des médias numériques. Les unsparlent de “banques d’information” (New York Times), les autres adoptentla terminologie de “journal électronique” (presse européenne), ailleurs il seraquestion de journaux télétextes ou cablotextes (Time Inc. ou Newsday), etc.Il n’est d’ailleurs pas toujours certain, à ce moment, que la presse en ligne soitaffaire de journalistes, le New York Times, s’appuyant plutôt alors sur sesdocumentalistes. Lorsqu’Internet s’ouvre au grand public, au tout début desannées 1990, des journaux vont s’engager sur le nouveau réseau de commu-nication. Les versions numériques de ceux-ci hésitent entre la reprise des con-tenus de l’imprimé et la recherche d’une présentation de l’actualité en tempsréel. L’arrivée du Web 2.0, avec sa dimension “communicative”, au momentoù les débits disponibles deviennent importants, au milieu de la décennie2000, transforme la conception du journalisme en ligne. Désormais celui-cipeut donner toute son ampleur à une écriture multimédia combinant texte,son, vidéo, liens hypertextes, en même temps que l’interrelation avec le publicpeut devenir permanente via les commentaires ou les échanges sur les réseauxsociaux. C’est ce cheminement qui est retracé dans ce chapitre.

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Journalisme en ligne

20 Chapitre 1

1. Les prémicesLes premiers pas d’un journalisme en ligne découlent d’un double mouve-ment interne à la presse (l’informatisation de la fabrication) et externe àcelle-ci, émanant des secteurs de l’informatique, des télécommunications, del’audiovisuel sous la forme du teletexte, du vidéotex et du “câble à hautdébit 1”. Ces deux phénomènes mûrissent, souvent modestement, dans lecourant des années 1970, en Amérique du Nord, en Europe et au Japon. Ilsdonnent lieu à une accélération et à de multiples réalisations accessibles augrand public dans les années 1980. Les éditeurs de presse écrite sont alorstrès présents qu’il s’agisse de titres réputés (comme le New York Times, leWall Street Journal, la Frankurter Allgemeine Zeitung, etc.) ou de très grandsgroupes (Time inc., Bertelsmann, Nikkei, etc.).

1.1 Banques d’informationLa première manifestation d’une presse en ligne prend la forme de “banquesd’information” dans un contexte où la notion de banque de données émergeet s’impose dans le débat public comme enjeu de connaissance, mais aussi demaîtrise des contenus culturels. Plusieurs conceptions se font jour dans lapresse. La première, la plus répandue, concerne la valorisation du contenudu journal lui-même. Numérisé et archivé, il pourra être vendu ou revendu àdes publics professionnels ou semi-professionnels (étudiants). Une deuxièmeconception qu’illustreront le New York Times et le groupe Dow Jones (WallStreet Journal et Barron) se propose de valoriser le travail de traitementdocumentaire de diverses sources d’information (plusieurs dizaines de titrespour le New York Times), et de suivi de l’actualité (notamment les indica-teurs économiques pour Dow Jones ou Nikkei) par les rédactions des titresconcernés.

Le New York Times engage les travaux préliminaires à la création d’une“banque d’information” dès 1968 (Charon 1991). Elle est opérationnelle en1972, commercialisée par NYTIS, une filiale créée à cet effet, sous le nom deThe Information Bank. Au départ il s’agit d’un outil fournissant des référen-ces permettant d’identifier des articles (de plusieurs dizaines de publicationstraitées par le service de documentation), enrichis de résumés de ceux-ci. Parla suite (1980), le New York Times créera d’autres banques d’information,avec accès au texte intégral, en ligne (New York Times On Line). Au débutdes années 1980, l’IFRA (Burkhardt 1984) identifie pas moins d’une dou-zaine de quotidiens américains (dont le Boston Globe, le Christian ScienceMonitor, etc.) proposant des banques d’information. Le phénomène va alorstoucher les quotidiens européens et japonais qui s’engagent dans cette voie,

1. Au sens de réseaux de télévision câblée proposant des dizaines, voire centaines de chaînes.

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même si c’est en la recentrant sur le public professionnel (Rizzoli – Corriere,Le Monde, etc.), en s’appuyant sur des sous-traitants, suite à l’échec annoncépar le New York Times en 1983 qui confie alors cette activité au groupeMead.

La dimension professionnelle en direction de publics ciblés sera rapidementconfirmée par la place que vont occuper les éditeurs de presse économiquedans le développement des banques d’information. Ceux-ci combinerontalors banques de références et banques factuelles en temps réel (cotationsboursières, cours des matières premières, valeur des monnaies, commerceinternational, etc.) Deux groupes vont jouer un rôle pionnier, l’américainDow Jones et le japonais Nikkei (Nihon Keizai Shimbun) (Burkhardt 1984).L’un et l’autre sont construits autour d’un ensemble puissant de banques dedonnées économiques ayant vocation à nourrir différentes publications. Ilss’engagent tous deux, à la fin des années 1970, dans la commercialisation deleurs premières banques de données, qu’ils n’auront de cesse d’enrichir, enmême temps qu’ils multiplient les versions spécialisées. NEEDS et QUICKpour Nikkei, Dow Jones/Retrieval. Cette dernière compte 50 000 abonnésen 1980 et franchit le cap des 200 000 deux ans plus tard. Par la suite ilss’emploieront, pour conforter le développement de cette diversification, àsaisir toutes les opportunités technologiques (développements de logicielspour leurs abonnés) ou en matière de réseaux (vidéotex Captain pour Nikkeiou réseaux de micro-ordinateurs connectés pour Dow Jones).

1.2 Télétexte

Le tournant des années 1970-1980 est riche en expérimentations de nou-veaux supports. Le secteur de l’audiovisuel hertzien ou par câble lance leTélétexte, un mode d’information, texte et illustration très sommaire, acces-sible sur le téléviseur grâce à un décodeur. Les diffuseurs de télévision hert-zienne proposent une information nationale qu’ils nourriront eux-mêmes(BBC, TF1, A2, RTB 2 et BRT 3, ORF 4, etc.). Certains l’ouvrent à desregroupements de journaux ou des titres, comme en Allemagne où cinq quo-tidiens (Frankfurter Allgemeine Zeitung, Frankfurter Runschau, die Welt,Süddeutsche Zeitung, Handelsblatt) disposent chaque jour de 3 pages cha-cun sur un total de 75. La difficulté de relations entre organismes de télévi-sion et éditeurs de journaux, doublée par les faibles performances du systèmeconduiront à l’arrêt de ces expériences à l’arrivée d’Internet.

2. La RTB devient la RTBF (Radio-Télévision belge de la Communauté française) en 1977, suite à la fédéralisationde la Belgique.3. En 1991, La BRT devient la BRTN (Belgische Radio- en Televisieomroep Nederlandstalige Uitzendingen). Ellechange encore de nom en 1998 pour devenir la VRT (Vlaamse Radio- en Televisieomroep).4. Österreichischer Rundfunk (Radiodiffusion autrichienne).

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22 Chapitre 1

Les câblo-opérateurs nord-américains, proposent une formule de télétexte,dite “plein canal” sur leurs réseaux qui, à cette époque, ont des capacitésdépassant les cent chaînes. Ce télétexte aux capacités beaucoup plus impor-tantes (jusqu’à 5000 pages) permet des éditions locales, ou “nationales”comme se proposera de le développer le groupe Time inc., éditeur de pressemagazine (Time, Life, People, Fortune, etc.) et câblo-opérateur (HBO). TimeInc. fait travailler à blanc une rédaction qui dépasse un temps la centaine dejournalistes. En 1983 des tests ont lieu à Orlando (Floride) et San Diego(Californie). Le passage en vraie grandeur n’aura jamais lieu, le groupe déci-dant d’arrêter son service, faute de la moindre ébauche de modèle économi-que. Localement, Newsdays (périphérie de New York), du groupe TimeMirror, testera sur un canal du câble un service de texte au graphisme affiné,en alternance avec la diffusion d’un journal d’information vidéo. Newsdayorganisera sa rédaction sous une forme intégrée, les journalistes situés sur unmême plateau réalisant au jour le jour le quotidien imprimé, le journal vidéoet les pages télétexte. Au milieu des années 1980, le journal séparera lesrédactions pour éviter la gêne occasionnée aux équipes du print par leur col-lègue de l’électronique et surtout de la vidéo.

1.3 VidéotexLe vidéotex apparaît dans la même période à l’initiative des opérateurs detélécommunications qui sont alors en Europe des émanations des États,entreprises publiques (British Telecom) ou administrations (DGT enFrance 5). Selon les pays, le vidéotex sera accessible sur le téléviseur munid’un décodeur et d’un clavier (Prestel en Grande Bretagne, Bildschirmtext enAllemagne, Videotel en Italie) ou à partir d’un terminal dédié (Minitel enFrance). La norme d’affichage est pauvre (4 à 500 caractères par page écranet graphisme mosaïque grossier). En revanche la capacité de stockage est infi-nie, offrant un accès par mode arborescent ou par mot clé, il permet la con-sultation des banques de données même si sa vocation principale est grandpublic. Partout en Europe, la presse quotidienne, périodique, comme lesmédias audiovisuels, participeront aux expérimentations et tentatives dedéveloppement commercial. Ils devront finalement renoncer, faute de voir lenouveau média séduire un public suffisant. Le groupe britannique Birmin-gham Post and Mail fut le premier à créer un “journal électronique” (Viewtel202) en 1978. Sa filiale télématique comptera jusqu’à une trentaine de per-sonnes. Le Financial Times créait quant à lui Fintel avec un contenu prochede celui proposé par Dow Jones. Il renoncera quatre ans plus tard, à peu prèsen même temps que le New York Times, confiant lui aussi ses contenus à desgroupes spécialisés dans les banques de données professionnelles. La Francesera le seul pays où le vidéotex deviendra un véritable média grand public

5. Direction Générale des Télécommunications.

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durant un peu plus d’une décennie, grâce à la combinaison d’une distributiongratuite de plusieurs millions de terminaux par la DGT et la mise en placed’un système de rémunération des éditeurs, appelé “kiosque télématique” 6

exploité directement par l’opérateur de télécommunication.

En France, toutes les formes de presse proposeront des contenus pour leMinitel, quelques titres se distinguant particulièrement, comme Libération(Libe), Le Parisien (PL), Le Nouvel Observateur (Obs), Sud ouest (SO), lesDernières Nouvelles d’Alsace, La Cote Desfossés, etc. La plupart créerontpour l’occasion des rédactions au sein desquelles cohabitaient rédacteurs,graphistes et opérateurs de saisie (Charon, 1991). La question même del’écriture et du mode de traitement de l’information fera l’objet d’études, deformations et de recommandations (Cfpj, 1983). Le contenu initial du “jour-nal électronique” consistait en une reprise factuelle des contenus des versionsimprimées. Cependant les goûts du public conduisirent les éditeurs à déve-lopper des combinaisons d’information, de jeux et de messageries instanta-nées (se rapprochant des chats actuels), ces deux derniers contenus assurantl’excellente rentabilité de ces services télématiques.

Les quotidiens – qui ont d’ailleurs inventé les “messageries instantanées”(Les Dernières Nouvelles d’Alsace) – acquerront, au fil des années, une maî-trise éditoriale dans la combinaison de l’information chaude, le suivi d’évé-nements (sportifs, institutionnels, politiques), les banques de données (coursde bourses, indicateurs économiques, performances sportives), les services(météo, programmes des spectacles), les petites annonces, etc. Certains sau-ront adapter les techniques des messageries afin d’en faire le cadre de dialo-gues avec des personnalités ou de débats sur l’actualité. Il est probable quesans le succès mondial du Web à partir de la seconde moitié des années 1990,la télématique de presse appuyée sur le Minitel aurait pu se maintenir, voireprospérer encore, en France, de nombreuses années, même si le terminal etles contenus peuvent apparaître pauvres. Cependant nombre de types de con-tenus qui prendront naissance sur le Web avaient trouvé des formesembryonnaires sur le Minitel, favorisant le passage de l’un à l’autre pour leséditeurs, des responsables de sites de presse ayant fait leurs armes dans latélématique grand public ou professionnelle.

2. Les médias à la découverte du WebQuelques journaux vont accompagner les premiers pas d’Internet. Le Chi-cago Tribune, hébergé par AOL, fournit ses premières pages d’information

6. Les éditeurs ont la possibilité de choisir parmi plusieurs niveaux de taxations qui vont leur permettre d’êtrerémunérés différemment. L’utilisateur connaît ce niveau de taxation qui correspond à un numéro d’appel (3615,3617, etc.). La taxation se fait à la durée. Les recettes sont perçues directement par l’opérateur de télécommunica-tion, qui reverse automatiquement les sommes correspondantes aux éditeurs.

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24 Chapitre 1

en 1992, l’année de la création d’Internet Society, alors même que n’existentque quelques dizaines de sites à travers le monde. Le San Jose Mercury Newsest le premier quotidien en libre accès sur le Net en 1993. Rapidementd’autres journaux se joindront à ces pionniers en Amérique du Nord, ainsiqu’en Europe. Pour la France, 1995 est l’année décisive avec l’ouverture dessites de quotidiens tant nationaux (Le Monde, Libération, L’Humanité, etc.)que régionaux (Dernières Nouvelles d’Alsace, Nice Matin, Ouest France,etc.). En Belgique, Le Soir crée le premier site d’information de la presse fran-cophone, en 1996. Les structures sont modestes, mêlant informaticiens, jour-nalistes, parfois documentalistes ou “concepteurs télématiques” pour lesjournaux français. Aux États-Unis, 1995 voit également la naissance du pre-mier pure player généraliste d’information, le site Salon. Il sera suivi l’annéesuivante par Slate lancé à l’initiative de Microsoft.

Dans cette période initiale d’Internet les entreprises de presse et principale-ment les groupes plurimédias s’interrogent sur les rôles qu’ils peuvent jouersur le nouveau média. Très vite les quotidiens américains se verront aussibien fournisseurs d’informations que portails, accueillant activités distracti-ves, commerciales ou de service. L’idée de portail coïncide alors avecl’inquiétude, quant à l’avenir des petites annonces dont certaines vont migrertrès tôt sur de nouveaux venus (Monster, Craigslist, etc.) Créer de puissantsportails semblait constituer un gage d’attractivité pour les utilisateurs et doncpour conserver les petites annonces. L’activité de fournisseur d’accès (FAI)pouvait également apparaître comme s’inscrivant naturellement dans degrands groupes de communication plurimédias. Tel fut le pari de Lagardèreavec Club Internet, de Time Warner qui fusionnera avec AOL. Bertelsmannde son côté s’allie dès 1995 avec AOL pour créer AOL/Bertelsmann OnlineEuropa. Il s’agit alors de développer une activité de serveur (1996) puis lacréation de services d’information, de divertissement, etc. à commencer parRTL aktuell on-line (mars 1997), avec la perspective de canaux sport, jeu,etc. Il sera également question de mettre au point un système de navigationpropre et de moteur de recherche. Symbole de l’importance prise par cettestratégie, c’est Thomas Middelhoff, responsable de la direction Strategie undNew Media, qui prend la tête du groupe en 1998. Il ralliera Vivendi à sonprojet de conquête du Web européen. La fusion AOL Time Warner ruinerace partenariat plutôt fructueux 7. De fait, plus aucun de ces groupes n’est pré-sent comme FAI, tout comme les portails de presse ne figurent pas parmi lesleaders mondiaux. Le métier de la presse en ligne s’est recentré sur l’informa-tion et l’activité de ses rédactions.

Dans cette première période de découverte d’Internet, la presse quotidienneaméricaine, puis européenne, procède à une transposition de son contenu surle nouveau support, associée à quelques services (accès aux archives, petites

7. La vente de la participation de 50 % de Bertelsmann dans AOL Europe a lieu en 2001.

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annonces, etc.). Les textes numérisés, avant d’être imprimés, sont repris etadaptés à la mise en forme du nouveau support (Rebillard, 2006). Le débitencore assez bas n’interdit pas les dessins et photos, soit un avantage auregard des supports télématiques, notamment le Minitel pour les journauxfrançais. La disponibilité permanente du nouveau support et les délais rapi-des de traitement de l’information permettent également de proposer un suivide l’actualité en continu, avec des délais très courts – en “temps réel” – sousforme de brèves, quasiment au rythme des agences (Pélissier, 2003). Un autreattrait réside dans la possibilité de proposer des liens hypertextes vers ladocumentation et les archives du journal (lorsqu’elles sont numérisées), ouvers des sites externes. Lors de la guerre des Balkans, Liberation.fr donneainsi accès, via ces liens externes, aux sources contradictoires serbes, albanai-ses, américaines, ainsi qu’à des documents officiels (Pélissier, 2003). En théo-rie la fourniture de son est possible dès 1995, mais ne trouvera sa place qu’àpartir de 1997-1998. La vidéo est en revanche inexploitable tant les tempsde téléchargement sont longs. Même certains des concepteurs des nouveauxcontenus, notamment issus de l’informatique, cherchent à définir des modesde présentation et d’écriture qui soient propres au nouveau média. Dans sesgrandes lignes, la présentation de l’information reste proche de celle del’imprimé.

Les premières équipes chargées de développer les versions Internet des jour-naux associent pour la plupart informaticiens, journalistes, graphistes etdocumentalistes. Les informaticiens sont souvent les plus nombreux, les plusactifs et les plus enthousiastes. Dans les pays où la télématique, voire les ser-vices destinés aux micro-ordinateurs en ligne, avaient conduit à spécialiserdes journalistes dans l’édition de contenus électroniques, tels la France ou lesÉtats-Unis, ce sont ces journalistes qui feront le lien entre cette préhistoire dujournalisme en ligne et la presse sur le Web. Dès ce moment commencent àcohabiter au sein des équipes des journalistes expérimentés, parfois âgés, quise sentent un peu sur la touche pour certains, et des jeunes attirés tant parInternet lui-même, que la perspective d’inventer de nouvelles formes édito-riales et manières de pratiquer le métier. Il n’empêche que, dès ce moment, lejournalisme Internet, qualifié alors de “cyberjournalisme”, offre une imagedécalée, voire dégradée de la profession : il est “assis”, à forte dimensiontechnique, en même temps qu’il doit souvent assumer des fonctions commer-ciales (Pélissier, 2003). Les choix d’externalisation (juridiques ou physi-ques 8) des rédactions Internet produisent une coupure entre journalistestraditionnels et cyberjournalistes qui ne se connaissent et ne se croisent mêmepas. Partout la tendance est, en effet, à constituer des équipes “dédiées” àInternet. Aux États-Unis, nombre de journaux ou groupes de presse (DowJones, New York Times, Tribune Company, CNN, etc.) créent des filiales

8. Amandine Degand rappelle que l’équipe du Lesoir.be est installée dans d’anciens locaux du journal, dans unlocal appelé “La piscine” parce qu’entièrement carrelé.

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Web dont ils attendent une rentabilité rapide et substantielle (Smyrnaios2009). En Europe Pearson, Editorial l’Espresso, Il Sole 24 Ore adoptent desstructures comparables. En France, Le Monde s’inspirera de cette approcheen s’associant au groupe Lagardère pour créer Le Monde Interactif.

3. La bulle ?Rapidement les uns et les autres vont connaître un emballement qui conduiraà l’éclatement de la bulle Internet, en mars 2000. À la veille de celui-ci, leséquipes dédiées au Web sont souvent devenues nombreuses. CNN interactiveemploie 750 salariés. Dans la presse américaine, il y a soixante journalistesdans l’équipe Web du Wall Street Journal, cinquante dans celle de USA Today,quarante dans celle du New York Times (de Tarlé 2006). En Europe FTcomemploie cent personnes. Il y en a autant à eTF1 (Vernadet, 2004) et 90 à M6Web. La presse quotidienne française est un peu plus prudente avec soixantepersonnes au Monde Interactif, comme aux Échos ou trente à Libération. Lesinvestissements sont importants et comme les ressources sont faibles, les défi-cits se creusent. En 1999 le déficit du New York Times sur le Web est de50 millions de dollars alors que le chiffre d’affaires ne s’élève qu’à 25 millions.Pour le Washington Post c’est encore pire, avec un déficit de 85 millions dedollars pour 20 millions de chiffre d’affaires. L’éclatement de la bulle est unvéritable cataclysme qui oblige les éditeurs à faire marche arrière. Les équipesfondent brutalement. Un titre comme Le Parisien n’a plus de cyberjournalis-tes, se contentant de proposer une version numérisée des éditions papier. Cen’est qu’avec le l’arrivée combinée du Web 2.0 et la généralisation de débitsplus élevés (ADSL) que les éditeurs reviendront progressivement dans un pay-sage de l’information en ligne substantiellement transformé.

4. Web 2.0 et nouveaux acteursLa référence à la notion de Web 2.0 n’ignore pas les critiques faites à celle-ci,notamment sa dimension d’idéologie à forte connotation techniciste (Rebillard,2007 ; Bouquillon et Matthews, 2010). Elle prend simplement un repère assezcommunément retenu pour situer une nouvelle période d’Internet qui s’ouvredans les années 2003-2005. Celle-ci est marquée par la conjonction de plusieursfacteurs qui vont profondément modifier le contexte dans lequel les entreprisesde presse en ligne vont progressivement reconstruire et repenser leur activité.

Le premier de ces facteurs tient à la montée en puissance, l’élargissement del’ADSL dans le grand public. Désormais celui-ci peut recevoir aisément pho-tographies et vidéo, alors même que de nombreuses applications participati-ves deviennent faciles d’accès. Simultanément une sorte de masse critique estfranchie avec le milliard d’internautes à travers le monde.

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Un second facteur est constitué par la montée en puissance des moteurs derecherche et le rôle particulier joué par Google. Ceux-ci ramènent vers l’uti-lisateur, désormais en toute simplicité et sans effort de sa part, une multitudede données et d’informations puisées aux sources les plus diverses.

Un troisième facteur tient aux nombreux intervenants nouveaux dans ledomaine de l’échange de contenus et de services, à commencer par les plate-formes de musique, de vidéos, de photos, etc. (Myspace, YouTube, Flickr…).Au-delà, le e-commerce ou les services prennent leur essor dans le grandpublic avec des intervenants tels que eBay ou Amazon. Les internautesapportent leurs expériences, idées, émotions, créations ou informations à dessites sociaux tels que Doctissimo ou Aufeminin.com. Très vite arriveront lesréseaux sociaux, principalement Facebook, puis Twitter, qui transforment,à nouveau, les conditions dans lesquelles une part importante des internautesaccède aux contenus même de la presse en ligne, au travers des “recomman-dations”, des liens proposés avec un article, une reproduction de la Une,“d’amis à amis” ou d’abonnés à abonnés.

C’est dire que la presse en ligne doit trouver son chemin et sa place dans unenvironnement plus diversifié, comportant davantage d’acteurs, parfois puis-sants, dans des domaines d’où elle pensait pouvoir tirer une part de ses recet-tes à commencer par l’e-commerce et les services. L’information elle-mêmene semble plus lui être réservée, puisque les portails des FAI comme lesmoteurs de recherche offrent celle-ci 9 à de très larges audiences (Rebillard,2006). Intervient simultanément la notion de “journaliste citoyen”.

9. Dans un sondage de décembre 2011 (IPSOS MSN) sur les médias pour s’informer sur la présidentielle françaisede 2012, les portails devancent sensiblement les sites de médias.

Le journalisme citoyenIl s’appuie sur la combinaison de deux phénomènes : d’une part les blogs,qui vont fleurir par dizaines de milliers. Ils sont déjà plusieurs millions en2004. Cette réalité nouvelle va s’illustrer spectaculairement en 2005 enFrance, lors du référendum sur la Convention Européenne, qui voit un blo-gueur (Étienne Chouard), amateur et en même temps expert, retenirl’attention d’un public large, alors que ses analyses du projet de texte sontreprises par les médias (Cardon, 2010). D’autre part des sites d’informa-tion communautaires, tels que le coréen Ohmynews, les américains Indy-media ou HuffingtonPost, le français Agoravox, font leur apparition,gagnant une audience significative, en même temps qu’une authentiquecrédibilité. Aux États-Unis l’audience du HuffingtonPost dépasse celle duNew York Times en 2011.

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Dans ce contexte inédit, la presse en ligne a de nouveaux concurrents. Ellevoit surtout s’intercaler, entre elle et son public, des intermédiaires toujoursplus nombreux : fournisseurs d’accès (FAI), moteurs de recherche, réseauxsociaux, voire même fabricants de matériel, lorsque Apple lance successive-ment l’iPhone, puis la tablette iPad. Or ces intermédiaires ou “infomédiaires”(Rebillard et Smyrnaios, 2010) sont de puissants groupes internationauxbénéficiant de positions dominantes tels Google, YouTube, Facebook,Twitter, etc. Outre le fait qu’ils bouleversent les conditions d’accès aux con-tenus, ils interfèrent profondément dans les modèles économiques à recons-truire pour la presse en ligne qu’elle soit pure player ou rattachée à un média“traditionnel”.

Au moment de la relance des stratégies sur le Web la presse en ligne estsouvent réduite à des structures minimum, parfois limitée à des noyauxd’informaticiens chargés de maintenir de simples sites vitrines ou “sites com-pagnons”. En France, à Libération, l’équipe d’une trentaine de personnes estramenée à neuf. La rédaction Web elle-même passe de 15 à 6 journalistes. EnBelgique, l’équipe Web de la RTBF passe de 12 à 3 journalistes, jusqu’en2008. Le redémarrage est partout très progressif et les approches sont beau-coup plus prudentes. Le Web est installé au sein de l’entreprise éditant lejournal (Smyrnaios, 2009). Les recherches d’économies et de synergies sontà tous les étages. Dans l’univers anglo-saxon, l’idée “d’intégration des rédac-tions” fait son chemin. En revanche, si chacun des sites paraît beaucoup pluslimité dans ses ambitions, avec des moyens très réduits, simultanément seproduit une généralisation de la démarche, chaque publication se devantd’avoir désormais sa version numérique. À l’intérieur de ce mouvement,quelques sites se détachent et s’imposent dans chaque pays comme leaders enmatière d’audience. Ce sont pour la plupart des quotidiens de référence, telsque le New York Times, le Guardian, La Repubblica, Le Soir, Le Monde,etc. Plus rarement des news magazines se sont également installés parmi cesleaders, tel le Spiegel en Allemagne. Parallèlement, dans quelques pays émer-gent des pure players, dont certains échouent rapidement, faute de moyensfinanciers suffisants (NetZeitung en Allemagne, Soitu en Espagne). LaFrance, elle, connaît, à partir de 2007, une situation assez unique avec lamultiplication de pure players d’information générale (Rue89, LePost,Mediapart, Owni, Atlantico, etc.), soit près d’une dizaine de sites dotés derédactions employant des journalistes professionnels 10.

Les contenus de la presse en ligne dans ce contexte de relance du milieu desannées 2000 se modifient substantiellement. La dimension de l’informationchaude et en continu se confirme et s’amplifie – “information permanente”selon l’expression de Roselyne Ringoot (2002) – au sens où l’amplitude

10. Une loi de 2009 crée, en France, un statut d’éditeur de presse en ligne, défini précisément par l’emploi de« journalistes professionnels » (Derieux, 2010).

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horaire couverte quotidiennement augmente pour atteindre une vingtained’heures. Des équipes se relaient au sein des desks pour fournir flashs, sélec-tions de dépêches, articles de dernière minute. L’approfondissement des prin-cipaux sujets d’information est à la charge de pôles qui proposent aussi bienun développement de l’actualité politique, que des dossiers dans des domai-nes qui vont de l’économie à la culture, en passant par les sciences ou la viepratique. L’actualité va être le premier domaine à voir s’exprimer la recher-che d’une écriture multimédia qui combine le texte, le son, la vidéo, ainsi quetoutes formes d’images (dessin, infographie, photo), en même temps que lesliens internes et externes. Dans sa version 2005, Lemonde.fr, par exemple,accentue sensiblement la place de l’image photographique, mais égalementvidéo. Cette écriture multimédia va également intégrer des modes d’applica-tions permettant des formes d’organisation et de présentation inédits del’information à l’image des live tweet et autres Storify. Des traitements iné-dits émergent au travers du datajournalism (Joannès, 2010), des webdocu-mentaires ou des news games. Un dernier volet très riche, bien que lent às’installer dans les rédactions concerne l’intégration des contenus produitspar les internautes. C’est l’UGC ou User Generated Content qui dans sesmodalités les plus basiques s’exprime au travers des “commentaires”, desvotes et classements des articles. C’est également la coopération au travaildes rédactions par la participation aux chats et forums. Les plus attirés parl’expression créent leurs blogs sur les plateformes ouvertes par les sitesd’information. Progressivement l’échange avec les journalistes peut devenirpermanent au travers des pages Facebook et des comptes Twitter. Quelquessites intègrent plus intimement encore le public dans des formes éditorialesspécifiques telles que les enquêtes participatives (Guardian, Owni) ou encorela programmation éditoriale (conférence de presse en ligne de Rue89 11, opennewslist au Guardian).

5. Intégration et “bi-média”Dès la relance de l’après-bulle, les rédactions anglo-saxonnes s’engagent dansla voie des rédactions dites “intégrées” (Smyrnaios, 2009). Les filiales Inter-net étant dissoutes, quelques-uns des professionnels, notamment journalistes,sont installés au sein des entreprises éditant les quotidiens. Progressivements’impose l’idée selon laquelle une même rédaction a vocation à servir l’ensem-ble des supports. La newsroom de Blick (édité à Zurich par le groupe suisseRingier) alimente ainsi les contenus du quotidien Blick, de l’hebdomadaireSontag Blick, du gratuit du soir Blick am Abend et du site Blick.ch. Tout dumoins tel est le principe affirmé par les tenants de ce modèle. Les journalistesde l’imprimé, notamment locaux, traitent l’information pour chacun des

11. Hebdomadaires, chaque jeudi matin et ouvertes à l’ensemble des internautes qui le souhaitent.

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supports. Ils sont équipés et formés de manière à présenter celle-ci selon sanature par le texte, la photographie, le son ou la vidéo. De leur côté, les spé-cialistes du Web sont invités à écrire également pour l’imprimé. La traductionla plus palpable de cette nouvelle organisation est la disparition des doublonsde services (politique, international, économie, information générale, culture,etc.) pour chacun des supports.

Dans les faits, un modèle de rédaction tend à se généraliser. Il opère un com-promis entre la nécessité de rationaliser les structures, de maîtriser les coûtset les impératifs visant à proposer pour chaque support un contenuspécifique ; ce à quoi renvoie la notion de “bi-média”. À l’imprimé revien-nent le long, le fond, l’approfondissement : ce qu’il est convenu de qualifierd’information à valeur ajoutée. En tout cas il s’agira de contenus qui se trou-vent valorisés pour le public par leur présentation sur le papier. Aux diffé-rents supports numériques reviennent les contenus que servent le mieux cesderniers, qu’il s’agisse de l’immédiateté, de l’interrelation avec le public oude la combinaison des récits par le texte, le son, l’image et les liens. La ques-tion est d’autant plus cruciale, alors que la part qui reviendra à chacun dessupports est difficile à anticiper, où des titres penchent nettement pour uneproduction principalement numérique sur le modèle du Christian ScienceMonitor, quotidien de Boston, qui n’imprime plus qu’un magazine hebdo-madaire après avoir abandonné sa version quotidienne papier en 2009. Lemodèle concret de rédaction, encore en évolution, comporte un noyau cen-tral de traitement de l’ensemble des domaines d’information, avec ses servi-ces traditionnels. Articulé à celui-ci des pôles sont chargés de l’adaptation-finalisation des contenus à chacun des supports, comme des pôles fonction-nels propres à un support particulier, tel que le desk alimentant les supportsnumériques en actualité instantanée, souvent aussi un atelier vidéo (avec ousans studio), ainsi qu’une équipe composée des différents spécialistes de larelation aux internautes (community managers, social media editor, etc.). LeGuardian, qui fait pourtant partie des plus fervents tenants de l’intégrationdes rédactions, a créé un tel pôle chargé de la relation au public, qu’il conviedésormais à lui soumettre idées de sujets et hiérarchisation de ceux-ci.

6. À la recherche du modèle économiqueÀ l’origine, la presse écrite investit dans le Net pour compenser ce qu’ellecraint de perdre en ressources, au travers des petites annonces, aisémentvalorisables par des pure players. Le norvégien Schibstedt s’engage, dès1996, dans la création de sites d’annonces (classified) très profitables. OuestFrance réussit le développement des réseaux Leboncoin 12 et Maville. Larentabilité du Figaro dans les médias numériques est directement issue des

12. Développé conjointement avec Schibstedt, qui a racheté la totalité de celui-ci en 2010.

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produits de sa filiale Aden Classified et ses sites spécialisés (Keljob, Cadreem-ploi, Explorimo,...).

Une seconde menace concernait la publicité commerciale qui pouvait êtreaspirée par le nouveau support en proportion des audiences générées parcelui-ci. La seule option possible était de créer des sites de contenus, les plusattractifs possibles ; ce qui a semblé être le cas dans la période qui précèdel’éclatement de la bulle Internet, alors que les sites de la presse ou des médiasétaient partout leaders de l’audience. Cette situation a basculé alors que lapresse avait réduit la voilure, et que les nouveaux venus prenaient leur essor.Désormais, les audiences de la presse en ligne arrivent loin derrière celles desmoteurs de recherche, des grands portails ou des réseaux sociaux. En France,les cinq premiers sont respectivement 13 Google, Facebook, MSN, YouTube,Orange. En France, le premier site de presse est celui du Figaro. Il se classeen vingt-sixième place. C’est dire que la presse en ligne est loin d’être lamieux placée pour capter les recettes de la publicité commerciale sur le Web.

Enfin la question se posait du point de vue de la lecture des journaux, le publicjeune pouvant être séduit par un mode de présentation de l’information enadéquation avec la découverte des potentialités des supports numériques,d’autant que ceux-ci se trouvaient majoritairement proposés gratuitement. Lapresse se devait donc d’accompagner son public sur le nouveau support.

Dès l’origine, une hésitation se faisait jour quant aux recettes que pouvaitattendre la presse en ligne. Des titres forts tels que le Wall Street Journaloptèrent pour l’abonnement. Le courant dominant fut en faveur d’un modèlemixte, avec un accès gratuit à l’actualité, générant les audiences nécessairespour attirer les annonceurs, en même temps qu’y était associée une gammede services, à commencer par le e-commerce. Un volet abonnement, voireachat d’articles 14, pouvait compléter cette approche donnant la priorité àune conquête de l’audience basée sur la gratuité. Concrètement les stratégiesdes journaux varieront, selon leur contenu et leur lectorat. Les quotidiens deréférence développeront davantage l’abonnement à l’image du New YorkTimes, même si des retournements ont pu s’opérer notamment vers la fin dela décennie 2000. La crise économique qui s’ouvre en 2007 va ruiner l’orien-tation basée sur le “tout gratuit” proclamée un temps par Rupert Murdoch.L’effondrement du marché publicitaire rend patent le fait que les progres-sions substantielles de l’audience ne permettent pas de faire progresser lesressources publicitaires, voire ne peuvent empêcher leur recul pour la presseen ligne en 2009. Dès lors il devient évident qu’un modèle économique est àconstruire, basé sur un équilibre entre des coûts strictement maîtrisés et desrecettes, issues de l’addition de différents modes de rémunération, de la vente

13. Source Mediamétrie/Netrating pour le mois de septembre 2011.14. Le quotidien économique Les Échos pratique cette forme de “micro-paiement” bien avant que cette notion nedevienne une priorité affichée pour les journaux à partir de 2009.

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de l’audience aux annonceurs, à la vente par anticipation d’un contenu auxinternautes (crowdfunding), en passant par la commercialisation des infor-mations concernant le public, le e-commerce, les services, etc.

Pour les rédactions, le modèle économique qui se cherche et se construit àtâtons n’est pas neutre. La maîtrise toujours plus drastique des coûts ad’abord poussé à l’intégration entre imprimé et numérique. Elle se traduitaussi par une tendance à employer moins de journalistes. Elle va de plus enplus obliger à repenser dans la production, l’emploi des journalistes salariésdes rédactions, la coopération avec des journalistes indépendants ou pigistestravaillant pour plusieurs sites ou titres, mais aussi avec des non-journalistes,spécialistes des sujets présents dans l’actualité (Estienne, 2007). La recherchede recettes plus importantes et plus diversifiées s’est traduite, avec l’entrée enlisse des moteurs de recherche, par l’obligation d’une collaboration plus ser-rée entre rédaction et marketing afin d’optimiser le référencement des arti-cles. Le poids de la recommandation sur les réseaux sociaux, évident depuis2008, impose de réserver des postes de journalistes au profil très particulierpour la relation avec les internautes. Enfin, le développement du “freemium”exige une innovation forte en matière de contenu (datajournalism, webdocu-mentaires, etc.) qui ne peut être obtenue sans une coopération intime entrejournalistes et développeurs. C’est ainsi qu’une rédaction telle que celle dupure player Owni.fr fut d’emblée organisée à partir de trios : journaliste,développeur, graphiste.

7. L’invention d’une/de nouvelle(s) forme(s) de journalisme

À l’origine, les sites de presse en ligne emploient peu de journalistes, dont onne reconnaît pas toujours le statut professionnel 15. Dans leur majorité, ils’agit de profils de secrétaires de rédaction dont le rôle est de transférer lescontenus de l’imprimé sur le nouveau support. Progressivement vont s’agré-ger des rédacteurs produisant des articles originaux ou chargés de sélection-ner et adapter les dépêches d’agences. À ce stade, le journalisme sur le Web,comme l’avait été le journalisme télématique, est essentiellement “assis”.

L’apparition progressive, qui s’accélère à la fin de la décennie 1990, derédactions dédiées, parfois nombreuses, conduit à une diversification desprofils. De nombreux journalistes produisent des flashs d’actualité à partirde dépêches, voire d’une amorce de veille sur le Web. À leur côté des pôlesse constituent sur les grands domaines de l’information, reproduisant à petite

15. En France la Commission de la Carte d’Identité Professionnelle des Journalistes refusera de leur attribuer la“carte de presse” jusqu’en 1998 (cf. Da Lage, O., Obtenir sa carte de presse et la conserver, Paris, Guide Légipresse,2003, p. 99).

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échelle les services des rédactions imprimées. Lorsque s’amorce la dimensionparticipative avec les premiers chats, forums et commentaires, des journalis-tes seront spécifiquement affectés à ceux-ci avant qu’il ne soit encore ques-tion de community manager. Les rédactions sont organisées, alors, autour dudesk employant les effectifs les plus nombreux, qui vont finir par se relayerprès de 24 heures sur 24. Les journalistes des pôles spécialisés peuvent sortir,mais sont le plus souvent très sédentaires. Lorsque les équipes participativesse développeront, elles seront, elles aussi, rivées à leurs ordinateurs, confor-tant l’image d’un journalisme Web devant renoncer au terrain, comme à larelation directe avec ses sources et ses différents interlocuteurs engagés dansle participatif (Estienne, 2007).

L’invention progressive des rédactions intégrées accompagne une diversifica-tion, plus importante des rôles. Le pivot de l’équipe rédactionnelle est désor-mais constitué de journalistes polyvalents intervenant à des degrés divers(selon leur fonction) aussi bien sur l’imprimé que les supports numériques. Legrand reporter de l’Express, Vincent Hugeux, par exemple, lorsqu’il inter-vient sur un terrain africain en crise, prépare ses articles pour le news maga-zine, parallèlement à plusieurs textes, photos, vidéos qui seront disponiblessur le site Lexpress.fr. Aux côtés des polyvalents, les différents pôles fontcohabiter des spécialités ou formes d’emplois très différents, à commencer parles rédacteurs des desks, panachant suivi des dépêches et veille intensive del’actualité sur le Net ; mais aussi, des spécialistes de datajournalism familiari-sés à la collaboration avec les développeurs ; des webdocumentaristes davan-tage créatifs ; des professionnels de la relation aux internautes dont les formesse diversifient, alors qu’un pure player récemment créé, NewsRing, ose le néo-logisme “journaliste-animateur Web”. La validation et la mise en forme finaledes contenus occupent des professionnels qui actualisent les fonctions tradi-tionnelles des secrétaires de rédaction et editors, tels les Front Page Editor…

Les rédactions intégrées sont tendanciellement moins nombreuses que cellesqui pouvaient être observées à la fin des années 1990 à l’image des baissesd’effectifs dans la presse nord-américaine. Les emplois journalistiques loin dese standardiser, se cloisonner ou s’appauvrir vont plutôt dans le sens d’unediversification. Pour les emplois qui se dessinent, les journalistes doivent con-firmer les compétences traditionnelles qui étaient celles de la profession touten en acquérant de nouvelles, qu’il s’agisse du rapport à la technique et ceuxqui la mettent en œuvre ; à un marketing très spécifique au numérique, per-mettant d’optimiser l’accès aux internautes ; au public lui-même aussi bienpour modérer ses commentaires et ses blogs, susciter son expression sur lesréseaux sociaux, l’associer à la production de nouveaux concepts éditoriaux.Ces journalistes seront employés en permanence au sein d’une rédaction,alors que d’autres, sur des statuts d’indépendants (pigistes, free-lance, etc.)ou en petits collectifs (agences), collaboreront en sous-traitance de plusieursrédactions.

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En résumé

L’histoire du journalisme en ligne court sur une quarantaine d’années.Celui-ci fut d’abord marginal et limité à quelques pays. C’est avec lagénéralisation d’Internet qu’il prend une place toujours plus significa-tive au cœur de la profession. Les premiers pas du journalisme en lignefurent surtout affaire de transposition des anciens contenus dans denouvelles normes techniques. Une fois digérées les conséquences de« la bulle », le Web 2.0 s’imposant, le journalisme en ligne pouvaitinventer ses spécificités. Les interrogations à propos du modèle écono-mique constituent une contrainte forte qui confronte chaque rédac-tion à des choix difficiles d’organisation. Quelles que fussent lesoptions retenues trois dimensions propres au journalisme en lignes’imposent : veille de l’information appuyée sur les sources et ressour-ces numériques ; écriture et narration “multimédias” (combinanttexte, son, image, liens) ; interrelation en continu avec le public.

Références essentielles

Bouquillon, P. et Matthews, J., Le Web collaboratif. Mutation des industries de la cul-ture et de la communication. Saint-Martin d’Hères, PUG, 2010.

Cardon, D., La démocratie Internet. Promesses et limites, Paris, Seuil, 2010.

Charon, JM., La presse en France de 1945 à nos jours, Paris, Seuil, 1991.

Charon, JM., Le Floch, P., La presse en ligne, Paris, La Découverte, 2011.

Scherer, E., A-t-on encore besoin des journalistes ? Manifeste pour un journalisme aug-menté, Paris, PUF, 2011.

Smyrnaios, N., “Les groupes de presse américains sur l’Internet : une approche écono-mique”, Les Cahiers du journalisme n° 20, 2009.

De Tarlé, A., Presse et Internet. Une chance, un défi : enjeux économiques, enjeuxdémocratiques, Paris, En Temps Réel, 2006.

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L’organisation internedes rédactions en ligne

Amandine DEGAND

Université de Louvain, BelgiqueChantal FRANCOEUR

Université du Québec à Montréal, CanadaAvec la participation d’Arnaud ANCIAUX

et de François DEMERS

Université Laval, Canada

1. Les équipes Web.............................................................................. 362. L’idéal de convergence ..................................................................... 453. Les effets de la convergence sur l’environnement de travail ................... 564. Impact sur la qualité du journalisme et la satisfaction des journalistes.... 57

Ce chapitre retrace la façon dont les rédactions en ligne se sont progressive-ment structurées et organisées au sein des entreprises médiatiques traditionnel-les. Il détaille la composition des équipes qui travaillent dans les salles derédaction en ligne, les différents postes occupés, mais aussi les zones de ten-sions qui s’y développent. Les journalistes Web, bien souvent confinés dans destâches symboliquement peu valorisées dans leur espace professionnel, souf-frent en effet d’un manque de considération persistant. Dans ce contexte, lestentatives de synergies cross-médiatique tardent à voir le jour : les journalistestraditionnels affichent une certaine résistance face aux demandes de collabo-ration avec les équipes Web. Différents exemples de modèles organisationnels,plus ou moins “convergents”, sont décrits. Pour relater ces réalités, les auteursse basent sur leurs études empiriques réalisées lors d’immersions dans desrédactions belges (Degand, 2012) et canadiennes (Francoeur, 2012).

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Journalisme en ligne

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1. Les équipes WebLes premières équipes Web ont généralement été installées en marge des rédac-tions traditionnelles, dans des locaux séparés. Elles bénéficient alors de bud-gets spécifiques, qui fluctuent au fil de vagues successives d’engouement et dedésintérêt par rapport au Web. Ces premiers pas sur le Net sont interprétéspar les acteurs de la presse comme un « jeu sans véritable enjeu » (Estienne,2007 : 57). Mais la montée rapide des audiences et de la concurrence en ligne,couplée à une crise de la presse, a très vite incité les rédactions à établir de véri-tables politiques éditoriales, organisationnelles et commerciales en ligne. C’estdans ce contexte que les premières stratégies de convergence verront le jour,au départ de fusions entre les rédactions Web et traditionnelles.

Le Web est donc incontestablement un moteur du changement organisation-nel des salles de rédaction. Plus aucun média aujourd’hui ne pourrait préten-dre se passer du Net et des nouveaux supports médiatiques. Et pourtant, lesinvestissements financiers ne suivent pas toujours. Et les équipes Web souf-frent encore d’un manque de reconnaissance de la part de leurs pairs. « LeWeb est considéré comme essentiel, mais il n’a jamais obtenu sa place à partentière » (Journaliste Web, Radio Canada, mai 2010). L’ancienne organisa-tion, qui a vu le journalisme Web se structurer de manière satellite, en tantque vitrine des supports historiques, a donc encore une incidence sur lesreprésentations actuelles. Elle entretient cette vision du Web en tant que« pôle dominé du champ journalistique » (Estienne, 2007 : 139). Cette per-sistante position d’infériorité du Web transparaît à différents niveaux : l’âge,le salaire, le statut, les conditions de travail ou encore l’intégration symboli-que des journalistes Web.

1.1 Des équipes jeunesDans son enquête menée auprès de 750 journalistes belges, Céline Fionremarque que la principale particularité des journalistes Web réside dans leurâge : 30 % d’entre eux ont moins de 30 ans. Dans les rédactions belges étu-diées (Degand, 2012), la plupart des webjournalistes se situent effectivementdans la fourchette d’âge des 20-30 ans, quand ils font de l’édition. Les chefsde service Web et autres responsables multimédia se situent le plus souventdans la fourchette supérieure, celle des 30-40 ans. Ces constats ne sont quedes estimations visant à donner une idée de la composition des rédactionsWeb. Il y a bien entendu des exceptions. Des sites comme Politico, Pro-Publica, Mediapart ou encore Rue89 ont tous été lancés par des journalistesexpérimentés, plus âgés. Mais là encore, il semble que les dernières recruessoient plus jeunes. De manière générale, nous pouvons donc conclure que lamoyenne d’âge de ces rédactions Web est, à ce stade, largement inférieure àla moyenne d’âge des rédactions traditionnelles qui leur sont associées.

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Ceci amènerait à penser que les cellules Web ont volontairement engagé dupersonnel dit “Web-native”, tombé tout petit dans le bain informatique. Desrecruteurs belges ont d’ailleurs indiqué que la tenue d’un blog, de même quel’activité sur des réseaux comme Twitter ou Facebook, était un “plus” àl’embauche. Mais, le fait que les rédactions Web soient peuplées de jeunesmontre qu’elles ne sont en rien perçues comme l’eldorado journalistique. Laplupart des journalistes traditionnels confient d’ailleurs qu’ils ne souhaite-raient pas passer vers le Web. « Ce n’est pas une promotion », dira même unjournaliste belge. Pire encore, le responsable d’une cellule Internet belge con-fie, en parlant des journalistes traditionnels transférés vers le Web, qu’il a« un peu hérité de la poubelle ». Dans le contexte canadien, les webjourna-listes plus âgés peuvent aussi être d’anciens reporters dont les postes ont dis-paru suite à des compressions budgétaires. Certains ont eu le choix detravailler “au Web” ou de perdre leur emploi. Le journalisme en ligne seraitdonc encore perçu, par de nombreux acteurs de la presse, comme le bagneoù l’on vient se faire la main et où l’on échoue en dernier recours. Dans cecontexte, il n’est pas étonnant que les résistances face aux changements occa-sionnés par le Web soient légion. Nous verrons néanmoins que certaines stra-tégies de convergence bouleversent cette logique.

Les résistances au changementPour faire image de façon humoristique, un cadre supérieur de l’informa-tion dit que la plus grande difficulté dans l’intégration de nouvelles tâchesjournalistiques est « la résistance au changement. Si on pouvait en capterl’énergie, on pourrait se passer de “Hydro-Québec” » (Cadre, salle multimé-dia, Radio-Canada, mars 2010). Mais pourquoi les journalistes “tradition-nels” sont-ils si résistants face aux invitations à collaborer avec leurscollègues du Web ? En réponse à cette question, Marc-François Bernieravait déjà identifié plusieurs éléments explicatifs lors d’une étude menéeau Canada en 2008. À partir d’immersions menées en Belgique, nous avonsrelevé pas moins de 23 arguments de résistance (Degand, 2012). Plusieursd’entre eux trouvent un écho dans les rédactions canadiennes. Nous lesclassons ici selon la typologie de Céline Bareil (2004 : 5-6). L’auteur dis-tingue en effet six catégories de résistance au changement :

1) Causes individuelles• Il faut se réinventer en fin de carrièrePlusieurs journalistes manifestent la crainte de redevenir néophytes, dedevoir réapprendre un métier qu’ils ont appris à maîtriser au fil des années.

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• Refus des changements horairesLe Web impose une organisation par shifts horaires successifs, soit uneorganisation du temps de travail à laquelle les journalistes traditionnelsne sont pas habitués.• Refus d’apparaître en face-caméraCe sont bien sûr surtout les journalistes de la presse imprimée, mais aussiceux issus de la radio qui expriment cette résistance.• Refus de travailler avec une caméraPour certains, le fait de devoir filmer un interlocuteur change complète-ment le discours de celui-ci, et son rapport au journaliste.• Refus de tâches additionnellesCertains journalistes craignent de voir leurs tâches se démultiplier. « Est-ce qu’on peut faire tout ? Ça a une implication en termes de charge detravail. On entend souvent le discours “sur le Net, ça te prend une demi-heure, ça ne te distrait pas de ton travail”. Ça moi je ne suis absolumentpas d’accord » (journaliste presse imprimée, Le Vif/L’Express, janvier2010). Ce point de vue est partagé outre-Atlantique : « J’ai encore de lamisère à comprendre ce qu’on attend d’un journaliste radio-télé-Web.Penser pour trois médias, faut penser comme trois journalistes ? ! C’estassez ! Les journées ont vingt-quatre heures, dans notre tête il y a deslimites » (journaliste radio, Radio-Canada, mars 2010).• Refus de laisser manipuler son travail journalistique par d’autresDans les médias audiovisuels plus qu’ailleurs, les journalistes expriment lacrainte de voir leurs rushs traités par un journaliste Web, sans que ce der-nier ne soit au fait du contexte de tournage, des “offs” éventuels. À cescraintes s’ajoutent celles de possibles poursuites en diffamation. Les jour-nalistes veulent contrôler toutes les étapes de production : « Quand on aune histoire qui peut être délicate au plan légal, au plan politique, c’estessentiel qu’on s’occupe de la rédaction de tous les éléments de cette his-toire-là. Moi j’ai essayé les autres méthodes et j’ai toujours eu desproblèmes » (journaliste télé, Radio-Canada, mai 2010).• Refus de brader ses scoops sur un support gratuit« Il y a toujours une réticence […] parce que quand un journaliste dequotidien obtient une information qu’il juge exclusive, il a toujours unpeu tendance à garder cette information et à ce qu’elle demeure un scoopou une primeur pour le journal du lendemain, plutôt que tout de suiteconfier cette information-là afin qu’elle soit diffusée sur le Web. Mais leschoses sont en train de changer parce que maintenant, […] leur égo estservi puisqu’on n’hésite plus à attribuer la paternité d’une information ausite du journal, qui est donc relié au quotidien » (journaliste presse impri-mée, La Libre Belgique, novembre 2009)

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• Préférence/priorité accordée au support d’originePlusieurs journalistes admettent qu’ils travaillent toujours pour leurmédia avant de s’investir dans des tâches supplémentaires pour le Net.• Audience moindre sur le NetCertains journalistes estiment que leur support leur octroie une “garantied’exposition”, un audimat qu’ils ne retrouveraient pas sur le Net.

2) Causes collectives/culturelles• Nature de l’homme hostile au changementCertains journalistes considèrent la résistance au changement comme unphénomène général, qui ne se limite ni au Web, ni au journalisme.• Travail moins intéressant sur le WebLa plupart des journalistes refuseraient de ne plus sortir pour rencontrerleurs interlocuteurs ou encore de voir leur créativité limitée à du copié-colléde dépêches. « [le Web] C’est plutôt un journalisme de canal de diffusion,alors que nous […] sommes un peu plus un canal de production » (journa-liste presse imprimée, Le Soir, juin 2009). Un journaliste canadien l’exprimede façon imagée : « T’es cloué à ton pupitre. À un moment donné, c’estcomme une chape de plomb » (journaliste Web, Radio-Canada, mai 2010).• Support moins attrayant« Le Web c’est pas sexy ! Quelle est l’image du mec qui bosse surInternet ? C’est un geek, il a des lunettes […] C’est pas Albert Londres !C’est pas avec le Web que tu vas gagner des Pulitzer… J’exagère, mais leWeb je pense est un média trop jeune, qui n’a aucune lettre denoblesse… » (journaliste Web, RTBF, août 2009).

3) Causes politiques• Dégradation de la qualité de l’informationSi les journalistes ont plus de médias à alimenter, ils ne peuvent pluspeaufiner leurs reportages comme avant. Ils passent plus de temps àtransformer leur reportage plutôt qu’à l’enrichir. Ceci entraîne inévitable-ment une dilution de la qualité des reportages. Par ailleurs, certains jour-nalistes reprochent au support Internet de véhiculer des contenus peuqualitatifs, parce que trop racoleurs par exemple.• Déclin de la valeur attribuée à l’information« L’information a une valeur, et ça, par l’espèce de frénésie qu’il y a eu demettre tout sur le site gratuitement, on a un petit peu perverti la valeurde l’info. […] j’y vois une raison de m’inquiéter pour l’avenir » (Journa-liste de presse imprimée, Le Soir, juin 2009).

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4) Causes associées à la mise en œuvre du changement• Manque de moyens accordés au WebUn journaliste estime par exemple que, dans l’absolu, il accepterait deconsacrer plus de temps au Web… « Mais le problème, c’est qu’on va nousdire “vous faites ça à effectifs constants”. Donc ça veut dire que le travailqu’on n’accomplira pas le jour où on est en train de faire du Web ou duchat, ce sera soit d’autres journalistes qui devront s’en charger, soit onremplira avec des dépêches… » (journaliste presse imprimée, La Libre Bel-gique, novembre 2009). De manière générale, les journalistes hésitent às’investir dans le Web tant qu’ils ne savent pas dans quelles conditions ilsseront amenés à y travailler.

• Volonté d’un cadre de collaboration égalitaireLes journalistes ont peur, s’ils collaborent avec le Web, d’être perçuscomme volontaires, et d’être ensuite “toujours de la revue” pour réaliserdes tâches de collaboration dont aucun de leurs collègues ne voudra.

• Désimplication au profit des autresOn peut concrétiser cette attitude par la réaction de ce journaliste quiprône les collaborations avec le Web, tant qu’elles ne le concernent pas :« Normalement, ce sont les anciens secrétaires de rédaction qui sontdevenus ce qu’on appelle les responsables bi-média. […] Mais moi je m’endétache le plus possible, c’est impossible que je fasse ça en plus » (jour-naliste presse imprimée, Le Soir, juin 2009)

• Manque de clarté de la ligne éditorialeCertains journalistes estiment que les consignes de collaboration avec leWeb ne sont pas suffisamment claires : ils ne savent pas toujours quelscontenus fournir au Web, ni sous quelles modalités (Faut-il donner l’inté-gralité de l’article ? Le mettre sous cadenas pour qu’il ne soit accessiblequ’aux abonnés ?).

5) Causes liées au système organisationnel• Crainte de la cannibalisationIl s’agit de l’inquiétude de voir les supports traditionnels s’effondrer à causede l’apparition de leurs sites Web, concurrents le plus souvent gratuits.

• Manque de tempsLes journalistes ont toujours l’impression de manquer de temps pour bienfaire leur travail. C’est pourquoi ils n’aiment pas devoir en consacrer àl’adaptation Web de leurs contenus. De plus, les sources d’information ontplus de contrôle sur le produit final quand les journalistes manquent detemps (Cottle et Ashton, 1999).

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1.2 Une organisation par shifts

Dénombrer les personnes qui travaillent pour un site Web est plus compliquéqu’il n’y paraît. En effet, à côté des journalistes salariés qui travaillent régu-lièrement pour les sites d’information, nous trouvons des pigistes, qui tra-vaillent essentiellement le week-end, et des stagiaires, qui se joignent auxéquipes existantes pour quelques semaines ou quelques mois.

Par ailleurs, les journalistes Web ne sont pas forcément tous présents enmême temps dans la rédaction puisqu’ils décalent leurs horaires de travailafin d’actualiser le site durant une fourchette horaire la plus large possible.

Ainsi, Le Vif/L’Express est la rédaction qui possède le moins d’effectifs enBelgique. Moins de trois “temps pleins” journalistiques s’y relaient pour cou-vrir l’actualité entre 8h et 18h environ. La plupart des grands sites belgesstructurent leurs équipes en deux shifts, un shift du matin (qui couvre unepériode allant de 6/7h à 14/15h) et un shift du soir (14/15h à 21/22h). Plusrares sont les médias qui optent pour trois shifts. Notons encore l’option ori-ginale pour laquelle a opté le groupe flamand Het Persgroep, qui envoie descorrespondants à Sydney ou à Montréal afin d’étendre sa couverture auxheures nocturnes grâce au décalage horaire.

6) Causes associées au changement lui-même• Structure différente et difficile à s’approprierLes journalistes qui travaillent parfois pour un même support depuis desannées peuvent éprouver des difficultés à s’approprier un nouveau médiasi celui-ci est structuré différemment de leur support d’origine.

• Peur de l’échecSi les journalistes traditionnels ont fait l’effort de s’investir sur le Net, etque leurs initiatives n’ont pas été couronnées de succès – parce qu’ellesont remporté très peu de clics par exemple –, les journalistes peuventexprimer un certain découragement.

• Barrière techniqueCertains journalistes évoquent leurs faibles connaissances informatiques.L’ampleur du phénomène de résistance est notable. Stevens (2002) ad’ailleurs remarqué que certains journalistes du Tampa Tribune (Floride)ont préféré quitter leur emploi plutôt que de s’adapter au Web et àd’autres plateformes de diffusion. Dans ce type de cas, il y a fort à parierque la transition vers le multimédia s’est effectuée sans que les argumentsde résistance des journalistes n’aient été pleinement pris en compte.

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1.3 Des statuts précaires

Une enquête menée auprès de 750 journalistes belges (Fion, 2008) révèle que7 % travaillent dans une rédaction Web. À l’image de l’échantillon général,il s’agit principalement d’hommes issus de l’enseignement supérieur(65,5 %), tout comme dans l’échantillon général. Seuls 60 % de ces webjour-nalistes déclarent être salariés, proportion relativement faible par rapportaux 76 % de journalistes traditionnels salariés, au sein du corpus étudié.

À propos des salaires, Anthony Cawley remarquait pour sa part, suite à sonobservation au sein du The Irish Times « This is embodied institutionaly intheir general employment status : lower pay, fewer benefits, fewer perma-nent positions » (2008 : 53). Dans certaines rédactions, le statut du journa-liste Web a fait l’objet de luttes sociales qui ont abouti, comme au Guardian,à l’égalité salariale entre les différents segments professionnels (Colson etHeinderyckx, 2008 : 144). Malgré cela, dans la plupart des rédactions, unécart salarial subsiste entre journalistes Web et journalistes traditionnels.

1.4 Des tâches symboliquement peu valorisées

Les journalistes Web souffrent d’un statut officieux de journaliste de secondezone (Garcia 2008 : 72) ou de seconde main (Quandt 2008 : 89). Leur travailest découpé en micro-séquences d’activité de 2 minutes 14 secondes enmoyenne, contre près de 5 minutes pour un journaliste radio (Idem : 86). Lesjournalistes en ligne sont plus souvent appelés à éditer des contenus toutprêts, plutôt qu’à en produire de nouveaux de bout en bout. L’essentiel deleur travail consiste à alimenter le site grâce à des dépêches d’agence légère-ment retravaillées. Ils doivent en outre transposer sur le Net des contenus ini-tialement réalisés pour d’autres supports. « On traite de l’information crééepar d’autres journalistes. Ça crée de la frustration » explique une journalisteWeb de Radio Canada (mai 2010). Dans certaines organisations, les journa-listes en ligne sont explicitement perçus comme des personnes au service desautres journalistes. Confinés à leurs tâches de veille sur écran, les journalistesen ligne consacrent peu ou pas de temps à la recherche d’information ou à laréalisation de reportages originaux. Contrairement à leurs collègues tradi-tionnels, ils ont donc un rapport aux sources et au terrain très limité (Deuze,2008b). Nous pouvons donc en conclure que les journalistes Web sont majo-ritairement exclus des tâches symboliquement valorisées dans la profession,telles que le reportage, l’investigation ou l’écriture. C’est en tout cas vraipour la plupart des journalistes Internet, ceux qui sont souvent qualifiés“d’éditeurs Web”. Mais il existe différents types de postes au sein des rédac-tions en ligne.

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1.5 Les postes du WebChaque rédaction a son propre organigramme et ses propres terminologiespour distinguer les postes de chacun. Nous pouvons toutefois relever quel-ques régularités.

Tout d’abord, les salles de rédaction Web semblent être moins hiérarchiséesque les rédactions traditionnelles, parce que les relations y sont plus infor-melles et parce que la publication en ligne comprend moins d’étapes d’appro-bation des supérieurs. Les responsables des médias en ligne sont par ailleursle plus souvent situés au cœur même de la rédaction. Or, Anthony Cawleyremarquait à ce sujet, dans son étude d’Ireland.com, que la possession d’unbureau fermé impose une barrière physique et symbolique (2008 : 55), quin’existe pas dans les rédactions en ligne. Les responsables des sites Web sontdonc plus accessibles que les responsables éditoriaux (ou rédacteurs en chefs)des autres supports médias. Mais en réalité, ils sont le plus souvent eux-mêmes situés sous l’autorité d’un directeur de rédaction ou du rédacteur enchef qui dirige le média “historique” de la marque.

Anciennement, le rédacteur en chef s’occupait avant tout d’un support médiaprécis dont il assurait la direction éditoriale. Désormais, il s’occupe avanttout d’une marque, et assure la déclinaison de l’information selon des diffé-rents canaux disponibles. Généralement, le rédacteur en chef a donc un droitde regard et une responsabilité sur les contenus produits par la rédactionWeb.

Au cran hiérarchique inférieur, on trouve donc le responsable multimédia,parfois dénommé New media manager. C’est lui qui avalise, in fine, la sélec-tion des articles effectuée par les journalistes Web, même s’il peut déléguercette fonction. Dans les plus petites rédactions, cette personne combine géné-ralement les fonctions du New media manager et du chef de service Web. Cedernier est un journaliste Web qui, le plus souvent, remplit des tâches sup-plémentaires telles que la gestion des horaires de l’équipe.

Parmi les journalistes Web, nous pouvons distinguer deux types de postesparticuliers. Premièrement, les éditeurs sont chargés d’alimenter les sites Webdes médias d’information sur la base, principalement, de bâtonnage de dépê-ches et de réécritures diverses. En second lieu, les rédacteurs ont pour rôle deproduire des contenus spécifiques pour le Web, d’apporter de la “valeurajoutée”. Cette distinction entre les postes d’édition et ceux d’écriture est peucourante en Europe. Mais Klaus Meier rappelle qu’elle a toujours été de misedans les rédactions anglo-saxonnes (2007 : 5).

C’est au sein de cette catégorie de rédacteurs que l’on pourrait classer ce queQuinn appelle les News Resourcers, ajoutant du contexte et de la profondeurà des reportages produits par d’autres. Parce qu’ils trouvent rapidement del’information complémentaire, Quinn les décrit comme un mélange entre un

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bibliothécaire et un spécialiste de l’information journalistique (Quinn,2005 : 94). Un secrétaire de rédaction appelle cela « apporter une valeurajoutée à la nouvelle brute » (Radio-Canada, mai 2010). Les salles de presseapprécient ces initiatives, reconnaissant que le Web est un média en cons-tante évolution et toujours en développement.

À côté de ces postes d’éditeurs et de rédacteurs, il est de plus en plus fréquentque des profils webjournalistiques se spécialisent dans le reportage où larécolte d’images via une petite caméra ou même un téléphone haute techno-logie. D’autres profils s’orientent davantage vers des charges d’animateurs decommunauté (voir également chapitre 3). Mais ces postes ne sont pas encoresystématiquement intégrés dans les rédactions étudiées, du moins pas forcé-ment sous la forme d’un poste à temps plein. Dans plusieurs rédactions, lesjournalistes Web se partagent les tâches de modération des commentaires etd’animation des pages communautaires (la page Facebook du journal parexemple). D’autres rédactions, plus nanties, possèdent un ou plusieurs ani-mateurs de communautés. D’autres encore externalisent la modération versdes firmes spécialisées (comme Conciléo en France).

Par contre, dans toutes les rédactions considérées, de plus en plus de journa-listes traditionnels produisent, eux aussi, des contenus pour Internet. Nousne les avons pas considérés comme appartenant à la structure des rédactionsInternet puisqu’ils sont, à ce stade, encore largement perçus comme des ren-forts ponctuels. Néanmoins, dans la plupart des rédactions en ligne, les jour-nalistes issus des autres supports sont mobilisés, sur le Net, en tantqu’experts ou en tant que fournisseurs de contenus journalistiques. Et dansdes rédactions comme celle du quotidien d’actualité économique belgeL’Écho – qui a complètement éclaté la structure de sa rédaction Web –, nousne pouvons désormais plus considérer la cellule Web comme une unité indé-pendante de l’ensemble de la rédaction. Les structures du Web et du papiersont dans ce cas imbriquées.

Notons enfin que les journalistes Web sont rarement spécialisés du point devue des sujets qu’ils traitent. Certains néanmoins, ont en charge une matièreprécise, telle que le sport ou l’actualité “people”. De la même manière, ilexiste parfois des journalistes spécialisés dans la prise d’image pour le Web.Il s’agit souvent de profils de caméraman ou de photographes.

À ces postes s’ajoute également du personnel technique (webmasters, expertsinformatiques, etc.), aux marges de la profession journalistique (et souventinstallés en dehors des locaux attribués à la “rédaction” à proprement par-ler). Ils ont néanmoins un poids considérable dans la bonne tenue d’une édi-tion en ligne. Ainsi, un journaliste Web raconte que la créativité associée auxnouveaux médias est souvent ralentie par des considérations techniques :« On n’a pas de développeurs dans l’équipe Web. Ils sont au huitième étage,nous sommes au rez-de-chaussée. Ils travaillent pour tous les services, pas

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seulement pour l’information. On ne peut pas réagir rapidement » (Radio-Canada, mai 2010).

En réalité, dans la plupart des rédactions, les journalistes Web ont d’abordété installés dans les mêmes espaces que les informaticiens et les webmasters.C’est encore le cas dans certaines rédactions. En Belgique, nous pouvons citerle cas d’IPM et Het Persgroep qui ont expressément choisi de conserver uneorganisation où les pôles Web et papier sont séparés. Cette option du regrou-pement présente un avantage technique, mais elle a pour inconvénient de dis-socier symboliquement les journalistes Web du pôle rédactionnel, pour lesassocier aux pôles techniques de la marque. Or, cette option semble incohé-rente par rapport aux stratégies qui entendent stimuler les collaborations etréduire l’écart symbolique qui sépare les journalistes Web et non-Web.

2. L’idéal de convergence2.1 Des rédactions séparées à l’intégration physiqueLes rédactions Web, d’abord installées en marge des rédactions “tradition-nelles”, y ont progressivement été intégrées. Nous pouvons citer l’exempleprécoce de la BBC qui, en 1996, dans une vague de développements techno-logiques, a réuni dans un newscenter à Bristol des équipes de télévision, deradio, de presse écrite et en ligne (Cottle, 1999 : 30).

À la même époque, en Belgique, le quotidien de référence Le Soir se doted’une équipe Web autonome, installée dans un local à l’écart de la salle depresse historique. Mais il faudra attendre 2007 pour que le management sedécide à fusionner celle-ci avec la rédaction du journal. À ce moment, “casserles murs” apparaît comme un signal fort : « C’est une grande étape vers unerédaction “intégrée”… Mais ce n’est pas parce que la rédaction est intégréeque les journalistes sont intégrés. Il y a une grande différence. L’idée c’étaitvraiment que la mise en ligne se fasse là où circule l’info, dans le nœudcentral » (Responsable multimédia, Lesoir.be, avril 2009). Radio-Canadan’a, pour sa part, réalisé l’intégration de ses équipes journalistiques qu’en2010. Son vis-à-vis anglophone, CBC, l’avait réalisée un an plus tôt. Cha-cune de ces rédactions entendait créer des synergies entre les équipes journa-listiques et à assurer une présence multiplateforme cohérente.

Cette phase de fusion ou d’intégration “physique” des rédactions Web et tra-ditionnelles apparaît comme une étape d’évolution déterminante, un pas enavant dans l’adoption des nouveaux médias. Cette intégration “physique”d’une rédaction dans une autre peut également prendre la forme d’un ras-semblement à trois, lorsque, comme dans les groupes audiovisuels, deuxmédias étaient déjà rassemblés sous une même enseigne. Quoi qu’il en soit,l’intégration est, dans de nombreux cas, perçue à la fois comme un symbole

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fort du passage au pluri-média et comme un moyen concret de rapprocherles différents segments journalistiques, de les amener à collaborer dans le butde réaliser, in fine, des économies.

2.2 Vers une collaboration entre les segments professionnels ?

Si les synergies entre deux segments professionnels sont difficiles à mettre enplace sans intégration physique, cette dernière, une fois établie, ne déclenchepas automatiquement les synergies espérées. Les journalistes Web ont beause trouver géographiquement dans la rédaction historique, celle-ci ne colla-bore pas pour autant avec eux.

Reprenons l’exemple du quotidien généraliste belge Le Soir. Fin 2009, onpouvait y voir les équipes Web et papier travaillant côte à côte, se parlant,s’échangeant de l’information et collaborant ponctuellement sur des évène-ments à médiatisation forte, tels que les élections américaines. Les responsa-bles incitaient les journalistes traditionnels à collaborer au Web. Mais onpouvait encore constater une certaine résistance au changement de la partdes journalistes traditionnels. Une structure en “silos” 1 tendait à persister,bien que des passerelles entre les différents supports existaient et se multi-pliaient déjà. Dès 2010, on observait sur le site Web du Soir des interventionsde plus en plus nombreuses de la part de journalistes issus de la presse écrite,sous la forme d’articles ou de capsules vidéo, par exemple. Mais cecin’excluait pas le maintien d’une équipe Web alimentant le site de façon réac-tive, avec de l’information relativement brute. Durant cette période, les jour-nalistes issus du papier rechignaient toujours à considérer le travail deséditeurs Web comme un travail journalistique à part entière. Or, les mana-gers voulaient – et veulent toujours – pousser le processus de convergence uncran plus loin.

1. Où les journalistes se regroupent en fonction de leur support médiatique premier, du support pour lequel ilstravaillent.

La convergence, buzzword de la rechercheLa recherche académique a souvent axé son approche de l’adaptation desrédactions aux nouveaux médias sur la notion de convergence, soit lamise en place de synergies au sein d’une rédaction pluri-média. HenryJenkins, par exemple, voit dans le buzzword convergence l’idée absurded’une fusion de tous les médias en un seul. Et de le définir comme« un processus continu, qui se produit, dans les médias, au croisement de

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L’organisation interne des rédactions en ligne

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2 3 4 5

2. Traduction de l’auteur.3. Traductions de l’auteur.4. Traduction de l’auteur.5. Traduction de l’auteur.

différentes technologies, industries, contenus et audiences ; et qui n’estpas une fin en soi » 2 (2001 : 93). Pour l’auteur, il existe une confusionautour du concept de convergence, qui provient du fait que le terme syn-thétise au moins 5 processus :1. Technological Convergence : soit « la digitalisation de tous les conte-

nus médiatiques ».2. Economic Convergence : il s’agit de l’intégration horizontale de l’indus-

trie de l’entertainment, dont le résultat a été la restructuration desproductions culturelles autour des potentielles synergies.

3. Social or Organic Convergence : soit les stratégies multitâches des con-sommateurs leur permettant de naviguer dans le nouvel environne-ment informationnel.

4. Cultural Convergence : « L’explosion de nouvelles formes de créativitéau croisement de différentes technologies médiatiques, industries etconsommateurs ». Henry Jenkins comprend dans cette catégorie lejournalisme participatif, transmédia et crossmédia.

5. Global Convergence : « L’hybridité culturelle qui résulte de la circula-tion internationale de contenus médiatiques » 3 (2001 : 93).

Colson et F. Heinderyckx ajoutent un sixième type qu’ils nomment :6. convergence éditoriale « qui implique une collaboration équilibrée entre

les journalistes du Web et du papier, de même qu’une représentationréciproque positive du travail et du rôle de chacun » 4 (2008, p. 152).

Selon Jane B. Singer, le terme convergence est donc problématique puis-que, d’une part, les chercheurs s’en sont détournés ces dernières annéeset que, d’autre part, il regroupe, sous une même appellation, des réalitésdiverses, des activités et des lieux de travail différents. L’auteur utilise leterme pour décrire « le passage d’un journalisme “mono-plateforme” – création de contenus pour un journal imprimé ou pour un programme detélévision par exemple – vers un journalisme “cross-plateforme” impli-quant plus d’un support médiatique » 5 (2008 : 157).Si le mode de travail convergent entraîne son lot de résistances parmi lesprofessionnels, plusieurs chercheurs estiment qu’il permet de maintenirun journalisme de qualité (Meier, 2007 ; Huang et al., 2004).Notons également l’apport de Dailey et de ses collaborateurs (2005) quiont élaboré un modèle décrivant différents niveaux de convergence queles médias peuvent adopter : du niveau le plus simple à mettre en œuvreoù sont clonés, sur le Web, des contenus prévus pour d’autres supports

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Journalisme en ligne

48 Chapitre 2

6

2.3 Différentes modalités pour pratiquer la convergence

Dans les premiers efforts de convergence, les managers ont bien souvent tentéd’instaurer les réformes en comptant sur la bonne volonté des journalistes,

6. Traduction de l’auteur.

(shovelware) jusqu’au niveau le plus intégré dans lequel une seule rédac-tion produit du contenu pour différents médias. Leur approche de la con-vergence se structure en 5 paliers :1. Cloning : niveau le plus basique où les journalistes Web recopient des

contenus produits pour d’autres supports média.2. Coopetition : stade où les différentes rédactions échangent des

savoirs, tout en continuant de produire leurs contenus indépendam-ment l’une de l’autre.

3. Content Sharing : rencontres régulières entre journalistes issus de dif-férents supports pour échanger des idées et des contenus relatifs à unsujet donné.

4. Convergence : création de sujets communs en usant des atouts de cha-que support pour générer une histoire commune.

5. Cross Promotion : promotion des contenus produits par le partenaire(Dailey et al., 2005 : 25). Notons que la position des acteurs n’est pasfixée une fois pour toutes à un palier de ce continuum, mais elledépend de la nature des nouvelles à traiter et de l’engagement des tra-vailleurs en regard du processus de convergence.

Josep Micó, Pere Masip et Suzanna Barbosa reprendront les concepts clefsde Dailey et de ses collaborateurs, tout en rejetant l’idée que l’intégrationéditoriale est un objectif en soi. Ils indiquent que, dans les stratégiesdéveloppées par les médias, « la convergence est vue comme un processuslinéaire qui culmine dans une intégration complète, perçue comme le scé-nario optimal »6 (2009 : 127). Or, poursuivent les auteurs, l’intégrationn’est pas toujours la meilleure solution (2009 : 132). La convergencenotent-ils, offre de nombreux avantages : réduction des coûts, producti-vité dopée, fidélisation des audiences aux différents médias de la marque,diversification du business risk, augmentation des revenus publicitaires,augmentation du contrôle et de la liberté du journaliste par rapport à uneinformation à traiter. Mais la convergence remporte aussi son lot decritiques : standardisation du discours et perte de pluralisme, déclin de laqualité du journalisme, réduction des effectifs de la rédaction et déni del’augmentation des charges de travail additionnelles que la convergenceréclame (2009 : 135-136).

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Chapitre 2 49

appelés à collaborer entre eux. Mais la sauce n’a pas toujours pris. Différentesrésistances empêchent les synergies de se développer. Les managers rivalisentalors d’astuces pour susciter les collaborations. Par exemple, des leadersd’opinion sont engagés. Il s’agit généralement de journalistes blogueurs, dontl’aura est susceptible de rayonner et d’avoir un impact positif sur les journa-listes alentours. En Belgique, on observe notamment ce type d’engagements àla RTBF et au sein de Sudpresse. C’est en réalité l’idée de la “contagion”,explicitement adoptée au Soir. Les journalistes Web, parce qu’ils sont au cen-tre de la salle de rédaction, influeraient sur le travail de leurs collègues.

Autre astuce connue de tous les gestionnaires : la carotte et le bâton. Au seindu quotidien L’Écho par exemple, les journalistes ont été encouragés à col-laborer avec le Web. Ils ont été informés que ces collaborations pèseraientsignificativement lors de leurs évaluations de fin d’année. Il est à noter que,dans ce cas, la perspective de récompense/punition ne semble pas avoir portéses fruits 7.

Malgré ces astuces, force est de constater que les collaborations restent mar-ginales dans nombre de rédactions. Plusieurs responsables de rédactionsenvisagent dès lors de rendre les collaborations obligatoires. Différentesoptions s’offrent en effet aux managers pour gérer ces résistances. Il s’agitd’un aspect particulier de la mise en œuvre de la convergence, que nous qua-lifierons ici de “stratégies d’implication” des journalistes traditionnels dansle Web. Sur le terrain, on repère quatre degrés d’implication distincts :

2.3.1 Aucune requête

Si la plupart des rédactions traditionnelles ont reçu des consignes visant àpromouvoir la collaboration entre les différents segments professionnels,certaines font exception. Par exemple, en Belgique, au sein du Persgroep(7sur7, De Morgen, Het Laaste Nieuws, etc.), les quotidiens et leurs équiva-lents en ligne sont considérés comme des médias tout à fait différents, voireconcurrents. Les contacts entre les journalistes de la presse imprimée etd’Internet ne sont absolument pas encouragés.

2.3.2 Incitation

Le management se contente d’inciter aux collaborations. Il ne contrôle pasexplicitement, et de manière généralisée, les efforts que chaque journalistetraditionnel consent envers le Web. C’est l’approche adoptée à Radio-Canada notamment : « On ne veut rien forcer. On veut que ça se fasse surune base volontaire. Ça va se réaliser au jour le jour » explique un cadre(Radio-Canada, avril 2010). Cela n’empêche pas que des demandes explici-tes et contrôlées soient émises occasionnellement, envers certains journalistes ;

7. Il a fallu attendre une totale réorganisation de l’organisation de travail pour que les collaborations se multiplient.

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Journalisme en ligne

50 Chapitre 2

ce qui fut le cas au Soir, à la RTBF ou encore aux Éditions de l’Avenir parexemple. Les gestionnaires du Washington Post ont également adopté cettestratégie. Ils ont résumé leur approche de la façon suivante : « Habiliter etéquiper, mais ne pas insister » 8 (Heald, 2010).

2.3.3 Demande contrôléeDans cette configuration, le management va contrôler l’implication de tousles journalistes d’une rédaction traditionnelle censés collaborer au Web.Néanmoins, les plus réticents sont encore en mesure d’y échapper. Avant quela stratégie de la rotation au Web ne soit instaurée à l’Écho, le managementavait ainsi promis aux journalistes traditionnels que les collaborations avecle Web seraient le point le plus important dans leur évaluation de fin d’année.Néanmoins, les journalistes ne se sont pas impliqués. Et la rédaction a doncrevu complètement son organisation afin d’obliger tous les journalistes à col-laborer effectivement.

2.3.4 ObligationLe stade “d’obligation” est atteint lorsque la structure mise en place au seind’une entreprise médiatique est telle que plus aucun journaliste ne peutdétourner ses obligations envers le Web. C’est le cas de la structure tournantemise en place à l’Écho. Il oblige tous les journalistes de la rédaction à tra-vailler occasionnellement sur le support Web (voir encadré pp. 52-54).

Cette dernière option implique généralement la nomination d’un ou plu-sieurs responsables d’édition qui centralise(nt) les informations à traiter dansun central desk et qui décide(nt) des traitements qui seront proposés sur cha-que support, en fonction des possibilités narratives de ces différents supports.Les journalistes reçoivent des consignes, voire une affectation sur un supportspécifique, en conséquence. Deux modalités organisationnelles sont en effetpossibles.

Premièrement, un même journaliste va devoir décliner une même informa-tion pour différents supports. Il devient multicompétent. C’est ce qui s’estpassé au Daily Telegraph (Angleterre) qui a complètement bouleversé sonorganisation interne pour faire de la plupart de ses employés des journalistesmultimédias (Poulet, 2009, p. 29). J. A. García Avilés et M. Carvajal parlent,dans ce cas, d’un modèle intégré. Nous préférons pour notre part parlerd’intégration complète (full integration) pour éviter tout malentendu avecl’intégration physique ou fusion de deux salles de rédaction.

Deuxièmement, le travail convergent peut passer par un partage de matérielentre des journalistes qui continuent, chacun, de travailler pour leur propresupport médiatique. Par exemple, un extrait sonore d’entrevue réalisé pour

8. Traduction de l’auteur.

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Chapitre 2 51

un média télévisé peut être repiqué par un journaliste de la radio, pour lebesoin de l’un de ses reportages. L’entrevue peut également être intégrale-ment reprise par un journaliste Web qui en déposera la version longue sur lesite. L’échange repose donc sur des éditeurs multimédia. Et les journalistes“traditionnels” ne sont pas forcément multicompétents. Dans ce cas, GarcíaAvilés et Carvajal parlent de modèle Cross media (2008, p. 235).

Radio Canada : Intégration et incitation aux synergiesChantal FRANCOEUR

Radio-Canada a réalisé l’intégration physique de ses équipes de journalis-tes télé, radio et Web au printemps 2010. Tous les journalistes ont étéréunis dans une seule salle des nouvelles au Centre de l’information. Ce“CDI” est un espace ouvert de près de 3000 m2 comptant 226 postes detravail, 7 plateaux de tournage de télévision, deux studios radio et17 bureaux de travail fermés au rez-de-chaussée.Suite à ce processus d’intégration, les trois bureaux d’affectation ont étéfusionnés en un seul, appelé le “CAPE”, ou Centre d’affectation, de plani-fication et d’expertise. Le fonctionnement uni-média où chaque journa-liste alimentait un seul support – radio, télé ou Web – s’est transformé enstructure “multiplateforme”. Les journalistes de la télévision sont désor-mais appelés à faire de la radio, les journalistes radio font aussi de la télé-vision, enfin, chacun produit des textes et des reportages pour le Web.Les décisions quant à la couverture d’une actualité se prennent au cas parcas : certains sujets sont uniquement radio, Web ou télé. D’autres sontcouverts pour plusieurs plateformes simultanément. Le travail multiplate-forme n’est pas systématique, aussi « chaque journaliste garde samajeure ». C’est l’expression utilisée par les gestionnaires de Radio-Canada pour décrire le nouveau fonctionnement de la salle : chaque jour-naliste continue de travailler pour son média d’origine, radio, télé ouWeb. Selon les couvertures à réaliser, chaque journaliste peut aussi êtreappelé à alimenter un autre média. Toutes les combinaisons sontpossibles : « Ici l’intégration est asymétrique, souple, selon une logiquepropre à chaque domaine », explique un cadre de Radio-Canada(hiver 2010). Un journaliste résume quant à lui la façon dont l’intégrationchange son travail : « les reporters deviennent des “producteurs de con-tenu” et dans la mesure du possible ils essaient de décliner ce contenusur plusieurs plateformes » (Journaliste multiplateforme, originaire de laradio, Radio Canada, avril 2010).

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Table des matières 357

TABL

E DE

S M

ATIÈ

RES

Préface de Jane B. Singer ...................................................................................... 5

1. La fin de l’isolement ........................................................................................... 5

2. Questions pratiques ............................................................................................ 6

3. S’adapter au changement ................................................................................. 8

IntroductionLe journalisme en ligne comme objet d’étude protéiforme ................ 11

1. Quelques travaux marquants ....................................................................... 11

2. Un projet collectif .............................................................................................. 15

3. Structure de l’ouvrage ..................................................................................... 16

CHAPITRE 1HISTORIQUE DU JOURNALISME

EN LIGNE ....................................................... 19

1. Les prémices ....................................................................................................... 20

1.1 Banques d’information ............................................................................. 20

1.2 Télétexte ........................................................................................................ 21

1.3 Vidéotex ........................................................................................................ 22

2. Les médias à la découverte du Web ........................................................... 23

3. La bulle ? .............................................................................................................. 26

4. Web 2.0 et nouveaux acteurs ....................................................................... 26

5. Intégration et “bi-média” .............................................................................. 29

6. À la recherche du modèle économique ..................................................... 30

7. L’invention d’une/de nouvelle(s) forme(s) de journalisme ............... 32

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Journalisme en ligne

358 Table des matières

CHAPITRE 2L’ORGANISATION INTERNE DES RÉDACTIONS

EN LIGNE ....................................................... 35

1. Les équipes Web ................................................................................................ 36

1.1 Des équipes jeunes ..................................................................................... 36

1.2 Une organisation par shifts ..................................................................... 41

1.3 Des statuts précaires .................................................................................. 42

1.4 Des tâches symboliquement peu valorisées ....................................... 42

1.5 Les postes du Web ..................................................................................... 43

2. L’idéal de convergence .................................................................................... 45

2.1 Des rédactions séparées à l’intégration physique ............................. 45

2.2 Vers une collaboration entre les segments professionnels ? ......... 46

2.3 Différentes modalités pour pratiquer la convergence ..................... 48

2.3.1 Aucune requête ..................................................................................... 49

2.3.2 Incitation ............................................................................................... 49

2.3.3 Demande contrôlée .............................................................................. 50

2.3.4 Obligation ............................................................................................. 50

3. Les effets de la convergence sur l’environnement de travail ............ 56

4. Impact sur la qualité du journalisme et la satisfaction des journalistes ................................................................................................... 57

CHAPITRE 3UNE IDENTITÉ TRANSNATIONALE

DES JOURNALISTES EN LIGNE ? ............................ 61

1. Propos explicatifs : repérer des traits identitaires communs ........... 62

2. Les configurations de travail dans les salles de rédaction en ligne ................................................................................................................... 66

2.1 L’organisation interne : des équipes jeunes et dédiées ................... 66

2.2 Un profil Web ? .......................................................................................... 68

2.3 Les outils ....................................................................................................... 69

2.4 La configuration des lieux : des espaces de travail ouverts et hiérarchisés .............................................................................................. 71

2.5 Polyvalence et pluriactivité ..................................................................... 73

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Table des matières

Table des matières 359

3. La temporalité comme élément structurant de l’identité .................. 76

3.1 Le temps ressenti, un horlogisme flagrant ? ...................................... 77

3.2 Le temps encadré ....................................................................................... 80

4. Quelques nœuds identitaires transnationaux ........................................ 83

CHAPITRE 4USAGE DES OUTILS AUDIMÉTRIQUES ..................... 87

1. La culture du clic ............................................................................................... 88

Des outils de plus en plus performants ............................................... 88

2. Une floraison d’indicateurs ........................................................................... 89

3. Une dissémination progressive et durable ............................................... 90

4. L’impact organisationnel ............................................................................... 91

5. L’impact sur le métier de journaliste ......................................................... 91

6. L’impact éditorial .............................................................................................. 93

7. L’impact sur le modèle économique .......................................................... 93

8. Quelles conséquences à long terme ? ........................................................ 94

CHAPITRE 5LA VÉRIFICATION DE L’INFORMATION

EN LIGNE ....................................................... 97

1. La fiabilité ............................................................................................................ 98

2. Une information en ligne moins fiable ? .................................................. 99

3. En cas d’erreur .................................................................................................. 103

4. De la décision de diffuser .......................................................................... 105

5. Datajournalism et fiabilité ? ....................................................................... 106

Techniques de vérification spécifiques au Web .............................. 109

CHAPITRE 6DES PROMESSES AUX PRATIQUES DU JOURNALISME PARTICIPATIF ........................ 115

1. Définir le journalisme participatif ............................................................ 116

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Journalisme en ligne

360 Table des matières

2. L’évolution du journalisme participatif ................................................. 119

Des professionnels réticents .................................................................. 122

3. Gérer la participation .................................................................................... 124

3.1 La curation ................................................................................................. 125

3.2 Approches novatrices du journalisme participatif ......................... 126

3.3 L’agrégation de contenus ....................................................................... 127

3.4 Perspectives ................................................................................................ 130

CHAPITRE 7JOURNALISTES ET RÉSEAUX SOCIAUX .................. 133

1. Les réseaux sociaux, des coquilles vides ? ............................................. 134

2. Les outils, mimant des gestes éminemment journalistiques ........... 135

2.1 Les formes discursives et éditoriales de quelques marques de réseaux sociaux ................................................................................... 135

2.2 De l’injonction à l’intégration dans les gestes journalistiques ........................................................................................... 141

2.3 Après les blogs et les microblogs ......................................................... 142

3. La rapide institutionnalisation par les formateurs-passeurs .......... 145

3.1 Des réseaux, comme moyens de feedback sur les usages et la “demande” ........................................................................................ 145

3.2 Le journaliste vigie, veilleur, curateur ............................................... 146

3.3 Rappel à l’ordre ........................................................................................ 147

4. Fluidifier les processus professionnels, accélérer les tempos de l’information ? ............................................................................................ 148

4.1 Mettre en visibilité des relations plus informelles .......................... 149

4.2 Relais et partage de documents ........................................................... 150

4.3 Applications dérivées .............................................................................. 154

5. Des réseaux sociaux, comme des médias d’information en devenir ........................................................................................................... 155

CHAPITRE 8LE WEBDOCUMENTAIRE .................................. 159

1. L’émergence d’un format éditorial innovant ? .................................... 160

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Table des matières

Table des matières 361

2. Un document(aire) hypermédia ................................................................. 161

2.1 Question terminologique ....................................................................... 161

2.2 Cartographie du webdocumentaire francophone .......................... 162

3. Approche historique : du cinéma documentaire au webdocumentaire ...................................................................................... 163

3.1 Techniques d’enregistrement et écriture du réel ............................. 164

3.2 Support vidéo et écriture cinématographique ................................. 165

3.3 Équipement de prise de vue communicant et dématérialisation des supports vidéo ............................................ 166

3.4 Innovation technique et webdocumentaire ...................................... 166

4. Acteurs et représentations du réel ............................................................ 167

4.1 Démarche cinématographique vs démarche journalistique ........ 167

4.2 Contexte économique ............................................................................. 170

5. L’expérience utilisateur ................................................................................. 172

5.1 Le pôle de la réception vu par le concepteur ................................... 172

5.2 Approches quantitatives et qualitatives de la réception d’un documentaire hypermédia ........................................................... 172

5.3 Une posture spectatorielle dichotomique ......................................... 173

5.4 Désorientation cognitive pour l’usager ............................................. 174

5.5 La télévision connectée : favorable au développement du documentaire hypermédia ? ............................................................ 174

CHAPITRE 9INFORMATION, MODÈLES D’AFFAIRES

ET CONCURRENCE ......................................... 179

1. Une économie de la presse en ligne en mutation ................................ 180

2. Les tendances lourdes du secteur de la presse écrite ......................... 181

2.1 Érosion du lectorat : un effet générationnel .................................... 181

2.2 Une structure organisationnelle fragilisée ........................................ 183

2.3 Un modèle d’affaires traditionnel non rentable ............................. 184

3. Les nouveaux acteurs du secteur de la presse écrite .......................... 185

3.1 La presse gratuite d’information ......................................................... 185

3.2 Les acteurs de la presse en ligne .......................................................... 186

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Journalisme en ligne

362 Table des matières

4. Révolution de l’information ........................................................................ 190

4.1 “L’information en réseau” .................................................................... 190

4.2 Non-rivalité de l’information, droit d’auteur et bien expérientiel ................................................................................... 191

5. Une nouvelle fabrique de l’information ................................................. 193

5.1 Une structure de coûts renouvelée ...................................................... 193

5.2 De nouveaux modes de production de l’information ................... 194

5.3 Vers de nouvelles formes d’information ........................................... 195

6. Chaîne de valeur et concurrence ............................................................... 196

6.1 Désintermédiation de la filière de production ................................ 196

6.2 Incidences des géants (Google, Apple) sur la structure du marché ? ................................................................................................ 197

7. Une multiplicité de modèles d’affaires .................................................... 199

7.1 Marchés à deux versants et effets de réseaux .................................. 199

7.2 Les principaux modèles d’affaires ...................................................... 200

7.3 Publicité en ligne et tarifs publicitaires ............................................. 203

8. Au-delà des stratégies sur Internet : tablettes numériques et téléphones mobiles ..................................................................................... 204

9. Les défis lancés par la presse en ligne ..................................................... 205

CHAPITRE 10DÉONTOLOGIE ET ÉTHIQUE DU JOURNALISME

EN LIGNE ..................................................... 209

1. Une évolution, plutôt qu’une révolution ............................................... 210

2. Un observateur entre inventions et routines ......................................... 213

3. Un journaliste interprète déboussolé ....................................................... 217

4. De nouveaux narrateurs ............................................................................... 218

CHAPITRE 11LA PRESSE EN LIGNE ET LE DROIT ....................... 221

1. Pour un aperçu de quelques notions clés applicables au journalisme sur Internet ......................................................................... 222

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Table des matières

Table des matières 363

2. Le devoir de vérité ........................................................................................... 223

3. Le droit de réponse ......................................................................................... 225

4. Le droit à l’oubli .............................................................................................. 228

5. Le droit à l’image .......................................................................................... 231

6. Le droit d’auteur .............................................................................................. 233

6.1 Protection de ses propres droits .......................................................... 233

6.2 Respect des droits d’auteur existant ................................................... 235

7. Le journaliste, les forums et les blogs ..................................................... 236

8. Responsabilité des médias en ligne .......................................................... 239

8.1 Le délit de presse ..................................................................................... 239

8.2 La responsabilité en cascade ................................................................. 240

9. Déterminer le juge compétent et la loi compétente ........................... 243

9.1 Déterminer le juge compétent .............................................................. 243

9.2 Déterminer la loi applicable ................................................................. 243

CHAPITRE 12MÉTHODOLOGIES DE RECHERCHE ADAPTÉES

AU JOURNALISME NUMÉRIQUE .......................... 247

1. Les défis méthodologiques liés au journalisme en ligne .................. 249

2. L’emploi des méthodes numériques dans l’analyse quantitative de l’information en ligne .............................................................................. 254

2.1 La constitution de larges corpus et leur cartographie .................. 254

2.2 De nouveaux paliers dans l’analyse quantitative et automatisée ........................................................................................... 257

3. Étudier l’appropriation de la presse en ligne par la confrontation des utilisateurs à leurs traces d’usage ........... 261

4. La réception de l’information en ligne via les réseaux sociaux .... 266

4.1 L’observation participante .................................................................... 267

4.2 Le recrutement des informateurs via les réseaux sociaux ........... 267

4.3 La collecte de données en ligne ............................................................ 267

5. Étude “ethnographique” des rédactions Web ..................................... 270

5.1 Le point de vue des acteurs ................................................................... 270

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Journalisme en ligne

364 Table des matières

5.2 Les choix méthodologiques et leurs conséquences ........................ 271

5.3 Échantillonnage ........................................................................................ 271

5.4 Type de questions ..................................................................................... 272

5.5 Nombre d’interviews ............................................................................... 272

5.6 Codage ......................................................................................................... 273

5.7 Comparaison ............................................................................................. 273

5.8 Degré de participation ............................................................................ 274

5.9 Durée passée sur le terrain .................................................................... 274

6. Sélectionner des corpus d’interfaces dans une perspective sociosémiotique et ethnographique .......................................................... 276

6.1 Analyser l’architecture des possibles .................................................. 276

6.2 La fiche de profil identitaire ................................................................. 277

6.3 L’observation participante .................................................................... 278

7. Analyser un site de média : entre filiation et nouveauté, comment relever le défi de la complexité de l’information en ligne ? ............................................................................................................. 281

7.1 Trois niveaux d’analyse : sémiotique, technique, communicationnelle ................................................................................ 281

7.2 Sémiotique et diversité des signes ........................................................ 283

8. L’étude des architectures des pages d’accueil de sites d’information en ligne : une manière de mesurer leur degré d’innovation ................................................................................. 286

8.1 La page d’accueil, un révélateur de l’identité et de la stratégie d’un site ....................................................................................................... 286

8.2 Les sites Web d’information : des analyses axées essentiellement sur les fonctionnalités ............................................... 287

8.3 Observer la structure, les formats et contenus des pages d’accueil ................................................................................... 288

8.4 Méthodes et limites des études sur la structure des pages d’accueil ................................................................................... 288

9. Étudier les internautes par des questionnaires en ligne sur site de presse .............................................................................................. 292

9.1 Préalables méthodologiques ................................................................. 292

9.2 Enquête sur des publics généralistes .................................................. 293

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Table des matières

Table des matières 365

9.3 Atouts du questionnaire en ligne pour étudier les infonautes ............................................................................................. 294

9.4 Les difficultés à surmonter pour ce type de méthodologie ......... 295

10. Les modèles d’affaires des médias numériques ................................... 298

10.1 La volatilité du “modèle d’affaires” .................................................. 298

10.2 Deux approches de recherche .............................................................. 299

11. La recherche évaluative dans le contexte du journalisme en ligne ................................................................................................................. 303

11.1 L’approche organisationnelle ............................................................... 303

11.2 Quelle évaluation ? .................................................................................. 304

11.3 L’évaluation normative .......................................................................... 305

11.4 Recherche évaluative ............................................................................... 307

11.5 Limites de la méthode ............................................................................. 307

Postface de Nicolas Kayser Bril ...................................................................... 309

Présentation des auteurs ................................................................................... 313

Glossaire ..................................................................................................................... 319

Bibliographie ........................................................................................................... 329

Table des matières ................................................................................................ 357

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Le journalisme en ligne bouscule les repères des professionnels de l’information.

Ce livre, rédigé par une équipe internationale de scientifi ques et d’acteurs de terrain, offre une synthèse inédite des nombreuses études qui abordent ce phénomène. Il fournit les clés essentielles qui permettent de comprendre les mutations rapides du journalisme en expliquant, d’une part, ce que sont les nouvelles pratiques professionnelles et en proposant, d’autre part, des méthodes d’analyse.

L’ouvrage décrit le quotidien des rédactions Internet, précise les compétences nécessaires pour pratiquer ce journalisme de l’immédiat et les dérives potentielles auxquelles les professionnels sont exposés.

Les étudiants et les chercheurs trouveront ici des données empiriques recueillies au cœur des rédactions, mais aussi de nombreuses pistes méthodologiques pour aborder leur objet d’étude : de la fabrication de l’information en ligne jusqu’aux produits fi nis présentés sur les sites Web, en passant par les études de réception.

JOULIGISBN : 978-2-8041-7068-4www.deboeck.com

Cet ouvrage s’adresse aux étudiants et enseignants en journalisme ainsi qu’aux professionnels de l’information.

Historienne de l’art et journaliste de formation, Amandine Degand est doc-teur en information et communication à l’Université catholique de Louvain (Belgique). Elle est membre de l’Obser-vatoire du Récit Médiatique (ORM).

Docteur en communication, Benoît Grevisse est professeur à l’Université catholique de Louvain (Belgique) où il dirige l’École de journalisme de Lou-vain (EJL). Il est également membre de l’Observatoire du Récit Médiatique (ORM). Il enseigne à l’Université de Neuchâtel et l’Université de Genève (Suisse) et intervient régulièrement en entreprise de presse dans le cadre d’audits et conseils, comme en forma-tion continuée de journalistes.

Professeur à l’Université d’Iowa (USA) et à l’Université centrale du Lancashire (UK), Jane B. Singer a été la première “news manager” du Prodigy Interactive Services. Elle a également travaillé comme reporter pour la presse écrite et comme rédac-trice en chef.

Nicolas Kayser-Bril est l’un des pionniers du journalisme de données en France. Après avoir mis en place le pôle “datajour-nalisme” chez OWNI, il a cofondé, en 2011, la société Jour-nalism++, une agence accompagnant les rédactions dans leur transition vers le web des données.

Avec les contributions d’Arnaud Anciaux, Luc Bonneville, Geneviève Bonin, Jean-Marie Charon, Daniel Cornu, Dominique Cotte, Édouard Cruysmans, Julien Figeac, Chantal Francoeur, Samuel Gantier, Alfred Hermida, Valérie Jeanne-Perrier, Florence Le Cam, Arnaud Mercier, Nathalie Pignard-Cheynel, Franck Rebillard, Florence Reynier, Omar Rosas, Nathalie Sonnac, Yves Thiran, Annelise Touboul.

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Dans le cadre du nouveau Système Européen de Transfert de Crédits (E.C.T.S.), ce manuel couvre en France le niveau : Master 1-2.En Belgique : Master 1-2En Suisse : Master 1-2Au Canada : Master 1-2

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SOUS LA DIRECTION DEAMANDINE DEGAND

ET BENOÎT GREVISSE

PRATIQUES ET RECHERCHES

Préface de Jane B. SingerPostface de Nicolas Kayser-Bril