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Agriculture Dossier 7 PIONNIER P.7 ET 8 Labourer, pour quoi faire ? Depuis la fin des années 60 et le lycée agricole, Yvon Corbel n’a de cesse d’expérimenter et d’améliorer les techniques culturales simplifiées. Avec succès. ENTRETIEN P.9 Dirigeant du Modef, Jean-Claude Lajous est aussi un promoteur des techniques culturales simplifiées sur ses terres de Comminges, où il combat « le poids des habitudes ». AILLEURS P.10 Avec 50 ans de recul sur les techniques culturales, simplifiées le paysan chilien Carlos Crovetto constate que sa terre est devenue plus fertile. C ’était du temps où personne en France ne parlait de semis directs et de techniques culturales sim- plifiées (TCS) au moment de se- mer du maïs, dont la culture débutait sur les terres de Bretagne pour nourrir les vaches laitières à l’ensilage. C’était donc bien avant que Stéphane le Foll ne lance en 2012 un débat sur le thème « Agricul- tures, produisons autrement ». A la fin des années 60, Yvon Corbel était élève dans un lycée agricole des Côtes-d’Ar- mor. Sans avoir rien lu sur le sujet, il se posait des questions sur l’utilité de labou- rer avant de semer. Pourtant, les profs ne parlaient pas de ces choses-là dans l’éta- blissement scolaire. Mais le garçon était déjà persuadé que le labour n’était pas une nécessité. Une fois installé avec sa femme sur la ferme de Pempoul Rot à Kergrist- Moëlou, ce jeune paysan a commencé par bricoler des outils pour ne pas avoir à re- tourner la terre. Des intuitions confortées Prudent et curieux à la fois, il commence par des semis de pâturages et de couverts végétaux sans labour préalable. Au vu des résultats, il se dit que la technique peut également conve- nir au blé et au maïs. En 1976, il multiplie les essais en TCS sur des parcelles dont la moitié est labourée et l’autre pas afin de comparer les résultats. Lesquels confortent très vite ses intuitions de départ. Un semis direct de blé ou d’une autre céréale à paille après une culture de maïs est re- lativement facile à réussir car le traitement chimique des adven- tices du maïs laisse une terre propre pour la culture suivante. Bricoleur, Yvon Corbel conti- nue de modifier son matériel pour griffer le sol de manière superficielle, à une époque où l’on manque encore d’un ou- tillage adapté. Il mesure très vite l’économie d’énergie, opte pour un tracteur qui exerce une basse pression sur le sol. Au fil des ans, il constate aussi que le taux d’humus augmente dans ses champs, ce que confirment les analyses de sol tandis que les mottes de terre disparais- sent. Plus tard seulement, il adhère au club « Horsch », du nom d’un paysan allemand qui inventa une fraise pour travailler la terre sur trois à quatre centimètres sans la retourner. L’homme qui ne labourait pas ses champs Dans le cadre du travail d’enquête sur le thème « Agricultures, produisons autrement », on découvre parfois que des pionniers guidés par leur intuition avaient anticipé le mouvement voilà près de 40 ans. C’est le cas d’Yvon Corbel dans les Côtes d’Armor. EN DéPIT DU QU’EN DIRA-T-ON, LE PIONNIER DE KERGRIST-MOëLOU PERSéVéRA CAR SES RéSULTATS éCONOMIQUES éTAIENT BONS. Les analyses de sol confirment que le taux d’humus augmente au fil des ans dans les champs bénéficiant de techniques de non labour. NON LABOUR GéRARD LE PUILL PHOTO JEAN-CLAUDE LAJOUS nnn LA TERRE du 30 avril au 6 mai 2013 002_LT.indd 7 29/04/2013 16:43:58

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Agriculture Dossier 7PIONNIER P.7 Et 8 Labourer, pour quoi faire ? Depuis la fin des années 60 et le lycée agricole, Yvon Corbel n’a de cesse d’expérimenter et d’améliorer les techniques culturales simplifiées. Avec succès.

ENtREtIEN P.9 Dirigeant du Modef, Jean-Claude Lajous est aussi un promoteur des techniques culturales simplifiées sur ses terres de Comminges, où il combat « le poids des habitudes ».

AILLEURS P.10Avec 50 ans de recul sur les techniques culturales, simplifiées le paysan chilien Carlos Crovetto constate que sa terre est devenue plus fertile.

C’était du temps où personne en France ne parlait de semis directs et de techniques culturales sim-plifiées (TCS) au moment de se-

mer du maïs, dont la culture débutait sur les terres de Bretagne pour nourrir les vaches laitières à l’ensilage. C’était donc bien avant que Stéphane le Foll ne lance en 2012 un débat sur le thème « Agricul-tures, produisons autrement ».A la fin des années 60, Yvon Corbel était élève dans un lycée agricole des Côtes-d’Ar-mor. Sans avoir rien lu sur le sujet, il se posait des questions sur l’utilité de labou-rer avant de semer. Pourtant, les profs ne parlaient pas de ces choses-là dans l’éta-blissement scolaire. Mais le garçon était déjà persuadé que le labour n’était pas une nécessité. Une fois installé avec sa femme sur la ferme de Pempoul Rot à Kergrist-Moëlou, ce jeune paysan a commencé par bricoler des outils pour ne pas avoir à re-tourner la terre.

Des intuitions confortéesPrudent et curieux à la fois, il commence par des semis de pâturages et de couverts végétaux sans labour préalable. Au vu des résultats, il se dit que la technique peut également conve-nir au blé et au maïs. En 1976, il multiplie les essais en TCS sur des parcelles dont la moitié

est labourée et l’autre pas afin de comparer les résultats. Lesquels confortent très vite ses intuitions de départ. Un semis direct de blé ou d’une autre céréale à paille après une culture de maïs est re-lativement facile à réussir car le traitement chimique des adven-tices du maïs laisse une terre propre pour la culture suivante.Bricoleur, Yvon Corbel conti-nue de modifier son matériel pour griffer le sol de manière superficielle, à une époque où l’on manque encore d’un ou-

tillage adapté. Il mesure très vite l’économie d’énergie, opte pour un tracteur qui exerce une basse pression sur le sol. Au fil des ans, il constate aussi que le taux d’humus augmente dans ses champs, ce que confirment les analyses de sol tandis que les mottes de terre disparais-sent. Plus tard seulement, il adhère au club « Horsch », du

nom d’un paysan allemand qui inventa une fraise pour travailler la terre sur trois à quatre centimètres sans la retourner.

L’homme qui ne labourait pas ses champs

Dans le cadre du travail d’enquête sur le thème « Agricultures, produisons autrement »,on découvre parfois que des pionniers guidés par leur intuition avaient anticipé le mouvementvoilà près de 40 ans. C’est le cas d’Yvon Corbel dans les Côtes d’Armor.

En dépit du qu’En dira-t-on, lE pionniEr dE KErgrist-Moëlou pErsévéra car sEs résultats éconoMiquEs étaiEnt bons.

Les analyses de sol confirment quele taux d’humus augmente au fil

des ans dans les champs bénéficiant de techniques de non labour.

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8 Dossier Agriculture

Il découvre qu’il n’est pas seul dans sa quête d’exploration de voies nouvelles pour la préservation des sols.Tout allait donc pour le mieux chez Yvon Corbel, hormis le regard des autres. On a commencé par dire qu’il n’avait pas le cou-rage de retourner ses champs, pressé qu’il était d’aller labourer ceux des autres pour gagner de l’argent du fait de son activité d’entrepreneur de travaux agricoles à temps partiel. Sauf que chez les autres aussi il préconisait le travail simplifié du sol, sans beaucoup de succès au début. En dépit du qu’en dira-t-on, le pionnier de Kergrist-Moëlou persévéra car ses résultats écono-miques étaient bons. Plus tard, sa ferme devint un lieu de démonstrations dans le cadre des « portes ouvertes » sur le non-labour et autres TCS. A travers ces échanges, beaucoup d’éleveurs découvrent que le maïs cultivé en Bretagne pour nour-rir les vaches laitières est semé trop pro-fondément à la suite des labours, alors qu’il démarre beaucoup plus vite quand la graine germe dans la couche superficielle d’un sol non labouré. Outre la chaleur, elle y trouve énormément de nutriments issus de la décomposition des couverts végétaux.

Une profession obnubilée par la course aux hectaresQuand on lui demande s’il a joué un rôle de pionnier en pratiquant les techniques simplifiées du travail du sol dès la fin des années 70, Yvon Corbel approuve mais reconnaît qu’il n’en avait pas conscience à l’époque. En 2009, des paysans sont venus de très loin assister à une journée de dé-monstration sur sa ferme qui cumulait déjà 30 ans d’expérience dans ce domaine, tan-dis que la Chambre d’agriculture des Côtes-d’Armor était coorganisatrice de la journée.« J’y croyais dès le début, mais je dois dire que je n’ai guère reçu d’encouragements  pendant plus de vingt ans » dit aujourd’hui Yvon Corbel. Depuis pas mal d’années, il effectuait néanmoins quelque 600 hectares de semis sans labours chez des voisins, dans le cadre du volet entrepreneurial de son activité agricole. Alors que se profile le moment de passer la main, le paysan breton déplore que dans sa région, comme dans beaucoup d’autres, la profession agri-cole soit obnubilée par la course aux hec-tares pour essayer de tirer un revenu de cette manière-là, au point de négliger la réflexion sur ce qu’il convient de faire pour laisser aux générations futures une terre de qualité. n

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Enrichir le sol en humus

les techniques culturales simplifiées (tCs) on commencé enAmérique latine pour des raisons climatiques défavorablesaux labours.

On parle de techniques culturales simplifiées (TCS) ou encore de technique de conservation des sols

en utilisant le même sigle. Ces techniques ont été initialement développées en Amé-rique du Sud. On s’est aperçu dans ces contrées que les la-bours pratiqués par les colons originaires d’Europe n’étaient pas adaptés aux conditions pé-doclimatiques du continent sud-américain. Sous des climats chauds et humides, le sol subit une minéralisation rapide de la matière organique et une in-tense érosion physique. Les sols travaillés mécaniquement deviennent ra-pidement très pauvres en matière organique et la couche de terre arable se réduit.Très adaptées à ces pays, les TCS le sont aussi pour les sols de nos pays tempérés, et facteurs d’économies de surcroît. Car l’ac-tivité biologique du sol y est nettement plus favorisée que par le labour. En Europe, les

TCS ont progressé depuis la réforme de la PAC en 1992 qui a mis fin aux prix garantis pour les céréales et institué les primes à l’hectare, qui sont devenues des Droits à paiement unique (DPU) après la réforme de 2003. Les TCS se sont inscrits dans une dé-marche de réduction des coûts de produc-

tion, tandis que les bienfaits induits par une plus grande richesse des sols en matière organique et l’aug-mentation des vers de terre sont apparus progressivement.Mais le non labour présente aussi quelques inconvénients qui ne sont pas toujours faciles à maîtri-ser. Cela débouche parfois sur une surconsommation de désherbants et de produits de traitement des

ravageurs comme les limaces. Ainsi l’au-tomne 2012, plus humide que la moyenne, ne fut pas facile pour les TCS et certains céréaliers y ont renoncé temporairement. C’est aussi pour lutter contre les adventices que les pays d’Amérique du Sud ont adop-té massivement le maïs et le soja OGM qui résistent aux herbicides. n

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Les bienfaits induits par une plus granderichesse des sols en matière organiqueet l’augmentation des vers de terre sontapparus progressivement.

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« Le jour où les pieds me sont montés à la tête »

paysan sur les terres pentues du Comminges au sud-ouest detoulouse, jean-Claude lajous, membre du comité directeurdu MoDeF, a découvert le non labour lors d’une démonstrationen 1997. Depuis, il promeut cette technique dans l’Associationoccitane de conservation des sols (AoCsol).

La Terre : Comment avez-vous découvert les techniques culturales simplifiées et le non labour ?JEAN-CLAUDE LAJOUS : En 1997 on m’a demandé de représenter notre CUMA à une démonstration de travail du sol à Gimont, dans le Gers. Nous devions renouveler le matériel acheté en commun pour le labour. Il y avait une démonstration du construc-teur allemand Horsch, un paysan qui in-venta ses propres machines afin de ne plus labourer. J’ai vu une fraise conçue par cet homme scalper une fine couche de terre, tandis que le semoir embarqué déposait les graines avant que la fine pellicule de terre ne les recouvre.

Cela a-t-il été suffisant pour vous convaincre ?C’était intéressant, mais c’est en marchant sur un champ de blé, semé quelques mois plus tôt sur une terre non labourée depuis des années, que j’ai eu une révélation. La terre était souple sous mes pieds comme si je marchais sur un tapis de mousse. Pour résumer l’impression qui fut la mienne, j’ai pris l’habitude de dire que les pieds me sont montés à la tête. La formule fait souvent rire mais elle correspond vraiment à ce que j’ai ressenti. J’ai donc plaidé à mon retour pour que la

une bonne couche d’humus ; celle que je venais d’acheter et qui avait été labourée jusque là était pauvre en humus.

Comment se fait-il alors que les choses n’avancent pas plus vite ? Il y a le poids des habitudes et les intérêts des marchands d’engrais et de matériel de labour. Les financiers qui dirigent les coo-pératives agricoles ne raisonnent pas dans l’intérêt des paysans. Ils font du chiffre d’affaire en vendant des intrants et du ma-tériel, alors que l’intérêt des adhérents de la coopérative serait d’améliorer les pra-tiques agronomiques pour réaliser des éco-nomies. Cela devrait interpeller les paysans dans les conseils d’administration.Dans « AOCSol » nous sommes issus de tous les syndicats paysans, mais nous sommes tous ultra-minoritaires dans nos syndicats respectifs pour faire avancer le travail simplifié du sol. Dans la tête d’une majorité de paysans, on n’a pas encore com-pris que la vie du sol devient prioritaire si on veut que la terre soit en capacité de nourrir les générations futures. n

CUMA achète ce nouveau matériel et nous avons démarré l’année suivante.

Mais vous partiez un peu à l’aventure non ?Oui. A la vue de mes premiers maïs confrontés aux mauvaises herbes au mo-ment de la levée, il m’arrivait de me ré-veiller en sursaut au milieu de la nuit en me demandant ce que mangeraient mes vaches laitières. Mais, finalement, il a donné un bon rendement. A la même époque, nous avons rencontré l’agronome Claude Bourguignon qui nous a détaillé la vie des sols et conforté dans notre dé-marche en nous expliquant le travail des vers de terre, le rôle des couverts végétaux pour produire de l’humus. Nous avons ra-pidement choisi de systématiser les cou-verts végétaux entre deux cultures. Moi je sème souvent de la féverole et du trèfle incarnat pour remplir ce rôle. Je laisse aus-si la paille broyée sur le sol après la récolte depuis que j’ai arrêté la production laitière.

Quel est le fruit de cette expérience au bout de quinze ans de pratique ? Je gagne mieux ma vie en produisant des céréales, des oléagineux et des protéagi-

neux car mes coûts de produc-tion ont diminué. Mes terres se sont considérablement enri-chies en matière organique. J’ai pu le constater en 2009, quand on a creusé des fosses dans deux parcelles pour observer et analyser la couche superficielle du sol. Celle qui était conduite en TCS depuis 1998 présentait

« MEs coûts dE production ont diMinué. MEs tErrEs sE sont considérablEMEnt EnrichiEs En MatièrE organiquE. »

ENtREtIEN GéRARD LE PUILL « dans la têtE d’unE Majorité dE paysans, on n’a pas EncorE coMpris quE la viE du sol dEviEnt prioritairE si on vEut quE la tErrE soit En capacité dE nourrir lEs générations futurEs. »

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Agriculture Dossier 9LA tERRE du 30 avril au 6 mai 2013

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10 Dossier Agriculture

Depuis des siècles, labourer son champ et le herser finement avant de semer une nouvelle culture est une pratique

constante. La levée du semis est toujours agréable à regarder. Le blé, la betterave, le maïs ou le tourne-sol prennent leur essor sur une terre propre, avec, au besoin, un traitement chimique pour tuer les mauvaises herbes.On sait pourtant depuis quelques années que le labour systématique n’est pas ce qu’il y a de mieux pour améliorer la fertilité des sols. Il favorise l’érosion. Sur une terre pentue fraîchement labourée, un orage peut faire migrer une dizaine de tonnes de terre vers la vallée. Quand cela se reproduit plusieurs fois par an pendant des décennies, on voit poindre un change-ment de couleur quand la terre est fraîche-ment labourée : la couche de terre arable manque d’épaisseur. Aux Etats-Unis, en Chine ou en Australie, c’est aussi le vent

qui provoque l’érosion des terres arables en faisant voyager des nuages de poussières sur des centaines de kilomètres. Le labour favorise aussi l’oxydation de la matière organique et libère du carbone, tandis que les couverts végétaux permet-tent de séquestrer du carbone. Le labour

est enfin coûteux en énergie pour le travail du sol. Le gros tracteur et ses gros outils pro-voquent un tassement qu’il faut parfois décompacter en recourant à d’autres engins.C’est au regard de tous ces in-convénients du labour systéma-tique que sont nées les tech-niques de semis directs sous des

couverts végétaux et de travail simplifié du sol. Dans ce domaine, le paysan chilien Carlos Crovetto dispose d’une longue ex-périence. Il pratique le semis direct depuis près de 50 ans. En un peu plus de quatre décennies, les sols de son exploitation sont passés de 0,7 % de matière organique à près de 7 %. Du coup, sur des terres à faible potentiel agronomique, il arrive à produire 55 quintaux de céréales à l’hectare sans

apport de phosphate ni de potasse. Comme on nous dit par ailleurs que les réserves connues de potasse et de phosphate ne du-reront pas plus d’un siècle, on peut penser que les observations de Carlos Crovetto seront utiles pour tous les paysans du monde dans un proche avenir.

Aider la nature à fabriquer des engraisSi l’on sème des couverts végétaux entre deux cultures, Crovetto estime que l’on peut récupérer chaque année 2,5 tonnes de matière organique par hectare. Selon lui, le non travail du sol favorise les en-zymes, les champignons, les bactéries du sol, les phosphates solubles, sans oublier le travail des insectes et des vers de terre. « Dans mes sols, disait-il lors d’une confé-rence en France, j’ai beaucoup augmenté les teneurs en phosphates solubles et en enzymes cellulases, mais aussi les gloma-lines, ces protéines exsudées par les my-corhizes qui améliorent la structure du sol et la disponibilité en phosphate, cuivre et zinc ». Les observations de Carlos Cro-vetto lui ont permis de conclure qu’il est possible d’aider la nature à fabriquer des engrais dans les champs, plutôt que de les acheter à sa coopérative. On peut donc penser que cette agriculture savante devrait être enseignée dans les lycées agricoles si nous voulons préserver la capacité de produire de nos terres au fil du siècle en cours, et après, alors que l’énergie et les intrants chimiques seront de plus en plus chers. Carlos Crovetto re-grette aussi que la recherche n’ait pas suf-fisamment travaillé pour trouver des moyens de traitement des cultures plus doux que ceux qui passent par le recours au glyphosate contenu dans le Roundup de Monsanto. n

Quand la terre se fertilise toute seule

Carlos Crovetto, paysan chilien, a augmenté le taux d’humusde ses terres en quelques décennies grâce au non labour eten broyant systématiquement les couverts végétaux en interculture. Il peut désormais se passer d’engrais.

lEs résErvEs connuEs dE potassE Et dE phosphatE nE durEront pas plus d’un sièclE

Le labour favorise l’oxydationde la matière organique et libère du carbone

tandis que les couverts végétaux permettent de séquestrer du carbone.

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