claude riviere_ histoire de l_anthropologie

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  • Histoire de lanthropologie politiqueCours Rivire

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    Histoire de lAnthropologie politique

    Lanthropologie politique est une discipline trs jeune ; ses dbuts datent desannes quarante avec louvrage dEvans-Pritchard sur les Systmes politiques africains. Lesrecherches en anthropologie politique sont nanmoins bien antrieures (cf. Morgan : La socitarchaque). En fait, la premire anthropologie politique est ne dans le berceau du droit et dela philosophie politique : elle visait comprendre lvolution des socits notammentanciennes.

    La question de la lgitimit religieuse du pouvoir se pose immdiatement ; mais cenest quau XVIIIme sicle que cette question est ouvertement pose avec Voltaire etRousseau ; le sicle des Lumires est celui de la lacisation de la politique et de lide degouvernement. Les philosophes cherchent dans leurs tudes et par leurs rflexions connatre lorigine des civilisations. Mais chaque auteur possde sa propre thorie delvolution, ce qui lui permet dlaborer ses propres squences de passage du sauvage au civilis . Partant de l, il y a une rflexion sur les droits et les devoirs du souverain et descitoyens.

    Le berceau de la philosophie et du droit.De ltat de nature ltat de socit

    Evans-Pritchard et Meyer-Fortes dans Systmes politiques africains (1940)disqualifient lapproche des philosophes ; elle est pour eux de faible valeur car elle nerepose sur aucune recherche scientifique et se rsume une vision purement occidentalede la politique. En fait, il existe peu de recherches sur les socits primitives qui ne soientpas considres comme arrires ; ces recherches ne prennent en compte les socitsquau travers des strotypes occidentaux. Lanthropologie se veut une rupture avec lediscours philosophique et avec la littrature de voyage.

    Lhistoire de lhumanit na labor que deux systmes de gouvernement, deuxsystmes organiss et bien dfinis de la socit. Le premier et le plus ancien a t uneorganisation sociale fonde sur les gentes, les phratries, les tribus ; le second et le plusrcent a t une organisation politique fonde sur le territoire et la proprit (E-E.Evans-Pritchard et Meyer Fortes). Or cette distinction tait formule pour la premirefois par Maine dans Ancient law o il voque la question du droit dans les socitarchaques. Lorganisation sociale moderne est apparue lorsque le cadre territorial sestsubstitu aux liens de parent comme fondement du systme politique. Pour en arriver cette thorie, Maine a tudi et critiqu la thorie du droit naturel qui sest dveloppeau XVII me sicle et qui a influenc les philosophes des Lumires .

    Bien que la conception philosophique doive tre rejete, il est ncessaire deconnatre cette thorie du droit naturel qui est marque par les oeuvres de H. Grotius, R.Filmer, T. Hobbes, S. Pufendorf, J. Locke, Montesquieu, D. Hume, J.-J. Rousseau quitous tudient lmergence de lEtat.

    Le contexte dans lequel seffectue cette tude est important : la fodalit qui secaractrise par les liens personnels dhomme homme est termin ; la socit chercheune nouvelle organisation qui pend en compte la fois un dsir de libert - libert depenser, dagir - et la ncessit dune contrainte inhrente la vie en commun. Tous lesthoriciens de cette priode cherchent tablir une nouvelle notion, celle de lEtat fondsur un corps social. Toute la pense tourne autour de la question de labsolutisme quilsoit politique ou religieux.

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    Aux XVII me - XVIIIme sicle, le passage de ltat de nature ltat civilis estconsidr comme naturel, comme un tat de droit. La question que se posent lesphilosophes est de savoir comment sest organis ce passage.

    Grotius pose le principe de lautonomie du droit naturel par rapport au droit volontaire.Il justifie la guerre comme une limitation de la force.

    Filmer soutient que le pouvoir royal possde un caractre familial : le roi est un pre. Ildveloppe lide de la gense patriarcale de la socit

    Hobbes dfend la ncessit de la toute puissance du souverain et de lEtat conu commeune machine parfaitement organise. Il dfend lide de la socit comme un corpset la ncessit pour celle-ci de parvenir un quilibre seul garant de paix et destabilit. Pour cela, tout le pouvoir doit tre remis entre les mains dun seul. Ainsise trouve institu le souverain qui dispose dun pouvoir absolu, unique, indivisible.Les citoyens demeurent lis par le contrat, lui seul ne lest pas car il na contractavec personne. Sa lgitimit ne tient qu sa toute puissance

    Pufendorf recherche la source du pouvoir non pas en Dieu, mais dans laccord entre leshommes. Cest un pacte volontaire dindividus qui alinent leur libert au profitdun souverain afin de cohabiter selon des rgles.

    Locke rejette toute ide de subordination, et avec elle le lien quelle maintient dans lesrelations entre les hommes et les relations entre les hommes et les craturesinfrieures. Il ny a pas entre eux de diffrence inhrente entre les hommes ; il ny apas de hirarchie : ils sont tous libres et gaux aux yeux de Dieu. La libertnaturelle suppose la fois lindpendance et lgalit ; elle subordonne lautoritpolitique au consentement. Locke dfend lide que les hommes sontoriginellement libres et gaux et que lorigine des gouvernements rside dans unelibre association. Il soppose donc la thorie de la monarchie de droit divin et labsolutisme.

    Montesquieu a labor dans lEsprit des lois une thorie des formes de gouvernement(monarchie, despotisme, rpublique aristocratique, rpublique dmocratique). Sadoctrine repose sur la sparation des pouvoirs (lgislatif, excutif, judiciaire) etsoppose la thorie spculative du droit naturel. Il ny a pas de bon sauvage ,mais des socits diverses o plusieurs lments gouvernent les hommes : le climat,la religion, les moeurs.

    Pour Hume, le pouvoir sest tout dabord fond sur linjustice et la violence ; il estdevenu avec le temps lgal et obligatoire. Lavnement de la notion degouvernement, de lEtat est dcele dans la comptition guerrire qui dcoule de lararet des biens disponibles parmi les groupes humains dj constitus. Lancessit conomique secrte le conflit qui donne naissance une hirarchiemilitaire qui se transforme, la paix venue, en hirarchie civile et systme de gestionpolitique.

    Ncessitconomique Hirarchie civile

    HIrarchiemilitaireConflit

    Systme degestion politique

    LEtat a donc une origine conomique et une mission de prservation desavantages acquis. LEtat nest quune institution contingente, historiquementexige, apprcie en raison des services rendus.

    Rousseau dfend la thorie du contrat social. Il recherche un type dassociation quiassurerait chaque individu sa scurit tout en lui permettant de conserver salibert. Il rejette toute autorit reposant sur les privilges de nature ou sur le droit

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    du plus fort. La seule autorit lgitime nat dun accord rciproque des partiescontractantes, dune convention : Pacte dassociation qui nest suivi daucun pactede sujtion. Le peuple est la source de la souverainet et apparat comme celui quiexerce cette souverainet

    Marc Abls reproche aux philosophes : le droit naturel, la nature qui sont des ides invrifiables ; leur argumentation dont le but est de laciser la socit : le pouvoir ne vient pas de

    Dieu ; lethnocentrisme : la rfrence est celle des institutions de lpoque ou de lAntiquit

    grco-romaine.Les philosophes ntudient, ni prennent pas en compte les systmes juridiques

    archaques. Lide des lois naturelles est une abstraction labore partir des loisexistantes Le contrat repose sur une contre-vrit car rien ne prouve que les hommesaient voulu ce contrat. Il ny a pas de contrat initial pour lensemble de la socit. Cecontrat a t labor au fur et mesure de lvolution de la socit. On nexplique pas lepass par le prsent, mais le prsent par le pass, ce qui est plus conforme lordonnancement des choses.

    Du droit du sang au droit du sol.Le droit archaque est bas sur le systme familial, cest--dire sur les liens du sang.

    Mais partir o la socit comprend plusieurs familles, cest--dire des originesdiffrentes, le sang ne constitue plus le lien qui unit la socit : on passe alors unsystme diffrent et cest le sol qui prime. Cette primaut du sol ncessite un contratentre tous les membres qui loccupent et qui vivent ensemble. Le droit du sang prcdedonc le droit du sol. Il en rsulte que la parent soppose au territoire, la famille lindividu, le statut au contrat.

    Les premiers anthropologues ont tudi les modifications de la socit et sonpassage du droit du sang au droit du sol. Ces anthropologues ont nom : Morgan, Engels,Maine, Tnnies, Durkheim et Schumpetter,

    Lewis Morgan (la Socit archaque) est un volutionniste qui considre que la socitpasse par trois stades :

    Barbarie CivillisationSauvagerie

    Il sappuie sur les inventions pour montrer les diverses squences de lhistoire ; ledveloppement de lintelligence va de pair avec un sursaut technique.Le passage de la socit traditionnelle la socit moderne seffectue en deuxtapes. Son postulat a pour origine les grecques et romaines ; la socit seconstitue autour dune gens unie par les liens du sang.Il tudie le systme politique en fonction des systmes de parent. Le systmegentilice se transforme progressivement en tribus et confdrations (typeiroquois) ; il y aurait dabord un conseil du pouvoir lu par les anciens, puis plustard, un conseil des chefs et un commandement militaire distinct (Quelle estlorigine de ce commandement militaire ?), pour enfin se terminer par un conseildes chefs, un commandement militaire et une assemble du peuple. Lowie critiqueMorgan car il na vu lensemble des Indiens qu travers la socit iroquoise. Or

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    Clastres a montr dans la socit contre lEtat que ce nest pas le cheminementnormal : toutes les socits ne se terminent pas par une phase dmocratique .Morgan a dautre part oubli de parler des associations volontaires qui dominent lavie sociale des Indiens, socit o lautorit militaire est exclue en tant quegestionnaire de lEtat. Il affirme que la monarchie est incompatible avec le systmeclanique, or lAfrique possde de nombreuses royaut base de clans (Moundang,Shilluk, etc.).

    Engels na effectu aucune tude de terrain. Il crit en 1895 : Origine de la famille de laproprit et de lEtat o il dveloppe lide dun communisme primitif. La socitserait le gage dune communaut sans classe et sans Etat. Il sappuie surlconomie pour tablir un dcoupage.

    Esclavagiste Capitaliste SocialisteFodal

    Engels insiste sur les rapports de production qui sont des rapports sociaux. Or il neconnat quune partie de lhistoire et sappuie sur le systme esclavagiste. Laquestion est de savoir si toutes les socits sont passes par un stade esclavagiste,fodal. Or la majorit des socits ne sont plus esclavagistes et ne connaissent pasle capitalisme. Les rapports de production sont bass sur la transformation desprisonniers de guerre en esclaves. Le systme tel quil est vu est dualiste :opposition dominant/domin (socit fodale ou esclavagiste) puis riches/pauvres(capitalisme).

    Maine dmontre que lunit de la socit archaque repose sur la famille et le lignagealors que la socit moderne donne la primaut lindividu. Lagrgation destribus donne le schma suivant :

    famille Etattribuslignage

    Tnnies (Communaut et socit 1887) oppose la communaut fonde sur des liensorganiques, affectifs et spirituels (de type fodal), la socit urbaine et industriellebase sur des contrats rationnels (des lois crites).

    Durkheim dans la Division du travail(1893), tente dtablir une loi volutive : celle dupassage de la solidarit mcanique la solidarit organique. La solidaritmcanique caractrise les socits archaques : les individus sont semblables les unsaux autres ; ils partagent les mmes sentiments, obissent aux mmes croyances,aux mmes valeurs. Cest la similitude qui cre la solidarit.La solidarit organique, caractristique de nos socits, rsulte au contraire de ladiffrenciation des individus. Les individus sont lis les uns aux autres parce quilsexercent des rles et des fonctions complmentaires lintrieur du systme social.Ces deux types de solidarit constituent les deux ples entre lesquels volue lasocit. Pour que les individus prouvent le besoin de se rpartir des tches ;, ilfaut quil existe une conscience de lindividualit qui ne peut rsulter que de ladivision du travail.

    J. Schumpeter (capitalisme, socialisme et dmocratie 1942) voit dans lanalyse desinterdpendances conomiques le principe de lentrepreneur capitaliste. Il note quele passage du matriarcat au patriarcat, dj t argument par Bachofen (le droitmaternel), marque lalination de la femme. Vient ensuite le dveloppement de laproprit individuelle, conduisant une alination de la libert. En dfinitive, letravail devient une marchandise.

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    Lapport concret de ces thories est rduit, car il ne sagit que de rcupration dedonnes fragmentaires, tronques, servant souvent tayer une thorie globalisante, dece fait errone.

    Socit sans Etat et socit tatiqueSi lon doit on laisser au seul politiste ltude de lEtat, que faire alors des socits

    dites sans Etat . Certains anthropologues se sont penchs sur ce problme.

    De lorigine de lEtat ;Y a-t-il une origine de lEtat ? Do vient-il ? Les thories volutionnistes sont

    rejetes au dbut du XXme sicle. Les anthropologues veulent dsormais tudier lesEtats sans vouloir thoriser et gnraliser .

    Les Allemands, sous la conduite de F. Boas et de ses disciples, sintressent aupolitique ; ils sinscrivent dans le courant culturaliste (culture des personnalits ;comment la mre influe sur la psychologie de lenfant).

    Cette rflexion sur le politique se dveloppe ensuite en Grande Bretagne en raisonde lindirect rule. Les Anglais possdent des colonies en les administrent avec laide deschefferies locales. Lowie crit Trait de sociologie primitive o deux chapitres sontconsacrs au gouvernement et la justice ; en 1927, il publie lorigine de lEtat o ilmontre quil nexiste pas de coupure entre socits sans Etats et socits avec Etat. Ildmontre que le politique existe aussi en dehors de lEtat. Dans son tude sur les IndiensShoshone (Amrique du Nord) il rfute le dogmatisme volutionniste. Le lien territorialne caractrise pas le systme tatique ; dautre part, ce nest pas parce quil y a un chefquil y a forcment Etat. Il tudie et compare les situations chez les Indiens, auxPhilippines. Lembryon du politique serait rechercher dans le systme dassociation ; ilpeut tre le fruit dune classe dge, dun lignage, de socits secrtes (Guerz deGuine, Porho du Liberia ou Komo du royaume de Sgou - voir sminaire dA. Adler lEPHE). Lapparition de lEtat ne relve pas dune cause unique mais souvent de causesexternes.

    Pour les Europens, il ny a de politique que dans les endroits o lEtat estprsent ; or cette vision est errone. Au XIXme sicle des tudes ont montr que dessocits disposent dlments rgulateurs. Or sil y a un contrle qui sexerce au sein dela socit, ce qui signifie que la politique est prsente. Et si politique il y a, on se trouvedevant des formes tatiques.

    Pour Spencer, la conqute guerrire joue un rle capital dans le domaine de laformation de lEtat. Les Africanistes, dans leur ensemble, soutiennent cette vision :Nadel avec les Nupe du Nigeria, Oberg avec les Ankol de lOuganda, Izard avec lesMossi du Burkina-Faso, Terray pour les Abron de Cte dIvoire, etc. Les agressionsextrieures ont soud les Etats (Ghana, Mand, etc.)

    Lowie, dans lorigine de lEtat estime que rien ne peut tre dit sur cette origine delEtat ; il est trop prudent mais distingue des facteurs externes et internes ncessairespour lexercice de la souverainet. Il sinscrit dans la longue histoire.

    la dynamique externe. LEtat proviendrait essentiellement des conqutes guerrires(cest la thorie africaniste). Les grands empires ont t crs par la guerre (empiremandingue de Soundjata, dOusman dan Fodio au Sokoto, etc.). Si les conqurantsont russi ces empires la question qui se pose est de savoir sur quelles bases cesempires se sont fonds. Quel est le substrat qui a permis la formation de ces Etats.Certes le royaume Inca a t cr trs rapidement partir de conqutes, mais ces

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    conqutes se sont appuyes sur des Etats antrieurs (Chimou, Quetchuas, Nazca,etc.) ; il en est de mme pour lempire du Mali qui prend la relve dautres royaumeset empires dont celui des Sosso de Soumahoro Kant.

    la dynamique interne. F. Engels attribue la formation de lEtat aux contradictions ; ilestime que lEtat sest constitu pour favoriser certains citoyens par rapport dautres. La division du travail est lorigine de la formation de lEtat. Lesprofiteurs crent lEtat. Ses exemples sont pris essentiellement dans la socitromaine o les patriciens ont crs les formes de lEtat pour conserver lordre quilsont instaur. L. White reprend les mmes ides : les forts dominent les faibles ; lEtat est uninstrument pour institutionnaliser la domination. Wittfogel dans son tude sur le despotisme oriental estime que le besoin dedomination intresse la totalit de la socit car elle permet nanmoins aux pauvresde subvenir leurs besoins car les puissants ont besoin du soutien des pauvres.Pour Cocquery-Vidrovitch, lEtat proviendrait de lorganisation du commerce

    longue distance. Un pouvoir ne se cre pas sans ressources : les empires africains duSahel se caractrisent par le commerce du sel et de la kola. LEtat garantit la scurit etlessor du commerce. Or des socits sans Etats ont pratiqu le commerce longuedistance tels que les empires dyolof. Ces Etats nont pas tax le commerce. Ce quicaractrise ces formations politiques cest quelles se sont cres sans dterminisme au grde circonstances, en fonction de facteurs cologiques, conomiques, commerciaux,sociaux ou technologiques

    Lapport majeur du fonctionnalisme britannique.Pour Malinowski, change et rciprocit sont au centre du systme politique.

    Dans Les Argonautes du Pacifique occidental, Malinowski explique que lors lesexpditions maritimes qui se caractrisent par le systme dchange de la kula, ce sontdes biens de prestige qui circulent entre des partenaires attitrs, cest--dire despartenaires de mme niveau. La politique joue son rle dans les relations entre lesgroupes. Malinowski montre que les acteurs des changes obissent un systme deprescription (rgle de droit, de coutume, etc.). La lgislation est coutumire, ellecomprend des droits, des devoirs, bien quil ny ait pas dEtat. La question qui se poseest de savoir comment peuvent exister des lois dans une socit sans Etat. Dans lastructure matrilinaire qui concerne les Trobriandais, une place particulire est donne auchef, prtre et porte-parole des anciens dont il est lun des membres. Le grand chefdcide des expditions dchange de la kula. Il est prsent lors des actes de magie quiseffectuent sur les bateaux avant de partir. Dans ce systme, tous les changesfonctionnent quivalence de niveau. Les prsents se font niveau par niveau, entrepersonnes de rang gal. Lors de la redistribution par le chef, cela signifie quil a bnficide prestations fournies par des personnes de rang infrieur. Malinowski ne sest pas posla question de lEtat. Quest ce que lEtat dans les socits primitives.

    Les Anglais qui sont confronts dans leurs colonies lindirect rule(gouvernement travers les organisations tatiques existantes) doivent apprendre connatre les socits politiques primitives avec lesquelles ils ont des relations. Ilsrecherchent donc les habitudes et les coutumes locales en matire de politique.LAnthropologie politique devient une discipline autonome. Louvrage majeur estSystmes politiques africains (1940) dEvans-Pritchard et de Meyer Fortes. Ilsbauchent une typologie partir de huit socits (Nigeria, Ghana, Soudan, Rhodsie,Afrique du Sud) et sefforcent de diffrencier les socits avec des socits sans Etat.

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    les socits avec Etat sont des socits disposant dun appareil administratif quicontrle et rgule lemploi de la force physique ;

    les socits sans Etats ont une politique fonde sur des lignages dominants, desclasses dges, des socits secrtes. Les groupes ne sunifient quen cas de conflit(cf. Nuer : deux groupes a et b font partie du clan A. Si a possde un problme avecc du clan C, a et b se runissent pour lutter contre c. Ceci nempche pas a et b delutter entre eux pour des questions de pturages. Larbitrage de lhomme a peaude lopard est alors requis). Chez les Tallensi, le systme politique sorganise enfonction du systme lignager.

    La politique en acte et son fonctionnement.La perspective dynamiste

    Elle traite des problmes de comptitions, de stratgies, de manipulations et deconflits sociaux connotations politiques (cf. Cl Rivire : Analyse dynamique ensociologie politique). Lanthropologue tudie la manire dont la politique fonctionnelocalement ; il travaille sur le modle rel, celui qui existe et non sur un modle thoriquecomme le fait le politologue.

    Gluckman tudie les rites de rbellion qui permettent le retour du pouvoir (Rituelet rbellion dans lAfrique tribale).

    Leach sintresse aux manipulations des rgles pour favoriser ceux qui en sontdtenteurs (Les rgles du jeu politique). Son ide est que tout est rgi par des rapportsde force ; les quilibres sont fictifs et prcaires. Son disciple Bailey tudie cette questiondans le contexte de lInde.

    Turner (Les tambours daffliction - le phnomne rituel) tudie les rituelspolitiques, ceux des jumeaux, de la naissance, de la mort, des mariages, de lintronisationdes rois... Ces rituels sont importants car ils mettent souvent jours les conflits sociaux.La position de G. Balandier.

    Balandier sintresse la dynamique du dedans et du dehors. Ces deux formes dedynamiques se compltent. Il effectue lanalyse sociologique des socits africaines lafin de la priode coloniale dans Sociologie actuelle de lAfrique noire. Il saisit lesajustements et les turbulences lies la dcolonisation, labore une thorie de ladcolonisation. Il tudie le dveloppement urbain dans Sociologie des Brazzavillesnoires, montre comment le pouvoir et le travail sont lis, comment ils se structurent lunpar rapport lautre. Les problmes de la modernit et du dveloppement sont abordsdans Anthropologie politique o il tudie le fonctionnement du politique et ses rapportsavec la famille, la religion... Il dmonte les mcanismes de connivence entre le pouvoir etle sacr en mettant laccent sur le processus qui a permis le changement, alors que lespolitistes sattachent exclusivement lEtat bien que de nombreuses socits soient sansEtat.

    Si le politique fabrique de lordre, cest pour sopposer la menace de dsordre.O rside le conflit ? A quel niveau, de quels pouvoirs une socit dispose-t-elle pourrompre avec la tradition ? Comment sexprime le pouvoir cest--dire comment passer dela dpendance lindpendance ? Balandier sefforce de dmontrer que tout pouvoir estsujet contestation (cette dernire approche constituera lobjet du thme principal deson cours pour lanne universitaire 1967/1968).

    Il tudie la reprsentation du pouvoir dans Le pouvoir sur scne. Quel est le rledu bouffon qui permet aux souverains, aux dirigeants de comprendre la limitation de leurpouvoir? Reprsentent-ils le bon sens du peuple ?

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    Paul Mercier (Traditions, changements, histoire chez les Somba) montrelimportance des guerriers dans la civilisation de lAttacora (Bnin).

    Les disciples de Balandier sont nombreux : Meillassoux qui tudie le mcanismede lesclavage et la manire dont le pouvoir est acquis par lintermdiaire de lconomie(Femmes, greniers et capitaux - Anthropologie de lesclavage). J. Copans sintresseaux confrries musulmanes sngalaises ; J.-F. Bayart aux reprsentations de lEtat dansla vie quotidienne (LEtat en Afrique et la politique du ventre) ; A. Adler sur lessocits royales chez les Moundang (La mort est le masque du roi), etc.Action et jeu politique.

    Lanthropologie amricaine est oriente vers les processus de prise de dcision ;elle subit linfluence des thories systmiques et tudie les rgles du jeu, la manipulationdu pouvoir et linteraction des individus par rapport aux objectifs viss et aux ressourcesdisponibles (Anthropologie politique de Schwartz et Turner - 1966).

    Lewellen (1992) tudie les politiques de dveloppement dans le Tiers monde et lesrsistances populaires au pouvoir, cest--dire la manire dont le peuple soppose aupouvoir, notamment en Malaisie, en Micronsie et au Nicaragua.

    Gellner renouvelle ltude du concept de nation une priode o tout le mondeest tent par les thories globalisantes de la socit. Il se pose la question du rle desmicronationalismes. Son ouvrage (Nation et nationalisme - 1983) procde unerenouveau dans lapproche de la problmatique..La socit contre lEtat.

    Clastres tudie partir des socits amrindiennes les groupes qui contrlent lepouvoir. Dans toutes les socits, il y a du politique ; cet exercice du politique nest pasautomatiquement li lexercice de la violence lgitime et la coercition. Il soppose enfait Max Weber par son tude des socits dites galitaires. Ces socits se refusent produire des surplus pour viter que ceux-ci ne soient accapars par certains groupes etque ces groupes ne soient tents de constituer des Etats ou des chefferies. Ces socitssans Etat vivent sous forme de bandes o les devoirs sont plus importants que les droits.Le chef est dsign transitoirement ; il doit acqurir la richesse pour la redistribuer auxautres. Son seul avantage est celui de partager les femmes des autres membres de labande. Le chef est un conciliateur, un modrateur.

    La stratgie de la socit sans Etat est dviter que ne se dveloppe une sphre depouvoir trop importante de manire que la comptence politique ne se transforme encomptition politique.Une anthropologie de lEtat moderne.

    Marc Abels analyse la politique locale dans Anthropologie de lEtat ; il tudie lesdiffrentes formes de la liturgie tatique moderne ; il sefforce travers cette ouverturesur le monde contemporain de percevoir les mutations sociales et les crises de lgitimit.

    Il explore la modernit sans se figer dans le traditionnel ; les systmes detransmissions de pouvoir, le quotidien de laction politique (formelle et informelle) sontles champs dtude privilgis. Lintrt que ressent lethnologue pour le local serpercute par une vision sur le national.

    Il recherche aussi saisir le dbat public et les manires dont saffrontent lesprofessionnels de la politique et des partis lors des campagnes lectorales, ; comment estvcue ladministration au sein des collectivits locales et laction des mdias sur la viepolitique. On se situe la limite de lanthropologie et de la sociologie politique.

    Kertzer tudie les rituels et la symbolique politique travers les rites des Brigadesrouges

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  • Histoire de lanthropologie politiqueAnnexe 2 : Le contrat social

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    Le contrat social.

    Les doctrines du contrat social se proposent toutes de trouver dans lindividu lefondement de la socit, de lEtat ou de lautorit politique. Elles sopposent aux doctrines quivoient dans la socit ou dans lEtat une ralit une et dfinie dans ses parties (doctrinejuridique allemande de lEtat, pense sociologique). Le postulat fondamental des doctrines decontrat est lide que la socit nest pas un phnomne naturel, mais une cration artificielle,volontaire. Il faut donc supposer que la socit a t cre par une dcision des hommes qui lacomposent et que les rgles qui la rgissent peuvent tre expliques de cette dcisionconstitutive.

    Si le pouvoir est considr comme artificiel, il nexiste donc pas entre les hommes,antrieurement la dcision constitutive de la socit, de relations dautorit, mais seulementdgalit ; ds lors, les individus ne peuvent tre lis quen vertu de leur consentement. Larfrence au contrat social permet de dvier le problme juridique du fondement de lautoritde politique vers un problme historique et philosophique, celui de lorigine de la socit et delEtat.

    Lide et sa signification.Ltat de nature.

    La thorie du contrat a fait partie des ides reues aux XVII me et XVIIIme sicles.Si des individus prouvent le besoin de se runir en socit, cest que la nature les rend inaptes une vie indpendante et les pousse se rassembler.

    La possibilit de cette critique explique la longueur et la varit desdveloppements consacrs par tous les thoriciens du contrat la description de ltat denature, la difficult consistant pour eux dmontrer la fois que la renonciation par leshommes leur indpendance naturelle ne pouvait tre que libre et volontaire et que, pourtant,lhomme attendait du passage ltat social certains avantages qui lont dtermin conclurele pacte fondamental.

    La ralit historiqueDans lhistoire, il ny a pas de trace de ltablissement dune socit par contrat.

    Pour Hobbes et Rousseau, il sagit seulement dune hypothse ncessaire lexplication de lasocit de leur poque.

    Les types de contratLes contrats sont de deux types :

    le pacte dassociation ou contrat social proprement dit est destin expliquerlorigine de la socit ou de lEtat. Les individus dcident dabandonner ltat denature et de se constituer en corps social. Ils renoncent au profit de la collectivit quidevient souveraine, tout ou partie de leurs droits naturels et obtiennent en changedes droits civils.

    le pacte de soumission ou contrat de gouvernement permet dexpliquer la forme degouvernement. Il est conclu entre le peuple et un chef qui acquiert la souverainet etsengage en contrepartie lexercer en vue de certaines fins tout en sauvegardant lesdroits des peuples et des individus.

    La fonction idologique.Il sagit dopposer labsolutisme monarchique laffirmation des droits du peuple ;

    pour dautres de fonder la monarchie absolue sur le droit naturel ; dtablir que seule ladmocratie est conforme la nature.

  • Histoire de lanthropologie politiqueAnnexe 2 : Le contrat social

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    Pour tous les penseurs, il fallait parvenir prsenter des revendications politiquescomme le produit dun raisonnement dductif.

    De lantiquit au monarchomaquesLa philosophie grecque est marque par lopposition entre la nature physique qui

    est immuable et les moeurs des hommes qui sont changeantes. Lhomme, affirme Aristote, estpar nature un animal politique ; peu importe ds lors que la socit soit ne dun groupementdindividus, car ce groupement et la vie en socit qui en rsulte nont rien darbitraire ni deconventionnel, mais sont conformes la nature.

    La thorie du contrat de gouvernement date du Moyen Age : cest un contrat quilie le roi et ses sujets. Les thologiens trouvent de nombreux exemples de contrats, entre Dieuet le peuple juif, entre rois et sujets, dans lAncien Testament.

    Au cours des luttes religieuses de la Renaissance, la notion de contrat permit defonder le droit de rsistance en raison du double contrat, le premier entre Dieu et le peuple, lesecond, subordonn au premier, entre le roi et le peuple. Si le roi perscute la vraie religion, ilviole le contrat conclu entre Dieu et le peuple et celui-ci peut user de son droit de rsistance.

    La thorie de contrat de gouvernement permettait ltablissement dune monarchie la fois autoritaire et limite.

    Lapoge.Au XVII me sicle, plusieurs thoriciens (Suarez, Hocker, Grotius) admettent

    lexistence dun double contrat, dont lun est destin fonder la socit et lautre legouvernement. Par le premier, les hommes abandonnent lindpendance dont ils jouissaientdans ltat de nature au profit de la collectivit. Ils reoivent, en change, protection etgarantie de leurs droits individuels. Par le second, le peuple transfre la souverainet un ouplusieurs magistrats qui doivent lexercer dans certaines conditions.

    HobbesLe systme de Hobbes repose sur un double postulat :

    les hommes sont gostes et ne recherchent que leur satisfaction individulle ; ils sont gaux car le plus faible peut menace la scurit du plus fort.

    Ce qui caractrise donc lide de nature, cest la mfiancemutuelle et la guerre detous contre tous. La loi de la nature obit un certain nombre de rgles qui interdisent lhomme de faire tout ce qui peut mener sa propre destruction. LEtat de nature est donc untat dinscurit perptuelle dont les hommes cherchent sortir.

    Le fondement de lobligation dobir quont les sujets est la fois la protection dntils jouissent et la force du souverain qui les y contraint. Il ny a pas de limite au pouvoir dusouverain et celui-ci ne peut tre dpos parce quil ny a pas eu contrat entre lui et ses sujets.Toute la force est de son ct.

    Hobbes fonde ainsi la logique de labsolutisme . Le pacte unique quil dcrit tient la fois du pacte dassociation et du pacte de soumission. Cest la soumission commune ausouverain qui seule fonde la socit et garantit sa prennit.

    La doctrine du trustLe truste ne comporte pas dobligations rciproques ; cest simplement une mission

    confie par le peuple des gouvernements en vue de certaines fins. Cela implique deux sriesde consquences :

    le trust nest ni le fondement de lEtat, ni de la souverainet mais un modeparticulier dexercice du pouvoir. Il ny a donc plus quun seul contrat, le pactedassociation qui fonde la fois la socit, lEtat et le gouvernement.

    laccent est mis sur les obligation du gouvernement et les droits du peuple.

  • Histoire de lanthropologie politiqueAnnexe 2 : Le contrat social

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    Ce schma est repris par Locke. Pour lui ltat de nature est un tat de paix, debonne volont, dassistance mutuelle, de conservation. Il y manque une autorit commune etcest pour tablir cette autorit que les hommes concluent le contrat social et se constituent encorps.

    Comme le pouvoir ne peut tre exerc par le peuple constitu en corps, celui-cidoit instituer un pouvoir lgislatif qui serait le pouvoir suprme. Locke a voulu justifier larvolution anglaise de 1686.

    RousseauLe contrat social de Rousseau fonde la fois la socit et lEtat et institue un

    pouvoir sans limites. Rousseau cherche trouver le fondement logique dune autorit tellequelle rende les individus aussi libres dans ltat social que dans ltat de nature.

    Le contrat est pass entre les individus dune part et le corps social dautre part, etcest ce dernier qui devient souverain. Chaque individu renonce lindpendance et tous sesdroits naturels et se soumet totalement au souverain.

    Selon Rousseau, il nest pas ncessaire que la loi, expression de la volontgnrale, soit effectivement applique tous. Il suffit quelle soit susceptible de ltre. MaisRousseau a chou dans la dfinition dun systme cohrent.

    Aprs Rousseau, la doctrine amorce son dclin ; la thorie du contrat necorrespond pas la vrit historique. Les auteurs sont amens implicitement traitersparment le problme de lorigine de la socit, celui de son fondement et celui dufondement de lobligation dobissance ; ils apportent ces problmes des rponses spares.La notion de contrat ne permet plus de traiter que du fondement de la socit.

  • Histoire de lanthropologie politiqueAnnexe 2 : Les grands auteurs : Grotius

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    Grotius

    Grotius, lauteur du Droit de la guerre et de la paix (De jure pacis et belli) se situe autout premier rang des penseurs de la science juridique et de la philosophie de lEtat.Avocat protestant hollandais, il a t conseiller de la compagnie nerlandaise des Indesorientales. Il a forg une thorie de lEtat et de la puissance civile dont il a prsent avecminutie et beaucoup de vigueur intellectuelle les articulations internes et internationales.

    Une vie tourmente.N en 1583, Hugo de Groot, dit Grotius est un enfant prodige : onze ans il

    tudie luniversit de Leyde et effectue sa premire mission diplomatique enFrance en 1598. Un an plus tard, il est avocat La Haye et rdige une histoire de larbellion des Pays-Bas contre lEspagne (Annales et historiae de rebus belgicis). Ala requte de la Compagnie hollandaise des Indes orientales, dsireuse dtablirjuridiquement son droit de capture sur les navires ennemis. Grotius compose le Dejure praedae - le droit de prise (1606).

    Grotius prend une part dterminante au conflit politico-religieux opposant lespartisans dOldenbarnevelt aux partisans de Maurice de Nassau. Oldenbarnveltentrane dans sa chute ses collaborateurs dont Grotius. Il est arrt La Haye enaot 1618, emprisonn, condamn la prison vie et la confiscation de ses biens.Il svade en mars 1621 et gagne Paris o il sjournera jusquen 1644 commersident de Sude. Il fait naufrage au retour dune mission en Sude et meurt Rostock le 28 aot 1645.Le citoyen-type de la Rpublique des lettres et de la Chrtient .

    Le trait dominant de ce grand humaniste fut une volont oecumniquedenqute qui ne lui laissa aucun rpit. Le De jure pacis et belli marque la date denaissance du droit internationale public. Il na pas cess de militer pour un ordreauthentiquement humain et pour une chrtient ouverte, purifie par un retour ses sources.Un Etat juste et souverainet limite.

    Un corps parfait de personnes libres qui se sont jointes ensembles pourjouir paisiblement de leurs droits et pour leur utilit commune est la dfinitionde lEtat selon Grotius. Il fonde sa thse sur lexistence dun contrat initial parlequel les hommes ont renonc ltat de nature. Il affirme que les lois sont lEtat ce que lme est au corps humain. LEtat rassemble une multitude decratures raisonnables unies pour les choses quelles aiment ; il a pour fonctiondassurer le respect des lois et dorganiser les tribunaux chargs de rendre ce quiest d aux trangers comme aux particuliers du pays.

    Le territoire ne constitue pas un lment de lEtat, mais le contratfondamental qui lie les individus lEtat interdit la cession dune province sans leconsentement des populations intresses.Droit naturel et droit volontaire

    Le droit naturel est form de principes de la droite raison qui nous fontconnatre qu une action est moralement honnte ou dshonnte selon laconvenance ou la disconvenance ncessaire quelle a avec la nature raisonnableet sociable de lhomme . La volont de Dieu nest pour lui quune manifestationindirecte dans la production normative, celle-ci manant avant tout de la naturehumaine et de son caractre sociable. Le droit naturel est immuable, commun toutes les poques et toutes les rgions. Il rgit la conduite des individus et celle

  • Histoire de lanthropologie politiqueAnnexe 2 : Les grands auteurs : Grotius

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    des Etats, ces derniers tant lis par des obligations internes, dont la violationentrane un droit de rsistance loppression en faveur de ses sujets et par desobligations internationales - celles du droit des gens.

    Lexercice des droits souverains de lEtat sur le plan international comprendle droit de guerre encadr par des normes qui nautorisent que les guerres justes :

    guerres dfensives destines protger dune agression la population et lepatrimoine de lEtat ;

    guerres coercitives pour punir ceux qui violent le droit, condition que laviolation soit grave.Le droit naturel prescrit des modes de rglement pacifique des diffrents

    entre Etats.Le droit volontaire provient dune volont qui peut tre tantt divine, tantt

    humaine. Ce droit ne rsulte pas dune volont qui serait suprieur celle desEtats, mais de leur accord, de leur volont convergente, issue de la coutume ou desconventions formelles.

    Les Etats sont tenus de reconnatre la primaut du droit naturel sur le droitvolontaire.

  • Histoire de lanthropologie politiqueAnnexe 2 : Les grands auteurs : Filmer

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    Filmer

    Filmer Robert (1589 - 1653) est n dans le pays de Kent. Ecrivain politique, il se fit ledfenseur de la monarchie absolue de droit divin, en faisant comme Bossuet, reposer lepouvoir souverain du prince sur lextension de lautorit paternelle lautorit dumonarque. Son uvre principale est le Patriarchia publi en 1680 aprs tre restpendant quarante ans ltat de manuscrit. Locke rpond au Patriarchia dans ses Deuxtraits du gouvernement civil.

    Le systme de Filmer repose fonde la dfense de la monarchie absolue surlide que les hommes ne sont pas ns libres mais esclaves. La socit ou le groupeconstituent un tout construit sur la subordination : le roi ou le pre rgne par unedlgation du matre ultime, le Crateur. Cette ide de subordination sappliquenon seulement aux hommes, mais aussi tous les tres terrestres que Dieu a remisexplicitement au rgne de lhomme.

    La hirarchie se prsente comme lexercice, par les dominants, dun droitsubjectif que rien ne vient limiter, si ce nest un pouvoir de domination suprieur ;les fonctions sociales de lautorit sont moins importantes que la volont arbitrairede ceux qui les dtiennent.

  • Histoire de lanthropologie politiqueAnnexe 2 : Les grands auteurs : Hobbes

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    Hobbes

    Hobbes Thomas (1588 - 1679) sintresse de manire privilgie la morale et lapolitique auxquelles il veut donner un vritable statut scientifique. Lanalyse les forces enprsence dans ltat de nature il en dduit un modle mcanique qui le conduit poser lancessit de la toute-puissance du souverain et de celle dun Etat conu comme unemachine parfaitement organise. Au mcanisme naturel, il substitue par le contrat, unmcanisme artificiel dont le souverain est lingnieur et le matre.

    La vie de Hobbes.Il effectue ses tudes Oxford et entre au service des Cavendish, famille

    laquelle il restera attach toute sa vie. Intress par les problmes politiques, il critElments de loi (1640), Lviathan (1651), Elments philosophiques (1658). DansLviathan, Hobbes prsente dans une fresque grandiose ses ides politiques.Le mcanisme strict.

    Il conoit le monde dans les termes dun mcanisme strict, en termes demouvement caractrisant des corps dfinis par leur nature et par leur forme. Ildcrit le comportement humain dans les termes mcanistes.De ltat de nature lomniprsence du souverain.

    Hobbes labore une vritable science de la morale et de la politique. Dans unsystme nominaliste, il part des individus qui disposent tous de forces, tantphysiques que spirituelles, pratiquement gales. Or chacun, m par son propremouvement vital qui tend se conserver indfiniment par inertie naturelle tend semparer de tout ce qui peut lui permettre de survivre. N du dsir et de lacrainte, de la dfiance rationnelle de chacun lgard de chacun, cet tat est un tatde guerre strictement conforme un calcul correct de la raison. Une gale menacerciproque pse dur tous. Etat dquilibre, ltat de nature est un tat dinstabilit,dinscurit et de misre. Il ne comporte ni socit, ni agriculture, ni industrie, nijustice, ni injustice, ni lettres, ni arts, ni sciences daucune sorte. Dans ltat denature, lhomme est un loup pour lhomme .

    La crainte de la mort suffit dterminer chacun simposer nimporte quelsacrifice, pourvu que sa vie soit sauve et sre. Le seul moyen de la paix est drigerun pouvoir commun tout-puissant qui imposera sa loi tous dans la communautpolitique et qui assurera un ordre et une paix. Pour y parvenir, il faut que chacunsaccorde avec chacun pour renoncer au droit de se gouverner lui-mme et pourremettre tout son pouvoir aux mains dun seul homme, en lui reconnaissant unpouvoir souverain constitu de la somme des pouvoirs de tous.

    Ainsi se trouve institu le souverain qui dispose dun pouvoir absolu, unique,indivisible. Les citoyens demeurent lis par le contrat, lui seul ne lest pas car il nacontract avec personne. Sa lgitimit ne tient qu sa toute puissance ; il est au-dessus de tous les pouvoirs : il na pas de devoirs, il na que des fonctions.

    Le peuple lui-mme ne peut sopposer lui. Seule lomnipotence dusouverain, le caractre absolu de son pouvoir rend possible laccomplissementrationnel de sa fonction, cest--dire le maintien dun ordre pacifique et sr danslEtat.Etat rationnel et pouvoir absolu.

    Hobbes accorde tout citoyen menac dans sa vie par le fonctionnement delEtat, le droit de se dfendre et de rsister par tous les moyens. Il reconnat que

  • Histoire de lanthropologie politiqueAnnexe 2 : Les grands auteurs : Hobbes

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    dans lEtat, lhomme en tant quhomme disposait, sous peine dabsurdit, dundroit inalinable et imprescriptible.

    La toute puissance du souverain dlivre lhomme de ses passions, de leursexcs, de leurs abus. Le souverain na plus dintrts particuliers, son intrt seconfond avec lintrt gnral : Le roi est ce que je nomme le peuple . Il est laraison en acte. Dans ce cadre, il ny a pas dautre justice que celle du souverain ;cest lui qui dfinit le juste et linjuste, le bien et le mal.

  • Histoire de lanthropologie politiqueAnnexe 2 : Les grands auteurs : Pufendorf

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    Pufendorf

    Aprs avoir tudi Leipzig et Gnes, Pufendorf (1632 - 1694) obtient une chairedenseignement du droit naturel et du droit des nations Heidelberg, puis luniversitde Lund en Sude o il crit Du droit de la nature et des gens. En 1688, il devientlhistoriographe de lElecteur de Brandebourg et propose dans De habitus religionischristianae ad vitam civilem (1687) sa conception des relations idales entre lEglise etlEtat. Dorigine humble, il na t anobli que sur le tard au vu de ses travaux et de sesservices. Il est connu pour avoir dvelopp des conceptions originales de la socitnaturelle, de la loi naturelle, du pouvoir souverain et du double contrat. Pufendorf est undes grands matres de lcole du droit naturel et lun des inspirateurs des principes de laConstitution amricaine de 1787.

    La sociabilit naturelle de lhomme.Dans Du droit de la nature et des gens (1672), Pufendorf dveloppe lide

    dune sociabilit naturelle de lhomme. Il y a sociabilit lorsque lhomme prendconscience de lidentit de nature qui existe entre lui-mme et autrui, sur la conformit de mme nature . Il existe aussi une moindre forme de sociabilit :elle repose sur lintrt qui en drive car la nature en nous ordonnant dtresociables ne prtend pas que nous nous oublions nous mmes . Pufendorf va lencontre de Hobes et refuse lopposition entre un tat de nature et une viesociale . Rousseau ira son tour contre Pufendorf et exclura la notion desociabilit du droit naturel.La loi naturelle.

    Pufendorf dveloppe la conception dune loi naturelle quil distingue des loisrvles et des lois positives. Les lois naturelles forment, avec les lois rvles,lensemble des lois divines. Sa thorie du droit naturel repose sur laffirmation delexistence dun ordre moral universel, dune rgle de justice immuable, antrieureet indpendante et suprieure aux lois civiles. La loi naturelle a la force droite de laraison, luniversalit de la rgle connaturelle aux hommes. Les lois naturelles setrouvent proportionnes la nature humaine que leur observation est toujoursavantageuse .

    Les lois positives prolongent les effets de la loi naturelle ; elles doivent seninspirer et ne peuvent la contredire/ La subordination tablie entre les loisnaturelles et les lois positives donne la fois force aux rgles positives tablies parles lgislateurs et justification au citoyens qui exercent contre un pouvoir iniqueleur droit de rsistance. Il unit demble la loi naturelle la nature humaine et nesaurait concevoir comme naturel un Etat o les hommes ne suivent pas lesmaximes de la raison.Du pouvoir souverain.

    Pufendorf rejette lide dun pouvoir souverain absolu fond sur une analogieavec lexercice du pouvoir paternel. Il propose de distinguer la servitude volontairede celle qui rsulte de la guerre. Touchant la premire, il considre quelaccroissement du genre humain conjugu avec laugmentation des commodits dela vie et une qute effrne des richesses superflues a fait que les gens un peuriches et qui avaient de lesprit engagrent ceux qui taient grossiers et euaccommods travailler pour eux moyennant un certain salaire. Ainsi la servitude at tablie par un libre consentement des parties ; le louage de service est, pourPufendorf, la premire forme de servitude.

  • Histoire de lanthropologie politiqueAnnexe 2 : Les grands auteurs : Pufendorf

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    La thorie du double contrat.Pour quil y ait socit civile, il est ncessaire que ceux qui dsirent tre

    membres de lEtat sengagent ne former quun seul corps et rgler duncommun accord ce qui regarde leur sret mutuelle ; lassemble descontractants doit ensuite opter, la majorit des voix, pour une forme degouvernement. Ceux qui sont revtus de cette autorit sengagent veiller avecsoin au bien public et les autres, en mme temps, leur promettent obissance . Lepacte dunion et le pacte de soumission scellent en un double contrat lEtat, ilsfondent lautorit souveraine sur un ciment dobligations rciproques entregouvernants et gouverns.

  • Histoire de lanthropologie politiqueAnnexe 2 : Les grands auteurs : Locke

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    Locke

    Locke, n Wrington dans le Sommershire en 1632, a vcu de prs les rvolutions ettentatives de rvolution contre les Stuart. Son souci principal est dtre utile lexistencesociale des hommes. Il sexprime essentiellement contre Descartes et Filmer.

    Son ouvrages Deux traits de gouvernement civil parat en 1690. Il sagitdune apologie de la rvolution de 1688 et dune critique vigoureuse de lamonarchie absolue. Lide dveloppe est la ncessaire subordination de lactivitdes gouvernants au consentement populaire. Locke est le thoricien du libralismepolitique ; ses thmes fondamentaux sont :

    galit naturelle des hommes : dfense du systme reprsentatif ; exigence dune limitation de la souverainet fonde sur la dfense des droits

    subjectifs des individus.Le premier trait est une rponse au Patriarcha de Filmer qui prtendait

    dmontrer le droit des princes au gouvernement absolu en assimilant lasouverainet la domination primitive dAdam sur le monde ; cette domination at retransmise aux monarques. Le second trait vise tablir lorigine, les limiteset les fins vritables du pouvoir civil. Ces deux traits forment un tout. Larfutation de la thse de Filmer (les hommes ne sont pas ns libres mais esclaves)dans le premier trait permet, dans le second, de fonder la limitation duesgouvernements sur lide de la libert et de lgalit naturelles.Thorie de la connaissance et du droit naturel.

    Locke fait reposer sa thorie sur la connaissance telle quelle a t dfinie parHobbes. La science ne porte que sur des choses qui ont des causes et dont noussommes nous-mmes des causes. La politique et la morale (le juste et lthique) setrouvent affects dune certitude qui est refuse aux sciences de la nature. PourLocke, il y a prminence de la science morale et politique sur les sciences de lanature ; les ides morales et politiques peuvent donc senchaner dans desdmonstrations rigoureuses.

    La conception lockienne de la science politique repose sur trois aspects : la science politique sera normative : les normes de laction future peuvent tre

    rigoureusement dfinies puisque lide est productrice de son objet ; la science de laction appelle une mthode de dcouverte rationnelle et un

    ordre dexposition dmonstratif. limportance de la conception subjective des droits qui donne les prmices aux

    droits de lhomme.De lEtat de nature au gouvernement civil

    Les fonctions du gouvernement civil sont dduites des conditions de saformation, cest--dire de la structure de lEtat de nature et des raisons quiconduisent les hommes se constituer en corps politique.

    Locke rejette toute ide de subordination, et avec elle le lien quellemaintient entre les relations entre les hommes et les relations entre les hommes etles cratures infrieures. Une coupure entre les deux catgories, est tablie,institutionnalise. Quant aux hommes, il ny a pas entre eux de diffrenceinhrente, pas de hirarchie : ils sont tous libres et gaux aux yeux de Dieu. Laproblmatique de Locke est antihirarchique : la libert naturelle suppose la fois

  • Histoire de lanthropologie politiqueAnnexe 2 : Les grands auteurs : Locke

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    lindpendance et lgalit ; elle subordonne lautorit politique au consentement. Ildfend lide que les hommes sont originellement libres et gaux et que loriginedes gouvernements rside dans une libre association. Il soppose donc la thoriede la monarchie de droit divin.

    On trouve chez Locke une apologie de la tradition anglaise de la Commonlaw contre la maladie franaise de labsolutisme . Dans le deuxime trait,Locke reprend la doctrine du contrat social.

    Ltat de nature est prsent comme une priode heureuse de communismeprimitif, comme un tat de libert, mais non de licence pour sachever sur unethorie de lorigine du gouvernement civil, proche de celle de Hobbes, mme si ellefonde une conception plus librale de lautorit politique. Pour Locke, commepour Hobbes, lorigine du gouvernement et de la socit civile rside dans lancessit de sortir de lincessant conflit qui nat de la loi de nature elle-mme,cest--dire du droit de chacun faire ce qui lui semble convenable pour assurer saconservation.

    Limites que les conditions du contrat social imposent la souverainet.Pour Hobbes, la science politique est normative : elle dtermine les

    raisons que nous pouvons avoir dagir et de dcider. Le jour o les hommes ontquitt ltat de nature pour entrer en socit, ils avaient convenu que tous seraientsoumis la contrainte des lois, sauf un seul qui garderait intacte la libert deltat de nature, en y ajoutant la force du pouvoir et la licence de limpunit (Locke). LEtat absolutiste reprsente un tat de guerre entre les princes et lepeuple ; le peuple peut donc exercer un droit lgitime de rsistance loppression.

    Le peuple est le juge suprme de la faon dont les gouvernantsremplissent leur mission puisquil est la personne qui leur a donn le pouvoir etqui garde ce titre, la facult de les rvoquer (Locke). Le contrat estspcifique : Bien quils soient lis entre eux par une relation contractuelle, lesmembres du peuple nont pas dobligation contractuelle envers le gouvernement,et les gouvernants bnficient du gouvernement seulement comme membre ducorps politique (Locke) Ils ne sont donc que des reprsentants, des dputs dupeuple.

    Le problme des sources du droit.De Hobbes Locke, on peroit un changement dans la conception du

    rapport entre le droit et lEtat. Pour Locke, il semble quil y ait lide dun ordrespontan dont les pouvoirs publics ont garantir la non-perturbation : ce nestpas toute convention qui met fin ltat de nature entre les hommes, maisexclusivement celle par laquelle tous sobligent ensemble et mutuellement former une socit unique et constituer un seul corps politique . Il y a donc uneformation spontane du droit antrieur lapparition de lEtat dont la fonction estplus de garantir que de crer le droit. LEtat a pour mission de prserver les acquis,sans pouvoir y attenter, et les hommes ne se dessaisiront que du minimum : le droitde punir. Le gain quapporte la socit politique, cest de permettre aux hommesde sauvegarder leur proprit ; la prservation apparat comme tant la finalit ducontrat social.Proprit et subjectivit.

    Pour Locke, la proprit concerne la vie, la libert et les biens , cest--dire tout ce qui appartient en propre un individu et quon ne saurait lui ter sansson consentement. Dans chaque proprit existe un noyau inalinable qui ne

  • Histoire de lanthropologie politiqueAnnexe 2 : Les grands auteurs : Locke

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    dpend que de la loi naturelle institue par Dieu. Les richesses naturelles ont tdonnes tous les hommes et non au seuls descendants mles dAdam.

    Locke a jou un rle important dans la pense politique de son poque ; ilaborde la notion des droits de lhomme et du contrat social. Sa conception de lamonarchie librale et du Contrat social influeront Rousseau et les thoriciens de larvolution amricaine.

  • Histoire de lanthropologie politiqueAnnexe 2 : Les grands auteurs : Montesquieu

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    Montesquieu

    Montesquieu est n en 1689 prs de Bordeaux ; il effectue ses humanits chez lesoratoriens de Juilly, dispose de liens avec la classe parlementaire et dattaches nobiliaireset terriennes. Son milieu intellectuel est parisien o il frquente Fontenelle. Son sentimentnobiliaire, le prjug des rangs lis une dynamique de lhonneur le conduisent rejoindre une forme de morale stocienne. La dfense des parlements comme pouvoirsintermdiaires, lacceptation de la vnalit des charges tiennent sa vision dunemonarchie modre. Il a une rputation de libre et bel esprit qui font de lui plus uncitoyen quun sujet. Sa proccupation principale concerne lEtat lgitime o les loissexercent autrement que comme puissance. Quest-ce qui peut fonder le recours deslois gnrales.

    Destins des Lettres persanes Les Lettres persanes constituent une satire sociale dans laquelle il attaque les

    pouvoirs constitus, les hirarchies sociales naturelles et les liberts essentielles.Il oscille entre les horreurs de lordre et la crainte du dsordre.La maturation intellectuelle dun homme de mle

    Entre 1721 et 1734, Montesquieu exerce la charge de prsident au mortierdu Parlement de bordeaux ; il est lu lAcadmie franaise et crit un Trait desdevoirs comprenant un chapitre important (De la politique) dans lequel il est assezproche des thories de Pufendorf.

    Entre avril 1728 et avril 1731, il effectue un tour dEurope qui lui permettrade disposer de donnes rcentes et concrtes sur le gouvernement des hommes.Le monde moral et le monde physique : intelligence de lhistoire.

    Il publie les Considrations sur les causes de la grandeur des romains et deleur dcadence (1734). Cest lanalyse dun cycle complet de devenir historiquedbouchant sur une interprtation de lnigme quest la chute dune civilisationdevant les barbares. Il montre que les divisions au sein dune Rpublique sontconsubstantielles sa force et la libert.

    Dans lEsprit des Lois, il entreprend dclaircir le lien de causalit gnraleset particulires, ce qui dtermine lesprit, lhumeur, les moeurs des hommes,individuellement et collectivement, lintrieur dune socit qui est la foisnaturelle, historique et politique. Il sefforce de montrer comment se crent lesidentits nationales et politiques.Ralisation et sens du grand uvre : De lesprit des lois 1748

    Lcrivain politique se ralise dans lEsprit des Lois quil crit entre 1741 et1743 avant de le publier en 1748.

    La loi est le rapport ncessaire drivant de la nature des choses, contestesaussi bien par les tenants de la loi-commandement , philosophes et juristes, quepar les empiristes comme Hume. Montesquieu situe sa recherche sur : la minimalit du recours au droit naturel concilier avec la supposition

    inluctable de rapports dquit fondamentaux ; lcart dcisif pour mettre de ct les questions classiques de sociabilit

    naturelle et du contractualisme.Mais en mme temps que la question des rapports mergent deux

    problmes :

  • Histoire de lanthropologie politiqueAnnexe 2 : Les grands auteurs : Montesquieu

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    celui de la totalit relle que constitue une socit civile (organisepolitiquement), du lien entre le politique et le civil qui peuvent resterprincipalement distincts (runion des volonts, runion des forces) ;

    celui de la rationalit travers ltude dune srie de gnrations de lois car la loi est la raison humaine en tant quelle claire tous les peuples de laterre .

    Il pose la question du contenu rel de ce que lon appelle gouvernement, durapport de ce contenu avec sa forme (sa nature) et son principe (les passionssociales qui le font mouvoir) et le rapport de cet ensemble avec sa conditionextrapolitique.

    La dialectique nature/principe se double dune distinction entregouvernements non modrs et gouvernements modrs, o lhtrognit desforces sociales et des constituants du corps politique soppose luniformit dunpouvoir fond sur la force. Cette distinction lui permet dintroduire une doublethorie de la libert politique (du point de vue des organes de la puissance sociale)et civile (du point de vue de la sret des citoyens).

    Pour Montesquieu, la vritable servitude se situe l o lon confond dans unemme contrainte les trois relations de lindividu la collectivit : les lois, lesmoeurs et les manires. Il nexiste pas de garantie structurelle absolue de la libertpolitique.

    La citoyennet moderne dans une cit est l o la loi civile regarde chaqueparticulier comme toute la cit mme et o la libert de chaque citoyen estune partie de la libert publique . Les principaux conflits proviennent de ce quechacun fait de ses intrts propres lintrt commun alors quil faut que chacunaille au bien commun en croyant aller ses intrts particuliers . Or lelgislateur est pris entre la ncessit ddicter des maximes gnrales, lescontraintes qui ne relvent pas des lois et les niveaux diffrents de la lgalit et dela lgitimit ; il doit se montrer la fois utopique et universel, contre les idesduniformit qui frappent les petits esprits.

    Les systmes juridiques doivent tre fonds sur lvolution de la socit etdes moeurs.Sens dune uvre, sens dune vie, sens dun legs.

    Montesquieu a tent dinterprter sa rhtorique en rapport avec les ralitsdes Etats actuels et des rpubliques dmocratiques ; il inspirera Tocqueville.Montesquieu fournit un modle pour la concorde du savant et du politique ; il posela question du savoir politique : cest un savoir qui doit imprativement garder uneforme duniversalit, sans tre hant par le fantasme ruineux de sa toute puissance,un savoir du particulier qui ne dbouche pas sur la sacralisation dune histoirefige, relle ou mythique et qui est sollicit la fois par la limite impossible delEtat dans le citoyen (dmocratie antique) et le refus organis de cettetransformation du pouvoir en puissance pure quest le despotisme parce que toutpouvoir est port une extension de ses attributions. La sparation des pouvoirsdevient une ncessit.

  • Histoire de lanthropologie politiqueAnnexe 2 : Les grands auteurs : Hume

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    Hume

    Hume est n Edimbourg (1711) o il effectue ses tudes. Il soccupe ensuite de droitet de commerce. De 1763 1766, il est le secrtaire de lambassadeur dAngleterre Paris. Il frquente les salons, connat les encyclopdistes et se lie pour un certain tempsdamiti avec Rousseau. Hume voit dans lexprience lunique source de notre savoir. Ilcherche comprendre les relations constantes dont nous chappe la raison.

    Luvre politique de Hume est abondante et parse : Trait de la naturehumaine (1740), Du contrat originel (1748), Enqute sur les principes de lamorale (1751), De lorigine du gouvernement (1774). Si le Contrat origineldnonce, contre Locke, les termes dune origine fictive de ltat civil, lorigine dugouvernement cherche reprer, dans le sillage de Machiavel, les composantes delorigine relle des socits.

    Pour Hume, le pouvoir sest tout dabord fond sur linjustice et la violence ;il est devenu avec le temps lgal et obligatoire. Lavnement de la notion degouvernement, de lEtat est dcele dans la comptition guerrire qui dcoule de lararet des biens disponibles parmi les groupes humains dj constitus. Lancessit conomique secrte le conflit qui donne naissance une hirarchiemilitaire qui se transforme, la paix venue, en hirarchie civile et systme de gestionpolitique.

    Ncessitconomique

    Hirarchie civileHIrarchiemilitaire

    Conflit Systme degestion politique

    LEtat a donc une origine conomique et une mission de prservation desavantages acquis. LEtat nest quune institution contingente, historiquementexige, apprcie en raison des services rendus.

    Lorigine des rgimes politiques doit donc tre recherche du ct de laconqute, de lusurpation, de lhrdit, de llection, suivant les circonstances dumoment. Le systme politique est fond sur un rapport de forces qui ne semaintient que grce la soumission volontaire du peuple. Il en rsulte pour Humeque la politique nest pas fonde sur la normativit de la raison.

    Le mythe de la souverainet populaire ne rsiste pas lanalyse des faits.Lobissance au gouvernement seffectue dabord par la crainte et non parlobligation morale. Dautre part, seule une longue occupation du pouvoir assureune certaine lgitimit lusurpateur (Rvolution ou conqute).

    Hume dnonce le mythe de lancienne constitution saxonne qui aurait tabolie par la conqute normande et la fodalit. Il rejette la fiction dun contratoriginel. La constitution se construit lentement : Grande charte de 1214,reconstruction des communes sous les Tudor, ptition des droits de 1628,dclaration des droits de 1689.

    Pour Hume, le corps politique sinstruit dans une mme vision du corps engnral ; les changements dtat sont rgis par la corruption ou la dissolution, maisdont chaque tape doit tre pense spcifiquement comme un processus naturel. Lacoalition des partis devient alors un remde naturel susceptible de ralentir unprocessus de dgnrescence.

    La stabilit politique est ncessaire la poursuite de la croissanceconomique.

  • Histoire de lanthropologie politiqueAnnexe 2 : Les grands auteurs : Rousseau

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    Rousseau

    Rousseau lve une vhmente protestation contre le progrs des sciences etlaccumulation des richesses, contre une socit oppressive et des institutions arbitraires.Il stigmatise la dnaturation croissante de lhomme.

    Une misrable question dacadmie.Dans ses Confessions, il indique que cest la suite de la proposition de

    lAcadmie de Dijon quil sest mis crire ; celle-ci avait propos pour sujet : Sile rtablissement des sciences et des arts a contribu purer les moeurs . Il axetout son dveloppement sur lide que lhomme est bon naturellement et que cestpar les institutions seules que les hommes deviennent mchants.

    Il reprend ce thme dans son Discours sur lorigine de lingalit. N pourle bonheur et la vertu, lhomme sest laiss dtourn de son chemin par ledveloppement des connaissances et par les sductions du luxe et de la puissance.Ltat primitif de lhomme, cet tat de nature o ltre humain connaissaitlinnocence et la bont est une hypothse qui doit faire regretter un pass qui nestplus et qui ne reviendra jamais, car lhistoire ne rtrograde pas.Les grandes oeuvres.

    Dans chacun de ses ouvrages Rousse va proposer un remde la corruptiondes socits. Dans lEmile, il repense lducation dun enfant destin devenircitoyen ; dans la Nouvelle Hlose, il imagine la vie idale dune microsocit ;dans le Contrat social, il pose les fondements dun Etat juste et lgitime o chacuncoute la voix de sa conscience.

    LEmile de lenfant au citoyenLEmile repose sur lintuition de la perfectibilit humaine. A sa naissance,

    lhomme nest rien ; il devient tout. Pour Rousseau, il suit le cheminement suivant :

    Raison sensitiveRaison

    intellectuelleConscience

    moraleSensantions

    Il prne une ducation dpourvue de mditations : lenfant dcouvrira toutpar lui-mme et en lui-mme. Le pdagogue aura pour tche non dinstruirelenfant, mais de le diriger selon la voix de sa nature propre. Deux tchesincombent au pdagogue : laisser faire la nature et prserver le cur de lenfant duvice et son esprit des prjugs.

    Le respect de la libert intrieure de lenfant, de sa dignit humaine gouvernetoute la pdagogie rousseauiste.

    La Nouvelle Hlose, vertu et bonheurRousseau imagine lorganisation dune famille qui vivrait selon les

    enseignements de la nature. Les passions, les lans du cur doivent tre quilibrs,purifis par la raison.

    Le Contrat social : loi et contrat.Fonder le droit politique est lambition de Rousseau. Il se propose de

    rechercher ce quil devrait tre et pour cela dcide dtablir des conditions depossibilit dune socit lgitime. Il veut trouver un type dassociation quiassurerait chaque individu la scurit tout en lui permettant de conserver salibert.

    Rousseau rejette toute autorit reposant sur les privilges de nature ou sur ledroit du plus fort. La seule autorit lgitime nat dun accord rciproque des parties

  • Histoire de lanthropologie politiqueAnnexe 2 : Les grands auteurs : Rousseau

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    contractantes, dune convention. Pacte dassociation qui nest suivi daucun pactede sujtion. Le peuple est la source de la souverainet et apparat comme celui quiexerce cette souverainet.

    Lobissance la loi quon sest prescrite est libert . La volontgnrale correspond la conscience dont la voix se fait entendre en chacun.Rousseau montre que le sort de lhumanit dpend de la nature des institutionspolitiques et que seuls quelques peuples qui nont point encore port le vrai jougdes lois, qui vivent en paix et se suffisent eux-mmes, peuvent chapper ladgnrescence et la ruine.

    Les ides de Rousseau ont eu une influence dcisive sur la manire de penserdes hommes du XIXme sicle : lEmile est devenu le brviaire des ducateurs et leContrat social le guide des rformateurs politiques.

    Le grand problme de Rousseau rside dans le fait quil cache le passage dunaturel au civilis ; partir de quand passe-t-on du naturel au civilis. Lhomme ensocit nest-il pas dj civilis ? Son vritable problme nest pas lEtat, mais lacitoyennet, la position de lhomme dans la socit. Il ne dmontre en rien quelhomme est bon par nature. Il part dun postulat qui est repris comme tel par denombreux philosophes.

  • Histoire de lanthropologie politiqueAnnexe 2 : Les grands auteurs : Spencer

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    Spencer

    Luvre de Spencer est insparable de lidologie du progrs.La gense dune philosophie synthtique.

    Ingnieur des chemins de fer, puis journaliste libral, ses gots amenrentSpencer sintresser aux sciences exactes. Lide lamarckienne dundveloppement progressif de lhumanit orienta de faon dcisive les recherchesquil poursuivit trs clectiquement en les nourrissant de lectures abondantes, maistoujours fragmentaires. Il est un des fondateurs de lvolutionnisme culturel etsocial avec Morgan et Tylor.

    Ses proccupations dordre politique se rvlent dans le Nonconformist(1842) et la Vritable sphre du gouvernement (1843). Le point de vuepragmatique est toujours latent chez Spencer : la croyance en des lois naturellespartout agissantes dont le drangement explique les maux dont souffre la socitest prsente comme un machine complexe que le gouvernement doit maintenir enquilibre. La nature est prsente comme un tre vivant.

    La gnralisation de la loi de BaerLe dveloppement de tout organisme consiste en un changement de

    lhomogne lhtrogne. Spencer interprte le changement de lhomogne enhtrogne comme le rsultat de lincessante multiplication des effets. Il lexpliquedans les Lois ultimes de la physiologie (1857)

    Passage de la physique mcaniste la mtaphysique de linconnaissableEn cherchant explique mcaniquement l univers conu comme un

    ensemble de rapports dynamiques, comme un organisme vivant, lvolutionnismedevait constituer la premire synthse philosophique construite partir de donnesscientifiques et inductives.

    Lextension la sociologie du postulat universel ;Dans les Principes de sociologie, les structures et les fonctions sociales sont

    compares aux structures et aux fonctions biologiques prcdemment tudies. Sesconvictions politiques et thiques lamenrent accentuer certaines diffrences quidistinguent les socits humaines des socits animales. Son volutionnisme neutrien de rigide.

    La typologie spencrienne doit tre dissocie du schma optimiste duneprogression linaire, solidaire du dveloppement du machinisme. Il sest efforc demontrer que cest par la guerre, qui joue un grand rle politique dans la gense dupouvoir, que les peuples parviennent la notion dEtat.

    Lextraordinaire richesse des matriaux mis en uvre par Spencer est lorigine dunevaste collecte des donnes do il voulait dgager des corrlations sociologiques que leshistoriens de son temps taient incapables dapercevoir.

  • Histoire de lanthropologie politiqueAnnexe 2 : Les grands auteurs : Morgan

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    Morgan

    Morgan est considr comme le fondateur de la science anthropologique ; il domineencore de nos jours lhistoire de lanthropologie par toute lambigut de son uvre.

    Le fondateur de la science anthropologique.Lewis H. Morgan est n en 1818 dans lEtat de New-York. Il fait des tudes

    davocat, devient conseiller juridique dune compagnie de chemin de fer quiconstruit des voies entre le Michigan et le lac Suprieur. Homme politique, iladhre au Parti rpublicain o il fait une carrire de dput puis de snateur.

    Sa vocation pour lanthropologie, il la doit un club littraire o il rencontreun Indien Senca. Il organise avec lui une enqute sur la ligue des Iroquois ; lissue de son enqute, il est adopt par le clan Faucon et publie un essai sur leGouvernement constitutionnel de six nations indiennes.

    Il tudie ensuite le systme de parent iroquois, visite les Indiens du Kansas,du Nebraska, du Missouri, de la baie dHudson. Pour son tude, il prpare unquestionnaire pour ltude des systmes de parent. Il en publie les rsultats dans leSystme de consanguinit et daffinit de la famille humaine. Avec ce livrenaissait la fois lanalyse scientifique de la parent et lanthropologie sociale.

    Morgan entreprit alors de comparer les institutions sociales de lantiquitoccidentale classique et celles des peuples primitifs contemporains cherchant encelles-ci la clef de lintelligibilit de celles-l. Il publie en 1877 Ancient society (lasocit archaque) o il montrait la marche ncessaire de lhumanit travers lesstades successifs de la sauvagerie, de la barbarie et de la civilisation.

    Barbarie CivillisationSauvagerie

    Une uvre riche et ambiguLogique et histoire des rapports de parent.

    Morgan a dmontr que les rapports de parent dominent lhistoire primitivede lhumanit et que ces rapports ont une logique et une histoire. Il distingue letype descriptif du type classificatoire. Dans un systme descriptif, les parents enligne directe sont clairement distingus des parents en lignes collatrales. Dans unsystme classificatoire, certain des collatraux, ou tous, sont classs dans lesmmes catgories que les parents en ligne directe. Il souligna limportance desrgles de mariage dans les divers systmes de parent et dmontra que le mariageest un change de femmes entre des groupes sociaux avant mme dtre unerelation entre des individus de sexe oppos. Il affirma que le clan avait t la formedominante dorganisation sociale chez tous les peuples qui avaient dpass le stadede la sauvagerie et avait servi de point de dpart une volution vers la civilisation.

    Morgan chercha a tablir des rapports de correspondance structurales entreformes de production, formes de parent et formes de conscience sociale. Ladcadence des systmes classificatoires et la dominance des systmes descriptifsdans lhistoire occidentale devaient tre lies au dveloppement de la propritprive et de lEtat. Le dveloppement de la proprit prive avait transform lesproblmes dhritage des biens et rendu imprieux de distinguer entre les lignes

  • Histoire de lanthropologie politiqueAnnexe 2 : Les grands auteurs : Morgan

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    directes et les lignes collatrales de consanguins. Le dveloppement de lEtat, ensubstituant la protection de la loi celle des parents, avait affaibli la solidaritinterne des vastes groupes de parent.

    Morgan prit de lhistoire toute entire une vue sociologique et caractrisalvolution de lhumanit par lapparition et la succession ncessaires de socitssans classes et de socits de classes domines par LEtat et bases sur des formesdiverses daccumulation de la proprit des richesses. La civilisation tait ne delapparition de classes sociales et de lEtat. Archologie, anthropologie, histoireantique taient mises contribution pour une mme tche, lexplication scientifiquede lhumanit.

    Il est vraisemblable que les grandes poques du progrs humain ontconcid plus ou moins directement avec les priodes o les sources de subsistancedevenaient plus nombreuses et plus abondantes (la Socit archaque).

    Engels a repris une partie des thories dveloppes par Morgan danslOrigine de la famille, de la proprit prive et de lEtat.Les limites de lvolutionnisme.

    Le vaste tableau de lhistoire de lhumanit bross dans la Socit archaquereposait sur une information scientifique aujourdhui dpasse. Morgan a exclultude des religions primitives du champ de lanthropologie en y voyant seulementun ensemble de coutumes grotesques. Lhistoire humaine se trouve donc amputedune de ses dimensions essentielles.

    Luvre repose sur plusieurs sries de principes opposs et se trouveinstalle dans une ambigut. Elle souffre des limites dun volutionnisme qui serfre une conception du dveloppement par stades successifs partir dungerme initial voluant selon un sens unique. Cette squence volutive de Morgansest croule morceau aprs morceau, avec les progrs mmes de la science quilavait contribu fonder.

    Luvre de Morgan reste une source fconde denseignement la fois danssa russite et dans ses checs.

  • Histoire de lanthropologie politiqueAnnexe 2 : Les grands auteurs : Engels

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    Engels (1820 - 1895)

    Frderich Engels est n Barmen dans une famille dindustriels filateurs qui possdaientgalement dune succursale Manchester (Grande-Bretagne). Il tudie la philosophie etest membre actif des cercles hgliens de gauche. En 1842, il mne une enquteapprofondie sur le dveloppement du capitalisme en Angleterre, sur la situation duproltariat anglais et ses tendances politiques dont les principaux lments paratrontdans la Situation de la classe laborieuse en Angleterre (1845). Dans cet ouvrage, Engelsdfinit le concept de rvolution industrielle .En 1844, il rencontre Karl Marx Paris et en commun, ils publient le Manifeste du particommuniste (1848). La mme anne, Engels prend part linsurrection arme desrpublicains allemands.Le thoricien du marxisme historique.

    Jusquen 1870, Engels est associ la direction de la succursale deManchester. En mme temps, il poursuit sa collaboration avec Marx : Le Capitaldoit une part essentielle aux travaux dEngels.

    Engels tudie les origines de la question paysanne en Europe, les problmesde la guerre et du fonctionnement des appareils militaires ; il est le successeur deClausewitz et le prdcesseur de Lnine, Trotski et Mao Zedong.

    En ce qui concerne lvolutionnisme, Engels critique lextrapolationsociologique des concepts biologiques. Dfinissant lconomie politique commescience des conditions et des formes dans lesquelles les diverses socits humainesont produit et chang, et dans lesquelles en consquence les produits se sontchaque fois rpartis, il assigne au matrialisme historique comme objet de ltudedes lois dvolution internes chaque mode de production.

    LOrigine de la famille, de la prorpit prive et de lEtat (1884) fut inspirepar L.-H. Morgan. Engels prend comme fil conducteur la thse matrialiste que le facteur dterminant , en dernier ressort, dans lhistoire, cest la production et lareproduction de la vie immdiate , selon la double articulation dfinie dans LeCapital :

    production des moyens de production production des moyens de consommation

    Il montre que les formes de la famille sont historiquement relatives lanature des rapports de production dominants, que le fonctionnement des rapportsde parent communautaires est incompatible avec lexploitation de classe quiengendre au contraire lEtat comme forme institutionnalise de rpression desclasses exploites par la classe dominante.

    Engels contribue fonder la possibilit dune anthropologie historique ( lafois conomique et politique) distincte de lanthropologie philosophique tellequelle avait rgn de Locke Rousseau, Kant.

    Politique dans la philosophie.A la fin de sa vie Engels sest efforc de constituer une thorie des idologies

    et de lEtat, une histoire des conceptions du monde (religieuse, juridique,proltarienne) et par l de dvelopper une analyse des mouvements de masse quiconstituent les forces motrices concrtes du procs historique.

  • Histoire de lanthropologie politiqueAnnexe 2 : Les grands auteurs : Maine

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    Maine

    Maine, Henry James Sumner (1822 - 1888), est un historien du droit et un hommepolitique britannique. Il peut tre considr comme le fondateur de la sociologie et delanthropologie juridiques. Il a t professeur de droit civil Cambridge, journalistespcialis dans les affaires internationales. En 1861, il publie Ancient Law, ce qui lui vautdtre dsign au cabinet du vice-roi des Indes Calcutta o il exerce une influencedirecte sur la lgislation indienne de lpoque. A la fin de sa vie, il occupe la chaire dejurisprudence Oxford et sige au bureau de lIndian Council de Londres.

    Il part de lide que le droit est insparable de la religion. Les responsabilits sontcollectives et le modle de la famille patriarcale dfinit des liens de parent agnatiqueperptus par des rites solennels et incarns par une proprit indivise La dissolutionprogressive de ce modle et de ces liens, lmergence de lindividu comme personnalitlgale expliquent cette transition par laquelle il caractrise laccession des socitsorientes vers le progrs lautonomie du droit. La conception de la souverainet sediffrentie en quatre tapes :

    famille Etattribuslignage

    Lunit de la socit archaque est fonde sur la famille et le lignage tandis que lasocit moderne est fonde sur lindividu. Lagrgation des tribus forme lEtat. Maineoppose la socitas la civitas.

  • Histoire de lanthropologie politiqueAnnexe 2 : Les grands auteurs : Tnnies

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    Tnnies

    Tnnies (1855-1936) est connu pour la distinction quil a effectu entrecommunaut (Gemeinschaft) et socit (Gesellschaft) dans Communaut et socit. Il estprsident, pendant la priode de Weimar de la socit allemande de sociologie

    Les concepts de communaut et de socit reposent sur un fondementpsychologique, sur la reconnaissance de deux formes de la volont humaine :

    la volont organique dpendant de la vie vgtative, se manifeste par le plaisir,lhabitude, la mmoire

    la volont rflchie ou rationnelle, pur produit de la pense se manifeste par larflexion et la dcision.

    La communaut nat partir de la famille. Dans la socit, biens et individus, sontorganiquement spars ; lchange est le seul contenu de la vie sociale, manifest par lecontrat.

    Pour Tnnies, la morale est appele se dissoudre dans la socit : La grandeville et la socit en gnral reprsentent la corruption et la mort du peuple . Sa rflexiondevait aboutir une analyse historique globale de lvolution de la socit contemporaine ; ilnen a livr que des fragments : Geist des Neuzeit - lEsprit de la priode contemporaine(1935), Fortschritt und soziale Entwicklung - Progrs et dveloppement social(1926)

  • Histoire de lanthropologie politiqueAnnexe 2 : Les grands auteurs : Durkheim

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    Durkheim.

    Durkheim est, de tous les sociologues classiques, celui qui reste le plus prsent dans lasociologie contemporaine. Il est convaincu que lhomme ne peut tre heureux que dansune socit qui lui impose normes et contraintes.Les antcdents

    Durkheim est n Epinal en 1858 dune famille de rabbins ; il prparelEcole Normale Suprieure au Lyce Louis-le-Grand o il entre en 1879. Sesmatres penser sont Spencer, Auguste Comte. Il retient de leur uvre, le modledune recherche sur les lois guidant lvolution des socits.

    Ce quil lui importe avant tout est de constituer une science capabledclairer les socits sur leurs maux, capable dindiquer les lignes daction partirdesquelles il serait possible damliorer les rapports entre lindividu et la socit.

    Chronologie de luvre.Rien de bon pour la socit ne lui parat devoir sortir de lopposition des

    classes. Il voit dans les doctrines socialistes la consquence des drglementssociaux entrans par lvolution des socits industrielles. Cest le thme de sondoctorat, De la division du travail social.

    En 1895, il publie les rgles de la mthode sociologique et fonde lannesuivante lAnne sociologique. En 1897, il publie, Le suicide, tude de sociologie.Enfin, ses rflexions sur les phnomnes religieux culmineront en 1912 avec lesFormes lmentaires de la vie religieuse.

    En 1913, la chaire de Durkheim prend le titre de chaire de sociologie de laSorbonne .

    Les chefs doeuvreDe la division du travail social.Dans la Division du travail, Durkheim tente dtablir une loi volutive : celle

    du passage de la solidarit mcanique la solidarit organique.La solidarit mcanique caractrise les socits archaques : les individus sont

    semblables les uns aux autres ; ils partagent les mmes sentiments, obissent auxmmes croyances, aux mmes valeurs. Cest la similitude qui cre la solidarit

    La solidarit organique, caractristique de nos socits, rsulte au contrairede la diffrenciation des individus. Les individus sont lis les uns aux autres parcequils exercent des rles et des fonctions complmentaires lintrieur du systmesocial.

    Ces deux types de solidarit constituent les deux ples entre lesquels voluela socit. Pour que les individus prouvent le besoin de se rpartir des tches ;, ilfaut quil existe une conscience de lindividualit qui ne peut rsulter que de ladivision du travail.

    Lhypothse de Durkheim est que la solidarit mcanique est socialementrenforce par un droit de nature surtout rpressive, tandis que la solidaritorganique implique un droit de nature restitutive. Lorsque la solidarit estorganique, toutes sortes dactes empchant le fonctionnement de cette solidaritpeuvent tre sanctionns par les rgles du droit restitutif.

    Les rgles de la mthode sociologiqueDans les rgles, Durkheim sest fix deux objectifs :

  • Histoire de lanthropologie politiqueAnnexe 2 : Les grands auteurs : Durkheim

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    dmontrer et dfinir les aspects de la sociologie dcrire les mthodes propres cette discipline.

    Lexplication des faits sociaux ne peut gnralement tre donnedirectement, mais suppose une dmarche inductive analogue celle quutilisent lessciences d la nature. Dans les sciences de lhomme lobservateur et lobservappartiennent au mme ordre de la nature.

    Dautre part, lexplication dun fait social doit toujours tre recherche dansun autre fait social.

    Le SuicideDurkheim veut dmontrer la spcificit du social propos dun phnomne

    relevant apparemment surtout de la psychologie individuelle. Le suicide estincontestablement un phnomne social puisque les taux de suicide varientconsidrablement et rgulirement en fonction des milieux.

    La proccupation centrale de Durkhiem est celle de linsertion de lindividudans la socit, lanalyse des dsordres sociaux et leur influence sur lindividu.

    Les formes lmentaires de la vie religieuse.Lintrt de Durkheim pour les phnomnes religieux est ancien : il publie en

    1899 une tude sur la Dfinition des phnomnes religieux. Il est convaincu que lerle de la religion traditionnelle devait saffaiblir avec le progrs scientifique et ilest persuad de limportance des croyances collectives pour la vie des socits.

    La religion est conue comme un phnomne dessence universelle ; ilnhsite donc pas tudier le totmisme australien pour dmontrer sa thse. Ilinsiste sur lopposition entre sacr et profane. Une religion est un systmesolidaire de croyance et de pratiques relatives des choses sacres, cest--direspares, interdites .

    Pour Durkheim, la seule force relle qui dpasse les individus et prend poureux la forme dune force anonyme et diffuse est la socit elle-mme. Toute socitimplique donc une autorit morale de la collectivit sur lindividu, autorit quisexerce non par la contrainte, mais par le respect. Ce respect est la source dusacr, il explique par consquent le phnomne de la religion.

  • Histoire de lanthropologie politiqueAnnexe 2 : Les grands auteurs : Schumpeter

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    Schumpeter.

    Son uvre ne se rattache aucune cole prcise. Sa proccupation a t dunirtroitement lusage de la thorie conomique celui de la statistique, de lhistoire et dela sociologie pour traiter les problmes conomiques de son temps. Schumpeterdemeure lun des plus grands conomistes du XXme sicle par la subtilit, la vigueur et lanouveaut de ses analyses et la hauteur de ses vues.Lhomme et son uvre.

    Schumpeter est n en 1883 Triesch en Moravie. Il reoit Vienne uneducation aristocratique. Il fait des tudes de droit et dconomie dans la capitaleautrichienne de 1901 1906. En 1909 il est titulaire dune chaire luniversit deCzernowitz, puis de Graz (1911).

    En 1912, il publie son premier ouvrage, la Thorie de lvolutionconomique. Aprs la guerre, il est tent par la vie politique et pendant un an, il estministre des finances dun gouvernement socialiste.

    En 1932, il accepte la chaire de luniversit dHavard o il restera jusqu' samort (1950). Ses principales oeuvres sont Capitalisme, socialisme et dmocratie(1942) et lHistoire de lanalyse conomique (ouvrage posthume).

    Il est un des derniers conomiste matriser le champ entier dune disciplinedont le