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Ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité D OCUMENT D’ÉTUDES DARES Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques Les documents d'études sont des documents de travail ; à ce titre, ils n'engagent que leurs auteurs et ne représentent pas la position de la DARES. DARES : * - Mission Animation de la Recherche. ** - Département politiques d’emploi. *** - Mission Analyse Économique. COHÉSION SOCIALE, EMPLOI ET COMPÉTIVITÉ : éléments pour un débat Rachel BEAUJOLIN-BELLET* Marc-Antoine ESTRADE*** Jean-yves KERBOUC’H* Tristan KLEIN** Frédéric LERAIS*** Dominique MEDA* Anne SAINT-MARTIN*** Frédérique TRIMOUILLE* N° 58 Août 2002

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Ministèredes affaires sociales,

du travailet de la solidarité

D OCUMENT D’ÉTUDES

DARESDirection de l’animation de la recherche,des études et des statistiques

Les documents d'études sont des documents de travail ;à ce titre, ils n'engagent que leurs auteurs

et ne représentent pas la position de la DARES.

DARES :* - Mission Animation de la Recherche.** - Département politiques d’emploi.*** - Mission Analyse Économique.

COHÉSIONSOCIALE,

EMPLOI ETCOMPÉTIVITÉ :

élémentspour un débat

Rachel BEAUJOLIN-BELLET*Marc-Antoine ESTRADE***

Jean-yves KERBOUC’H*Tristan KLEIN**

Frédéric LERAIS***Dominique MEDA*

Anne SAINT-MARTIN***Frédérique TRIMOUILLE*

N° 58

Août 2002

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SOMMAIRE

INTRODUCTION………………………………………………………………………………… P.5

PARTIE 1 : EMPLOI ET COHESION DANS L’EMPLOI : UN VIEUX DEBAT…………………….. P.131.1 Le salaire minimum :

Moins d’inégalités salariales pour des effets limités sur la demande de travail….……. P.141.2 La protection de l’emploi :

Un emploi plus durable mais pas nécessairement moins d’emplois…..……………… P.181.3 Les minima sociaux :

Faut-il craindre des effets désincitatifs sur l’offre de travail ?………………………… P.291.4 Sélectivité du marché du travail et politiques ciblées d’aide à l’emploi :

Un double objectif d’équité et d’efficacité……………………………………………… P.36

PARTIE 2 :LA DIMENSION SOCIALE COMME DETERMINANT DE LA PERFORMANCE ECONOMIQUE ?….. P.432.1 Le capital humain, un atout pour la croissance et un objectif social :

Résoudre le problème d’insertion sur le marché du travail……………………………. P.452.2 Indicateurs sociaux et capital social :

Les limites du cadre économique……………………………………………………….. P.512.3 Performance économique et travail :

Les conditions de travail en question…………………………………………………… P.582.4 Investissement socialement responsable et rating social :

La prise de conscience des acteurs économiques………………………………………. P.612.5 Les aspects juridiques de la responsabilisation sociale de l’entreprise……………………… P.66

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INTRODUCTION

Développement économique et développement social entretiennent des rapports complexes, ils ne sontpas contradictoires mais simultanés et d’une certaine manière se déterminent l’un l’autre. C’est dumoins la position qui a longtemps été soutenue, à tel point que ces deux dimensions essentielles ontsouvent été résumées par un seul indicateur, la croissance du revenu national dont devaitnécessairement découlé une amélioration du bien-être de la société. Toutefois, les nombreusesdiscussions autour de la construction d’indicateurs sociaux et les interrogations sinon les mises engarde récurrentes sur le poids des dépenses sociales sur la croissance, montrent que le lien entredéveloppement économique et développement social est loin de pouvoir être ainsi résumé. Ce travails’inscrit dans ce questionnement général et fournit des premiers éléments de réflexion sur les relationsentre compétitivité économique et performances sociales.La construction du modèle social est concomitante au développement économique et peut se concevoircomme le fruit de la croissance avant d’être envisager comme un frein. Cette dernière dimension estpourtant au cœur de nombreux débats. Le modèle social s’articule autour d’un ensemble de transfertset de dispositions légales destinés à assurer une certaine cohésion entre les générations, les pluspauvres et les plus riches, les actifs et les inactifs, à promouvoir le bien-être partagé de la société. Lafiscalité et les réglementations qui soutiennent les choix sociaux sont fréquemment dénoncées commeun facteur de ralentissement de l’activité économique. La dimension sociale est souvent envisagéecomme un coût qui pèse sur la croissance, sans qu’en retour l’économie puisse en tirer quelquesbénéfices. Pourtant les travaux portant sur l’impact des dépenses sociales sur la croissance n’invitentpas à un tel fatalisme. De même, les pays qui ont des dépenses sociales relativement élevées ne sontpas nécessairement mal placés dans la compétition internationale. Tel est le cas par exemple de laFrance. Certains se sont inquiétés de la montée de l’investissement français à l’étranger, mais il fautrappeler que la France a su attirer dans le même temps des capitaux étrangers. Ces investissementssont surtout le signe du développement d’une stratégie industrielle de la part des entreprises, plus qued’une délocalisation des sites de production. Par ailleurs, les échanges commerciaux de la France avecces principaux partenaires sont excédentaires et la compétitivité française ne semble pas affectée nimême menacée.Le modèle social pèse-t-il lourdement sur la performance économique ? Tout cela tend à montrer qu’iln’y pas en la matière de fatalité. Tout dépend probablement de la cohérence des choix sociaux et de lamanière dont ils interfèrent avec l’activité économique.

Si les dépenses sociales ont entre autres objectifs celui d’une plus juste répartition de la richesseproduite, quel est leur impact sur la croissance économique ? Bien que le coût des inégalités ou del’absence de protection sociale ne puisse être véritablement mesurer en termes de croissanceéconomique, cette question revêt une certaine pertinence. Les dépenses de protection socialereprésentent une part très importante du revenu national et il est légitime de s’interroger sur l’effetqu’elles produisent en retour sur la croissance. En 1999, elles représentaient en moyenne 27,6% durevenu national des pays de l’Union Européenne (cf. tableau 1).Différentes théories se font concurrence quant à l’incidence que pourrait avoir la protection sociale surla croissance économique. Globalement, les enseignements que l’on peut retirer de ces théories nepermettent pas de se faire une opinion tranchée sur cette question.Une première thèse, initiée par Mirrles (1971) dans le cadre d’une réflexion sur la fiscalité optimale,met en évidence un effet négatif de la protection sociale sur la croissance. Le versement de prestations

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sociales pourrait réduire l’offre de travail et donc les ressources en main-d’œuvre sur lesquelless’appuie la croissance, les bénéficiaires n’étant plus inciter à chercher un emploi. De plus, cesprestations ont pour contrepartie la mise en place d’un système de prélèvements susceptibles deralentir l’épargne et par la même, les investissements à la source de la croissance.Différents arguments s’opposent à cette conception très négative de la protection sociale. D’abord, enévitant la marginalisation des plus pauvres et leur sortie durable du système productif, la protectionsociale permet de renforcer les potentiels de croissance. Ensuite, en limitant les tensions sociales, elleinstaure un climat favorable à la prise de décisions politiques et économiques, même difficiles, ce quipeut améliorer les perspectives de développement durable (Sala-i-Martin, 1996). Enfin, lesmécanismes de marché sont défaillants à certains égards, notamment en matière d’assurance contre laperte d’emploi, de revenu et la protection sociale joue un rôle important à ce niveau. En couvrant uncertain nombre de risques, elle peut encourager l’esprit d’entreprise et le développement de certainsinvestissements, comme par exemple l’investissement dans de nouvelles technologies (Ahmad et al.1991, Hubbard et Judd 1998). Autant d’initiatives dont la croissance profite. Une économie de marchéne permet pas non plus de résorber les inégalités, ni d’éviter leur reproduction et s’est au modèle sociald’assurer l’égalité des chances. La reproduction des inégalités devant l’école est par exemple encoretrès forte, ce qui peut conduire à un sous-investissement en capital humain dommageable à lacroissance. La question centrale est toutefois la raison de cette reproduction sociale : est-ce un effet decapital culturel ou économique ? Goux, Maurin (1999) ont avancé que la pauvreté des parents est lefacteur principal pour expliquer le retard scolaire et l’arrêt précoce des études. Cette idée pourrait alorsde justifier l’existence d’un revenu de transferts pour les parents les plus pauvres afin de limiter lesous-investissement éducatif.Au total, se dégage l’idée que les dépenses sociales peuvent favoriser la croissance si d’une manièreou d’une autre elles sont réinvesties dans des facteurs productifs accumulables. Globalement, il estdonc difficile de savoir quel est leur effet sur la croissance, toutes n’ayant pas vocation à êtredirectement réinvesties dans le système productif (les dépenses de santé et celles à destination despersonnes âgées, par exemple). Et les travaux empiriques sur ce thème ne sont pas d’un grand secours.Atkinson (1999) souligne en effet que les études abordant ce sujet, à un niveau très agrégé, nepermettent pas de conclure. Ces études mélangent souvent des pays par trop hétérogènes pour aller au-delà du simple constat que les dépenses sociales sont relativement plus élevées dans les pays richesque dans les pays pauvres. Et celles qui s’appuient sur des groupes de pays plus homogènes (les paysde l’OCDE par exemple) concluent tantôt à un effet positif des dépenses sociales sur la croissance,tantôt à un effet négatif, certaines ne trouvant aucune relation (Parent, 2001).Un travail récent de l’OCDE met en évidence un effet négatif mais modéré (Arjona, Ladaique etPearson, 2001). C’est surtout la décomposition de cet effet qui est intéressante. Les dépenses socialesne peuvent être réduites à autant de prélèvements pesant sur les agents, elles ont essentiellement unaspect redistributif. Isolant cette dimension, les auteurs montrent qu’elle n’agit pas négativement sur lacroissance et l’argument consistant à dire que les prestations sociales peuvent avoir des effetsdésincitatifs importants sur les bénéficiaires ne trouve pas ici de validation empirique. Un autre aspectintéressant de cette étude est qu’elle isole dans les dépenses sociales, celles correspondant auxpolitiques du marché du travail (dépenses de formation) ou destinées à rendre le travail rémunérateurpour tous ainsi que les dépenses visant à faciliter la reprise d’activité (comme par exemple, la prise encharge des gardes d’enfants ou de personnes âgées). Les auteurs montrent alors que cette catégorie dedépenses participe d’une croissance plus dynamique.On retrouve donc l’idée que l’impact des dépenses sociales sur la croissance dépend de la nature et del’objectif poursuivi par ces dépenses. L’ensemble de ces dépenses recouvre une diversité d’objectifstelle qu’il semble difficile d’apprécier globalement leur impact sur la croissance.

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Tableau 1 : Les dépenses de protection sociale en EuropePrestations sociales par groupe de fonctions, 1999

(en % du total des prestations sociales)Dépenses deprotection

sociale, 1999(en % du PIB)

Vieillesse+ survie

Maladie/soins de santé+ invalidité

Famille/enfants

Chômage Logement+ exclusion

sociale n.c.a.Belgique 28.2 43.0 33.6 9.1 12.1 2.2Danemark 29.4 38.0 31.7 13.0 11.2 6.1Allemagne 29.6 42.1 36.0 10.5 8.8 2.6Grèce 25.5 50.7 31.0 7.6 5.7 5.0Espagne 20.0 46.2 37.0 2.1 12.9 1.9France 30.3 44.2 34.0 9.8 7.4 4.6Irlande 14.7 25.2 45.3 13.0 11.1 5.4Italie 25.3 64.0 30.0 3.7 2.2 0.2Luxembourg 21.9 41.4 39.5 15.5 2.5 1.1Pays-Bas 28.1 41.5 40.7 4.3 6.2 7.4Autriche 28.6 47.4 35.4 10.3 5.4 1.6Portugal 22.9 43.7 45.6 5.2 3.7 1.8Finlande 26.7 35.1 37.2 12.8 11.3 3.7Suède 32.9 39.5 36.9 10.5 8.1 4.9Royaume-Uni 26.9 46.1 34.8 8.8 3.2 7.0Union Européenne 27.6 46.0 34.9 8.5 6.8 3.8Zone Euro 27.5 46.5 34.9 8.2 7.4 2.9

Source : « La protection sociale en Europe », Statistique en bref , Eurostat (2002).Note : Pour Eurostat, la protection sociale recouvre 5 grands postes :- vieillesse + survie : pensions de vieillesse et fourniture de biens et services aux personnes âgées, maintien du revenu et assistance en

rapport avec le décès d’un membre de la famille (pensions de reversions…),- maladie/ soin de santé + invalidité : congés de maladie payés, soins médicaux et fourniture de produits pharmaceutiques, pensions

d’invalidité et fourniture de biens et services aux personnes invalides,- famille/enfants : assistance en rapport avec la grossesse, l’accouchement, la maternité et la charge d’enfants et d’autres membres de la

famille,- chômage : inclut, entre autres, les indemnités de chômage et la formation professionnelle financée par les organismes publics- logement + exclusion sociale non classée ailleurs : interventions publiques visant à aider les ménages à faire face au coût du logement,

prestations de complément de ressources, réadaptation des alcooliques et des toxicomanes et autres prestations.

La France est l’un des pays où les dépenses de protection sociale sont les plus élevées, représentantplus de 30 points du produit intérieur brut en 1999. Et en la matière, les disparités entre pays sontrelativement importantes : l’Irlande dépense par exemple moins de 15 points de PIB alors que la Suèdeconsacre jusqu’à près de 33 points de son revenu national aux dépenses de protection sociales. Notonstoutefois qu’il s’agit là des dépenses publiques de protection sociale et que la prise en compte desfinancements privés, notamment ceux à la charge des entreprises, pourraient altérer ce classement despays et gommer en partie les disparités que l’on observe. On peut néanmoins se demander si les paysqui paraissent les plus dispendieux ne se trouvent pas pénalisés dans la compétition internationale.Dans le cas de France, la question se pose notamment en regard de l’évolution des investissementsdirects à l’étranger. L’attractivité du territoire français serait-elle menacer par une fiscalité troplourde ? Les investissements directs français à l’étranger ont en effet fortement augmenté pouratteindre 101 milliards d’euros en 1999, soit près de 8 % du PIB de la France. Cette évolutionpréoccupe certains observateurs: n’assisterait-on pas à une « expatriation des compétences et descapitaux » (Ferrand, 2001) ? Les investissements directs à l’étranger n’ont-ils pas pour contrepartiedes fermetures d’entreprises ?Cette préoccupation est ancienne. Elle a parfois conduit à un pessimisme excessif. Ainsi, le rapportArthuis de 1993, alertait que les délocalisations industrielles vers le tiers monde aboutirait à 3 millionsde chômeurs supplémentaires et 80% des emplois étaient susceptibles d’être délocalisés. Il faut noterque ces investissements directs ne correspondent pas toujours à des délocalisations. C’est en effet ledynamisme des fusions-acquisitions qui est le premier facteur du dynamisme des investissementsfrançais à l’étranger. Ces opérations sont favorisées par l’achèvement du marché unique européen. Dece point de vue, la tendance enregistrée en France est parallèle à ce qui est observée dans le reste del’Union européenne.Dans le même temps, la France a connu une forte croissance de l’intensité des flux d’entrants. Les fluxd’investissements étrangers en France ont augmenté de 80 % en trois ans pour atteindre 37 milliards

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d’euros en 1999, soit 2,7% du PIB. Cette progression montre l’intérêt que portent les investisseurspour le territoire national.Depuis l’achèvement du marché unique, les pays européens sont encore plus en concurrence pourattirer les investisseurs. Les performances fiscales et sociales sont souvent évoquées au premier rangdes choix de localisation. Pourtant, d’autres facteurs interviennent dans le choix de la localisation.Ewwe-Ghee Lim (2001) recense les facteurs les plus souvent cités dans les études économétriques surles déterminants de l’investissement : la distance (et les coûts de transport), le coût des facteurs, lesincitations fiscales, le climat des affaires, la taille du marché, la présence de pôle technologique,comme le souligne les travaux d’économie géographique (Krugman). Il ressort de cette étude que c’estla taille du marché qui est la variable la plus robuste. Les coûts relatifs jouent aussi mais certainesétudes montrent qu’il faut surtout tenir compte de la qualité de la main d’œuvre (Mody, Dagsguptaand Shina, 1998). Les effets des incitations fiscales sont ambigus, parce que certains investisseurs lesconsidèrent comme temporaires ou comme ayant des répercussions sur les autres impôts. Les risquespolitiques, l’instabilité constituent les freins les plus importants au développement de l’investissementdirect. Par contre les effets de la « bureaucratie » ou de complexité de la législation n’interviennentdans aucune étude (mais c’est une variable difficile à construire). L’attractivité d’un territoire, quidépend de multiples facteurs, résulte des politiques économiques et de la géographie. Aujourd’hui,l’attractivité du territoire français paraît satisfaisante, puisque la France se situe au cinquième rangmondial des pays d’accueil et au troisième rang européen (cf. tableau 2).De ce point de vue, les dépenses sociales relativement élevées en France ne semblent pas constituer unobstacle décisif au développement de l’activité économique sur le territoire français.

Tableau 2 : Stocks des investissements directs au 31/12/98Investissements à l’étranger Investissements en provenance

de l’étrangerMds d’euros % PIB Mds d’euros % PIB

États-UnisRoyaume-UniAllemagneJaponFrancePays-BasItalieCanadaBelgiqueEspagne

840.4425.8333.2238.8240.0225.4145.8132.7106.758.5

11.033.917.26.918.464.113.724.447.411.8

695.7275.4182.723.1202.0145.390.0121.4162.8101.8

9.122.09.40.7

15.541.38.4

22.372.320.5

Source : Bulletin de la Banque de France, n°76, avril 2000

Le positionnement de la France dans la compétition internationale peut également être abordé sousl’angle de ses échanges commerciaux avec les pays étrangers. On peut en effet se demander si laprotection sociale et les prélèvements fiscaux qui la soutiennent pèsent sur la compétitivité desentreprises françaises. En première approche, la compétitivité internationale désigne la capacité às’insérer dans la division internationale du travail1. De ce point de vue, la compétitivité française estglobalement satisfaisante. En effet, avec + de 10 milliards d’euros en 2001, le solde courant françaiss’est beaucoup amélioré par rapport aux années quatre-vingt : d’un déficit avant les années quatre-vingt-dix, on est passé à des excédents élevés, qui se sont maintenus en France malgré une activitéplus dynamique que nos principaux partenaires européens depuis 1997. Cette situation s’explique enpartie par les performances en termes de compétitivité-prix. Ce qui est confirmée par le niveau relatif

1 La notion de compétitivité et la mesure de ses sources ne va pas de soi au point que pour Krugman (1996), spécialiste ducommerce international, la compétitivité est un concept superflu. Concept superflu au sens où il ne dit rien sur la performanceglobale de l’économie et du niveau de vie. Traditionnellement, ce sont les évolutions des prix ou des coûts relatifs qui sontanalysées pour évaluer les performances à l’exportation d’un pays. Mais cet indicateur s’appuie sur l’idée d’une concurrencesur un seul type de bien. Les nouvelles théories du commerce international ont rompu avec ce paradigme, elles abordentmaintenant la concurrence en termes de différenciation des produits. Cette différenciation permet d’expliquer en partie que levolume du commerce peut être plus ou moins sensible aux variations du coût du travail, selon le type de spécialisation despays.

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des coûts horaires du travail qui ne sont pas parmi les plus élevés en Europe, alors que la productivitéhoraire y est plutôt forte. La France se retrouve en meilleure position que la Suède et l’Allemagne. Cesévolutions tiennent en grande partie au fait que les évolutions de salaires ont été assez modérées parrapport à beaucoup de pays d'Europe, notamment du Nord2.S’il faut éviter de dégrader la compétitivité prix de l'économie française et avoir un partage équilibréde la valeur ajoutée (entre entreprises et salariés), la France ne peut toutefois se cantonner à unecompétitivité prix obtenue par la réduction des coûts. En effet, une telle stratégie procure desavantages mais souvent faibles au regard des écarts de prix avec les PVD ou les pays en transition ;elle peut être coûteuse en termes sociaux et ces gains peuvent être annulés par des mouvements dechange. Pour parvenir à un niveau de compétitivité élevé et pérenne, il faut jouer sur la qualité desproduits (et l’innovation). Les résultats d’une enquête du COE (Observatoire Économique, rattaché àla chambre de commerce et d’industrie de Paris) montrent qu’en la matière, la situation de lacompétitivité hors prix est bonne. Ainsi, l’image des produits exportés par la France est au-dessus dela moyenne des pays partenaires (cf. graphique). La croissance de l’économie française s’appuie doncaussi sur des produits de qualité. Le résultat de ces enquêtes est confirmé par des estimationséconométriques qui montrent que la France est plutôt spécialisée dans des produits de qualité(Fontagné et Freudenberg (1999) et Erkell-Rousse (2002)), relativement moins sensible au coût dutravail (Fouquin et alii). Les travaux de recherche de Magnier et Toujas-Bernate (1994), ont identifiéles déterminants de la compétitivité des entreprises exportatrices leur permettant de disposer d’unecertaine autonomie dans la fixation des prix, en mettant l’accent notamment sur la différenciation desbiens, dans un cadre de concurrence monopolistique (Dixit et Stiglitz, 1977). Dans cette optique, lacapacité d’innovation des firmes appréhendée par la variété des biens constitue une forme decompétitivité plus déterminante que celle reposant sur les prix. Les théories récentes de la croissancese sont développées autour de l’idée de la concurrence en qualité et en variété. Dans ces modèles, lemoteur de la croissance est alors la qualité de la main d’œuvre (plus que son coût), cette dernièredevant désormais être capable d’innover.Dans cette optique, le modèle social, la protection sociale, en renforçant l’égalité des chances devantl’éducation et en facilitant l’accumulation de capital humain participe d’une économie pluscompétitive.

2 La compétitivité-prix repose sur les coûts de main-d’œuvre (directs ou indirects), coût du capital (coût du capital matériel etimmatériel, coût du financement) et coût des consommations intermédiaires (énergie, transport, etc.). Elle dépend aussi ducomportement de marge des entreprises, c’est-à-dire de l’écart entre le coût de production et le prix de vente, mais aussi destaux de change.

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En première approche, il n’y a donc pas d’évidence forte permettant d’affirmer qu’un modèle social« généreux » pèse sur la croissance et la compétitivité. Toutefois, la dimension sociale recouvre demultiples aspects et il est difficile de traiter de ces questions en restant à un tel niveau de généralité. Enparticulier, il y a tout un pan du modèle social pour lequel la relation entre dimensions économiques etsociales est réduite aux questions de financement, de fiscalisation des dépenses sociales, sans autrevéritable lien ni effet de retour. Si le modèle social s’appuie toujours sur la richesse produite, sonenjeu reste souvent en dehors de la sphère économique : il est question de bien-être, de qualité de vie.Si l’on peut chercher à optimiser la gestion de telles dépenses, le bien fondé de leur existence même nepeut être remise en cause par des critères d’ordre purement économique : c’est par exemple le cas desdépenses de santé ou de vieillesse qui constituent pourtant une part très importante des dépenses deprotection sociale. L’objet principal de telles dépenses n’est pas d’être « productives », même si ellespeuvent avoir une influence sur les capacités productives des travailleurs (ce qui explique que lesentreprises aient accepté à l’origine de participer à leur financement, notamment en ce qui concerne lesdépenses de santé avec la médecine du travail). Il s’agit davantage de parvenir à une gestion optimaled’un point de vue économique et social. Ainsi, la dimension sociale intervient dans de nombreuxdomaines et la question de sa relation avec la sphère économique peut être plus ou moins riche etpertinente. Dans le cadre de cette étude, on se limitera aux seuls domaines du travail, de l’emploi et dela formation.

Il y a sur le marché du travail des dispositifs dont la composante sociale est évidente et qui,indépendamment des questions de financement, structurent fortement le fonctionnement de ce marchésans toutefois guider l’ensemble des mécanismes d’ajustements qui y sont à l’œuvre. Les aspectssociaux interviennent alors, aussi, comme des outils de régulation de l’économie. De fait, on peut sedemander si les orientations qu’ils impulsent sont justes, également d’un point de vue économique etne produisent pas d’effets pervers importants, résultats par exemple d’ajustements défavorables àcertaines catégories d’individus. On rejoint ainsi un vieux débat, celui du dilemme supposé entreéquité et efficacité. Seront abordées tour à tour les questions du salaire minimum (fiche 1.1) et de laprotection de l’emploi en relation avec la demande de travail (fiche 1.2) ainsi que les minima sociauxet leurs effets sur l’offre de travail (fiche 1.3). On s’interrogera également sur l’efficacité despolitiques d’emploi à lutter contre la sélectivité du marché du travail (fiche 1.4). Autant de thèmes quirenvoie à des aspects du marché du travail en général bien balisés, pour lesquels il existe unelittérature abondante. Influencée par les arguments traditionnels de la théorie de l’offre et la demandede travail, cette littérature a longtemps condamné toutes ces formes de régulation du marché du travailen évoquant des effets pervers importants sur l’emploi. Les conclusions sont aujourd’hui beaucoupplus nuancées.

Toutes ces tentatives d’évaluation appellent cependant quelques remarques et conduisent à sedemander en quoi, comment et pour quelles raisons la dimension sociale pourrait être un déterminantde la performance économique. L’égalité des chances devant l’éducation et l’insertion des jeunes surle marché du travail sont par exemple des enjeux fondamentaux du modèle social et participent enmême temps à la formation de capital humain, moteur de la croissance (fiche 2.1). Par ailleurs, si l’onadmet généralement que la performance économique peut se mesurer à l’aune d’un taux de chômageou d’un taux de croissance du revenu national, ces indicateurs ne sont pas nécessairement les pluspertinents au regard des questions sociales. S’ils restent inévitables en l’absence d’alternative plussatisfaisante, la définition d’indicateurs sociaux fait actuellement l’objet de nombreux débats. Demême, émerge la notion de capital social dont la définition souffre encore d’un certain flou (fiche 2.2).Ces questions de mesure sont encore plus problématiques au niveau de l’entreprise. Seuls les coûts dutravail et du capital sont mesurables. Les entreprises savent mal évaluer la contribution de chacun deleur salarié à la valeur ajoutée, sauf peut-être dans le cas de travail direct comme le travail à la chaîne.Dans cette perspective, l’influence des conditions d’exercice du travail sur l’efficacité productive est,au niveau individuel, tout aussi difficile à mesurer. On peut toutefois faire un certain nombre deconstats sur la façon dont les conditions d’exercice du travail ont évolué, ce parallèlement auxprofondes modifications qu’ont pu connaître les organisations et les techniques de production (fiche2.3). Malgré tous les problèmes inhérents à la mesure de l’efficacité productive du travail, il y a unevolonté, émergente, d’évaluer les entreprises selon des critères sociaux pour tenter d’internaliser la

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dimension sociale, comme si cette dimension était devenue un déterminant de la performanceéconomique. C’est la vocation des agences de « rating social », qui proposent un système de notationsociale de l’entreprise à destination des investisseurs financiers (fiche 2.4). On peut enfin se demanderà quelle réalité juridique correspond la notion de responsabilisation sociale de l’entreprise (fiche 2.5).

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PARTIE 1EMPLOI ET COHESION DANS L’EMPLOI : UN VIEUX DEBAT

La littérature a longtemps opposé l’objectif d’équité et de cohésion dans l’emploi à celui d’efficacité,notamment en termes de capacité à créer des emplois. Le discours est aujourd’hui beaucoup moinstranché et les grandes formes de régulation ou de transferts sur le marché du travail ne semblent pasdevoir dégrader les performances de ce marché en matière de création d’emplois.

1.1 Le salaire minimum : moins d’inégalités salariales pour des effets limités sur la demande detravailLe salaire minimum remplit son rôle, en limitant les inégalités salariales et cela, sans engendrerd’effets pervers importants sur l’emploi, sauf peut-être pour les jeunes. A cet égard, les instrumentsfiscaux et parafiscaux, et notamment les cotisations patronales, jouent un rôle important en France,permettant d’introduire une certaine distance entre salaire minimum et coût du travail des emplois àbas salaire. Le salaire minimum n’est en revanche pas un instrument capable de lutter efficacementcontre la pauvreté, n’atteignant pas le public concerné.

1.2 La protection de l’emploi : un emploi plus durable mais pas nécessairement moins d’emploisLa protection de l’emploi ne semble pas en mesure d’affecter le niveau du chômage, limitant à la foisles sorties de l’emploi et les embauches. En revanche, elle rallonge probablement la durée de l’emploiainsi que celle des épisodes de chômage. Par ailleurs, si nombre d’études ont montré qu’aux États-Unis, le système de modulation des cotisations patronales à l’assurance chômage soutenait l’emploi demanière efficace, il ne semble pas raisonnable d’attendre les mêmes résultats de la mise en œuvre d’untel système en France, tant les marchés du travail français et américain sont structurellement différents.

1.3 Les minima sociaux : faut-il craindre des effets désincitatifs sur l’offre de travail ?L’existence de minima sociaux est justifiée par leur capacité à limiter l’instabilité sociale et à assurerune plus grande cohésion sociale. Parallèlement, on peut craindre des effets désincitatifs sur l’offre detravail, leur présence étant susceptible de rendre le travail insuffisamment rémunérateur, notammentdans le cas des temps partiels. Suite aux différentes réformes, ce problème semble en grande partieécarté en France. Par contre, la question de la contrepartie et du suivi individuel des bénéficiaires deces minima sociaux n’est pas réglée.

1.4 Sélectivité du marché du travail et politiques ciblées d’aide à l’emploi : un double objectifd’équité et d’efficacitéLes politiques actives du marché du travail permettent d’accroître le volume d’emploi et leur ciblagefavorise la réinsertion des publics en difficulté. Leur évaluation est toutefois délicate, elle n’échappe àla question des effets d’aubaine et au sein des publics ciblés, il est probable qu’elles touchent d’abordles individus les plus employables. La sélectivité du marché du travail est souvent difficile à identifierprécisément et par la même, difficile à corriger. En outre, la question du ciblage est particulièrementdélicate, le risque étant d’introduire une stigmatisation de certaines catégories de demandeursd’emploi.

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1.1 Le salaire minimum : moins d’inégalités salariales pour des effetslimités sur la demande de travail

Dans leur très grande majorité, les pays de l’OCDE se sont dotés d’un salaire minimum légal. Sur cepoint, les législations sont assez différentes d’un pays à l’autre, le salaire minimum pouvant être fixé àun niveau régional ou bien national, varier selon les branches ou encore être moduler en fonction descaractéristiques des bénéficiaires (qualification professionnelle, âge…). Et les règles de revalorisationsont elles aussi très variables. Le niveau du salaire minimum diffère beaucoup d’un pays à l’autre,allant par exemple de 38% du salaire médian aux États-Unis, à 57% en France (OCDE 1998). Lesproportions de salariés concernés sont également très variables : en France, 11% des actifs occupésétaient en 1996 rémunérés au salaire minimum (près de 14% en 2001), cette proportion n’atteignantque 5% aux États-Unis (OCDE 1998). Le profil des salariés concernés est en revanche toujours lemême : il s’agit essentiellement de jeunes, de femmes et de non-qualifiés.

Partant de ces observations, les salaires minima relativement élevés qui prévalaient dans la plupart despays européens, et notamment en France, ont souvent été pointés du doigt lorsque les taux de chômagedes non-qualifiés et des jeunes ont très fortement progressés au cours des années 80. L’argumentconsistait essentiellement à souligner que cette progression était mieux maîtrisée aux États-Unis, paysdans lequel le salaire minimum était jugé peu « contraignant ».Nombre d’économistes sont depuis revenus sur ce discours, à la suite notamment de travauxempiriques plus fouillés sur la question et desquels aucune évidence allant dans le sens d’un effetdéfavorable important sur l’emploi ne se dégageait.

Les effets du salaire minimum sur l’emploi

Sur le plan théorique, la réflexion sur l’incidence du salaire minimum sur l’emploi a longtemps étéguidée par les arguments traditionnels fournis par la théorie de la demande de travail, suggérantqu’une augmentation du salaire minimum détruit des emplois. La littérature économique livre doncassez peu d’arguments plaidant en faveur du salaire minimum ou présumant au moins d’une certaineneutralité. Ces derniers sont essentiellement de deux ordres :

Du côté de l’offre de travail : En rendant les emplois plus attrayants, la présence ou le relèvementdu salaire minimum peut inciter les demandeurs d’emploi à intensifier leur effort de recherche,facilitant ainsi leur retour vers l’emploi.

Du côté de la demande de travail : Si la présence d’un salaire minimum s’accompagne d’unrelèvement des salaires les plus faibles, ce relèvement peut être compensé par une gestionglobalement plus ferme des coûts salariaux qui limiterait par exemple la progression des salairesles plus élevés. Les salaires sont ainsi moins dispersés mais globalement, le coût du travail n’estpas nécessairement plus élevé. Dans ces conditions, l’effet du salaire minimum sur l’emploi nepeut qu’être limité (Cahuc et al 2000).Dans le cadre d’un marché du travail dual, comportant d’un côté des mauvais postes, très malrémunérés, et de l’autre, des postes occupés par des individus bénéficiant d’une rente de situationqui leur permet d’obtenir des salaires élevés, l’augmentation du salaire minimum modifie larépartition entre bons et mauvais postes. Il y a moins de mauvais postes du fait de l’augmentationdu salaire minimum, mais plus de bons postes, du fait de la modération des salaires associés à cetype d’emploi et provoquée par le relèvement du minimum légal (Jones 1987, Acemoglu 1998).

C’est davantage du côté des travaux empiriques que le débat s’est enrichi, relancé en 1995 parl’ouvrage de Card et Kruger. Ces auteurs affirmaient qu’aux États-Unis, les états qui avaient relevé lesalaire minimum à la fin des années 80 n’avaient pas connu une évolution de l’emploi moins favorableque les états dans lesquels le minimum légal était resté stable. Très largement contesté sur le plan

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méthodologique, cette étude a donné lieu à une série de nouvelles évaluations des effets du salaireminimum sur l’emploi, travaux qui pour l’essentiel conduisent à la même conclusion (cf. Cahuc etZylberberg, 2001).

Une première catégorie d’étude a cherché à mettre en évidence des corrélations « générales » entresalaire minimum et emploi, corrélations générales au sens où les effets du salaire minimum nesont pas évalués sur les seuls emplois rémunérés à son voisinage mais sur l'ensemble des emplois.Ces études examinent l’évolution conjointe dans le temps du minimum légal et de l’emploi. Ellespeuvent également s’appuyer sur des comparaisons internationales de salaire minimum etd’emploi, ou encore sur des comparaisons sectorielles (cf. par exemple, OCDE 1998, Dolado et al.1996). L’impact du salaire minimum sur l’emploi est en général très faible, tantôt légèrementnégatif, tantôt légèrement positif et souvent peu significatif. Ainsi, l’effet global serait négligeable,sauf peut-être dans le cas des jeune3. Sur ce dernier point, l’étude de l’OCDE souligne que lasituation des jeunes sur le marché du travail ne semble pas plus dégradée dans les pays où lesalaire minimum est relativement élevé que dans ceux où il est plus bas. Le salaire minimum etson évolution n’interviendraient que marginalement dans l’explication des écarts entre pays en cequi concerne les tendances de l’emploi des moins de 20 ans.

Une seconde approche consiste à suivre la trajectoire des individus directement concernés par unerevalorisation du salaire minimum. Ces travaux concluent en général qu’une augmentation dusalaire minimum accroît de façon substantielle la probabilité de perte d’emploi des populationsdirectement concernées par ce niveau de rémunération, trait particulièrement marqué chez lesjeunes qui représentent une part importante de cette population (Abowd et al 1999, Kramarz etPhilippon 1999). Enfin, Laroque et Salanié (1999) estiment pour leur part qu’en France, 16% dunon-emploi des femmes sans diplôme vivant avec un conjoint est imputable au SMIC. Cetteproportion descend à 2% dans le cas des femmes diplômées de l’enseignement supérieur.Soulignons toutefois que du côté de la demande de travail, ces estimations reposent sur un cadrethéorique dans lequel la présence d’un salaire minimum ne peut que détruire des emplois.

En résumé, les études empiriques indiquent que l’impact du salaire minimum sur l’emploi total estnégligeable. En revanche, il est susceptible d’accroître la probabilité de perte d’emploi pour certainescatégories de population, essentiellement les jeunes. Ce dernier point rejoint la question plus généralede l’insertion des jeunes sur le marché du travail, question dont l’élément central n’est certainementpas le salaire minimum mais plutôt la formation.

Les effets du salaire minimum sur les inégalités de salaires et de revenus

A l’origine, les législations sur le salaire minimum visent à assurer à chaque individu unerémunération juste de son travail. Le salaire minimum a donc été introduit dans le but de garantir unecertaine cohésion au sein des individus qui ont un emploi. Si la question de l’impact du salaireminimum sur l’emploi a souvent relégué cet aspect des choses au second rang, c’est bien en mesurantson effet sur les inégalités salariales que l’on peut véritablement juger du fait qu’il remplit ou non sonrôle.

Le salaire minimum semble être un instrument efficace pour limiter les inégalités salariales : tel est leconstat général qui se dégage des études empiriques. Presque toutes concluent en effet qu’un salaireminimum entraîne une compression de la distribution des salaires (Brown 1999, Dinardo, Fortin etLemieux 1996, Lee 1999). La mesure dans laquelle la dispersion des salaires est réduite dépend duniveau du salaire minimum par rapport au reste de la distribution. Dans les pays où le salaire minimumest relativement élevé, les rémunérations apparaissent globalement moins dispersées et la proportionde bas salaire est plus faible4 (OCDE 1998). Enfin, les salaires minima tendent à réduire les inégalités

3 selon les cas, il peut être légèrement positif ou légèrement négatif.4 Mesurée par le pourcentage de travailleurs à temps complet percevant moins des deux tiers du salaire médian.

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de salaires entre hommes et femmes ou encore entre jeunes et plus âgés. De fait, l’emploi à bas salaireest plus fréquent chez les femmes que chez les hommes et chez les jeunes travailleurs que chez lestravailleurs âgés, et le salaire minimum joue un rôle important dans le relèvement des bas salaires.

L’incidence d’un salaire minimum sur la distribution des revenus est plus difficile à cerner. Ilsemblerait que qu’un salaire minimum puisse contribuer à réduire la pauvreté dans les familles d’actifsoccupés (i.e. les familles dans lesquelles au moins une personne travaille), ainsi qu’à réduire lesinégalités de revenu au sein de ce groupe. L’incidence d’un salaire minimum sur la distribution desrevenus pour l’ensemble des familles est par contre moins nette car, dans beaucoup de famillespauvres, personne ne travaille.

En outre, les actifs pauvres sont beaucoup plus souvent éloignés de la norme d’emploi5 en Francequ’ils ne peuvent l’être aux États-Unis, pays où le minimum légal est beaucoup faible (DARES 2000).Certains auteurs ont avancé l’idée qu’un salaire minimum, limitant l’accès à l’emploi pour lesindividus les plus directement concernés par ce niveau de rémunération, favoriserait ainsi la pauvreté.Reste à savoir si l’on sort plus facilement de la pauvreté en étant actif pauvre que chômeur pauvre. Enfait, poser la question sous cet angle revient à raisonner en termes de revenus actualisés en faisant deshypothèses sur les probabilités de transition. En tout état de cause, cette thèse n’a pas encore reçu devalidation empirique très probante (Brown 1999).

Ainsi en regard du problème de pauvreté, le salaire minimum semble jouer un rôle mineur et c’estdavantage du côté des minima sociaux et de leur articulation avec le salaire minimum qu’il fautchercher des solutions.

En résumé, le salaire minimum remplit son rôle. Il est garant d’une certaine cohésion au sein desindividus qui ont un emploi, assurant à chacun une rémunération socialement acceptable et limitant lesinégalités salariales.En termes d’emploi, aucun effet pervers important n’a pu être mis en évidence, sauf peut-être pour lesjeunes. Toutefois, le problème d’insertion des jeunes sur le marché du travail ne peut être réduit à laseule question salariale, la formation intervenant au premier plan.Enfin, le salaire minimum n’agit efficacement que sur les revenus d’activité. En particulier, il nesemble pas constituer une réponse au problème de pauvreté. Les instruments les plus pertinents pourlutter contre la pauvreté restent sans doute, en association avec le salaire minimum, les minimasociaux.Plus généralement, ce qui importe est que le salaire minimum soit intégré dans un ensemble cohérentd’instruments législatifs ou de politique économique. Par exemple, si l’on craint des effets pervers surl’emploi, la réglementation en matière de protection de l’emploi doit pouvoir jouer pleinement sonrôle. Ensuite, la politique économique offre des outils qui permettent d’introduire une certainedéconnection entre salaire minimum et coût du travail. Ainsi, les pays dans lesquels le salaireminimum est relativement élevé ont souvent mis en œuvre des réductions de cotisations patronalesciblées sur les bas salaires, alors qu’un salaire minimum relativement faible peut être complété par desprestations liées à l’exercice d’une activité.Ces deux systèmes ne sont pas équivalents, ni du point de vue des finances publiques, ni de celui desbénéficiaires. Les prestations liées à l’exercice d’une activité étant en générale soumises à desconditions de revenu portant sur le ménage, les bénéficiaires sont souvent des parents isolés, tandisque la fréquence du travail rémunéré au salaire minimum est particulièrement forte chez les jeunes etles femmes. En dehors de ces considérations générales, on ne sait pas grand chose sur l’efficacitérelative de ces deux systèmes sur le marché du travail, ni même dans quelles mesures salaire minimumet prestations liées à l’exercice d’une activité se complètent effectivement6.

5 i.e. ils sont souvent chômeurs ou travailleurs indépendants6 Il apparaît toutefois que salaire minimum élevé et prestations liées à l’exercice d’une activité soient unecombinaison susceptible d’avoir des effets désincitatifs importants sur le travail du conjoint.

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1. Salaire et coût salarial en écu par rapport à la France(France = 1,0)

Estimation 1997 salaireminimum

coût au salaireminimum

salaire médian Coût ausalairemédian

Allemagne (a) 1,255 1,244 1,527 1,316France (b) 1,000 1,149 1,000 1,000Luxembourg 1,154 1,072 1,247 1,008Belgique 1,148 1,070 1,347 1,294France 1,000 1,000 1,000 1,000Pays-Bas 1,100 0,981 1,337 1,130Allemagne (c) 0,807 0,800 1,527 1,316Royaume-Uni 0,872 0,737 1,182 0,929États-Unis 0,753 0,665 1,151 0,884Canada 0,755 0,658 1,080 0,821Espagne 0,473 0,537 0,852 0,796Grèce 0,444 0,466 0,509 0,465Portugal 0,336 0,341 0,444 0,393(b) en l'absence de ristourne Juppé(a), (c) pour l'Allemagne, il y a 2 estimations du salaire minimumSource : CSERC, 1999

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1.2 La protection de l’emploi : un emploi plus durable mais pasnécessairement moins d’emplois

Résumé

La littérature suggère que les coûts de licenciement permettent de réduire les taux rotations de la main-d’œuvre,la contrepartie de cette réduction étant un allongement de la durée des épisodes de chômage. L’effet des coûts delicenciement sur le niveau du chômage n’est en revanche pas clair.

Aux États-Unis, l’indexation des taux de cotisations patronales à l’assurance chômage est probablement la seulemesure de protection de l’emploi. Les entreprises qui licencient sont soumises à un malus : elles payent les tauxde cotisations patronales les plus élevés. Les entreprises offrant les emplois les plus stables bénéficient quant àelles d’un bonus en payant les taux de cotisations les plus faibles.La plupart des études suggèrent que ce mode de financement des allocations chômage a des effets positifs surl’emploi, en réduisant davantage les licenciements qu’il ne restreint les embauches.Il est à noter qu’il n’existe pas aux États-Unis d’indemnités chômage versées par l’entreprise aux salariés qu’ellelicencie et que le concept de CDD n’a pas cours non plus dans ce pays. Dès lors, il semble difficile d’envisagerune transplantation pure et simple du système américain en France.En France, les entreprises qui licencient supportent également un malus par le biais des indemnités delicenciement. En termes de mois de salaire, ce malus est très proche de celui imposé à une entreprise américainevia le système de modulation des taux de cotisations patronales.La différence essentielle entre les systèmes français et américains en matière de moralisation réside donc dans lefait qu’en France, les indemnités de licenciement sont d’une part versées aux salariés et d’autre part, ne sontsoumises à aucune sorte de transferts (en particulier, l’indemnité légale de licenciement n’est soumise ni auxcotisations patronales, ni aux cotisations salariales) : du point de vue de l’entreprise, il y a donc en France unmalus relativement élevé en cas de licenciement, malus auquel n’est associé aucun bonus dans le cas contraire.En fait, on serait très proche d’un système de bonus malus si les indemnités de licenciement étaient soumises auxcotisations Unédic.

Par ailleurs, les CDD contribuent largement à expliquer les taux de rotation de la main-d’œuvre en France.Nombre d’études suggèrent que les coûts de séparation élevés associés aux CDI constituent pour les entreprisesune incitation forte à utiliser les CDD de manière abusive. Par conséquent, on peut craindre qu’un renforcementde la pénalité de licenciement encourue par les entreprises n’accroisse encore la part des CDD dans l’emploi.D’autre part, bien que le recours à ce type de contrats participe de la précarisation de l’emploi, certaines étudessuggèrent que taxer davantage les CDD pourrait avoir des effets néfastes sur le niveau de l’emploi : une partie deces contrats temporaires étant transformée en CDI, le recours massif aux CDD que l’on a pu observer cesdernières années aurait eu un effet plus fort sur les taux d’embauche que sur les taux de sortie de l’emploi, etaurait au total contribué à l’augmentation de l’emploi.Enfin, les CDD concernent avant tout les moins qualifiés, catégorie de main-d’œuvre pour laquelle la durée desépisodes de chômage est la plus longue. Or, un durcissement des mesures de protection de l’emploi(augmentation des coûts de licenciement ou réglementation \ taxation des emplois temporaires) restreint à la foisla politique de licenciement et la politique de recrutement des entreprises. En conséquence, le taux de rotation dela main-d’œuvre est plus faible mais la durée des épisodes de chômage s’allonge. En première analyse, l’effettotal sur le niveau de l’emploi reste donc ambigu et il y a un risque de précarisation de la situation de chômage,en particulier pour les individus qui sont déjà les moins bien lotis.

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PROTECTION DE L’EMPLOI ET CHOMAGE

1. Protection de l’emploi et chômage

La littérature suggère que les coûts de licenciement permettent de réduire les taux rotations de la main-d’œuvre, la contrepartie de cette réduction étant un allongement de la durée des épisodes de chômage.L’effet des coûts de licenciement sur le chômage n’est en revanche pas clair. L’intuition est simple : sid’une part, ces coûts dissuadent effectivement les entreprises de licencier leur personnel, ilsconstituent d’autre part un frein à l’embauche dans la mesure où les entreprises anticipent qu’en cas debaisse de leur activité, réduire leur effectif leur sera d’autant plus coûteux que les coûts delicenciement sont élevés. Ainsi, les flux d’emplois vers le chômage sont moindres et les flux de duchômage vers l’emploi sont également réduits. En conséquence, la durée des épisodes de chômage estplus longue et l’effet sur le taux de chômage reste ambigu (cf. graphiques ci-après, pour uneillustration).Cette ambiguïté peut être discutée en considérant l’environnement dans lequel évoluent les entreprises.Si ce dernier est relativement stable, les chocs de productivité étant durables, les entreprises n’ontd’ajustements importants à faire sur l’emploi. Dans ce cas, les coûts de licenciements remplissent bienleur rôle : ils n’ont que peu d’effets sur les décisions d’embauche et continuent de freiner leslicenciements. On peut alors montrer qu’ils sont légèrement favorables à l’emploi (Bentolila etBertola, 1990). En revanche, si les entreprises sont plongées dans un environnement très instable, lescoûts de licenciement réduisent plus les embauches qu’ils ne limitent les licenciements et contribuentainsi à faire augmenter le chômage, notamment le chômage de longue durée (Bentolila et Saint-Paul,1994).

La possibilité de recours au CDD (ou à l’intérim) est souvent envisagée comme une façon d’ajusterrapidement l’emploi aux fluctuations de l’activité, cela sans coût excessif. Dans cette perspective, uneutilisation accrue de ce type de contrats de travail a pour effet d’augmenter les taux de rotation de lamain-d’œuvre en réduisant ainsi la durée des épisodes de chômage, sans que l’on sache bien dans quelsens varie le taux de chômage. Par ailleurs, le recours aux CDD sera d’autant plus fréquent que lescoûts de licenciements seront élevés, relativement aux coûts de recrutement (affichage du poste àpourvoir, formation…).

Graphiques : protection de l’emploi, taux de chômage, taux de rotation de la main-d’œuvreet durée du chômage dans les pays de L’OCDE (moyenne sur la période 1990-2000)

taux

de c

hôm

ag

e m

oye

n

protection de l'emploi 19980 5 10 15 20

0

5

10

15

20

AUS

AUT

BEL

CAN

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ESP

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GBR GER

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NOR

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SWE

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Note : l’indicateur de protection de l’emploi construit par l’OCDE rend compte du degré de rigueur dela réglementation des contrats permanents et temporaires. Il ne rend pas toujours compte de latraduction concrète de cette réglementation qui dépend dans chaque pays des libertés que lesentreprises peuvent prendre vis à vis cette réglementation.

2. Les études sur la France

La France est parmi les pays de l’OCDE, l’un de ceux dont la protection de l’emploi est la plus forte(d’après les calculs de l’OCDE), et nombre d’études s’accordent pour dire que les coûts d’ajustementde l’emploi y sont élevés et l’emploi relativement peu réactif aux chocs agrégés (Fitoussi, Passet etFreyssinet, 2000.). Les taux de rotation de la main-d’œuvre sont parmi les plus faibles des pays del’OCDE et la durée des épisodes de chômage, parmi les plus longues.

La question des emplois temporaires mérite une attention particulière dans la mesure où elle vientnuancer cette assertion très générale, fondée le plus souvent sur des données annuelles très agrégéesqui rendent assez mal compte de l’intensité des flux d’emploi. Des études récentes montrent en effetque si l’on tient compte explicitement du rôle des emplois temporaires dans les fluctuations del’emploi, le marché du travail français est beaucoup plus flexible qu’il n’y paraît en première analyse.

Les fluctuations de l’emploi observées d’un mois sur l’autre au niveau des établissements sont d’uneampleur considérable. Sur la période 1992-1997, Goux et Maurin (2000) constatent en effet que leseffectifs au sein d’un établissement varient d’un mois sur l’autre de 10% en moyenne. L’essentiel deces mouvements d’emplois repose sur des salariés ayant moins d’un an d’ancienneté dansl’établissement : ces salariés ne représentent que 10% de l’effectif total mais leur volume d’emploivarie d’un mois sur l’autre de 50% en moyenne.

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Les fluctuations d’emplois relèvent essentiellement de décisions propres aux entreprises, lesdémissions de salariés jouant un rôle très mineur. S’agissant des emplois de courtes durées, les sortiess’expliquent soit par l’acquisition d’un an d’ancienneté dans le même emploi et donc une transitionvers un emploi plus stable, soit par des fins de CDD, i.e. une transition vers le chômage ouéventuellement vers un autre emploi7. Ces résultats suggèrent que les CDD remplissent principalementdeux fonctions : ils sont un moyen privilégié d’ajuster l’emploi aux fluctuations de l’activité et sesubstituent également aux périodes d’essai préalables à l’embauche sur CDI.

Partant de ces deux constats, Goux (2000) tente d’évaluer l’impact que pourrait avoir sur l’emploi totalune taxation plus forte des CDD. Le modèle sur lequel elle s’appuie rend également compte du faitqu’une hausse des coûts des CDD, en augmentant le taux d’embauche sur CDI, accroît également laconcurrence entre chômeurs et personnes en emploi sur ce type de poste. Les salariés employés enCDI par des entreprises en déclin ont en effet intérêt à postuler dans des entreprises plus dynamiqueset la progression des offres d’emploi favorise ce type de comportement (Maurin, 2000). Cetteconcurrence accrue à pour effet de renforcer les inégalités entre actifs occupés et chômeurs vial’augmentation de la durée du chômage. Si les coûts relatifs des CDD par rapport aux CDI passaientde 1 à 10%, Goux (2000) estime alors que le nombre d’emplois chuterait de 3% et que les inégalités derevenu actualisé entre chômeurs et actifs occupés augmenteraient de 30%. Au total, limiter lapossibilité de recours aux CDD réduirait donc davantage les embauches que les sorties de l’emploi.

Dans le même ordre d’idée et toujours à partir de données mensuelles portant sur les établissements(DMMO), Goux, Maurin et Pauchet (1999) estiment que sur la période 1989-1992, le taux annuelmoyen de fin de CDD a été inférieur au taux annuel moyen d’embauche sur CDD (8% contre 13%).Les embauche sur CDD représentent, en moyenne sur la période, plus des trois quarts du volume totaldes embauches et les auteurs estiment qu’un tiers des CDD est transformé en CDI chaque année. Enfinles résultats de l’étude suggèrent que s’il est coûteux d’embaucher sur CDI, il est encore plus coûteuxde mettre fin à ce type de contrats, ce qui expliquerait pourquoi la plupart des embauches se font surCDD (cf. également Abowd et Kramarz, 1997).

Au total, si la plupart des études suggèrent que les coûts relatifs des CDD par rapport aux CDI sontsuffisamment faibles pour inciter les entreprises à avoir recours à ce type de contrats de façon abusive,notamment en les utilisant comme période d’essai, il n’apparaît pas clairement, loin de là, que leurutilisation massive contribue à élever le niveau du chômage. D’autre part, si les CDD participent demanière évidente d’une précarisation de l’emploi, il n’est pas certain que leur limitation ne se traduisepas, au moins pour certaines catégories de main-d’œuvre, par la substitution d’une situation d’emploiprécaire à une situation de chômage précaire. En tout état de cause, force est de constater que l’onmaîtrise assez mal, les effets que pourrait avoir une réglementation plus stricte de l’utilisation desemplois temporaires, ce tant sur le niveau de l’emploi que sur les inégalités.

7 Les sorties d’emplois stable correspondent le plus souvent à des licenciements.

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MODULATION DES COTISATIONS A L’ASSURANCE CHOMAGE

1. L’expérience américaine

Les États-Unis sont le seul pays de l’OCDE à pratiquer depuis longtemps l’indexation des taux decotisations patronales à l’assurance chômage et la plupart des études suggèrent que ce mode definancement des allocations a dans ce pays, des effets positifs substantiels sur l’emploi.

1.1. Les différentes formes de modulations

Aux États-Unis, le taux de cotisations patronales fixé aux entreprises par la caisse d’assurancechômage dépend à la fois de la politique de gestion de la main-d’œuvre de l’entreprise et de l’état descomptes de la caisse d’assurance chômage. Plus précisément, cette dernière établit chaque année unbarème de taux de cotisations patronales, barème plus ou moins rigoureux selon l’état, constatél’année précédente, de ses comptes. Chaque entreprise est ensuite soumise à l’un des taux du barèmeainsi établi, ce en fonction de sa contribution aux versements d’allocations chômage effectués par lacaisse. Tout cela est déterminé au niveau de chaque État, et les barèmes d’imposition comme lescritères d’évaluation de la contribution de chaque entreprise aux dépenses de la caisse d’assurancechômage varient d’un État à l’autre. Il existe principalement deux types de critères de modulation dutaux de cotisations patronales (cf. Fougère et Margolis, 2000) : Le système du ratio de réserve (33 États):

Pour chaque entreprise, le ratio de réserve est égal à la différence entre le total des cotisationsversées par l’entreprise et le total des allocations chômage versées par la caisse d’assurancechômage aux travailleurs licenciés par l’entreprise, rapporté à la masse salariale imposable. Lesolde entre cotisations patronales et allocations chômage est calculé sur tout l’historique del’entreprise. La masse salariale imposable de l’entreprise repose en général sur les salaires versésau cours des 3 dernières années (la base salariale imposable varie selon les États entre 8 000 et 25000 dollars, elle fixe le seuil en deçà duquel l’employeur cotise).

Le système du ratio de versement (17 États) :Le ratio de versement est calculé sur un historique plus court, de 3 à 5 ans en général. Ilcorrespond à la somme des allocations versées par la caisse aux ex-employés de l’entreprise,rapporté à la masse salariale imposable.

Dans les deux systèmes, la caisse d’assurance chômage fixe différentes tranches de valeurs possiblespour ces ratios, et à chaque tranche ainsi définie, associe une valeur particulière du taux de cotisationspatronales. Depuis 1985, le taux maximal de cotisations patronales doit dans tous les États, être aumoins égal à 5.4%.

1.2. Quelques statistiques

Contribution effective des entreprisesToutes les allocations versées par la caisse d’assurance chômage ne sont pas à la charge del’employeur ad hoc, essentiellement pour deux raisons : l’existence dans chaque État, de taux de cotisations plancher et plafond, qui autorise un transfert

des entreprises qui licencient le moins vers celles qui licencient le plus, les licenciements résultant de faillites d’entreprises dont le financement des allocations

correspondantes est nécessairement mutualisé (on parle de charges inactives pour la caissed’assurance chômage).

L’indice de modulation mesure la capacité du système à faire supporter aux entreprises les coûtsd’indemnisation induits par leur politique de licenciement. Il correspond au pourcentage des

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allocations versées par les caisses et facturées à l’employeur correspondant. Sur la période 1988-1996,il était de 60% en moyenne. Si cet indice varie beaucoup d’un État à l’autre, il ne semble pas dépendredu système de modulation choisi.

Taux de cotisations patronalesLà encore, il y a une grande disparité des situations entre États, aussi bien en termes de taux plancherset plafonds, qu’en termes d’écarts entre ces deux bornes. Toutefois, le taux maximal pour unemployeur avec un solde négatif était en 1995 souvent supérieur au minimum de 5.4% imposé à tousles États par la loi de 1985 et le taux minimal applicable à un employeur ayant un solde positif étaittrès fréquemment inférieur à 1% (souvent même à 0.5%).Sur longue période (1938-1992), le taux moyen de cotisations patronales semble suivre les fluctuationsdu cycle économique, mais avec un retard. Ce retard vient du fait que le barème d’imposition fixé parles caisses d’assurance chômage dépend de l’état des comptes de l’année précédente et non de l’annéecourante. Ainsi, en début de récession, les caisses versent de plus en plus d’allocations pour un barèmede taux de cotisation patronales donné, leurs soldes se dégradent, ce qui conduit ensuite à un barèmeplus strict. Lorsque le solde des caisses devient négatif, l’État intervient en prêtant de l’argent. Lesremboursements peuvent ensuite prolonger la période durant laquelle les barèmes sont élevés, au delàde la période de récession.

Risque de failliteEn première analyse, la modulation des taux de cotisations employeur en fonction de l’historique deslicenciements de l’entreprise ne semble pas être une cause de faillite. Sur l’ensemble des États, lepourcentage de charges inactives supporté par les caisses d’assurance chômage (i.e. la part desallocations qu’elles versent et qu’elles ne peuvent facturer à l’employeur pour cause de faillite) n’esten effet que très faiblement corrélé avec le taux maximal de cotisation en vigueur ou encore, avecl’écart entre les taux planchers et plafonds fixés par les différents États.

1.3. Modulation et taux de chômage

Les travaux théoriquesLes travaux théoriques étudiant l’incidence sur le taux de chômage du système de modulation descotisations patronales en fonction de l’historique des licenciements concluent en général à des effetsbénéfiques. Ils examinent essentiellement le problème du chômage temporaire (sorte d’équivalent duchômage partiel en France, très fréquent aux États-Unis où une forte proportion des salariés licenciéssont réembauchés dans la même entreprise) essentiellement de deux types (cf. Fougère et Margolis,2000) : Les premiers en date, fondés sur des modèles statiques, montrent que la modulation déplace la

main-d’œuvre des entreprises ayant fréquemment recours aux licenciements vers les entreprisesoffrant des emplois plus stables, ce qui a pour effet de réduire le chômage en limitant notammentle chômage frictionnel (Baily 1977 – Brechling, 1977 – Feldstein, 1976 et 1978). L’idée qui sous-tend ce résultat est qu’en l’absence de modulation les entreprises qui licencient le moinssubventionnent d’une certaine manière les entreprises qui licencient le plus. Ces dernières peuventalors offrir des salaires plus élevés que ce qu’elles feraient si elles devaient supporter la charge deleur politique de gestion de la main-d’œuvre et attirent de ce fait, plus de travailleurs.Symétriquement, les entreprises qui offrent des emplois stables, pourraient mieux rémunérer leurssalariés et en employer davantage si elles n’avaient pas à supporter la charge des licenciementsdont elles ne sont pas responsables.

Les travaux théoriques récents sur le sujet raisonnent dans un cadre dynamique et s’attachent à lamanière dont la modulation affecte la politique de gestion de la main-d’œuvre au cours du cycleéconomique (Anderson, 1993 – Anderson et Meyer, 1993 et 1998 – Card et Levine, 1994 –Hamermesh, 1993). De prime abord, les résultats obtenus sur le taux de chômage sont ambigus.D’une part, la modulation limite les licenciements en période de basse conjoncture car l’entreprisetient compte du fait que tout licenciement entraîne un supplément d’impôt à venir. D’autre part, enpériode de haute conjoncture, la modulation freine les embauches car les entreprises anticipent les

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coûts de séparation plus élevés en cas de retournement du cycle. Toutes choses égales par ailleurs,on peut montrer que l’effet sur les licenciements est plus important que celui sur les embauches etsi les périodes de haute et de basse conjoncture sont en moyenne de durée identique, la modulationréduit le taux de chômage. Enfin, la modulation réduit toujours la variabilité de l’emploi au coursdu cycle économique.

Les travaux empiriquesSelon les travaux théoriques précédents, le plafonnement des taux de cotisations patronales nuit àl’efficacité du système de modulation actuellement en vigueur aux États-Unis, puisque qu’à partir d’unrecours « suffisamment » fréquent aux licenciements (i.e. dès que l’entreprise atteint le seuilcorrespondant au plafond d’imposition), l’entreprise est à nouveau fortement subventionnée par lesentreprises dont les emplois sont les plus stables.De ce fait, l’essentiel des travaux empiriques sur le sujet estime l’effet sur le chômage temporaire ou« normal », non pas du passage d’un système de taux de cotisations forfaitaires au système demodulation actuel, mais plutôt l’effet du passage du système actuel à une situation dans laquelle lesentreprises supporteraient l’intégralité des allocations chômage versées à leurs ex-employés.Toutes les études suggèrent que la subvention implicite présente dans le système de modulation actuela des effets importants sur les taux de séparations temporaires et permanentes. Les ordres de grandeuravancés attribuent en général entre 20 et 30% des séparations temporaires à l’existence d’une partiemutualisée du financement des allocations chômage (Topel, 1983 : effet estimé à 30% sur donnéesagrégées – Card et Levine, 1994 : effet estimé à 20% sur données individuelles – Anderson et Meyer,1994 : effet estimé à 23% sur données individuelles). S’agissant des séparations définitives, lesestimations varient plutôt dans une fourchette de 5 à 20% (Deere, 1991 : effet estimé à 5% sur donnéesagrégées – Card et Levine, 1994 : effet estimé à 5% sur données individuelles – Anderson et Meyer,1994 : effet estimé à 21% sur données individuelles.). Ces travaux montrent également que l’effet leplus important de la subvention implicite à lieu en période de basse conjoncture.Seul l’article d’Anderson et Meyer (1998) porte sur l’introduction d’un système de modulation et seseffets sur le chômage. Leurs estimations suggèrent que le passage d’un taux fixe à une modulationintégrale conduit à une réduction de 10 à 30% des demandes d’allocations, demandes dont le caractèresaisonnier peut également être réduit de façon substantielle. Autre originalité de l’article, les auteursestiment que parallèlement, le nombre de rejet des demandes d’allocations augmenterait de 51 à 66%,augmentation liée en grande partie à celle du nombre de contestations des employeurs concernant lesmotifs de licenciements.

2 Des États-Unis à la France

Il semble difficile d’envisager une transplantation pure et simple du système américain en France.Comme le souligne Fougère (Lettre du Crest, 2001), « le droit du travail et l’environnementinstitutionnel français posent des problèmes particuliers qui pourraient contrebalancer les effetspositifs du mécanisme d’incitation que l’on observe aux États-Unis ».

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2.1. Quelques éléments de comparaison des marchés du travail

Protectionde l’emploi etdes salariés

France États-Unis

Procédure delicenciement *(après 6 moisd’ancienneté)

Préavis

1 mois de 6 mois à2 ans d’ancienneté

2 mois au delà

Indemnité

1/10 de mois parannée d’ancienneté1/15 au delà de 10ans d’ancienneté

périodeprobatoir

e

1.2 mois

Aucun préavisAucune indemnité

Réglementationdes CDD *

Restrictionshausse temporaire

d’activitéRemplacementemployé absent

Nbmaximal

derenouvel--lement

1

Durée maximalecumulée

18 à 24 mois

Aucune réglementation

Taux de rotation(1995) **

% de travailleurs de moinsd’un an d’ancienneté

14.4

Ancienneté moyenne

10.4

% de travailleurs de moinsd’un an d’ancienneté

26.0

Ancienneté moyenne

7.4

Risque et duréede chômage(1995) ***

Taux d’entrée au chômage

4

% de chômeurslongue durée

(1 ans ou plus)34

Taux d’entrée au chômage

24

% de chômeurs longue durée(1 ans ou plus)

11

Taux de pauvretéet taux de basrevenu(1995) ****

Taux de pauvreté

actifs : 6.5ens. de population : 8.4

Taux de bas revenu

actifs : 15.5ens. de la population : 20.1

Taux de pauvreté

actifs : 10.4ens. de population : 20.9

Taux de bas revenu

actifs : 17.6ens. de la population : 30.4

Protection deschômeurs

France États-Unis

Modalitésd’indemnisationdes chômeurs(1994) *

Tauxstatutaire(% salai -- re brut)

fixe +40.4 %

Duréemaximaleen mois

27 + 33dégressifs

Taux deremplacementbrut au cours

de la 1ère année

57

Taux deremplacement

net +autresaides sociales

65

Tauxstatutaire(% salaire

brut)50 à 70%plafonné

Duréemaximaleen mois

6 à 9

Taux deremplacementbrut au cours

de la 1ère année

27

Taux deremplacement

net + autres aidessociales

17

Bénéficiaires **( en % du nb. dechômeursinscrits, 1995)

Bénéficiaire de prestationchômage : 45

Bénéficiaire de l’assurancechômage : 77

Bénéficiaire de l’assurance chômage :36

Fiscalité **(1994)

France États-Unis

Coin fiscal global(hors impôts directs)

41.3

Taux de cotisations patronales

26.2

Coin fiscal global(hors impôts directs)

24.8

Taux de cotisations patronales

7.1

(pour un couple à un salaire avec 2 enfants) (pour un couple à un salaire avec 2 enfants)

* Passet et Jestaz (1998) – ** OCDE (1997) – *** Cohen (1995) – **** Concialdi et Ponthieux (2000)

Même si les études réalisées pour le cas des États-Unis laissent penser que la modulation descotisations patronales a des effets bénéfiques sur le chômage, les quelques éléments du tableau ci-dessus montrent, sans équivoque, que ces résultats ne sont pas directement transposables au casfrançais. La modulation des taux de cotisations patronales pose en effet trois questions importantes : la question de la protection de l’emploi, la question de la protection des chômeurs, la question de la fiscalité des entreprises.

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Sur ces trois points les marchés de travail français et américain sont aux antipodes l’un de l’autre. LaFrance dispose en effet de toute une batterie de mesures en matière de protection de l’emploi alorsqu’aux États-Unis la modulation est peut-être la seule mesure qui va dans ce sens. De fait, les flux del’emploi vers le chômage sont plus faibles en France, mais la durée du chômage est plus longue. Lesconditions d’accès à l’assurance chômage sont beaucoup plus strictes aux États-Unis qu’en France etl’indemnité correspondante est à la fois plus faible et versée sur une période plus courte aux États-Unis. Enfin, et probablement en conséquence, le taux de cotisations patronales est beaucoup plusfaible aux États-Unis qu’en France.

Au total, les coûts d’ajustement de l’emploi sont d’ores et déjà beaucoup plus élevé en France (defaçon générale, et plus particulièrement pour les CDI) qu’aux États-Unis. Or, on peut se demander sila réussite du système de modulation aux États-Unis ne s’explique pas en partie par des coûtsd’ajustement de l’emploi qui restent globalement assez faible, ce qui rend le coût marginal d’unlicenciement relativement élevé.

Sans autres concessions sur les garanties offertes aux chômeurs et aux salariés à bas revenus, il est peuprobable que la mise en place d’un système de modulation des cotisations patronales en France ait lesmêmes effets sur le chômage que ceux obtenus aux États-Unis. Étant donné cet ensemble de garanties,un tel système reviendrait en France à faire peser sur les entreprises, en cas de licenciement, unecharge beaucoup plus lourde qu’aux États-Unis.

En d’autres termes, existe-il en France une marge de manœuvre suffisante pour mettre en place unsystème de modulation sans risquer de pénaliser trop fortement les entreprises en cas de choc externe ?On peut craindre qu’un tel système ait en France un effet dépressif plus fort sur la politique derecrutement des entreprises que sur leur politique de licenciement, cette dernière intégrant déjà descoûts importants.A titre illustratif, comparons la charge relative à un licenciement supportée par une entrepriseaméricaine via le système de modulation des cotisations patronales, à celle qui pèse sur une entreprisefrançaise via le versement de l’indemnité de licenciement (aux salariés en CDI).On a vu précédemment que la modulation aux États-Unis revient en moyenne à facturer auxentreprises 60% des allocations chômage versées par la caisse à leurs ex-employés. Considérons le casd’une entreprise contrainte de verser 60% de 50% du salaire brut – ce qui correspond au ratio deremplacement statutaire minimal – sur une durée moyenne de 4 mois (cf. statistiques du BLS sur ladurée moyenne des épisodes de chômage aux États-Unis) : au total cela correspond à 1,2 mois desalaire. Et compte tenu du fait qu’aux États-Unis, les conditions d’accès à l’assurance chômage sonttrès strictes (témoins le faible pourcentage de chômeurs indemnisés), ce cas ne correspond pasnécessairement à une hypothèse basse. Une entreprise française doit verser une indemnité delicenciement égale à 1/10ième de salaire brut par année d’ancienneté aux employés dont elle se sépare.Au total, pour une durée moyenne d’ancienneté dans l’emploi égale à 10 ans, cela correspond auversement d’un mois de salaire et n’est pas très éloigné du malus calculé pour l’entreprise américaine.Et en France, le minimum légal est à considérer comme une borne inférieure qui se trouveprobablement en deçà de la réalité, les accords de conventions collectives fixant des indemnités delicenciement souvent supérieures à ce que la loi propose.Au total, ces chiffres bien qu’approximatifs montrent qu’une entreprise française encourt d’ores etdéjà une pénalité de licenciement, via le versement d’indemnités aux salariés, très proche du malussupporté par une entreprise américaine, via le système de modulation des taux de cotisationspatronales. Rappelons par ailleurs, qu’en moyenne, le taux de cotisations patronales est trois fois plusfaible aux États-Unis qu’en France.

Évidemment, ces considérations ne tiennent pas compte de la spécificité française en regard de lamultiplicité des contrats de travail possibles et en particulier, laissent de côté la question des CDD,contrats de travail qui représentent aujourd’hui la majorité des flux d’emploi et pour lesquels il n’y apas d’indemnité de licenciement. Ces quelques chiffres suggèrent toutefois que si l’on voulaits’inspirer de l’expérience américaine, il faudrait probablement remettre à plat tout le système français

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d’indemnisation du chômage ainsi qu’une partie de la fiscalité qui pèse sur les entreprises et non passe contenter de superposer un système de bonus-malus à ce qui est déjà en place.

En France, la loi prévoit la possibilité de recours aux CDD dans des conditions précises et censéesrefléter un besoin réel de flexibilité pour les entreprises. La question est donc de savoir si l’utilisationqui en est faite répond aux objectifs que s’étaient fixés les législateurs ou bien si les entreprisesutilisent ces contrats de façon détournée dans le seul but de faire l’économie d’indemnités delicenciement. Comme on l’a vu précédemment, la réponse à cette question n’est pas évidente : lescoûts de séparation sur les CDI sont suffisamment élevés pour inciter les entreprises à utiliser les CDDde façon abusive, mais plusieurs études suggèrent que globalement, le recours massif à des contrats detravail temporaires répond à un besoin réel des entreprises d’ajuster rapidement l’emploi auxfluctuations de leur activité.En tout état de cause, instaurer un malus indexé sur le taux d’utilisation des emplois temporairesrevient à en faire des CDI déguisés, et la justification même de leur existence devient assez obscure.Enfin, l’introduction d’un système de modulation en France risque de pénaliser de façon très inégaleles entreprises comme les différentes catégories de main-d’œuvre.S’agissant des entreprises, les très grandes entreprises responsables de plans sociaux de grandeampleur, versent déjà aux employés qu’elles licencient des indemnités de licenciement largementsupérieures à ce que la loi impose. Dans ce contexte, il n’est pas certain qu’un système de modulationse traduise pour elles, par une pénalisation plus forte. En revanche, les petites entreprises sont à la foisdavantage contraintes par la loi et plus exposée aux risques de faillite.D’autre part, l’instauration d’un système de modulation des cotisations patronales risque de durcir lapolitique de recrutement des entreprises en la rendant plus sélective. A cet égard, les travaux de Allain(Thèse de Ph. D. de Cornell University, 1996) montrent que plus les coûts de licenciements sontmutualisés, plus la proportion d’individus difficilement employables est importante dans lesentreprises associées aux taux de chômage les plus élevés. Cela suggère que lorsque les entreprises nesupportent pas l’intégralité de la charge de leurs licenciements, certaines d’entre elles prennentdavantage de risques lors du recrutement de leurs employés, ce qui expliqueraient ensuite qu’elleslicencient davantage. La mise en place d’un système de modulation pourrait donc avoir des effetspervers sur l’employabilité de certaines catégories de main-d’œuvre, celles pour lesquelles l’accès àl’emploi est déjà le plus difficile (notamment les jeunes et les moins qualifiés, dont le risque dechômage longue durée est plus élevé et dont le CDD constitue une voie d’accès importante àl’emploi). Sachant que l’on observe déjà en France un phénomène de déclassement important, sil’introduction d’un système de modulation des taux de cotisations patronales devait rendre lesemployeurs plus sélectifs à l’embauche, ne risquerait-on pas de voir ce phénomène de déclassements’accentuer encore ?

2.2. Chômage et modulation : quelques études portant sur le cas français

Seulement deux études ont examiné l’effet sur le taux de chômage que pourrait avoir la mise en placed’un système de modulation des cotisations patronales.

La première étude portant sur le sujet, celle de Margolis et Fougère (2000), réalisée à partir de donnéesde l’enquête emploi de l’INSEE, offre un éclairage sur les modalités d’introduction d’un système demodulation en France. Pour chaque secteur d’activité (NAF 36), les auteurs calculent le taux dechômage indemnisé, le taux de chômage non indemnisé, le salaire mensuel moyen et un ratio deversement (tel qu’il est défini dans le système américain).

Premier constat, les secteurs qui ont les plus forts taux de chômage indemnisés et donc, les ratios deversement les plus élevés (biens de consommation non durables, bien d’équipement, autres biensintermédiaires, construction et activités financière) couvrent une part de l’emploi total relativementfaible par rapport à la part de chômage qu’ils génèrent.

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Deuxième constat, ces mêmes secteurs sont caractérisés par un salaire moyen relativement élevé. Celapeut s’interpréter à la lumière des travaux théoriques qui suggèrent que dans le système forfaitaireactuel, les secteurs qui licencient le plus reçoivent une subvention implicite de la part des secteurs quilicencient le moins, ce qui leur permet d’avoir une politique salariale plus généreuse. En revanche, cestravaux suggèrent qu’un système de modulation engendre un transfert des emplois des secteursinstables vers les secteurs stables : cet effet réallocatif serait en France limité, les secteurs les plusinstables contribuant faiblement à l’emploi total.

Troisième constat, les secteurs qui ont les ratios de versement les plus élevés sont également ceux quiont la plus grande proportion de chômeurs de longue durée indemnisés. Symétriquement, les secteursdont les ratios de versement sont les plus faibles (énergie, agriculture, éducation santé et actionsociale) sont également ceux pour lesquels la proportion de chômeurs indemnisés depuis moins de 6mois est la plus élevée. Les auteurs suggèrent deux interprétations possibles à ce constat : la duréemoyenne passée au chômage peut être, soit le reflet du stock total de chômeurs du secteur, soit le refletde l’employabilité de l’effectif habituellement embauché par le secteur. Dans cette seconde hypothèse,« il se peut que la subvention implicite opérée par le système actuel d’assurance chômage permettent àces secteurs d’embaucher des individus qui autrement auraient du mal à trouver du travail. »

Dernier constat, dans tous les secteurs, les fins de contrats temporaires (CDD, intérim, travailsaisonnier et stages) représentent une part importante des causes d’entrée au chômage, mais n’ontqu’un poids marginal dans la masse salariale. Les auteurs soulignent alors qu’ils seraient très peucoûteux pour les entreprises, pour un volume de travail donné, d’accroître le nombre d’emplois souscontrats temporaires et d’en réduire la durée de manière à ce qu’ils n’ouvrent pas de droits àl’assurance chômage.

La seconde étude analysant les effets sur le chômage de l’introduction en France d’un système demodulation est plus théorique (Cahuc et Malherbet, 2001). Elle reprend les travaux initiés aux États-Unis montrant dans un cadre dynamique, que la modulation réduit davantage les licenciements que lesrecrutements. Les auteurs intègrent certaines caractéristiques du marché du travail français dans leurmodèle (indemnité de licenciement, rigidité du salaire et possibilité de recours au CDD), la questionposée étant de savoir si l’on peut s’attendre aux mêmes effets que ceux estimés aux États-Unis dans unmarché du travail moins flexible que ne l’est le marché du travail américain.Le premier résultat est que si la mesure est appliquée aux seuls CDI, le taux de chômage devraitdiminuer. La possibilité de recours aux CDD laisse une marge de manœuvre suffisante aux entreprisespour que la réduction des licenciements de travailleurs en CDI soit plus que compensée par le frein àl’embauche sur ce type de contrat que cette mesure constitue.Le second résultat montre que si la mesure s’applique à l’ensemble des contrats de travail, elle conduità une hausse du taux de chômage. Dans ce cas, les entreprises ont beaucoup moins recours aux CDD,or une partie de ces contrats étant transformés en CDI, l’effet dépressif de la mesure sur la politique derecrutement des entreprises est important et ne peut plus être compensé par les licenciements qu’elleévite par ailleurs. Ce résultat tient au fait que les coûts de licenciements (malus + indemnités)représentent une charge trop importante pour les entreprises pour permettre à la mesure d’être efficace.

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1.3 Les minima sociaux : faut-il craindre des effets désincitatifs sur l’offrede travail ?

La France dispose d’un système de 8 allocations sous conditions de ressources. A la fin de l’année2000, un peu plus de 3 millions de personnes sont allocataires de ces minima sociaux, soit 5,5 millionsde personnes couvertes en ajoutant les conjoints et les enfants à charge (Demailly [2001]).

nombre d’allocatairesau 31-12-2000

revenu minimum d’insertion - RMI 965 000minimum vieillesse 700 000allocation adulte handicapé – AAH 690 000allocation spécifique de solidarité - ASS 430 000allocation parent isolé – API 160 000minimum invalidité 100 000allocation d’insertion 30 000allocation veuvage 20 000source : Demailly [2001]

Depuis sa création en 1988, le nombre d’allocataires du RMI a fortement progressé avant de diminuerun peu depuis 2000 sous l’effet de la reprise de l’emploi. Son extension dans les années 1990 a permisde compenser la diminution du champ des allocations chômage et de l’allocation d’insertion8. Le RMI,ainsi que l’ASS et l’allocation d’insertion, apparaissent ainsi comme le volet « assistance » del’indemnisation du chômage, aux cotés du volet « assurantiel » que constitue les allocations chômagegérées par les partenaires sociaux (ARE : allocation de retour à l’emploi), le nombre d’allocataires deces trois minima sociaux (1,4 million) étant sensiblement du même ordre de grandeur que le nombrede demandeurs d’emploi indemnisés (1,6 million fin 2000). La mise en place du RMI a aussi permisde couvrir un certain nombre de handicaps, temporaires ou plus durables, généralement d’ordresociaux, qui ne rentrent pas dans le champ de l’allocation adulte handicapé.

L’objectif premier du RMI est de réduire la pauvreté par le versement d’une prestation monétaire souscondition de ressources. Mais il s’agit aussi de fournir une aide à l’insertion, non seulementprofessionnelle, mais plus généralement sociale dans la mesure où le RMI vise à couvrir un risque pluslarge que le simple chômage. Formellement, l’attribution du RMI est conditionnée par la signatured’un contrat d’insertion avec les services sociaux chargés du dossier. Toutefois, ces contratsd’insertion ne sont pas généralisés et peu efficaces pour retrouver un emploi marchand (Zoyem[2002]). Le suivi et les contreparties demandées aux allocataires du RMI sont donc faibles, ce quiconstitue une exception par rapport aux autres pays européens.

De manière générale, l’insertion professionnelle des allocataires du RMI pose problème : les sorties duRMI vers l’emploi sont rares 9, très majoritairement vers des emplois aidés du secteur non marchandou vers des emplois faiblement rémunérés, à temps partiel ou à durée limitée (Rioux [2002 a]).L’intensité de recherche d’emploi des Rmistes est toutefois d’un niveau comparable avec celle desautres demandeurs d’emploi, et les salaires recherchés sont sensiblement plus faibles que les autres(Rioux [2002 b]).

Malgré ces difficultés d’insertion, l’existence des minima sociaux ne sont pas remis en cause etplusieurs éléments théoriques permettent d’en justifier l’existence.

8 Auparavant ouverte à tous les primo-demandeurs d’emploi, elle n’est versée actuellement qu’aux demandeursd’asile.9 Ces éléments sont toutefois mesurés entre 1996 et 1998, c’est-à-dire avant la forte reprise de l’emploi. Ladécroissance tardive du nombre d’allocataires du RMI laisse penser qu’ils ont été les derniers à bénéficier de lareprise de l’emploi.

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Fondements théoriques de l’existence de minima sociaux

Du point de vue des conditions nécessaires à la croissance économique, on peut assez facilementmontrer que l’existence d’une partie de la population ne pouvant subvenir à ses besoins vitaux conduità l’insécurité des biens des plus riches. Dans ce cadre, un revenu minimum permet alors de limiterl’instabilité sociale et donc d’assurer un contexte favorable à la croissance (Sala-i-Martin [1996]).Dans le même ordre d’idée, l’existence d’un filet de sécurité est souvent perçue comme un moyend’assurer un minimum de cohésion sociale autour des grands objectifs macro-économiques. On rejointici le rôle de la dimension sociale dans la croissance. On peut aussi évoquer à ce niveau, le rôle desminima sociaux dans la réduction des inégalités et son impact potentiellement positif sur la croissanceéconomique.

En terme de théorie politique, la demande d’un système de redistribution afin d’assurer un niveauminimal de revenus est consubstantiel à l’existence d’un régime démocratique (Sen). La distributiondes revenus primaires, et plus encore la répartition du patrimoine, est très inégale dans l’ensemble deséconomies de marché. L’électeur médian a ainsi un niveau de revenu plus faible que la moyenne et nedispose généralement d’aucun patrimoine lui assurant une protection en cas de perte de revenus. Sicette demande de redistribution est « universelle », les modalités concrètes dépendent fortement dufonctionnement du système démocratique et des valeurs dominantes de la société. Ainsi, si le poidsdes électeurs les plus riches est plus important que leur importance numérique ou si les élus sontsystématiquement recrutés parmi les plus riches, les niveaux de prélèvements tendront à être faibles,limitant l’ampleur de la redistribution. La situation sera inverse si, par exemple, la conditiond’exercice du pouvoir politique passe par l’affirmation de valeurs de générosité et de solidarité. Enfin,d’un point de vue dynamique, la demande de redistribution dépend fortement des possibilités, réellesou perçues comme telles, de promotion, individuelle ou collective, dans l’échelle des revenus et doncdu caractère temporaire ou non des périodes sans revenus.

Si ces éléments permettent de justifier l’existence de minima sociaux, ils ne permettent toutefois pasd’indiquer les éléments constitutifs de ces minima, que l’on peut schématiquement repérer en troispoints :

1. Que se passe-t-il quand un allocataire voit ses revenus primaires augmenter ? l’allocation est-elleréduite exactement du montant de l’augmentation (principe d’une allocation sous conditions deressources) ou bien est-elle maintenue ou faiblement réduite ?Cette question, qui a été fortement débattue ces dernières années en France, mais plus généralementdans l’ensemble des pays disposant de mécanismes d’assistance-chômage sous conditions deressources, pose la question des incitations financières à reprendre un emploi.

2. Le versement des minima sociaux a-t-il vocation à être permanent ou temporaire ? Quel est le publicvisé : s’agit-il d’individus que l’on considère comme incapables à long terme d’obtenir sur le marchédu travail des revenus suffisants et si oui pour quelles raisons ? Au contraire s’agit-il plutôt depersonnes ponctuellement déqualifiées et quelles sont les mesures à prendre pour leur permettre desurmonter cette déqualification ?

3. Enfin, et fortement dépendante de la réponse à la deuxième question, quels droits et quellescontreparties sont associés aux minima sociaux ?

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Minima sociaux et incitations financières à la sortie du dispositif

Un premier type de critiques d’un revenu garanti sous conditions de ressources a été apporté sousl’angle de la redistribution optimale. Les différents éléments de théorie politique (cf. ci-dessus)permettent de justifier l’existence d’une fonction de bien-être social qui tend, à des degrés divers, àprivilégier les plus pauvres. Dans ce cadre, le rôle du législateur est de définir le système optimal deredistribution et de prélèvements qui maximise ce bien-être social sous la contrainte de financement dusystème. On peut alors montrer qu’augmenter marginalement l’impôt d’un individu dont laproductivité du travail est élevée et redistribuer le produit de ce prélèvement à une personne de faibleproductivité augmente le bien-être social, à condition que le taux de prélèvement des individus les plusproductifs ne les conduit pas à réduire leur nombre d’heures de travail offertes. Cet arbitrage entreefficacité et équité permet alors de déterminer, en fonction du degré d’aversion de la société auxinégalités, le montant du revenu garanti et les taux de prélèvements marginaux appliqués selon leniveau de productivité des individus. Si l’objectif social est de maximiser le revenu des individus lesmoins productifs, alors on peut justifier l’existence d’un revenu minimal sous conditions deressources, c’est-à-dire où toute augmentation du revenu d’activité, suite à une reprise d’emploi parexemple, vient réduire de manière le niveau de l’allocation. Par contre, si l’objectif social est pluslarge et traduit une aversion limitée aux inégalités, alors les taux de prélèvements marginaux desindividus les moins productifs doivent être beaucoup plus faibles. Il convient alors de mettre en placedes mécanismes d’allocation compensatrice de revenu, c’est-à-dire une allocation qui diminueprogressivement avec l’augmentation du revenu primaire (Bourguignon [2002]). Il faut noter que ceraisonnement conduit à considérer comme optimal l’existence d’un revenu garanti pour les personnesayant des niveaux de productivité les plus faibles, ce qui assimile en partie ce revenu à l’AAH.

Les critiques les plus sévères contre une allocation sous conditions de ressources ont toutefois portésur les effets désincitatifs du RMI sur l’offre de travail. D’un point de vue théorique, l’existence detaux marginaux de prélèvement élevés à la sortie des dispositifs peuvent conduire les personnes lesplus faiblement productives à rester inactives. Cette situation est particulièrement nette pour lesemplois à temps incomplet : un allocataire du RMI célibataire reçoit mensuellement 405 euros, soitsensiblement la même somme qu’une personne travaillant à mi-temps au SMIC (entre 404 et 450euros selon la durée). En prenant en compte ces « trappes à inactivité » et la faiblesse de la demandede travail peu qualifié liée à l’existence du salaire minimum, Laroque et Salanié [2000] ont évalué queplus de la moitié de l’ensemble des personnes sans emploi en France n’avait pas intérêt à travailler dufait des salaires qu’ils étaient susceptibles de trouver en se portant sur le marché du travail. Cet articlea fait l’objet de nombreuse critiques, tant sur le plan méthodologique qu’empirique.Avec une méthodologie plus adaptée à l’étude des allocataires du RMI, Gurgand et Margolis [2002]estiment que les trois quarts d’entre eux trouveraient un gain monétaire positif en cas de reprised’emploi. Les salaires retrouvés sont toutefois faibles du fait des durées d’emploi offertes et certainescatégories, particulièrement les femmes avec des enfants en bas âge, auraient majoritairement desgains négatifs.L’hypothèse forte, généralement faite dans ce type d’études est que les individus possèdent descaractéristiques individuelles non observées, qui ne peuvent évoluer et qui sont fixés une fois pourtoutes : dans cette optique, les niveaux de rémunération proposés aux Rmistes sont faibles etdurablement faibles. Dans cette situation, même si on fait l’hypothèse extrême que la demande detravail est suffisante, les individus n’ont aucun intérêt à reprendre un emploi et il convient d’introduiredes mécanismes d’aide pérenne aux bas revenus pour rendre les emplois proposés suffisammentrémunérateurs. Dans l’optique où la demande est insuffisante, que cette faiblesse provienne del’existence du Smic supérieur au niveau de productivité des individus non employés, ou bien qu’elleprovienne de biais défavorables au travail peu qualifié du fait des structures productives, alorsl’instauration d’une aide pérenne reste préférable au maintien de taux marginaux de 100% à la sortiedu RMI, car « une courbe de revenu disponible incitative ramènera vers l’emploi les individusemployables et n’aura aucun effet sur les autres » (Bourguignon [2002]), l’impact de la mesure restanttoutefois indéterminée puisque rien ne permet a priori de distinguer ces deux groupes. On retrouve là

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l’argument en faveur d’une allocation compensatrice de revenu d’activité10, fonctionnant dès lapremière heure de travail.

Le débat autour des ces « trappes à inactivité » ont conduit à de profondes réformes et le niveau desprélèvements à la sortie du RMI ont été fortement réduits ces dernières années. A sa création en 1988,le RMI était une allocation purement différentielle : tout gain supplémentaire du bénéficiaire setraduisait par une baisse de l’allocation. De plus, certains droits étaient ouverts aux seuls allocatairesdu RMI (le montant du RMI n’est pas pris en compte dans le calcul des allocations logement, droit àcertaines aides en nature, comme des aides aux transports dans certaines collectivités locales, etc.) etdisparaissaient lors de la reprise d’un emploi. Progressivement, de multiples réformes ont conduit àune baisse de ces taux de prélèvements très élevés à la sortie du dispositif. La première d’entre elles aintroduit l’intéressement, c’est-à-dire la possibilité pour un allocataire de cumuler temporairement lesgains salariaux d’une activité réduite. Plus récemment, un certain nombre de dégrèvements fiscaux,auparavant attachés au fait d’être au RMI, sont dorénavant liés au niveau de ressources, quel que soitson origine. Enfin, depuis septembre 2001, toute personne occupant un emploi dont la rémunérationannuelle est comprise entre 0,3 et 1,4 Smic reçoit la Prime pour l’Emploi. L’ensemble de ces réformesa conduit à lisser les taux de prélèvements sur les sorties du RMI vers l’emploi, y compris en cas dereprise d’un emploi à temps réduit, même si les gains sont plus beaucoup plus élevés en cas d’unemploi à temps complet sur l’année (Hagneré, Trannoy [2002]). Les situations dans lesquelles lareprise d’un emploi conduit à des pertes monétaires ont ainsi disparues, sauf pour des durées annuellesinférieures très faibles. Si ces réformes ont permis de faire disparaître certaines incohérences, sonimpact réellement incitatif sur le retour à l’emploi sera vraisemblablement faible (Laroque, Salanié[2001], Cahuc [2002]), d’une part du fait de la faible lisibilité du lien entre la reprise d’une activité etle versement de la prime pour l’emploi, d’autre part du fait des faibles durées d’emploi généralementoffertes (à temps partiel ou à durée limitée) aux allocataires du RMI.

Minima sociaux et perspectives d’évolution des individus

Le raisonnement en termes de différence entre les minima sociaux et un revenu procuré par un emploiest insatisfaisant pour expliquer les faibles sorties vers l’emploi des allocataires du RMI. De manièreempirique, Piketty [1998] montre que seules les femmes ayant des enfants en bas âge tiennenteffectivement ce raisonnement, la question est alors beaucoup plus celle du coût de la garde d’enfantque la différence entre le RMI et ½ Smic. De fait, les mères isolées constituent la seule catégorie pourlaquelle la reprise d’un emploi conduit encore fréquemment à des pertes monétaires (Gurgand,Margolis [2002]). Pour les autres catégories, le problème n’est pas directement d’ordre monétaire,mais plutôt, soit celui du handicap, soit celui du manque de perspectives réelles ou perçues depossibilités de promotion professionnelle pour les personnes acceptant un emploi. Les études deterrain (Dubet, Vérétout [2001]) mettent en évidence que la perception des possibilités est un élémentdéterminant dans le choix d’accepter ou non un emploi précaire, entre ceux qui y voient une manièred’acquérir de l’ « employabilité », et ceux qui y voient, au contraire, une sorte de disqualificationsociale et professionnelle.

On peut se placer dans l’hypothèse où tout emploi, même précaire ou à temps partiel, mais d’unedurée minimale, permet de maintenir ou d’augmenter les perspectives d’évolution professionnelle etoù la situation des personnes au RMI ne dépend pas de leurs caractéristiques individuelles, mais dufait d’être à un moment donné en situation de déqualification. A court terme, une reprise d’emploiconduit à des gains relativement faibles, mais le fait de sortir d’une situation de non-emploi peut leurpermettre de rejoindre les niveaux de rémunération médians. Dans cette optique, l’objectif despouvoirs publics est d’intervenir pour permettre aux Rmistes de surmonter cette déqualification. Parmi

10 Une telle mesure permet aussi de justifier le « déperissement » du Smic (Maarek, commentaire du rapport duCAE de Bureau, Bourguignon sur les prélevements en France, 1999).

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les outils disponibles, l’intéressement, par nature temporaire et incitatif à la reprise d’emploi à tempspartiel ou à durée déterminée, pour des individus ayant un fort taux de préférence pour le présent estpréférable à une mesure pérenne (Gautié, Gubian [2000]), dans la mesure où tout emploi à tempsincomplet est éventuellement un marchepied vers un emploi stable11. Cette hypothèse de trajectoire professionnelle ascendante est toutefois rarement vérifiée pour lessalariés peu qualifiés (Bloch, Estrade [1998]) et pose, de manière centrale, la question de l’emploiconvenable, ou souhaitable, et surtout l’horizon de cet emploi (Freyssinet [2000]). En ce sens, le choixde ne pas encourager la reprise d’un emploi à durée trop faible est cohérent avec l’idée du maintiend’une norme minimale d’emploi.

D’autres mesures peuvent permettre de ne pas décourager la reprise d’activité. C’est le cas de toutesles aides de type « one shot » visant à couvrir ponctuellement les frais connexes de retour à l’activité,comme l’ARAF (Aide à la reprise d’activité des femmes, définie afin de couvrir les frais de garde).C’est aussi le cas des politiques actives d’accompagnement sur le marché du travail. Dans unesituation de demande d’emploi peu qualifié insuffisante et de rigidité des salaires à la baisse,l’ajustement sur le marché du travail se fait par des mécanismes de file d’attente conduisant àl’exclusion des moins qualifiés. Il est alors nécessaire de mettre en place des politiques d’emploivisant à reprofiler la file d’attente et à éviter des situations d’exclusion durables.

Minima sociaux et accompagnement sur le marché du travail

Les différentes expériences de suivi personnalisé des demandeurs d’emploi peuvent être très efficaces(bien au-delà des simples incitations financières) à la condition que ce suivi intervienne de manièreprécoce et si les services publics de l’emploi offrent un service efficace et intensif de mise en relationsdes demandeurs d’emploi avec les employeurs (Fougère [2000]). La question est alors celle des droits,en termes de services offerts, et des contreparties exigées de la part de l’individu. L’inscription à l’ANPE permet de bénéficier d’un certains nombre de services d’accompagnement,récemment renforcés avec la mise en place du Plan d’Action Personnalisé. Toutefois, seuls 54 % desinscrits bénéficient d’une indemnisation (ARE ou ASS) dont la contrepartie est double : d’une part,assurantielle sous la forme de cotisations préalables, d’autre part en terme de disponibilité et derecherche active d’emploi.La perception du RMI est associé à des droits et des contreparties beaucoup plus faibles. Par ailleurs,l’inscription à l’ANPE, et donc la possibilité d’accéder aux services d’accompagnement, est loin d’êtregénéralisée, y compris au sein de ceux qui recherchent activement un emploi. Cette situation provientde la nature du RMI qui vise à couvrir à la fois des risques de handicap non reconnues pourl’attribution de l’AAH et des risques de chômage non couverts par les régimes d’indemnisation.Dans les autres pays européens, la coupure semble plus nette entre le régime d’allocation pourhandicap et celui de revenu d’assistance chômage. Cette distinction est souvent associée à unedéfinition plus extensive du handicap. Les chômeurs bénéficiant des allocations d’assistance chômagerelèvent généralement des mêmes contraintes de recherche d’emploi et de suivi individuel par leservice de l’emploi que les chômeurs relevant du régime d’assurance.

Au sein des pays européens, la question des contreparties se pose de manière toutefois très différenteentre des programmes dont l’objectif est « l’emploi d’abord » de ceux qui s’inscrivent dans une

11 En tout état de cause, l’idée d’une aide aux bas revenus doit alors être conçue de telle manière qu’elle nevienne pas pertuber le processus « naturel » de requalification. Dans l’hypothèse où la reprise d’un emploiconduit à améliorer les perspectives à moyen-terme de la situation de l’individu, alors spontanément lesindividus sortiront du mécanisme de l’aide et rejoindront la situation médiane. La question est alors celle des« trappes à bas salaire » : dans quelle mesure l’instauration d’un mécanisme pérenne d’aide aux bas revenusn’incite pas l’employeur à maintenir le salarié au bas de l’échelle salariale, cette situation pouvant provenir de lapente du coût du travail ou bien de mécanisme de collusion employeur-salarié pour ne pas perdre le bénéfice del’aide aux bas revenus (Gautié, Gubian [2000]).

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perspective d’investissement social (Barbier [2001]). Ces distinctions peuvent être reprises enconsidérant les modèles sociaux dans lesquels ils s’insèrent. Un premier modèle, qualifié de libéral,repose sur le primat de la responsabilité individuelle. Dans ce cadre, les contraintes en terme derecherche active d’emploi et d’emploi convenable sont très fortes. Les services proposés auxpersonnes sans emploi sont faibles et plutôt de court terme, mais le rôle des incitations financières estimportant (y compris par le versement de complément de revenu d’activité pour les personnes à bassalaires). A cette optique libérale, on peut opposer un modèle universaliste, dans lequel laresponsabilité est collective. Dans ce cadre, le niveau de la contrepartie demandée est mis en balanceavec la qualité, l’universalité et l’horizon de long terme des services offerts. On peut alors distinguerdeux cas : celui du Danemark, où l’accompagnement des chômeurs et des bénéficiaires des minimasociaux est systématique et fortement contractualisé, assorti de très nombreuses possibilités deformation et de prestations monétaires élevées, mais aussi de fortes sanctions en cas de non respect ducontrat. A cette situation danoise, on peut opposer la situation française, où les services offerts sontfaibles et où les contreparties le sont aussi.

Demande de travail et système de protection sociale

Les difficultés d’insertion professionnelle des allocataires du RMI semblent refléter avant tout lafaiblesse de la demande de travail peu qualifié. Il faut alors réfléchir à la concordance entre l’évolutionpossible ou souhaitable de cette demande de travail et le système de protection sociale. On peut eneffet considérer que la faiblesse de la demande de travail non qualifié provient essentiellement duniveau du coût du travail au niveau du Smic. Dans ce cas, il faut réduire le niveau du coût du Smic etaméliorer la situation des individus les moins productifs, qui ont alors la possibilité de trouver unemploi, par des versements compensateurs.On peut au contraire considérer que la faiblesse de la demande provient de biais défavorables autravail peu qualifié du fait des structures productives (biais technologique et organisationnel) : il fautprévoir des mécanismes de requalification par la formation. A cet égard la proposition deBourguignon [2002] de fournir aux individus entrant en formation une rémunération supérieure à celledu minimum garanti est très intéressante, même si le cadre théorique de cette proposition est peuétayé.On peut enfin considérer que les évolutions démographiques de la population active conduiront avanttout à une pénurie relative de salariés qualifiés et qu’il est donc souhaitable pour assurer l’évolutionfuture des gains de productivité de ne pas développer de nouveaux emplois peu qualifiés.

Une manière d’envisager de manière prospective l’évolution souhaitable est de partir du constat que ladynamique du système productif rend nécessaire une plus grande mobilité, en particulier horizontale,des individus. Jusqu’à maintenant cette évolution s’est traduite par une plus grande précaritéprofessionnelle, une forte segmentation des emplois selon le niveau de qualification et le transfertpartiel du risque économique des entreprises vers les salariés. Dans ce cadre, la protection socialeassise sur la stabilité de l’emploi industriel et masculin ne fonctionne plus et conduit, du fait desfaiblesses du système de formation continue, à l’exclusion d’une partie de la population. L’idée quipréside à l’instauration des « marchés transitionnels » (Gazier, Morin [2000]) est celle d’unemutualisation des risques et de l’élaboration de droits individuels au moment des changements destatuts afin de rendre souhaitables ces transitions (make transitions pay plutôt que making work pay).Dans ce cadre, doit être défini toute une série de droits : à l’emploi, au revenu, à la formationqualifiante, à s’arrêter de travailler pour s’occuper de ses enfants, à avoir une activité non marchandesocialement utile, etc. (Supiot [1999]). Ces droits, et leurs financements, doivent être négociés auniveau approprié afin que l’ensemble des acteurs, en premier lieu les entreprises et les salariés,acceptent ces nouvelles règles du jeu.

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En conclusion- un système de minima sociaux est justifié pour assurer la cohésion sociale- les différentes réformes ont fait disparaître les situations dans lesquelles la reprise d’un emploiconduit à des pertes monétaires, sauf éventuellement pour des femmes ayant des enfants en bas âge dufait du coût de la garde d’enfant ou pour des durées du travail très courtes- cette dernière situation peut se justifier par la volonté de ne trop dégrader les normes d’emploi- par contre, la question de la contrepartie et du suivi individuel des allocataires de minima sociauxn’est pas réglée- les difficultés de sortie de RMI laissent penser que la question centrale reste celle de la faiblesse dedemande de travail peu qualifié- il convient alors de réfléchir à l’articulation entre les évolutions probables ou souhaitables de lademande de travail et le système de protection sociale.

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1.4 Sélectivité du marché du travail et politiques ciblées d’aide à l’emploi :un double objectif d’équité et d’efficacité

Depuis plusieurs décennies, et en particulier depuis la montée du chômage de masse consécutive auxchocs pétroliers des années 1973-1979, les pouvoirs publics des différents pays européens ont mis enplace des politiques de l’emploi. Ayant pris une place importante dans la régulation du marché dutravail et mobilisant des masses financières importantes (autour de 3 % du PIB en France, dont 1,3 %du PIB pour les mesures dites « actives »), il est intéressant d’étudier les performances sociales etéconomiques de ces dépenses publiques.

Objectifs de la politique de l'emploi

La politique de l'emploi a plusieurs objectifs qui s’expriment diversement selon les dispositifs et selonl’état du marché du travail. Les mesures dites « actives » visent à favoriser la création d'emploissupplémentaires et le développement d'activités nouvelles utiles socialement, mais aussi uneredistribution des chances d'accès à l'emploi à volume d'emploi donné. Elles cherchent également àaméliorer les qualités de la main-d’œuvre, notamment celles des demandeurs d’emploi par lespolitiques de formation ou en favorisant l’acquisition d’expérience et de capital humain informel(formation sur le tas). Ces actions contribuent en outre à l’amélioration du fonctionnement du marchédu travail, notamment an raccourcissant les délais de mises en relations entre offreurs de travail etdemandeurs. Elles peuvent enfin parvenir à augmenter la population active ou à aider l’insertion decertaines personnes en situation d’exclusion faute d’accès au marché du travail.

La politique de l’emploi peut de plus avoir un impact favorable sur la croissance économique, sur lademande globale ou sur les finances publiques (Erhel, 1998), cette dimension ne sera pas évoquée ici.On abordera principalement les mesures ciblées qui luttent contre la sélectivité du marché du travail,en pratiquant la discrimination positive à l'égard des populations les plus vulnérables au chômage oumoins employables12.

A cet égard, on peut classer les mesures dites « actives » de politique de l’emploi selon quatre critèresde différenciation (Freyssinet, 2001) :1. activité socialement utile mais non rentable / baisse du coût du travail2. ciblage sur catégorie de bénéficiaire / ciblage sur catégorie d’emploi3. contrat de travail droit commun / contrat de travail particulier / absence de contrat de travail4. relation du contrat aidé aux mécanismes de protection sociale / absence de relation.

Dépenses publiques pour les programmes du marché du travail en 2000En % du PIB Allemagne Danemark Espagne États-Unis France Pays-Bas Royaume-

UniSuède

Mesures « passives » 1,92 3,00 1,34 0,23 1,65 2,05 0,56 1,37Mesures « actives » 1,20 1,56 0,81 0,15 1,31 1,55 0,36 1,33Total 3,13 4,56 2,14 0,38 2,96 3,60 0,92 2,70

Source : OCDE – Perspectives de l’emploi 2002

Les mesures de politique de l’emploi répondent par ailleurs à des logiques nationales propres etrelativement distinctes. D’un côté les pays anglo-saxons n’ont guère développé ces instruments etn’ont pas mis en place de système d’indemnisation du chômage particulièrement massif. De l’autre,les pays du nord de l’Europe ont investi massivement le champ des dépenses dites « actives » à côté dedispositifs d’indemnisation du chômage assez généreux. Dans cet ensemble, la France se caractérise

12 Au sens où, parmi ceux qui entrent sur le marché du travail, ces populations ont les plus faibles probabilitésd'accéder facilement et rapidement un emploi à l'emploi (Gazier, 1990).

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comme ayant eu largement recours aux cessations anticipées d’activité comme élément de dépenses« passives ».

Fondements de l’intervention publique d’aide à l’emploi

Les mesures ciblées sur certaines catégories de d’offreurs de travail reposent d’abord sur l’existencede phénomènes de discrimination ou d’inégalités qu’il faut compenser. Pour les économistes, il y adeux explications de tels phénomènes : une discrimination par goût (Becker) et une discrimination parcroyance, également appelée discrimination statistique (Arrow, Phelps). La première est considéréecomme étant irrationnelle d’un point de vue économique et ne peut donc guère être combattue par uneaide à l’emploi. La discrimination statistique, quant à elle, part du fait que certaines caractéristiquesindividuelles étant inobservables pour les employeurs, ceux-ci adoptent des comportementsdiscriminant fondés sur des croyances sur la qualité moyenne de tel ou tel groupe de travailleur(Cahuc, Zylberberg, 2001). En dehors des oppositions éthiques et morales, un tel comportement des employeurs pose problèmeparce qu’il perturbe le fonctionnement du marché du travail : atténuation du rôle de la productivité dutravail, déplacement de l’équilibre du marché du travail avec introduction de discontinuités à travers lamise en place de plusieurs marchés du travail.En outre, la discrimination peut modifier les comportements des offreurs de travail (réduction desefforts d’investissement éducatif) ce qui tend à créer des inégalités persistantes entre groupes et peutavoir un impact macroéconomique négatif en réduisant le niveau global d’éducation de l’économie (cf.fiche 2.1). On attend donc aussi des mesures publiques qu'elles puissent infléchir les pratiques derecrutement des entreprises et modifient l’ordre de la file d’attente du chômage.

Ensuite, d’un point de vue macroéconomique, les politiques de l’emploi doivent permettrel’appariement entre les emplois disponibles et les individus à la recherche d’un emploi, dans le cadrethéorique de la courbe de Beveridge comme dans celui des modèles d’appariement (Pissarides). C’estsurtout vrai en régime de chômage classique. Dans le cadre du modèle WS-PS (Layard et Nickell), ces politiques ont des effets attendus pluscontradictoires sur les salaires. Elles peuvent favoriser la modération salariale si elles tendent àaccroître la concurrence entre offreurs de travail. Mais elles peuvent aussi réduire les incitations à lamodération salariale si les salariés en place savent pouvoir bénéficier de solutions alternatives auchômage et financièrement plus favorables en cas de licenciement (OCDE, 1993 ; Erhel, 1998).Enfin, les politiques de l’emploi peuvent avoir un effet positif sur la productivité de l’économie encontribuant à accroître la productivité des bénéficiaires via les mesures de formation, i.e. acquisitionde capital humain général ou spécifique, ou de création directe d’emplois, i.e. acquisition de capitalhumain informel (Fay, 1996).

Plus récemment, la perspective des marchés transitionnels qui vise à organiser la sécurisation desparcours et des trajectoires des offreurs de travail sur un marché du travail plus instable et plussegmenté a placé les politiques de l’emploi au cœur de sa démarche. La régulation publique doitassurer une certaine continuité de la relation de travail au-delà de la discontinuité des emploispermettant aux individus, en particulier les plus fragiles, d’opérer les bonnes transitions (Gazier,1998 ; Gautié, 2002). Évaluation des politiques d’emploi : difficultés et limites

Compte tenu de l’importance des interventions publiques dans ce domaine, les éclairages théoriquesne sont pas suffisants. Il est donc nécessaire de mesurer les effets de ces politiques.Évaluer un programme d’aide à l’emploi c’est essentiellement identifier son efficacité. Pour cela, ilfaut essayer d’identifier qu’elle aurait été la trajectoire de chaque bénéficiaire du programme enl’absence du passage par ce dispositif. Contrairement aux évaluation médicales, une telle approche individuelle, mesurant l’effet duprogramme sur chaque individu bénéficiaire est impossible. Une évaluation microéconomique du

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passage par un dispositif se limitera donc à mesurer des effets moyens. Cette tache n’en est pas moinscomplexe et requiert au minimum des techniques économétriques sophistiquées, notamment en raisondes problèmes statistiques de biais de sélection13. L’utilisation de données expérimentales affectantaléatoirement les individus bénéficiaires et les témoins dans les deux groupes, outre des problèmesd’ordre éthique et de coût financier, ne lève pas toute possibilité de biais (Gautié, 1998 ;Heckman, Lalonde, Smith, 1999).Les progrès des méthodes économétriques et statistiques, la construction de données originales avecinterrogation de populations témoins permettent d’envisager des évaluations quasi expérimentales deseffets nets moyens du passage par un programme d’aide à l’emploi. Ces travaux demeurent sensiblesaux spécifications des modélisations.

Toutefois, l’évaluation de politiques d’emploi doit être multidimensionnelle, l’accès à l’emploi nepouvant être le seul critère d’appréciation de l’efficacité d’une politique (bien que ce soit le critèreprincipal). Cette dernière doit s’appuyer à la fois sur des indicateurs variés et sur des méthodesdiverses (Stankiewicz, 1995 ; Gelot, Simonin, 1997). Il faut aussi prendre en compte la mise en œuvredes politiques, « ouvrir la boîte noire » du fonctionnement des dispositifs et s’interroger sur leurimpact systémique (une mesure de politique de l’emploi peut avoir des effets relativement faibles surl’emploi mais des effets très positifs sur l’accès au système de santé par exemple). Les évaluationsmacroéconomiques s’avèrent très utiles pour identifier les éventuels effets de déplacement14 et prendreen compte les dynamiques globales créées par certains dispositifs, mais elles sont aussi sources denombreux biais (Erhel, 1998).Enfin, les analyses en termes d’efficience des politiques d’emploi (coût-efficacité) sont encore peunombreuses (Perret, 2001).

Résultats empiriques : efficacité et équité malgré certaines difficultés

Les discriminations existent sur le marché du travail, ce qui est d’ailleurs à l’origine des approchesthéoriques en termes de segmentation et de dualisme (Doeringer et Piore). Dans le cas de la Francedans les dernières années, on observe en effet la persistance d’une discrimination à l’égard desfemmes15 (Meurs, Ponthieux, 1999), des difficultés plus importante pour les travailleurs étrangers(Canaméro, Canceill, Cloarec, 2000 ; Tanay, Audirac, 2000) et pour les habitants des quartiersdéfavorisés (Le Toqueux, Moreau, 2002). Les effets d’âge jouent en défaveur des jeunes (OCDE,1996) mais aussi à l’encontre des travailleurs âgés (Brunet, Richet-Mastain, 2002). Les chômeurs de longue durée se retrouvent également dans des situations difficiles, illustration dephénomènes d’hystérésis (Cahuc, Zylberberg, 2001). L’allongement de la durée de la situation dechômage tend à réduire la probabilité de retrouver un emploi et conduit à prolonger le chômage. Cephénomène s’observe assez nettement en France sur données empiriques mais se vérifie aussi pour denombreux autres pays (Machin, Manning, 1999). Bien que le chômage de longue durée soit plutôt uneconséquence de la discrimination, on a là une justification du fait que les chômeurs de longue duréesoient une cible importante des politiques de l’emploi.

La sélectivité du marché du travail paraît bien difficile à corriger, quel que soit le caractère massif duprogramme mis en œuvre, notamment parce que les mesures ne parviennent que faiblement àinfluencer les comportements d'embauche des entreprises (inertie des utilisateurs de mesures,

13 Les comportements d’entrée dans les dispositifs s’appuient sur des caractéristiques éventuellementobservables mais non observées ou inobservables (motivation, attachement au marché du travail…) : la simplecomparaison des bénéficiaires d’un programme avec un groupe de non bénéficiaires est source de biais, en raisondes mécanismes de sélection dans le dispositif (Heckman, Lalonde, Smith, 1999). 14 Les bénéficiaires des mesures sont particulièrement incités et aider dans leur recherche d’emploi etrestreignent ainsi la quantité des emplois offerts pour les non-bénéficiaires. De même les entreprisessubventionnées peuvent créer des emplois au détriment d’autres entreprises, non bénéficiaires des aides àl’emploi, qui perdent des parts de marché et finissent par licencier.15 Cette discrimination existe bien par delà les différences entre les hommes et les femmes en termes de cursusscolaires, de carrières ou de secteurs d’activité.

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opportunismes, clientélisme, cannibalisme…). Certaines mesures d’aide à l’emploi dans le secteur nonmarchand semblent jouer un rôle de maintien aux marges du segment secondaire pour certainescatégorie de main-d’œuvre peu qualifiée (Commissariat général du plan, 1997 ; Werquin, 1997). Parailleurs, si des effets de substitution se manifestent, la firme recrutant alors plus particulièrement lepublic visé par la mesure, ceux-ci se produisent en faveur des individus les plus employables16

(Conseil national de l’évaluation, 2002).Certains chercheurs sont plus affirmatifs, les aides à l’emploi contribuent à pérenniser lescomportements des entreprises, en accroissant la sélectivité du marché du travail et organisant ainsi lestrajectoires des bénéficiaires dans une espèce de circuit fermé, continuum possible d'itinéraires,ensemble cohérent de dispositifs articulés les uns aux autres (Autès, Bresson, Delaval, Vernier, 1996 ;Mauger, 2001).

En matière de lutte contre la sélectivité, la difficulté vient du fait que plus la cible est large, plus lasélectivité est forte au détriment de ceux jugés les moins employables. Ainsi, dès le premier pacte pourl'emploi (Juillet 1977), les publics initialement visés (les jeunes les moins qualifiés), ne sont pas lesplus concernés. En effet, les jeunes sans diplôme ne représentaient que 24% des contrat emploiformation et 20% des stages pratiques en entreprises. Parmi les jeunes qui ont signé un contrat dequalification, ceux dotés d'un diplôme de niveau Bac+2 ou plus étaient 12,3% en 1990 mais 20,2% en1998, alors qu'à l'inverse, les jeunes sans diplôme étaient passés de 15,5% à 8,3% sur la mêmepériode17. A l'opposé, toute mesure très ciblée, notamment sur les publics les plus défavorisés, faitpeser sur ses bénéficiaires des risques évidents de stigmatisation, car signalant une faible productivitépour les employeurs (White, 1990). Ainsi pour Alain Supiot, “ on peut douter (…) du bien fondé despolitiques de ciblage direct de ces aides selon des critères socio-économiques. Ce ciblage contribue àla dualisation du salariat et au développement d’emplois de seconde zone ” (Supiot, 1999, p67-68).

Car, plus largement, il faut prendre en compte le fait que l'action publique peut être productrice denouvelles normes dans le fonctionnement du marché du travail (Chaumette, Kerbouc’h, 1996). Parexemple, les mesures ciblées sur les jeunes amènent soit l'exclusion des individus plus âgés, soitconduisent les employeurs à considérer comme "atypique" le fait d'embaucher un jeune sans aide. Eneffet, le flux des entrées en contrats aidés du secteur marchand (réservés aux jeunes ou non) représenteune partie non négligeable des recrutements annuels des entreprises et intervient directement dansleurs modes de gestion de l'emploi18. On peut cependant remarquer sur les deux dernières décenniesque juridique les emplois aidés ciblés sur les jeunes ont vu leurs caractéristiques se rapprocher ducontrat de droit commun (des Travaux d’Utilité Collective aux Emplois-jeunes).

Les évaluations macroéconomiques des politiques actives de l’emploi font globalement apparaître quecelles-ci sont efficaces, tout en ayant à l’esprit que les sources de biais sont multiples. On constate eneffet que les politiques de l’emploi accroissent les flux de sorties du chômage, peuvent réduire lechômage dans les phases descendantes du cycle économique19 et tendent à produire de la modérationsalariale (OCDE, 1993 ; Fay, 1996). Même si elles peuvent parvenir à accroître le contenu en emploide la croissance (Lerais, 2001) ces politiques ne peuvent se substituer à long terme à des politiquesmacroéconomiques de croissance (DARES, 1996).

16 Par exemple, dans le cas du CIE, les bénéficiaires du RMI ou les travailleurs handicapés, assurant pourtant uneprime plus forte à l’employeur, ont davantage de difficultés à rentrer en CIE que les chômeurs de longue durée etont des résultats en termes d’insertion professionnelle plus faibles (Belleville, Charpail, Klein, 2002).17 Avec l’amélioration de la conjoncture du marché du travail, les recrutements en CQ cette tendance se réduit.18 On a en tête ici l’influence des mesures de la politique de l’emploi sur le développement des formesparticulières d’emploi (influence très directe en ce qui concerne le travail à temps partiel). Toutefois, il faudraitmener une investigation plus approfondie sur l’impact des contrats précaires sur les parcours professionnels (cf.fiche 1.2).19 Cette dimension contracyclique des politiques d’emploi est particulièrement manifeste dans l’utilisation qui estfaite par les pouvoirs publics des contrats aidés du secteur non marchand mais s’observe également pour lesecteur marchand.

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Les aides à l’emploi ciblées tendent à améliorer les parcours des bénéficiaires, en particulier pour lescontrats du secteur marchand. En effet, les études sur les contrat initiative emploi (CIE) et les contratde qualification (CQ) montrent qu’à moyen terme les bénéficiaires sont dans l’ensemble dans unemeilleure situation d’emploi que les individus « témoins » non bénéficiaires aux caractéristiquesidentiques, à partir d’une batterie d’indicateurs et avec correction des biais de sélection (Belleville,Charpail, Klein, 2002). Pour les CES et les stages SIFE, les mêmes types de travaux montrent que lepassage par le dispositif s’avère positif en termes d’emploi pour certaines catégories de population(Barailler, 1999).Sur les dispositifs de formation, les résultats des évaluations sont moins convergents et peu stabilisés(OCDE, 1993 ; Martin, 2000). Cela provient en partie d’une faible prise en compte des effets de longterme, de la difficulté à repérer la formation informelle, donc parfois de modèles inadaptés(Stankiewicz, 1995).

Les contrats aidés dans le secteur non marchand qui recrutent plutôt des chômeurs avec des difficultéssur le marché du travail ne parviennent que modérément à être un sas vers l’emploi ordinaire (Conseilnational de l’évaluation, 2002). Ils n’en ont pas moins des effets positifs en termes d’insertion sociale,soit, immédiatement, en procurant un revenu et une activité, soit, à moyen terme, en redonnantconfiance aux bénéficiaires sur leurs capacités à occuper un emploi (Aucouturier, 1994 ; Charpail,Zilberman, 2002).

Les enquêtes auprès des employeurs du secteur marchand, font apparaître que les mesures ontquelques effets sur le volume global d’emploi20 (entre 10 et 30% des emplois aidés n’auraient pas étécréés en l’absence de la mesure), mais ont surtout des effets d’aubaine (l’emploi aurait été créé sansl’aide). L’existence d’effet d’aubaine, par ailleurs très sensible à la conjoncture, n’empêche pas que denombreuses entreprises bénéficiant des aides à l’emploi se trouvent dans une situation économique oufinancière plus difficile que les entreprises non utilisatrices (Belleville, Saint-Martin, 2002).Ces mesures ciblées se caractérisent davantage par des effets substitution, qui conduisent lesemployeurs à modifier le profil des individus embauchés en faveur des catégories répondant auxcritères de l’aide. Cet effet concerne entre un quart (apprentissage, CQ) et près de la moitié (CIE) despersonnes embauchés pour les aides ciblées du secteur marchand (Belleville, 2001).

Conclusion

L’évaluation des politiques d’aide à l’emploi posent quelques difficultés. Au niveau individuel, il fautparvenir à reconstituer la trajectoire qu’auraient suivie les bénéficiaires s’ils n’étaient passés par aucundispositif, ce qui n’est pas immédiat, particulièrement dans le cas des programmes de formation.Par ailleurs, dans de nombreux cas, les politiques ciblées n’échappent pas au problème épineux deseffets d’aubaine. Certains employeurs bénéficient sans doute d’aides à l’embauche alors que leursituation économique et financière ne le justifie pas pleinement. Il faut pouvoir tenir compte de ceteffet « pervers » dans l’évaluation de ces politiques (Gautié, Gazier, Silvera, 1994).

Toutefois, la question de leur efficacité n’est pas tant de savoir si ces politiques contribuent à accroîtrele niveau global de l’emploi (c’est davantage le rôle des politiques macroéconomiques, même si ellesy parviennent partiellement), mais plutôt de déterminer si elles sont susceptibles de modifier le profildes salariés embauchés en faveur de publics en difficulté sur le marché du travail. Il semble que ce soitle cas, au moins dans une certaine mesure.La question du ciblage est donc particulièrement importante. Elle est cependant à double tranchant,risquant de stigmatiser certaines catégories de demandeurs d’emploi et de renforcer la sélectivité quis’exerce à leur encontre (Dayan, 1995).

20 Ce qui n’exclut pas l’existence d’effet de déplacement (l’emploi créé grâce à l’aide aboutit à détruire d’autresemplois dans d’autres entreprises), identifiable à travers une analyse macro.

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Du point de vue de la performance sociale, on peut retenir le fait que la politique de l’emploi a deseffets positifs, en raison des créations d’emplois qu’elle provoque d’une part, mais surtout enfavorisant les changements de position dans la file d’attente pour l’accès à l’emploi pour lespopulations connaissant des difficultés d’insertion professionnelle. Cet effet est d’autant plus positifs’il existe non pas une mais plusieurs files d’attente pour l’accès à l’emploi, les mesures cibléesparvenant dans certains cas à déplacer les bénéficiaires d’une file à l’autre, c’est à dire leur permettantd’accéder à des emplois de qualité. C’est bien l’enjeu qui est devant la politique de l’emploiaujourd’hui. Cependant, si les interventions publiques en matière d’emploi devaient, par exemple,remettre en cause indirectement le modèle de protection sociale en fragilisant son financement, alorsl’impact social global de telles actions pourrait prendre une dimension plus négative (cf. introduction).

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PARTIE 2LA DIMENSION SOCIALE COMME DETERMINANT DE LA PERFORMANCE ECONOMIQUE ?

La dimension sociale intervient, par le biais du travail et des salariés, au cœur du système productif.Peut-on considérer pour autant que le social est un déterminant de la performance économique ? Si lecapital humain, produit en partie du modèle social, est assimilé à un facteur de production, qu’en est-ildu capital social ? Par ailleurs, les entreprises réorganisent en permanence leur système de productionen vue d’améliorer leur performance et les conditions d’exercice du travail évoluent constamment.Comment ces entreprises intègrent-elles ensuite ces évolutions dans l’évaluation de leur performance ?

2.1 Le capital humain, un atout pour la croissance et un objectif social : résoudre le problèmed’insertion sur le marché du travailLe capital humain, résumant la qualité de la main-d’œuvre, est un pilier de la croissance économique àlong terme. La formation initiale, comme la formation continue, conditionnent son accumulation. Entermes de formation des jeunes, le système éducatif français apparaît relativement performant, malgréun fonctionnement du marché du travail sélectif à l’égard des débutants. En revanche, l’entretien et lavalorisation des compétences des travailleurs âgés semblent beaucoup plus délicates, compte tenu dufaible niveau de formation initiale d’une grande partie des salariés des plus de 45 ans.

2.2 Indicateurs sociaux et capital social : les limites du cadre économiqueDepuis le début des années quatre vingt dix l’usage du seul PIB comme indice de santé sociale estremis en cause, notamment par le PNUD ou un certain nombre d’auteurs américains ou canadiens. Desbatteries d’indicateurs alternatifs sont proposés, dont l’utilisation plus fréquente permettrait d’avoirune meilleure idée de l’état social de la nation. Dans la droite ligne des travaux de Putnam sur lecapital social un récent rapport de l’OCDE « Du bien-être des nations » revient sur la distinction entrePIB et bien-être mais reste dans une conception relativement individualiste du fonctionnement de lasociété. Mieux vaut sans doute préférer la notion d’ « état social de la nation » que celle de « capitalsocial » comme fondement de l’élaboration d’indicateurs alternatifs complétant les indicateursclassiques.

2.3 Performance économique et travail : les conditions de travail en questionLes organisations productives se sont profondément modifiées. Il est difficile d’évaluer au niveau del’entreprise quelles ont été les conséquences de ces modifications sur les performances économiques,l’apport du facteur travail étant lui-même difficile à évaluer. Les conditions d’exercice du travail sesont dégradées et la question de l’efficacité productive de ces nouvelles organisations, souvent dites« performantes » peut néanmoins être posée.

2.4 Investissement socialement responsable et rating social : la prise de conscience des acteurséconomiquesL’entreprise est un acteur important du tissu social. Le concept d’investissement socialementresponsable et le rating social témoignent de démarches volontaires et positives visant à intégrer descomposantes sociales dans le processus d’évaluation des entreprises à destinations des marchésfinanciers. Cette démarche repose sur des considérations purement morales ou bien est intégrée dansl’idée de pouvoir éviter des crises sociables préjudiciables à la performance économique et financièrede l’entreprise. Les critères retenus pour cette évaluation sociale de l’entreprise sont à affiner, mais laprise en compte de ces critères témoigne, de la part des entreprises et des investisseurs, d’une prise deconscience de l’imbrication croissante entre l’économique et le social.

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2.5 Les aspects juridiques de la responsabilisation sociale de l’entrepriseLe point central est que l’employeur n’est pas juridiquement responsable de ses fautes de gestion àl’égard de ses salariés, même si ces dernières conduisent à la fermeture de l’entreprise. En matière degestion de l’entreprise, il n’a qu’un devoir d’information vis-à-vis de ses salariés comme de sesactionnaires et dans certains cas, un devoir de consultation à l’égard des institutions représentant lepersonnel. En cas de licenciements massifs, l’employeur doit également rendre des comptes à lacollectivité nationale.

45

2.1 Le capital humain, un atout pour la croissance et un objectif social :résoudre le problème d’insertion sur le marché du travail

Les qualités de la main-d’œuvre d’une économie sont désormais reconnues comme étant un facteurimportant de sa compétitivité. Le capital humain symbolise ces qualités. On estime à l’heure actuelleque l’acquisition de capital humain s’effectue essentiellement dans les premières années de la vieactive en prolongement de la phase de scolarisation initiale. On centrera donc ici la discussion sur lestransitions professionnelles de l’école à l’emploi sans écarter complètement la formation continue desadultes. Quelles sont les modalités d’insertion professionnelle des jeunes en France comparativement àd’autres pays ? Quels sont leurs résultats ? Les actifs français sont-ils suffisamment formés pourrendre l’économie française attractive ?

Les travaux théoriques sur l’impact de la formation sur les carrières des individus

Dans les années 1950 et 1960, la théorie du capital humain est construite pour traduire l’impact del'amélioration de la qualité des facteurs sur la croissance et expliquer les disparités de salaires.

Le capital humain est l’ensemble des capacités productives d'un individu incluant ses aptitudes au senslarge (connaissances générales ou spécifiques, qualifications, compétences, savoir-faire, expérience...).Il s'agit donc d'un stock que l'on peut constituer, accumuler, voire user et détruire mais qui comporteaussi une part innée, qui conditionne plus ou moins les progressions ultérieures.Le capital humain est inséparable de la personne de son détenteur, seuls les services rendus par cecapital sont loués sur le marché du travail. En conséquence, si le bénéficiaire de la formation estdifférent du financeur, la crainte que le bénéficiaire se sépare du financeur peut dissuader ce dernierd’investir. C'est vrai autant pour une entreprise vis-à-vis de ses salariés que d'une économie à l’égardde ses jeunes cerveaux.

Au niveau individuel, le rendement marginal de l’investissement éducatif est décroissant, ce quisignifie qu’il est préférable de se consacrer intensément à la formation en début de vie et de réduirel’investissement à mesure que la vie active s’allonge. L’investissement éducatif regroupe des coûtsdirects et des coûts d'opportunité (gains auxquels on renonce lorsqu'on décide d'accumuler du capitalhumain). C’est pourquoi, il tend à diminuer avec l’âge, parce que son coût d’opportunité augmente etparce que le nombre d’années restantes pour le rentabiliser diminue mécaniquement.

L’acquisition de capital humain n’est pas réductible à la période de formation initiale, car il augmenteavec l’expérience professionnelle. En outre, il faut distinguer capital humain général et capital humainspécifique (Becker, 1964). Le premier permet au salarié d’augmenter sa productivité marginale dutravail dans toute entreprise alors que le second n'a de valeur que dans l’entreprise où il a été acquis.Les entreprises n’ont guère intérêt à financer le capital humain général car elles perdent leurinvestissement en cas de départ du salarié (en théorie la formation générale est donc à la charge dusalarié). Le salarié n’est pas plus incité à financer l’acquisition de capital humain spécifique car il nepourra pas le rentabiliser dans une autre entreprise (en théorie c’est l’entreprise qui finance, avec unerémunération à l’ancienneté qui la protège contre le départ du salarié).

En fait, chaque formation est une combinaison particulière de composante spécifique et générale(Stevens, 1994), avec une partie transférable (utilisable dans une autre entreprise), ce qui limite lesfreins à la mobilité pour le salarié mais réduit aussi les incitations à la formation pour les entreprises.Et pourtant la formation continue générale s’avère source de productivité en développant les capacitésdes salariés à s’adapter à de nouvelles situations. On a là un facteur structurel du niveau sous-optimalde la formation générale, bien que la formation générale en entreprise ne soit pas toujours certifiée (cequi limite sa perception par les autres entreprises, réduit les risques de départ du salarié et conduitcertaines à accepter de la financer).

46

Toutefois, une grande partie de l’acquisition de capital humain dans l’entreprise est informelle (plus de90% d’après certaines études américaines), liée à la formation sur le tas. En effet, elle intervient dèsles premiers mois de présence dans l’entreprise par des processus d’imitation des salariés plusanciens(« learning by watching ») et par des processus d’essai-erreur (« learning by experience »).Suivant leurs modalités d’organisation les entreprises adoptent donc divers modèles de diffusion dessavoirs, le plus souvent de manière informelle (Levy-Garboua, 1994).

L’accumulation de capital humain, qu’elle soit générale ou sur le tas, formelle ou informelle, estsupposée ici accroître la productivité de l’individu, celle-ci étant mesurée par le biais d’une équationreliant le salaire à l’éducation et à l’expérience (Mincer, 1974). La théorie du signal est venue critiquercette approche, en posant que le salaire attaché à un diplôme donné ne serait que le reflet des aptitudesintrinsèques d’un individu signalées à l’employeur par la réussite d’un parcours scolaire (Spence,1973 ; Gamel, 2000). L’éducation ne servirait pas à augmenter les capacités de la main-d’œuvre maisseulement de cadre d’évolution des comportements individuels confrontés à l’information imparfaiterégnant sur le marché du travail.

A l’opposé, les nouvelles théories de la croissance (croissance endogène), mettent l'accent dans lesannées 1980 sur la production d'externalités positives pour l'ensemble de la société, à travers lesdépenses d'éducation, de recherche-développement, de santé et d'infrastructures, autant d'élémentsfavorisant la croissance et l'activité du secteur privé. Cette approche repose sur le fait que le rendementcollectif de certains facteurs dépasse leur rendement privé et augmente avec leur accumulation. Laqualité des infrastructures publiques va influencer le rendement du capital privé.Le capital humain, source d’externalités positives, joue un rôle essentiel dans l’accroissement desqualités de la main-d’œuvre et donc sur la croissance de l’emploi. En effet, plus la population activeest formée plus les investissements en capital physique seront efficients.

Rendements de l’éducation et de l’expérience

L’existence d’une corrélation positive entre éducation et salaire est un fait empirique attesté dans lalittérature internationale, sans que l’on parvienne à l’attribuer définitivement à l’amélioration de laproductivité de l’individu formé (Temple, 2000). L’hypothèse de relation causale entre éducation etrevenu n’est pas infirmée par les travaux empiriques, malgré la complexité des relations entrant enligne de compte (effets d’âge, de période et de cohorte). Le rendement salarial d’une année d’étudesupplémentaire est évalué entre +6 et +10%. En outre, l’obtention du diplôme augmente fortement lerendement de l’éducation selon les travaux sur données françaises avec toutefois des différences nonnégligeables selon les diplômes (Goux et Maurin, 1994).

Il y a progression des rémunérations salariales selon l’âge, avec des profils concaves. Cependant, onobserve des écarts importants entre les qualifications. Ainsi les cadres valorisent nettement moinsl’ancienneté dans l’entreprise que les employés et les ouvriers. Cela signifie que les cadres sontessentiellement détenteurs de capital humain transférable, alors que celui des ouvriers et employés estbeaucoup plus spécifique. Or, bien que leurs résultats ne soient pas convergents, la majorité des étudessur la question fait apparaître que le rendement de l’expérience (ancienneté) est plutôt faible.

Au moins en France et aux États-Unis, on assiste au cours des années 1980 et 1990 à une diminutiondu rendement salarial des diplômes pour les jeunes générations entrants dans la vie active (Baudelot etEstablet, 1998). Elle renvoie en France aux phénomènes de déclassement à l’embauche et dedévalorisation sociale des titres scolaires liés au relâchement des liens diplôme-qualification-salaire endébut de carrière depuis 10 ans (Gautié, Nauze-Fichet, 2000).

47

Modèles de transition professionnelle

Ces évolutions témoignent du fonctionnement du marché du travail polarisé sur une seule générationd’actifs (avec en France parallèlement aux difficultés des jeunes, l’exclusion des travailleurs âgés parle biais des préretraites). L’insertion professionnelle s’effectue essentiellement dans le cadre derégulations marchandes, en particulier pour l’accès aux entreprises à marchés internes, selon desmécanismes d’exclusion sélective (Garonna et Ryan, 1989). Le diplôme est alors un instrument declassement dans les files d’attentes vers l’emploi. La politique de l’emploi, avec le développement desformations en alternance en France depuis un vingtaine d’années, constitue une tentative des’approcher d’un modèle d’insertion réglementée à l’allemande (Verdier, 1996). Mais,comparativement à l’Allemagne, les partenaires sociaux n’ont ni la même importance ni la mêmeimplication dans la régulation du marché du travail. Les dispositifs publics d’emploi peinent àcontrecarrer la sélectivité du marché du travail.

Aux États-Unis, le phénomène d’exclusion sélective d’une insertion professionnelle des jeunes faisantlargement appel aux mécanismes du marché, prend place dans un cadre où la qualité du systèmeéducatif est très hétérogène (Buechtmann, Schupp, Soloff, 1993) : les firmes n’utilisent pas lesdiplômes pour sélectionner la main-d’œuvre juvénile. En conséquence, la dégradation des conditionssalariales de l’entrée dans la vie active n’est pas liée à l’acceptation d’emplois aux statuts amoindris, eton n’observe ni phénomène de déclassement ni de dévalorisation sociale des diplômes (Gardecki,Neumark, 1998 ; Paulin, Riordon, 1998 ; Schrammel, 1998).De nombreux travaux ont mis en évidence dans les années 1980 et 1990, les conséquences socialesnéfastes d’un tel fonctionnement du marché du travail, rejetant les jeunes les plus défavorisés d’unpoint de vue scolaire vers la violence, le crime ou le suicide (Freeman, 1999). Il y a là, tant dans lessituations françaises qu’américaines, la manifestation d’un effet de génération (Chauvel, 1998).

Dans ce contexte plusieurs études ont souligné que les rendements sociaux de l’éducation pourraientêtre supérieurs à ses rendements individuels, l’accroissement du niveau d’éducation de l’économie setraduisant par une diminution de la criminalité et une augmentation du vote. On doit rappeler quel’économie américaine s’est positionnée dès les années soixante sur une logique d’investissementéducatif important (en proportion il y avait à l’époque 3 fois plus d’étudiants sur les campusaméricains que dans les établissements d’enseignement supérieur français). Mais il s’agit désormais deréduire les fortes disparités scolaires et d’ouvrir la voie à la formation en alternance (Iannozi,Osterman, 1993).

La « première explosion scolaire » n’est intervenue en France que dans les années 1960, à travers lamassification de l’enseignement secondaire, celle de l’enseignement supérieur n’intervenantvéritablement que dans les années 1980. Depuis, la société française a su largement développer sonsystème de formation initiale, avec une élévation du niveau d’éducation des nouvelles générations, lacréation de nouvelles filières professionnalisées et le développement des formations en alternance. LaFrance se situe en bonne place parmi les autres pays développés en matières de qualité du systèmeéducatif. Ayant poursuivi l’effort d’investissement éducatif pour l’enseignement supérieur, la Francedevrait rattraper prochainement son retard sur ses principaux partenaires (OCDE, 2001).On a pu mesurer ces dernières années que l’emploi des jeunes dépendait très fortement de laconjoncture. Les jeunes générations sont bien dotées en « savoir-faire » et « savoir-être » utiles pourl’avenir (capacités cognitives, utilisation des outils informatiques, capacités d’échangesinformationnels…) et semblent en position de s’adapter aux changements productifs.

48

Taux d’accès à la formation continue(en %)

Niveau de formation initiale Ensemble Ancienneté2 à 5 ans 6 à 9 ans 10 à 33 ans

Supérieur (I à III) 48,9 53,1 52,4 50,1Secondaire (IV, V) 27,6 31,6 29,2 29,7Non qualifiés (Vbis, VI) 11,3 24 18,9 15,2Ensemble 27,7 40,1 37,6 31,2Source : enquête Formation continue 2000, traitement MES-DARES (Gélot, Minni, 2002)

Pour les salariés plus âgés, en grande partie peu qualifiés (40% des 45 ans et plus n’ont aucundiplôme, les 2/3 possèdent au plus un diplôme de niveau V (CAP, BEP)), les perspectives apparaissentplus difficiles. D’une part en raison du fonctionnement inégalitaire du système de formation continue(Gélot, Minni, 2002) : la formation bénéficie davantage à ceux qui sont les plus formés (phénomènecommun à la plupart des pays développés), alors que la France y consacre pourtant des massesfinancières importantes, parmi les plus élevées en Europe. Ces salariés subissent en outre lesinsuffisances des systèmes de validation des acquis professionnels pour parvenir à valoriser le capitalhumain acquis dans une entreprise. Il y a là une responsabilité des entreprises mais aussi des salariésqui sous-estiment largement leurs besoins en formation. Leur longue expérience professionnelle neleur est guère alors utile pour faire face aux mobilités professionnelles subies, qui apparaissentd’autant plus traumatisantes.

Dans le cadre du régime de croissance fordiste, s’appuyant dans les entreprises françaises surl’existence de marchés internes, ces derniers constituaient la modalité de prise en compte de cetteaccumulation informelle de capital humain. Avec leur déstabilisation à partir des années 1980, lessubventions implicites entre salariés et entre générations ont été remises en cause, sans construction demodalité alternative de validation et de valorisation du capital humain pour de nombreux salariés(Gautié, 2002). Cette transformation intervient alors que l’horizon temporel des relations d’emplois’est raccourci, ce qui rend les formations longues plus coûteuses et plus risquées (Germe, 2001).L’essor de l’individualisation de la gestion des compétences n’est pas propice à une amélioration de laformation continue de ces travailleurs.Cette situation amplifie l’effet néfaste des ajustements économiques et peut avoir à terme desconséquences négatives sur la compétitivité. Pendant deux décennies cette faiblesse de qualification dela main-d’œuvre âgée a été « gérée » par les politiques de retraits du marché du travail (Marchand,Salzberg, 1996). L’essor de la validation des acquis passe par une reconfiguration des dimensionsmicroéconomiques et macroéconomiques des relations d’emploi (introduction dans les conventionscollectives, mises en œuvre de promotions par les entreprises…).

Conclusion

Un haut niveau d’éducation d’une société, et en particulier de sa population active, est un facteurreconnu de croissance et de compétitivité, car symbole d’une productivité élevée de la main-d’œuvre.Sur ce plan, en ce qui concerne sa jeunesse, la France est bien positionnée à l’échelle des paysdéveloppés. Les modalités d’entrée des jeunes dans la vie active sont certes marquées par des mécanismesd’exclusion des moins qualifiés, rendant cette transition difficile. Les politiques publiques doiventencore construire des programmes adaptés pour réduire l’échec scolaire et favoriser l’accès durable àl’emploi des jeunes peu qualifiés. Car les difficultés professionnelles de ces populations sont sourcesde problèmes sociaux non négligeables. Pour le reste, comparativement à d’autres pays où lefonctionnement du marché du travail est moins est moins défavorable aux jeunes, on n’observe pas dedifférences notables en termes d’impact social et d’attractivité économique. En effet, sur ce point, laconjoncture économique d’ensemble et les transformations du système productif pèsent davantage queles institutions de la relation formation-emploi.

49

La théorie du capital humain dans ses différentes variantes et ses différentes évaluations empiriques nesont guère favorables au développement de la formation continue des adultes, notamment pour laformation transférable. Les perspectives sont plus sombres pour les plus de 45 ans, ces salariés étantfaiblement dotés en capital humain général et les entreprises n’étant pas incitées en l’état actuel desdispositifs de formation continue à entreprendre des actions de formation. Ce point est d’autant plusimportant dans le contexte de vieillissement, car les pouvoirs publics souhaitant mettre fin auxpolitiques de préretraites, les risques d’exclusions sociales de ces populations sont accrus. Celaentraînerait des coûts sociaux potentiellement pénalisants pour l’économie et freinerait sesperspectives de compétitivité. Une réforme des dispositifs de formation continue pour augmenter lecapital humain transférable de ces salariés apparaît devoir passer par une implication forte despartenaires sociaux.

Graphique 1Dépenses d'éducation (formation initiale) en 1997 (en % du PIB)

8,5

8,2

7,1

6,9

6,4

6,1

5,9

5,8

5,1

4,9

4,8

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9

Suède

Danemark

Etats-Unis

Finlande

France

Moyenne OCDE

Allemagne

Espagne

Pays-Bas

Italie

Japon

Source : OCDE/CERI

50

Graphique 2Espérance de scolarisation pour un enfant de 5 ans en 1998 (en année)

17,5

16,8

16,7

16,6

16,4

15,5

15,4

15,4

14,9

14,2

0,1

0

0,1

1,3

1,9

2,9

0,8

0,6

0,2

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20

Danemark

Allemagne

Espagne

France

Pays-Bas

Italie

Canada

Grèce

Etats-Unis

Royaume-Uni

Source : OCDE/CERI

Temps pleintemps partiel

Graphique 3Taux de scolarisation des jeunes âgés de 20 ans en 1998 (en %)

43

40

34

33

32

30

30

15

10

14

4

20

10

10

27

7

33

30

0 10 20 30 40 50 60

France

Etats-Unis

Espagne

Royaume-Uni

Canada

Pays-Bas

Italie

Allemagne

Danemark

Source : OCDE/CERI

Supérieur

Secondaire & post-secondaire

51

2.2 Indicateurs sociaux et capital social : les limites du cadre économique

La notion de capital social est entrée très récemment dans le débat public : véritablement développée parPutnam en 1995 puis 2000, la notion est reprise par l’OCDE dans son rapport sur le bien-être des nations.Il s’agit pour ce rapport de mettre en évidence que le capital humain et le capital social sont des facteursimportants à prendre en compte dans les analyses, non seulement parce qu’ils contribuent à la croissanceéconomique (notamment dans une « société du savoir ») mais aussi parce qu’ils sont des élémentsessentiels du bien-être, objectif du développement des sociétés développées au même titre que lacroissance économique. Néanmoins, la notion de capital social mobilisée dans ce rapport (celle dePutnam) reste relativement limitée, et ne permet donc pas d’aller plus loin dans une réflexion quiprendrait en compte le capital social comme patrimoine de la société à faire fructifier. Dans cette mesuremieux vaut sans doute reprendre une notion voisine, développée par les américains et les canadiens(Miringoff et Osberg et Sharpe) : celle d’état social de la nation.

1. Développement du concept de capital social aux États-Unis par Putnam

Le concept est utilisé pour la première fois par Bourdieu en 198021 pour faire référence à un des types deressources dont disposent les individus et/ou les groupes sociaux : les groupes sociaux, pour accroître ouconserver leur position à l'intérieur de la hiérarchie sociale et bénéficier de privilèges matériels etsymboliques qui y sont attachés, mobilisent en effet, selon ces analyses, trois types de ressources : lecapital économique, le capital culturel et le capital social. Celui-ci regroupe les relations et les réseauxd'entraide qui peuvent être mobilisés à des fins socialement utiles. Dans ce contexte, le « capital social »apparaît comme propriété de l’individu et d’un groupe, à la fois stock et base d’un processusd’accumulation qui permettra aux individus bien dotés au départ de mieux se situer dans la compétitionsociale. Le capital social renvoie aux ressources qui découlent de la participation à des réseaux derelations qui sont plus ou moins institutionnalisés.C’est dans un sens légèrement différent que Coleman développe le concept dans les années 8022 , maisc’est surtout avec les travaux de Putnam que le concept va être médiatisé et connaître un véritable essor,comme les travaux d’Antoine Bevort l’ont mis en évidence23 : en janvier 1995 Robert Putnam publie unarticle intitulé Bowling alone dans le "Journal of democracy". Sa thèse est qu’on assiste aux États-Unis àun déclin du capital social, un recul de l'engagement civique qui compromet la vie démocratique. Dans lesannées 1950 et 60, grâce à la génération civique de la deuxième guerre mondiale, on a assisté aux États-Unis à l'apogée de la vie associative, de la démocratie participative, qui ensuite va connaître un déclinprononcé. Cette évolution s'explique par les transformations du capital social. " L'idée centrale de lathéorie du capital social c'est que les réseaux sociaux ont de la valeur ". " Le capital social se rapporte auxrelations entre individus, aux réseaux sociaux et aux normes de réciprocité et de confiance qui enémergent ". La notion est étroitement liée à celle de vertu civique, mais Putnam note que la vertu civiqueest d'autant plus efficace qu'elle est insérée dans un dense réseau de relations sociales qui génèrent laconfiance et la réciprocité généralisée. Robert Putnam redéfinit les dimensions individuelle et collective,privée et publique de la notion de capital social. Les relations sociales supportent les règles de la viesociales en produisant du capital social qui profite aux individus, mais qui a aussi des externalités quiaffectent la communauté. Le capital social peut donc être simultanément un "bien privé " et un "bienpublic". Les réseaux sociaux reposent sur des obligations mutuelles, ils ne sont pas simplement des

21 P. Bourdieu, « Le capital social: notes provisoires », Actes de recherches de sciences sociales, Vol. 31, 1980,p. 2-3 22 Coleman J.S., 1988, "Social Capital in the Creation of Human Capital", in Knowledge and Social Capital,Lesser E. (ed.), University of Chicago Press, Chicago. 23 Sur toutes ces analyses, voir A. Bevort, Revue française de Science politique, n°2, 1997 etintervention à la "journée académique des acteurs des réseaux d'éducation prioritaire, IUFMde Mont-Saint-Aignan, Académie de Rouen, journée du 21 mars 2001"

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contacts. Ils produisent une réciprocité spécifique et, surtout, une réciprocité générale. Selon Putnam,"Une société caractérisée par la réciprocité généralisée est plus efficiente qu'une société méfiante de lamême façon que la monnaie est plus efficiente que le troc".Pour Putnam, le constat du déclin social, dont les sondages indiquent qu'il est partagé et regretté par denombreux Américains, ne revient pas à cultiver la nostalgie du passé. Les États-Unis ont déjà connudes hauts et des bas dans l'engagement civique. Il s'agit d'abord d'établir fermement la réalité duphénomène, les tendances au déclin dans l'engagement civique et le capital social, ce qui fait l'objet dela première partie. Il s'interroge ensuite dans la deuxième partie sur les causes de cette évolution avantd'examiner dans la troisième partie le sens profond et les conséquences du phénomène. Dans ladernière partie, il se demande ce qui peut être fait.Concrètement, pour mesurer le capital social, plusieurs aspects de la vie sociale doivent être pris encompte : la vitalité des structures associatives (en terme de nombre d’adhésions et d’activités), lescomportements (participation électorale, loisirs collectifs…) et les attitudes (la confiance dans sesconcitoyens et dans les institutions, face à diverses situations). Le tableau 1 fournit la liste descomposants de l’indice synthétique calculé par Putnam ainsi que leur corrélation avec cet indice (sur labase des valeurs observées pour les États américains).

2. reprise du concept de capital social dans le rapport de l’OCDE : le bien-être des nations (2001)

Cette analyse a suscité nombre de débats aux États-Unis et dans beaucoup d’autres pays. Très vite, lanotion de capital social va être reprise dans les travaux de l’OCDE : en 2001, cette dernière rend eneffet public un rapport intitulé « Le capital humain et social dans un processus de croissance et dedéveloppement durable. Réconcilier nouvelles économies et nouvelles sociétés, le rôle du capitalhumain et du capital social » . Les références majeures du rapport sont Coleman, Putman etFukuyama. Une petite partie du rapport est consacrée au capital social : le capital social est différentdu capital humain (individuel) ; matériel ; naturel. Il n’est pas la propriété d’individus mais réside dansles relations. « Le capital social, qui couvre les différents aspects de la vie sociale – réseaux, normes etrelations – est ce qui permet aux gens d’agir ensemble, de créer des synergies et de forger despartenariats ». « Le capital social est le ciment qui lie les communautés, les organisations, lesentreprises et les différents groupes sociaux et éthiques ». Donc le capital social est défini commesuit : « les réseaux et les normes, valeurs et convictions communes qui facilitent la coopération au seinde groupes ou entre eux ».

La mesure du capital, souligne le rapport, est problématique. La plupart des mesures sont centrées surles niveaux de confiance interpersonnelle et les niveaux d’engagement ou d’interaction dans desactivités sociales ou de conseils. Elles sont en général fondées sur un indice composite dont leséléments sont : l’intensité d’implication dans la communauté, l’engagement public, le bénévolat, lasociabilité informelle. On peut retenir comme source du capital social : la famille, l’école, lacommunauté locale, l’entreprise, la société civile ; le secteur public, la politique à l’égard desfemmes ; l’appartenance ethnique.

Le rapport s’intéresse aux « effets » ou à l’impact du capital social d’un double point de vue : impactsur le bien-être et impact sur le bien-être économique. En ce qui concerne le premier point, le rapportrelève que « l’impact positif le plus évident concerne la qualité de vie des individus, y compris leursanté et leur bien être général (sur le bien-être des enfants, le passage à la vie adulte, la délinquance, lasatisfaction personnelle) ». En ce qui concerne le second point, le rapport remarque que « la confianceest un ingrédient qui facilite la productivité ; la recherche d’emploi et la promotion sociale, lacroissance macro-économique (...) Concernant ce dernier point des études ont montré qu’à long termeles pays ont une production par habitant supérieure s’ils ont beaucoup investi dans le capital matérielet humain et que ces investissements sont associés à un haut niveau de « l’infrastructure sociale ».(…)L’engagement civique a également un effet positif sur la croissance économique.

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Les bénéfices que l’on peut tirer du capital social vont donc bien au-delà des effets positifs qu’il peutavoir sur la productivité ou le revenu. Conjugué à celui du capital humain, son impact sur le bien-êtreaussi bien individuel que sociétal peut être important, sinon plus que celui de la productivitééconomique. Les propositions du rapport sont aussi floues que la définition et la possible mesure ducapital social : autant le rapport indique comment on peut développer des politiques publiquespromouvant le capital humain autant les actions à développer pour augmenter le capital social sontjugées complexes.

3. Critique de cette définition du capital social

Par rapport à la définition de Bourdieu, où le capital social est une quasi-propriété de l’individu ou dumoins peut être rapporté à un individu donné, la définition américaine (Coleman, Putnam, Fukuyama)semble de prime abord plus « collective ». Malgré tout, cette définition reste vague : s’agit-il d’unepropriété d’un ensemble d’individus, des relations sociales, ce concept est-il plutôt public, plutôtprivé ? Il suffit de voir les utilisations diversifiées qui sont faites du concept pour se rendre compte del’absence de stabilité (et du peu de rigueur) de la définition : ainsi Maurice Levesque et Deena Whiteécrivent-ils par exemple que «Le capital social est défini comme les ressources qui sontpotentiellement rendues accessibles par la participation à des réseaux sociaux », en en faisant ainsi unepropriété des individus ou des groupes d’individus.

Propriété de l’individu, caractéristique des relations sociales ? A quoi se rapport cette notion de capitalsocial, à quel socle, à quel substrat le rapporter ? Car, l’autre question est bien celle-ci : pourquoiutiliser ce terme de « capital » : capital signifie en général une richesse, un fonds, un stock (de terres,de biens mobiliers ou immobiliers, d’outillages…) qui servent à la production et dont on peut tirer desrevenus. Le capital physique de la théorie économique est un stock de biens ; le capital humain estaussi un « stock » de compétences, qualités, aptitudes. Quel est le substrat et le périmètre du capitalsocial de la théorie américaine, de quoi est-il constitué ? D’après les définitions données par lesthéoriciens américains, le capital social, est peut-être un stock, mais alors un stock de relations, devaleurs, d’aptitudes qui est certainement collectif en ceci qu’il est partagé par l’ensemble d’unesociété, et dont ce qui importe est la variation d’intensité : l’accroissement du capital social ce seraitalors l’approfondissement des liens, leur multiplication, leur intensité, l’actualisation de tous les lienspotentiels, des réseaux… Cette question du substrat peut sembler anodine mais elle est centrale : car,ou bien il s’agit du réseau social de l’individu, de la solidité de son(es) appartenance(s) et le but depolitiques visant à développer ce capital social sera de maximiser les possibilités qu’ont les individusde rentrer dans des réseaux différents et de multiplier en quelque sorte leurs sphères d’appartenance(alors il faut renforcer les réseaux, augmenter, comme l’écrit l’OCDE, l’intensité et la force du lienfamilial, du lien de quartier, du lien avec l’école…) ou bien il s’agit d’autre chose.

Pourquoi le « capital social » c’est-à-dire le stock de richesses détenues par un collectif se résumerait-il à la densité des réseaux tissés entre ses membres et au degré de partage des normes et descroyances… ??? Pourquoi ne pourrait-on pas développer une approche plus « patrimoniale », enprenant l’expression de capital social à la lettre c’est-à-dire le stock de « richesses » détenu par unesociété, constitué tout à la fois des « actifs » individuels, matériels et immatériels, de l’intensité desrelations nouées entre ces membres et des capacités, productions, actifs…du collectif formé par ceux-ci. Autrement dit, ce capital social serait également constitué de l’état de santé global d’une société (leniveau de soins qu’elle peut dispenser à ses membres), du degré de liberté de ses membres, de l’étatdes inégalités, du stock global d’éducation, des productions culturelles et artistiques, du capitalécologique… Certes, on sait bien les redoutables problèmes que poserait une telle définition etqu’énonçait déjà Malthus : il faudrait disposer d’un « inventaire » de toutes ces richesses, avec ledouble problème de l’unité de mesure (comment mesurer l’état de santé global, la qualité des relationssociales, des conditions de travail, des inégalités… et à quelle unité générale les ramener ?) et de lacomparabilité et de la possible agrégation des préférences individuelles ? C’est par exemple au nom del’impossibilité d’un tel raisonnement (et d’une manière plus générale au nom de l’interdiction

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d’agréger les préférences individuelles) qu’Oleg Arkipoff, comptable national, avait donné un coupd’arrêt aux diverses tentatives de mesure du bien-être initiées en France dans les années soixante-dix24.

On sait qu’un certain nombre de solutions, philosophiques et techniques, ont été apportées à ces deuxproblèmes : on peut, pour résoudre le second problème et en suivant Sen, considérer qu’il est possibled’agréger les préférences individuelles ou de se placer d’un point de vue où on peut parler d’un biencommun ou d’un bien collectif (nulle besoin d’une dictature pour trouver une procédure au terme delaquelle des individus s’entendent pour considérer que certaines choses contribuent au bien collectifou sont « bonnes »). On peut, pour résoudre le problème de la mesure avoir recours à des indicateursd’intensité qui, sur un certain nombre de domaines, explicitent les progrès ou les reculs : égalitéhommes/femmes ; libertés publiques ; délinquance ; accès aux soins ; qualité de l’air ; état dupatrimoine naturel… comme l’a proposé le PNUD.

En fait, Putnam s’est arrêté aux réflexions tocqueviliennes : on se souvient que dans De la Démocratieen Amérique, Tocqueville s’attarde longuement sur « l’usage que les américains font de l’associationdans la vie civile » et écrit notamment : « parmi les lois qui régissent les sociétés humaines, il y en aune qui semble plus précise et plus claire que toutes les autres. Pour que les hommes restent civilisésou le deviennent, il faut que parmi eux l’art de s’associer se développe et se perfectionne dans lemême rapport que l’égalité des conditions s’accroît ». C’est l’idée que ce qui importe le plus, pour lessociétés démocratiques – et pour que ce caractère persiste – c’est la force des liens, le partage desvaleurs, la confiance…Le reste doit s’ensuivre.

L’intérêt d’aller plus loin, et donc de dépasser cette définition du capital social comme qualité desréseaux et des liens entre les individus, ce serait de converger avec les réflexions actuellement encours sur le développement humain et le développement durable. Il faut en effet pour cela sauter unpas que ne franchit pas Putnam : considérer la société, la nation, le pays donné comme un « tout », uncollectif qui a aussi un bien propre. C’est l’idée, autrement dit, que la société elle-même dispose d’uncertain nombre de ressources, de capitaux, de biens dont la progression, l’amélioration, l’accumulationet la qualité (ou inversement la dégradation, la diminution…) peuvent être aussi mesurées.

Telle est par exemple la démarche suivie par Sen, par le PNUD ou encore par les Miringoff. Onrappelle que depuis 1990, le PNUD propose de prendre en considération, outre le revenu, l’espérancede vie et le niveau d’instruction dans son « indicateur de développement humain » (IDH). Trois autresindicateurs permettent de décliner l’IDH par sexe, un autre indicateur mesure l’égalité entre les sexessur le plan de la participation et de la prise de décision (IPF) et un troisième mesure la pauvreté dansles pays riches (parmi 17 pays considérés, la Suède et le Canada présentent les meilleurs taux. Parailleurs, le rapport analyse un certain nombre de domaines pour mesurer les évolutions : santé,logement, éducation, revenu, scolarisation des femmes, participation à la vie politique… Certes, cesindicateurs présentent des limites : il n’est pas du tout évident qu’il faille un indicateur synthétique, lespondérations sont arbitraires, les domaines ne son sans doute pas assez nombreux… mais ilspermettent de comparer les « performances sociales » des différents pays, développés et en voie dedéveloppement. Dans « The social healh of the nation – How America is really doing ? », les Miringoff reviennent, euxaussi, sur cette idée de « considérer la société comme un tout », c’est-à-dire un ensemble d’individus,de capitaux (naturel, humain, physique, écologique, de santé…), de richesse et de ressources dont lesétats successifs doivent pouvoir être aussi précisément suivis, analysés et mesurés que les évolutionsdu PIB. A la suite de Sen et du PNUD, les Miringoff reviennent en effet sur la différence de traitementqui existe entre les évolutions économiques, quotidiennement scrutées à partir de nombreuxindicateurs, au premier titre desquels le PIB et les évolutions sociales (santé, éducation, logement,criminalité, suicide, égalité hommes/femmes, violences, abus sexuels des enfants, temps passé avec lesenfants….qui en disent tout autant sur l’état global de la société et son bien-être que les évolutions duPIB. 24 voir D. Méda, Panique chez les comptables nationaux in Qu’est-ce que la richesse ?

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Nous nous sommes focalisés sur les évolutions économiques et surtout sur celles du PIB, comme s’il yavait une correspondance évidente voire un lien de causalité entre les évolutions du PIB et celles de lasociété tout entière, celles du bien-être social. Or, les Miringoff, à partir des résultats des différentsrapports du PNUD mais aussi de leur propre Index of social health, mettent en évidence que si lesdeux courbes ont en effet convergé jusqu’au début des années soixante dix, elles ont ensuite adoptédes tendances exactement contraires, le PIB continuant d’augmenter et l’index social se dégradant trèsrapidement. C’est bien la preuve empirique, s’il en fallait une qu’il n’y a pas nécessairement derapport entre évolution du PIB et évolution globale du bien-être, pas plus qu’entre PIB et bien-être -point de vue que l’OCDE elle-même acceptait dans son dernier rapport de 2001 sur le bien-être desnations.

Dès lors, il s’agit non seulement de construire des indicateurs adéquats, c’est-à-dire de choisirensemble des domaines, des états ou des types de ressources qui disent quelque chose sur la vie de lasociété et de trouver les bons indicateurs, mais également de mettre e œuvre les moyens de suivre lesévolutions de ces indicateurs de manière aussi régulière que sont suivies les évolutions économiques etfinancières, et de comparer ces évolutions dans le temps et entre les différents pays. A cette fin, lesMiringoff propose que soit enrichi leur Index of social Health, qui comporte 16 indicateurs, chacun deces indicateurs étant décliné par région, âge, nationalité…

On voit bien comment cette manière de s’interroger sur les évolutions de la société considérée comme untout sont proches des considérations qui raisonnent en termes de « développement humain » oudéveloppement durable : il s’agit bien dans tous les cas d’accepter de considérer la société comme untout, dont le bien-être est constitué non seulement des bien-être individuels ou de la qualité des relationsque ses membres entretiennent mais aussi de biens communs (la santé, le niveau d’éducation, la paix,l’absence de violence, les inégalités, le patrimoine écologique, la qualité de l’air, la sécurité…) dont lesévolutions doivent être mesurées : « Le développement humain et les politiques associées visent àaccroître la capacité des individus à mieux "fonctionner", c’est à dire à vivre mieux et ainsi à s’épanouir(Sen, 1987, 1993). Dans cette optique : " Les individus sont la véritable richesse d’une nation. Ledéveloppement doit donc être un processus qui conduit à l'élargissement des possibilités offertes àchacun. Il a pour objectif fondamental de créer un environnement qui offre aux populations la possibilitéde vivre longtemps, et en bonne santé, d’acquérir les connaissances qui les aideront dans leur choix etd'avoir accès aux ressources leur assurant un niveau de vie décent " (PNUD, 1990). Le concept dedéveloppement durable est apparu, au sein de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature,dans les années 1980. Il correspondait à une double prise de conscience : que le stock de ressourcesnaturelles disponibles était limité et que les processus de développement induisaient des externalitésnégatives (déchets, pollution, bruit, etc.). Ces deux aspects pouvaient remettre en cause, à terme, la duréede la croissance et la poursuite du développement.

Il fallait repenser le développement en tenant compte de ces deux contraintes et gérer de façon correcteles interactions entre l’économie et l’environnement afin de répondre aux besoins actuels des populations,sans pour autant sacrifier ceux des générations futures. Le rapport Brundtland intitulé "Notre avenir àtous" (CMED, 1989) popularise ce concept, à partir de 1987, en présentant le développement durablecomme un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité desgénérations futures à répondre aux leurs. De façon générale, on peut dire qu’un développement humaindevient durable lorsqu’il vise à l’améliorer le bien-être des personnes présentes, comme des générationsfutures, en protégeant et accroissant le stock de capital disponible sous ses différentes formes : capitalphysique (terrains, équipements), capital financier (épargne, crédit), capital naturel (ressources del’environnement), capital humain (éducation, santé, etc.) et capital social (relations sociales), etc. Cettedéfinition intègre les aspects de protection des identités (aspect culturel), de renforcement du pouvoir(aspect politique), de normes (aspect éthique). L’amélioration du bien-être implique une accessibilité àtoutes sortes de biens et services marchands ou pas. Quant au stock de capital, il entre dansl’accroissement des potentialités individuelles comme sociales.

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En conclusion : des travaux de grande qualité ont été développés depuis une dizaine d’années au Canadaet aux États-Unis sur ce sujet des nouveaux indicateurs de richesse et de développement : le capital socialaurait pu, comme la notion de capital humain, constituer un outil intéressant pour fonder une approcheplus patrimoniale de la richesse. Mais la notion a été en quelque sorte « préemptée » et il est difficile dechanger aujourd’hui son sens. Sans doute, pour atteindre le même objectif, faut-il lui préférer aujourd’huicelle d’ « état social de la nation » sur laquelle s’appuient d’ailleurs la plupart des travaux récents etélaborer pour suivre les évolutions de cet état social un Index de la santé sociale, un tableau de l’étatsocial de la nation dont les évolutions seraient suivies, comme le réclamaient les Miringoff, avec autantd’attention que celles du PIB.

Indicateur synthétique de Putnam

Measuring social capital in the American States

Components of comprehensive Social Capital Index

Measures of community organizational life- Served on committee of local organization in last year (%)- Served as officer of some club or organization- Civic and social organizations per 1.000 p.- Mean number of club meetings attended in last year- Mean number of group membership

Measures of engagement in public affairs- Turnout in presidential elections 1988 and 1992- Attended public meeting on town or school affairs in last year

Measures of community volunteerism- Number of nonprofit organizations per 1000 p.- Mean number of times worked on community project last year- Mean number of times did volunteer work in last year

Measures of informal sociability- Agree that « I spend a lot of time visiting friends »- Mean number of times entertained at home last year

Measures of social trust- Agree that « Most people can be trusted »- Agree that « Most people are honest »

Putnam, Op. cit. p. 291

Correlationwith index

0.880.830.780.780.74

0.840.77

0.820.650.66

0.730.67

0.920.84

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Indicateurs of social Health des Miringoff

- mortalité infantile- pauvreté des plus de soixante cinq ans- espérance de vie à 65 ans- personnes qui n’ont pas fini l’école (High School dropouts) et permet de construire un

indice de performance national à partir des indicateurs sur la qualité de vie, les abus sexuels sur les enfants, le suicide, l’usage de la drogue, les salaires, la pauvreté, les inégalités… ?

- abus sexuels sur les enfants- pauvreté des enfants- suicide des jeunes- couverture sociale- salaires- inégalités- crimes violents- usage des drogues chez les jeunes- teenage births ?- accidents dus à l’alcool- chômage

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2.3 Performance économique et travail : les conditions de travail enquestion

Les conditions d’exercice du travail et son organisation sont de façon évidente un enjeu social dont lescoûts au niveau de l’entreprise (absentéisme, conflits sociaux) et au niveau collectif (coûts sanitaireset sociaux) sont relativement mesurables. Mais elles sont aussi un déterminant de la performanceéconomique d’une entreprise. Cette dernière relation est l’objet même des techniques managériales etelle apparaît dans les modèles économiques à travers le concept d’incitations. Elle est cependant trèsdifficile à établir tant l’apport du facteur travail est difficile à évaluer. L’objet de cette fiche est derappeler le caractère central de cette relation qui, parce qu’elle est difficile à établir à travers desindicateurs simples, est souvent oubliée dans le débat sur la compétitivité économique et sociale. Cettequestion ne peut être en effet traitée par des modèles économiques qui n’intègrent pas l’entreprise, sonorganisation et l’organisation du travail dans l’analyse ou bien le réduisent à un système d’incitations.Une démarche pluridisciplinaire économique et sociologique est nécessaire pour comprendre les liensentre travail et performance. Un certain nombre de courants de recherches (socio-économie, économieinstitutionnaliste) s’attachent à ce projet en remettant l’entreprise, son organisation et l’évolution ducontenu du travail et de ses conditions d’exercice au centre de l’analyse économique desperformances.

L’organisation productive des entreprises a été profondément transformée au cours des années 80-90 :de façon tendancielle, le mouvement semble notamment marqué par plus de flexibilité et dedécentralisation des organisations. Pour les salariés, ce mouvement se serait traduit, également defaçon tendancielle, par une autonomie et une implication croissante. Les enquêtes statistiques sur lesconditions de travail et les travaux monographiques montrent que cette implication se réalise au prixd’une intensification du travail des salariés, et d’une insatisfaction croissante au travail. Sur cesquestions, on se référera en particulier aux travaux de psychopathologie du travail d’une part (voirDejours, 1998, sur les stratégies de défense des salariés et la souffrance au travail et Clot, 2000, surles effets de la sollicitation de la subjectivité du salarié) et d’autre part aux travaux statistiques menésdepuis 20 ans sur les conditions de travail (parmi une bibliographie abondante, voir en particulier,Gollac, Volkoff, 1996). Ce renforcement des exigences en termes de performances individuelless’accompagne d’une précarité croissante des trajectoires individuelles et d’une dégradation du liensalarial. Parmi les nombreux travaux sur ces questions, on citera deux ouvrages de référence (Castel,1995 et Supiot 1999), une bibliographie commentée (Le Dantec et al, 1997) et le dossier du n. 89 deTravail et Emploi (2002) sur les emplois flexibles. Cette présentation rapide ne rend compte, ni de ladiversité des formes organisationnelles, ni de celle des situations de travail et d’emploi, il n’en restepas moins que ces résultats posent la question des liens entre performance des entreprises etdégradation des conditions d’exercice du travail.

Observer les conditions d’exercice du travail, en faisant l’hypothèse qu’il n’est pas seulement unenjeu social mais un enjeu économique permet de questionner l’efficacité des stratégies et pratiquesdes entreprises à travers leurs effets concrets.

Par exemple :

• Le travail entre autonomie et contrainte, des situations contradictoires dont on peut douter del’efficience productive.

Les enquêtes sur les conditions de travail menées depuis la fin des années 70 montrent que lessituations de travail sont à la fois caractérisées par plus d’autonomie induite par la décentralisation desorganisations et le management par projets et plus de contraintes liées notamment à la pénétration desexigences de la clientèle au cœur de la production. Aux anciennes contraintes qui subsistent ouprogressent - travail à la chaîne et travail répétitif (Bué, Rougerie, 1999) déplacement de charges

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lourdes (Cézard, Hamon-Cholet, 1999a) - s’ajoutent les pressions nouvelles liées à la demande et aurythme (augmentation de la charge mentale, Cézard, Hamon-Cholet 1999b). Outre les conséquencesde ces évolutions en termes d’intensification et d’accroissement des risques pour la santé (Boisard etal. 2001) ou des accidents (Bouvet et Yahou, 2001), le salarié serait de plus en plus souvent soumis àdes injonctions contradictoires qui le placent dans une situation d’anomie et perturbent sa capacité deréponse à la demande. La pression de la demande qui gagne l’ensemble des organisations productivestend à faire de la relation à la clientèle et des exigences pour la satisfaire une dimension essentielle dutravail. Or les travaux sur la relation de service montrent que cette relation au client est traversée pardes exigences contradictoires : adapter la réponse à la spécificité de la demande de chaque client dansdes délais de plus en plus courts et dans le cadre de prescriptions de plus en plus contraignantes (voirpar exemple Alonzo,1998 ; Demailly, 1998 ; du Tertre, 1995.

• Précarité et coordination dans les organisations.

Depuis les années 80, les formes d’emploi qualifiées d’ « atypiques », le CCD et le travail temporaire,se sont fortement développées. De nombreux travaux ont montré qu’il faut se garder d’uneassimilation trop rapide entre ces statuts et les situations de précarité, les formes flexibles d’emploiétant d’une diversité croissante, y compris sous CDI et notamment pour les emplois à temps partiel(Billiard et al, 1999) Le recours à ces formes flexibles permettrait de faire d’une partie de la main-d’œuvre une variable d’ajustement, de peser sur les salaires, d’éviter différents coûts liés auxrecrutements et aux licenciements, de procéder à des présélections sans risque. La réintroduction dequestionnements sur l’organisation de l’entreprise et du travail interroge le recours aux formesd’emploi flexibles. Comment concilier une politique de flexibilité externe avec les exigencescroissantes de coordination dans les organisations. La qualité de la coordination repose sur la capacitéà capitaliser et à transmettre des expériences individuelles et collectives qui semble incompatible avecla vision court-termiste du recours à la flexibilité externe (voir par exemple, Glayman, 2001 à proposde l’intérim). C’est la relation de confiance qui est au cœur de la coordination, laquelle ne peuts’établir que dans la durée et avec un minimum de sécurité. Au-delà de la diversification des formesd’emploi, certains auteurs voient dans les nouvelles exigences portées par le travail, polyvalence,mobilités, intensification, une mise en danger permanente des salariés porteuse de sentimentd’insécurité y compris pour ceux d’entre eux qui appartiennent au noyau « stable » des entreprises(Paugam 2001, Castel 1995).

• Technologies de l’information et de la communication, organisation du travail et performance

L’usage de l’informatique concerne aujourd’hui une majeure partie des salariés et a profondémenttransformé le travail (Gollac, 1996). L’introduction des nouvelles technologies de l’information et dela communication dans les organisations productives favorise des transformations complexes etparfois contradictoires : si la recherche d’un lien plus étroit au marché est incontestable, laformalisation des organisations et la généralisation des normes et des standards l’est aussi. (Gollac etal, 1998). Les choix organisationnels qui sous-tendent ces innovations technologiques sont en effetdéterminants. L’usage des technologies est modelé par les organisations. Les travaux empiriquesmontrent que les objectifs affichés, décentralisation opérationnelle, fonctionnement plus horizontal, àl’occasion de l’implantation de NTIC, ne prennent pas toujours corps dans l’organisation. Cesnouveaux outils sont ambivalents (Faguer et al, 1998) et peuvent par exemple renforcer les clivageshiérarchiques par le biais de l’accès aux informations. Plusieurs études en cours montrent par exempleque la catégorie « cadres » voit ses critères de définition se modifier au profit notamment d’un usageplus fréquent d’outils informatiques les distinguant des autres catégories de salariés et les positionnantdifféremment, notamment en interface avec l’extérieur de l’entreprise. D’autres travaux en cours surl’implantation d’ERP dans des grands groupes ou dans des organisations non marchandes (dans leshôpitaux par exemple), montrent une tendance à la redistribution des informations et des pouvoirs ausein des organisations dans le sens parfois d’un renforcement des clivages professionnels ethiérarchiques. Les effets de ces investissements coûteux sur la performance globale des organisations

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sont très difficiles à mesurer (Caby et al, 1999 ; Greenan et Guellec, 1999) et leur évaluation passe entous cas par l’observation des transformations induites sur le travail des salariés.

• Engagement dans le travail / individualisation des rémunérations / traitement équitable dessalariés.

La tendance à l’individualisation de rémunérations est attestée par les enquêtes ACEMO et l’enquêteannuelle sur l’individualisation de la DARES : on note la progression des augmentations individuellesdes salaires de base et des primes de performance notamment.

Les recherches sur le système de rémunération dans le secteur bancaire (Dressen, 20001) fournissentun exemple significatif des effets pervers de cette tendance à l’individualisation des rémunérations surle sentiment d’équité. La part générale dans les augmentations y décroît au profit d’augmentationsindividuelles destinées à encourager la performance et à récompenser l’efficacité. Les effets pervers enterme d’insatisfaction au travail et de manque de compétitivité externe des salaires (difficultés derecrutement et défections) sont observés notamment dans le cas des commerciaux. De façon générale,l’individualisation des rémunérations est une tendance qui, si elle n’a pas encore profondémentbouleversé les modes de fixation des salaires, pose avec acuité le problème de l’évaluation du travailet de la construction d’un accord entre acteurs autour de ce système d’évaluation.

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2.4 Investissement socialement responsable et rating social : la prise deconscience des acteurs économiques

L’investissement « socialement responsable » se développe selon deux mouvements conjoints. D’uncôté, les investisseurs dits « sociaux » opèrent des choix d’investissement de façon à atteindre leursobjectifs financiers, tout en s’attachant à construire une économie meilleure, plus juste et durable etvendent aux épargnants des produits financiers dits « éthiques ». D’un autre côté, les investisseurs« classiques » tendent à intégrer dans leurs expertises des entreprises, des critères sociaux etenvironnementaux dans le souci de mieux intégrer dans leurs choix des critères de valorisation àmoyen terme du capital immatériel des entreprises. Pour cela, les investisseurs ont besoin de disposerd’une information leur permettant de conduire leurs choix : ils font alors appel aux agences dites de« notation sociale » qui classent les entreprises d’un même secteur au regard de critères de« développement durable ».

Dans cette fiche, nous verrons à quelles logiques répond le développement de « l’investissementresponsable », en partant de leur origine historique, les fonds éthiques. Nous présenterons ensuite lesacteurs et pratiques de la notation sociale. Enfin, nous tenterons d’identifier les limites et les risquesque soulèvent ces pratiques.

1. Aux origines de l’investissement responsableL’investissement responsable consiste à investir dans les entreprises soucieuses d’associer croissanceéconomique et respect des conditions sociales et environnementales. Ce mouvement s’appuie sur destendances économiques et sociologiques profondes. En effet, un mouvement de fond semble mettre enavant la recherche d’un meilleur équilibre entre valeur financière et valeurs sociétales.Pour le Social Investment Forum (2002), les investissements socialement responsables sont encroissance rapide : aux États-Unis, l’encours des fonds éthiques dépasse les 2.000 milliards de dollars,ce qui représente 13% des actifs gérés professionnellement, soit un dollar sur huit placé selon descritères qui englobent d’autres considérations que la seule performance financière. Une grande partiede ces encours restent limités à une simple approche d’exclusion. Le Royaume-Uni comporte unequarantaine de fonds éthiques, représentants 75 milliards d’euros d’encours. Les fonds éthiquesfrançais ont connu une évolution régulière depuis la création du premier fonds en 1983 parl’association Éthique et Investissement : ce sont aujourd’hui plus de 800 millions d’euros d’encoursqui sont gérés selon ces critères.Le principe de mise en cohérence de principes et de valeurs boursières est à l’origine en premier lieu,de la création des fonds éthiques puis d’une démarche plus générale d’analyse des facteurs explicatifsdu rendement à long terme des portefeuilles financiers. Il renvoie aujourd’hui à une demande –certainement croissante – des acteurs à ne pas être placé en situation de schizophrénie entre leursdifférentes postures (salarié, épargnant, consommateur, chef de famille, citoyen).

1. 1. Des fonds éthiques à l’investissement socialement responsable : à l’origine, une mise enconformité des choix d’investissement avec des valeurs morales

Les pratiques de « rating » (notation) des entreprises selon des critères éthiques, sociaux et/ouenvironnementaux trouvent leur origine dans le développement de fonds dits « éthiques », aux États-Unis. Au début du siècle, les congrégations religieuses cherchent à mettre en cohérence leurs principeset leurs comportements financiers en investissant dans des fonds qui excluent toute entreprise ayanttrait à l’alcool, au tabac, aux casinos, etc. … A la fin des années 60, sur fond de guerre du Vietnam etde mobilisation contre l’Apartheid en Afrique du Sud, « l’investissement éthique » se déploie pourrejeter tout investissement dans les industries de l’armement puis dans les entreprises américainesjugées complices de l’Apartheid. L’environnement devient ensuite un pivot des engagements desinvestisseurs responsables

Comme le souligne E. Loiselet (2001), la « démarche est d’abord morale : ne pas se rendre complice,se maintenir à distance de réalités que l’on désapprouve » ; c’est par là même un mouvement qui viseà réconcilier l’éthique et le portefeuille d’actions, sans être cantonné dans une posture éventuellement

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schizophrène. C’est aussi une démarche proche du boycott, où les consommateurs-épargnants, relayéspar des groupes de pression (mouvements pacifistes, mouvements de défense des droits civiques,mouvements sociaux et environnementaux), exigent de pouvoir investir leur argent dans des fondsrespectant leurs critères de choix. Un marché émerge au sein des produits financiers : celui des fondséthiques, reposant sur un travail méthodique de recensement et d’évaluation de l’activité réelle desentreprises puis d’application de critères de sélection. Ce double travail d’évaluation et de sélectionamène alors à la création d’indices spécifiques, tels que l’indice Safe (South Africa Safe Equity) crééen 1980, qui peuvent drainer des capitaux individuels par le biais de fonds, mais aussi les capitaux descongrégations religieuses, des universités ou encore des hôpitaux. Ces fonds qui excluent des sociétésde leurs placements sont des « fonds éthiques d’exclusion ».

Une seconde démarche consiste à privilégier les entreprises reconnues pour leurs engagements sociauxou environnementaux : on parle alors de « fonds éthiques de développement durable » : ce sont cesfonds qui vont franchir l’Atlantique (en premier lieu au Royaume-Uni) dans les années 80, dont ledéveloppement est favorisé par celui des fonds de retraite par capitalisation. De fait, les fonds deretraite privilégient la rentabilité sur le long terme et s’affirment plus réceptifs aux pratiques socialeset environnementales des entreprises. Au Royaume-Uni, la loi Trustee Act oblige depuis juillet 2000les fonds de pension britanniques à signaler dans quelle mesure ils prennent en compte les critèreséthiques dans leur politique d’investissement.

1. 2. Des seuls « shareholders » aux « stakeholders » dans la gouvernance d’entreprise : intégrer descritères sociaux pour anticiper sur les risques

Dans la dynamique de globalisation, les grandes entreprises sont aujourd’hui inscrites dans uneinterdépendance croissante avec leur environnement : d’un côté, leur poids économique s’est accru etleurs stratégies ont des effets croissants sur leur environnement social et écologique (on parle« d’externalités » des décisions prises) ; d’un autre côté, les différentes parties prenantes del’entreprise ou « stakeholders » (les actionnaires, mais aussi les clients, les fournisseurs, lesconcurrents, les salariés, l’État et les collectivités territoriales, les représentants de la société ou del’opinion) sont potentiellement en mesure d’impacter les directions de l’entreprise (trajectoiresempruntées et organes de direction). Les mutations socio-productives, telles que le développement del’externalisation et du juste-à-temps, des organisations « orientées clients » ou la variabilité despérimètres de la firme et la diversification des lieux d’implantation ont ainsi accru la perméabilité del’entreprise à son environnement : elle l’imprime plus qu’avant et en est plus empruntée ; de ce fait, ilapparaît qu’elle ne peut plus se permettre de l’ignorer. Le comportement des « stakeholders » est eneffet potentiellement porteur pour l’entreprise, de synergies comme de risques : en particulier, unboycott des consommateurs, une grève des salariés, un développement de l’activisme actionnarialcontestataire, un comportement inamical d’un ex-compétiteur allié ou le retrait d’un fournisseur clefpeuvent s’avérer très coûteux pour cette entreprise en situation d’interdépendances. Les deux dernièresdécennies ont ainsi vu l’implication – parfois brutale – de certains stakeholders dans la stratégie del’entreprise.

Dès lors, il s’agit pour les investisseurs de pouvoir juger de la capacité de « gouvernance globale » desentreprises, notamment dans une logique d’anticipation des situations de crise. Le raisonnementconsiste ici, pour les investisseurs, à se doter d’indications fiables d’une bonne gestion interne etexterne, dans la mesure où elles permettent d’identifier a priori les risques sociaux etenvironnementaux et donc, de pouvoir se construire eux-mêmes des anticipations en la matière pourorienter leurs choix d’investissement. En effet, les marchés financiers ont intégré dans leurraisonnement le fait que des crises sociales ou environnementales de l’entreprise peuvent fortementnuire à sa réputation et provoquer une chute brutale du prix des actions.

A ce titre, l’investissement responsable représente un outil de réduction du risque financier desactionnaires et de mise en cohérence de leurs attentes en termes de rendement / risques avec lesdynamiques économiques d’ensemble.

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1. 3. Enjeux de valorisation à long terme du capital immatériel face aux limites de la seule logiquefinancière à court terme

L’intégration des dimensions sociales et environnementales dans les choix d’investissement renvoiepar ailleurs plus ou moins explicitement à une prise de conscience : celle des limites dufonctionnement du marché quand il est livré à lui-même (Orléan, 1985) : en ce sens, de nombreuxauteurs (Polanyi, 1944) estiment que le déploiement de la « société de marché » à partir de la fin duXIX° siècle a progressivement relégué la société au statut d’appendice du marché, en « désencastrant »les relations économiques des rapports sociaux. En matière d’analyse économique et gestionnaire dufacteur travail, les logiques de marché tendent de fait à porter une attention particulière auxdimensions « coûts » du travail, au détriment d’une analyse par exemple, de ses apports en termes devaleur ajoutée ou encore, de compétitivité hors-prix (R. Beaujolin, 1999). C’est en particulier lalogique financière à court terme qui est critiquée, dans ses effets (elle évincerait de ses critères de prisede décision les effets à moyen terme sur les ressources humaines et écologiques qui se verraient àforce dégradés, sans pour autant que cette dégradation soit intégrée dans les critères de prise dedécision) et même dans sa pertinence économique (elle n’a pas toujours tenu ses promesses en matièrede création de valeur pour l’actionnaire).

De cette prise de conscience du caractère myope des logiques financières de court terme émerge unnouvel impératif dès qu’il s’agit d’évaluer le caractère pérenne de l’entreprise et de sa rentabilité :celui d’intégrer dans les critères de choix en matière d’investissement la valorisation des actifsimmatériels de l’entreprise. Au titre de ces « actifs immatériels », J. P. Sicard (2001) évoque : « lessystèmes d’information, le capital intellectuel, le capital de notoriété, de bonne réputation, le capitalrelationnel social, le capital relationnel client, la maîtrise et les capacités de contrôle du réseau desfournisseurs, le ‘capital éthique’ de l’entreprise et, bien sûr, son image économique et le degré derisque réel assumé en la matière, tout cela forme un autre ensemble d’actifs immatériels aujourd’huidéterminants, qui contribuent largement à la valeur de la marque ».

2. Les acteurs et pratiques de notation sociale

L’investissement responsable vise à intégrer des critères de développement durable dans les choixopérés, le développement durable étant ici une mise en œuvre d’un mode d’organisation économiquecapable de satisfaire les besoins de la génération actuelle, sans pour autant compromettre la capacitédes générations futures à satisfaire les leurs. Il vise en fait à instaurer une double solidarité :« horizontale », à l’égard des plus démunis du moment ; « verticale » en faveur des êtres humains ànaître (J. P. Maréchal, 2001).

A ce titre, le caractère de développement durable d’une entreprise peut être abordé sous plusieursangles (note méthodologique d’Arese) :

- une approche par les activités (l’entreprise ne peut être durable si elle est impliquée dans desactivités non durables telles que l’armement ou le tabac) ;

- une approche par les pratiques (l’entreprise durable lutte contre des pratiques non durablesidentifiées par la société environnante, telles que la corruption ou la violation des droits del’homme) ;

- une approche par l’internalisation des contraintes (l’entreprise durable se met en conformité avecdes contraintes locales, nationales ou internationales, telles que la réglementation du travail, lesnormes de pollution, l’interdiction d’OGM) ;

- une approche par le management responsable (l’entreprise est managée de telle sorte qu’elledémontre sa capacité à intégrer dans son développement de long terme les demandes desstakeholders, à « créer de la valeur » pour l’ensemble des parties prenantes) ;

- une approche par la performance économique de long terme (l’entreprise démontre sa rentabilitééconomique et financière de long terme par une attention soutenue aux facteurs économiques decompétitivité structurelle et par la prévention des risques sociaux et environnementaux).

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L’investissement « socialement responsable » implique de mener en complément de l’analyse desperspectives de rentabilité, une analyse des politiques et des pratiques des entreprises et de leurimpact. Le traditionnel diagnostic financier, fondé sur l’analyse de faits et de données passés, présentset anticipés avec pour objectif d’apprécier les forces et faiblesses économiques et financières del’entreprise pour se prononcer sur l’opportunité de participer à son financement (comme actionnaireou comme banquier) se voit ainsi complété par la prise en compte de données sociales etenvironnementales. De ce fait, la question de l’information sociale externe rencontre aujourd’hui unvif intérêt (d’Arcimoles, 1995) : les directions d’entreprises sont conscientes de la nécessité de celle-cipour dialoguer avec les marchés et transmettent progressivement un plus grand nombre d’informationsà leurs « stakeholders » ; de nombreux cabinets spécialisés développent leur activité sur ce« créneau » ; les agences de notation sociale jouent un rôle croissant dans cette démarche decommunication : elles s’efforcent par exemple de noter les entreprises à partir de la qualité de leurgestion des ressources humaines.

En effet, jusqu’à présent, seule l’information financière sur les entreprises était rendue disponible dansle cadre de la « corporate gouvernance ». Concernant les informations de nature sociale, les analystesfinanciers estiment dans leur grande majorité d’après une étude menée par C. H. d’Arcimoles (1997)au milieu des années 1990, « qu’elles sont difficiles à obtenir et souvent incomplètes ; que leurs effetssur la rentabilité et le risque sont difficiles à apprécier ; qu’elles sont difficiles à comprendre et àanalyser ». Il manquait donc une information de même nature et de même rigueur que l’informationfinancière, sur les volets sociaux et environnementaux.

Dans ses réflexions et expérimentations, l’information sociale externe s’inscrit dans des efforts devalorisation du capital immatériel. En la matière, plusieurs démarches simultanées sont à l’œuvre : lespratiques reporting ou « audit social » (J. Igalens, 2000) se développent au-delà du strict bilan social ;des normes de « responsabilité sociale » (SA 8000 pour « Social Accountability » sur le respect desconventions de l’OIT) proches des normes de certification qualité ISO ; les agences dites de « notationsociale » offrent aux sociétés de bourse et aux banques des évaluations en la matière et proposent leurspropres indices boursiers.

Le principe du « rating » est d’opérer une comparaison sectorielle des entreprises : il s’agit dediscriminer les entreprises évaluées pour alimenter des processus de choix d’investissement. Le ratingcomporte donc généralement des classes de notation positionnant les entreprises les unes par rapportaux autres. AreSE est la première agence de notation sociale en France (IMUG en Allemagne, EIRISen Angleterre, Ethibel en Belgique) : elle a été créée sous l’égide de la Caisse des Dépôts, en 1997.

Elle propose « une critériologie fondée sur les orientations du développement durable de l’entreprise »et centrée sur 5 axes :

- l’intégration de l’environnement,

- les relations avec les collaborateurs,

- les relations avec les clients et les fournisseurs,

- les relations avec les actionnaires

- les relations avec la société civile.

Arese privilégie une approche managériale de l’évaluation de l’entreprise en terme de développementdurable. Concernant l’axe « ressources humaines », plusieurs thèmes sont abordés : la gestion del’emploi, la gestion des carrières, l’employabilité, la politique de rémunération, les conditions detravail, le climat social, la satisfaction des salariés, la cohésion sociale. Comme le précise son guideméthodologique, « il ne s’agit pas d’apprécier la pertinence de la gestion des ressources humainescompte tenu des objectifs stratégiques de l’entreprise, mais de la valeur globale que peuvent retirer lescollaborateurs d’une telle politique ». Autrement dit, le processus de notation sociale postule unecertaine autonomie de ce champ : la notation porte bien sur la qualité intrinsèque de la politiquesociale. Arese fonde sa notation sur des sources différenciées : documentation de l’entreprise,questionnaires, contacts avec l’entreprise et avec les stakeholders, contacts avec les experts, contactsavec les ONG. Les données récoltées sont donc à la fois d’ordre statistique et qualitatif. Cette nécessité

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de compléter les données quantitatives par des données qualitatives s’explique par le caractèreincomplet et hétérogène des sources statistiques propres à l’entreprise et par le fait que nombre dedimensions immatérielles ne peuvent être prises en compte par des données numériques. Ce travaild’analyse de données aboutit à des notations intra-sectorielles et relatives exprimées sous la forme de« ++ », « + », « = », « -« , « --« .

Conclusions : limites et risques de la notation sociale

Le processus de notation sociale suppose en premier lieu une bonne qualité d’accès à l’information etrepose en grande partie sur la coopération des entreprises en la matière. Par ailleurs, comme l’asouligné la Commission européenne dans son livre vert : « pour garantir la qualité et l’objectivité deces indices, l’évaluation des performances sociales et environnementales des entreprises devrait sefonder sur l’information soumise non seulement par la direction de l’entreprise, mais aussi toutes sesparties prenantes » (Commission européenne, 2001). Finalement, l’évaluation qui peut être faite despratiques de « rating social » renvoie au manque de transparence qui caractérise les méthodesd’évaluation employées par les agences de rating social : c’est en effet ce qui constitue en partie leurpropre capital immatériel. Néanmoins, plusieurs voix appellent à une clarification de la mesure ducaractère « éthique » ou de « développement durable » des entreprises, par l’établissement de critèreset de normes incontestables (B. Bickart et J. Caby, 2001), en lieu et place d’une évaluation établie àpartir de documents déclaratifs et non normalisés. Il reste en tous cas à construire des indicateursopérationnels ; dans le cas de la France, l’existence du bilan social est considérée par de nombreuxauteurs (J. Caby, 2001 ; J. Igalens, 2000) comme un trésor d’informations à valoriser.

Lien performance / qualité de la politique sociale : dans ces pratiques, les liens entre la GRH et lesperformances à moyen et long terme de l’entreprise ne sont pas pris en considération. A ne pas établirde lien en la matière, le risque pourrait finalement être de cantonner la notation sociale à un exerciced’anticipation sur des risques de crises sociales, tout en passant à côté d’une véritable instrumentationde l’apport en performances de la valorisation du capital immatériel de l’entreprise, et en particulier deson capital humain.

C. H. d’Arcimoles identifie de même un risque de « rançon du succès » des pratiques de rating social :le succès du rating social dépend aujourd’hui de celui des fonds dits éthiques, dont il n’est pas certainqu’ils s’imposent sur les marchés.

Finalement, il apparaît que :

- les pratiques de rating social renouvellent de fait la nature de l’information prise en comptedans les choix d’investissement et dans les pratiques de corporate gouvernance ;

- à ce titre, on peut émettre l’hypothèse que se sentant jugées sur des critères sociaux etenvironnementaux, les entreprises en viennent à intérioriser ces derniers comme critèresd’élaboration de leurs choix politiques ;

- elles nécessitent néanmoins un surcroît de professionnalisation ;

- elles ne semblent finalement pas répondre de façon efficace aux enjeux de valorisation àmoyen et long terme du capital immatériel des entreprises.

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2.5 Les aspects juridiques de la responsabilisation sociale de l’entreprise

Au plan juridique, la notion de responsabilité ne recouvre pas du tout la conception que le senscommun lui donne, c’est-à-dire une définition essentiellement morale. Le droit de la responsabilité,c’est le droit d’une victime à obtenir réparation du dommage que la faute d’autrui, ou une obligation àlaquelle il était tenu lui a causé. Depuis fort longtemps, la Cour de cassation dénie au salarié tout droità être réparé des fautes de gestion commises par l’employeur car ce dernier est seul juge des décisionsqui lui paraissent opportunes de prendre dans l’intérêt de l’entreprise. L’employeur n’estjuridiquement responsable à l’égard du salarié que de ce à quoi il s’est engagé, c’est-à-dire ce qui a étéstipulé dans le contrat de travail ou ce que la loi l’oblige à faire ou à ne pas faire dans le cadre del’exécution de ce contrat.

Dans cette perspective très étroite des choses, ajouter « sociale » à la notion de responsabilité est unehérésie juridique. Pourtant si l’employeur n’est juridiquement pas responsable, et s’il détient toujoursles pleins pouvoirs dans l’entreprise, ces pouvoirs ne sont toutefois pas laissés sans contrôle. Il estremarquable que la période la plus récente (depuis la loi sur les nouvelles régulations économiques etla loi de modernisation sociale) a vu s’accélérer des mécanismes juridiques qui visent à équilibrer lespouvoirs dans l’entreprise. Il s’est agi d’une part de donner à l’assemblée générale des propriétaires del’entreprise un certain nombre d’informations qui lui permette d’exercer en toute connaissance decause son droit de vote sur les résolutions à eux soumises par les dirigeants, et d’autre part d’offrir auxinstitutions représentatives du personnel un droit à être informé, et parfois consulté sur des décisionsprises par ces mêmes dirigeants.

A la vérité, cela n’est en rien nouveau. C’est plutôt le périmètre de la recherche de l’équilibre despouvoirs qui a été considérablement étendu au profit des actionnaires à des questions qui portentdésormais sur les relations de travail, la masse salariale, les conséquences sociales (mais aussienvironnementales) de son activité, et plus généralement sur ce que l’on appelle la gestion dupersonnel. Quant aux institutions représentatives du personnel, c’est le champ desinformations/consultations qui a été élargi à des questions portant sur la gestion de l’entreprise tant auplan patrimonial que social. Au surplus, vis-à-vis de l’État et plus généralement de la collectiviténationale, les dirigeants de l’entreprise doivent prendre en considération les conséquences sociales etfinancières de leurs décisions en faisant des études d’impact ou en prenant concrètement en charge lerééquilibrage d’un bassin d’emploi lorsque ces dirigeants procèdent à des réductions d’effectifs.

La responsabilité sociale, ce n’est donc pas un droit subjectif (avec une faute, un dommage, un lien decausalité entre les deux, puis un créancier et un débiteur d’un droit à réparation). C’est une conceptionbeaucoup plus riche qui oblige les entreprises à plus de mesure dans leur décisions sociales (etenvironnementales) parce que leurs dirigeants doivent des comptes à leurs propriétaires, auxreprésentants des salariés et à la collectivité nationale. La responsabilité sociale, c’est donc l’irruptiondes techniques de la science politique dans la sphère privée de l’entreprise.

1. L’employeur n’est pas responsable de ses fautes de gestion à l’égard des salariés

1.1 L’employeur n’est pas responsable à l’égard du salarié des erreurs de gestion qu’il a commises, carelles ne peuvent être assimilées à une faute ouvrant droit à réparation

Juridiquement, il n’existe pas de responsabilité sociale de l’entreprise. Plus exactement il n’existe pasun droit individuel du salarié à obtenir réparation du chef d’entreprise à raison des fautes commisespar lui dans l’exercice de cette fonction. Le pouvoir de direction du chef d’entreprise recouvre desprérogatives étendues qui, à l’égard des salariés ne sont que des décisions de pur fait : conditions detravail, affectation des salariés aux postes de travail, réorganisation de l’entreprise, fusion, scission,cession, acquisition. Toute décision concernant les éléments patrimoniaux de l’entreprise relève du

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pouvoir du chef d’entreprise qui apprécie souverainement l’intérêt de celle-ci, sans que le salarié nepuisse y faire obstacle et sans qu’il puisse obtenir réparation des conséquences funestes que lui feraitsubir cette décision. Dans une affaire célèbre, dans laquelle l’employeur avait décidé de fermerdéfinitivement l’entreprise, la Cour de cassation avait estimé que « l’employeur qui portait laresponsabilité de l’entreprise était seul juge des circonstances qui le déterminaient à cesser sonexploitation, et aucune disposition légale ne lui faisait l’obligation de maintenir son activité à seule find’assurer à son personnel la stabilité de son emploi, pourvu qu’il observe, à l’égard de ceux qu’ilemployait, les règles édictées par le Code du travail » (Cass. soc. 31 mai 1956, Bull. IV, p. 369,n° 499). Le préjudice éventuellement subi par le salarié n’est pas réparable.

1.2 L’employeur est responsable à l’égard du salarié des fautes commises dans l’exécution du contratde travail.

Par contre l’employeur engage sa responsabilité à raison des fautes commises par lui dans l’exécutiond’actes juridiques qui l’engagent avec les salariés. De telles fautes peuvent être extrêmementnombreuses et correspondent aux obligations mises à la charge de l’employeur par le Code du travail :recrutement, rédaction des contrats de travail, modification de ces contrats, licenciement pour motifpersonnel ou pour motif économique, obligations de faire (reclassements, formation professionnelle),obligation de ne pas faire (discriminations notamment) etc. Observons que ce n’est presque jamais ledroit commun de la responsabilité contractuelle de l’article 1142 du Code civil sur laquelle se fondentles juges, mais sur des sanctions expressément envisagées par le Code du travail : dommages-intérêts,nullités, réintégrations etc.

2- L’employeur est débiteur d’un droit à l’information des institutions représentatives dupersonnel ou de la collectivité des actionnaires

2.1 Le comité d’entreprise est destinataire d’informations comptables et financières dans les sociétéscommerciales

Le comité d’entreprise reçoit, en la forme d’information collective ou de mise à la disposition dechaque membre au siège de l’entreprise, ou de l’envoi à domicile à la demande de ces membres, d’uncertain nombre de documents. Il s’agit, pour l’exercice en cours et les trois derniers exercices, du bilande la société, du tableau des filiales et des participations, du compte de résultat, du rapport de gestiondu conseil d’administration, du rapport des commissaires aux comptes, de l’ordre du jour del’assemblée générale (exercice en cours uniquement), des résolutions soumises à l’assemblée générale,des renseignements sur les candidats au conseil d’administration, de l’inventaire, du montant desrémunération les plus élevées, des résultats financiers des 5 derniers exercices, de la liste desadministrateurs, de la liste des actionnaires, des procès-verbaux d’assemblée générale, de la feuille deprésence de ces assemblées, de l’exposé sur la situation de la société, des observations du conseil desurveillance, et pour les sociétés cotées en bourse, l’inventaire des valeurs mobilières, les engagementshors bilan et le bilan fiscal.

2.2 Le comité d’entreprise est informé et consulté lorsque la composition de l’actionnariat estsusceptible de connaître des évolutions

Le droit à l’information et à la consultation du comité d’entreprise a été renforcé lorsque lacomposition de l’actionnariat est susceptible de connaître des évolutions. En cas de dépôt d'une offrepublique d'achat ou d'offre publique d'échange portant sur l’entreprise, son chef doit immédiatementréunir le comité d'entreprise pour l'en informer (C. trav. art. L. 432-1). Au cours de cette réunion, lecomité décide s'il souhaite entendre l'auteur de l'offre et peut se prononcer sur le caractère amical ouhostile de celle-ci. Son auteur adresse au comité d'entreprise, dans les trois jours suivant sapublication, la note d'information prévue par le code monétaire et financier. Dans les quinze jourssuivant la publication de la note, le comité d'entreprise est réuni pour procéder à son examen et, le cas

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échéant, à l'audition de l'auteur de l'offre. Lors de la réunion, l'auteur de l'offre, qui peut se faireassister des personnes de son choix, prend connaissance des observations éventuellement formuléespar le comité d'entreprise. Le comité peut se faire assister préalablement et lors de la réunion parl’expert comptable de son choix prévu par l'article L. 434-6 du Code du travail. La société ayantdéposé une offre et dont le chef d'entreprise, ou le représentant qu'il désigne parmi les mandatairessociaux ou les salariés de l'entreprise, ne se rend pas à la réunion du comité d'entreprise à laquelle il aété invité ne peut exercer les droits de vote attachés aux titres de la société faisant l'objet de l'offrequ'elle détient ou viendrait à détenir. L’interdiction s'étend aux sociétés qui la contrôlent ou qu'ellecontrôle. Une sanction identique s'applique à l'auteur de l'offre, personne physique, qui ne se rend pasà la réunion du comité d'entreprise à laquelle il a été invité. La sanction est levée le lendemain du jouroù l'auteur de l'offre a été entendu par le comité d'entreprise de la société faisant l'objet de l'offre. Lasanction est également levée si l'auteur de l'offre n'est pas convoqué à une nouvelle réunion du comitéd'entreprise dans les quinze jours qui suivent la réunion à laquelle il avait été préalablement convoqué.

2.3 L’assemblée générale est destinatrice d’informations sur la manière dont la société prend encompte les conséquences sociales et environnementales de son activité

L’article L. 225-102-1 prévoit que le rapport présenté par le conseil d’administration des sociétés àl’assemblée générale comprend également des informations sur la manière dont la société prend encompte les conséquences sociales et environnementales de son activité. S’agissant des conséquencessociales, le rapport doit comporter des informations relatives à l'effectif total, les embauches endistinguant les contrats à durée déterminée et les contrats à durée indéterminée et en analysant lesdifficultés éventuelles de recrutement, les licenciements et leurs motifs, les heures supplémentaires, lamain-d'œuvre extérieure à la société, cas échéant, les informations relatives aux plans de réduction deseffectifs et de sauvegarde de l'emploi, aux efforts de reclassement, aux réembauches et aux mesuresd'accompagnement, organisation du temps de travail, la durée de celui-ci pour les salariés à tempsplein et les salariés à temps partiel, l'absentéisme et ses motifs, les rémunérations et leur évolution, lescharges sociales, l'application des dispositions du titre IV du livre IV du code du travail, l'égalitéprofessionnelle entre les femmes et les hommes, les relations professionnelles et le bilan des accordscollectifs, les conditions d'hygiène et de sécurité, la formation, l'emploi et l'insertion des travailleurshandicapés, les œuvres sociales, l'importance de la sous-traitance. Le rapport expose également lamanière dont la société prend en compte l'impact territorial de ses activités en matière d'emploi et dedéveloppement régional. Il décrit, le cas échéant, les relations entretenues par la société avec lesassociations d'insertion, les établissements d'enseignement, les associations de défense del'environnement, les associations de consommateurs et les populations riveraines. Il indiquel'importance de la sous-traitance et la manière dont la société promeut auprès de ses sous-traitants ets'assure du respect par ses filiales des dispositions des conventions fondamentales de l'Organisationinternationale du travail. Le rapport indique en outre la manière dont les filiales étrangères del'entreprise prennent en compte l'impact de leurs activités sur le développement régional et lespopulations locales (Décret n° 2002-221 du 20 février 2002).

2.4 Le comité d’entreprise dispose d’un droit à recueillir des explications lorsque l’employeur procèdeà des annonces publiques, notamment à l’intention des marchés financiers

L’article L. 431-5-1 du Code du travail prévoit que lorsque le chef d'entreprise procède à une annoncepublique portant exclusivement sur la stratégie économique de l'entreprise et dont les mesures de miseen œuvre ne sont pas de nature à affecter de façon importante les conditions de travail ou d'emploi, lecomité d'entreprise se réunit de plein droit sur sa demande dans les quarante-huit heures suivant laditeannonce. L'employeur est tenu de lui fournir toute explication utile.

Si l’annonce publique dont les mesures de mise en œuvre sont de nature à affecter de façon importanteles conditions de travail ou d'emploi des salariés, l’employeur ne peut la faire qu'après avoir informé lecomité d'entreprise. Si l'annonce publique affecte plusieurs entreprises appartenant à un groupe, lesmembres des comités d'entreprise de chaque entreprise intéressée ainsi que les membres du comité degroupe et, le cas échéant, les membres du comité d'entreprise européen sont informés. L'absence

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d'information du comité d'entreprise, des membres du comité de groupe et, le cas échéant, desmembres du comité d'entreprise européen sont constitutives du délit d’entrave.

3.- La collectivité des salariés et la collectivité nationale sont créancières d’un droit deconsolidation après une décision des dirigeants de l’entreprise

3.1 L’employeur a l’obligation d’élaborer une étude d’impact sur les conséquences sur l’emploi quidécoulent d’une décision de fermeture d’entreprise, et d’informer les sous-traitants en cas decompression d’effectif

L’employeur doit prendre en considération l’impact de ses décisions de gestion qui entraînent desconséquences d’ordre social. La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 est allée très loin dansce sens. L’article L. 239-1 nouveau du Code de commerce dispose que toute cessation totale oupartielle d'activité d'un établissement ou d'une entité économique autonome concernant au moins centsalariés doit être précédée d'une décision des organes de direction et de surveillance prise après lesconsultations du comité d'entreprise prévues par le droit commun du Code du travail. Les organes dedirection et de surveillance de la société statuent sur présentation d'une étude d'impact social etterritorial établie par le chef d'entreprise et portant sur les conséquences directes et indirectes quidécoulent de la fermeture de l'établissement ou de l'entité économique autonome et sur lessuppressions d'emplois qui en résultent. Dans le même sens, l’article L. 239-2 nouveau du Code decommerce dispose que tout projet de développement stratégique devant être soumis aux organes dedirection et de surveillance d'une société et susceptible d'affecter de façon importante les conditionsd'emploi et de travail en son sein doit être accompagné d'une étude d'impact social et territorial établiepar le chef d'entreprise et portant sur les conséquences directes et indirectes dudit projet.

L’article L. 432-1-2 du Code du travail prévoit encore que lorsque le projet de restructuration et decompression des effectifs soumis au comité d'entreprise en vertu de l'article L. 432-1 est de nature àaffecter le volume d'activité ou d'emploi d'une entreprise sous-traitante, l'entreprise donneuse d'ordredoit immédiatement en informer l'entreprise sous-traitante. Le comité d'entreprise de cette dernière, ouà défaut les délégués du personnel, en sont immédiatement informés et reçoivent toute explicationutile sur l'évolution probable de l'activité et de l'emploi.

3.2 Le comité d’entreprise dispose d’un droit à la médiation lorsque subsiste une divergence sur lesalternatives qu’il propose en cas de cessation totale ou partielle d’activité

L’article L. 432-1-3 du Code du travail prévoit qu’en cas de projet de cessation totale ou partielled'activité d'un établissement ou d'une entité économique autonome ayant pour conséquence lasuppression d'au moins cent emplois, s'il subsiste une divergence importante entre le projet présentépar l'employeur et la ou les propositions alternatives présentées par le comité d'entreprise, l'une oul'autre partie peut saisir un médiateur, sur une liste arrêtée par le ministre du travail. Après avoirrecueilli les projets et propositions des parties, le médiateur est chargé de rapprocher leurs points devue et de leur faire une recommandation. Les parties disposent d'un délai de cinq jours pour faireconnaître par écrit au médiateur leur acception ou leur refus de sa recommandation. En casd'acceptation par les deux parties, la recommandation du médiateur est transmise par lui à l'autoritéadministrative compétente et emporte les effets juridiques d'un accord collectif de travail.

3.3 L’employeur est tenu de financer des créations d’emploi lorsque les suppressions d’emploiaffectent l’équilibre économique du bassin d’emploi.

L’article 118 de la loi de modernisation sociale prévoit que lorsqu'une entreprise occupant entrecinquante et mille salariés procède à des licenciements économiques susceptibles par leur ampleurd'affecter l'équilibre économique du bassin d'emploi considéré, le représentant de l'État dans ledépartement peut réunir l'employeur, les représentants des organisations syndicales de l'entreprise

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concernée, les représentants des organismes consulaires ainsi que les élus intéressés. La réunion portesur les moyens que l'entreprise peut mobiliser pour contribuer à la création d'activités, aux actions deformation professionnelle et au développement des emplois dans le bassin d'emploi. Cette contributionest proportionnée au volume d'emplois supprimés par l'entreprise et tient compte des capacités de cettedernière. Les entreprises occupant plus de mille salariés, ainsi que les entreprises visées à l'article L.439-6 du Code du travail, et celles visées à l'article L. 439-1 du même code dès lors qu'elles occupentensemble plus de mille salariés sont tenues de prendre des mesures permettant la création d'activités etle développement des emplois dans le bassin d'emploi affecté par la fermeture partielle ou totale desite. Ces mesures prennent la forme d'actions propres de l'entreprise ou d'actions réalisées pour lecompte de l'entreprise par des organismes, établissements ou sociétés s'engageant à respecter un cahierdes charges défini par arrêté. Une convention signée par l'entreprise et le représentant de l'État dans ledépartement précise le contenu des actions de réactivation du bassin d'emploi prévues par le plan desauvegarde de l'emploi et leurs conditions de mise en œuvre.

Les organisations syndicales de salariés et d'employeurs, les représentants des organismes consulairesainsi que les élus intéressés sont réunis par le représentant de l'État dans le département avant lasignature de la convention. Ils sont également associés au suivi de la mise en œuvre des mesuresprévues par celle-ci. En l'absence de convention signée par l'entreprise et le représentant de l'État dansun délai de six mois courant à compter de la dernière réunion du comité d'entreprise prévue enapplication des articles L. 321-2 et L. 321-3 du code du travail, l'employeur est tenu d'effectuer auTrésor public un versement égal à quatre fois la valeur mensuelle du salaire minimum de croissance.

En cas d'inexécution totale ou partielle de la convention aux échéances prévues par celle-ci,l'employeur est tenu d'effectuer au Trésor public un versement égal à la différence constatée entre lemontant des actions prévues par la convention et les dépenses effectivement réalisées.

L'entreprise tenue de mettre en œuvre ces mesures les finance à hauteur d'un montant maximum fixédans la limite de quatre fois la valeur mensuelle du salaire minimum de croissance par emploisupprimé. Ce montant ne peut être inférieur à deux fois la valeur mensuelle du salaire minimum decroissance par emploi supprimé. Le représentant de l'État fixe le montant applicable à l'entreprise enfonction de ses capacités financières, du nombre d'emplois supprimés et de la situation du bassind'emploi, appréciée au regard de l'activité économique et du chômage.

3.4 Les élus locaux sont informés des procédures de redressement judiciaire ouvertes sur leur territoire

L’article L. 621-8 du Code de commerce dispose que l'administrateur informe par courrierrecommandé avec accusé de réception le maire de la commune et le président de l'établissement publicde coopération intercommunale, s'il existe, du fait qu'une procédure de redressement judiciaire vientd'être ouverte vis-à-vis d'une société ayant son siège sur le territoire de la commune.

3.5 Le maintien de l’emploi est un des objectifs du plan de redressement judiciaire

L’article L. 620-1 du Code de commerce prévoit que la procédure de redressement éventuellementouverte est destinée à la sauvegarde de l’entreprise, le maintien de l’activité et de l’emploi etl’apurement du passif. Par ailleurs, le tribunal doit statuer sur l’ouverture de la procédure après avoirentendu le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel (C. com. art. L. 621-3). Parailleurs, le tribunal doit inviter le comité d’entreprise à désigner au sein de l’entreprise, un représentantdes salariés contrôleur de la procédure, et qui exerce cette fonction avec deux mandataires qui sontl’administrateur et le représentant des créanciers (C. com. art. L. 621-8).

3.6 L’entreprise est-elle tenue de respecter l’autoréglementation qu’elle a élaborée en matière sociale ?

Codes de conduite : ces codes peuvent être élaborés soit par l’employeur de manière unilatérale, soitpar les pouvoirs publics, soit par les partenaires sociaux, soit par des organisations nongouvernementales. Ils contiennent généralement des normes à caractère social. L’entreprise est tenu de

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les respecter, mais le fondement juridique de cette obligation varie selon la source du code :engagement unilatéral, engagement contractuel. Beaucoup de problèmes restent en suspens.

Code d’éthique : l’entreprise s’engage à respecter un certain nombre de valeurs sociales (ne pas fairetravailler les enfants, verser des salaires décents, vérifier que les sous-traitant respectent ces valeurs).Ces engagements n’ont qu’une faible valeur juridique. Tout au plus l’entreprise risque-t-elle de voirles fonds d’investissement dits « éthiques » se désengager.

Commerce équitable : l’entreprise s’engage à ne pas se fournir à des prix dérisoires auprès defournisseurs en position de faiblesse soit parce que le pays où ils sont installés sont à économie« émergente », soit parce que les cours de la matière sont particulièrement bas.

Les codes de conduite, les codes d’éthique et le commerce équitable font l’objet de règles qui sont à lafois élaborées et dont les critères sont contrôlées par des consultants. Leur force juridique pose denombreuses questions qui demeurent sans réponse.

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BIBLIOGRAPHIE

Introduction

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Voir aussi les sites :www.afii.fr, www.datar.gouv.fr/, www.investinfrance.org, www.commerce-exterieur.gouv.fr

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2.2 Indicateurs sociaux et capital social : les limites du cadre économique

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2.3 Performance économique et travail : les conditions de travail en question

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2.4 Investissement socialement responsable et rating social : la prise de conscience des acteurséconomiques

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Sites internet :

domini.com, sirigroup.org, arese-sa.com, socialinvest.org, cdc-marches.fr, audit-social.com