chapitre i origine et composition des combustibles · en pratique le rendement de conversion...

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CHAPITRE I : ORIGINE ET COMPOSITION DES COMBUSTIBLES 1. La photosynthèse de la biomasse, genèse des combustibles L'origine commune de tous les combustibles est la matière organique ou biomasse, élaborée par les végétaux terrestres et le phytoplancton marin. La photosynthèse chlorophyllienne qui en est le fondement, implique : d'une part l'existence de matière première de base, à savoir carbone, hydrogène et oxygène, sous forme de CO 2 et H 2 O d'autre part la disponibilité d'une quantité d'énergie suffisante et de forme adéquate, soit un rayonnement lumineux de longueur d'onde comprise entre 400 et 700 nm. 1.1 La matière première A l'origine, l'atmosphère terrestre contenait beaucoup de H 2 O et de CO 2 . Le refroidissement de la croûte terrestre a entraîné la précipitation de la plus grande partie de l'eau dans les océans. Quant au CO 2 , on estime qu'il y a 4.25 milliards d'années, l'atmosphère en contenait plus de 30 % . Cette teneur dépassait encore 3 % il y a 1 milliard d'années, tandis qu'à l'heure actuelle, la teneur moyenne en CO 2 atteint environ 0.0365 %. La plus grande partie du CO 2 de l'atmosphère initiale s'est fixée sous forme de carbonates dans les roches sédimentaires et les sédiments marins. On estime à 47500 10 12 tonnes la quantité de carbone ainsi fixée, à comparer aux 37 10 12 tonnes présentes dans les océans sous forme de bicarbonates et d'acide carbonique, aux 2.5 10 12 tonnes de matière organique morte et aux 4 10 12 à 16 10 12 tonnes de combustibles fossiles présents dans le sol et les océans, et enfin aux 0.7 10 12 tonnes présentes dans l'atmosphère. Le réservoir atmosphérique, de capacité relativement faible est donc, directement ou indirectement, en communication avec des réservoirs beaucoup plus importants, susceptibles de tamponner les variations de la teneur en CO 2 atmosphérique. Il est cependant à noter que depuis le début de l'ère industrielle, cette teneur n'a cessé d'augmenter, passant d'environ 280 ppm à 365 ppm en moins de 200 ans, avec un taux de croissance actuel de plus de 0.35 %/ an. Le niveau de CO 2 atteint ainsi est inégalé dans l'histoire des 400 000 dernières années de la Terre, au cours MECA 2160 2003 1

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CHAPITRE I : ORIGINE ET COMPOSITION DES COMBUSTIBLES 1. La photosynthèse de la biomasse, genèse des combustibles L'origine commune de tous les combustibles est la matière organique ou biomasse, élaborée par les végétaux terrestres et le phytoplancton marin. La photosynthèse chlorophyllienne qui en est le fondement, implique :

• d'une part l'existence de matière première de base, à savoir carbone, hydrogène et oxygène, sous forme de CO2 et H2O

• d'autre part la disponibilité d'une quantité d'énergie suffisante et de forme adéquate,

soit un rayonnement lumineux de longueur d'onde comprise entre 400 et 700 nm. 1.1 La matière première A l'origine, l'atmosphère terrestre contenait beaucoup de H2O et de CO2. Le refroidissement de la croûte terrestre a entraîné la précipitation de la plus grande partie de l'eau dans les océans. Quant au CO2, on estime qu'il y a 4.25 milliards d'années, l'atmosphère en contenait plus de 30 % . Cette teneur dépassait encore 3 % il y a 1 milliard d'années, tandis qu'à l'heure actuelle, la teneur moyenne en CO2 atteint environ 0.0365 %. La plus grande partie du CO2 de l'atmosphère initiale s'est fixée sous forme de carbonates dans les roches sédimentaires et les sédiments marins. On estime à 47500 1012 tonnes la quantité de carbone ainsi fixée, à comparer aux 37 1012 tonnes présentes dans les océans sous forme de bicarbonates et d'acide carbonique, aux 2.5 1012 tonnes de matière organique morte et aux 4 1012 à 16 1012 tonnes de combustibles fossiles présents dans le sol et les océans, et enfin aux 0.7 1012 tonnes présentes dans l'atmosphère. Le réservoir atmosphérique, de capacité relativement faible est donc, directement ou indirectement, en communication avec des réservoirs beaucoup plus importants, susceptibles de tamponner les variations de la teneur en CO2 atmosphérique. Il est cependant à noter que depuis le début de l'ère industrielle, cette teneur n'a cessé d'augmenter, passant d'environ 280 ppm à 365 ppm en moins de 200 ans, avec un taux de croissance actuel de plus de 0.35 %/ an. Le niveau de CO2 atteint ainsi est inégalé dans l'histoire des 400 000 dernières années de la Terre, au cours

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desquelles il a fluctué entre 180 et 300 ppm, en relation avec la périodicité des glaciations. De plus, son évolution actuelle est cent fois plus rapide que celle des dernières 20 000 années. 1.2 La source d'énergie C'est essentiellement le rayonnement solaire, qui peut être considéré comme stable à l'échelle séculaire, est la source d’énergie de la photosynthèse. Au rayonnement solaire intercepté par la terre, différence entre le rayonnement incident et sa fraction réfléchie, s'ajoutent l'énergie géothermique et celle prise à la lune. L'ensemble des termes sources s'élève ainsi à :

• 172500 TW de rayonnement solaire incident • -50000 TW de rayonnement solaire réfléchi • 30 TW de géothermie et d'énergie prise à la lune

• 122530 TW de terme source à la surface de la Terre

Cette puissance se répartit comme suit :

• 41400 TW sont absorbés par l'atmosphère • 65400 TW sont absorbés par les océans • 15600 TW sont absorbés par les glaces polaires et les continents émergés • 130 TW sont convertis en matière organique par photosynthèse

75 TW dans les océans 55 TW sur les terres émergées

Après de multiples échanges et transformations, toute cette énergie est finalement renvoyée dans l’espace sous forme de rayonnement infrarouge de grande longueur d'onde, correspondant à la température superficielle de la Terre. L'opacité relative de l'atmosphère au rayonnement infrarouge régit le niveau moyen de la température nécessaire à cette réémission. Cet effet de serre est principalement dû à la présence dans l'atmosphère des gaz hétéroatomiques, dont les principaux sont H2O et CO2.

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1.3 Le mécanisme de la photosynthèse Le phénomène de la synthèse chlorophyllienne, mis en évidence par Priestley dès 1771, n'est bien compris que depuis une trentaine d'années. Il comporte deux stades : • la phase lumineuse, au cours de laquelle a lieu le captage de l'énergie solaire par la

chlorophylle, entraînant diverses réactions biochimiques, dont la phytolyse d'eau avec émission d'oxygène

• la phase obscure, au cours de laquelle sont synthétisés des sucres avec absorption de CO2. La chaîne de réactions fait intervenir de l'eau et diverses substances organiques contenant entre autres du phosphore. Pour qu'une molécule de CO2 puisse être absorbée, la plante doit disposer de 450 à 600 molécules d'eau.

Le produit principal de la photosynthèse est le glucose:

2 2 6 12 66 CO 6 H O C H O 6 O2+ → +

La structure linéaire de cette substance, soit :

a tendance à se modifier en la sttour, polymérise en cellulose :

6n

en formant des chaînes de plusiecentaines disposées en parallèleschéma de polymérisation suivan

OH H OH H

H

C C CC C

H

r

C

u. t

H OH H O

CH2O

ucture cyclique du glucopyrannose

( )6 12 6 6 10 5 2nH O C H O 6n H O→ +

rs milliers d'hexagones enroulées eLes fibres du tissu cellulaire son

, au cours duquel est libérée de l’eau

O

. Le glucopyrannose à son

n hélices et regroupées par t ainsi constiuées selon le .

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O OO

H

CH

H

H

H

C OH

OH

C

C O

C

CH2OH

H

CH

H

H

C OHH

OH

CC

OC

CH2OH

H

C

H

C

O H HO H HO

H HO H

C

O

H

H

H

COHH

OH

CC

OC

CH2OH

H

O

CH

H

H

H

C OH

OH

C

C O

C

CH2OH

CH2OH

H

H

H

H

OH

OH

O

OH

C C

C

C

C

OH HOH

CH2OH

H H

H

H

H

OH

OH

O

OH

C C

C

C

C

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Dans les plantes ligno-cellulosiques, des polymères plus complexes encore, de la famille des résines, forment la lignine, qui joue le rôle de liant intercellulaire. La diversité des molécules organiques nécessaires à la vie des plantes se construit suivant des schémas similaires. La matière ligno-cellulosique sèche a pour composition moyenne globale, hors matières minérales :

1.44 0.66CH O

Le rendement énergétique de la photosynthèse est médiocre :

• 20 % des rayons incidents sont réfléchis • 10 % traversent les parties vertes des végétaux • 20 % sont réémis sous forme de rayonnement infrarouge • 48 % sont perdus en fluorescence au cours de certaines réactions de la phase lumineuse • 2 % au maximum de l'énergie incidente peut servir à la photosynthèse.

En pratique le rendement de conversion atteint, selon les plantes et les conditions du terrain, de 0.5 à 1.6 %. Il n'en reste pas moins que la photosynthèse est responsable actuellement sur les terres émergées de la production annuelle de quelque 100 109 Tonnes de matière sèche : de quelques dizaines de T/ha.an en forêt tropicale humide, à quelques T/ha.an en toundra semi-désertique. L'énergie ainsi stockée annuellement par les végétaux terrestres est de l'ordre de 17.5 108 TJ, ce qui correspond à une puissance continue de l'ordre de 55 TW. Des mécanismes similaires conduisent à la formation du phytoplancton dans les couches superficielles des océans, y consommant le CO2 atmosphérique qui s’y dissout. Il correspond à cette activité marine une énergie d’environ 23.5 108 TJ stockée annuellement, correspondant à une puissance continue de l’ordre de 75 TW. La plus grande part de cette énergie est relâchée de façon diffuse au cours des processus de dégradation naturelle de la biomasse en milieu aérobie, soit directement, soit après avoir servi de nutriment et parcouru une chaîne alimentaire plus ou moins complexe. L'oxydation de cette matière organique la recycle à l'état initial de CO2 et H2O. La part de la biomasse utilisée par l'homme sous forme de nourriture en représente moins de 2 % tandis que celle consacrée à des fins énergétiques, essentiellement sous forme de bois de chauffe dans les pays non industrialisés, atteint à peine 3 % .

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2. La formation des gisements de combustibles fossiles 2.1. Les mécanismes de la fossilisation On estime l'âge de la Terre à environ 4.5 milliards d'années. Au cours du précambrien, d'une durée approximative de 4 milliards d'années, le refroidissement de la croûte terrestre a conduit à la composition de l'atmosphère y permettant l'apparition des organismes vivants. L'ère primaire, dont le début se situe il y a 500 millions d'années et la fin il y a 200 millions d'années, a comporté dans sa seconde moitié, une situation climatique favorable à une activité végétale intense. Cette activité a créé les conditions d'enfouissement évitant la décomposition aérobie et le retour à l'atmosphère du carbone végétal, au profit de sa fixation dans le sous-sol par fossilisation. La formation des gisements de combustibles fossiles qui en est la conséquence a conduit à donner à cette période géologique de 50 à 100 millions d'années, située il y a environ 300 millions d'années, le nom de période carbonifère. La transformation de la matière organique des végétaux en combustibles fossiles comporte deux étapes majeures : une étape biochimique à température modérée, n'altérant que peu la structure cellulaire de base, et une étape thermochimique éliminant les fonctions les moins stables, pour aboutir à un cracking terminal. Etape biochimique

En milieu anaérobie, l'activité des micro-organismes, tout en modifiant la composition de la matière organique, (émission de CO2 et d'H2O), n'altère que partiellement sa structure.

• Dans la mer, les fermentations anaérobies concernent la matière organique dispersée dans les vases et alluvions sous une couverture d'eau d'une centaine de mètres, où l'oxygène dissous n'est pas remplacé. Les matières ainsi altérées sont à 1 origine des pétroles.

• Sur terre, les végétaux subissent une altération analogue à l'abri de 1'air lorsqu'ils sont recouverts d'une épaisseur suffisante de sédiments : ils deviendront finalement de la houille.

La distinction entre houilles et pétroles réside donc essentiellement dans le degré de dispersion de la matière organique de base.

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Les matières laissées par 1'activité microbienne qui s'est exercée dans des conditions de température et de pression modérées, subissent encore une réorganisation chimique avec polymérisation et condensation donnant naissance à des produits bruns comparables aux acides humiques et fulviques connus dans les sols, et forment finalement un résidu organique insoluble.

Figure 1.1

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Au terne de cette 1ère phase d'évolution, la matière organique a subi déjà un appauvrissement important en oxygène. Cet appauvrissement étant plus marqué pour les composés tels que les glucides ou la cellulose, relativement riches en oxygène. La matière résiduelle est appelée kérogène à 1'état dispersé et tourbe à l'état d'amas. Elle est composée de noyaux polyaromatiques reliés entre eux par des chaînes aliphatiques et des liaisons hétéroatomiques incluant des groupements fonctionnels. Dans cette structure relativement hétérogène, les noyaux polvaromatiques constituent les éléments les plus stables. Etape thermochimique

Au cours de l'évolution géologique ultérieure, l'enfouissement se poursuit sous de nouvelles couches de sédiments pouvant atteindre finalement des milliers de mètres d'épaisseur. Compte tenu d'un gradient de température de l'ordre de 30 °C/km, il en résulte un relèvement de température notable, pouvant atteindre plus de 200 °C . Cette hausse de température élimine les parties les moins stables de 1'édifice construit : • par élimination des groupes carbonyle O C= et carboxyleO C OH= − , ce qui abaisse le

rapport (abandon de , produits oxygénés lourds : résines, asphaltènes) O / C 2H O , CO2

• par élimination des chaînes a1iphatiques (hydrocarbures liquides), ce qui abaisse le rapport

H/C Si la température est suffisamment élevée, le craquage des molécules hydrocarbonées donne naissance à des produits gazeux ou à des hydrocarbures légers. Au cours de cette phase, les noyaux polyaromatiques sont peu affectés, leur agencement se rapprochant peu a peu d'une structure graphitique Comme illustré fig. 1.1, il existe un parallélisme total dans 1'évolution conduisant d'une part de la tourbe au charbon et au grisou, d'autre part, du kérogène vers le pétrole et le gaz naturel. Cependant, une petite fraction de la matière organique initiale (partie supérieure droite de l'illustration) possède dès le départ une structure proche de celle des produits pétroliers : il s'agit par exemple d'acides gras d'origine algaire ou d'alcanes normaux issus d' huiles végétales. Si ces matières sont préservées de la décomposition microbienne, elles se retrouvent dans les roches mères, telles quelles ou avec des modifications structurelles mineures. Alors que les amas de charbon plus ou moins affectés par des accidents tectoniques, restent exploitables sur le lieu même de leur formation (encore que les produits issus de leur altération aient souvent migré) les matières provenant de la dégradation du kérogène sont

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pour la plupart restées dispersées dans leurs roches mères, rendant leur exploitation quasi impossible. Pour constituer des gisements, ces hydrocarbures doivent migrer vers des réservoirs poreux et à 1'intérieur de ceux-ci, s'accumuler dans des pièges. Ces phénomènes ne se produisent que dans des conditions rares. Au cours de sa migration vers les réservoirs, le pétrole subit encore un changement de composition : les éléments lourds et polaires contenant , et , filtrant moins facilement. D'autre part, le pétrole peut être ramené par migration au voisinage de la surface, où il subit éventuellement une dégradation par les micro-organismes aérobies. Dans ce cas, ce sont les fractions légères qui sont les plus affectées, les composés lourds (asphaltènes et résines) restant inaltérés. On en arrive ainsi aux sables asphaltiques.

O S N

L'évolution de la matière vivante vers les combustibles nobles entraîne une variation de sa composition chimique qui peut être suivie sur un diagramme proposé par VAN KREVELEN, comportant en coordonnées les rapports atomiques et . Un tel diagramme est représenté fig. 1.2.

H / C O / C

GAZ

PETROLE

KEROGENE PLANCTON

HOUILLEGRASSE

LIGNITE

ANTHRACITE

TOURBE CELLULOSE

O / C

H / C

Figure 1.2 Dans tous les cas, on observe d'abord la diminution du rapport par dégagement de CO et

de . Cette première phase est très importante pour la matière provenant des végétaux

supérieurs (forêts continentales). Elle est moins marquée pour les matières organiques d'origine marine (phytoplancton) et est à peine perceptible pour les lipides. Pour les végétaux terrestres,

O / C 2

2H O

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cette phase aboutit à la formation de la tourbe puis du lignite, alors que le phytoplancton donne naissance au kérogène. Ensuite, pour la matière organique d'origine terrestre, on observe la diminution du rapport par décomposition thermique avec émission d'huiles et formation de houille grasse (encore riche en hydrogène), puis de gaz combustibles, aboutissant en finale aux gisements anthraciteux.

H / C

Par contre, pour la matière d'origine marine, l'effet de filtration associé à la migration du kérogène des roches mères vers les roches réservoirs conduit à une concentration en éléments de plus en plus légers, ce qui correspond à un accroissement du rapport et à la formation des gisements pétroliers. Cet accroissement s'accentue encore sous l'effet du craquage thermique aboutissant à la formation de gaz.

H / C

La figure 1.3 décrit pour les combustibles fossiles d'origine marine, la fréquence des hydrocarbures formés en fonction de la profondeur d'enfouissement des matières de départ, donc de la température atteinte.

Profondeur

km

Fréq

uenc

e de

form

atio

n

des h

ydro

carb

ures

Fossiles géochimiques

CH

4 bio

chim

ique

HUILE formée par

dégradation thermiquedu kérogène

GAZ formé par

cracking thermique du kérogène et de l'huile

1 2 3 4

Figure 1.3

MECA 2160 2003 10

On observe clairement que suivant le cas, on obtient des produits liquides ou des gaz. Si l'enfouissement est insuffisant, la décomposition de la matière organique de base ne fournit que du bio méthane (généralement perdu au cours des accidents géologiques) ou une petite quantité d'hydrocarbures "naturels" (fossiles géochimiques). 2.2. La structure et la composition des combustibles fossiles La structure des combustibles fossiles a une complexité croissante à mesure que 1'on passe des gaz aux liquides, puis aux solides. L'évolution de la matière vivante vers les différents combustibles fossiles entraîne une évolution parallèle de leur composition, déjà décrite qualitativement par le diagramme de VAN KREVELEN. La figure 1.4. apporte des précisions en ce qui concerne le rapport , qui joue un rôle important dans la préparation de combustibles liquides synthétiques. D'une part, on y observe la décroissance du rapport pour les combustibles solides, par rapport à une valeur initiale de m'ordre de 1.45 pour la biomasse de départ. D'autre part, on peut y voir qu'au contraire, les produits pétroliers conventionnels et non conventionnels se situent dans une fourchette nettement plus élevée.

H / C

H / C

Dis

trib

utio

n

H/C

5'' 5'

53 421

0.5 0.75 1.0 1.25 1.5 1.75 2.0

1 Charbons 2 Tourbe 3 Sables asphaltiques 4 Schistes bitumineux 5 Pétrole

5' Résidu 5'' Distillat

Figure 1.4

MECA 2160 2003 11

Enfin, les gaz naturels (non représentés) ont un rapport encore plus élevé (3,85...3,95), dû à leur composant majeur, le méthane , hydrocarbure dont les plus importants gisements

résultent du craquage thermique ultime du pétrole et du kérogène, ou de la dévolatilisation de la houille.

H / C

4CH

Le gaz naturel

Le gaz naturel est un mélange d'hydrocarbures légers dans lesquels le méthane est

prépondérant, sa teneur dépassant généralement 80 %. Les composés mineurs constituent la "signature" de l'origine du gisement :

4CH

• les gaz de gisements formés par cracking du kérogène et du pétrole contiennent ainsi une

proportion notable d'hydrocarbures condensables à la pression atmosphérique (propane , butane C H ) et sont appelé pour cette raison "gaz humides" 3 8C H 4 10

• les gaz de gisements associés aux bassins charbonniers sont "secs": le méthane (qui

constitue le grisou des exploitations de houille) n'y est accompagné généralement que quelques % d' éthane et le plus souvent, de composés non combustibles comme du

dioxyde de carbone CO et de l'azote . 2 6C H

2 2N

D'autres composés, comme l'hydrogène sulfuré , l'hélium et de la vapeur d'eau ,

peuvent occasionnellement atteindre des teneurs notables. Ainsi : 2H S He 2H O

le grisou du bassin des Cévennes contenait 8 % de 2CO

on trouvait 15 % de dans le gaz de Lacq 2H S

la teneur en du gaz de Slochteren est de 14 % 2N

l'hélium fait l'objet d'une exploitation rémunératrice dans certains champs des Etats-Unis (Kansas, Ohio, Colorado, Utah, Texas) où sa teneur peut atteindre de 1 à 8 %.

He

Le pétrole

Le pétrole est un mélange d'hydrocarbures plus ou moins saturés, appartenant aux séries aliphatiques, cyclaniques et aromatiques, accompagnés de dérivés organiques oxygénés,

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sulfurés et azotés en faible quantité, ainsi que de traces d'éléments divers tels que le vanadium et le nickel. • Les hydrocarbures les plus fréquents sont les hydrocarbures saturés ou paraffiniques

pour lesquels généralement, 1 nn 2n 2C H + 70< < . Ceux qui sont liquides aux conditions

standard correspondent à . Les valeurs les plus grandes correspondent à des vaselines et à des paraffines. Leur structure est linéaire et ne comporte que des liaisons simples :

5 n 15< <

CH3 (CH2)n CH3

• Un deuxième groupe important d'hydrocarbures est celui des cyclo - alcanes ou naphtènes

: n 2nC H

• Un troisième type est celui des hydrocarbures insaturés ou oléfines CnH2n-2 :

CH2 (CH2)n CH2

CH2 CH (CH2)n CH CH2

• Le quatrième type d'hydrocarbures est celui des aromatiques : il comporte principalement

les BTX (benzène, toluène et xylène) possédant 1 noyau benzénique :

L'oxygène est généralement présent sous forme des radicaux O C OH= = (acides naphténiques) et (phénols). Les OH composés azotés appartiennent au groupe des pyridines et des quinoléines:

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Enfin, les composés sulfurés sont des thiophènes des thioéthers et des mercaptans :

On rencontre aussi dans les fractions lourdes des pétroles, des composés de caractère mixte, oxygénés et sulfurés. Les produits extraits des schistes bitumineux sont semblables aux pétroles, mais ils contiennent davantage de produits oxygénés, notamment des phénols. Les sables asphaltiques sont plus pauvres que les pétroles en éléments légers. Le charbon

La complexité de la structure chimique des charbons est illustrée fig. 1.5 par un modèle de structure dû à KASPERS. On y retrouve un grand nombre de noyaux benzéniques constituant la maille des réseaux qui se sont formés par le processus de polycondensation décrit ci-dessus. Y sont intégrés quelques noyaux hétéroatomiques. Ces groupes de noyaux aromatiques sont entourés de divers radicaux et reliés par des chaînes aliphatiques incluant également des hétéro atomes. Ce modèle rassemble la plupart des groupes fonctionnels que l'on peut rencontrer en dehors des noyaux benzéniques. La figure 1.6 décrit le domaine des compositions élémentaires de la fraction organique des combustibles solides. En ordonnées se trouvent le rapport molaire des teneurs en hydrogène et oxygène du combustible relatives au carbone.

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Figure 1.5 En abscisse, on a porté une variable caractérisant le degré d'avancement du processus de fossilisation : c'est la teneur en matières volatiles, c'est-à-dire la fraction du combustible qui distille lorsqu'il est porté à haute température à l'abri de l'air. On conçoit que ce procédé reproduise "en raccourci" l'évolution de la matière organique au cours des âges géologiques : plus l'évolution est avancée et moins la distillation fournit de matières volatiles. L'échelle des abscisses est donc une image inversée de "l'âge" du combustible. On constate bien que le processus de fossilisation conduit en premier lieu à une forte réduction de la teneur en oxygène (les produits de la décomposition étant riches en et acides

organiques) et à une réduction moins marquée de la teneur en hydrogène, la décroissance initiale étant suivie d'une phase de plateau à rapport proche de l'unité, constituant les charbons bitumineux, encore appelés houilles grasses. Ce n'est que très tard, pour la classe des charbons anthraciteux, que l'on observe à nouveau une baisse de la teneur en hydrogène (les produits de la

2CO

H / C

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décomposition étant cette fois des hydrocarbures allant jusqu'au méthane, voire de l'hydrogène gazeux).

Ages géologiques croissants

% Matières volatiles

Tourbe

Charbonssubbitumineux & Lignites Charbons bitumineux

Anthracites

O/C

H/C

Rapport molaire

1.5

1

0.5

70 605040302010 0 0

Figure 1.6 On ne manquera pas de noter que la contribution massique du carbone devient rapidement prépondérante avec la disparition de l'oxygène, étant donné la faible masse atomique de l'hydrogène comparée à celle du carbone. Sur le plan molaire cependant, il est important d'observer que les anthracites contiennent encore une fraction notable d'hydrogène, attestant de la relative stabilité du complexe C dans la structure des charbons. Cette stabilité explique la quasi impossibilité d'obtenir du carbone pur (à l'état de graphite) par simple pyrolyse de charbon, et l'obtention (au mieux) d'un coke ultime de formule .

H−

0.1...0.2CH

En résumé

• La composition des combustibles naturels part de celle de la biomasse, à savoir : 1.44 0.66les lignocelluloses CH O⇒

• Pour les combustibles charbonniers, et selon leur âge, on trouve en moyenne :

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1.2 0.5

1.0 0.2

0.8 0.05

0.4 0.02

la tourbe CH Ole lignite CH Oles houilles grasses CH Oles anthracites CH O

⇒⇒⇒⇒

• Les combustibles pétroliers sont quant à eux des corps hydrocarbonés de type :

1.4

1.6

1.8

sables asphaltiques CHschistes bitu mineux CHpétroles CH

⇒⇒⇒

• Enfin, les gaz naturels sont suivant leur origine :

3.75

3.95

les gaz " humides" CHles gaz " secs" CH

⇒⇒

3. La formulation générale de la composition des combustibles 3.1. L'analyse sommaire des combustibles L'analyse sommaire ("proximate analysis") d'un combustible a pour but d'en déterminer quatre classes "physiques" de constituants telles qu'elles se révèlent à l'utilisation, plutôt que 'en déterminer la composition chimique. Elle est essentiellement réservée aux combustibles solides et vise à en prévoir le comportement global sous l'action de la chaleur, à savoir l'importance relative des phases : • de séchage, liée à l'humidité éventuelle du combustible • de pyrolyse, responsable de la combustion en phase gazeuse des matières volatiles • de combustion de surface du résidu solide riche en carbone laissé par la dévolatilisation • de dépôt de cendres, résidu solide incombustible

MECA 2160 2003 17

La méthode d'analyse ne nécessite en principe qu'une balance, une étuve pour le séchage, et un four à atmosphère contrôlée pour la pyrolyse et la combustion de l'échantillon à analyser. Elle consiste à : • évaporer l'eau contenue dans un échantillon brut de masse connue M en le soumettant à une

température de 100 °C sous vide : la détermination de la masse M' de l'échantillon sec au sortir de l'étuve donne la valeur de la fraction massique de l'humidité par la relation :

2M M '( H O )

M−

=

• calciner un échantillon sec au four à 1050 °C en atmosphère neutre ou réductrice, pour en

déterminer la fraction volatilisable : la détermination de la perte de masse de l'échantillon donne alors la fraction massique en matières volatiles, conformément à l'expression :

M ' M ''( mat vol )M−

=

• brûler enfin un échantillon sec au four à 850 °C en atmosphère oxydante pour en déterminer

la fraction résiduelle non combustible (les cendres) de masse M''' ce qui fournit :

M '''( Ce )M

=

• la différence entre la masse M'' de l'échantillon dévolatilisé et celle M''' des cendres représente

ce qu'il est convenu d'appeler le carbone fixe, désigné par le symbole C0 , dont la fraction massique est donnée par :

0M '' M '''( C )

M−

=

Il est à noter que le mode opératoire demande de travailler sur au moins deux échantillons, l'un destiné à la pyrolyse et l'autre à la combustion. La calcination en atmosphère neutre à 1050 °C nécessaire à la dévolatilisation peut en effet avoir pour conséquence de vitrifier partiellement les cendres et d'emprisonner le carbone fixe, rendant alors difficile son oxydation ultérieure. C'est pour cette raison que la température de four est limitée à 850 °C pour la phase d'oxydation.

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3.2. L'analyse élémentaire des combustibles et leur formulation symbolique L'analyse élémentaire ("ultimate analysis") détermine les fractions massiques en éléments C, H, O, N et S d'un combustible en principe pur et sec, c'est à dire hors humidité et cendres. Le principe en est basé sur la combustion d'un échantillon de masse M connue dans de l'oxygène pur, dans des conditions garantissant une oxydation aussi complète que possible, par exemple en plaçant l'échantillon dans tube chauffé parcouru par un courant lent d'oxygène et garni d'un catalyseur oxydant comme le CuO. Les gaz comburés, contenant CO2, H2O, SO3, O2 et N2 sont alors absorbés sélectivement. Les absorbeurs retiennent SO3, H2O et CO2 , ce qui permet par pesée de déterminer les masses de MC, MH et MS que contenait l'échantillon. Après passage dans les absorbeurs, le mélange gazeux ne contient plus que O2 et N2. L'oxygène en est éliminé par réaction avec du phosphore, ce qui permet de doser la masse d'azote MN qui dans ce cas est exclusivement issu du combustible. On obtient ainsi les fractions massiques :

C SHM MM( C ) ( H ) ( S ) ( N )M M M

= = = = NMM

et par différence, la fraction massique en oxygène : ( O ) 1 ( C ) ( H ) ( S ) ( N )= − − − −

Des méthodes physiques d'analyse des gaz comburés peuvent remplacer l'usage de réactifs chimiques. Elles sont généralement basées sur la spectrométrie d'absorption dans l’infra-rouge IR, la chromatographie gazeuse ou la spectrométrie de masse. Quoiqu'il en soit, une fois connue la composition élémentaire du combustible par les fractions massiques, il est particulièrement commode, pour résoudre les problèmes de base en bilans de matière et d'énergie de la combustion, de formuler symboliquement le combustible en le normant à 1 atome de carbone , adoptant ainsi le formalisme : y x z uCH O N S

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Ce formalisme est en relation avec les données de l'analyse élémentaire à l'intervention des masses atomiques des différents éléments, données ici en valeurs arrondies, à savoir : m( C ) m( H ) m( O ) m( N ) m( S )M 12 M 1 M 16 M 14 M 32= = = = =

La traduction en fractions molaires de la composition élémentaire connue en fractions massiques donne immédiatement les indices y, x, z et u de la formule symbolique :

( H ) 12 ( O ) 12 ( N ) 12 ( S ) 12y x z u( C ) 1 ( C ) 16 ( C ) 14 ( C ) 32

= = = =

Comme on le verra plus loin, ce formalisme simplifie considérablement les écritures des bilans relatifs à la combustion.

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