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1 CHAPITRE 4 : LE NOUVEAU DÉSORDRE MONDIAL DEPUIS 1991. Problématiques : Comment définir le monde actuel sur le plan géopolitique ? Un monde qui se rêvait multipolaire, et qui s’avère en réalité apolaire ? Un nouvel ordre mondial ou plutôt un désordre ordonné ? Les guerres irrégulières, ou asymétriques, qui le façonnent et le font chanceler à la fois, sont-elles réellement de « nouvelles guerres » ? Comment définir le monde actuel sur le plan géoéconomique ? Peut-on parler d’une gouvernance mondiale efficace, faisant respecter entre les différents pôles économiques les règles multilatérales acceptées depuis 1944 ? Ne sommes-nous pas en train d’enterrer le principe d’une « mondialisation heureuse » au profit d’un protectionnisme qui peut comporter le meilleur (la protection de ses activités phares, de son identité, de ses ressortissants) comme le pire (le repli sur les égoïsmes nationaux amenant au pouvoir un national- populisme) ? Cette gouvernance mondiale est-elle à la hauteur des défis globaux que nous affrontons : nouvelle mutation du capitalisme mettant en danger biens publics mondiaux et accentuant les inégalités mondiales, notamment de patrimoine ; gestion des ressources naturelles mises en péril par la croissance démographique ; et bien sûr changement climatique avec son lot de migrations et de guerres ? 1.ESPOIRS, CHAOS ET RECOMPOSITIONS GÉOPOLITIQUES. 1.1 Le rêve évanoui de la fin de l’Histoire et du retour au multilatéralisme en 1991 Document 1. « Nous nous devons aujourd’hui, en tant que peuple, d’avoir une intention de rendre meilleure la face de la nation et plus douce la face du monde » (George Bush, Current Documents, 1989, p. 4) Document 2. « Notre stratégie de sécurité nationale est donc fondée sur l’objectif d’élargir la communauté des démocraties de marché tout en dissuadant et en limitant la gamme des menaces qui pèsent sur notre nation, nos alliés et nos intérêts. Plus la démocratie et la libéralisation politique et économique s’imposeront dans le monde, notamment dans les pays d’importance stratégique pour nous, plus notre nation sera en sécurité et plus notre peuple sera susceptible de prospérer ». Extrait du document Stratégie de sécurité nationale présenté par le Conseil de sécurité Nationale de l’administration Clinton (1994 et 1996) 1.2 De Restore Hope au 11 Septembre : la marche à l’unipolarité américaine et l’avènement de « l’ordre impérial » sous couvert de lutte contre le terrorisme Document 3. « Les Etats-Unis s’efforceront constamment d’attirer le soutien de la communauté internationale, mais n’hésiteront pas à agir seuls, si nécessaire, afin d’exercer leur droit à la défense, en agissant de façon préventive contre les terroristes, dans le but de les empêcher de causer des dommages au peuple américain et au pays ». (Stratégie de Sécurité Nationale de l’administration Bush en 2002) 1.3 Les guerres asymétriques révèlent un monde apolaire et poussent les stratèges américains au minilatéralisme : du democracy and state building de G. W. Bush au leading from behind de B. Obama. Document 4. Il est à cet égard intéressant de voir comment la diplomatie américaine s’organise par rapport à la régulation de ce que l’on pourrait considérer arbitrairement comme étant les dix plus grands enjeux internationaux: Afghanistan, règlement du conflit israélo-palestinien, Iran, Corée, prolifération nucléaire et désarmement, terrorisme, sécurité européenne, régulation financière, régulation climatique, régulation commerciale. Sur tous ces sujets, la volonté américaine de construire des partenariats est indéniable et tranche avec l’unilatéralisme de l’Administration Bush. Mais la nature, le nombre et la qualité de ces partenariats varient considérablement en fonction de leur capacité ou de l’idée qu’ils se font de leur capacité à régler ces

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CHAPITRE 4 : LE NOUVEAU DÉSORDRE MONDIAL DEPUIS 1991.

Problématiques :

Comment définir le monde actuel sur le plan géopolitique ? Un monde qui se rêvait multipolaire, et qui

s’avère en réalité apolaire ? Un nouvel ordre mondial ou plutôt un désordre ordonné ? Les guerres irrégulières,

ou asymétriques, qui le façonnent et le font chanceler à la fois, sont-elles réellement de « nouvelles guerres » ?

Comment définir le monde actuel sur le plan géoéconomique ? Peut-on parler d’une gouvernance

mondiale efficace, faisant respecter entre les différents pôles économiques les règles multilatérales acceptées

depuis 1944 ? Ne sommes-nous pas en train d’enterrer le principe d’une « mondialisation heureuse » au profit

d’un protectionnisme qui peut comporter le meilleur (la protection de ses activités phares, de son identité, de

ses ressortissants) comme le pire (le repli sur les égoïsmes nationaux amenant au pouvoir un national-

populisme) ? Cette gouvernance mondiale est-elle à la hauteur des défis globaux que nous affrontons : nouvelle

mutation du capitalisme mettant en danger biens publics mondiaux et accentuant les inégalités mondiales,

notamment de patrimoine ; gestion des ressources naturelles mises en péril par la croissance démographique ;

et bien sûr changement climatique avec son lot de migrations et de guerres ?

1.ESPOIRS, CHAOS ET RECOMPOSITIONS GÉOPOLITIQUES.

1.1 Le rêve évanoui de la fin de l’Histoire et du retour au multilatéralisme en 1991

Document 1. « Nous nous devons aujourd’hui, en tant que peuple, d’avoir une intention de rendre meilleure la

face de la nation et plus douce la face du monde » (George Bush, Current Documents, 1989, p. 4)

Document 2. « Notre stratégie de sécurité nationale est donc fondée sur l’objectif d’élargir la communauté des

démocraties de marché tout en dissuadant et en limitant la gamme des menaces qui pèsent sur notre nation,

nos alliés et nos intérêts. Plus la démocratie et la libéralisation politique et économique s’imposeront dans le

monde, notamment dans les pays d’importance stratégique pour nous, plus notre nation sera en sécurité et plus

notre peuple sera susceptible de prospérer ». Extrait du document Stratégie de sécurité nationale présenté par

le Conseil de sécurité Nationale de l’administration Clinton (1994 et 1996)

1.2 De Restore Hope au 11 Septembre : la marche à l’unipolarité américaine et l’avènement de « l’ordre impérial » sous couvert de lutte contre le terrorisme

Document 3. « Les Etats-Unis s’efforceront constamment d’attirer le soutien de la communauté internationale,

mais n’hésiteront pas à agir seuls, si nécessaire, afin d’exercer leur droit à la défense, en agissant de façon

préventive contre les terroristes, dans le but de les empêcher de causer des dommages au peuple américain et

au pays ».

(Stratégie de Sécurité Nationale de l’administration Bush en 2002)

1.3 Les guerres asymétriques révèlent un monde apolaire et poussent les stratèges américains au minilatéralisme : du democracy and state building de G. W. Bush au leading from behind de B. Obama.

Document 4. Il est à cet égard intéressant de voir comment la diplomatie américaine s’organise par rapport à

la régulation de ce que l’on pourrait considérer arbitrairement comme étant les dix plus grands enjeux

internationaux: Afghanistan, règlement du conflit israélo-palestinien, Iran, Corée, prolifération nucléaire et

désarmement, terrorisme, sécurité européenne, régulation financière, régulation climatique, régulation

commerciale. Sur tous ces sujets, la volonté américaine de construire des partenariats est indéniable et tranche

avec l’unilatéralisme de l’Administration Bush. Mais la nature, le nombre et la qualité de ces partenariats

varient considérablement en fonction de leur capacité ou de l’idée qu’ils se font de leur capacité à régler ces

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problèmes. En Afghanistan par exemple, la gestion du conflit ne présente dans les faits aucun caractère

multilatéral. Le partenaire privilégié par les Etats-Unis pour tout règlement est le Pakistan et secondairement

l’Inde, compte tenu de l’influence décisive du conflit indo-pakistanais dans l’équation afghane. (…) Dans le

conflit israélo-palestinien, dont ils viennent de relancer une tentative de règlement, l’implication des autres

partenaires demeure pour le moment extrêmement limitée (…). Dans el règlement de la crise coréenne, les

Etats-Unis ne souhaitent réellement impliquer que la Chine, car elle seule est en mesure d’influence le pouvoir

nord-coréen. Ainsi, les partenariats rassemblent un nombre très limité d’acteurs dès lors qu’ils concernent la

sécurité stratégique des Etats-Unis. Sur tous les autres problèmes, les partenariats sont plus larges. (…) La

puissance américaine démontre plus que jamais sa capacité à se réinventer tout en essayant de rester fidèle à

ses valeurs, à ses intérêts et à ses tropismes. Z. LAÏDI, Le monde selon Obama, Stock, 2010, pp. 258-260

1.3.1 De la guerre classique à la nouvelle guerre.

Document 5. « Ces « nouvelles guerres » renvoient d’abord aux situations de crise sociale aiguë vécue par les

sociétés concernées. Loin d’être le résultat d’une compétition interétatique, elles dérivent de l’échec d’un Etat,

de sa faiblesse, de son incapacité à s’affirmer, de son manque de légitimité. (…) Face à cette faillite du politique

se révèle trop souvent une société anomique, souffrant d’un contrat social peu élaboré et trouvant dans les

divisions ethniques une manière d’emblématiser des antagonismes. Le conflit sierra léonais (1991-2002)

montre ainsi clairement l’opposition entre une zone côtière créole, dépositaire du pouvoir économique et

politique, en relation avec l’extérieur, et des terres intérieures, dépossédées des richesses de leur sous-sol que

le Revolutionary United Front (RUF) de Foday Sankoh put mobiliser avec succès. De même le conflit au Darfour

opposait-il les pasteurs chassés du centre du Soudan par la sécheresse, soutenus par les miliciens janjawid, aux

cultivateurs Fours, sédentaires, voyant ainsi leurs propres terres menacées. Dans un cas comme dans l’autre, on

ne trouve ni clivages religieux, ni tensions ethniques, mais l’effet belligène de pathologies sociales redoutables.

C’est cette articulation entre des pathologies sociales douloureuses et une compétition politique extra-

institutionnelle qui donne naissance à cette nouvelle forme de conflictualité. D’autant que la nature

patrimoniale du politique ne peut agir ici que comme catalyseur : elle accuse les traits autoritaires du régime,

elle bloque toute possibilité de réforme, de redistribution. (…) Contrairement au schéma clausewitzien, ce sont

donc ces pathologies sociales qui mènent le jeu. Marqueurs de trop faibles intégrations dans la société, elles

sont aussi facteurs de mobilisation. (…) La guerre offre une économie, pire encore, une protection sociale,

source d’incitations à la rejoindre. L’enfant soldat naît d’une situation où la misère rend presque impossible son

alimentation et la satisfaction de ses besoins quotidiens, auxquels la milice saura répondre. Elle saura même lui

offrir une effroyable apparence de reconnaissance, concédant au gamin de quinze ans la kalachnikov qu’il

espère pouvoir utiliser pour obtenir le respect des autres. Bertrand Badie, « guerres d’hier et d’aujourd’hui », in

Bertrand Badie et Dominique Vidal (dir.) Nouvelle guerres, comprendre les conflits du XXIe siècle, La découverte,

2ème édition, 2014, p.16-19.

1.3.2 Les « sociétés guerrières » à l’épreuve de la mondialisation et de la fin de l’Histoire : de la guerre fonctionnelle à la guerre autofinalisée.

Document 6. « Plus l’Etat est déficient, plus les formes militaires ou paramilitaires de mobilisation prennent

en charge les fonctions d’allocation les plus élémentaires, en pourvoyant des emplois, fournissant de la

nourriture, des vêtements, un statut social. (…) La religion elle-même devient un marqueur d’alignement, alors

qu’on la tient à tort pour en être le producteur. La rapidité avec laquelle l’islam et le christianisme se sont

imposés pour forger des clivages au sein de la République centrafricaine de 2013 suffit à démontrer que la

référence religieuse ne suscite pas les nouvelles guerres, mais agit comme mode d’aménagement des sociétés

guerrières. (…) Evidemment, la société guerrière ne se révèle comme telle que dans la durée. (…) La société

guerrière se réalise de façon plus ou moins affirmée dans des systèmes politiques qui n’ont jamais pu

construire un véritable contrat social. (…) Ces sociétés guerrières disposent d’une capacité attractive

particulièrement forte. (…) D’autant que l’absence d’autorité étatique aiguise mécaniquement les convoitises

extérieures : l’uranium au Niger, les diamants en Sierra Leone, les métaux rares et précieux au Congo

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deviennent des enjeux affichant le rôle prédateur des compagnies étrangères, généralement multinationales,

juste assez pour que la pauvreté locale prenne une signification mondiale. (…) Le semblant d’Etat local,

patrimonial et autoritaire, cible évidente des sociétés guerrières, n’existe que dans le lien clientélaire qui l’unit

le plus souvent à l’ancienne puissance coloniale. (…) Les nouvelles guerres fusionnent le social et le politique.

La société guerrière pénètre donc dans l’intimité de la vie quotidienne de chacun, sans que, pour autant, un

ordre politique ne la domine. D’une part, toutes les relations sociales sont ainsi dissoutes dans les mécanismes

guerriers, tout individu est communément exposé à la vie guerrière, comme combattant, comme cible, comme

victime, dans la mort, la blessure, la maladie, la souffrance et le déplacement. (…) Là où le modèle schmittien

faisait de la guerre et de l’ennemi un moyen de consolider les communautés politiques modernes, les nouvelles

guerres se conçoivent comme modes durables de consécration de l’inconciliable ». Bertrand Badie, « guerres

d’hier et d’aujourd’hui », in Bertrand Badie et Dominique Vidal (dir.) Nouvelle guerres, comprendre les conflits

du XXIe siècle, La découverte, 2ème édition, 2014, p.20-22

1.3.3 Traiter les nouvelles guerres

1.3.4 Des guerres pas si « nouvelles » : petite histoire des « guerres irrégulières »

1.3.5 Panorama des conflits contemporains : vers un « désordre ordonné » (Laurent Gayer)

Document 7. « Le nouvel interventionnisme militaire s’écarte de plus en plus de la guerre conventionnelle

pour s’apparenter à une police globale, les techniques de maintien de l’ordre en interne tendent à se militariser,

tant du point de vue des personnels (…) que des équipements (…). Ce répertoire du maintien de l’ordre permet

de banaliser le recours à la force contre certains groupes ou populations « à risque » mais aussi de les prolonger

ad aeternam : contrairement à la guerre, le maintien de l’ordre est une entreprise permanente. (…) Les

opérations répressives [contre la piraterie, la drogue…] ont essentiellement vocation à contenir le désordre à

un niveau tolérable, notamment pour la bonne marche de l’économie. La dépolitisation de l’adversaire est une

caractéristique essentielle de cette logique de « désordre sans fin ». (…) Force est de constater qu’en contestant

ou partageant dans la durée le monopole de l’Etat sur les moyens de coercition, de taxation et parfois de

présentation, ces acteurs irréguliers s’affirment comme des souverains de fait, contribuant à leur manière à la

mise en ordre de la société dans laquelle ils évoluent. Cette mise en ordre recouvre à la fois des logiques de

domination, des pratiques d’accumulation et des formes de médiation qui, loin d’avoir évacué la violence, y

puisent souvent les conditions de leur efficacité et de leur reproduction dans la durée. Moins qu’à une

géopolitique du chaos, la transformation des conflits contemporains participe à l’avènement d’une myriade de

désordres ordonnés. Laurent GAyer, « Ni guerre ni paix : guerres sans fin (s) ou désordres ordonnés ». in

Bertrand Badie et Dominique Vidal (dir.) Nouvelle guerres, comprendre les conflits du XXIe siècle, La découverte,

2ème édition, 2014, p.69-71

1.4 Les contestations de l’Etat-nation par les acteurs souterrains de la mondialisation : mafias, piraterie et zones grises.

1.4.1 De quoi les « Etats faillis » sont le nom ?

1.4.2 Piraterie, mafias et zones grises, les profiteurs d’un monde en désordre.

Document 8. La mondialisation, en entraînant un décloisonnement du monde, a facilité la mise en relation des

marchés et des acteurs criminels. L’ouverture des frontières est allée de pair avec une croissance sans

précédent des mouvements migratoires qui ont abouti à la formation de diasporas. Les organisations

criminelles se servent de ces communautés pour organiser leurs trafics d’un pays à l’autre, tout en le

soumettant à une exploitation économique via le racket ou les prêts usuraires. Les trafiquants tirent également

profit de la multiplication des échanges qui, par exemple, rend difficile le repérage des cargaisons de drogue ou

de produits contrefaits cachés dans le fret légal. La déréglementation des transactions financières conjuguée à

une diminution de contrôles publics a, quant à elle, facilité le recyclage des bénéfices des trafics et provoqué

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une interpénétration croissante des économies légales et illégales. Les experts s’accordent néanmoins à penser

que le blanchiment d’argent par le crime organisé ne représente qu’une part réduite des activités financières

internationales irrégulières, comparé aux détournements de fonds publics par des chefs d’Etat corrompus ou

aux opérations d’évasion fiscales de grandes sociétés. La criminalité organisée est aujourd’hui enchâssée dans

la mondialisation : elle n’en est ni la face cachée, ni une excroissance, mais une composante à part entière. (…)

Le concept de criminalité transnationale organisée apparaît au moment où s’éteint la menace communiste et où

se redéfinissent les grands équilibres géopolitiques. Pendant toute la décennie 1990, et jusqu’à ce que

surviennent les attentats du 11 septembre 2001, la criminalité transnationale organisée incarne le principal

danger. (…) Si la lutte contre la mafia ne figure plus en tête de l’agenda international, les activités criminelles

transnationales n’en demeurent pas moins un sujet de préoccupation. En témoigne l’inquiétude manifestée par

la communauté internationale à l’égard du trafic de drogue, de la traite d’êtres humains ou de l’importance

croissante de la contrefaçon. Simultanément, la lutte contre la criminalité organisée prend une dimension

mondiale, notamment avec l’adoption, le 15 décembre 2000, de la Convention des Nations-Unies contre la

criminalité transnationale organisée. (…) Certains auteurs vont jusqu’à évoquer des rencontres –sorte de G8 du

crime organisé – lors desquelles les principales organisations se partageraient le monde et les marchés

criminels. Cette approche va de pair avec l’affaiblissement supposé des Etats dans la mondialisation, qui

auraient perdu le contrôle de l’économie et, plus largement, leur capacité de régulation. (…) Les études des

trafics de stupéfiants, de la contrebande de cigarette ou de l’immigration clandestine mettent à jour une

coopération de multiples opérateurs (tous n’appartenant pas au monde criminel) qui se dissout bien souvent

une fois la transaction accomplie. La collaboration de groupes criminels à l’échelle mondiale s’apparente

davantage à une coopération ponctuelle qui n’a rien d’automatique ni de permanent. Enfin, si les mafias sont

parties prenantes de trafics à grande échelle, elles ne sont pas aussi mondialisées qu’on l’imagine mais restent

profondément ancrées dans leur société et leur territoire d’origine. Fabrizio Maccaglia, Marie-Anne Matard

Bonucci, Atlas des mafias, acteurs, trafics et marchés de la criminalité organisée, Autrement, 2009

Document 9: la lutte contre le crime organisé à l’échelle mondiale

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Documents 10 a) et 10 b) : pirateries africaines.

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2.DÉRIVES DU CAPITALISME ACTIONNARIAL, MONTÉE DES INÉGALITÉS ET PÉRILS ÉCOLOGIQUES : QUELLES IMPLICATIONS GÉOPOLITIQUES ?

2.1 Réduction des inégalités entre les Etats, accentuation des inégalités au sein des Etats : vices et vertus de la « mondialisation des inégalités ».

2.1.1 Réduction des inégalités internationales, accentuation des inégalités intra-nationales

Document 11. Si l’on s’en tient à la définition usuelle de l’inégalité (entre les niveaux de vie des individus qui

composent la population mondiale), alors son évolution ne fait aucun doute. Après avoir augmenté

continûment depuis le début du XIXe siècle, elle s’est mise à décroître à une cadence rapide, principalement du

fait des performances des pays émergents. Ce retournement a eu lieu il y a plus d’une vingtaine d’années. (…)

De 1820 à 1980, l’écart entre les 10% les plus riches du monde et les 10% les plus pauvres a été multiplié par

trois. Le coefficient de Gini était de l’ordre de 0.5 en 1820, soit le niveau d’un pays relativement inégalitaire

aujourd’hui. Avec la base de données historiques, il était de 0.66 en 1980 (…). Le second fait marquant est la

décrue observée à partir de 1989 (…). La baisse de l’inégalité est indéniable et extrêmement frappante. En vingt

ans, le coefficient de Gini ou encore l’écart relatif entre les 10% extrêmes ont diminué presque autant qu’ils

avaient diminué depuis 1900. Le tournant du millénaire marque un retournement historique de l’inégalité dans

le monde. On observe un renversement analogue en matière de pauvreté. La croissance économique a entraîné

une baisse continue de la proportion de personnes en situation de pauvreté dans le monde (…).

Paradoxalement, alors que l’inégalité mondiale est en train de baisser, la différence entre les extrémités de

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l’échelle des revenus nationaux continue d’augmenter. Les 15 pays les plus riches, soit 10% des pays dans la

base de données utilisée, avaient un niveau de vie moyen supérieur à 40 fois supérieur à celui des 15 pays les

plus pauvres en 1989. Ce rapport était supérieur à 60 en 2006. (…) L’inégalité mondiale a amorcé un reflux

notable depuis 20 ans. Mais ceci ne doit pas masquer le fait qu’un petit nombre de pays, moins peuplés, ont pris

un retard important sur le reste du monde. Pire, les pays les plus pauvres aujourd’hui sont plus pauvres que

leurs homologues il y a 20 ans. Un autre aspect négatif de cette évolution est l’augmentation des écarts absolus

de niveau de vie. (…) En contrepartie, l’inégalité moyenne à l’intérieur des pays a fortement diminué,

notamment vers le milieu du XXe siècle. A partir des années 1980, on assiste cependant à un renversement de

ces deux tendances : l’inégalité entre pays décroît fortement, tandis que l’inégalité moyenne au sein des pays se

remet à croître après une longue période stationnaire. (…) Initialement élevée, l’inégalité interne aux pays a

légèrement augmenté au cours du XIXe siècle. Elle a ensuite décliné de façon très sensible entre la fin de la

Première Guerre mondiale et l’après-Seconde Guerre mondiale, au début des années 1950. La mise en place de

puissants systèmes de redistribution (qu’il s’agisse de l’imposition progressive des revenus, des dispositifs

d’indemnisation du chômage, ou de la protection ou de l’assistance sociales) a fortement réduit l’inégalité

moyenne au sein des pays développés. Mais la baisse de l’inégalité moyenne doit aussi à l’égalitarisme imposé

sur leurs territoires par les révolutions russe et chinoise, ainsi qu’à la formation du bloc soviétique après 1945.

Après cette baisse, on observe un palier jusqu’au tournant des années 1980. Depuis lors l’inégalité a

recommencé, lentement mais sûrement, à croître. Certes, on est encore bien en-dessous du niveau moyen que

l’on pouvait observer à l’aube de la Première Guerre mondiale, mais l’inversion de tendance est très nette et, à

l’heure actuelle, elle est même en voie d’accélération. (…) On peut estimer que le rapport entre les 10%

extrêmes aurait augmenté régulièrement depuis la fin des années 1980, de 10.9 à 11.5, tandis que le coefficient

de Gini se serait accru d’un point et demi de pourcentage, de 0.355 à 0.370. (…) On peut craindre (…) que

l’augmentation de l’inégalité à l’intérieur des pays s’accélère et remplace progressivement l’inégalité entre

pays. On entrerait ainsi dans un processus d’internalisation de l’inégalité mondiale au sein des communautés

nationales. (…)On a observé, aux Etats-Unis, une baisse relative des bas salaires par rapport au salaire médian

(…) entre le milieu des années 1970 et le milieu des années 1980, puis une reprise partielle suivie d’une assez

grande stabilité. En revanche, les auts salaires se sont littéralement envolés par rapport au salaire médian. Les

salaires des 10% des salariés les mieux payés étaient en moyenne 80% au-dessus du salaire médian avant

1980. Ils le dépassent de 125% depuis 1995. L’écart s’élargit encore plus lorsqu’on se restreint aux centiles

supérieurs. Cette montée de l’inégalité conduit à des disparités impressionnantes dans le partage des gains de

la croissance. (…) Entre 1979 et 2006, le revenu moyen des ménages (avant impôts et après correction de

l’inflation a augmenté au total de 50%. Mais la croissance totale n’a été que de 10% pour le quintile le plus

pauvre, tandis qu’elle dépassait 100% pour le décile supérieur (…) [En France] entre 1998 et 2008, le niveau de

vie a augmenté de 16% pour l’ensemble de la population ; l’augmentation a été légèrement plus forte (22%)

pour le décile supérieur, mais tout de même de 40% pour le plus haut centile. L’examen de l’évolution des

inégalités salariales depuis les années 1970 conduit à la même conclusion. L’inégalité des salaires parmi les

travailleurs à temps complet a diminué régulièrement avant d’augmenter substantiellement dans la partie

haute de la distribution de ces toutes dernières années. La politique du salaire minimum peut expliquer le

maintien du bas de la distribution par rapport au salaire médian (…). Une autre explication est l’augmentation

continue des charges sociales, qui a amputé les salaires nets du milieu et du haut de la distribution et beaucoup

moins ceux du bas, protégés là encore par la législation sur le salaire minimum. Reste cependant à savoir si

l’élargissement des écarts salariaux n’a pas été conjuré au prix d’une augmentation d’un autre type d’inégalité :

le chômage. François Bourguignon, La mondialisation de l’inégalité, Seuil, 2012, extraits divers.

2.1.2 Les inégalités, moteurs des crises et de l’accaparement des rentes par les privilégiés ? Document 12 a) et 12b) : le temps long des inégalités et les imperfections de leur correction par la fiscalité, selon T. Piketty.

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2.1.3 La sortie de la crise de 2007 et le retour de la croissance suffisent-ils à conjurer les inégalités ?

Document 13 a) et b) : croissance et maintien des inégalités.

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Source : OCDE (working paper, novembre 2016).

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2.2 Le « culte délétère de la croissance matérielle » (J. Gadrey), la « cage de fer du consumérisme » (T. Jackson) et la croissance démographique mettent en péril les équilibres écologiques… et menacent l’émergence des populations les plus pauvres.

2.2.1 L’effrayant spectre de la « bombe P » surgit au moment des indépendances

2.2.2 une relecture des liens entre développement, croissance et mondialisation : faut-il souhaiter la « démondialisation » ?

2.2.3 « Sortir du culte délétère de la croissance matérielle » (J. Gadrey)

2.2.4 Vers une gouvernance climatique mondiale ?

2.2.4.1 La gouvernance par le haut :

2.2.4.2 Agir par le bas : la dissémination des acteurs de terrain, non institutionnels

2.3 Une nouvelle donne énergétique pour un nouveau mode de croissance : solaire et éolien peuvent-ils à jamais évincer le nucléaire et les énergies fossiles ?

2.3.1 Etat des lieux d’une économie mondiale encore fondée sur le pétrole Document 14 : nature et coût de la prospection pétrolière (source : P. N. Giraud, 2015)

Type de pétrole Réserves estimées Coût d’extraction

Conventionnel du Proche-

Orient et d’Afrique du Nord

(MOANA)

1000 MM de barils 25$/ baril

Conventionnel hors MOANA 1000 MM de barils 10 à 70$/ baril

Conventionnel off-shore (mer

profonde) type Arctique

1000 MM de barils 40 à 100 $/ baril

Non-conventionnel lourd et

schistes bitumineux

2000 MM de barils 50 à 110 $/ baril

Carburants liquides à partir du

gaz naturel et du charbon

1000 MM de barils 50 à 105$/ baril

2.3.2 Le développement réel, mais marginal, du renouvelable Document 15 a), b), c), d) : le mix électrique en France et dans le monde, en 2012-2015

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Source : Alternatives économiques, hors-série, octobre 2016, « Les chiffres de 2017 » et numéro de mai 2016.

2.4 Une gouvernance à repenser pour protéger les biens publics mondiaux : l’exemple de l’eau.

2.4.1 L’eau douce : ressources, conflits, coopérations Document 16 :

Document 17 : le Moyen-Orient, stress hydrique et tensions hydro-politiques.

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Source : http://www.lesclesdumoyenorient.com/l-eau-au-moyen-orient.html

2.4.2 Les mers et les océans : quels enjeux, quelle gouvernance ? Document 18 : mers et ressources énergétiques.

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Document 19 : les ressources halieutiques

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Document 20 : la définition des ZEE par la conférence de Montego Bay.

Document 21 : tensions en Arctique autour des mers froides

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Document 22 : un exemple de conflit, l’îlot Persil

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2.5 Une gouvernance à repenser pour éviter la disparition ou l’épuisement des ressources naturelles.

2.5.1 Les commodities sont-elles en voie d’extinction ?

2.5.2 Le cas spécifique des fonds marins

3.NAISSANCE DE NOUVEAUX MODÈLES, NÉCESSAIRE REDÉFINITION DE LA GOUVERNANCE MONDIALE

3.1 Le capitalisme d’Etat chinois : un socialisme de marché à visage humain ?

3.2 Des BRICS aux CIVETS : quel rôle pour les émergents au XXIe siècle ?

3.3 Eclipse du capitalisme et « retour des communs » : la paix par l’économie collaborative ?

Document 23. « La force motrice du système, ce sont les gains de productivité, dus à la croissance de

l’efficacité énergétique. C’est un processus implacable : les concurrents font la course pour introduire de

nouvelles technologies plus productives qui réduiront leurs coûts de production et les prix de vente de leurs

biens et services afin d’attirer les acheteurs. La course va de plus en plus vite et finit par approcher la ligne

d’arrivée, où l’efficacité optimale est atteinte et où la productivité est au plus haut. Cette ligne d’arrivée, c’est

l’endroit où le coût marginal de production de chaque unité supplémentaire est quasi-nul. Quand elle est

franchie, les biens et services deviennent quasi gratuits, les profits se tarissent, l’échange de propriétés sur les

marchés s’arrête et le système capitaliste meurt. (…) Qui constitue cette nébuleuse [les communaux

collaboratifs nés de cet éclipse du capitalisme, ndlr] ? Des millions d’organisations autogérées, la plupart

démocratiquement : associations caritatives, ordres religieux, ateliers artistiques et culturels, fondations

pédagogiques, clubs sportifs amateurs, coopératives de production et de consommation, banques coopératives,

organisations de santé, groupes de défense d’une cause, associant de résidents, qui créent du capital social pour

la société. Un modèle résilient pour lutter contre le capitalisme sauvage, comme c’était le cas contre le servage.

Une étude du centre d’études sur la société civile de l’université John Hopkins, sur 8 pays, conclut que le secteur

à but non lucratif pèse 5% du PIB. C’est le « tiers secteur. (…) C’est sur les communaux sociaux que naît la

bonne volonté qui permet à une société de s’unir en tant qu’entité culturelle. Le marché et l’Etat sont des

prolongements de l’identité sociale d’un peuple. Sans recomposition permanente du capital social, la confiance

serait insuffisante pour permettre aux marchés et aux Etats de fonctionner » Jeremy RIFKIN, La société du coût

marginal 0, l’internet des objets, l’émergence des communaux collaboratifs, et l’éclipse du capitalisme, LLL, 2014,

p.107-sq