christian michel - enjeux historiographiques

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LES ENJEUX HISTORIOGRAPHIQUES DE LA QUERELLE DES ANCIENS ET DES MODERNES Mon propos n'est pas de revenir ici sur le débat d'idées qu'a pu constituer la Querelle des Anciens et des Modernes ; ses implications dans l'histoire intellectuelle ont déjà été étudiées depuis longtemps. Depuis Auguste Comte elle a été présentée comme le moment où a enfin émergé une croyance aux progrès illimités de l'humanité face à un groupe réactionnaire imbu de l'idée d'un âge d'or inégalable (1) ; plus récemment Bernard Magné a montré avec plus de vraisemblance qu'elle opposait les partisans d'un humanisme classique capables d'un certain relativisme historique aux défenseurs farouches d'une idéologie "royale-nationale" (2). Je désirerais plutôt lancer quelques jalons destinés à montrer comment la Querelle permet de mettre en évidence les rapports idéologiques de la monarchie absolue, telle que Louis XIV l'a fait triompher, à l'histoire. A l'origine de mes recherches se trouvait une constatation évidente ; le débat a été endémique durant presque tout le règne et il a impliqué la plupart des gens de lettres vivants, dans les deux premières crises - celle de 1672-1677 sur l'opéra et les inscriptions, marquée par la publication en 1674 du poème de Desmarets, Le Triomphe de Louis et de son Siècle et celle de 1687-1694 provoquée par la lecture à l'Académie du Siècle de Louis le Grand de Perrault -, néanmoins la plupart des protagonistes étaient chargés d'une façon ou d'une autre de la propagande royale, ou, pour employer une expression moins anachronique, de la gloire du roi. Parmi les Modernes, Charpentier, Perrault, Tallemant font partie de la petite académie, Donneau de Visé et Le Laboureur sont historiographes, Desmarets de Saint-Sorlin, enfin, ancien protégé de Richelieu, continue à allier littérature et propagande monarchique. Chez les Anciens, Boileau et Racine, historiographes depuis 1677 sont depuis 1683 membres de la petite académie, dont Bourzeis est aussi membre. Il ne s'agit pas d'écrivains ayant occasionnellement célébré la gloire du roi, devoir auquel personne, semble-t-il, n'a échappé en France sous

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17 Century FranceQuerelle Ancients and ModernsHistoriography

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  • LES ENJEUX HISTORIOGRAPHIQUES

    DE LA QUERELLE DES ANCIENS ET DES MODERNES

    Mon propos n'est pas de revenir ici sur le dbat d'ides qu'a pu constituer la Querelle des Anciens et des Modernes ; ses implications dans l'histoire intellectuelle ont dj t tudies depuis longtemps. Depuis Auguste Comte elle a t prsente comme le moment o a enfin merg une croyance aux progrs illimits de l'humanit face un groupe ractionnaire imbu de l'ide d'un ge d'or ingalable (1) ; plus rcemment Bernard Magn a montr avec plus de vraisemblance qu'elle opposait les partisans d'un humanisme classique capables d'un certain relativisme historique aux dfenseurs farouches d'une idologie "royale-nationale" (2). Je dsirerais plutt lancer quelques jalons destins montrer comment la Querelle permet de mettre en vidence les rapports idologiques de la monarchie absolue, telle que Louis XIV l'a fait triompher, l'histoire. A l'origine de mes recherches se trouvait une constatation vidente ; le dbat a t endmique durant presque tout le rgne et il a impliqu la plupart des gens de lettres vivants, dans les deux premires crises - celle de 1672-1677 sur l'opra et les inscriptions, marque par la publication en 1674 du pome de Desmarets, Le Triomphe de Louis et de son Sicle et celle de 1687-1694 provoque par la lecture l'Acadmie du Sicle de Louis le Grand de Perrault -, nanmoins la plupart des protagonistes taient chargs d'une faon ou d'une autre de la propagande royale, ou, pour employer une expression moins anachronique, de la gloire du roi. Parmi les Modernes, Charpentier, Perrault, Tallemant font partie de la petite acadmie, Donneau de Vis et Le Laboureur sont historiographes, Desmarets de Saint-Sorlin, enfin, ancien protg de Richelieu, continue allier littrature et propagande monarchique. Chez les Anciens, Boileau et Racine, historiographes depuis 1677 sont depuis 1683 membres de la petite acadmie, dont Bourzeis est aussi membre. Il ne s'agit pas d'crivains ayant occasionnellement clbr la gloire du roi, devoir auquel personne, semble-t-il, n'a chapp en France sous

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    Louis XIV, mais de chantres pensionns de la monarchie, chargs officiellement d'laborer une image du roi destine tant aux contemporains qu' la postrit. Louis XIV lui-mme a dclar aux membres de la petite acadmie : "Vous pouvez, Messieurs, juger de l'estime que je fais de vous, puisque je vous confie la chose du monde qui m'est la plus prcieuse qui est ma gloire" (3). Lorsque des hommes revtus d'une telle charge s'affrontent sur la prminence du sicle de Louis XIV par rapport celui d'Alexandre ou d'Auguste, se pose ncessairement la question de la place du roi dans l'histoire et implicitement de l'intrt que l'on peut trouver utiliser l'histoire et ses grands hommes dans l'laboration de l'image du roi.

    C'est cet aspect de la Querelle qui a retenu mon attention ; je me suis surtout laiss conduire par les crits des membres de la petite acadmie, vritable conseil priv cr par Colbert et utilis par Louvois pour la propagande royale ; ces textes permettent le mieux de mettre en vidence sinon une doctrine officielle, du moins un point de vue qui s'en approche (4) sur la place assigner aux hros de l'histoire ou de la fable dans l'valuation du rle miraculeux de Louis.

    Il semble qu'avant mme la mort de Mazarin - et a fortiori avant la cration de la petite acadmie - deux modles illustres, sincrement admirs par le roi, aient t mis en usage : ceux d'Alexandre et d'Henri IV.

    En 1660 - ou peut-tre 1661 - Le Brun peint sous les yeux du roi Les Reines des Perses aux pieds d'Alexandre ; il est vraisemblable, malgr les divergences des tmoignages anciens postrieurs de plus de trente ans l'vnement, que le roi a choisi lui-mme le sujet du tableau (5) ; il venait de toute faon rgulirement s'entretenir avec Le Brun "des grandes actions de ce hros". Dans ses Mmoires adresss au Dauphin crits vers 1670, il vante encore "ceux qui, d'une fortune particulire ou d'une puissance trs mdiocre, par la seule force de leur mrite, sont venus fonder de grands empires, ont pass comme des clairs d'une partie du monde l'autre..." (6). Louis a voulu reprendre au grand Cond le titre de nouvel Alexandre et faire rejaillir sur soi la gloire d'un hros qu'il admirait. Le tableau de Le Brun glorifiant un homme illustre de l'antiquit faisait rejaillir son prestige sur la personne du roi, qui l'image du Macdonien regardant peindre Apelle, venait consacrer ses loisirs regarder son premier Peintre au travail. Flibien

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    souligne d'ailleurs qu'en reprsentant un des grands hros anciens "vaillant, gnreux et triomphant", la Peinture avait form des traits qui faisaient assez bien reconnatre le roi (7).

    La figure d'Henri IV est utilise de faon comparable ; Hardouin de Prefixe, prcepteur du roi, semble la lui avoir prsente comme un modle et nombreuses sont les maximes de gouvernement, nonces dans son Histoire du Roy Henry le Grand parue en 1661, que l'on retrouve presque mot pour mot dix ans plus tard dans les Mmoires de son royal lve (8). Comme Alexandre, le roi Henri est choisi comme un exemple personnel par Louis XIV, mais de nouveau le public est invit faire rejaillir la gloire du grand-pre sur son petit-fils. Hardouin de Prefixe ne manque pas d'tablir le lien entre les deux souverains dans les premires pages du livre et l'abb Cassagnes crit une lettre d'Henry le Grand au Roy, publie en 1661 chez Vitr comme les OEconomies royales de Sully, commenant pas ces vers :

    Monarque dont le coeur ses devoirs fidle Veut parmi tant de rois me choisir pour modle, Je reconnois mon sang qui t'enflamme le sein, Et ne m'oppose point ton noble dessein.

    Cette Eptre acquit Cassagnes "l'estime et la bienveillance" de Colbert et lui ouvrit les portes de la petite acadmie (9), sans doute cause des derniers vers du pome (p.27) :

    Ha je vois sans regret qu'il te faudra cder ; Mon fils tu me vas suivre et vas me prcder Tu terniras le lustre ou feint ou vritable Des Hros de l'Histoire, & des Dieux de la Fable.

    L'acadmie tait un bureau destin superviser tout ce qui concernait la gloire du roi, aussi bien rgler l'ordonnance des btiments, des mdailles, des ftes, qu' "mettre en tat d'tre imprims les ouvrages qui se composaient la gloire du roi". Parmi ses membres Chapelain, fort de la rputation de ses Sentiments... sur la Tragi-Comdie du Cid, restait mme de conserver une autorit encore peu conteste, en France et l'tranger, sur les lettres et les arts, mais il n'envisageait pour clbrer le roi que les formules mises au point dans l'antiqui-t (10) ; Bourzeis faisait poids par sa pit et son rudition, en revanche Cassagnes, Charpentier et Perrault, plus jeunes d'une gnration et moins rputs dans la Rpublique des Lettres pouvaient se faire l'cho des nouvelles exigences en matire de propagande (11). Les vers de Cassagnes cits plus haut illustrent

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    bien le retournement de valeur trs vite effectu. Dsormais la gloire du roi dpasse celle des plus grands hommes de l'antiquit et leur histoire ne peut plus tre utile celle de Louis qu' titre de faire-valoir. C'est ce qu'explique clairement l'abbe Franois Tallemant dans sa ddicace au roi d'une nouvelle traduction des Vies de Plutarque : "ie commenay travailler la nouvelle traduction dans la vee que leur lecture fourniroit un jour Votre Majest, des Exemples pour le gouvernement de ses Peuples : Mais cependant que ie les traduits, ie ne m'apperois pas, qu'elle est au-dessus des prceptes & qu'elle n'a plus besoin des Exemples que ie luy prpare. D'ailleurs Henry le Grand, que Votre Maiest s'est propos d'imiter, & dont un des premiers Prlats de vostre Royaume vous a fait un si beau Portrait, semble avoir prvenu tous les autres grands Personnages...". Cependant, aprs avoir montr que Sa Majest surpassait tous les hros de Plutarque, Tallemant conclut : "En voyant la description de leurs vertus, elle verra en quelque faon son Portrait : Elle se reconnoistra en tous les beaux endroits de leurs vies. Mais encore que quelques uns ayent beaucoup de rapport avec Votre Maiest, il y en a peu qui lui ressemblent assez pour rentrer en comparaison avec elle. Le Grand Henry luy-mesme dont elle tire son origine, & qu'elle avoit eu dessein d'imiter, cessant de luy servir d'example, sera dsormais fort satisfait d'entrer en parallle avec vous" (12).

    Ce texte est un des premiers d'une longue srie destine s'tendre sur plus de cinquante ans o tous les hros de l'antiquit sont compars dfavorablement au roi (13) ; certes le phnomne n'est pas nouveau et nombreux ont t les parallles sacrifiant les plus clbres des capitaines anciens aux rois, aux princes et aux hommes d'Etat vivants, bien avant Louis XIV (14), mais un nouveau priode de la louange a t atteint, dsormais ce sont les grands hommes qui peuvent tre flatts d'tre compars Louis. Us deviennent donc inutiles pour la propagande monarchique ce que l'exemple d'Alexandre peut montrer.

    Flibien, Historiographe des Btiments ddie au roi en 1663 un long commentaire du tableau de Le Brun les Reines de Perse aux pieds d'Alexandre o, aprs avoir montr que le peintre surpassait, ou du moins galait les plus grands artistes de l'antiquit, il termine son commentaire par ces mots :

    "Mais un Pinceau si savant ne doit pas s'arrester davantage honorer les Princes de Grce ; ils ont eu leurs

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    Appelles et leurs Zeuxis. Et puisque nous sommes dans un sicle o la France fournit des choses si mmorables, et qui seront sans doute l'admiration des sicles avenir ; il faut qu'il s'occupe des sujets plus nouveaux et plus tendus. Car comme nous avons le bon-heur d'estre gouvernez par un Monarque qui efface tout ce que les anciens Conqurans ont fait de plus signal ; cet excellent Peintre peut-il mieux employer dsormais ses veilles et faire paroistre ses riches talens, qu' reprsenter les hautes actions de V.M. et, de tant de vertus qu'elle possde, nous en faire une Peinture qui soit l'avenir la plus dlicieux objet de nos regards" (15).

    Flibien tait, semble-t-il, un admirateur des anciens (16), mais il devait venir lire la petite acadmie tous les textes qu'il crivait en tant qu'Historiographe des Btiments (17) et selon toute vraisemblance ce dernier paragraphe a t ajout la demande des acadmiciens. La gloire du roi ne passe plus par l'utilisation de celle des grands hommes du pass : ni Henri IV, ni Alexandre ne peuvent plus rien apporter un souverain au-dessus de toute comparaison.

    La supriorit de Louis acquise, et nul l'intrieur du royaume ne s'avisa de longtemps de la remettre en cause, il tait ncessaire d'en tirer les consquences. De nouveau l'initiative semble venir de l'entourage de Colbert et de plusieurs membres de la petite acadmie. Que le roi effat tous les grands hommes du pass, rendait vraisemblable que son ge effacerait tout ce qui avait t fait jusqu'alors. Perrault crit ainsi en 1684 Poussin de la part de Colbert qu'il "est constant que S.M. a dessein de mettre les beaux-arts au plus haut point de perfection o ils aient jamais t

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    S'agissait-ii de clbrer ies exploits du roi en franais ou en latin sur l'arc de triomphe de la Porte Saint-Antoine ? La petite acadmie tait partage : Bourzeis, dans un discours aujourd'hui perdu, prconisait le latin, langue universelle seule digne et seule capable de porter le nom du roi dans tous les lieux et dans tous les temps (21) ; Charpentier lui rpondit et, parmi de nombreux arguments philologiques, en avana plusieurs d'ordre historique ou soulignant la place du roi dans l'histoire ; il repousse la thorie de la succession lgitime des empereurs romains aux rois de France, ces derniers sont les conqurants ou plutt les librateurs des Gaules (22), l'hritage augusten est d'autant plus inutile que le roi est un nouvel Auguste (23) et qu'il a suscit une gnration d'crivains qui ont surpass les anciens, sauf pour la posie pique et encore "ce n'est pas la faute de la langue, mais des ouvriers" (2U). Ainsi dans ce premier pisode de la Querelle c'est le rle de la tradition historique dans la propagande monarchique qui est mis en cause : les formules anciennes prnes par Chapelain ou Bourzeis visent insrer l'image du roi dans un cadre considr comme universel ; pour Charpentier ou Perrault en revanche, le roi a fait jaillir une civilisation si parfaite qu'elle est en dehors de l'histoire ; aussi vnrable que soit l'antiquit, elle ne peut donner les moyens de clbrer un prince de qui mane toute grandeur.

    Desmarets de Saint-Sorlin va plus loin et dmontre avec vhmence qu'il n'est pas possible de glorifier le roi comme il le mrite sans dprcier les potes de l'antiquit ; "J'ay entrepris, crit-il, de faire voir que nostre grand Roi doit estre mis au-dessus des plus grans hros de l'antiquit, & que sa gloire qui est rpandue sur tout son Etat, met son sicle au-dessus de tous les Sicles passez. Et pour faire voir que les Hros les plus clbrez ne luy sont pas comparables, il m'a t impossible de marquer leurs deffauts, qu'en accusant les potes qui les ont invents..." (25).

    Ainsi compare-t-il Auguste et Louis :

    Auguste eust seulement la gloire D'avoir Virgile de son temps Et la postrit flatteuse par foiblesse, A son sicle accorda le prix de la noblesse Jugeant que son pareil ne se peut pas trouver (...)

    Mais LOUIS a cet avantage Sur les hros les plus parfaits,

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    Qu'il a seul le double partage Des grans Chantres et des grans faits (26).

    Ainsi qui remet en cause la supriorit de La Pucelle ou du Clovis sur l'Enide risque d'assumer la responsabilit devant l'histoire d'avoir prn Auguste aux dpens de Louis.

    En faut-il conclure que les Modernes ont totalement banni l'histoire de l'laboration de l'image du roi ? Ce serait aller sans doute trop loin. Certes les annes 1670-1680 ont vu progressivement les commandes de peintures et de sculptures pour Versailles passer de la mythologie - elle aussi condamne comme langage de l'antiquit paenne - l'iconologie ou la reprsentation directe des exploits du roi. Lorsque des scnes historiques sont peintes dans les voussures des plafonds des Grands Appartements, le choix se porte sur des actions anecdotiques ou apocryphes des grands hommes de l'antiquit et nul ne peut douter qu'il ne s'agit que de recouvrir d'un voile transparent les actions du roi (27) non de faire rejaillir sur lui la gloire d'Auguste ou d'Alexandre.

    Dans la littrature encomiastique l'histoire joue un rle assez complexe ; les grands hommes constamment clbrs jusque l sont sacrifis Louis qui les surpasse en valeur et en vertu, en revanche sa gloire rejaillit sur des souverains la figure alors moins marque qui deviennent des prcurseurs. Les rfrences historiques, au lieu de contribuer l'laboration de la propagande royale, sont au contraire subordonnes la gloire du roi ; un Alexandre ou un Auguste ont une existence autonome dans la conscience historique des hommes du XVIIe sicle, rejetts comme anctres mythiques ou comme modles de Louis XIV, ils ne peuvent pas cependant profiter du reflet de sa gloire, il convient donc de les dprcier.

    A la diffrence de ce qui se pratiquait dans les annes 1660-70, il ne suffit plus de dire que Louis a plus de qualits qu'eux, mais de souligner leurs dfauts, ce dont ne se privent gure les pangyristes du roi. L'abb Paul Tallemant, successeur d Bourzeis la petite acadmie, ne manque pas, dans un pangyrique du roi lu le 25 aot 1673 l'Acadmie franaise, de conmparer Louis acceptant des propositions de paix des Hollandais l'avidit d'Alexandre : "Faisiez vous ainsi, fameux Conqurant de l'Asie, lorsque dpouillant Darius, ce Roy puissant & malheureux, vous refustes mme pour satisfaire votre

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    ambition le partage d'un des plus grands Empires que la terre vous offroit, & o vous ne deviez rien prtendre ?" (28).

    Perrault dans son Eptre au Roy l'occasion du pome du Sicle de Louis le Grand en 1687, rsume les dfauts des deux principaux rivaux de Louis XIV au t i tre du plus grand roi du monde :

    D'abord par sa valeur l'invincible Alexandre Au prix qui t'attendoit sembla pouvoir prtendre, Mais de son vaste orgueil le projet odieux, Ce dsir insens d'tre au nombre des Dieux, Ses noirs emportemens, son coeur de sang avide Et de son vin brutal la fureur homicide Ternirent pour jamais l'clat de sa valeur ; Et son sicle confus en gmit de douleur.

    Du second des Csars, la sagesse profonde Qui sous de justes lois sceut rgir tout le monde, Te le rendoit gal en pompe en majest, Quand des Proscriptions l'indigne cruaut, Obscurcissant les noms & de juste & de sage, La fora de cder & de te rendre hommage (29).

    Desmarets avait d'ailleurs soulign ds 167^ la lchet d'Auguste, dont la rputation ne reposait que sur les mensonges de Virgile (30). L'idal hroque dont se nourrissait la propagande royale encore sous Mazarin et dans les premires annes du rgne personnel a disparu, ce ne sont pas les vertus des grands hommes qui fondent la gloire de Louis mais leurs dfauts.

    Pour d'autres hros historiques dont la gloire est moins encombrante, le mouvement se prsente diffremment ; s'agissant d'anctres du roi, il ne s'agira plus de dtruire leur rputation, mais de les prsenter comme les prcurseurs de l'pope destine s'accomplir. L'volution apparat entre les deux ditions du Clovis ou la France chrestienne de Desmarets de Saint-Sorlin. Toutes deux sont ddies au roi mais la place de Louis se transforme. En 1657 Desmarets, dans sa ddicace, conseille au jeune roi d'imiter "les meilleurs des Rois qui l'ont prcd : en marchant sur les traces de Saint Louis qui est le vray modle d'un Prince trs-chrestien, & sur celles du grand Clovis dont je luy propose l'exemple". En 1673 le ton a totale-ment chang : "Mais comme j'ai tasch de donner au Hros de mon Pome toute la politesse & tous les avantages que peut d-sirer la dlicatesse du goust de notre sicle, chacun jugera bien

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    que nostre Hros vivant m'a fourni un modle d'admirables qualitez, que jamais je n'eusse pu concevoir ; ... Le plus grand bonheur de mon pome est de ce que j'ai attendu pour le mettre dans son plus haut point que V.M. ait fait de si grandes choses que mes feintes en paroissent bien plus vray-semblables, par l'exemple que nous voyons d'un Hros parfait". Le roi n'a plus suivre les exemples que lui donnaient ses anctres, dsormais ce sont eux qui sont recrs son image, comme l'a montr Pierre Zoberman propos des pangyriques de Saint Louis (31).

    i Louis XIV a achev l'oeuvre de ses prdcesseurs, qui n'ont pu avoir d'autres proccupations que les siennes. C'est ce titre que l'histoire peut tre rintroduite dans la propagande royale, au prix de dformations plus accentues encore que lorsqu'il s'agissait de faire usage des gloires de la Grce et de Rome.

    Cependant cette dprciation des hros antiques et de la civilisation greco-romain lice l'idalisation des souverains de la France mdivale n'a pas fait l'unanimit ; ds 1670 Boileau avait commenc considrer avec ironie ceux qui sacrifiaient systmatiquement les anciens au roi :

    Ce n'est pas que ma main comme une autre ton char, Grand Roi, ne pust lier Alexandre & Csar : Ne pust, sans se peiner, dans quelque Ode insipide, T'exalter aux dpens & de Mars & d'Alcide : Te livrer le Bosphore, & d'un vers incivil Proposer au Sultan de te cder le Nil (32).

    Boileau s'est en effe t trouv trs vite en conflit personnel avec presque tous les membres de la petite acadmie ; il n'est pas besoin de rappeler ses attaques contre Chapelain, auquel, dans la parodie du Cid, Chapelain dcoiff, est adjoint son disciple Cassagnes ; Claude Perrault, le frre de Charles, "Qui de mauvais mdecin devint bon architecte" avant d'tre trait d'ignorant universel, est aussi l'objet de ses satires ; Charpentier, Tallemant et aussi Desmarets sont encore victimes de ses pigrammes (33). Or progressivement Boileau et ses amis remplacent le clan des modernes et sont chargs leur tour de la propagande royale. Madame de Montespan cherche faire remplacer Quinault - aussi membre de la petite acadmie - par Boileau et Racine puis par La Fontaine pour composer des livrets d'opra pour le roi ; elle fait obtenir aux deux premiers la charge d'Historiographes du roi en 1677 ; la tche d'crire l'histoire du roi avait a l'origine t confie la petite acadmie, mais la ngligence de Charpentier avait fait avorter le projet (34). En 1678 Racine entre enfin l'Acadmie Franaise, mais Boileau

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    et La Fontaine devront attendre la mort de Colbert pour tre lus. La petite acadmie, lieu de runion des plus francs partisans des Modernes tait en effet lie de prs Colbert, et on a vu que ce dernier partageait leur opinion sur la prminence du Sicle de Louis XIV. A sa mort Louvois envisage d'abord de supprimer ce conseil, manation de son prcdesseur et rival, mais voyant l'usage qu'il en pouvait tirer, il se contenta de le transformer. Il en exclut Perrault et y fit rentrer Flibien, Racine, Boileau, Rainssaint et son commis La Chapelle (35). Les membres nouvellement nomms, et Boileau en particulier, s'efforcrent vite de discrditer auprs du roi Charpentier, le plus influent des anciens acadmiciens encore en place, notamment en ridiculisant les inscriptions qu'il avait composes pour la Galerie des Glaces (36). Peut-tre est-ce dans cette optique qu'il faut interprter la vigoureuse indignation qui l'a saisi lorsque Perrault lut l'Acadmie franaise en 1687 le Sicle de Louis le Grand ; cette hypothse peut se trouver corrobore par le fait que la rconciliation officielle des champions des deux camps eut lieu en 1694 aprs le dbut de rorganisation de la petite acadmie par Pontchartrain (37).

    Mme si d'autres causes sont intervenues dans la Querelle, on ne peut ngliger le fait que Boileau et Racine taient dsormais chargs de la gloire du roi. Refusant les mthodes utilises par les Modernes, ils devaient tenter de repenser les rapports de Louis l'histoire. Un marginal comme La Fontaine peut continuer comparer le roi Alexandre ou ."Jupiter et dclarer que Csar et Auguste lui feront place dans l'histoi-re (38), une telle solution est dprcie depuis trop longtemps pour que les historiographes puissent encore l'utiliser. Caillires qui a pris avec modration leur parti dans son Histoire potique de la guerre nouvellement dclare entre les Anciens et les Modernes leur fait nanmoins dire par Apollon : "Ce Prince... sera propos dans tous les sicles venir comme un modle accomply, sa vie dcrite par vous sera la rgle de tous les Princes qui aimeront la gloire... ainsi vous pouvez juger quelle est la difficult de votre travail, puisque vous avez rassembler en sa seule personne tout ce qui doit servir former diverses espces de Hros" (39). On voit bien l'ambigut du propos des Anciens ; ils se refusent dire que le Sicle de Louis XIV surpasse ceux d'Alexandre et d'Auguste pour ne pas tomber dans les excs de leurs rivaux, mais ils sont obligs du fait de leurs charges de prsenter Louis comme un modle universel pour la postrit, effaant donc implicitement les plus grands souverains de l'antiquit.

    I T 7

    La lettre de Boileau Perrault est dans ce domaine un modle de duplicit qu'il convient d'tudier d'un peu plus prs que cela a t fait jusqu' prsent.

    "Votre dessein, crit-il, est de montrer, que pour la connoissance surtout des beaux Arts, et pour le mrite des belles Lettres, notre Sicle, ou pour mieux parler le Sicle de LOUIS LE GRAND, est non seulement comparable, mais suprieur tous les plus fameux sicles de l'Antiquit, et mesme au Sicle d'Auguste. Vous allez donc estre bien tonn, quand je vous dirai, que je suis sur cela entirement de votre avis".

    Ce postulat, apparemment paradoxal sous la plume de Boileau, une fois pos, il oppose chaque genre littraire et dclare que les crivains du sicle d'Auguste taient suprieurs en posie pique, dans le genre oratoire, l'histoire, la satire, l'lgie, il veut bien accorder l'galit entre les cinq livres conservs des odes d'Horace et toute la production lyrique du XVIIe sicle cumule. II donne la supriorit aux auteurs tragiques modernes sur Snque le tragique, il accorde aussi la prfrence aux comiques, vu l'absence de toute comdie conserve datant du sicle d'Auguste ; le roman tant une invention des Modernes, les Anciens doivent donc leur cder , aucun nom d'artiste romain du premier sicle, en dehors de Vitruve, n'ayant t conserv, il veut bien laisser la premire place aux peintres, sculpteurs et architectes travaillant pour le roi. Il proclam me la supriorit de Descartes et de Gassendi sur tous les philosophes ayant vcu entre Cicron et Tacite, vitant ainsi de soulever la question d'Aristote et de Platon. Seuls les rudits modernes sont sincrement prfrs aux anciens, mais les noms cits par Boileau, Bignon, Scaliger, Saumaise, Sirmond et Petau, sont justement ceux de gens qui ont approfondi aussi la connaissance de l'antiquit. Aprs toutes ces concessions pour le moins douteuses, il poursuit :

    "Que si de la comparaison des Gens de Lettres et des illustres Artisans, il falloit passer celle des Hros et des grands Princes, peut-estre en sortirois-je encore avec plus de succs. Je suis bien ser au moins que je ne serois pas fort embarrass montrer que l'Auguste des Latins ne l'emporte pas sur l'Auguste des Franois".

    En bon rhtoricien, Boileau se dispense par la prtrition d'une comparaison laquelle il ne tient peut-tre pas, et mme

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    la formule employe "ne l'emporte pas" n'exclut pas l'galit. Et Boileau nanmoins de conclure :

    "Par tout ce que je viens de dire, vous voyez, Monsieur, qu' proprement parler, nous ne sommes point d'avis diffrent sur l'estime qu'on doit faire de notre Sicle" (40).

    Il ne s'agissait pas ici de se donner le plaisir de dmonter l'ironie de Boileau ou de le voir manier habilement la casuistique, mais de montrer l'embarras de l'historiographe et membre de la petite acadmie, oblig par les charges dont le roi l'a revtu de continuer proclamer la gloire de Louis le Grand dans des termes dsormais consacrs, tout en conservant son respect pour les anciens. Il devait se souvenir que Guyonnet de Vertron avait aussi t nomm historiographe en 1685 pour son Parallle de Louis le Grand avec tous les Princes qui ont t surnommez Grands (Paris, 1685), dans lequel les plus grands souverains de tous les temps, y compris Henri IV, avaient t sacrifis Louis. Ainsi le plus simple tait d'liminer les rfrences l'histoire dans la mythologie royale. Ce dont tmoignent les tableaux commands pour Versailles ou Trianon (41) pendant la fin du rgne ; mythologie galante souvent tire d'Ovide, fleurs et paysages remplacent dsormais les sujets historiques.

    3e n'ai pas prtendu voquer ici tous les aspects de la littrature encomiastique sous Louis XIV et je ne me dissimule pas que tous ces loges, tous ces parallles ne doivent pas tre ncessairement pris au pied de la lettre. Louer Louis XIV tait une rude tche, pour qui voulait voir son discours se distinguer des autres et aller plus loin que ses rivaux. Boileau rsume ces difficults en un vers "Grand roi, cesse de vaincre ou je cesse d'crire". Rien ne paraissait la hauteur du hros miraculeux que Dieu avait accord la France, et une admiration, souvent sincre semble-t-il, pouvait fort bien s'exprimer dans des formules purement rhtoriques, hrites de l'antiquit.

    Cependant l'limination de l'histoire dans les peintures commandes par les Btiments du roi peut confirmer les remarques que je viens brivement de prsenter. Des programmes iconographiques prcis des annes 1652-1660, tels que celui du Louvre tudi par Alain Mrot, dans lesquels l'histoire ou la fable servent assurer la propagande monarchique, on est pass l'histoire d'Alexandre, qui dans les annes 1660-70, fait rejaillir la gloire d'un grand homme sur Louis XIV. Viennent ensuite l'utilisation purement anecdotique dans les plafonds des Grands Appartements des hros de

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    l'antiquit et enfin les dcors mythologiques peints par Mignard dans la petite Galerie et aux tableaux de Trianon ; le souverain a donc cess de se donner voir comme l'hritier des gloires du pass. Cette transformation n'est certes pas la consquence de la Querelle des Anciens et des Modernes, mais elle confirme quel point cette dernire tait lie l'laboration de

    Christian MICHEL Fondation Thiers, Paris.

    NOTES

    1. Voir notamment les "classiques" sur la querelle : H. RIGAULT, Histoire de la querelle des Anciens et des Modernes, P., 1856 ; H. GILLOT, La Querelle des Anciens et des Modernes, P., 1914. leurs thses sont reprises entre autres par N. FERRIER-CAVERIVIERE, L'image de Louis XIV dans la littrature franaise de 1660 1715, P., 1981, pp.351-379.

    2. B. MAGNE, Crise de la littrature franaise sous Louis XIV, Humanisme et Nationalisme, Lille, 1976, en particulier la conclusion, t.II, pp.892-910.

    3. Ch. PERRAULT, Mmoires, ed. Avignon, 1759, p.40.

    4. Outre PERRAULT, op.cit., passim, on consultera sur la petite acadmie A. MAURY, Les acadmies d'autrefois, l'ancienne Acadmie des inscriptions et belles lettres, P., 1854 ; 3. JACOUIOT, Mdailles et jetons de Louis XIV d'aprs le manuscrit de Londres, P., 1968.

    5. GUILLET de SAINT-GEORGES, "Mmoires historiques des principaux ouvrages de M. Le Brun", 1693, ed. in Mmoires indits sur la vie... des membres de l'Acadmie royale de Peinture et de Sculpture, P., 1854, t.I, p.25 ; FLORENT LE COMTE, Cabinet des Singularitez d'Architecture..., P., 1700, t.III, p. 161 ; Cl. NIVELON, Vie de Charles Le Brun

  • 152

    6. Louis XIV, Mmoires, ed. J. Longnon, P., 1978.

    7. A FELIBIEN, Le songe de Polimathe, in Description sommaire du chteau de Versailles, P., 1676, p.469.

    8. Sur l'admiration du jeune roi pour Henri IV et son dsir de l'imiter voir la ddicace Mazarin (non pagine) ; le parallle entre les deux rois est tabli p. 1-5. On verra notamment pp.164-168 une longue srie de maximes suivies par Henri IV sur un gouvernement personnel du roi sans s'en remettre ses ministres (voir aussi pp.346-349 et pp.386-389), sur l'intrt qu'a le roi s'occuper lui-mme de ses finances. Les malversations des surintendants des finances dont le roi doit se mfier sont prsentes p. 167 ; on trouve aussi, p.244, les premires mesures d'Henri IV aprs la guerre : la remise d'une partie des tailles et la vrification des faux nobles...

    9. PERRAULT, Mmoires, op.cit., p.31.

    10. Lettre de Chapelain Colbert du 18 novembre 1662, ed. in Ph. Tamizey de Larroque, Lettres de Jean Chapelain, P., 1883, t.II, pp.272-277.

    11. Sur les membres de la petite acadmie voir Perrault, Mmoires, op.cit., pp.29-36.

    12. F. TALLEMANT, Les Vies des Hommes illustres de Plutarque, nouvellement traduites du Grec en Franais, P., 1663. Franois Tallemant tait le frre de P. Tallemant, membre de la petite acadmie partir de 1673. La ddicace au roi n'est pas pagine.

    13. On trouvera bon nombre de ces textes dans N. FERRIER-CAVERIVIERE, op.cit., pp.93-137 notamment.

    14. La comparaison tai t une constante de la rhtorique encomiastique ; voir parmi mille exemples 3. PUGET de LA SERRE, Parallle & Eloges historiques d'Alexandre le Grand & de M. le duc d'Anguien, P., 1647.

    15. A. FELIBIEN, Les Reines de Perse aux pieds d'Alexandre, Peinture du Cabinet du Roy, P., 1663, pp.33-34.

    16. A. FELIBIEN, De l'origine de la Peinture et des plus

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    excellens Peintres d l'antiquit, P., 1660 repris dans le Second entretien sur la vie et les ouvrages des plus excellens Peintres anciens et modernes, P., 1666.

    17. PERRAULT, Mmoires, op.cit., p.200.

    18. Idem., p.67.

    19. P. FREART de CHANTELOU, Journal de Voyage du Cavalier Bernin en France, notices de L. Lalanne, 1885, rd., P., 1981, p.172.

    20. Ch. PERRAULT, La Peinture, Pome, P., 1668, p.22 ; Perrault rpte d'ailleurs, pp. 19-20, les conseils donns Le Brun par Fiibien.

    21. Curieusement ce texte n'a pas t publi et le manuscrit a disparu, on peut s'en faire une ide par la rponse courtoise de F. Charpentier dans sa Dfense de la Langue franaise pour l'inscription de l'Arc de Triomphe, P., 1676, second discours.

    22. F. CHARPENTIER, op.cit., p.203.

    23. Idem., pp.330-335.

    24. Idem., p.307.

    25. J. DESMARETS de SAINT-SORLIN, Le Triomphe de Louis et de son Sicle, Pome lyrique ddi au Roy, P. 1674, prface non pagine.

    26. Idem., pp.I8-I9.

    27. Ch. PERRAULT, Parallle des Anciens et des Modernes en ce qui regarde les Arts et les Sciences, P., t.I, nouvelle dition, 1692, pp.116-117 ; "dans les tableaux des quatre faces des costs sont reprsentes les actions des plus grans hommes de l'antiquit qui ont du raport la Pianette qu'ils accompagnent & qui sont aussi tellement semblables celles de S.M. que l'on y voit en quelque sorte toute l'histoire de son rgne sans que sa personne y soit reprsente". Suit le commentaire des tableaux du Salon de Mercure.

  • 154 28. P. Tallemant, Pangyrique du roi prononc l'Acadmie

    Franoise, le 25 aot 1673, ed. in P. Zoberman, Les pangyriques du roi prononcs dans l'Acadmie Franaise, thse de 3me cycle, Paris-Sorbonne, 1983, p.64.

    29. Ed. in Perrault, Parallle, op.cit., pp.28-29.

    30. 3. DESMARETS, Le Triomphe..., op.cit., p.12.

    \ 31. P. ZOBERMAN, "Gnalogie d'une image, l'loge spculaire", Dix-septime sicle, 1985, pp.79-91.

    32. Nicolas BOILEAU, Epitre I, au Roy, Oeuvres compltes, col. de la Pliade, P., 1966, p. 103.

    33. Voir E. MAGNE, Bibliographie gnrale des oeuvres de Boileau-Despreaux, P., 1929, t.II, pp.35-51, 161-165 et 181-189.

    34. PERRAULT, Mmoires, op.cit., pp.38-43.

    35. Voir l'historique prsent dans le premier registre de l'Acadmie des inscriptions et Belles-Lettres cit par Jacquiot, Mdailles et jetons..., op.cit., t.I, pp.XCII-XCIV.

    36. J. JACQUIOT, "Remarques critiques sur les inscriptions de la Galerie de Versailles, par Boileau-Despraux", paratre dans les actes du colloque Versailles, 1985.

    37. La rorganisation date de 1701, mais depuis 1694 les acadmiciens tiennent de nouveaux registres encore conservs - voir note 35.

    38. 3. de LA FONTAINE, Oeuvres diverses, coll. de la Pliade, P., 1958, p.639.

    39. F. de CAILLIERES, Histoire potique de la guerre nouvellement dclare entre les Anciens et les Modernes, P., 1688, t.II, pp.301-304.

    40. Lettre publie en 1701, ed. in Oeuvres compltes, op.cit., pp.568-574.

    41. A. SCHNAPPER, Tableaux pour le Trianon de marbre, Paris et La Haye, 1967.

    PERMANENCES ET TRADITIONS DANS L'HISTORIOGRAPHIE

    NATIONALE SOUS L'ANCIEN REGIME

    L'exemple du rgne de Jean le Bon

    Comme le premier souci des historiens est de voir partout des changements, il a t convenu une fois pour toutes dans le domaine de l'historiographie, que les dcouvertes de l'humanisme avaient entirement modifi la vieille chronique mdivale, que l'absolutime louis-quatorzien avait ensuite impos l'histoire un horrible carcan, tandis que l'rudition dont elle s'tait spare, travaillait dans l'ombre et prparait l'avnement de la critique, qu'enfin le Sicle des Lumires amena une rconciliation des deux disciplines et ouvrit l're de l'histoire scientifique. Un certain nombre de donnes que le programme du colloque d'aujourd'hui n'a pas manqu d'voquer, a t utilis pour soutenir ces diffrents points de vue : "historiographie officielle", "cration d'une acadmie des inscriptions", "constitution de fonds d'archives", "cration d'un dpt des chartes", dont on lit qu'elles furent l'expression d'une "main-mise de l'Etat sur le pass". Tout ceci est assez sduisant pour l'esprit, mais produit un peu l 'effet d'un trompe-l'oeil. Historiographie officielle ? Qui en taient donc les desservants et comment se manifestait-elle ? Ce n'est pas en tout cas l'examen des listes d'historiographes pensionns au XVIIe sicle qui permettrait de s'en faire une ide. Cration d'une acadmie des inscriptions ? Son but n'a jamais t d'crire l'histoire, mais de composer des devises pour le souverain dans un premier temps, de reprendre ensuite l'hritage des Mauristes en matire d'ditions de textes. Constitution de fonds d'archives ? Mais Philippe Auguste avait dj perdu les siennes Frteval en 1194. Aurait-on attendu Louis XIV pour les reconstituer et que dire alors des classements oprs par les gens du Parlement aux XlVe et XVe sicles ?

    Il y a moins de boutade et de paradoxe qu'il n'y parat dans