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Code du travail : une réforme décevante et inadaptée aux entreprises Réaction de la CCI Paris Île-de-France au projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs Rapport présenté par Monsieur Pierre Deschamps au nom de la Commission Emploi et Travail et adopté à l’Assemblée générale du 28 avril 2016 Avec la collaboration de Corinne GAULIER et Marc CANAPLE Département de droit social, à la Direction générale adjointe chargée de la vie institutionnelle et des études

Chambre de commerce et d'industrie de région Paris Île-de-France

27, avenue de Friedland F - 75382 Paris Cedex 8

www.cci-paris-idf.fr/etudes

Registre de transparence de l’Union européenne N° 93699614732-82

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SOMMAIRE

SYNTHESE 3

OBSERVATIONS DE LA CCI PARIS ÎLE-DE-FRANCE 8

PARTIE 1 SUR LA MODERNISATION DU DIALOGUE SOCIAL 10

1. Architecture du Code du travail 10 2. Règles de majorité des accords collectifs d’entreprise 11 3. Régime des conventions et accords collectifs de travail 12

PARTIE 2 SUR LE CONTENTIEUX DE LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL 15

1. Licenciement économique 15 2. Indemnités prud’homales 16

PARTIE 3 SUR L’ACCOMPAGNEMENT DES TPE ET DES PME 19

1. Difficultés de négociation 19 2. Forfaits jours 20

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SYNTHESE

Alors que les principaux pays occidentaux tendent à se rapprocher du plein emploi, que les pays d’Europe du Sud connaissent un mouvement important de baisse de leur taux de chômage, la persistance d’un sous-emploi de grande ampleur en France et l’absence de toute perspective d’amélioration à court-moyen terme concourent à faire de notre pays une exception dans le concert des Nations occidentales.

L’insuffisance de la croissance économique en est la principale cause et l’amélioration de la compétitivité de notre appareil de production doit rester une priorité de la politique économique. Néanmoins, nombre de nos partenaires européens obtiennent aujourd’hui de meilleurs résultats en matière de lutte contre le chômage avec des taux de croissance économiques comparables.

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Comme l’ont signalé de nombreux travaux académiques et rapports publics, les dysfonctionnements du marché du travail portent une responsabilité importante dans ce problème majeur pour la société et l’économie française. L’un des symptômes les plus visibles de cette situation reste la persistance de hausses de salaires réels dans un contexte de taux de chômage élevé (10,3 % au 4ème trimestre 2015) et toujours en tendance ascendante. En 2015, les salaires réels dans les entreprises non financières ont ainsi continué d’augmenter plus vite que les gains de productivité (+ 1 % contre + 0.6 %). Cette situation révèle l’existence d’un marché du travail à plusieurs vitesses avec des salariés en place (insiders) profitant d’un niveau élevé de protection, de droits et d’avantages et un nombre croissant de personnes au chômage ou avec des emplois de courte durée (outsiders) subissant les effets d’une précarité croissante. Cette dichotomie du marché du travail français est source d’injustices, d’inefficacités et de pertes de ressources pour notre économie et ses entreprises. Pas loin d’un quart de la force de travail française (5 millions d’individus) supporte ainsi tout le poids des ajustements dans un monde qui nécessite de plus en plus de flexibilité, de souplesse et d’agilité. A la veille des bouleversements majeurs qui vont accompagner la révolution numérique, avec des changements radicaux pour le travail, son contenu, son statut, son organisation, il est urgent d’adapter notre cadre réglementaire et législatif pour apporter à la fois plus de souplesse pour les entreprises et de sécurité pour les actifs. Pour relever ces défis, la France doit mettre son Code du travail au service du développement économique et de la création d’emploi, le faire entrer enfin dans l’économie du 21ème siècle. Il convient alors de remiser l’unité de lieu (l’usine), de temps (la sirène) et d’action (la chaîne) qui fonde classiquement notre droit du travail1 pour appréhender les nouvelles dimensions de notre économie en révolution, son impact sur les formes de travail et les nécessaires adaptations des entreprises qu’elle engendre. Dans ce but, la CCI Paris Île-de-France prône de longue date une réforme en profondeur de notre réglementation sociale, tant au niveau des relations individuelles que collectives pour en faire un vrai outil de compétitivité : refonte du motif économique de licenciement, unification étendue des instances de représentation du personnel, extension du champ et renforcement de la normativité de la négociation collective d’entreprise notamment. Partant, son analyse du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs s’est articulée autour de trois objectifs, primordiaux pour une réforme accomplie du Code du travail : simplicité, proximité et sécurité.

1. Premier objectif : la simplicité La CCI Paris Île-de-France porte cette préoccupation, aux côtés des gouvernements successifs, depuis plus de 20 ans. Associée aux diverses instances et actions de l’État au cours de cette période (Assises de la simplification, Conseil de la simplification pour les entreprises…), nombre de ses propositions ont, au fil du temps, été reprises dans la loi : harmonisation de la notion de « jour », extension du rescrit social, procédure d’activité partielle… De ce point de vue, la dématérialisation du bulletin de salaire envisagée à l’article 24 du projet de loi doit être soutenue, même si on est encore loin d’un bulletin de paie réellement simplifié faute d’une réforme de fond de notre système de protection sociale (uniformisation des assiettes et des taux de cotisations par exemple). A l’opposé, le compte personnel d’activité (CPA) est source de contrainte, de complexité et de coûts accrus, pour les entreprises. En l’état, sa mise en œuvre doit être ajournée.

1 La métaphore est empruntée à J.-E. Ray in « Quand le vent se lève, certains construisent des murs, d’autres des moulins », Liaisons sociales magazine, mars 2016, page 68.

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2. Deuxième objectif : la proximité

La diversité, en termes de taille, de secteurs d’activité, de développement économique, de concurrence de notre tissu entrepreneurial, appelle une nécessaire déconcentration de la production de la règle de droit. Dans ce but, la norme négociée doit être privilégiée : compte tenu du renforcement, ces dernières années, de la légitimité des acteurs syndicaux et de leurs actes, plus de place doit être faite à la négociation collective. Surtout, celle-ci doit se situer au niveau le plus décentralisé, celui de l’entreprise, pour lui donner davantage de souplesse de gestion. Pour sa part, et c’est fondamental, la négociation de branche, doit demeurer essentielle comme instrument de régulation de la concurrence et, certains domaines de négociation doivent lui rester exclusivement attachés : minimas salariaux, classifications professionnelles, garanties collectives en matière de prévoyance et de formation professionnelle. C’est cette voie qu’aurait dû suivre le projet de loi, ce que laissait espérer une première version. Afin de faire converger efficience économique et progrès social, il est fondamental de mettre au centre du jeu l’employeur et les syndicats dans l’entreprise pour accompagner celle-ci dans la compétition économique mondialisée. Dans cet ordre d’idées, la mise en œuvre d’accords de maintien ou de développement de l’emploi ayant une autorité relative sur le contrat de travail rejoint une proposition récurrente de la CCI Paris Île-de-France. Dans une logique collective de démocratie sociale, elle défend la primauté de l’autonomie conventionnelle sur l’autonomie contractuelle. En revanche, l’article 12 du projet, qui prévoit la possibilité de substituer les dispositions d’un accord de groupe à celles d’un accord d’entreprise contredit cette priorité de proximité. Outre que cette mesure donne au groupe une légitimité exagérée en matière de négociation, elle prive, à l’inverse des effets recherchés par la réforme, les niveaux de négociation les plus proches du terrain des possibilités d’adaptation de la règle de droit du travail à leurs particularismes ; à ce titre, elle doit être rejetée. De même, le champ d’appréciation des difficultés économiques doit être circonscrit à la seule entreprise à l’article 30 du projet. En outre, le renforcement du dialogue social ne sera effectif qu’à une double condition :

- d’une part, les partenaires sociaux doivent se saisir de l’opportunité qui leur est offerte de faire évoluer la règle de droit dans l’entreprise. A défaut de cette volonté réformatrice, la refondation envisagée restera lettre morte ;

- d’autre part, le dialogue social doit s’adapter à la diversité des entreprises. L’impact de ces propositions risque, en effet, d’être limité par l’absence de représentation syndicale dans le plus grand nombre d’entre elles. Les causes en sont connues : faiblesse du taux de syndicalisation (7,7 % en 2013 selon l’OCDE) et prévalence des entreprises de petite taille (95 % des entreprises françaises emploient moins de 20 salariés selon l’INSEE). Dans ces dernières, l’absence, le plus souvent, de représentants syndicaux ou d’élus du personnel prive l’employeur d’une voie d’action directe au bénéfice de l’entreprise et des salariés.

Sur ce point, la CCI Paris Île-de-France considère que le seul élargissement du champ thématique du mandatement syndical d’un salarié ne répond nullement aux attentes des TPE et des PME et méconnaît la réalité des négociations dans celles-ci. Elle prône des modalités spécifiques de négociation des conventions et accords collectifs d’entreprise au-delà de la seule négociation avec des représentants élus des salariés ou un salarié mandaté. Quelles sont, en effet, la cohérence et la légitimité d’une négociation, au sein d’une TPE, conduite par un employeur avec 5 de ses 7 salariés qui auraient été chacun mandatés par une organisation syndicale représentative au niveau de la branche ? Dans de tels cas, l’expression directe de chaque salarié n’est-elle pas préférable ?

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Il est, par ailleurs, impératif d’introduire des dispositions qui constituent de réelles simplifications de leur quotidien : la possibilité de conclure des conventions de forfait en jours en l’absence de dispositions conventionnelles ou encore la substitution d’une information à une demande d’autorisation de la DIRECCTE pour faire travailler un apprenti de 16 ans au-delà de 35 heures.

3. Troisième objectif : la sécurité La sécurité juridique est le nécessaire corollaire d’une règle de droit stable, accessible et compréhensible. Elle permet à l’entreprise de développer sa stratégie économique et sociale sans craindre constamment une remise en cause de ses projets sous le coup d’une modification de la loi ou d’un revirement de jurisprudence. Cette exigence de prévisibilité des conséquences de la règle de droit doit, là encore, guider l’évolution de notre Code du travail. Ce critère de sécurisation appliqué au projet amène d’emblée aux premières observations suivantes : Un objectif de sécurisation salutaire

De manière pragmatique, l’article 28 du projet de loi répond à cette attente en prévoyant que les entreprises de moins de 300 salariés ont le droit d’obtenir une information précise et délivrée dans un délai raisonnable lorsqu’elles sollicitent l’administration sur une question relative à l’application d’une disposition du droit du travail ou des accords et conventions collectives qui lui sont applicables2. Le renvoi des principes essentiels du droit du travail3 au simple rang de guides à la refondation du Code du travail va dans le même sens tant la juridicité de cet ensemble de règles disparates d’origines diverses (Constitution, Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et du citoyen, loi, jurisprudence) risquait d’être source d’incertitude. Un objectif de sécurisation non abouti

L’article 30 du projet de loi, redéfinit le licenciement économique, et introduit les motifs dégagés par la Chambre sociale de la Cour de cassation : réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité et cessation d’activité de l’entreprise. Mais la sécurisation de la rupture du contrat de travail n’est qu’apparente. En réalité, l’article inscrit la définition du motif économique dans une logique de seuils qui n’est pertinente ni juridiquement, ni économiquement, sans accroître pour autant l’attractivité de notre droit. Pour la CCI Paris Île-de-France, toute référence à une « durée préfixe » de baisse de commandes, de diminution du chiffre d’affaires ou de pertes d’exploitation doit être supprimée. De même, la réduction du champ d’appréciation des difficultés de l’entreprise appartenant à un groupe doit être circonscrite à cette seule entreprise et non pas, aux entreprises du même secteur d’activité du groupe implantées en France. Il en va de l’attractivité de la France au regard des groupes étrangers qui hésitent à s’installer ou développer leur activité sur notre territoire en raison de la rigueur de notre jurisprudence en ce domaine. Un objectif de sécurisation contrarié

Certes, les modifications du droit de la révision, de la dénonciation ou de la mise en cause des conventions et accords collectifs de travail sont raisonnables : négociation d’un accord de substitution ou d’harmonisation dès lors qu’une opération de fusion est « envisagée », négociation d’un accord de substitution dès le point de départ du préavis en cas de dénonciation ; même si certaines solutions démontrent l’impossibilité pour le législateur d’encadrer une jurisprudence extrêmement diffuse : suppression de la notion d’avantage individuel acquis au profit d’un droit au maintien de la rémunération, par exemple.

2 Le texte rejoint, les propositions de la CCI Paris Île-de-France sur l’extension du rescrit social (Simplifier l’environnement réglementaire des entreprises : une urgence pour la croissance française – Contribution des CCI aux Assises de la simplification, Avril 2011). 3 Principes dégagés par le Comité présidé par Robert Badinter, janvier 2016.

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A l’opposé, les nouvelles règles de validité des conventions et accords collectifs d’entreprise (condition majoritaire et possibilité d’accord minoritaire validé par référendum avec date d’entrée en vigueur différée selon le thème de négociation) contrarient fortement la lisibilité du Code du travail sur un sujet qui ne posait pas, jusqu’alors, problème. Créant, de jure et de facto, quatre modalités différentes de validité des conventions et accords collectifs, selon le niveau de leur conclusion et le thème abordé, le projet de loi contredit l’exigence de simplification du droit alors même que, dans tous les cas visés, l’objectif poursuivi de légitimité de la norme conventionnelle est identique. Il aurait été tout aussi pertinent de prévoir une étape intermédiaire à la stricte condition de majorité, en maintenant les conditions actuelles de validité des conventions et accords collectifs de travail tout en ajoutant l’exigence d’une consultation des salariés en cas d’opposition majoritaire. Enfin, un objectif de sécurisation manqué

Pour la CCI Paris Île-de-France il est indispensable de disposer d’un plafonnement impératif du montant de l’indemnisation prud’homale en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, déjà envisagé lors de l’adoption de la loi croissance, activité et égalité des chances. Un tel dispositif, en rassurant les employeurs de TPE et les PME sur les conséquences judiciaires d’un éventuel contentieux de la rupture du contrat, serait de nature à libérer l’acte d’embauche en CDI et créerait les conditions d’un contexte plus favorable à la création d’emplois. Il était d’ailleurs dans le projet à l’origine.

La CCI Paris Île-de-France ne peut que partager l’ambition originelle d’un projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs. En renvoyant, au premier chef, la production normative à la négociation d’entreprise, tout en rappelant le rôle essentiel de la branche, notamment en termes de salaire minimum ou de classifications professionnelles, un tel texte aurait dû permettre d’apporter un progrès essentiel à la construction d’un ordre public social rénové. Mais ses versions successives et les premières discussions à l’Assemblée nationale l’éloignent chaque jour davantage de son objectif initial. Le projet de loi en vient à afficher des dispositions contradictoires, d’une grande complexité technique, qui oublient les TPE et PME. Or, la refondation de notre droit du travail ne sera effective que si le dialogue social peut s’adapter à la diversité des entreprises. Aussi, la CCI Paris Île-de-France demande le retrait de ce texte désormais dénaturé et appelle à reprendre la concertation sur des bases claires. Pour apporter toutefois des éléments constructifs au débat, la CCI Paris Ile-de-France souhaite mettre l’accent sur les points les plus marquants justifiant sa position de rejet du texte en l’Etat. Toutes ses observations s’inscrivent dans une perspective pragmatique de rationalisation du droit du travail au service de la croissance économique et de l’emploi.

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OBSERVATIONS DE LA CCI PARIS ÎLE-DE-FRANCE

N° 1 Associer, aux côtés des partenaires sociaux, les chambres consulaires aux travaux de la Commission de refondation de la partie législative du Code du travail.

N° 2

Maintenir les actuelles conditions de validité des conventions et accords collectifs de travail en ajoutant l’exigence d’une consultation des salariés en cas d’opposition majoritaire. A tout le moins, envisager que l’employeur puisse initier, seul ou de concert avec une organisation syndicale représentative, la consultation des salariés prévue en cas d’accord minoritaire.

N° 3

Inscrire dans le Code du travail qu’un accord à durée déterminée ne puisse produire d’effets au-delà de son terme, y compris quand celui-ci survient pendant la période de survie de l’accord en cas de dénonciation ou de mise en cause.

N° 4

Inscrire dans le Code du travail le principe que le non-respect des accords de méthode n’entraîne pas la nullité des accords conclus dès lors qu’est respecté le principe de loyauté entre les parties.

N° 5

Écarter la possibilité de prévoir que les dispositions d’un accord de groupe se substituent à celles d’un accord d’entreprise.

N° 6

Ne pas se référer à « une durée préfixe » de baisse de commandes, de diminution du chiffre d’affaires ou de pertes d’exploitation dans la définition des difficultés économiques justifiant un licenciement économique. Prévoir expressément dans le Code du travail, conformément aux principes de la procédure civile, la possibilité pour le juge de fonder sa décision sur les conclusions d’un expert économique indépendant qu’il pourra désigner à tout moment de l’instance.

N° 7

Dans le cas d’une entreprise appartenant à un groupe, circonscrire le périmètre d’appréciation des difficultés économiques à cette seule entreprise.

N° 8

Retenir un plafonnement impératif des indemnités que le juge peut allouer en cas de licenciement sans cause réelle sérieuse. A tout le moins, prévoir qu’en cas de dépassement du référentiel indicatif issu de la loi croissance, activité et égalité des chances économiques, le juge motive spécialement sa décision sur des éléments objectifs.

N° 9

A titre expérimental, pendant une période de deux ans, dans les entreprises dépourvues de représentants syndicaux, autoriser l’employeur à soumettre des projets d’accords à la consultation des salariés

N° 10

A titre expérimental, pendant une période de deux ans, dans les entreprises de moins de 50 salariés, permettre la conclusion de conventions de forfait en jours en l’absence de dispositions conventionnelles de branche ou d’entreprise le prévoyant.

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PARTIE 1

Sur la modernisation du dialogue social

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SUR LA MODERNISATION DU DIALOGUE SOCIAL La vigueur du dialogue social tient une place centrale dans la qualité des relations sociales et du développement économique de l’entreprise. A ce titre, la philosophie du projet de loi qui donne la primauté à la négociation en matière de production du droit ne peut qu’être approuvée. Cette orientation est d’autant plus justifiée que, depuis 2004, le législateur s’est évertué à renforcer la légitimité des acteurs syndicaux et de leurs actes juridiques. Dans cette optique, la CCI Paris Île-de-France appuie l’idée que l’entreprise est le niveau de négociation le plus à même de répondre tant aux attentes des salariés qu’à celles de l’employeur. Cette orientation majeure ne doit pas pour autant faire oublier que la négociation de branche conserve tout son intérêt : d’une part, en l’absence de convention ou d’accord collectif de travail dans l’entreprise, à titre supplétif ; d’autre part, dans une fonction de régulation de la concurrence entre professionnels d’un même secteur d’activité. Aussi, ce niveau de négociation ne doit-il pas être totalement négligé et conserver au contraire, comme c’est le cas aujourd’hui à l’article L. 2253-3, le monopole de la détermination des salaires minima, des classifications, des garanties collectives complémentaires et de mutualisation des fonds de la formation professionnelle. 1. Architecture du Code du travail

• Projet de loi L’article 1er du projet de loi installe une Commission de refondation du Code du travail, composée d’experts et de praticiens des relations sociales, chargée de proposer au Gouvernement la rédaction de la nouvelle partie législative du code du travail. Elle appuiera ses travaux sur les « principes essentiels du droit du travail », issus des réflexions du Comité présidé par Robert Badinter et réécrira, dans les deux ans, chaque subdivision du code selon l’architecture en trois parties préconisée par la commission présidée par Jean-Denis Combrexelle : disposition d’ordre public / champ de la négociation collective / loi supplétive. La Commission associera à ses travaux les organisations d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national.

• Analyse

La CCI Paris Île-de-France approuve l’objectif ambitieux fixé à la Commission de refondation du Code du travail. Le nouveau schéma ordre public / négociation collective / loi supplétive est de nature, dans le respect des droits des salariés, à donner à l’entreprise les marges d’adaptation exigées par la compétition économique. Afin que cette ambition perdure, il convient que la Commission de refondation détermine respectivement, d’une part, le champ des dispositions d’ordre public et, d’autre part, la répartition des compétences entre négociation de branche et d’entreprise. Dans cette démarche, elle doit pouvoir s’appuyer sur l’expertise des partenaires sociaux mais aussi sur celle des chambres consulaires. Acteurs incontournables du développement économique représentant les intérêts de l’ensemble des entreprises industrielles, commerciales et artisanales françaises, les chambres de commerce et les chambres des métiers ont, en effet, une parfaite connaissance du tissu entrepreneurial national. Leur maillage territorial leur permet également d’avoir une appréhension fine des attentes et des besoins concrets des entreprises quels que soient leur taille, leur secteur d’activité et leur bassin d’emploi. Leur accompagnement au quotidien leur permet, enfin, d’identifier les actions prioritaires à engager au profit de la croissance et de l’emploi.

OBSERVATION N° 1 Associer, aux côtés des partenaires sociaux, les chambres consulaires aux travaux de la Commission de refondation de la partie législative du Code du travail.

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2. Règles de majorité des accords collectifs d’entreprise

• Projet de loi L’article 10 modifie les conditions de validité des accords d’entreprise afin d’en renforcer la légitimité. Il la conditionne à la conclusion de l’accord par des organisations syndicales représentatives ayant obtenu plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur des organisations représentatives au premier tour des dernières élections professionnelles. Si cette condition n'est pas satisfaite et que l’accord a été signé à la fois par l’employeur et par des organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des élections mentionnées au premier alinéa, une ou plusieurs de ces organisations ayant recueilli plus de 30 % des suffrages peuvent initier une consultation des salariés visant à valider l’accord. A défaut d’approbation majoritaire des salariés, l’accord est réputé non écrit. Ces dispositions s’appliqueraient : à la date d’entrée en vigueur de la présente loi aux accords collectifs qui portent sur le temps de travail dans une acception large ; et pour les autres accords collectifs, dans un délai d’un an, à compter de la remise du rapport de la Commission de refondation du Code du travail (au plus tard le 1er septembre 2019).

• Analyse Cette règle serait conforme à l’esprit des lois successives depuis 2008 visant à renforcer la légitimité des acteurs syndicaux et de leurs décisions. L’exception prévue en cas d’accord minoritaire permettrait, quant à elle, de débloquer la situation de certaines entreprises ayant fait l’objet, à l’issue de la négociation, d’une opposition à l’entrée en vigueur de l’accord de syndicats représentatifs majoritaires. Pour autant, tous les praticiens de la négociation collective s’accordent à dire que les partenaires sociaux ne sont pas encore prêts à mettre en œuvre une condition de majorité fixée à 50 %, laquelle ne doit constituer qu’un objectif de moyen / long terme. En l’état, retenir sans délai une telle solution complexifiera la conduite de la négociation collective dans l’entreprise et aura pour effet la diminution du nombre d’accords conclus. De surcroît, le dispositif envisagé omet l’objectif de simplification que doit poursuivre en tout état de cause le législateur. S’il était adopté, il conduirait à établir quatre modalités de validité des accords selon leur niveau de conclusion (niveau interprofessionnel et branche / niveau de l’entreprise) et de leur objet (temps de travail ou non). Il conduirait également à la mise en œuvre de nombreux référendums à la charge des entreprises. Aussi, la CCI Paris Île-de-France défend une alternative garantissant les prérogatives constitutionnelles des organisations syndicales et permettant, le cas échéant, de lever les blocages qui pourraient être constatés à l’entrée en vigueur des accords. Il s’agit de préserver le dispositif actuel – accord minoritaire à 30 % et droit d’opposition majoritaire - qui satisfait l’ensemble des acteurs et, le cas échéant, de faire trancher par les salariés le sort de l’opposition valablement formée par des syndicats majoritaires. Les salariés auraient alors la possibilité de lever – ou non – le dissensus entre syndicats et de valider l’accord. A tout le moins, dans cette hypothèse ou dans celle du projet de loi, il conviendrait que l’initiative de la consultation des salariés en cas d’accord minoritaire revienne aussi à l’employeur, seul ou de concert avec une organisation syndicale signataire. Rappelons que le chef d’entreprise est partie à la convention collective dont il a, lui aussi, tout intérêt à l’entrée en vigueur

OBSERVATION N° 2 Maintenir les actuelles conditions de validité des conventions et accords collectifs de travail en ajoutant la possibilité d’une consultation des salariés en cas d’opposition majoritaire. A tout le moins, envisager que l’employeur puisse initier, seul ou de concert avec une organisation syndicale représentative, la consultation des salariés prévue en cas d’accord minoritaire.

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3. Régime des conventions et accords collectifs de travail

• Projet de loi Le projet de loi modifie, d’abord, le régime des conventions et accords collectifs de travail. A ce titre, il prévoit qu’à défaut de stipulation contraire, un texte conventionnel aura une durée de vie limitée à 5 ans. Il tend, par ailleurs, à favoriser le recours à l’accord de méthode pour l’ensemble des niveaux de négociation. Quel que soit ce niveau, le recours à l’accord de méthode reste toutefois une possibilité et non une obligation. En outre, à défaut de stipulation contraire, la méconnaissance des modalités de l’accord de méthode n’entraîne pas la nullité de l’accord, sauf si le principe de loyauté a été méconnu. S’agissant, ensuite, des règles de révision, mise en cause et dénonciation des conventions et accords collectifs de travail, le projet de loi reprend certaines préconisations du rapport Césaro4 :

- la possibilité, pour des organisations syndicales représentatives non signataires d’un accord, d’en demander la révision à l’issue du cycle électoral au cours duquel l’accord a été conclu ;

- la possibilité, en cas de transfert d’entreprise, de négocier des accords de substitution ou d’harmonisation du statut conventionnel dès lors que l’opération de rapprochement des entreprises est « envisagée », en s’appuyant sur les organisations syndicales représentatives de toutes les entités concernées. Une règle similaire est posée en cas de dénonciation d’un accord collectif, un accord de substitution pouvant être conclu dès avant la fin du préavis ;

- la suppression de la notion d’avantage individuel acquis au profit d’un droit au maintien du niveau de la rémunération annuelle calculée sur les douze derniers mois.

Enfin, selon le projet de loi, il est possible de substituer aux dispositions d’une convention collective ou d’un accord d’entreprise celles d’un accord de groupe si celui-ci le prévoit expressément.

• Analyse Nombre de ces dispositifs constituent des solutions techniques qui mettent fin, notamment, à des difficultés juridiques et pratiques liées à l’introduction de la mesure de la représentativité syndicale par la loi démocratie sociale et temps de travail5. Certains points suscitent toutefois des réserves. En premier lieu, la logique conduisant à considérer qu’un accord à durée déterminée cesse totalement de produire ses effets à son terme doit être approuvée. Or, les mécanismes du Code du travail qui prévoient, en cas de dénonciation ou de mise en cause de l’accord, sa survie pendant un an et, le cas échéant, sa contractualisation au titre du maintien de la rémunération vont à l’encontre de cette logique. Pour la CCI Paris Île-de-France, un accord à durée déterminée ne devrait pas produire d’effets au-delà de son terme, y compris quand celui-ci survient pendant la période de survie de l’accord en cas de dénonciation ou de mise en cause.

OBSERVATION N° 3 Inscrire dans le Code du travail qu’un accord à durée déterminée ne puisse produire d’effets au-delà de son terme, y compris quand celui-ci survient pendant la période de survie de l’accord en cas de dénonciation ou de mise en cause.

En deuxième lieu, les dispositions prévoyant la possibilité de sanctionner, par la nullité de l’accord conclu, le non-respect d’un accord de méthode conclu au niveau de la branche ou de l’entreprise, semblent superfétatoires. En

4 Propositions pour le droit du renouvellement et de l'extinction des conventions et accords collectifs de travail, J.-F. Césaro, Paris, janvier 2016. 5 Loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, J.O.R.F. n° 0194 du 21 août 2008 page 13064.

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toutes circonstances, y compris en cas d’accord de méthode, la négociation collective doit se conformer à un principe de loyauté dont le juge garantit le respect, comme le rappelle d’ailleurs le projet de loi lui-même. En outre, ces dispositions comportent le risque d’une annulation de nombreux accords d’entreprise conclus conformément au principe de loyauté mais dans l’ignorance (méconnaissance du texte, difficultés dans la détermination de son champ d’application) des modalités imposées par l’accord de branche. Elles défavorisent particulièrement les TPE/PME dépourvues d’expertise juridique et, le plus souvent, dans l’incapacité de négocier un accord de méthode en leur sein.

OBSERVATION N° 4 Inscrire dans le Code du travail le principe que le non-respect des accords de méthode n’entraîne pas la nullité des accords conclus dès lors qu’est respecté le principe de loyauté entre les parties.

En troisième lieu, l’opportunité ouverte par l’article 12 du projet de loi de substituer, aux dispositions d’une convention collective ou d’un accord d’entreprise, les dispositions d’un accord de groupe si celui-ci le prévoit expressément est discutable. L’hypothèse visée d’articulation de normes conventionnelles dont les champs d’application se recoupent est actuellement réglée en vertu du principe de faveur, sans que cela ne fasse difficulté. La solution préconisée aura, en revanche, pour effet de rigidifier les rapports entre les différents niveaux de négociation que constituent le groupe et l’entreprise, ce sans tenir compte de la représentativité des organisations syndicales respectivement à chaque niveau. Par ailleurs, les possibilités de négociation au niveau du groupe peuvent se trouver limitées lorsque plusieurs conventions ou accord de branche y sont applicables. Dans ce cas, seule la négociation d’entreprise permet d’adapter les conditions de travail, conformément à l’esprit du projet de loi Pour ces raisons, il est préférable de préserver totalement l’autonomie de ces deux niveaux de négociation.

OBSERVATION N° 5 Écarter la possibilité de prévoir que les dispositions d’un accord de groupe se substituent à celles d’un accord d’entreprise.

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PARTIE 2

Sur le contentieux de la rupture du contrat de travail

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SUR LE CONTENTIEUX

DE LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL La rigidité de notre droit en matière de licenciement économique et la prévalence d’un contentieux prud’homal en cas de rupture du contrat de travail constituent deux freins majeurs à l’embauche, particulièrement dans les TPE / PME. Ils dissuadent également les investisseurs étrangers de venir s’installer sur notre territoire, redoutant la longueur, la complexité et le coût d’une éventuelle procédure de restructuration. Des solutions de nature à restaurer la confiance de ces acteurs doivent donc être élaborées. En ce sens, les efforts du projet de loi, dans sa version initiale, pouvaient être salués. 1. Licenciement économique

• Projet de loi L’article 30 du projet de loi introduit dans le Code du travail les motifs économiques de licenciement d’origine jurisprudentielle : réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité et cessation d’activité de l’entreprise. Sous couvert de sécurité juridique, il définit également la notion de difficultés économiques par référence à un nombre minimum de trimestres de baisse du chiffre d’affaires ou des commandes ou un nombre minimum de mois de pertes d’exploitation. Il renvoie à la négociation de branche la détermination de ces durées minimales et fixe, à titre supplétif, des durées de quatre trimestres pour la baisse du chiffre d’affaires ou des commandes et d’un semestre pour les pertes d’exploitation.

• Analyse Ces dispositions sont contradictoires avec l’office dévolu au juge d’apprécier souverainement la situation qui lui est soumise et que rappelle incidemment l’article 30 lui-même en visant également « tout élément de nature à justifier de ces difficultés ». Surtout, ce dispositif paraît inopérant dès lors qu’une même situation de pertes d’exploitation ou de baisse du chiffre d’affaires ou des commandes, définie dans la convention de branche ou dans la loi, aura des conséquences éminemment différentes selon la taille de l’entreprise, son secteur d’activité, son bassin d’emploi et sa situation ou son soutien financier. Paradoxalement, l’employeur sera contraint, dans une logique de « case », d’attendre le nombre de trimestres ou de mois requis avant d’engager une procédure de licenciement économique, au risque d’obérer la situation économique de l’entreprise. C’est pourquoi la CCI Paris Île-de-France estime que la référence à une durée minimale de baisse du chiffre d’affaires ou des commandes ou de pertes d’exploitation doit être supprimée de la définition des difficultés économiques justifiant un licenciement économique. En complément, et dans un souci de sécurisation du contentieux de la cause réelle et sérieuse de licenciement économique, elle propose que le Code du travail prévoit expressément, conformément aux principes de la procédure civile, la possibilité pour le juge d’appuyer sa décision sur les conclusions d’un expert économique indépendant qu’il pourra désigner à tout moment de l’instance. Au-delà, la CCI Paris Île-de-France rappelle qu’elle prône de longue date une objectivisation totale de la cause économique de licenciement réelle et sérieuse, définie comme la suppression ou la transformation de l’emploi ou la modification du contrat pour un motif non inhérent à la personne du salarié.

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OBSERVATION N° 6 Ne pas se référer à une « durée préfixe » de baisse de commandes, de diminution du chiffre d’affaires ou de pertes d’exploitation dans la définition des difficultés économiques justifiant un licenciement économique. Prévoir expressément dans le Code du travail, conformément aux principes de la procédure civile, la possibilité pour le juge de fonder sa décision sur les conclusions d’un expert économique indépendant qu’il pourra désigner à tout moment de l’instance.

• Projet de loi

Par ailleurs, l’article 30 du projet de loi limite le périmètre d’appréciation des difficultés économiques de l’entreprise, lorsque celle-ci appartient à un groupe, aux seules entreprises du secteur d’activité du groupe implantées en France.

• Analyse Le droit français est le seul, depuis une création purement jurisprudentielle (Cour de cassation, Chambre sociale, 5 avril 1995, n° 93-43866), à exiger que l’appréciation des difficultés économiques d’une entreprise se fassent « au regard du secteur d’activité du groupe » auquel cette entreprise appartient, tant au plan national qu’international. Ce faisant, les juges ont mis à la charge du groupe l’obligation financière de supporter une filiale sans possibilité pour autant d’y adapter le niveau de l’emploi pour faire face aux difficultés rencontrées… Cette solution dissuade les investissements étrangers dans notre pays et contribue au déficit de compétitivité de notre droit et de la France. Pour autant, en ne retenant comme nouveau périmètre que les seules entreprises implantées en France – ce qui constitue d’ores et déjà une avancée notable - le projet de loi ne résout que partiellement le problème. Le niveau d’appréciation des difficultés d’une entreprise doit être strictement circonscrit à cette seule entreprise, comme le fait l’ensemble des droits de nos concurrents européens et mondiaux. Ce qui n’interdirait pas, d’ailleurs, la mise en cause du groupe lorsque sa responsabilité dans les difficultés de l’entreprise pourrait être caractérisée (responsabilité délictuelle, co-emploi) et ne priverait donc les salariés d’aucun de leurs droits.

OBSERVATION N° 7 Dans le cas d’une entreprise appartenant à un groupe, circonscrire le périmètre d’appréciation des difficultés économiques à cette seule entreprise.

2. Indemnités prud’homales de licenciement sans cause réelle et sérieuse

• Projet de loi Le projet de loi initialement transmis au Conseil d’État, reprenant une solution préconisée par le projet de loi Macron mais invalidée, dans ses conditions, par le Conseil constitutionnel, posait le principe d’un barème d’indemnités maximales en cas de condamnation de l’employeur pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

- ancienneté du salarié inférieure à 2 ans : 3 mois de salaire maximum ; - ancienneté du salarié comprise entre 2 ans et moins de 5 ans : 6 mois de salaire maximum ; - ancienneté du salarié comprise entre 5 ans et moins de 10 ans : 9 mois de salaire maximum ; - ancienneté du salarié comprise entre 10 ans et moins de 20 ans : 12 mois de salaire maximum ; - à partir de 20 ans d’ancienneté : 15 mois de salaire maximum.

Ce barème obligatoire a été supprimé.

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• Analyse

Tout en tenant compte des exigences du Conseil constitutionnel, cette disposition répondait particulièrement, dans un souci de sécurité juridique, aux attentes des petites entreprises, statistiquement surreprésentées dans le contentieux de la rupture du contrat de travail. Elle serait de nature à libérer l’acte d’embauche dans ces entreprises qui hésitent à recruter par crainte du coût de la rupture du contrat de travail en cas de contentieux. C’est pourquoi la CCI Paris Île-de-France souhaite qu’un plafonnement impératif de l’indemnisation prud’homale en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse soit introduit dans notre droit. A tout le moins, et à défaut, il conviendrait, en cas de dépassement par le juge des indications du référentiel indicatif instauré par la loi croissance, activité et égalité des chances économiques, qu’il justifie pleinement sa décision en s’appuyant sur des éléments objectifs expliquant l’allocation d’une indemnité supérieure.

OBSERVATION N° 8 Retenir un plafonnement impératif des indemnités que le juge peut allouer en cas de licenciement sans cause réelle sérieuse. A titre subsidiaire, prévoir qu’en cas de dépassement du référentiel indicatif issu de la loi croissance, activité et égalité des chances économiques, le juge motive spécialement sa décision sur des éléments objectifs.

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PARTIE 3

Sur l’accompagnement des TPE et des PME

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SUR L’ACCOMPAGNEMENT DES TPE ET DES PME 95 % des entreprises françaises emploient moins de 20 salariés ! Ce chiffre considérable induit la nécessité de prendre en compte, à l’heure de la refondation du droit du travail, les spécificités et les attentes des TPE et PME. Le Code du travail ne doit pas être destiné aux seules grandes entreprises mais pouvoir s’appliquer quel que soit l’effectif de l’entreprise. C’est probablement sur ce point que le projet de loi convainc le moins. Si, dans un chapitre intitulé « faciliter la vie des TPE et PME et favoriser l’embauche », quelques mesures d’appui à destination de ce type d’entreprise peuvent être relevées, tels qu’un droit à une information dans un délai raisonnable ou la mise à disposition dans la branche d’accords-types, on soulignera l’incongruité d’insérer à leurs côtés des dispositions modifiant le droit du licenciement économique qui, au mieux ne leur sont pas spécifiques et, au pire, peuvent leur causer du tort (cf. supra). En outre, on regrettera que des mesures essentielles pour les petites entreprises, le plafonnement impératif de l’indemnisation prud’homale en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse (voir observation ci-dessus) et la conclusion de forfaits en jours en l’absence de dispositions conventionnelles, aient été supprimées de la version définitive du texte Surtout, l’essence même du projet de loi, le renvoi de la détermination de la règle de droit applicable à la négociation collective d’entreprise, peinera à être mise en œuvre dans des structures où, par définition, la représentation syndicale est absente et où les relations collectives de travail reposent le plus souvent sur un dialogue direct entre l’employeur et ses salariés. 1. Difficultés de négociation

• Projet de loi Afin de répondre aux besoins des entreprises dépourvues de représentants syndicaux et, le cas échéant, de représentants du personnel, le projet de loi élargit le champ de la négociation collective avec un salarié mandaté par une organisation syndicale représentative de branche ou, à défaut, au niveau national interprofessionnel. Le droit positif (article L. 2232-24) réserve cette possibilité pour la conclusion d’accords collectifs portant sur des mesures dont la mise en œuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif. Elle serait désormais ouverte à tout type d’accord.

• Analyse Ce dispositif constitue une première avancée, néanmoins insuffisante pour répondre aux besoins de souplesse et de simplicité des TPE et des PME. Celles-ci vont devoir, en pratique, solliciter toutes les organisations syndicales représentatives dans la branche. Chacune désignera un salarié lui donnant mandat expresse sur les termes de la négociation à venir, sans connaître l’entreprise et sa collectivité de travailleurs. Au final, l’employeur se retrouvera à négocier avec ses salariés sur des termes et objectifs qui leur sont étrangers. A supposer que lesdits salariés aient accepté ce mandat… Dans les plus petites structures le nombre de mandat conduira, in fine, à n’exclure de la discussion que les quelques salariés qui n’auraient pas été désignés par une organisation syndicale représentative dans la branche. C’est pourquoi la CCI Paris Île-de-France estime indispensable, au moins à titre expérimental, pour une période de deux ans, de mettre en place, pour les entreprises dépourvues de représentants syndicaux, la possibilité de soumettre des projets d’accord directement à la consultation des salariés. Au terme de l’expérience, le Ministre du travail pourrait dresser un bilan de cette pratique afin d’évaluer la pertinence de sa pérennisation.

OBSERVATION N° 9 A titre expérimental, pendant une période de deux ans, dans les entreprises dépourvues de

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représentants syndicaux, autoriser l’employeur à soumettre des projets d’accords à la consultation des salariés.

2. Forfaits jours

• Projet de loi Le projet de loi initial prévoyait la possibilité de conclure, dans les entreprises de moins de 50 salariés, une convention de forfait en jours avec le salarié en l’absence de dispositions conventionnelles l’autorisant. Cette disposition a été supprimée du projet de loi transmis au Parlement.

• Analyse Ce dispositif, répondait particulièrement aux attentes de petites entreprises de secteurs à forte valeur ajoutée, dites « start-up », et de leurs salariés. Contrairement aux critiques invoquées à son encontre, l’absence d’un accord d’entreprise, d’établissement ou de branche ne privait le salarié d’aucun de ses droits dès lors que les garanties que cet accord doit poser étaient reprises par le projet de loi lui-même dans le cadre des dispositions supplétives du nouvel article L. 3121-63. Au surplus, le forfait en jours n’est réservé qu’aux seuls cadres autonomes et salariés autonomes dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée. En autoriser la conclusion en l’absence de dispositions conventionnelles dans les entreprises ne concernera donc que quelques salariés qui auront toujours la possibilité de refuser de telles mesures au titre de leur contrat de travail. Partant, la CCI Paris Île-de-France propose, de manière alternative, une expérimentation de la mesure limitée à deux ans. A l’issue de cette période, un bilan de la mise en œuvre de cette mesure sera dressé par le Ministre du travail et transmis au Parlement, avant d’en décider, le cas échéant, la pérennisation.

OBSERVATION N° 10 A titre expérimental, pendant une période de deux ans, dans les entreprises de moins de 50 salariés, permettre la conclusion de conventions de forfait en jours en l’absence de dispositions conventionnelles de branche ou d’entreprise le prévoyant.