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Chevaux et cavaliers Arabes Dans les arts d’Orient et d’Occident L’Institut du monde arabe a fait le choix de présenter à son public, du 25 novembre 2002 au 30 mars 2003, une grande exposition patrimoniale qui a pour thème le cheval à travers la civilisation arabo-islamique. Cette exposition, intitulée Chevaux et cavaliers arabes, s’inscrit dans la lignée d’une série de manifestations prestigieuses dont le succès aura eu pour effet de placer désormais l’Institut du monde arabe parmi les plus grands lieux d’exposition tant français qu’internationaux. Couvercle de brûle-parfum en forme de tête de cheval Khorasan, XII e siècle Alliage quaternaire gravé H. 6 cm Londres,The Nasser D. Khalili Collection of Islamic Art Cavaliers arabes devant la boutique d’un maréchal-ferrant Théodore Chassériau Huile sur toile 89,5 x 74,5 cm Tours, Musée des Beaux-Arts

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Chevaux et cavaliers Arabes Dans les arts

d’Orient et d’OccidentL’Institut du monde arabe a

fait le choix de présenter à son

public, du 25 novembre 2002

au 30 mars 2003, une grande

exposition patrimoniale

qui a pour thème le cheval

à travers la civilisation

arabo-islamique.

Cette exposition, intitulée

Chevaux et cavaliers arabes,

s’inscrit dans la lignée d’une série

de manifestations prestigieuses

dont le succès aura eu pour effet

de placer désormais l’Institut du

monde arabe parmi les plus

grands lieux d’exposition tant

français qu’internationaux.

Couvercle de brûle-parfum en forme de tête de cheval

Khorasan, XII e siècleAlliage quaternaire gravé

H. 6 cmLondres,The Nasser D. Khalili

Collection of Islamic Art

Cavaliers arabes devant la boutique d’un maréchal-ferrantThéodore ChassériauHuile sur toile89,5 x 74,5 cmTours, Musée des Beaux-Arts

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Les plus beaux objets relatifs au cheval,pièces de harnachement, costumes,parures, matériels et équipements liés à la pratique équestre, représentationsdans la pierre ou le métal, sur papier ousur toile, en provenance des plus grandsmusées et des plus riches collectionstant d’Europe et d’Amérique que dumonde arabe, seront présentés à l’Institutdu monde arabe pour constituer la plusimportante exposition jamais consacréeà ce sujet en Occident.

Cet Occident, dont la fascination pourle cheval arabe et les traditions arabo-islamiques en ce domaine, jamaisdémentie au cours des siècles, sera elleaussi présente dans l’exposition, au travers des œuvres des plus grandspeintres, sculpteurs et dessinateurseuropéens du XIXe siècle, d’inspirationromantique et orientaliste.

C’est que le cheval est partout présentdans l’histoire de la civilisation arabo-islamique. Mieux que le chameau, c’estlui qui en moins d’un siècle fait avancerles colonnes victorieuses des arméesmusulmanes jusqu’aux Indes, en Orient,et à l’Espagne, en Extrême-Occident.Et c’est lui que chevauche le prophèteMuhammad jusqu’au septième ciel.

La tradition, en islam, on le sait, est peufriande de miracle. Point de prophètemarchant sur l’eau, d’aveugle recouvrantla vue ou de multiplication des pains.Il est une exception pourtant dont rendcompte le Coran dans la dix-septièmesourate, précisément intitulé “le Voyage

Le cheval est là,partout en islam, qui véhicule,

dans la réalité, les armées victorieuses et, dans les rêves, les

visions prophétiquesCoupe au cavalier

brandissant une épéeNishapur, IXe - Xe siècleCéramique à décor peint

sur engobe et sous glaçureH. 6 cm ; D. 22 cm

Berlin,Museum für Islamische Kunst

Coupe au cavalier fauconnierIran, Kashan, vers 1200CéramiqueD. 21,3 cm ; H. 9,4 cmCopenhague,The David Collection

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nocturne”, périple et ascension nuitamment accomplis par le prophèteMuhammad et qui lui permirent de serendre, monté sur une cavale prodigieuse,la jument al-Buraq, de La Mecque àJérusalem, puis de gravir chacun des septcieux, rencontrant à la porte de chacund’eux, chacun de ses glorieux prédéces-seurs : Adam,Abraham, Moïse, Jésus…avant que de s’entretenir avec Dieu — à 70 000 reprises, selon certainsauteurs —, tout cela dans un tempsimperceptible aux mortels, qui lui fitretrouver, de retour à La Mecque etgrâce aux allures de sa monture formidable, sa couche encore chaude etl’eau d’une cruche, renversée en partant,encore en train de se répandre au sol.

Le cheval est là, partout en islam, quivéhicule, dans la réalité, les armées victorieuses et, dans les rêves, les visionsprophétiques.

Dans la réalité, les Arabes ont forgé unmot,“furusiyya”(sur la racine d’un desvocables parmi tant servant à désignerle cheval :“al-faras”), qui n’a d’équivalent dans aucune autre languepour la raison qu’il recouvre tout à la fois,science équestre et équitation, cavalerieet chevalerie, hippologie et hippiatrie.Et plus encore, pour ceux qui s’adonnèrentà son culte : un véritable mode de vie.

Ainsi, tel sultan mamelouk, al-NassirMuhammad, disposait dans sa capitaledu Caire de quelque sept ou huit hippodromes où étaient organisés non seulement des courses mais aussi descarrousels. Ce prince, monté sur le plusbeau de ses coursiers, participait engrand apparat aux fêtes et aux spectaclesqu’il offrait. C’est pour lui, et sous sonnom que fut rédigé “Le Livre de Nassir”,qui constitua le plus complet des traitésjamais écrit sur le cheval.

Coupe au cavalier chasseurIran, période sassanide,VII e siècle

ArgentParis, Bibliothèque Nationale de France,

Cabinet des Médailles

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Il mit en place une administrationexclusivement consacrée à la gestionde ses haras — où l’on enregistrait lagénéalogie complète de chaque nouveau produit, comme les originesde toute nouvelle acquisition — et à celle de ses écuries, où se pouvaient compter, à la date de sa mort, en 1342,quatre mille huit cents chevaux.Les grands hommes de ces grands sièclesarabes, princes ou poètes, sont aussi —sont surtout, sont d’abord — cavaliers.Ainsi, dès l’abord du premier hémistichedu plus célèbre vers — un vers que legrand Jorge Luis Borges plaçait aupinacle de toutes les poésies — du pluscélèbre des poètes arabes, l’immenseAl-Mutanabbi, dit “Prince des poètes”,cet animal unique — dont un proverbesyrien nous dit qu’il convient de“l’aimer comme son fils”mais de “le traitercomme son ennemi”— occupe la première place :

“Le cheval, la nuit,le désert me connaissent”“Et l’épée, la lance, le parchemin et la plume”

Tous les poètes arabes ou presque enont loué les vertus.Ainsi d’Imru al-Qays (mort en 550), premier poètede langue arabe et prince maudit,dépossédé de son royaume, rendantainsi compte, dans sa mu’allaqatfameuse — selon la traduction qu’en

donna Jacques Berque —, des méritesde son étalon :

“De gazelle a les hanches et d’autruche les jambes”“Le trot du loup la détente durenardeau”

Le prince-poète ne pouvait pourtant qu’ignorer, en ces temps anciens, que samonture descendait en droite ligne d’unpetit mammifère, l’Eohippus — à peine plusgros qu’un renardeau et plus petit qu’unloup —,ancêtre de tous les équidés, quivivait, il y a quelque soixante millions d’années, sur le continent américain.

Bien évidemment, l’exposition quel’Institut du monde arabe présente à sonpublic, Chevaux et cavaliers arabes, neremonte pas dans le temps jusqu’auxères antéhistoriques.Toutefois, des traditions d’époque antéislamique sontévoquées dans la mesure où elles consti-tuent les sources de la pratique équestrearabe à venir. Les plus anciennes despièces exposées dans ce contexte sont unbas-relief assyrien et des mors en bronzedu Louristan (Turquie), datant environ du VIIe siècle avant notre ère.

Turco-mongol, iranien, mésopotamien,bédouin-nomade et maghrébin : les prin-cipaux héritages de cette tradition arabe engestation se donnent à lire sur les repré-sentations que proposent de ceux-ci despièces archéologiques d’origines diverses :éléments mobiliers de la péninsule Arabique,

Calligraphie :Hamda Yacoub

L’ordalie de SiyavushPage tirée du Shah Nameh de Shah Tahmasp

Iran,Tabriz, vers 1530-1535Gouache, or et encre sur papier

47 x 31,8 cmTéhéran, Musée d’art contemporain

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fresques et mosaïques (d’époque romainenotamment), céramiques et bronzes(d’époque byzantine notamment).Ainsi de tel panneau de fresque dePadjikent (Asie centrale), provenant duMusée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourgou de telle stèle au cavalier numide,d’époque romaine, prêtée par le Muséedu Bardo de Tunis…

C’est la synthèse originale de cesdifférentes traditions qui,rapidement, s’affirme, pour donnernaissance à la “furusiyya”.La diversité des traditions va de pairavec la diversité des “races” : turco-mongole, égyptienne, barbe et, biensûr, arabe. Dans le cadre d’une miseen perspective de la pratique équestre au travers de la civilisationarabo-islamique, c’est dans leur pluralité qu’il convient d’appréhenderles montures des hommes plutôt quede s’exténuer en quête d’un impro-bable modèle unique :“Appelez-lepersan, numide, barbe, arabe de Syrie,nedji, peu importe, toutes ces dénomina-tions ne sont que des prénoms, si l’onpeut parler ainsi, le nom de famille estun : cheval d’Orient”, écrivait en1855 celui qui fut l’interlocuteurprivilégié en matière de cheval del’émir Abd el-Kader, le général E. Daumas, dans son célèbre ouvrage,Les Chevaux du Sahara et les mœursdu désert.

C’est la synthèse originale de cesdifférentes traditions qui,

rapidement, s’affirme, pour donnernaissance à la “furusiyya”

ChevalIran, X e siècleBronzeH. 36 cm ; L. 42 cmSaint-Pétersbourg, Musée de l’Ermitage

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A côté des traités de “furusiyya” qui codifient strictement les exercices d’adresse utiles à la formation des cavaliers (à la parade, à la guerre, à lachasse, au jeu de polo, etc.) et font progresser la science vétérinaire — etnotamment les somptueux manuscritsrichement illustrés prêtés à l’IMA parl’Institut d’Etudes Orientales de Saint-Pétersbourg ou par la BritishLibrary de Londres —, figure ce qui apu subsister à travers le temps de l’équipement de cet homme à cheval des premiers siècles de l’islam : casques,masses d’arme, sabres, lances, arcs, flècheset carquois. Et des représentations decelui-ci — céramiques, textiles, métauxincrustés — ou de sa monture :figurines hippomorphes…

La sophistication des codes et des pratiques témoigne de la place et del’usage aristocratique qui sont réservésau cheval.Art militaire, iconographie et divertissements princiers font ducheval, là comme ailleurs, là plusqu’ailleurs, l’emblème, par excellence,du pouvoir.

Les Croisades vont être, dans ce domainecomme dans maints autres, l’occasiond’un véritable choc culturel. Les grandsseigneurs croisés trouvent, face à eux,des cavaleries, arabe et turque, dont l’extrême habileté les déconcerte d’emblée. Ces cavaliers du Proche-Orient procèdent par charges rapides et “n’ont point de honte à fuir ensuite et en fuyant se retournent et tirent de leursarcs sur leurs ennemis, leur infligeant grand dommage”, ainsi que le relate un chroniqueur anonyme.

On est bien loin, en l’occurrence,de la manière de faire des Latins dontles “grosses cavaleries” manquent beaucoup, par comparaison, de mobilitéet d’efficacité. De nombreux princes et seigneurs croisés vont ainsi s’enticherde ces petits chevaux d’Orient dont ils ramènent avec eux des spécimens en France, en Angleterre, en Allemagne,en Italie. Par ailleurs, les acquis de la cavalerie mulsumane pénètrent lentement en Europe occidentale par la voie de l’Andalousie.

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Pendant tout le Moyen Age, en Europe,l’aristocratie se partage entre les tenantsde ce petit cheval “arabe” et ceux d’undestrier plus robuste, mieux capable d’assumer la lourde charge que représentel’armure du cavalier. L’apparition puis lagénéralisation de l’artillerie finira partrancher en faveur du premier ; l’avenirdu cheval d’arme s’en trouvait scellé.

Mais le véritable engouement pour le cheval arabe date en fait de Bonaparte.Lors de la bataille des Pyramides,emmenée par Mourad Bey, l’arméemamelouke, constituée de quelque neufà dix mille cavaliers aux montures

richement harnachées, manque de trèspeu de défaire le général français.Bonaparte en concevra, pour le chevalarabe, une admiration indéfectible ;en provenance et en souvenir du champde bataille, ses soldats lui offriront unesuperbe selle de chef mamelouke quisera présentée dans l’exposition.

De ce jour, Bonaparte n’aura plus demonture qu’arabe et, si possible, à larobe blanche, tel Ali, l’étalon qu’ilramène en France et qu’il montera àMarengo, à Essling, à Wagram. C’estainsi que le montrèrent David, Gros ou Horace Vernet.

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Cette vraie passion de Bonaparte aurapour conséquence d’augmenter considérablement et décisivement lapart de sang arabe dans les élevages et les haras français mis à mal par lesconflits incessants qui agitent l’Europe.Un authentique souci de sélections’instaure dès lors dans l’élevage fran-çais, à l’instar de ce qui se pratiqueoutre-Manche depuis déjà fort longtemps :“la notion de cheval arabe dans son acception rigoureuse esteuropéenne”— constate Jean-PierreDigard, anthropologue, membre ducomité scientifique de l’exposition —et celle-ci “date au plus tôt de la fin duXVIIIe siècle”.

Ce “désir d’Orient” ne reste pas enclosdans les écuries… Une véritable arabomanie s’est emparée de la sociétépar le haut, qui s’inscrit dans la continuité des turqueries en vogue à lacour depuis le XVIIe siècle et la mode,ensuite, des sultanes de Boucher ou despachas de Fragonnard… “L’Orient,soit comme image, soit comme pensée, estdevenu pour les intelligences autant que pour les imaginations une sorte de préoccupation générale”, remarque VictorHugo, en 1829, dans la préface des…Orientales.

Patrie de “pure pensée”— toujours selonHugo —, cet Orient offre aux artistesdes thèmes et des sujets qui les entraî-nent, au-delà des parages trop courus de l’Antiquité ou de la Bible, sur “le territoire de l’inconnu, celui que chercheà explorer tout créateur”, ainsi que l’écrit

joliment Christine Peltre — membredu comité scientifique de l’exposition— dans l’ouvrage qu’elle a consacréaux Orientalistes. Et celle-ci de constaterensuite que “cette sorte d’envoûtement restepourtant impuissant à expliquer l’ampleur et l’intensité de l’orientalisme, qui est devenu au cours du XIXe siècle un élanfondamental de l’art d’Occident.”

Tout ce qui est présenté dans l’exposi-tion, ces objets rares, ces pièces uniques,en provenance de l’Orient véritablevont se trouver, encore sublimés, dansles œuvres des artistes d’Occident.TelCavalier mamelouke, de Géricault (Muséedu Louvre), telle Fantasia, de Delacroix(Musée de Montpellier) témoignent decet Orient de rêve alors devenu unesorte d’ailleurs absolu.

Les voyages en Orient succèdent auxvoyages en Orient. Mais la part durêve va de pair avec des réalités plusrudes, avec la résolution de la “questiond’Orient”, avec la pénétration del’Orient par l’Occident, avec la création, par l’Occident, d’un Orient“exoticisé” à l’extrême.

Ce sont pourtant, souvent de purschefs-d’œuvres qui sortent des imagina-tions débridées d’artistes que l’Orientinspire. Cet “élan fondamental de l’artd’Occident”— complice inconsidéré del’impérialisme, que dénonçait naguèreEdward Saïd — témoigne aussi d’unevigoureuse appétence de connaissance,d’une curiosité puissante, d’un véritablegalop de l’âme.

Ph. C.

FantasiaEugène DelacroixHuile sur toile, 1832H. 0,59 ; L. 0,73Montpellier, Musée Fabre

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C’est du continent américain que se trouveêtre originaire l’Eohippus, ancêtre de tous leséquidés, qui y vivait voici quelque soixantemillions d’années. Guère plus gros — à l’époque — qu’un renard, il emprunte ledétroit de Behring, alors pris dans les glaces,pour atteindre l’Asie et s’installer dans sessteppes centrales, où, pendant toute la pré-histoire, au rythme des changements de cli-mat, de l’avance et du recul des glaciers, depetits groupes d’équidés évoluent jusqu’àconstituer l’Equus caballus, c’est-à-dire lecheval que nous connaissons aujourd’hui.

Deux principaux centres de peuplement seforment, l’un à l’ouest de l’actuelleMongolie, en Dzougarie, donne naissance àune “race” dite mongole, et l’autre, dans larégion du Ferghana, au nord-est de la Perse,à une seconde “race” dite aryenne. La pre-mière — Equus caballus mongolicus — essaimetrès tôt, tant vers l’Est, jusqu’aux confins dela Chine, que vers l’Ouest, jusqu’enScandinavie et en Espagne. C’est ce petitcheval mongol que les chasseurs du paléoli-thique font figurer sur les parois de leursgrottes — à Lascaux, notamment —, luiaussi qui donne naissance au type dit ibé-rique ou andalou, lui encore que lesSumériens attellent à leurs chars et qui sert,plus tard, de monture aux cavaliers d’Attila,de Genghis Khan ou de Tamerlan.

La seconde lignée — Equus caballus aryanus —ne quitte son berceau natal du Ferghanaqu’aux époques historiques. Ses multiplesdescendants donnent naissance à de nom-breuses variétés — ou “races” — de che-vaux, tant en Asie, qu’en Europe ou enAfrique. Les envahisseurs Hyksos les intro-duisent, au XVIIIe siècle avant notre ère, enEgypte, où ils donnent naissance à la “race”dite égyptienne. Plus à l’Ouest, une autresouche, dite “barbe” s’épanouit en Numidie.

Les Assyriens, remarquables dresseurs, ne secontentent pas de les atteler, à l’instar desEgyptiens, mais apprennent à les monter,sans selle ni étriers, constituant une véritablecavalerie, sans doute la première de l’histoi-re de l’humanité, maniant l’arc et la lance.Atteignant la Grèce et les Balkans, ils sont àl’origine, dans la mythologie, des Centaureset des Lapithes, et servent ensuite de mon-tures aux soldats d’Alexandre le Grand.Reprenant de la sorte le chemin de l’Asie,on les retrouve notamment au Proche-Orient.Avec leur chanfrein souvent légère-ment creusé, ainsi qu’en témoignent main-tes représentations, ils constituent (ou figu-rent parmi) les ancêtres du cheval arabe.

Il est difficile d’être plus précis quant auxorigines de ce cheval “arabe”. Pour lesmeilleurs spécialistes de la préhistoire, onle sait, l’homme a fait, dix mille ans avantnotre ère, l’objet de tant de mélanges, decroisements et de brassages, qu’il n’est déjàplus question d’évoquer à son égard lanotion de “race” pure. Que dire alors ducheval ?… Et du cheval “arabe” ?… Quandl’auteur très britannique de The Encyclopediaof the Horse, Elwyn Hartley Edwards, affirme“qu’ il existe de toute évidence, dès 2500 ansavant Jésus-Christ, dans la péninsule Arabique,une race de chevaux ayant tous les traits et lescaractéristiques du cheval arabe” ? Et quand,par ailleurs, l’auteur français du Chevalarabe, Philippe Barbié de Préaudeau, écrit :“Ainsi donc, à l’aube de l’ère chrétienne, aucuncheval ne court encore à travers les désertsd’Arabie, aucun Arabe ne s’est encore laisséséduire par l’ivresse des chevauchées. Un siècleaprès, tout a changé” ? Et d’expliquer ensui-te comment tel prince yéménite alla qué-rir en Mésopotamie, dans le courant dudeuxième siècle de notre ère, les premierschevaux jamais introduits dans cettemême péninsule…

Aux origines

des origines

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Le catalogue de l’expositionPlacé sous la direction de Jean-PierreDigard, anthropologue, directeur derecherches au CNRS et membre ducomité scientifique de l’exposition,cette publication constitue la première synthèse consacrée au “cheval d’Orient”.Débordant le strict contexte de l’exposition, ce livre-catalogue réunitdes essais dus à la plume des meilleursspécialistes arabes et européens dans les domaines notamment de l’histoirede l’art, de l’équitation et de l’histoirede la littérature.

Coédition : IMA-Gallimard 300 pages, 360 illustrations(prix : 42 €, broché ; 55 €, relié).

Le film de l’expositionDépassant le côté forcément statiquedes œuvres d’art présentées dans l’exposition, le film s’attache à montrerla relation vivante et affective qui liel’homme à sa monture. Des haras — au Maghreb (Royaume du Maroc),et au Proche-Orient (Royaume deJordanie) — permettront d’illustrer lapérennité et la continuité de la passiondes Arabes pour leurs chevaux et —tout en tenant compte de la diversitédes pratiques, aujourd’hui —, d’entendrerésonner l’écho de la “furusiyya”éternelle.

Coproduction :IMA-Les Films d’ici-Mezzo-Equidia Durée : 52 minutes.Mise en scène : Michel Quinejure.

ChanfreinSyrie, Damas, 1419Fer battu et forgé, damasquiné d’orH. 50,8 cm ; L. 23,1 cmLyon, Musée des Beaux-Arts

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CommissariatCommissaire général : Brahim Alaoui,directeur du Département Musée et Expositions de l’Institut du monde arabe

Conseiller scientifique : Pierre Chaigneau,conservateur honoraire

Commissaire art islamique : Eric Delpont,Institut du monde arabe

Commissaire peintures : Noha Hosni Maillard,Institut du monde arabe

Assistante aux commissaires : Aurélie Fauret,Institut du monde arabe

Comité scientifiqueArlette Sérullaz :Conservateur général, département des Arts graphiques,Musée du Louvre et Musée Eugène Delacroix

Christine Peltre :Professeur et directeur de l’Institut d’histoire de l’art,Université Marc Bloch (Strasbourg)

Annie Vernay-Nouri :Conservateur au département des manuscrits arabes,Bibliothèque Nationale de France

Jean-Pierre Digard :Directeur de recherches au CNRS

Christian Robin :Directeur de recherches au CNRS et archéologue

Yves Porter :Maître de conférence,Université de Provence (Aix-en-Provence)

Communication Directeur de la communication : Philippe Cardinal assisté de : Aïcha Idir-OuagouniTél. : 01 40 51 39 01 - Email : [email protected]

Attachée de presse et de communication : Josy PercevalTél. : 01 40 51 39 56

Chargée de presse arabe : Salwa Al NeïmiTél. : 01 40 51 39 82

Encrier aux cavaliersIran, XIIIe siècle

Alliage cuivreux incrusté d’argent et d’or

H. 5,9 cmVaduz, Furusiyya Art Foundation

Kitâb al-Makhzûnfî jâmi’ al-funûnde Muhammad ibn Yaqûb ibn Khazzâm al-Khuttali

Copié en 1474Papier, gouache et encre

30x21x3cmSaint-Pétersbourg,

Institut d’Etudes Orientales

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