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Cinéfête 3 Ressources Humaines 1

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Cinéfête 3

Ressources Humaines

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Ressources humaines

de Laurent Cantet

I. Fiche technique II. Résumé III. Les personnages

A- Franck B- Le père C- La mère D- Le DRH E- Le patron F- Madame Arnoux, la syndicaliste G- Alain, l’ami de Frank

IV. Extraits de dialogues du film V. Pistes d’observation VI. Pistes d’exploitation VII. Informations supplémentaires, bibliographie et sites Internet

Dossier réalisé par le CCCL de Mayence sous la direction d'Yves Lucas

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Affiche du film

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I. Fiche technique Réalisateur : Laurent Cantet Scénario : Laurent Cantet, Gilles Marchand Caméra : Matthieu Poirot-Delpech, Claire Caroff Musique : Philippe Richard, Antoine Ouvrier Acteurs : Jalil Lespert Frank

Jean-Claude Vallod le père Chantal Barré la mère Véronique de Pandelaère la sœur Lucien Longueville le patron Pascal Sémard le DRH Danielle Mélador la syndicaliste Didier Emile-Woldemart l’ami de Frank

Année de sortie : en France :15 janvier 2000, en Allemagne : 3 juillet 2001 Durée : 1 h 40 Récompenses : Prix européen du film 2000 / Prix Fassbinder ; César 2001 :

meilleur premier film français ; meilleur acteur pour Jalil Lespert ; San Sebastian :«New Directors Award« ; premier film, meilleur acteur ; Thessalonique : meilleur scénario, Turin : meilleur premier film, Prix Cicutti, mention particulière pour Jean-Claude Vallod ; Belfort : prix du jury, prix du public ; Buenos Aires : Grand Prix du Jury ; Paris : Prix Delluc, meilleur film ; Preis des Deutschen Gewerkschaftsbundes.

Age cible : à partir de 14 ans Niveau linguistique : à partir de 3 ans de français II. Résumé de film Frank a réussi : il est sorti du milieu ouvrier, a fait des études à Paris où il a obtenu un diplôme en économie. Il revient chez ses parents, dans la petite ville de province où il a grandi, pour faire un stage dans l’entreprise où son père est ouvrier. Frank est la fierté de la famille. A l’usine, Frank fait partie des cols blancs, il est apprécié du patron. Comme adjoint au DRH (Directeur des Ressources humaines), il prépare un plan de restructuration de l’entreprise en vue d’introduire la semaine de 35 heures. Ce plan prévoit l’introduction de nouveaux horaires de travail mobiles. Devant la méfiance des syndicats, Frank propose à la direction de l’usine une consultation du personnel. Mme Arnoux, la syndicaliste CGT, s’oppose à Frank. Cependant la consultation a lieu. Le père de Frank, qui travaille depuis 30 ans à l’usine à la même machine, est décontenancé par le questionnaire.

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Pour exploiter l’enquête, Frank a besoin d’un ordinateur disponible, il se sert de celui du DRH, sans avoir demandé son autorisation. Il tombe alors par hasard sur un document, un plan de restructuration remanié qui prévoit des licenciements, dont celui de son père. Désemparé, Frank va chercher conseil auprès de sa soeur, qui travaille également dans l’usine. Les résultats de l’enquête ont été manipulés, Frank est exclu de la réunion au cours de laquelle le patron présente le plan de restructuration. Il se sent „utilisé«, trahi. Bien qu’il soit proposé par son patron comme futur cadre supérieur au sein du groupe industriel auquel appartient l’usine, Frank décide de changer de camp. Il veut se battre pour son père. La nuit, il s’introduit dans l’usine, imprime le document de licenciement, le placarde sur la porte de l’usine. Le lendemain, le patron le jette dehors. Pour le père, tout s’écroule, non pas parce qu’il est licencié, mais parce que l’avenir de son fils s’effondre: Il a trimé pendant des années pour payer les études de son fils, pour qu’il s’en sorte, pour qu’il mène une vie meilleure que la sienne. Frank participe à l’occupation de l’usine, avec les syndicats. Son père, lui, refuse de faire grève. La confrontation entre le père et le fils est inévitable. Dans une scène d’une tension extraordinaire, Frank accuse son père de lui avoir transmis la honte d’être fils d’ouvrier. Frank ne sait plus où est sa place. III. Les Personnages A- Frank C’est le personnage central du film. Frank Verdeau vient de terminer ses études de sciences économiques (BWL) à Paris. Jeune diplômé, il a décidé de faire un stage dans l’entreprise où son père travaille comme ouvrier. Affecté à la DRH, la Direction des ressources humaines (Personalabteilung), il est tout de suite considéré comme un cadre dans l’entreprise. D’emblée, il acquiert la reconnaissance et la confiance du patron qui voit en lui un futur chef d‘entreprise. Frank sait en effet utiliser avec intelligence et efficacité ses connaissances théorique. Devant l’hésitation de la direction face à l’application de la loi des 35 heures dans l’entreprise, Frank propose une consultation auprès des ouvriers. Professionnellement Frank se montre intelligent, modeste, humain et serviable, efficace, conscient des enjeux économiques. Tout le monde est d’avis qu’il fera carrière. Frank est le personnage le plus complexe du film, celui qui incarne la problématique posée par le réalisateur sur l'ascension sociale et l'articulation entre vie privée et professionnelle. C’est en particulier dans la relation à son père que s’exprime cette tension. Il n’y a plus de possibilité pour eux d’établir un lien fondé sur la compréhension parce que leur vision du travail et de la place de l’homme dans la société s’opposent. Frank est tourmenté, il a perdu les liens avec son enfance, sa famille. En même temps il porte en lui le poids de son appartenance au monde ouvrier que son père l’a incité et aidé à fuir. A cause de cette appartenance qu’il ne veut pas renier, il ne se sent pas vraiment du même bord que les autres cadres, sa nouvelle catégorie sociale. Pourtant, quand il change de camp, il reste en retrait et comme un étranger au milieu des ouvriers, ses compagnons, bien qu’il ait initié leur combat. Frank ne parvient pas à se réconcilier avec lui-même. Il incarne la faillite des deux filiations (celle avec le père, puis celle avec le patron) et le malaise de l’homme devant la globalisation. B- Le père C’est un personnage émouvant et tragique. Il est émouvant comme père, soucieux du bonheur de sa famille, en particulier de celui de son fils pour lequel il a sacrifié sa vie.

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Il a trimé 30 ans pour lui permettre de faire des études, pour qu’il vive mieux que lui, pour qu’il ait une meilleure position sociale. Il semble incapable d’avoir d’autres ambitions qu’une vie modeste d’ouvrier dans sa petite maison soignée. Il est, au sens marxiste, un homme aliéné par le travail puisqu’il reconstitue même un atelier dans sa propre maison. Il est fixé à la machine qu’il sert, qui lui impose sa cadence. Le spectateur ne sait pas à quoi servent les pièces dont il serre les boulons. Le sait-il lui-même ? Il ne semble pas comprendre son travail qu'il aime pourtant sans que le spectateur ou son fils puisse saisir pourquoi. Seul n jeune collègue qu'il a formé peut lui servir d'interprète. Il travaille sans fierté, vit par procuration : le but de sa vie, c’est de donner à son fils la possibilité de n’être jamais obligé de faire un travail comme le sien. Cet effacement lui interdit de prendre conscience de sa condition, de revendiquer ses droits (il ne fait pas grève), sa dignité il ne bronche pas quand le contremaître l’humilie devant son fils en lui reprochant de ne plus être assez rapide. Quand son fils passe du côté des ouvriers, c’est sa raison d’être qui s’effondre. Habitué à l’effacement, au sentiment d’être sans valeur propre, il reste sans défense devant les reproches que lui adresse son fils. Jean-Claude Vallod est lui-même ouvrier et joue ce rôle. C- La mère Comme son mari, elle admire son fils. Elle est aux petits soins pour lui, veut lui monter sa valise dans sa chambre, s’excuse qu’elle ne soit pas bien rangée. Elle ne l’a jamais vu porter un costume : tu es un beau gars, lui dit-elle. Elle cherche à rétablir l’harmonie, la cohésion de la famille quand le conflit éclate entre le père et le fils. Contrairement au père qui subit, elle est active, cherche à comprendre le fils, discrètement elle le soutient. Quand il est en grève et ne rentre pas à la maison, elle lui porte du linge propre. D- Le DRH Le directeur des ressources humaines (DRH) est l’exemple de l’employé dévoué à son chef. Il le sert sans états d’âme ; il prépare son plan de licenciements comme une action de pure stratégie, les personnes ne comptent pas. Il est le gardien de la hiérarchie dans l’entreprise. Il affronte les employés et les délégués syndicaux comme des ennemis qu’il faut vaincre par la ruse. Il se méfie de la franchise de Frank, lui cache son plan. C’est l’âme damnée du patron. E- Le patron Le personnage du chef d’entreprise correspond auc clichés sur les patrons. C’est un chef d’entreprise pour qui la réussite de l’entreprise, sa survie passe bien avant le sort des employés et des ouvriers. Il a, par ailleurs, un côté bon vivant, plein de rondeur, paternaliste et même affectueux envers Frank, qu’il considère bientôt comme un fils. Il accepte le rapport de filiation que lui transmet le père de Fank. Mais c’est aussi un dirigent sans scrupule : il manipule la consultation qu’il laisse à Frank le soin d'organiser et prépare à son insu un plan de licenciements qui inclut le propre père de Frank. Il se montre violent dans le geste par lequel il jette son ancien protégé à la porte de l’usine. Lucien Longueville est chef d’entreprise et joue son propre rôle. F- Madame Arnoux, la syndicaliste. La déléguée syndicale CGT (Confédération Générale des Travailleurs, d'obédience communiste) apparaît d´emblée comme la syndicaliste type presque caricaturale par son comportement combattif, agressif, sa langue de bois, sa méfiance viscérale „de classe« envers les patrons et les cadres, son sens de la stratégie. Sa longue expérience de militante lui permet de „sentir« le piège que recèle la consultation organisée par Frank. Elle se méfie de lui. Elle est courageuse, solidaire, mais tout dans

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son personnage est stéréotypé. Cependant, elle s’humanise dans les scènes finales du film. On peut même parler de retournement du personnage quand elle éprouve de la pitié pour le père de Frank dans la scène où celui-ci humilie publiquement son père. Elle prend alors la défense de l’ouvrier qui a refusé de faire grève. Danièle Mélador, qui joue le rôle de la déléguée syndicale, a elle-même un passé de militante CGT. G- Alain, l’ami de Frank. Alain est un OS (ouvrier spécialisé), un métisse, probablement d’origine antillaise, Il travaille sur le même type de machine que le père de Frank pour lequel il a une grande considération. Le spectateur n’a pas d’emblée l’impression qu’il existe des liens solides entre Frank et Alain. Comme les autres ouvriers, Alain se méfie de Frank. Il ne veut pas remplir le questionnaire. Plus tard, quand Frank passe du côté des ouvriers, Alain et Frank deviennent des alliés, de vrai complices : Ils pénêtrent ensemble dans l’usine, par le toit, lorsque Frank décide de sortir le document pour le divulguer. C’est Alain qui soude la porte d’entrée de l’usine. Il devient le confident de Frank, l’héberge pendant la grève, lui présente ses enfants, sa femme. Grâce à Alain, Frank semble découvrir des valeurs dont il n’avait pas éprouvé l’importance : aimer son travail, être solidaire, fonder un foyer, se poser la question de sa place dans la société. Alain, plus mûr, fait figure de grand frère. Malgré sa situation précaire, il devient le soutien moral de Frank. C’est un des personnages les plus attachants, le seul qui sache établir des liens entre les différents protagonistes. Il donne une cohésion au film. IV. Extraits de dialogues de film 1er dialogue Après la première journée de Frank à l´usine La mère : Alors, qu´est-ce que t´as fait aujourd´hui? Frank : Oh, ben tu sais pas grand chose, c´etait le premier jour. La mère : T´as pas travaillé du tout? Frank : Non, j´ai pas eu le temps. Je me suis installé dans mon bureau, j´ai mis un peu d´ordre,trouvé ma place. La mère : T´as un bureau à toi? Frank : Ben oui, j´ai un bureau à moi. La mère : Ah... Frank : C´est pas le grand luxe, mais j´ai un bureau, ouais. Et puis aujourd´hui, il y avait la cantine aussi. C´est pas mal la cantine papa, hein? Je devais déjeuner avec le patron, finalement il a déjeuné avec un fournisseur. D´ailleurs, vu sa bedaine, à mon avis, il doit plus souvent déjeuner avec des fournisseurs qu´à la cantine ! Le père : Ça lui arrive de manger à la cantine. Frank : Ah bon ? pas souvent à mon avis. Le père : Si de temps en temps, et puis tu verras toi aussi un jour t´en feras des repas d´affaire. Dis donc, tu verras que toi aussi, un jour, tu l´auras ta petite bedaine. La mère : Alors t´as mangé avec qui? Frank : J´ai mangé à la table des cadres. D´ailleurs, je me suis ennuyé à mourir parce que déjà ils sont sinistres et puis surtout ils sont pas très futés. Le père : Commence pas comme ça toi. Pour qui tu te prends toi?

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Frank : Je me prends pour rien de spécial. Je dis juste que demain, j´aimerais bien manger avec vous parce que vous, vous rigolez. Le père :Ça, sûrement pas, tu vas pas commencer à en faire qu´à ta tête, tu dois te faire respecter. Frank : Papa, arrête! Le père : Si, si tu manges avec nous, ça sera vu comme du copinage et l´après-midi quand t´iras voir un gars au pied de sa machine, il te répondra : Dis donc Frank, à midi on a bien rigolé, hein? ben, il t´enverra chier. Frank : Papa, c´est quoi cette façon de penser? Si j´ai envie de manger avec quelqu´un que je connais depuis vingt ans... Le père : Non, à l´usine ce sont des ouvriers, pratiquement tes employés. Frank : Mais, c´est pas mes employés puisque moi, je suis stagiaire. Le père : Si, t´es quand-même amené à les diriger (sonnette) et trop de copinage c´est pas bon pour le respect. La mère : Oh, laisse-le tranquille au lieu de lui faire la leçon. Le père :Oh....pff 2ème dialogue Réunion du conseil d´administration Le patron : Comme vous avez pu le voir dans la circulaire, nous avons ce mois-ci encore renoué avec les bénéfices, et je pense que c´est tout à fait favorable. Nous restons quand-même dans une fragilité permanente et il est clair qu´il ne faudrait surtout pas crier victoire trop tôt. Mme Arnoux : non, mais attendez là ! On connaît la chanson: quand ça va pas il fautfaire des sacrifices et quand ça va il faut encore faire des efforts, ça, vous nous lefaites à chaque fois. Mais là, aujourd´hui, on est là pour parler des 35 heures et deleur application rapide. Le patron : Madame Arnoux, votre impatience me fait sourire. Mais c´est vous qui bloquez toutes négociations depuis déjà trois mois. Mme Arnoux : Mensonges ! Le patron : Bon, écoutez, comme je vous l´ai dit, l´entreprise reste fragile et vous savez très bien que les 35 heures vont nous coûter cher. Les aides de l´Etat ne suffiront pas,il va falloir que tout le monde y mette du sien. Il est clair que nous ferons des efforts mais vous aussi, vous aussi vous ferez des efforts. Mme Arnoux : Vous avez décidé là de faire les questions et les réponses, hein. Mais votre position, on la connaît, on sait que vous allez essayer de profiter des 35 heures pour revenir sur des acquis, pour revenir sur des dispositions en faveur des salariés. Le patron : Mais nous, on les connaît vos dispositions. Mme Arnoux : On vous laissera pas faire! Le patron : Mais nous aussi on les connaît vos positions: travailler moins, gagner plus. Et puis si vous laissiez un petit peu se dérouler normalement l´ordre du jour on aurait peut-être des avis un peu moins butés que le vôtre. Le délégué : N´essayez pas de jouer la division, nous sommes tous solidaires Le patron : (marmonnements) Mme Arnoux : De toute façon on ne fera plus de sacrifices, on a payé assez cher les licenciements des gars que vous avez faits l´année dernière. Le patron : Mais heureusement ! Mme Arnoux : Quoi heureusement ? Le patron : Heureusement !

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Mme Arnoux : Heureusement ? Le patron : Heureusement qu´on l´a fait, sinon aujourd´hui on aurait mis la clé sous le paillasson. Mme Arnoux : Voilà, j´attendais... J´avais la clé, le paillasson, ça c´est votre refrain habituel, ça. Le patron : Et je vous le chanterai encore, vous savez très bien que c´est la vérité. Mme Arnoux : Mais ce que vous savez aussi vous, c´est que le groupe auquel appartient l´entreprise fait des bénéfices énormes.... Le patron : Mais c´est du délire ! Mme Arnoux : ..et qu´ils en profitent pour aller faire travailler les gosses en Corée ! Le patron : C´est du délire, hé ! faut vous faire soigner, chère Madame, où vous allez là ? Vous avez pas pris vos gouttes ce matin ! Mme Arnoux : Ah voilà ! voilà ! Le patron : et vous commencez à me faire chier. Mme Arnoux : Voilà... On commence la réunion avec du chère Madame et on aboutit à quoi ? A voir la façon dont vous me traitez actuellement, à la vulgarité. Merci, j´aime mieux ça, c´est votre vrai visage. Le délégué : S´il vous plaît. Ce que veut dire Danièle, d´une manière toujours un peu vive.... Mme Arnoux : eh oui.. Le délégué : ...c´est qu´en tant que représentants syndicaux, nous serons très vigilants durant ces négociations. Pour notre part, nous sommes pour les 35 heures, mais dans la perspective de créations d´emplois et sans perdre de vue l´amélioration générale de toutes les conditions de travail. Le patron : Au moins, c´est un point de vue un peu moins buté, un peu plus raisonable que le vôtre. Mme Arnoux : Attendez, c´est ce que je vous dis, je dis rien d´autre moi, moi je dis qu´on doit pas revenir sur tout ce qui a été acquis, assez difficilement d´ailleurs. Le patron : Ecoutez Madame, vous me donnez une nouvelle fois la preuve de l´archaïsme des syndicats français. Il est hallucinant qu´à l´aube de l´an 2000 vous n´ayez pas encore compris que l´intérêt des ouvriers, c´est que les entreprises fassent des bénéfices. Mme Arnoux : Vous allez peut-être me demander aussi d´être capitaliste ? Le patron : Ça j´aurais du mal, ça serait beaucoup trop beau. Bon s´il vous plaît, on va peut-être essayer de revenir à l´ordre du jour, ça me paraît, plus important. Merci. 3ème dialogue Frank vient de découvrir le plan de licenciement qu‘on lui avait caché Le patron : Qu´est-ce qu´il t´arrive ? Frank : Je voulais vous dire,votre proposition de boulot, vous pouvez vous la garder. Le patron : Qu´est-ce que tu racontes ? Frank : J´aime pas vos méthodes, j´aime pas votre façon de faire, vous jouez constamment un double jeu, vous décidez d´organiser cette consultation, vous êtes tout gentil, tout miel.... Le patron : C´est ta consultation, c´est pas toi un soir qui m´a raconté comment on pouvait faire changer les syndicats ? Frank : Mais attendez, il aurait fallu aller jusqu´au bout de la démarche. Normalement, cette consultuation, elle devait préparer une négociation, mais je crois que vous, tout ce qui vous intéressait, c´était en fait de tendre un piège.

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Le patron : Qu´est-ce que tu racontes ? Frank : Laissez-moi terminer, parce que, avec ma consultation, je vous ai fourni un alibi en or. Seulement, Monsieur, quand on négocie il faut avoir du courage et ça visiblement vous n´en avez pas. Vous êtes un lâche, vous êtes un lâche parce que, quand on a les pleins pouvoirs, il faut les assumer, plutôt que de ruser constamment comme vous le faites. Le patron : Mais ruser, où est-ce que tu vas chercher tout ça ? Quelle ruse ? Frank : Mais arrêtez ! Parce que je suis au courant de tout le plan de licencement, la fermeture de la soudure, tout, je sais tout. Le patron : ...(blanc)...Qui t’a dit ça ? Frank : je le sais, voilà, vous croyez, que votre bureau il est hermétique. Tout se sait dans une entreprise. Et je peux même vous donner les noms des personnes qui vont être virées. Le patron : Je pense que tu parles de ton père; je lui prépare une retraite. On va pas le licencier. Frank : Mais il ne s’agit pas seulement de mon père, hein ? Vous vous en tirerez pas comme ça. Le patron : Ecoute, sois un peu moins arrogant. Demain, certainement tu dirigeras une entreprise comme celle-ci. T’en as les compétences et tu prendras aussi des décisions de cette nature. C’est ça les chefs. Maintenant c’est vrai, tu détiens des informations très importantes, seulement il faudrait être responsable et au nom de l’amitié que j’ai pour toi, je te demande surtout de ne pas en parler, d’accord ? (Frank part sans dire un mot). 4ème dialogue. Frank et sa mère, après le licenciement du père, après l’expulsion de Frank. Frank : Laisse-moi ! La mère : Qu’est-ce que t’as fait à ton père ? T’as pas vu dans quel état il est rentré ? Il pleurait comme une bonne femme. Je l’avais jamais vu comme ça. Frank : Maman, il doit faire la grève. La mère : Il faut le laisser, il veut pas se battre. Alors maintenant tu le laisses et tu te bats pour toi, pour ton stage, il lui restait 5 ans. 5 ans c’est pas beaucoup. Frank : Tu trouves ça normal, toi ? La mère : Et toi qu’est-ce que tu as gagné dans l’histoire ? T’as gagné d’être mis à la porte, c’est tout. Il y en a pas un dehors, il y en a deux. Frank : Mais moi, c’est pas grave maman. La mère Si c’est grave, c’est même le plus grave, il supporte pas. Frank : Je peux trouver un stage ailleurs, et puis en plus, je pourrais pas rester dans cette boîte. La Mère : Pense à ton avenir, pense à tous les sacrifices qu’on a faits pour toi. Pense à lui. Tu es égoïste. Frank : Non, non ça tu peux pas le dire. La mère Tu le changeras pas. Il est têtu. Frank : Il est têtu, mais il faut que ça change. Il faut qu’il réagisse, il faut qu’il se prenne en main un peu. La mère : Il faut pas être fier comme ça. Frank : Mais si, il faut l’être, il faut être fier, tu sais qu’il faut être fier. Dis-moi que tu le sais. Dis-moi que t’es d’accord avec moi. Aide-moi un peu, maman. La mère : Va le voir, il est dans son garage.

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V. Pistes d’observation Afin de préparer les élèves à tirer le meilleur parti possible du film nous invitons les enseignants à proposer aux élèves différentes pistes d’observation. Ces pistes doivent permettre d’aiguiser le regard des jeunes spectateurs, de les conduire au delà d’une perception brute et parfois brutale des images et de l’histoire. Les observations ainsi enregistrées fourniront des points de repère pour alimenter la discussion après le film, approfondir les thèmes qu’il contient. Le professeur pourra se reporter aussi au VII. (informations supplémentaires). A- Les images présentant le film Comparer les deux clichés, extraits du film : l’un représente Frank et son père (ils sont proches, regardent la machine sur laquelle le père travaille, on imagine cependant des perceptions différentes), l’autre représente le patron et Frank (ils sont assis à la même table, leurs expressions sont différentes). Ces deux images permettent de suggèrer que le film s’articule autour de deux „filiations« à partir desquelles va se construire le « drame ».

B- les lieux de l’action Dans ce film, la géographie des lieux est constitutive de l’action. Les lieux sont les éléments d’une mosaïque. Chaque lieu a une valeur symbolique et est filmé dans des techniques différentes qui contribuent la tension du film, son suspens. Le train. Au début du film, on voit Frank dans un train qui le conduit de Paris à la ville de province, où habite sa famille. Il regarde par la fenêtre, le regard tendu, sans qu’on puisse déchiffrer ce regard. Le paysage qu’il voit n’est pas pittoresque, c’est un paysage banal de la grande banlieue parisienne, avec des usines, une rivière, des bois, des prés. La gare. La gare où l’attend sa famille est quelconque. On ne voit que le quai de la gare qui est vide. De là, on accède directement au parking où est garée la voiture des Verdeau.

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La maison des parents. C’est une maison dans un lotissement, dans une rangée de maisons semblables les unes aux autres, avec un petit espace autour de chaque maison. L’appartement. C’est un intérieur modeste et propre, sans fantaisie : des murs avec des tapisseries à l’ancienne, la reproduction des tournesols de Van-Gogh au mur. L’usine. On peut identifier des lieux bien distincts : les bureaux, avec celui du patron,du DRH, de la secrétaire, la salle de réunion, et les ateliers, avec, en particulier, la place qu’occupe la machine sur laquelle travaille le père de Frank. L’usine est pour les ouvriers à la fois un univers familier, et même un lieu de convivialité (la cantine, les vestiaires, la cour), et un univers étranger, menaçant (voir l’affiche sur les mécanismes inconnus). Frank avait vécu près de l’usine et n’y était jamais entré. Le film a été tourné dans une usine qui existe réellement en Normandie. L’espace extérieur autour de l’usine : La cour, la clôture, la grille forment des zones de protection. Les espaces extérieurs à l’usine : Les élèves pourront en identifier plusieurs : la route qui conduit à l’usine, le bistrot (avec les copains), le restaurant (avec les parents), la voiture (celle des parents de Frank et celle du patron). C- Les retrouvailles de Frank avec sa famille Les rapports de Frank avec les différents membres de sa famille (père, mère, soeur, beau-frère) sont intéressants à observer sous l’aspect des „retrouvailles«. On devine un profond attachement des uns envers les autres. Mais ils ne se perçoivent plus de la même façon depuis que Frank est parti faire ses études à Paris. Le père admire son fils, est fier qu’il porte désormais costume et cravate. La mère l’admire aussi, tous les deux parlent à voix basse quand Frank travaille, pour ne pas le déranger. Ils considèrent qu’il fait partie maintenant d’un autre monde il aura bientôt une petite bedaine, observe le père, à cause des repas d’affaire. Cela énerve Frank. Une distance s’est créée entre fils et parents. En revanche, les rapports entre Frank et sa soeur semblent être restés plus proches : il lui demandera conseil. D- Les rapports de Frank avec ses camarades d’enfance. Ce sont des rapports de gêne. Ses anciens camarades se méfient de lui : il est passé de l’autre côté de la barrière, d’une certaine façon, ils considèrent qu’il a trahi ses origines, il a quitté la ville et est maintenant du côté des patrons. Il n’y a plus de familiarité, plus de dialogue possibles. Frank ressent cet éloigement. Pourtant, il utilise son ancienne proximité pour „faire passer« sa consultation auprès des employés de

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l’usine. Après sa rupture avec la direction, Frank se retrouve aux côtés de ses anciens camarades. Mais, il reste en retrait. Il n’a plus sa place auprès d’eux. E- Les rapports de Frank avec son patron. Faire observer les scènes-clés où Frank et son patron sont ensemble : à l'arrivée de Frank à l’usine, quand le patron le reconduit en voiture, lors de leur altercation (3ème dialogue), lorsque le patron expulse Frank. Le patron de l’usine accueille le jeune stagiaire comme un futur cadre dont il veut faire son allié, son adjoint, dont il veut promouvoir la carrière, il l’accueille comme quelqu’un qui est désormais du même camp, du même côté de la barrière, bien plus il le traite comme un fils, il fait partie dorénavant de la même famille. L’un des thèmes centraux du film est celui du transfert de la filiation père / fils à la filiation patron / jeune cadre. Mais le rapport entre le patron et Frank est aussi placé, comme celui entre le père et le fils, sous le signe de la fidélité / Infidélité. La filiation patron / stagiaire va également se briser : le patron trahit Frank : il utilise Frank et son capital de confiance auprès des ouvriers, le manipule pour arriver à ses fins et Frank, déçu et révolté, trahit à son tour son patron et la classe où il avait été admis, pour défendre les ouvriers. F- Le rôle des portes dans la mise en scène Il est utile d’attirer l’attention des élèves sur le rôle des portes dans la mise en scène du film. Non seulement elles délimitent des espaces entre les personnes et les groupes mais elle sont également des signes : exclusion (fermeture violente), opacité (stores baissés),accueil (ouverture), transparence (silhouette derrière un verre dépoli). Elles s’ouvrent à ceux qu’on veut accueillir, elles se ferment devant celui qu’on veut exclure, pour lui interdire de savoir ce qui se passe, ce qui se dit, ce qui se trame. Elles permettent aussi de deviner, de donner à voir par exemple, à travers une vitre dépolie, des gestes adoucis par le flou de la demi transparence, par exemple. Elles constituent une sorte de symbolique et contribuent à accentuer le rythme, la tension, le suspens. Frank est souvent entre deux portes (cf „être aussi entre deux chaises«) G- Monde du travail / sphère privée Le film - et son „message« - est construit sur l’opposition et l’enchevêtrement des deux domaines. L’aller-retour continuel du domaine privé au domaine professionnel est constitutif du film. Frank vient du monde des études, il est d’abord accueilli dans la sphère familiale mais à peine installé, il s’insère déjà dans le monde du travail. Chez son père, le monde du travail interfère dans le domaine privé : M Verdeau construit en effet des meubles chez lui en utilisant ses compétences professionnelles. Le père et le fils se retrouvent ensuite à l’usine devant la machine sur laquelle le père travaille depuis 30 ans. Elle est entrée dans sa vie, il prend sur son temps à lui pour terminer le nombre de pièces à assembler. H- Documentaire et fiction Le film est à la fois un documentaire et une fiction. C’est l’un des meilleurs documentaires sur la vie dans une entreprise en France, en particulier sur les relations entre les diverses catégories de personnels : ouvriers, contremaîtres, secrétaires, cadres, patron, syndicalistes militants. Le metteur en scène a tourné dans une vraie usine, avec prises directes de son, avec des acteurs qui

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occupent réellement dans l’entreprise le rôle qu’ils jouent dans le film. Ce qui est montré correspond à la réalité du début des années 2000. Les situations sont authentiques, y compris celles qui découlent de l’application de la toute récente loi sur les 35 heures. Les conflits décrits ont pu être observés dans d’autres entreprises. La fiction – l’expérience de Frank – donne vie et relief au documentaire, qui sinon pourrait rester purement descriptif. L’authenticité du cadre et des situations renforce à son tour " l'histoire" / la fiction : voir le „héros" évoluer dans un cadre réel donne une crédibilité plus grande, le spectateur a le sentiment de vivre un drame en direct. Cette tension continuelle entre le réel et la fiction est une des grandes réussites du film. I- Le mélodrame. Le récit se déroule d’une manière simple et linéaire, sans distance par rapport à l’action. Le spectateur est conduit d’emblée à s’identifier aux personnages, à vibrer avec eux, à réfléchir en même temps qu’eux. On pourra rendre attentif aux canevas-types du mélodrame dans le film : un univers plutôt manichéen dans lequel les forces antagonistes s’incarnent dans des personnages bien caractérisés, un lieu clos, un genre visuel, adéquation de la lettre (ce qui est montré) et de l’esprit ( ce qui doit être démontré). Mais ici le mélodrame, qui est d’habitude un genre artificiel, coupé du réel, est en prise directe avec la réalité. J- L´ordre social et ses règles Ressources humaines est à la fois une description de l´ordre social et une réflexion sur ses règles, son fonctionnement. Dans le film, la hiérarchie sociale est clairement présentée: le patron, (lui-même soumis à la direction du groupe auquel appartient son entreprise), les cadres, représentés ici par le DRH, le personnel de bureau, représenté par la secrétaire, les contremaîtres, ici en blouse (Kittel) bordeau, les ouvriers, en bleu. Dans le film de Laurent Cantet on peut observer comment chaque catégorie se comporte par rapport à la catégorie supérieure ou inférieure. La réflexion sur les règles de fonctionnement de cet ordre est introduite par le personnage de Frank, le stagiaire, qui passe d´une catégorie à l´autre et n´occupe donc pas dans la hiérarchie une place aussi figée que les autres personnages. Son père lui en fait d'ailleurs le reproche (voir 1er dialogue). Cette réflexion est également introduite à travers certaines scènes qui montrent la fragilité de cet ordre ou le malaise qu´il provoque, y compris chez le spectateur qui s´identifie au personnage (voir IV.9 le mélodrame), par exemple dans la scène où la secrétaire observe que Frank utilise l´ordinateur du DRH sans autorisation (elle est alors du côté de la direction = reproche), suivie de celle où , ayant passé la porte, de l´autre côté de la vitre (transparence → voir IV.6: Rôle des portes), elle découvre le plan de licenciement (elle est alors du côté des ouvriers = compassion/solidarité). Il y a plusieurs scènes de ce type dans le film: scènes patron/Frank, scène Frank/père, scène contremaître/père etc. On peut faire observer également le fonctionnement de cet ordre en dehors de l´usine.

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VI. Pistes d’exploitation A- « Ressources humaines », un film d’auteur Ressources humaines est à l’opposée d’un film à grand spectacle tourné à Hollywood. C’est un film réalisé dans la tradition européenne du film d’auteur. Ce n‘est pas un projet commercial intégrant les sujets qui vont plaire et attirer facilement le public, afin de faire le maximum de recettes. Il n’y a dans ce film aucune scène érotique, ce qui est actuellement condidéré comme indispensable pour assurer un minimum de succès, pas même l'ébauche d'une histoire d’amour. Il n’y a pas non plus de "happy end", de catastrophe finale. Laurent Cantet n‘a pas réalisé un film dans le but d’en faire un succés commercial, il a réalisé un projet qu‘il portait en lui, qui explore l’actualité et ses interactions avec une fiction. B- L’auteur et les acteurs La relation du réalisateur Laurent Cantet avec ses acteurs est particulièrement intéressante. A l’exception du rôle principal, joué par l’acteur professionel Jalil Lespert, tous les acteurs du film sont non–professionnels et incarnent ce qu’ils sont dans la vie. Ils ont été recrutés par le réalisateur dans des ANPE (Arbeitsämter) de la région parisienne. Laurent Cantet décrit sa démarche ainsi : „J’écris d’abord quelque chose d’assez désincarné, puis je fais un casting avec des acteurs non–professionnels, avant de travailler un certains temps avec eux dans une sorte d’improvisation dirigée, pour arriver au bout du compte à écrire un scénario définitif.« Les acteurs ne sont donc pas pour Cantet uniquement des interprètes mais d’abord des partenaires avec lesquels il crée le film. Chaque acteur contribue à la création de son personnage, il se dégage ainsi du film une grande authenticité – qui s’ajoute à celle du lieu. C- Actualité et fiction Se réfèrer, pour cette piste d’exploitation, à IV. 8: L’actualité présentée à travers le film, c’est la vie, les conditions de travail, l’atmosphère, les relations entre les différentes catégories de personnels dans une PME (petite et moyenne entreprise) française au début des années 2000, mais aussi le début de l’application des 35 heures dans une entreprise, la façon dont la direction, les syndicats, les personnels abordent cette réforme du temps du travail. Il y a une dimension documentaire évidente dans le film, et même une dimension pédagogique, par exemple à travers l´élaboration du questionnaire par Frank. Le réalisateur revendique cet aspect du film : „Dans le film il est question des 35 heures, de la loi Aubry, on nomme les syndicats. Je n’avais pas envie de biaiser avec mon sujet." Cantet ajoute : „Mais j’espère que mon film n’est pas informatif... Je veux montrer la vie d’une entreprise par le petit bout de la lorgnette." Il cherche en même temps à montrer un exemple, un cas. Ce caractère particulier permet au réalisateur d’introduire une histoire, donc la fiction : „Petit à petit, on glisse vers l’intime, où les personnages échappent au discours et au langage qui les caractérisaient jusqu’alors". Ainsi Cantet fait surgir la fiction de l’actualité. Il passe du récit descriptif de la vie dans une usine au récit symbolique d’une tragédie inventée. Ce récit construit est organisé pour tendre vers un paroxisme, une scène forte, presque insoutenable et politiquement incorrecte, celle où le fils met en cause son père.

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D- Un film politique et social Ressources humaines s´inscrit dans la grande tradition des films politiques. C´est l´un des rares films politiques de qualité de ces dernières années. Laurent Cantet, cinéaste engagé, considère que la lutte des classes est toujours d´actualité : „Le libéralisme ambiant essaie de nous faire croire que la lutte de classe est une notion obsolète. J´ai visité des dizaines d´usines, j´ai discuté avec des patrons, avec des ouvriers, et il m´est apparu évident que c´était le contraire" . Dans le film, la distinction entre la classe des dirigeants et des ouvriers est immédiatement perceptible, jusqu´à la caricature, comme dans certaines pièces de Brecht. Par exemple, l´univers du patron, caractérisé par le fait qu´il écoute de la musique classique dans sa voiture, comme planant dans une sphère protégée qu´on peut opposer à l‘univers du père de Frank, rivé à sa machine au milieu du bruit de l´usine. Cette dimension politique n´est pas construite seulement sur une vision schématique des classes sociales et sur des clichés. Avec une rigueur comparable à celle des films de Costa-Gavras Cantet dénonce les comportements dans le monde économique de la fin du XX ème siècle : absence d´échange réel entre patronat et syndicats, déficit éthique du côté de ceux qui détiennent le pouvoir, effets pervers de la loi du profit : les entreprises qui font des bénéfices licencient pour „rester compétitives« (voir 2ème dialogue), discours rigide et immuable des délégués syndicaux, incapable de "négocier", d'évoluer . Comme dans tous les films politiques, il y a dans Ressources humaines un aspect pédagogique : à travers ce film on comprend bien la problématique des 35 heures, aussi bien en théorie qu´en pratique. Laurent Cantet affirme qu´il ne peut parler de politique qu´en relation avec la vie privée. Ce qui importe pour lui c´est le moment où commence la responsabilité de l´individu face au groupe. Il donne corps à cette conception de la responsabilité individuelle en filmant presque toujours le personnage au milieu du groupe. C´est le cas pour la scène clé de l´affrontement entre le fils et le père. E- La faillite de la filiation Dans ce film, Laurent Cantet va au delà du documentaire politique et de la mise en cause des rapports entre les hommes sur leur lieu de travail, il montre combien le monde économique actuel, celui de la globalisation, désoriente les gens jusque dans leur vie personnelle. Le film a déclenché une grande émotion chez les spéctateurs. Cette émotion est provoquée surtout par la relation qu´entretient Frank avec son père et avec son patron. La relation du père au fils (filiation) est à la fois déterminée et perturbée par les conditions économiques et sociales : Le père a travaillé pour que son fils soit plus heureux que lui; le bonheur personnel qu´il veut lui procurer exige qu´il soit au service de l´usine, de l´économie. Pour le père réussir, être heureux , c´est occuper un rang plus élevé dans l´entreprise, dans la société. A partir du moment où son fils arrive dans l´entreprise, le père passe le relais au patron. C´est celui-ci qui va devenir l´acteur de la promotion de Frank dans la hiérarchie de la société. Le patron va en effet témoigner une certaine affection pour Frank, comme un père. Mais les deux filiations vont échouer. Frank se sent trahi par son père qui reste prisonnier de sa condition de travailleur aliéné, dont il refuse obstinément de sortir , et se sent également trahi par son patron qui méprise ses ouvriers et se montre déloyal envers lui. L´attitude négative de refus de l´un et de l´autre a pour cause une totale dépendance des données

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économiques et sociales, de l'ordre extérieur. Dans les deux cas, Frank refuse la filiation, passe de la loyauté à l´opposition, de la fidélité à l‘infidélité au père (géniteur ou spirituel). Les nouvelles conditions implacables de la macro-économie, de la mondialisation sont destructrices, les blocages humains et sociaux également. Cantet veut les dénoncer à travers le drame de Frank. F- Frank l´irréconciliable Le drame de Frank est qu´il ne peut se réconcilier, ni avec son père qui reste soumis à sa condition de serviteur de la machine, ni avec son patron qui se considère soumis aux lois de l´économie, ni au fond avec Mme Druaud, la syndicaliste, dont le discours "borné" le rebute intellectuellement, même si sa générosité le séduit par moments : il faut licencier pour rester compétitif ou disparaître. Frank veut rester fier, c´est à dire ne pas accepter ce qui va contre la dignité de l´homme, mais il est impuissant devant cette logique économique qui ne permet ni aux uns ni aux autres d'accéder ou de conserver cette dignité. A la fin du film Frank reste au bord, exclu de la direction mais aussi en retrait du monde ouvrier dont il n´accepte pas les clichés et les slogans. Il ne sait pas où est sa place. Le film peut dans cette perspective être considéré comme un témoignage de la perte de repères d´un jeune dans la société du début du XXI ème siècle, dominée par une économie dont personne ne maîtrise les règles. VII. Informations supplémentaires (à fournir éventuellement aux élèves) A- Glossaire du vocabulaire sur l´entreprise et l´économie Toutes les infos sur le Portail franco-allemand http://www.fplusd.de/ B- Les syndicats en France CGT (Confédération générale du travail), à l´origine d´obédience surtout communiste; CFDT (confédération française des travailleurs) qui a une tradition plus libertaire, plus proche des socialistes ; FO (Force ouvrière) qui refuse toute obédiance politique mais qui est assez proche des socialistes, CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens), CGC (Confédération générale des cadres) C- Historique de la loi sur les 35 heures La loi sur les 35 heures, dite aussi loi Aubry, a été débattue et votée en 1999. On parle aussi, à propos des 35 heures, de RTT (réduction du temps du travail). D- Travaux de Pierre Bourdieu et de Pierre Legendre sur les rapports de l´individu à la société, sur les rapports symboliques et l´identification de l´homme avec son milieu social et économique.

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E- Liens Site du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité http://www.travail.gouv.fr/ Site de l'Assemblée Nationale http://www.assemblee-nat.fr/ Sites des syndicats http://www.cftc.fr/ http://www.cfdt.fr/ http://www.cgt.fr/ http://www.force-ouvriere.fr/

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Le vigneron français Christophe Otzenberger

I. Fiche technique Réalisation : Christophe Otzenberger Scénario : Djanet Aouadi, 29 ans, travaille sur un reportage-photos. Son

scénario est inspiré de l'expérience d'un ami qui vend des produits par correspondance au téléphone.

Durée : 5 mn 30 Acteurs : Roschdy Zem

Smaïl Mekki Christophe Otzenberger

Age cible : à partir de 13 / 14 ans Niveau linguistique : à partir de 4 ans de français II. Résumé Samir vend du vin par correspondance au Vigneron français. Il doit travailler sous le pseudonyme de Luc Leblanc, il a accepté de renier ses origines maghrébines. Mais un jour, une cliente passe une commande importante à condition que le vin soit livré le soir-même. Or le livreur n’est pas disponible et Samir ne touche sa commission que lorsque la marchandise est payée. Il a besoin d’argent et décide de se faire passer pour le livreur. Mais son patron, Farid, estime que l’image de l' entreprise serait ternie si la clientèle savait que des Arabes y travaillent... III. Les personnages A. Samir Pour travailler au Vigneron Français, Samir est contraint de renier ses origines maghrébines et de se faire passer pour Luc Leblanc. Il a accepté de jouer le double jeu : Français au téléphone, Maghrébin dans la vie. La désillusion est grande lorsqu’il réalise que son physique est considéré comme un handicap pour son travail. Il refuse de subir une telle injustice. B. Farid Comme Samir, Farid, son patron, est lui aussi Français d' origine maghrébine. Mais il renie ses racines par opportunisme pour être intégré à la société française. La discrimination est pour lui une réalité qu’on ne peut pas combattre et qu’on doit accepter. Si les clients achètent au Le Vigneron français, c' est d' après lui parce qu' ils croient que le patron et ses employés sont français de souche, alors il faut faire comme si pour continuer à vendre. C’est comme ça, même si c’est en désaccord avec ses convictions intimes qu' ils ne dévoilent pas. C. Les clients du Vigneron Français Seuls quelques clients du Vigneron Français dont fait partie Mme Vlaminck font une apparition très brève, mais on peut imaginer le profil de la clientèle d’après le fonctionnement de l’entreprise qui dissimule ses employés maghrébins. Il s’agit de la petite et moyenne bourgeoisie française provinciale à cheval sur les principes. Elle est

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caractérisée par son fort conservatisme et son attachement aux traditions. Ainsi, il est impensable qu’un Arabe travaille pour le Vigneron Français, d’autant plus que le vin est l’image de marque de la France. IV. Introduction du film par l'image

→ A votre avis, quel est le ton de la discussion entre Samir et son patron? → Imaginez le dialogue entre les deux hommes.

V. Extrait de dialogue Dans la réserve de bouteilles de vin. Farid : Qu'est-ce que tu fais là ? Samir : Service client. Y'a pas de livreur. Je le fais moi-même. Farid : Non, t'y vas pas. Donne-moi les clefs ! Samir : J'ai besoin de ma thune. Farid : T'y vas pas ! Samir : Pourquoi j'irais pas ? Farid : Samir, pour ta cliente tu t'appelles Luc Leblanc. Samir : Mais on s'en fout de ça, Farid. Farid : Mais non, on s'en fout pas. Donne-moi les clefs du camion. Samir : Putain, mais sans déconner, moi j'ai fait ma vente parce que j'ai dit que je la livrais aujourd'hui. Putain, tu fais chier, merde ! Farid : Mais qu'est-ce qu'elle va penser quand elle va voir ta tête ? Au Vigneron Français, y'a pas d'Arabes ! Vocabulaire: La thune : l' argent → Comparez l'attitude de Samir et celle de Farid. → "Au Vigneron Français, y'a pas d'Arabes". Qui dit cette phrase? Expliquez-la. → Pourquoi Samir doit-il faire croire à ses clients qu'il s'appelle Luc Leblanc? Que signifie ce nom? → Que pensez-vous de l'attitude de Farid? Privilégie-t-il sa fonction de patron ou ses origines maghrébines? → Quelle est la position de Samir?

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VI. Pistes d'observation → Décrivez les conditions de travail "Au Vigneron français". Sont-elles plutôt bonnes ou mauvaises? → Quelle est la déontologie de l' entreprise? a. Travaille à la qualité du produit et les clients reconnaitront ce travail sans faire attention à tes origines. b. Cache tes origines quelles qu' elles soient. c. Sois fidèle à toi-même d. Travaille et tais tes origines. S' il le faut, mens au client. → Est-ce que vous pensez que "Au vigneron français", on est: a. réaliste b. honnête c. hypocrite → "In vino veritas" (=la vérité est dans le vin), est-ce que le film confirme ce dicton? → Est-ce que vous pensez que ce film est une fiction ou une réalité? Observez la technique de tournage (mouvements de la caméra...). → Quel genre de film a choisi le réalisateur ? a. Film-documentaire ( caméra au poing) b. Film- reportage (réaliste) c. Film de fiction (grands plans) → Expliquez la symbolique de la scène où Samir enfile le tablier. VII.Pistes d'exploitation Samir est habitué à jongler entre deux identités. → Lesquelles ? Dans le court-métrage, Farid lui en impose une autre. → Dites laquelle en analysant la scène où Samir enfile un tablier. → Est-ce qu’il se résigne à cette troisième identité ? Qu’est-ce que cela révèle sur l’importance qu’il attribue à l’authenticité de l’identité ? Samir et Farid sont tous deux considérés comme des étrangers dans la société française parce qu’ils ont des origines maghrébines. Chacun d’eux a une façon différente de s’intégrer. → Comparez leurs attitudes et l’importance que chacun d’eux accorde à sa véritable identité. A votre avis, qui est mieux intégré ? Qui est plus fidèle à lui-même ? Qu’est-ce qui est plus important à vos yeux ? Les élèves pourront être invités à écrire - la suite du dialogue entre Samir et Mme Vlaminck. - un scénario ayant pour thème le racisme, seuls ou en groupe.