chapitre 8 le choix intertemporel l'offre d'Épargne et la demande de capital

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  • 8/10/2019 Chapitre 8 Le Choix Intertemporel L'Offre d'pargne Et La Demande de Capital

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    CHAPITRE 8 CHOIX INTERTEMPORELS : OFFRE DPARGNE ET DEMANDE DE CAPITAL 141

    8

    Les choix intertemporels :loffre dpargne

    et la demande de capital

    Lexplication de la prsence du capital dans toute conomie requiert lintroductiondu temps dans lanalyse. Ceci nayant t fait jusquici ni pour les mnages ni pourles entreprises, le prsent chapitre traite du sujet du point de vue de ces deuxcatgories dagents conomiques, successivement.

    La section 8.1rappelle brivement lesdonnes du problme: pourquoi le capital,pourquoi le temps?

    La section 8.2applique au consommateur une extension intertemporelle de lathorie des choix individuels, maintenant familire, qui traite de la rparti tion dela consommat ion dans le temps. De l dcoulent les comportements dpargne, etdonc de constitution de capital financier. Lacourbe doffre dpargneen est dduite.

    La section 8.3examine le pourquoi et le comment desdcisions dinvestissementdes entrepr iseset, partant, dacquisition par elles de capital financier. Le critre deslection des projets dinvestissement appel V.N.A. est expos, et la courbe dedemande de capital financieren est dduite.

    La section 8.4dcrit les formes du f inancementdes entreprises sous lesquellesse matrialise leur demande de capital financier : obligations, actions,autofinancement.

    La section 8.5met en exergue le rle particulier de lune dentre elles : laction-nariat, comme fondement du capitali sme parmi dautres formes dorganisationdes entreprises. On conclut en prcisant la diffrence entre profit conomique etprofit comptable.

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    142 PARTIE I ANALYSE MICROCONOMIQUE

    Section 8.1Pourquoi des biens de capital?

    Contrairement aux ressources naturelles et au travail humain, le capital physiqueest essentiellement constitu de produits , issus de lactivit des entreprises. Nousen connaissons dj les conditions de demande, fondes sur la productivitmarginale du capital. Mais rien dans ce raisonnement ne permet dexpliquerpourquoi certaines entreprises et, partant, toute une fraction de lconomie choisissent de produire de tels biens plutt que des biens directement consom-mables. Aprs tout, les besoins humains pour lesquels les entreprises fonctionnentne sont-ils pas satisfaits uniquement par les biens de consommation? Or, lesmachines, les quipements, les produits industriels, etc., ne sont pas consommspar les mnages ; pourquoi consacrer tant de ressources leur production ?

    On pose ainsi la question de la justification de lexistence mme du capital, et, en

    particulier, de son accumulation sans cesse croissante par les conomies industria-lises. La rponse a t esquisse au chapitre 2 (note 2), mais elle doit maintenanttre dveloppe en termes doffres et de demandes, se manifestant sur les marchsdu capital.

    Une double ralit est la base de la cration du capital : dune part, ladimensiontemporelle des choix des consommateurs, dans leurs consommations et danslaffectation de leur revenu; et dautre part les possibilits daccrotre le produit enrecourant des moyens de production indirectsmais requrant du temps. Lerapprochement de ces deux faits fournit une explication, devenue classique, de lademande et de loffre de biens capitaux, par opposition aux biens de consommation.Nous allons maintenant dvelopper cette explication.

    Section 8.2Les choix intertemporelsdu consommateur et loffre dpargne

    1 Aspects rels :

    prfrences entre perspectives de consommation

    Le premier fait nous ramne la thorie des choix du consommateur. Au chapitre 3,les moments du temps sur lesquels portaient les besoins et les prfrences nontgure t prciss ; nous avons seulement parl de quantit par unit de temps .Or, il ny a aucune raison de ne faire porter les axiomes quesur des choix valablespour une seule priode de temps, par exemple des choix immdiats. Ceux-ci

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    CHAPITRE 8 CHOIX INTERTEMPORELS : OFFRE DPARGNE ET DEMANDE DE CAPITAL 143

    peuvent galement concerner lavenir, et donc plusieurs priodes successives, sansque les dcisions soient les mmes dune priode la suivante. En dautres termes,les ordres de prfrence que nous avons dfinis sont appels stendre, nonseulement tous les biens consommables aujourdhui, mais aussi ceux quipourraient ltre tout moment du futur.

    Il est alors ncessaire de reformuler les axiomes relatifs aux prfrences du

    consommateur en incorporant cette dimension temporelle, ce qui se fait aismentcomme suit. En considrant deux priodes1, cette anne-ci (temps 0) et lanprochain (temps 1) par exemple, dsignons par C0un niveau de consommation autemps 0 et par C1un niveau de consommation au temps 1. Remarquons que nousexprimons ces niveaux de consommation en euros, et non en termes de tels ou telsbiens spcifiques.

    1 Idalement, on voudrait pouvoir traiter de plusieurs priodes la fois. Mais les outils graphiques en deuxdimensions auxquels nous nous limitons ne le permettent pas. Lessentiel de largument est nanmoins prserv.

    La carte dindiffrence intertemporelle

    Expression analytique du niveau de satisfaction S duconsommateur, en fonction des perpectives de consom-mation prsente, C0et future, C1:

    S f C C = ( )S 0 1,

    Cette fonction est reprsente par la carte dindiffrenceintertemporelle de la figure 8.1.

    Figure 8.1

    Relation 8.1

    La cl du raisonnement rside maintenantdans le fait de considrer les lments de lapaire (C0,C1) comme formant ensemblece quenous appellerons uneperspective de consom-mationstendant sur les deux priodes. la

    figure 8.1 elle est reprsente par le point A,pour une consommation de 100 au temps 0 etde 100 galement au temps 1. De la mmemanire, chacun des autres points du dia-gramme reprsente une autre perspective deconsommation sur les deux priodes.

    Si lon applique maintenant tous ces pointsles cinq axiomes de la section 3.1 (1) les paniers tant cette fois les perspectives deconsommation et si lon suit sur cette basela procdure dcrite au paragraphe 2 de lamme section, on est amen construire, audpart de chaque point, une courbe dindiff-rence dcroissante, appele naturellement courbe dindiffrence intertemporelle ,et ds lors toute une carte dindiffrenceque nous appellerons carte dindiffrenceintertemporelle.

    Comme dans les cas prcdents, ces courbesexpriment deux choses. Dune part, le fait queplus de consommation prsente et plus deconsommation future sont prfrs moinsde lun ou de lautre (par dominance) : les

    perspectives Wet Psont prfres la perspective A. Dautre part, lide que moinsde consommation dans limmdiat (temps 0) ne peut laisser le consommateurindiffrent que si cette rduction est compense (substituabilit) par plus deconsommation dans le futur : passage de la perspective P A, puis la perspectiveN, indiffrente P.

    100

    1000 0C

    1C

    PA

    N

    W

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    144 PARTIE I ANALYSE MICROCONOMIQUE

    La pente des courbes dfinit videmment un taux marginal de substitution intertemporelle entredeux perspectives de consommation voisines; sa valeur varie selon les divers points dune mmecourbe. Cette valeur a une signification intressante : gal lunit (en valeur absolue) le tauxsignifie que le consommateur est indiffrent se priver de la consommation dune unitaujourdhui pour la consommer demain, ou inversement; par contre, si le taux est suprieur lunit en valeur absolue, cela veut dire que pour renoncer une unit aujourdhui, lagent

    conomique exige den obtenirplusquune, demain. Enfin, si le taux (toujours en valeur absolue)est infrieur lunit, cest quil attache tellement dimportance sa consommation futurequil est prt renoncer une unit aujourdhui pour nen avoir quune fraction demain. Cettediffrence entre le taux marginal de substitution intertemporelle du consommateur et lunit estappele le taux marginal de prfrence lgard du temps.

    2 Aspects financiers :lpargne et la contrainte de budget intertemporelle

    Lanalyse prcdente na dintrt que si le consommateur est effectivement enmesure de prendre au temps 0 des dcisions qui influencent la consommation autemps 1. Or, il le peut, par lintermdiaire de lpargne. Lpargne consiste en effet rserver une partie du revenu disponible au temps 0 pour en faire autre choseque lachat de biens consommables ce moment, C0, cest--dire, forcment, pourde la consommation au temps 1, C1. On peut donc proposer la dfinition suivante :

    Lpargneest lexpression de la dcision dun agent conomique de transfrerune partie de son revenu de la priode prsente une priode future.

    Mais le montant qui peut tre pargn nest videmment pas sans limite :celle-ci est dtermine par le montant de revenu disponible au temps 0, que nous

    noterons R0. On peut reprsenter cette limitation par une droite de budget (encoreune fois!), qui se construit comme suit.

    a La thsaurisation

    Considrons dabord la manire la plus simple dpargner, qui est de dposer lemontant de son pargne dans un tiroir, pour le retrouver plus tard, identique lui-mme : cest la thsaurisation.

    Graphiquement (figure 8.2, dont les axes mesurent C0et C1), pour un revenuR0= 200Sau temps 0, par exemple, si la dcision est de ne rien pargner et de toutconsommer au temps 0, ce qui revient poser C0 = R0 et C1= 0, la situationse reprsente par le point Asur laxe horizontal. En revanche, la dcision de ne

    consommer immdiatement que 199Set de thsauriser 1Spendant un an con-duit la situation reprsente par le point B, au-dessusde laxe en raison de laconsommation C1= 1 ainsi rendue possible. Thsauriser 2Sconduirait un pointde coordonnes C0= 198 et C1= 2, semblablement situ le long dune droite, dontla pente est 1. Si notre individu dcide de ne consommer que 100Sau temps 0, etde thsauriser les 100 autres, il se trouve en C.

    En considrant tous les montants dpargne possibles, compris entre 1 et 200S,ce raisonnement conduit tracer la droite AZ. Celle-ci constitue la droite de budgetintertemporelledun pargnant qui thsaurise.

    8.1

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    CHAPITRE 8 CHOIX INTERTEMPORELS : OFFRE DPARGNE ET DEMANDE DE CAPITAL 145

    Tout point de cette droite permet de reprertrois grandeurs essentielles pour notre propos :

    (i) la valeur de son abscisse, qui mesure lemontant consomm au temps 0,(ii) la distance qui spare cette abscisse dumontant correspondant au revenu R0, qui

    reprsente le montant pargn cette mmepriode, et(iii) la valeur de lordonne, qui indique lemontant restitu lissue de cette priode etqui pourra alors tre consomm au temps 1.

    Lapositionde la droite est dtermine quant elle par le revenu initial (200Sdans notreexemple) ; et sa pente (1 dans le prsentexemple) lest par les conditions dans lesquel-les lpargne est affecte (ici, la thsaurisation).

    Ce dernier point conduit examiner de plusprs ce quil advient de lpargne, si on lui donnedautres affectations que la thsaurisation.

    b Le placement intrt

    Lpargnant se voit en effet souvent sollicitpar dautres agents conomiques, afin quilleurprtela fraction non consomme de sonrevenu, contre promesse de remboursementau temps 1. Une telle proposition ne sera ac-cepte par lui que si la somme rembourse est

    au moins gale, sinon suprieure celle quilretrouve en conservant lui-mme son argent2.Ainsi, par exemple, si pour un montant de

    100 un emprunteur promet un rembourse-ment de 105S, la situation de lpargnant-prteur est alors reprsente par le point Cdans la figure 8.2. Ce prteur retrouve autemps 1 le principal (100S)plusun montant de

    La contrainte de budget intertemporelle

    2 Soulignons que, pour un taux dintrt donn, la dcision de prter est aussi influence par dautres facteurs,tel le risque encouru, la notorit et les garanties de lemprunteur, aspects qui reviendront dans lanalyse des prtsoctroys par les banques (chapitre 17).

    Expression gnraledune droite de budget intertemporelle :

    Ci

    C R0 1 0

    1

    1+

    +

    =

    o R0est le revenu au temps 0, C0le montant de ce revenuconsomm au temps 0, (R0C0) le montant pargn, iletaux dintrt, et C1la consommation possible au temps 1par le placement de lpargne.

    Cette expression sobtient comme suit. On a :

    R C S0 0 0

    = + et C S i S S i 1 0 0 0 1= + = +( )

    Comme S R C0 0 0

    = , on peut crire :

    C R C i 1 0 0

    1= ( ) +( )

    et en dduire lexpression ci-dessus.

    5S, soit 5% du principal : cest ce qui est communment appel taux dintrt.En rptant le raisonnement pour dautres prts 5% portant sur des montants

    plus levs ou plus faibles, la succession des points tels que C, C, C conduit dcrire la droite AZ

    . Celle-ci est la droite de budget intertemporelle dun prteur

    qui un taux dintrt de 5 % est propos. Tout point de cette droite permet dereprer, comme ci-dessus, les trois grandeurs mentionnes plus haut (consom-mation prsente, pargne et consommation future). Sa pente, plus forte que dansle cas de la thsaurisation3, a une valeur numrique de (1 + 0,05).

    3 En considrant la thsaurisation comme un prt soi-mme, le remboursement (100S) exactement galau prt (100S) illustre le fait vident que dans cette forme daffectation de lpargne le taux dintrt est nul.

    Figure 8.2

    Relations 8.2

    100

    200

    1000 0C

    1C

    100 200=R0

    210

    105

    Z

    Z

    1

    0

    B

    A

    199

    1

    200

    Z

    A

    C

    C

    C

    C

    C

    Thsaurisation

    Placementintrt (5%) Thsaurisation

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    146 PARTIE I ANALYSE MICROCONOMIQUE

    Analytiquement, la contrainte de budget intertemporelle peut scrire

    Ci

    C R0 1 01

    1+

    + =

    forme comparable aux contraintes de budget tant du travailleur que du consommateur.Cette expression est obtenue par le raisonnement prsent aux relations 8.2.

    Outre les deux modes daffectation de lpargne que nous venons denvisager thsaurisation et prt intrt , il en existe de nombreux autres, dont les formesjuridiques et les modalits pratiques sont varies (placements immobiliers, achatsdactions en bourse au dautres manires, achats dor, de mtaux prcieux ouduvres dart, etc.). Du point de vue conomique, ces diverses manires de placerlpargne refltent toutes le mme phnomne fondamental : lapport pour untemps dune certaine somme montaire, restituable dune manire ou dune autre,et assorti dune bonification. Cest ce phnomne que vise dcrire la droite debudget intertemporelle sous la forme simplifie que nous avons utilise ci-dessus.

    3 Lquilibre intertemporel de lpargnant

    Rapprochons maintenant la description des choix entre perspectives de consom-mation concevables contenue dans la carte dindiffrence de la figure 8.1, et celledes possibilits daffectation du revenu entre consommation prsente, pargne etconsommation futures impliques par les droites de budget de la figure 8.2.Retenons cette fois un taux dintrt de 10%. Nous obtenons la figure 8.3, o lepoint Eest celui qui, tout en appartenant la droite de budget, reprsente laperspective prfre parmi toutes celles qui sont accessibles. Ce point reprsente :

    lquilibre de lpargnant, dfini comme le choix de la perspective de consom-

    mation prfre parmi toutes celles qui lui sont accessibles au revenu qui est lesien et au taux dintrt quil peut obtenir.8.2

    Relations 8.3Figure 8.3

    Lquilibre de lpargnant

    Lquilibre intertemporel du consommateur, ou quilibrede lpargnant, est la combinaison

    C0 (consommation au temps 0),R0C0 (pargne au temps 0)C1 (consommation au temps 1)

    qui maximise S f C C = ( )S 0 1,

    tout en respectant la contrainte de budget :

    Ci

    C R0 1 0

    1

    1+

    +

    =

    100

    200

    1000 0C

    1C

    E

    100 200=R0

    220

    110

    B A

    D

    Z

    pargne

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    CHAPITRE 8 CHOIX INTERTEMPORELS : OFFRE DPARGNE ET DEMANDE DE CAPITAL 147

    ce point correspondent :

    le choix dquilibre de la consommation prsente, C0, mesur par OB; celui de lpargne prsente, mesur par BA; et celui de la consommation futurerendue possible par le remboursement de

    lpargne, pour un montant mesur par OD.

    Entre OD et BA, on a la relation OD = (1 + i) BA, qui exprime commentlpargne faite au temps 0 est transforme en possibilit de consommation autemps 1, viale taux dintrt.

    Constatons enfin quau point E, il y a tangence entre la droite de budget et lacourbe dindiffrence qui est atteinte, proprit dj rencontre dans les situationsdquilibre du consommateur au chapitre 3 et du travailleur au chapitre 7.

    4 La courbe doffre dpargneet la fonction de consommation

    a Loffre dpargne en fonction du taux dintrt

    Lquilibre qui vient dtre dfini tablit une relation entre un taux dintrt (10 %)et une partie du revenu pargne (reprsente par le segment BAsur la figure 8.3),offerte en prt. Cet quilibre est reproduit sur la figure 8.4A. Dans un diagrammedistinct (8.4B), dont lordonne mesure le taux dintrt et labscisse la sommepargne et offerte, cette mme situation dquilibre est illustre par le point e.

    Supposons maintenant que le taux dintrtauquel il est possible de prter soit plus levque 10 % : soit donc la droite AZ, quicorrespond un taux de 20%. Les courbes

    dindiffrence intertemporelles traces sur lafigure 8.4A nous apprennent qu ce taux,notre candidat prteur trouve la perspectiveprfre toutes les autres au point Esur lafigure A, dans laquelle il est dispos prter120 et ne garder que 80 pour sa consom-mation prsente, sachant quil obtiendra 144(soit 120% du principal) dans un an. cetquilibre E correspond le point doffredpargne edans la figure B.

    Si le taux dintrt slve encore (soit 30 %,

    la droite de budget devenant AZ), lquilibresera en E, ce qui entrane une offre de prt de140, contre remboursement de 182Sdans unan, et un point doffre e dans la figure B.

    Nous obtenons ainsi graduellement unecourbe ascendante de gauche droite, quenous appelerons courbe doffre dpargne.En effet, elle reprsente bien les montantsquun dtenteur de revenu est prt offrir, enfonction du taux dintrt quil peut obtenir.

    Figures 8.4A et B Loffre dpargne

    100

    200

    100

    1C

    E

    200=R0

    220

    A

    Z

    0 0C8060

    240

    260

    AA

    100 2000

    BB

    0R 0C120 140

    30

    20

    10

    (%)iOffredpargne

    e

    E

    E

    ZZ

    e

    e

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    148 PARTIE I ANALYSE MICROCONOMIQUE

    La forme de la courbe doffre dpargne ainsi dfinie est du mme type que pourla plupart des autres courbes doffre rencontres jusqu prsent. Elle possdenotamment les deux proprits usuelles :

    chaque point de la courbe doffre dpargne correspond un point dquilibre delpargnant.

    On peut aussi dfinir pour cette courbe le concept dlasticit de loffre dpargnepar rapport au taux dintrt.

    Cependant, il nest pas toujours sr que sa pente soit positive, cest--dire quelle soit ascendantede gauche droite. Linverse peut parfaitement se produire, comme le montrent les figures 8.4Cet 8.4D ci-dessous : la hausse du taux dintrt provoque dans ce cas une rduction du montantde capital offert ! La cause de cette situation rside videmment dans la forme des courbesdindiffrence intertemporelle, et plus prcisment dans leur pente.

    Une tude plus dtaille des dterminants de cette pente nous engagerait trop loin dans lathorie pure. Au niveau des concepts fondamentaux, il est plus important de remarquer lanalogiede ces deux offres possibles avec ce que nous avons tabli au chapitre prcdent concernantloffre de travail. En effet, lintrt, au mme titre que le salaire, estperucomme un revenupar les

    agents conomiques. Ds lors, la distinction entre effet de substitution et effet de revenu est applicable ici aussi. Une offre croissante en fonction du taux dintrt reflte une substitutioncroissante de revenu futur au revenu prsent, suite la hausse du taux dintrt; par contre, uneoffre dcroissante exprime la volont de loffreur de bnficier tout de suite de laccroissementde revenu apport par la hausse du taux dintrt, plutt que de postposer ce bnfice.

    Figures 8.4 Formes alternatives de loffre dpargne

    100

    200

    100

    1C

    E

    200=R0

    220

    A

    Z

    0 0C8060

    100 2000

    BB

    0R 0C

    30

    20

    10

    (%)i

    Offredpargne

    e

    240

    260

    AA

    140

    100

    200

    100

    1C

    E

    200=R0

    220

    A

    Z

    0 0C8055

    240

    260

    CC

    100 2000

    DD

    0R 0C

    30

    20

    10

    (%)i

    Offredpargne

    e

    145

    E

    E

    e

    e

    ZZ

    EE

    ZZ

    ee

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    CHAPITRE 8 CHOIX INTERTEMPORELS : OFFRE DPARGNE ET DEMANDE DE CAPITAL 149

    b La consommation prsente en fonction du revenu

    On peut aussi considrer les dplacements de lquilibre de lpargnant qui rsultentdune variation de son revenu prsent, R0. Dans la figure 8.5A, la droite de budgetintertemporelle se dplace paralllement elle-mme, vers la droite lorsque lerevenu augmente comme par exemple de R0

    (1) R0(2). On construit ainsi le chemin

    dexpansion intertemporel du consommateur-pargnant.Il en dcoule une relation vidente entre les niveaux du revenu prsent, R0,

    et ceux de lpargne. Sans nous y attarder pour linstant, observons que, commelpargne Sest gale R0 C0, on a aussi, le long du chemin dexpansion, unerelation entre R0 et la consommation prsente, C0, relation apparaissant lafigure 8.5B : on obtient ainsi une sorte de courbe dEngel de la consommationprsente, qui porte le nom plus simple de fonction de consommation indivi-duelle. Ce concept joue un rle majeur en analyse macroconomique, comme onle verra dans la troisime partie de cet ouvrage ; ici, on voit clairement quel en estle fondement microconomique.

    5 Les offreurs de capital financier

    Lpargne des mnages qui a t dcrite se mesure dans les mmes units que lerevenu, cest--dire en euros. Les sommes qui la constituent sont aussi appeles du capital financier . Cest pourquoi loffre dpargne peut tre appele indiffrem-ment offre de capital financier .

    Mais les mnages ne sont pas seuls pargner. Les entreprises remplissent lamme fonction ds quelles prlvent sur leurs ressources prsentes (sur leurs recettesde vente par exemple) un certain montant quelles confient dautres agents (ou elles-mmes) contre remboursement ultrieur et sous certaines conditions dintrt.

    Figures 8.5 La fonction de consommation individuelle

    AA BB

    Chemin dexpansionintertemporel

    Fonction deconsommation

    0 0C

    1C

    0

    0C

    0R

    E2

    E1

    e1

    e2

    C(1)

    0 C(2)

    0 R(2)

    0R(1)

    0

    C(1)

    0

    C(2)

    0

    R(2)

    0R(1)

    0

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    150 PARTIE I ANALYSE MICROCONOMIQUE

    Outre les mnages et les entreprises productives, il existe dailleurs des entre-prises financires dont la spcialit est prcisment de collecter les sommessusceptibles dtre prtes, pour les offrir sur le march des capitaux. Il sagit desinstitutions de crdit long terme, dont les formes sont varies, allant des caisseshypothcaires jusquaux holdings, en passant par les compagnies dassuranceset les caisses dpargne.

    Le rle de ces institutions est essentiellement celui dintermdiaire entre lpargnedes particuliers, telle quelle rsulte de leurs choix entre le prsent et le futur, et lemarch des capitaux, dont la complexit de fonctionnement requiert la prsencedagents spcialiss.

    Il en rsulte que loffre de capital financier nest pas uniquement dtermine parles choix des consommateurs individuels ; elle est largement influence par lescomportements de ces entreprises spcialises. Leur rle dans lconomie, enparticulier en rapport avec les banques, sera dcrit davantage au chapitre 17.

    Section 8.3Les choix intertemporelsdu producteur et la demande de capital

    Dans la section prcdente, il a tpostulque les agents conomiques emprun-teurs, cest--dire demandeurs de capitaux, sont disposs payer un taux dintrtaux pargnants, prteurs de capitaux. Nous voudrions maintenant expliquercecomportement en prsentant ses fondements logiques. En fait, ceux-ci se trouvent

    dans les proprits du capital physique que le capital financier permet de fairenatre, et en particulier dans sa productivit. Mais on ne peut comprendre cettedernire sans voir le rle que joue le temps dans les activits de production.

    1 Aspects rels et financiers du capital des entreprises

    a Les aspects rels : le capital physique

    Lintroduction du temps dans lanalyse des choix du producteur doit se situer audpart du raisonnement sur la fonction de production.

    En envisageant les substitutions possibles entre travail et capital (chapitre 4),lacquisition de capital physique a t considre dans une perspective de minimi-sation des cots. Lide fondamentale tait que si la production dun certain bienest ralisable instantanment laide des moyens actuellement disponibles, ellepeut ltre aussi par une voie dtourne : celle de consacrer des ressources prsentes la fabrication ou lacquisition de biens de capital (outillage, machines, instal-lations) qui, lorsquils auront t mis en place, assureront la production avec moins

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    CHAPITRE 8 CHOIX INTERTEMPORELS : OFFRE DPARGNE ET DEMANDE DE CAPITAL 151

    de travail4. Entre ces deux manires de procder, nous avons vu que la deuximeserait choisie si elle entranait un cot total moindre, production donne. Lanature du capital physique est ainsi dgage :

    Le capit al physiqueest constitude biens (et parfois de services) produits danslimmdiat en vue de concourir, aprs un certain dlai, la production dautresbiens.

    Concept proche, ne pas confondre avec le prcdent :

    On appelle investissement:la dcision de crer du capital.

    Afin de prciser la relation quil y a entre ces deux termes, reprsentons par Kt la quantitde capital prsent dans une entreprise au temps t, et par Kt + 1la quantit de capital prsent autemps t + 1, soit par exemple un an plus tard. Linvestissement ralis au cours de la priode dunan qui spare ces deux moments est dfini par lgalit It= Kt + 1 Kt.

    Lexistence du capital doit donc trouver sa justification dans la dcision dinvestir,

    et celle-ci sexplique son tour comme suit :Lexplication de la dcision dinvestir rside dans le fait quepar cette voie dtourne,qui prend du temps, un gain net est obtenu.

    Lcoulement du temps est essentiel dans largument : sans un certain dlai,lavantage en question est techniquement irralisable5.

    Le gain net obtenu constitue la motivation essentielle de la dcision. Dans lecontexte des chapitres 4 et 5, ce gain est constitu par la rduction de cot: mais lesperspectives peuvent tre largies : car si le capital permet de rduire le cot duneproduction donne, il permet, cot gal, de produire davantage; ou encore, ilpermet de produire des biens ou services nouveaux, irralisables dans limmdiat.

    En termes gnraux, le recours au capital rsulte de la possibilit dune production suprieure (en quantit et/ou en qualit) celle qui serait obtenue sans cetusage, compte tenu des ressources absorbes par la constitution mme du capital.Un tel avantage, communment appel productivit nette du capital, est donc lorigine de la demande des producteurs pour ce type de biens.

    b Les aspects financiers : le capital financier

    cet aspect rel de la cration du capital, correspond un aspect financier gale-ment important. Dans nos conomies montaires, en effet, les biens et servicesdont est constitu le capital physique doivent tre achets sur les marchs contrepaiement en monnaie. La ralisation de tout projet en la matire prsuppose doncdes disponibilits financires correspondantes.

    Or, ces disponibilits, les entreprises peuvent les trouver deux sources : soitdans le produit de leurs ventes ralises dans le pass, soit dans les apports financiersdagents extrieurs la firme.

    4 Dans le mme sens, rappelons lexemple du paysan et de la source cit en note au chapitre 2.5 Do la distinction entre court terme et long terme.

    8.3

    8.4

    8.1

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    152 PARTIE I ANALYSE MICROCONOMIQUE

    En fait, ces deux sources peuvent parfois se rduire une seule : si la firmedispose dun surplus de recettes sur ses cots passs, elle peut effectuer un apport elle-mme et, ce titre, tre galement offreuse du capital financier quelledemande.

    Ainsi donc, la mise en uvre de capital physique par les entreprises saccom-pagne dune demande de sommes financires de leur part, que nous appellerons

    demande de capital financier ; et cette demande peut tre conue comme unedemande demprunts, dont le remboursement et les intrts assurer dans le futurseront couverts prcisment par le gain net attendu de lopration physique,cest--dire par la productivit du capital.

    Nous retrouvons ainsi, en termes financiers comme en termes rels, la propo-sition gnrale nonce la fin du chapitre 5, en vertu de laquelle la productivit(marginale) du capital dans une firme dtermine sa demande pour ce facteur.

    2 La slection des projets dinvestissement

    par le producteurDans ce paragraphe, nous voudrions montrer comment la slection des projetsdinvestissement par un producteur qui maximise son profit conduit la cons-truction dune courbe de demande de capital financier de sa part, et commentcelle-ci tient compte de lchelonnement dans le temps des effets de ses dcisions.

    a La caractrisation de chaque projet

    Dans la pratique industrielle et commerciale, les dcisions dacquisition de capitalphysique se prennent sur la base de projets dinvestissement. Comme il nestsans doute pas ncessaire de dfinir cette expression, qui est tout fait courante,

    considrons directement quelques exemples concrets.Soit une firme de distribution de produits alimentaires et mnagers, compose

    dune chane de supermarchs et de magasins self-service. Divers projets dinves-tissement soffrent elles :

    (i) lancer immdiatement une vaste campagne publicitaire, afin dattirer uneclientle nouvelle la firme;

    (ii) accrotre les surfaces de vente de certains de ses magasins et supermarchs, enachetant des terrains adjacents et en y construisant les extensions ncessaires ;

    (iii) laisser telles quelles les installations existantes, et chercher plutt tablir denouvelles succursales dans les rgions o la firme nest pas encore implante;

    (iv) crer un service de vente par correspondance et par tlphone, avec livraison domicile, grce des camions;

    (v) amliorer les conditions dachat en magasin par linstallation de caissesenregistreuses lectroniques ultra-rapides permettant de supprimer le dsagr-ment des files dattente la sortie des supermarchs.

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    CHAPITRE 8 CHOIX INTERTEMPORELS : OFFRE DPARGNE ET DEMANDE DE CAPITAL 153

    Voil cinq manires daccrotre la dimension de lentreprise, dans desproportions variables selon limportance de chaque projet, et qui toutes les cinqncessitent lacquisition de capital physique (soit des btiments, soit des camions,soit un quipement administratif, soit encore de nouvelles caisses enregistreuses),et des moyens financiers pour raliser ces achats. Le problme du chef dentrepriseest de dcider laquelle (ou lesquelles) de ces propositions il va accepter. Parall-

    lement, notre problme dconomiste est de dgager de cette situation une courbede demande de capital de notre entreprise, qui illustrerait ses choix.Il sagit dun problme de choixconomique de lentreprise : dans le cadre du

    critre de maximisation du profit, elle compare, pour chaque projet, les recettesapportesavec les cots entrans; en cas de diffrence positive entre les premireset les secondes, la dcision est dadopter le projet ; en cas de diffrence ngative, ladcision est de le rejeter. Lapplication systmatique de ce critre toute dcisionpossible et imaginable entrane logiquement la maximisation du profit global.

    Dans lexemple, il convient donc destimer, pour chacun des cinq projets, lesrecettes (totales) quils sont susceptibles de procurer et les cots (totaux) quilsimpliquent. Cest l la premire dmarche que le chef dentreprise demandera aux

    auteurs de propositions.Du ct des recettes comme des cots, il convient dinclure dans le calcul, nonseulement les sommes perues ou dpenses dans limmdiat, mais aussi celles quile seront dans le futur. En effet, si lentreprise installe aujourdhui une succursaleen un endroit donn, et que dans cinq ans, celle-ci rapporte un million par an,dans dix ans 2 millions par an, etc., ce sont l des recettes permises par linvestisse-ment originel, qui participeront la couverture des cots. De mme, si linstal-lation de la succursale cote par exemple 50 millions au dpart, et que sonfonctionnement dans la suite implique aussi des frais dexploitation disons huitcent mille euros par an, ces cots sont imputables linvestissement et doiventdonc tre inclus dans la comparaison avec les recettes.

    Sur quellepriode de tempsdoit porter cette estimation des recettes et des cotsfuturs? La rponse logique est vidente : sur une priode correspondant la durede vie de linvestissement envisag, cest--dire celle durant laquelle celui-ci pourraeffectivement fournir des biens ou services.

    Le tableau 8.6 donne un exemple destimation des recettes et des cots prsentset futurs, pour chacun des cinq projets, compte tenu de leur dure de vie. Undbut de comparaison entre les projets devient alors possible : il apparat, enparticulier, que certains investissements sont trs coteux au dbut, mais le sontbeaucoup moins par la suite, tandis que dautres, peu coteux quant la miseinitiale, le sont davantage au fur et mesure que le temps scoule. Pour jugerfinalement quels projets sont susceptibles de rapporter un profit positif, il convient

    sans doute dadditionner pour chacun deux lensemble des recettes dune part, etlensemble des cots dautre part, et de calculer la diffrence entre les deux totaux.Au pralable, cependant, observons que lon additionnerait ainsi des euros perusou dpenss des moments diffrents du temps: or, ces grandeurs sont-ellescomparables ? cette question essentielle, la ralit et la thorie des choixintertemporels donnent une rponse ngative.

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    154 PARTIE I ANALYSE MICROCONOMIQUE

    b Lactualisation des valeurs futures et la V.N.A . des projets

    En effet, comparons les projets I et II. Ils requirent tous deux une mise initiale de100 millions; le premier permettra des recettes de 110 millions ds lanne de samise en service, tandis que le deuxime ne rapportera 110 millions quaprs un an.Ces deux projets rapportent-ils tous les deux un profit de 110 100 = 10 mil-lions? Non, car le premier rapporte 10 millions lanne 0 tandis que lautre nerapporte 10 millions quun an plus tard. Ds lors, en choisissant le projet I, et entouchant ds cette anne les 10 millions, la firme peut les placer, 5 % par exemple,et se retrouver aprs un an, cest--dire la fin de lanne 1, avec 10 millions+ 0,05 (10 millions) = 10,5 millions; tandis quen choisissant le projet II, la firmene se retrouverait la fin de lanne 1 quavec 10 millions! Ds lors, le premierprojet est plus profitable que le second concurrence de 500000 euros, montantque le calcul des recettes et des cots nincorporait pas.

    Pour pouvoir prendre en compte ce genre de bnfice, examinons-en dabordlorigine. La diffrence entre les deux projets provient essentiellement de lapossibilit de placer intrt une somme perue un certain moment, c.--d. delexistence mme dun march des capitaux. Grce ce dernier, il existe un tauxdintrt positif permettant de transformer toute somme immdiatement disponibleen une somme identique, disponible dans un an et majore dun certain montant.Du fait mme de lexistence de cette possibilit, 100Sdisponibles aujourdhui et100Sdisponibles dans un an ne sont donc pas des grandeurs conomiques identiques;

    si le taux du march est de 5% par exemple, seuls 105Sdans un an sont quivalents 100Saujourdhui. Cette quivalence conomique scrit arithmtiquement (S0etS1dsignant respectivement des euros au temps 0 et au temps 1) :

    105 100 1 0 051 0S S= +( ),

    ou encore

    105 1

    1 0 051001 0S S +

    =

    ,

    Tableau 8.6 Recettes, cots et valeurs nettes actualises de divers projets dinvestissement*

    Projet I Projet II Projet III Projet IV Projet VAnne t Rt Ct Rt Ct Rt Ct Rt Ct Rt Ct

    Anne 0 110 100 0 100 0 100 30 60 5 27Anne 1 0 0 110 0 0 0 50 30 10 1Anne 2 0 0 0 0 110 0 70 40 15 1

    Totaux en valeur 110 100 104,76 100 99,77 100 141,11 124,85 28,13 28,86actuelle, i=5 %

    V.N.A 10,00 4,76 0,23 16,26 0,73

    *En millions deuros.

    Pour chaque projet, la valeur nette actualise est donne par la formule : V N AR C

    i

    t t

    t

    t

    . . =

    + ( )=0

    T

    1

    Dans cette formule, T dsigne la dure de vie du projet (en annes), Rtet Ctsont les recettes et les cots totauxprvus pour lanne t, et iest le taux dactualisation. Dans une conomie concurrentielle, ce dernier est gal au tauxdintrt dquilibre sur le march des capitaux.

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    CHAPITRE 8 CHOIX INTERTEMPORELS : OFFRE DPARGNE ET DEMANDE DE CAPITAL 155

    Cette dernire expression est particulirement intressante : elle suggre que100Sactuellement (si nous convenons dappeler le temps 0 le moment prsent)sont la valeur actuellede 105Sdans un an, lorsque le taux dintrt sur le marchest de 5 %. Le facteur de conversion entre cette valeur future et la valeur actuelle estde 1/(1 + i), o iest le taux dintrt. Un tel coefficient est le facteur dactualisation.

    Actualiser des valeurs futures consiste donc les exprimer en euros daujourdhui.

    Il est ainsi possible dexprimer en valeurs comparables en loccurrence envaleurs actuelles des grandeurs conomiques disponibles des momentsdiffrents du temps.

    Reprenons notre comparaison entre les projets I et II : pour le premier, la valeuractuelle des recettes obtenues et des cots encourus chaque anne est de :

    tandis que pour le deuxime, ces valeurs actuelles sont de :

    Sur cette base, on peut dfinir :

    Lavaleur nette actualise(V.N.A.)dun projet, qui est la diffrence entre les recetteset les cots totaux en valeur actuelle gnrs par ce projet. Elle reprsente lemontant que le projet contribuera aux profits de lentreprise. Ce montant estexprimen euros de lanne 0, cest--dire de lanne durant laquelle la dcisionest prise de raliser ou non le projet.

    Ce calcul donne :

    V.N.A. du projet I : 110 millionsS0 100 millionsS0= 10 millionsS0V.N.A. du projet II : 104,76 millionsS0 100 millionsS0= 4,76 millionsS0

    Valeurs pour le projet I (en millions)

    Anne t Rt

    Ct

    Anne 0 110 30 100 30

    Anne 1 03

    0 03

    0

    Total en valeur110 30 100 30actuelle, i=5 %

    8.5

    Valeurs pour le projet II (en millions)

    Anne t Rt Ct

    Anne 0 0 30 100 30

    Anne 1 110 1

    1 0 05104 761 03 3 +

    =,

    , 0 30

    Total en valeur104,76 30 100 30actuelle, i=5 %

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    156 PARTIE I ANALYSE MICROCONOMIQUE

    Il apparat ainsi que le projet I est plus rentable que le projet II.Considrons maintenant le projet III, dont les recettes et les cots apparaissent

    au tableau 8.6. nouveau, le profit sur ce projet nest pas de 10 millions mais de10 millions dans 2 ans, ce qui nest pas identique 10 millions aujourdhui.Comment exprimer ces 10 millions dans deux ans en euros daujourdhui ? Noussavons dj que, en gnral,

    Y Xmillions millions ( )S S1 0 1 0 05= + ,

    o Xdsigne la valeur actuelle de la somme considre. En rptant ce raison-nement, pour une somme de 10 millions disponibles un an plus tard, soit10 millionsS2, on peut dire que celle-ci aurait pu tre obtenue en plaant intrt,pendant cette anne, une somme de YmillionsS1, ce quexprime lgalit :

    10 1 0 052 1millions millions ( )S S= +Y ,

    si le taux dintrt reste de 5 % entre lanne 1 et lanne 2. En utilisant la premirequation ci-dessus, cette galit est rcrite sous la forme :

    10 1 0 05 1 0 05

    1 0 05

    2 0

    0

    2

    millions millions ( ) ( )

    millions ( )

    S S

    S

    = +[ ] +

    = +

    X

    X

    , ,

    ,

    do il ressort que la valeur de 10 millionsS2est gale

    Xmillions millions( )

    millions

    S S

    S

    0 2 2

    0

    101

    1 0 05

    9 07

    = +

    =

    ,

    ,

    En appliquant ce raisonnement aux donnes du projet III, celui-ci apparat envaleur actualise de la manire suivante :

    Valeurs pour le projet III (en millions)

    Anne t Rt

    Ct

    Rt C

    t

    Anne 0 0 30 100 30 100,00 30

    Anne 1 0 30 0 30 0,00 30

    Anne 2 110 11 0 05

    99 772 2 03 3 + =

    ( ),, 0 30 + 99,77 30

    Total en valeur99,77 30 100 30 0,23 30actuelle, i=5 %

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    CHAPITRE 8 CHOIX INTERTEMPORELS : OFFRE DPARGNE ET DEMANDE DE CAPITAL 157

    La V.N.A. du projet apparat comme ngative ! En dpit des apparences, le projetnest donc pas rentable ! Sans doute rapporte-t-il 10 millions de plus quil necote, mais ces 10 millions napparaissent que dans 2 ans. Or, en sabstenant deraliser le projet, et en plaant 5 % les 100 millions de la mise initiale, lentrepriseretrouve aprs 2 ans :

    100 1 0 05 1 0 05 110 25millions ( ) ( ) millions +[ ] + =, , ,ce qui est videmment suprieur aux 110 millions quelle retrouverait en adop-tant le projet III! On voit bien ici que lorsque le calcul de la V.N.A. dun projetconduit une valeur ngative pour celle-ci, outre la non-rentabilit, cest aussiune indication de ce quon peut faire mieux ailleurs, si lon dispose des fondsrequis.

    En termes gnraux, rsumons comme suit le calcul de lactualisation :

    Lactual isati on des valeurs futuressobtient en multipliant celles-ci par le facteur1/(1 + i), expression oidsigne le taux dintrt sur le marchdes capitaux, cefacteur tant levune puissance gale au nombre de priodes qui scouleront

    entre le moment de la dcision et celui auquel ces valeurs seront disponibles.

    c La slection des projets

    Le pourquoi et le comment dune actualisation des valeurs futures ayant tprciss, il sagit maintenant dexaminer les cinq projets en termes de leur valeurnette actualise. Le rsultat du calcul (dernire ligne du tableau 8.6) montre que larentabilit apparente de certains projets disparat lorsquon leur applique le calculde lactualisation.

    Sur cette base, le critre de la maximisation du profit conduit pouvoirnoncer :

    En matire de projets dinvestissement, lentreprise dcide selon la rgle suivante :raliser tout projet dont laV.N.A. est positive, et ne raliser aucun de ceux dont laV.N.A. est ngative.

    Formellement, cette rgle revient dire que sera ralis tout projet pour lequellexpression

    V N A R C

    i

    t t

    t

    t

    . . =

    +

    ( )=0

    T

    10

    est vrifie;Trois points importants sont relever propos de cette rgle de slection des

    projets.

    Il doit tre bien clair que pour lentreprise, tant en pratique quen thorie, laralit des investissements ne se rsume pas au choix et la ralisation dun seulprojet (le plus rentable par exemple), en cartant les autres : tout projet de V.N.A.positive est rentable, et sa ralisation accrot le profit.

    8.2

    8.3

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    158 PARTIE I ANALYSE MICROCONOMIQUE

    Dautre part, il ny a pas lieu de faire intervenir le fait que lentreprise disposedj, ou non, des moyens financiers pour raliser lensemble des projets rentables.En effet, le simple fait que la V.N.A. dun projet soit positive impliquearithmtiquement6que ses recettes atteindront au minimum un montant gal, nonseulement ses cots (mise initiale et exploitation), mais aussi au taux dintrt payer en cas demprunt. Elle peut donc financer le projet par ce dernier moyen, si

    elle ne dispose pas des liquidits voulues. Aprs paiement des intrts pendant ladure de vie de linvestissement et remboursement du principal la fin de celle-ci,il restera encore un solde positif qui constitue prcisment le profit.

    Le montant de la V.N.A. sexprime en euros. Il nest pas frquent que lesentreprises rendent ce chiffre public, pour des raisons de concurrence. En revanche,il est frquent dentendre, dans la vie des affaires, quun investissement rapporte du X% , ou du Y% . On appelle taux de rentabilitinterne (T.R.I.) cettemanire de caractriser un investissement. Ce taux est la valeur du taux dactuali-sation qui rend nulle la V.N.A. La rentabilit de linvestissement svalue alors encomparant le T.R.I. au taux dintrt du march : le projet contribue au profit sison T.R.I. est suprieur au taux du march ; il nest pas rentable sil est infrieur au

    taux du march.

    3 La courbe de demande de capital financier

    a Construction dune courbe de demande de capital financier

    Il est ainsi tabli que la maximisation du profit au cours du temps conduit lesfirmes raliser tous les projets dinvestissement dont la valeur nette actualise estpositive. Si nous considrons alors lensemble des projets qui remplissent cettecondition, nous pouvons dire que pour un taux dintrt donn (5% par exemple),

    la quantit totale de capital demand par lentreprise au temps 0 sera gale aumontant total des cots prvus en t= 0 pour les projets dinvestissement rentables.Dans lexemple, cette quantit est de 100 + 100 + 60 = 260 millionsS0. Nous avonsainsi dfini un pointde la courbe de demande de capital de la firme, soit Adans lafigure 8.8.

    Supposons maintenant que le taux dintrt du march passe 11%. Ds cemoment, il faut recalculer toutes les valeurs actualises, avec le facteur descompte1/(1 + 0,11), ce qui est fait au tableau 8.7. ce taux, seuls les projets I et IV restentrentables et la demande totale de capital nest donc que de 160 millionsS0(point Bsur la figure 8.8). Supposons encore que le taux du march descende 4% : leprojet III devient alors rentable (cf. tableau 8.7) et la demande totale de capital

    est de 100 + 100 + 100 + 60 = 360 millionsS0, reprsente par le point C.Les points de demande A, Bet Cainsi dtermins se trouvent disposs dunemanire telle quen les joignant par une ligne continue, on obtient une courbe,descendante de gauche droite, que nous appellerons courbe de demande decapital financier de lentreprise.

    6 On sen convaincra facilement avec le projet II : sil faut emprunter les 100 millions 5 %, les recettes au temps 1suffisent couvrir intrt et principal, et il reste un solde de 4,76 millions, qui est prcisment la V.N.A. du projet.Cet argument vaut pour tous les projets. En fait, lopration dactualisation impute implicitement au projet un cotfinancier correspondant celui dun emprunt dont le taux serait gal au taux dactualisation retenu par lentreprise.

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    CHAPITRE 8 CHOIX INTERTEMPORELS : OFFRE DPARGNE ET DEMANDE DE CAPITAL 159

    La quantit de capital demande apparatainsi comme une fonction dcroissante dutaux dintrt.

    Mais que signifie, conomiquement, join-dre les points B, Aet Cpar une ligne continue?En toute rigueur, cela revient postuler quelorsque le taux dintrt passe de 5% 4,9%

    par exemple (ce qui implique que le projet IIInest toujours pas entrepris, car il reste nonrentable ce nouveau taux), lentreprise dis-pose dun autre projet, qui est, lui, tout justerentable 4,9 %. Plus gnralement, pourarriver une courbe de demande, il fautsupposer un trs grand nombre de projets, detelle sorte que pour chaque variation, mmetrs faible, du taux dintrt, les quantitsdemandes de capital se modifient.

    b Dplacements de la courbe dedemande de capital financier

    Si lapente de la courbe de demande de capitalfinancier est dtermine par le classementdesprojets en fonction du taux dintrt, commeon vient de le faire, laposition de cette courbedpend, quant elle, du nombre de projetsqua lentreprise.

    Lorsque ce nombre augmente, lentreprisecalcule en effet la V.N.A. de chacun des nou-veaux projets, et refait alors le classement en

    incorporant ces derniers. Il en rsulte une nou-velle courbe de demande de capital financier,qui est situe droite de la prcdente, dumoins si parmi les nouveaux projets il y en aqui sont rentables certains niveaux du tauxdintrt. Tel est le cas illustr la figure 8.9,o lon suppose quun sixime projet, rentablepour toutes les valeurs considres du tauxdintrt, vient sajouter aux cinq prcdents.

    Tableau 8.7 Valeurs nettes actualises pour divers taux dintrt (millions deuros)

    Projet I Projet II Projet III Projet IV Projet V

    V.N.A pour i=11% 10,00 0,90 10,72 12,37 2,53

    V.N.A pour i=4% 10,00 5,77 1,70 16,97 0,40

    Figure 8.9 Dplacement de la demande

    Figure 8.8 Demande de capital financier

    C

    Demandede capital

    A

    B

    C

    0

    (% )i

    (MILLIONS)100 200 300 400

    5

    1011

    54

    160 260 360

    C0

    (% )i

    (MILLIONS)

    Nouvelledemandede capital

    B

    AC

    100 200 300 400

    5

    1011

    54

    350

    15

    250 450

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    160 PARTIE I ANALYSE MICROCONOMIQUE

    Symtriquement, le dplacement de la courbe se fait vers la gauche si lentre-prise limine des projets rentables de sa liste. Ce genre de dcision est paradoxal,mais il arrive dans des cas particuliers comme un croulement de la direction, ledpart dun collaborateur irremplaable, ou la non disponibilit de fournituresessentielles.

    Section 8.4Les formes de financementdes investissements

    Si le capital physique est compos de produits, destins permettre la fabricationdautres produits, et rsultant de lactivit des entreprises qui les fabriquent, lecapital financier est, quant lui, une expression en units montaires de la valeurdu capital physique. Nous avons expliqu comment cette forme financire rendpossible lintervention des pargnants et des prteurs, pour assurer la ralisationdes investissements rentables des entreprises, mme lorsque celles-ci ne jouissentpas de disponibilits financires propres.

    Ceci npuise pas la description des relations entre prteurs et emprunteurs : eneffet, si les premiers remettent leurs disponibilits financires aux seconds, quellessont les assurances de remboursement fournies par les seconds aux premiers ? Endautres termes, sous quelles formes les prteurs conservent-ils, travers le temps,leurs droits sur les sommes quils ont places ? De plus, comment peroivent-ils ceque nous avons appel l intrt qui a motiv leurs placements?

    Il est connu que lorsquun individu se dessaisit temporairement dun avoirquelconque au profit dun autre, lopration donne lieu la rdaction dun docu-ment, ou titre, qui est cens reprsenter cet avoir ou le droit du propritaire dele rcuprer. Dans les conomies industrialises modernes, les apports financiersaux entreprises donnent lieu lmission de titres semblables, comportant lareconnaissance par les entreprises des apports qui leur sont faits.

    Cette reconnaissance nest pas toujours exprime dans les mmes termes : lesdiffrences entre titres portent sur la date et les conditions de remboursement duprincipal, sur le montant, la date et la forme du paiement de lintrt, et sur dautresconditions encore. De manire gnrale, les formes de financement sont lesdivers types de conventions qui peuvent tre ainsi conclues. La rdaction correcte,

    linterprtation et la sauvegarde de lexcution de ces conventions relvent essentiel-lement du droit civil et du droit commercial. Notre propos conomique est pluttdtudier quelles en sont les implications quant aux dcisions de financement.

    ce point de vue, la distinction de base concerne dune part les titres revenufixe, appels obligations, et dautre part les titres revenu variable, appelsactions7.

    7 Les expressions revenu fixe et revenu variable sont celles du langage courant : cest pourquoi nousles utilisons, mais entre guillemets; en fait, le revenu auquel on se rfre est lintrt dont nous avons parljusquici, et lon pourrait dailleurs y ajouter le principal, comme on le verra dans un instant.

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    CHAPITRE 8 CHOIX INTERTEMPORELS : OFFRE DPARGNE ET DEMANDE DE CAPITAL 161

    1 Les obligations

    Lobligation est un titre reprsentatif dun apport financier une entreprise,apport que celle-ci sest engage rembourser celui qui dtient le titre.

    Le titre reprsente donc dune dette charge de lentreprise, dette dont le mon-

    tant est mentionn explicitement sur le titre, et appel valeur nominale delobligation. Gnralement, ce montant est libell en monnaie, et la date deremboursement de la dette (cest--dire lchance de lobligation) est galementindique. De plus, sil est spcifi que lobligation rapporte un intrt, le montantde celui-ci est exprim sous la forme dun pourcentage fixe de la valeur nominale(ou parfois en termes absolus, cest--dire en un montant de monnaie). La date(ou les dates) de son paiement apparat galement sur le titre.

    Il sagit donc du type qui reprsente par excellence un prt lentreprise8. Ledtenteur du titre, cest--dire le prteur, est appel obligataire.

    2 Les actions

    Lorsquen change dun apport financier, lentreprise met une action, le titre napas un lien aussi direct avec le montant de lapport que dans le cas de lobligation.En effet, ne reprsentant pas une dette,

    Lactionest, pour son dtenteur, un titre reprsentatif dun droit de propritsurlentreprise.

    Ce droit sexerce travers lassemble gnrale des actionnaires, qui sontconjointement propritaires de la firme, et qui ds lors dcident souverainementde sa gestion9. En particulier, ils dcident de lattribution des profits, notammentsous forme de dividendes. Ds lors, l intrt que touche lactionnaire ne figurepas explicitement sur son titre; mais il est constitu de la part des profits quelassemble gnrale dcide de distribuer ses membres10.

    Dautre part, le titre ne comporte pas, en gnral, de valeur nominale car, pardfinition, la valeur de chaque action est gale la valeur de la proprit de lentre-prise divise par le nombre dactions mises.

    Mais que vaut la proprit dune entreprise? Deux rponses sont possibles : ou bien la firmeest considre comme tant sur le point de fermer ses portes11 ; dans ce cas, la valeur de la firmeest gale la valeur de revente de ce quelle possde, et chaque action vaut une fraction de cettevaleur de revente appele aussi valeur casser. Ou bien lon part de lhypothse que la firme

    8 Le dlai demprunt est toujours dune anne au moins. Remarquons ce propos que les entreprisesempruntent aussi pour des dlais plus courts, notamment pour assurer leur fond de roulement . proprementparler, ce crdit court terme ne relve plus du march financier, car il ne pourrait couvrir des investis-sements ; il se rattache plutt aux marchs montaires, sur lesquels les entreprises se prsentent alors commedemandeurs de monnaie. Cf. les chapitres 16 et 17.

    9 Par exemple, en lisant le conseil dadministration, en approuvant les comptes de lexercice coul, en seprononant sur toute dcision importante pour la politique gnrale de lentreprise, etc.

    10 Les dates dattribution de dividendes sont dcides par la mme assemble.11 Cest--dire, lon fait comme si , car la valeur obtenue selon cette mthode peut tre parfois trs diffrente

    de celle que lon obtient par la deuxime mthode esquisse ci-dessous.

    8.6

    8.7

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    162 PARTIE I ANALYSE MICROCONOMIQUE

    va continuer ses activits pendant une priode plus ou moins longue (ventuellement mmeinfinie) ; dans ce cas, la valeur de la firme ne saurait tre dtermine par la valeur de revente de sesinstallations; au contraire, cest le flux des profits quelle pourra raliser dans lavenir qui justifieson existence, et puisque chaque action donne droit une fraction de ce flux, la valeur duneaction sera gale une fraction correspondante de la somme (actualise) des profits futurs.

    De toute manire, et quelle que soit la rponse choisie, il est certain que la valeur de la firmevolue au cours du temps, en fonction de ce quelle possde, de ce quelle acquiert, de ce dont elle

    se dfait, et surtout, des profits quelle ralise danne en anne. Il nest donc pas possibledattribuer a priori une valeur nominale fixe une action. Nous verrons dailleurs ci-dessous quela seule valeur quil soit effectivement possible de toucher, tout moment, pour une action, estcelle que ses acheteurs ventuels sont prts offrir. Cette valeur observable (dans les cours debourse), sinon objective, est videmment influence par les deux optiques dcrites ci-dessus.

    Telles sont les deux grandes catgories classiques de formes de financement.Au sein de celles-ci, de nombreuses sous-catgories et formes particulires peuventtre distingues : obligations indexes, obligations convertibles en actions, actionsprivilgies, etc. Nous nentrerons pas dans ces descriptions qui relvent de lanalysefinancire spcialise.

    3 Lautofinancement

    Si nous appelons classiques les deux catgories qui viennent dtre dcrites,cest parce quelles ont t les formes traditionnellement pratiques par les socitsanonymes de lpoque librale du sicle dernier. On peut mme dire que, dans unelarge mesure, la conception de la socit anonyme est issue du mode de finance-ment que constitue le systme des actions.

    Aujourdhui, cependant, une autre forme de financement joue aussi un rle trsimportant : lautofinancement, que nous avons dj rencontr.

    Lautofinancementconsiste, pour une firme, en un financement de ses investis-sements au moyen de ses propres recettes sur les ventes passes.

    Dans ce cas, la firme dispose ds le dpart du capital financier, quelle se prte elle-mme; elle est simultanment prteur et emprunteur. Sil sagit dunesocit anonyme par actions, ceci revient dire que les actionnaires, au lieu de sedistribuer les profits raliss, les rinvestissent dans la firme, comportement quenous avons dj dcrit au chapitre 4 en tudiant ce quil advient des profits desproducteurs.

    Ce dernier point souligne que, contrairement une croyance courante, le cotde lautofinancement nest pas nul. Lautofinancement comporte en effet toujours

    un cot dopportunit, qui est constitu de ce que lentreprise ou ses actionnairespourraient obtenir en plaant leurs ressources financires ailleurs que dans lentre-prise. Mme sil ny a pas de paiement dintrt li aux sommes ainsi apportes, lefait pour les propritaires de garder dans leur entreprise les sommes quils en ontobtenues leur cote ncessairement ce quils pourraient en tirer en en faisant unautre usage.

    8.8

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    CHAPITRE 8 CHOIX INTERTEMPORELS : OFFRE DPARGNE ET DEMANDE DE CAPITAL 163

    Section 8.5Propritdu capital et des entreprises,et formes du profit

    1 Fondement du capitalisme

    la fin du chapitre 5, nous avons assimil le producteur aux propritaires delentreprise; mais ces derniers, qui sont-ils, et do viennent-ils? Nous avons voqules fondateurs de lentreprise, mais videmment ce nest pas l la seule manireden devenir propritaire.

    On appelle capitalismele rgime dorganisation juridique de la propritdesentreprises dans lequel cette propritappartient aux personnes possdant lestitres reprsentatifs de son capital financier sous forme dactions.

    Le terme de capitalisme sexplique par le fait que le rgime consiste spcifierque la proprit des entreprises appartient (une partie de) ceux qui y ont apportdu capital (financier). La socit anonyme est la forme juridique typique dansle cadre de laquelle ce systme est mis en uvre.

    Dans ce rgime, on peut donc devenir propritaire dune entreprise en achetantles actions quelle met (si elle dcide de le faire) ; et on cesse de ltre en vendantcelles quon possde (ventuellement). Ainsi, il existe un ou plusieurs marchs surlesquels se vendent et sachtent les entreprises, marchs que nous navons pasidentifis explicitement dans notre schma du circuit conomique au chapitre 2.En fait, il sagit du march boursier, que nous examinerons au chapitre 12. Commenous voyons ici que les titres reprsentatifs de cette proprit sont les actions,cest--dire des instruments de collecte de capitaux, on comprend tout de suiteque le march des entreprises fait partie, en conomie de marchs capitaliste,du march du capital financier.

    Le capitalisme nest videmment pas le seul mode possible dorganisation de la proprit desentreprises, mme en conomie de marchs. En effet, comme le systme consiste donner lundes facteurs de production une position diffrente de celle des autres dans lentreprise, on peutse demander pourquoi ce facteur-l et pas un autre. La rponse existe : on appelle autogestionle rgime dans lequel cest le facteur travail qui est propritaire de lentreprise. Par dfinition,dans ce rgime, lentreprise nmet pas dactions ; lorsquelle a besoin de capital financier, elle sele procure en mettant des obligations.

    Cest parce que dans nos pays occidentaux les socits anonymes se sont beaucoup plus dve-loppes que les entreprises autogres, et cela surtout depuis la rvolution industrielle, que nosconomies de marchs sont aussi appeles capitalistes. Cest aussi une question de fait que desavoir pourquoi lvolution a t si marque dans ce sens. Lanalyse conomique de ce phno-mne est trop complexe pour laborder ici de front, mais nous serons amens plus dune foisdans la suite fournir des pistes dexplication.

    8.9

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    164 PARTIE I ANALYSE MICROCONOMIQUE

    2 Profit conomique et profit comptable

    Nous disposons maintenant de tous les lments ncessaires pour prciser ladiffrence entre profit conomique et profit comptable. Disons demble que lepremier est pratiquement toujours plus petit que le second ; on lappelle parfois leprofit pur, parce que le profit comptable contient des lments qui ne sont pas

    proprement parler du profit.Le profit conomique, dfini au dbut du chapitre 5 comme la diffrence entre

    recette totale et cot total, vise essentiellement mesurer ce qui reste des recettesaprs quait t impute une rmunration tousles facteurs ayant concouru laproduction. Pour les facteurs qui ont t acquis au cours de la priode considre,cette rmunration est calcule sur la base du prix dacquisition, comme lasuggr lexpression du cot total donne la section 4.2. Nous devons y ajoutermaintenant lintrt pay aux obligataires. Pour les facteurs durables, prsents danslentreprise depuis des priodes prcdentes (tels que terrains, machines, etc.) etnayant donc pas fait lobjet de transaction nouvelle, la rmunration prendre enconsidration est le cot dopportunit. Ceci sapplique aussi, notamment, au

    travail prest par les dirigeants de lentreprise sils sont en mme temps propritaireset donc non salaris, ainsi quau capital financier apport par les actionnaires. Lesolde rsiduel, aprs toutes ces imputations, est le profit conomique.

    Le profit comptable reprsente quant lui ce qui reste des recettes aprs quaientt faits tous les paiements aux inputs qui ont fait lobjet dune transaction aucours de la priode. On ninclut pas ici de rmunration pour ceux que lentre-prise possde dj12. Le solde rsiduel, qui est celui qui va effectivement auxpropritaires, est ds lors compos dune part de rmunrations pour les facteursqueux-mmes auraient apports (travail si cest le cas, capital financier sous formedactions rmunration des fonds propres de lentreprise , et tous autresinputs quils auraient mis sa disposition), et dautre partdu profit pur. En rsum,

    on a donc lgalit

    profit comptablermunration des facteurs

    fournis par les propritairesprofit conomique= +

    Il en rsulte quune entreprise dont le profit pur est nul peut nanmoins avoirun profit comptable positif. Dautre part, lorsque le profit comptable est nul, lesfacteurs de production apports par les propritaires ne sont pas rmunrs :conomiquement, lentreprise est en perte, et les propritaires feraient mieux deplacer ailleurs les facteurs quils possdent. Cest en particulier le cas pour lesactionnaires : les dividendes qui leur sont distribus sont du profit comptable. Aussi,lorsquils sont faibles ou nuls, cest une indication de ce que lentreprise est la

    limite ou mme en dessous de son seuil de rentabilit. Ceci illustre limportance dela distinction discute ici.

    12 Pour certains de ceux-ci (principalement les machines) le profit comptable comporte cependant ce quonappelle un amortissement; toutefois, il ne sagit pas l dune rmunration de ces facteurs leur cot dopportunit,mais plutt dune provision financire constitue par lentreprise en vue de leur reconstitution ventuelle dans lefutur.