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CHAPITRE 3 : LES MUTATIONS 77 CHAPITRE 3 LES MUTATIONS 1. Introduction 1.1. Définition Les mutations sont des changements brusques et d’emblée héréditaires de l'information génétique. L'information héréditaire est normalement stable, elle est transmise de génération en génération de manière fidèle. Mais cette fidélité n'est pas absolue. Le système à la base de la transmission de l'information héréditaire est ce qu'on appelle la réplication. La réplication permet de faire à partir d'une molécule ADN une copie conforme (exacte). Cette copie est presque toujours conforme à la molécule originale, de sorte que le génotype reste constant de la fécondation jusqu’à la mort. Mais il arrive que la réplication soit accompagnée de quelques erreurs très rares aboutissant à des copies qui diffèrent du modèle original: ce sont les mutations géniques. En plus des mutations produites à la suite d'erreurs au niveau de la réplication, il y a différents agents de l’environnement qui peuvent altérer la structure de la molécule d'ADN et qui provoquent donc l'apparition des mutations. Ces agents peuvent êtres de différentes natures (physique, chimique ou même biologique). Ce sont les agents mutagènes. Le mot mutation est souvent employé dans un sens large pour designer non seulement les gènes ayant subi une altération interne, mais aussi les variations structurales des chromosomes. On distingue alors les deux catégories de mutations en qualifiant les premières de géniques et les secondes de chromosomiques. En plus de ces deux types de mutations, il existe une troisième catégorie dite mutation génomique où l'altération touche le nombre des chromosomes (variation numérique des chromosomes).

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CHAPITRE 3 : LES MUTATIONS

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CHAPITRE 3

LES MUTATIONS

1. Introduction

1.1. Définition Les mutations sont des changements brusques et d’emblée héréditaires de

l'information génétique. L'information héréditaire est normalement stable, elle est transmise

de génération en génération de manière fidèle. Mais cette fidélité n'est pas absolue. Le

système à la base de la transmission de l'information héréditaire est ce qu'on appelle la

réplication. La réplication permet de faire à partir d'une molécule ADN une copie conforme

(exacte). Cette copie est presque toujours conforme à la molécule originale, de sorte que le

génotype reste constant de la fécondation jusqu’à la mort. Mais il arrive que la réplication soit

accompagnée de quelques erreurs très rares aboutissant à des copies qui diffèrent du modèle

original: ce sont les mutations géniques. En plus des mutations produites à la suite d'erreurs au niveau de la réplication, il y a

différents agents de l’environnement qui peuvent altérer la structure de la molécule d'ADN et

qui provoquent donc l'apparition des mutations. Ces agents peuvent êtres de différentes

natures (physique, chimique ou même biologique). Ce sont les agents mutagènes. Le mot mutation est souvent employé dans un sens large pour designer non seulement

les gènes ayant subi une altération interne, mais aussi les variations structurales des

chromosomes. On distingue alors les deux catégories de mutations en qualifiant les premières

de géniques et les secondes de chromosomiques. En plus de ces deux types de mutations, il

existe une troisième catégorie dite mutation génomique où l'altération touche le nombre des

chromosomes (variation numérique des chromosomes).

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1.2. Mutations et phénotype Tous les caractères héréditaires peuvent être touchés par les mutations. Ainsi, il y a

plusieurs sortes de mutations: morphologiques, physiologiques, biochimiques ou même

psychologiques. Chez la drosophile par exemple, il existe des mutations qui touchent: la

pigmentation des yeux ou du corps, les ailes, la répartition des soies, les caractères sexuels, la

fertilité, la longévité, les propriétés sérologiques, la réaction à la lumière, le comportement

durant l’accouplement... etc. Les conséquences des mutations sur le phénotype varient des mutations dont l'effet sur

le phénotype est imperceptible aux mutations dont l'effet est dramatique (modification

radicale du phénotype). Les mutations peuvent toucher tous les types de cellules d'un organisme. Chez les

métazoaires à reproduction sexuée, les mutations peuvent toucher soit des cellules somatiques

soit des cellules germinales. Les mutations touchant les cellules somatiques sont transmises

aux cellules filles (par suite de mitose), il en résulte qu'une partie des cellules expriment un

phénotype mutant, ce qui donne les chimères ou mosaïques. Les mutations somatiques ne

vont pas êtres transmis à la descendance et vont donc disparaître au plus tard avec la mort de

l’individu où ils sont apparues. Mais les mutations qui touchent une cellule germinale peuvent

être transmises à la descendance. Ces dernières sont les seules à pouvoir changer l’hérédité

dans une lignée ou une famille. Dans les tissus haploïdes les effets des mutations sur le phénotype peuvent être décelés

dès l'apparition des mutations. Mais chez les diploïdes les mutations ne peuvent être décelées

dans la descendance immédiate de l’individu où elles sont apparues que si elles sont

dominantes. Si elles sont récessives, elles ne seront décelées que quelques générations après

leurs productions. Chez les polyploïdes les mutations sont décelées encore plus tardivement

que chez les diploïdes.

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1.3. Fréquences Si on considère les fréquences des mutations au niveau d'un gène donné on constate

que les fréquences sont généralement très basses. Cependant ces fréquences varient

énormément d'un gène à un autre un sein d'une même espèce. Chez le Maïs par exemple,

Stadler n'a pas observé une seule mutation du gène (Wx) en (wx) parmi 1503744

gamètes testés, alors que parmi 554786 gamètes il a observé 273 mutations du gène (R) en (r)

. Mais si le taux de mutation des gènes est assez bas, le taux global de l'ensemble des

gènes est assez important. Si on prend l'exemple de Drosophila melanogaster, au moins 5 %

des gamètes contiennent une nouvelle mutation à chaque génération. De la même façon que

les fréquences des mutations varient énormément d'un gène à un autre au sein d'une même

espèce, la fréquence globale des mutations par espèce varient énormément d'une espèce à une

autre.

2. Nature des mutations

2.1. Mutations ponctuelles Ce sont des modifications qui touchent une seule paire de base à la fois ou un nombre

très faible de paires de bases. Ce sont donc des mutations géniques. Il y'a deux types de

mutations ponctuelles: les substitutions et les délétions/additions.

2.1.1. Substitutions C'est le changement d'une paire de base par une autre. Au niveau de la molécule

d'ADN quatre types de bases sont présentes: - La cytosine et la thymine qui sont des pyrimidines - La Guanine et l’Adénine qui sont des purines. Quand la substitution consiste en le changement de purines par des purines (exemple

A/G ou G/A) ou le changement d’une pyrimidine par une pyrimidine (T/C ou C/T), on dit que

c'est une transition. Quand la substitution consiste en le changement d'une purine par une

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pyrimidique (G/T ou A/C...) ou inversement changement d'une pyrimidine par une purine

(T/A ou T/G...), on dit que c'est une transvertion (figure 3.1). Les substitutions de bases conduisent à des mutations qui peuvent avoir des

conséquences différentes au niveau du phénotype. On distingue trois types de mutations par

substitutions selon leur conséquence au niveau de la protéine et donc au niveau du phénotype. Mutation silencieuse: le changement au niveau du génome est imperceptible au niveau du

phénotype car le changement de l’aminoacide, induit par la substitution au niveau de la

protéine, n'a pas d'effet sur l'activité de cette dernière. L'absence du changement au niveau du

phénotype peut être due au fait que le codon initial et le codon mutant codent tous les deux

pour le même aminoacide (figure 3.2).

Figure 3.1. Les différents types de mutations par substitution.

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séquence génique séquence ARNm séquence protéique Sauvage AAC UUG Lys Mutant AAT UUA Lys Figure 3. 2. Mutation silencieuse: changement de l'information au niveaux du génotype sans effet sur le phénotype (le code génétique est dégénéré c'est à dire qu'un aminoacide peut être codé par plusieurs codons différents). Lys: lysine.

Mutation faux-sens (miss-sens): le codon mutant spécifie un aminoacide diffèrent de celui

spécifié par le codon initiale. L'effet de ce changement au niveau du phénotype dépend de la

nature de l’aminoacide échangé, par rapport à celui d'origine (aminoacide de même groupe

chimique ou nom: aminoacide acide, basique ou neutre), et de l'emplacement de l’aminoacide

échangé (cite actif de l'enzyme ou en dehors du cite actif). Selon la nature chimique de

l’aminoacide mutant et son emplacement au niveau de la protéine le résultat peut être une

enzyme mutante inactive, moins efficace ou thermosensible (figure 3.3).

Séquence génique Séquence ARNm Séquence protéique Sauvage CAA GUU Val Mutant GAA CUU Leu Figure 3. 3. Mutation faux-sens (miss-sens). La mutation a pour conséquence le changement d’un aminoacide par un autre au niveau de la protéine codée par le gène.

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Mutation non-sens (no-sens): les mutations non-sens consistent en la transformation du

codon initial en l'un des trois codons non-sens (UAG, UAA ou UGA) qui ne codent pas

l’aminoacide et détermine la fin de la synthèse protéique. Les effets des mutations non-sens

sur le phénotype sont beaucoup plus dramatiques que les mutations faux-sens. Les mutations

non-sens provoquent l’arrêt prématuré de la synthèse protéique ce qui aboutit à des protéines

tronquées qui sont de plus souvent inactives. Le phénotype mutant va dépendre de la position

des mutations: plus la position de la mutation est proche du codon d'initiation de la traduction,

plus son effet est dramatique sur le phénotype.

2.1.2. Délétions ou additions Dans ce type de mutations, nous avons un ajout (addition) ou une diminution

(délétion) d'un petit nombre de paires de bases. Il existe deux types de mutations selon le

nombre de nucléotides ajoutés ou supprimés: soit ce nombre est un multiple de 3 soit non

multiple de 3. Pourquoi multiple de 3? Il faut rappeler ici le code génétique est composé

d'unité de base qui sont les codons. Un codon est formé de 3 nucléotide. Si le nombre de

nucléotides supprimés ou ajoutés à une séquence est un multiple de 3, il y aura an niveau de la

protéine un ajout ou une diminution d'un certain nombre d’aminoacides. Mais si le nombre de

nucléotide ajoutés ou supprimés n'est pas un multiple de 3, il y a changement du cadre de

lecture du message existant dans l'ADN, et donc aussi dans la partie correspondante dans

l'ARNm. Ceci se traduit au niveau de la protéine par un changement de toute la séquence qui

est en avale de la mutation. C'est ce qu'on appelle des mutations de décalage "frame shift". Le

décalage du cadre de lecture aboutit très fréquemment à l'apparition de codon stop (UAG,

UAA ou UGA) ce qui provoque l’arrêt de la traduction et donne donc des protéines tronquées

(figure 3.4).

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a) Séquence . . . Leu His Pro Asn Asp Leu Lys . . . . . protéique mutée ARNm mutant par . . . . . CUU CAU CCU AAU GAU UUA AAG . . . . . . addition (3 bases) addition Séquence protéique sauvage . . . Leu His Asn Asp Leu Lys . . . . ARNm sauvage . . . . . . CUU CAU AAU GAU UUA AAG . . . . . CCU délétion b) ARNm mutant par . . . . . . CUC AUA AUG AUU UA A AG . . . . . . substitution Décalage du cadre de lecture provoquant un arrêt prématuré de la traduction. Séquence protéique . . . Leu Ile Met Ile stop mutée par substitution Figure 3. 4. Mutation par addition ou substitution. a) mutation sans décalage. (b) mutation par décalage du cadre de lecture (frame shift).

2.2. Mutations par insertion Depuis les années trente, nous savons qu'il existe des éléments génétiques mobiles

appelés aussi transposons. La mobilité de ces séquences fait qu'ils changent fréquemment

leurs places et vont s'insérer dans d'autres endroits du génome. Lorsqu’un transposon s’insère

au milieu d'un gène, ceci provoque une interruption de la séquence qui induit un phénotype

mutant (figure 3.5).

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Promoteur ATG TAA Sauvage Promoteur ATG transposon TAA Mutant

Figure 3. 5. Mutation par insertion.

2.3. Mutations chromosomiques Les mutations chromosomiques sont des altérations majeures des chromosomes. Elles

touchent la structure des chromosomes, et touchent donc plusieurs gènes à la fois. Il existe

quatre types de mutations chromosomiques (figure 3.6.). - Les délétions ou déficiences: disparition d'un segment du chromosome. - Les duplications: dédoublement d'un segment du chromosome. - Les inversions: un segment du chromosome trouve son orientation par rapport au reste du

chromosome changé. - Les translocations: c'est un échange de segment de chromosome entre deux chromosomes

non homologues. Quand il y a un échange réciproque de segments entre deux chromosomes

c’est une translocation réciproque.

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Sauvage. Déficience. Duplication. Inversion.

Translocation réciproque.

Figure 3. 6. Les quatre types de mutations chromosomiques.

3.2.3.1. Chromosomes géants L'étude des mutations chromosomiques a été beaucoup facilitée par l’existence chez

certaines espèces de diptère (plus spécialement chez Drosophila melanogaster) de ce qu'on

appelle des chromosomes géants. Chez la drosophile les chromosomes géants se trouvent au niveau des cellules des

glandes salivaires des larves

La structure et l'origine de ces chromosomes peuvent être interprétées selon la théorie

la plus vraisemblable, celle de la nature polythénique des chromosomes géants. Chez les

A B C D E F

A B C D E F

G H I J K L

G H I J K L

A B E

A B C D E F

A B C D C E F

A B C D E F

G J I H K L

G H I J K L

A B C D K L

A B C D E F G H I J E F

G H I J K L

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diptères, les chromosomes homologues des cellules somatiques sont rapprochés les un des

autres au lieu d'être distribués au hasard comme dans les cellules somatiques des autres

organismes, ainsi qu'on peut le voir dans les cellules de glandes salivaires de Drosophila

melanogaster (Figure 3.7.).

Figure 3. 7. Représentation schématique des chromosomes géants de Drosophila melanogaster. Les chromosomes sont formés de deux types de structures. La partie du chromosome qui est condensée par augmentation du nombre de spirales de la molécule d'ADN et donc bien individualisée, est dite partie euchromatique. La partie non individualisée est l'hétérochromatine. Les parties hétérochromatiques des quatre paires de chromosome sont réunies pour former une structure diffuse: le chromocentre. Le chromosome ’’Y’’ est formé presque entièrement d’héterochromatine, c'est pour cela qu'on ne voit qu'une petite partie (euchromatine), le reste du chromosome est noyé dans le chromocentre. Le chromosome ’’Y’’ est très petit. Les régions centromériques des quatre paires de chromosomes sont hétérochromatiques, c'est pour cette raison qu'on ne peut pas suivre un chromosome d'un bout à l'autre. Pour la paire II et III on les extrémités des deux bras sont euchromatiques. Pour les paires de chromosomes I (XX/XY) et IV, un seule bras est visible par ce que le deuxième complètement hétérochromatique est noyée dans le chromocentre. C'est le phénomène de l’appariement somatique, les deux homologues sont appariés

comme durant la prophase de la méiose. Chacune des deux glandes salivaires d'une larve de

drosophile compte de 100 à 120 cellules. Toutes ces cellules sont formées au début de la

période de développement embryonnaire. Après cette période, le nombre de cellules reste

constant, mais le volume de chacune et son noyau augmente considérablement. Au cours de

cette phase d’accroissement, il y a plusieurs, cycles successifs d'endomitoses, c'est à dire de

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duplication des chromosomes à l'intérieur d'une membrane nucléaire intact. Ce qui fait que le

diamètre des chromosomes double à chaque cycle d'endomitose par appariement des

nouvelles copies synthétisées. Donc les chromosomes géants sont formés par plusieurs

filaments appariés d'où leur appellation par: «chromosome polythène" (ploy = plusieurs et

thène = filaments). L'étude cytologique de ces chromosomes a montré qu'ils sont différenciés

longitudinalement par la succession de bandes sombres et de bandes claires de différentes

épaisseurs. Les bandes sombres sont des régions du chromosome qui absorbent fortement le

colorant (utilisé dans l'étude cytologique). Les bandes claires n'absorbent pas le colorant. Les

bandes sombres forment les chromomères. Le long d'un chromosome il y'a une succession de

chromomères de différentes épaisseurs (figure 3.9. et 3.10).

Figure 3.8. Interprétation de la structure des chromosomes polythène de diptères.

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Figure 3. 9. Chromosomes géants des cellules des glandes salivaires de larves de Drosophila melanogaster. Comme la structure de ces chromosomes est constante, mais qu'elle varie d'un

chromosome à l'autre, et d'une espèce à l'autre, les généticiens ont pu préparer des cartes des

chromosomes des glandes salivaires de plusieurs espèces de diptères. Les mieux connues sont

évidement les cartes des chromosomes de Drosophila melanogaster qui furent préparées par

Bridges (1935).

2.3.2 Déficiences ou délétions La déficience qui consiste en la perte d'un segment de chromosome implique qu'il y a

perte d’au moins quelques gènes (le nombre de gènes dépend de la taille de la déficience et de

l'endroit auquel elle s'est produite). Ceci implique que les déficiences soient le plus souvent

non viable à l'état homozygote (plus la taille de la déficience est grande plus elle a des

chances d'être létale à l'état homozygote). Les déficiences sont souvent à l'état hétérozygote.

Lorsqu'elles sont petites et que les parties déficientes (absentes) ne contiennent pas de gènes

essentiels à la viabilité. Il faut noter cependant que des segments relativement longs et même

des chromosomes entiers peuvent manquer lorsqu'ils sont inertes (contiennent des gènes

inactifs ou presque exemple de mâles XO qui sont viables). Lorsqu'un individu est

hétérozygote pour une déficience, le chromosome déficient est plus court que son homologue,

si la partie absente est relativement longue. Du faite que l'appariement des chromosomes ne

se fait qu'entre parties strictement homologues, lorsque ces deux chromosomes s'apparieront,

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la partie du chromosome non déficient, qui correspond à la partie absente du chromosome

déficient n'aura pas d'homologue dans ce dernier et formera une boucle qui sera visible au

microscope au stade pachyténe, ou dans les noyaux des glandes salivaires, s'il s'agit d'un

diptère.

D C E A B F G H I Chromosome sauvage A B F G H I Chromosome deficient Figure 3.11. Déficience à l'état hétérozygote (formation d'une boucle).

2.3.3. Duplication Les duplications, bien qu'elles correspondent à un ajout de matériel héréditaire,

peuvent donner un phénotype mutant. L'exemple de la duplication de la sous-section 16A du

chromosome "X" de Drosophila illustre ce qu'on vient de dire. Cette duplication donne le

phénotype mutant dit barre, qui correspond à des yeux réduites. Il existe plusieurs types de duplications, et qui peuvent être intrachromosomiques,

interchromosomiques ou libres (Figure 3.12). -Duplication intrachromosomique: le segment dupliqué est contenu dans le chromosome qui

possède les gènes en duplication. -Duplication interchromosomique: le segment dupliqué est incorporé dans un chromosome

non homologue. -Duplication libre: le segment dupliqué a son propre centromère. Il y a donc formation d'un

petit chromosome supplémentaire.

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Duplication intrachromosomique (en tandem).

Duplication interchromosomique. Duplication libre. Figure 3.12. Les différents types de duplications Les duplications en tandem à l'état homozygote peuvent aboutir à un mauvais

appariement (figure 3.13), qui peut produire une triplication. Pour illustrer ce phénomène prenons l'exemple de la mutation Bar. La mutation Bar est

due à une duplication en tandem de la sous section 16A du chromosome ’’X ’’ de Drosophila

melanogaster. Lors du croisement d’une femelle Bar homozygote avec un mâle sauvage, la

descendance obtenue comporte en plus des mâles Bar normalement attendus, des mâles

sauvages et des mâles qui ont un phénotype Bar très prononcé (ultrabar). L’examen

cytogénétique des mâles ultrabar, montre qu'ils ont une triplication de la région 16A.

L'apparition des mâles sauvages (Bar réversés) et des mâles ultrabar est due à un mauvais

appariement des chromosomes de la femelle (figure 3.13).

G H I J K L

G H I J K L

A B C D C D E F A B C D E F

A B C D E F

A B C D E F

C D

C D

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a) Appariement normal f 16A 16A fu + 16A 16A + b) Mauvais appariement 16A f 16A fu crossing-over + 16A + 16A c) Résultats du mauvais appariement suivi d’un crossing-over + 16A fu Retour à l’état sauvage (réversion) Triplication f 16A 16A 16A + Figure 3. 13. Appariement anormal des régions dupliquées des chromosomes X d'une femelle homozygote Bar de Drosophila. Les marqueurs "f" et "fu" permettent de préciser le mécanisme qui fait apparaître la triplication et disparaître la duplication.

2.3.4. Translocations Les translocations, comme les inversions bien qu'elles ne correspondent pas à une

perte ou à une addition de matériel héréditaire (il y a seulement changement de place pour

certains gènes), donnent des phénotypes mutants. Certains des phénotypes mutants induits

par les inversions ou les translocations, peuvent être expliqués par l'effet de position. L'effet

de position est le fait qu'un gène actif peut devenir inactif s’il change sa place (soit dans le

même chromosome soit dans un autre chromosome non homologue.

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Trois types de translocations sont mentionnés dans la littérature. Les translocations

simples, les Shifts" et les translocations réciproques (figure 3.14). - La translocation simple implique le transfert d'une partie terminale d'un chromosome à l'une

des extrémités d'un autre chromosome. Cette opération ne requiert qu'une seule fracture. - Le "Schift" implique le transfert d'un segment interstitiel d'un chromosome à un autre lieu,

dans le même chromosome ou dans un autre chromosome. Cette opération requiert trois

fractures.

- Translocation réciproque, consiste en un échange de segments terminaux entre deux

chromosomes non homologues, ce qui nécessite deux fractures. Sauvage Translocation simple ‘‘Shift ‘‘ Translocation réciproque Figure 3.14. Les différents types de translocations. Les translocations peuvent aboutir à la diminution du nombre de chromosomes au

niveau d'une cellule par suite de fusion Robertsonnienne (Figure 3.15). Quand un

chromosome, qui contient un segment transloqué, s'apparie avec un chromosome non

homologue mais qui contient l'homologue du segment transloqué, si un crossing-over a lieu,

une fusion se produit entre ces deux chromosomes (figure 3.15).

A B C D E F

G H I J K L

G H I J K L A B

C D E F

G H I J K L

C D E F

E F G H I J

A B C D K L

A B

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CHAPITRE 3 : LES MUTATIONS

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Crossing-over Chromosome transloqué Chromosome sauvage Dissociation (b) (a) Fusion Crossing-over Perdu Chromosome issu de la fusion Figure 3. 15. Fusion Robertsonnienne obtention d'un chromosome métacentrique par fusion de deux chromosomes acrocentriques (a). Cette fusion est réversible: dissociation (b). Ces deux phénomènes nécessitent une translocation réciproque.

2.3.5. Inversions Elles peuvent être simples, où un seule segment est impliqué: comme elles peuvent

être complexes où plusieurs segments sont impliqués (figure 3.16). Les inversions simples peuvent êtres: - paracentrique ; le segment inversé ne contient pas le centromère. - péricentrique: le segment inversé contient le centromère. Les inversions complexes peuvent être: - Indépendantes: les deux segments inversés sont totalement indépendants

- Chevauchantes: les deux segments inversés sont chevauchants. Une partie du chromosome

est doublement inversée. - Incluses: un des segments inversés est totalement inclus dans une deuxième inversion.

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INVERSIONS SIMPLES Paracentrique Péricentrique INVERSIONS COMPLEXES Indépendantes Chevauchantes Incluses Figure 3. 16. Les différents types d’inversions.

A B C D E F

G H I J K L

A D C B E F

G H K J I L

A B C D E F G

A B C D E F G

A B C D E F G

A C B D F E G

A E D C B F G

A F E D C B G

A E D F B C G

A F C D E B G

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CHAPITRE 3 : LES MUTATIONS

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Les inversions comme les déficiences peuvent être reconnues à l'examen

cytogénétique des chromosomes des glandes salivaires de Drosophila, par la formation d'une

boucle à l'état hétérozygote. La boucle formée par l’inversion contrairement à celle formée

par la déficience est double (figure 3.17). Boucle double Boucle simple Inversion hétérozygote Déficience hétérozygote Figure 3.17. Mise en évidence de mutations chromosomiques par observation des chromosomes polythénique (cellules des glandes salivaires des larves de Drosophila melanogaster). Les inversions paracentriques sont connues pour êtres des suppresseurs de crossing-

over. Les inversions n'empêchent pas la formation de crossing-over, mais ce sont les

chromatides recombinées qui sont soit acentromériques (ne contiennent pas de centromères)

ou dicentriques (ont deux centromères), ce qui fait que ces chromatides ne sont pas

incorporées dans les gamètes et sont perdues (figure 3.18). La chromatide dicentrique peut être cassée et les deux chromatides qui en résultent

peuvent être incorporées dans des gamètes. Mais même dans ce dernier cas ces chromatides,

issues de la cassure de la chromatide sœur, sont déficientes et les gamètes qui les contiennent

ne sont pas viables. Donc il n’y aura que des gamètes qui contiennent les chromatides

parentales. Donc les séquences géniques qui se trouvent à l'intérieur des limites d'une

inversion, chez l’hétérozygote d'inversion, sont protégées et se perpétuent sans modification

(figure 3.18).

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CHAPITRE 3 : LES MUTATIONS

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A B C D E Chromosome normal A D C B E Chromosome inversé C B D C Appariement A B D E A E Ségrégation à la division I de la méiose A B C D E A B C D E A A Fragment acentrique B B (perdu) C C E D D D C cassure E B A aléatoire A A D C B E A D C B E Ségrégation à la division II de la méiose A B C D E Produit normale A B C D Produit délaité A Produit délaité A D C B E Produit inversé Figure 3. 18. résultats d’un crossing-over simple dans une inversion à l’état hétérozygote.

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CHAPITRE 3 : LES MUTATIONS

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2.4. Mutations génomiques Le génome bien qu'il est remarquablement stable, on constate qu'il peut subir un grand

nombre de modifications (quand on fait l'examen chez un grand nombre d'individus). En plus

des modifications structurales des chromosomes (voir paragraphe précédent), il existe des

modifications touchant le nombre des chromosomes: mutations génomiques. Il y a deux

grands groupes de mutations génomiques (figure 3.19).

- Mutations Euploïdes: ce sont des variations numériques touchant de la même façon toute la

garniture chromosomique (chaque chromosome a subit la même variation numérique).

- Mutations Aneuploïdes: ce sont des variations numériques chromosomiques, mais qui ne

touchent pas de la même façon tous les chromosomes.

2.4.1. Haploïdie et polyploïdie Chez les eucaryotes la majorité des organismes à reproduction sexuée sont diploïdes.

Mais chez ces organismes, l’haploïdie représente une phase normale du cycle de vie (le cycle

de vie présente deux phases: l'une diploïde et l'autre haploïde). Chez certains espèces, la phase

diploïde est prépondérante et la phase haploïde est très réduite (c'est le cas de la drosophile et

des mammifères y compris l'homme). Ces espèces sont dites diplobiontiques. Chez d'autres

espèces, la phase haploïde est prépondérante et la phase diploïde est très réduite, c’est le cas

de nombreux organismes inférieurs (Algues, mousses et champignons). Ces espèces sont dites

haplobiontiques.

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CHAPITRE 3 : LES MUTATIONS

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MUTATIONS GENOMIQUES

1) EUPLOÏDES A B C N= 3x 1 Monoploïde A1 B1 C1 N= 3x 2 A2 B2 C2 Diploïde A1 B1 C1 N= 3x 3 A2 B2 C2 Triploïde A3 B3 C3 etc. . . Polyploïde N= 3x n; N > 2 2) ANEUPLOÏDES A1 B1 C1 A2 C2 N= 6 - 1 Monosomique A1 B1 A2 B2 N= 6 - 2 Nulisomique A1 B1 C1 A2 B2 C2 N= 6 + 1 Trisomique B3 A1 B1 C1 N=6-1-1 Double C2 Monosomique

etc. . . . Figure 3. 19. Quelques exemples de mutations génomiques. N est le nombre somatique des chromosomes.

2.4.1.1. Haploïdie (Monoploïdie) On rencontre assez souvent chez certains groupes d’invertébrés (par exemple ordre des

héminoptères), des espèces ou le sexe femelle est diploïde alors que le sexe mâle est

monoploïde (il est préférable d’utiliser le terme monoploïdie que haploïdie pour indiquer qu'il

ne s'agit pas de la phase haploïde normal du cycle vital). Les monoploïdes se développent à

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CHAPITRE 3 : LES MUTATIONS

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partir d'un gamète femelle, sans qu'il y ait fécondation, par un processus nommé

parthénogenèse dans le cas des abeilles, hyménoptères sociaux, les monoploïdes sont des

mâles ou faux bourdons, alors que les individus résultants de la fécondation sont des femelles.

2. 4. 1. 2. Polyploïdie

La polyploïdie est connue dans le monde végétal et animal. Elle est plus rare dans le

règne animal, et y a été découvert plus tardivement.

Les exemples les plus connus de polyploïdie sont dans le règne végétal. Quand la

polyploïdie existe dans certains groupes, comme les mousses, les ptéridophytes et les

angiospermes, le nombre de chromosomes qui constituent le génome des espèces, appartenant

au même genre, varie d'une espèce à l'autre et ces nombres sont des multiples d'un même

nombre de base (Tableau 3.1). Cette variation en termes de multiples a conduit à l'hypothèse

de la polyploïdie, qui stipule qu'à l'intérieur d'un groupe, le plus souvent un genre, les

nombres les plus élevés soient dérivés des nombres moins élevés. Les mécanismes qui

permettent d'obtenir les séries polyploïdes (les espèces appartenant à un même genre et ayant

un nombre chromosomique qui est multiple d'un même nombre constituent une série

polyploïdes) sont le dédoublement du nombre de chromosome et les croisements

interspécifiques. Pour illustrer cela prenant l'exemple de la série polyploïde que constituent

les différentes espèces appartenant au genre Triticum (figures 3.20).

Genre Nombre somatique Nombre de base des chromosomes Triticum (blés) 14 / 28 / 42 7 Trillium 10 / 20 / 30 5 Drosera 20 / 30 / 40 / 60 / 80 10 Rhododendron 26 / 39 / 52 / 78 / 104 / 156 13

Tableau 3. 1. Exemples de genres dont les espèces ont des nombres de chromosomes qui sont tous multiples d’un même nombre de base.

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CHAPITRE 3 : LES MUTATIONS

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Croisement interspécifique (x2) Dédoublement du nombre Croisement interspécifique chromosomique (x2) Dédoublement du nombre chromosomique Figure 3. 20. Formation de polyploïdes à partir des diploïdes par croisements interspécifiques et dédoublement du nombre chromosomique.

Espèce Nombre somatique Degré de ploïdie des chromosomes (2n) T. monococcum 14 2 X = 2 x 7 diploïde T. tauschii 14 2 X = 2 x 7 diploïde T. turgidum 28 4 X = 4 x 7 tétraploïde T. aestivum 42 6 X = 6 x 7 hexaploïde

Tableau 3. 2. Nombres chromosomiques somatiques et degré de ploïdie des espèces du genre Triticum (nombre de base X = 7).

Blé diploïde sauvage

Triticum monococcum A A (14)

Blé diploïde sauvage Triticum tauschii

D D (14)

Blé diploïde sauvage inconnu peut être

Triticum searsii ?? B B (14)

Hybride A B (14)

Blé tetraploïde sauvage Triticum turgidum

A A B B (28)

Hybride A B D (21)

Blé hexaploïde Triticum aestivum A A B B D D (42)

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CHAPITRE 3 : LES MUTATIONS

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Lorsqu'un groupe a suffisamment été étudié pour qu'on puisse connaître avec certitude

le nombre qui semble être à l'origine des autres (c'est à dire trouvé le nombre de chromosomes

de l'espèce diploïde), ce nombre est dit nombre de base. Une fois ce nombre de base est

connu, il est possible de déterminer pour chaque espèce constituant la série polyploïde, le

degré de ploïdie (Tableau 3.3.).

Il existe deux catégories principales de polyploïde: - Les autopolyploïdes: le complément chromosomique est constitué par le génome d'une

seule espèce, qui est représenté cependant 3 fois ou plus (exemple, espèce de blé tétraploïde

AAAA). - Les allopolyploïdes: le complément chromosomique est constitué par le génomes d’au

moins deux espèces différentes (exemple, espèce de blé hexaploïde AA BB DD).

2. 4. 1. 3. Formation des polyploïdes Le dédoublement du nombre de chromosomes se fait spontanément dans la nature par

deux mécanismes: - Dédoublement somatique du nombre de chromosome: Il arrive qu'au cours de la mitose, au

niveau de tissus somatique, que le dédoublement des chromosomes qui se fait normalement

avant la mitose (et aussi avant la méiose), ne soit pas suivie de la séparation des deux lots de

chromosomes (c'est une endomitose). Si ce dédoublement arrive assez tôt pendant la

croissance de la plante, il y aura formation d'un secteur assez grand au niveau de la plante qui

sera tétraploïde et formera des gamètes diploïdes, qui peuvent donner des graines tétraploïdes.

Si la plante peut se multiplier par voie végétative, ce secteur peut aussi donner naissance à

une plante tétraploïde. - Absence de réduction gamétique: la même chose ce produit que dans le dédoublement

somatique, mais cette fois dans un tissu germinal et au cours d'une méiose, ce qui abouti à la

formation de gamètes non réduits (gamètes diploïde). La rencontre de deux gamètes non

réduits abouti à la formation de zygotes tétraploïdes.

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CHAPITRE 3 : LES MUTATIONS

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2. 4. 1. 4. Technique d'induction des polyploïdes Ces techniques utilisent les mêmes voies citées plus haut. Il s'agit de techniques qui

permettent d’augmenter la fréquence des endomitoses et des absences des réductions

gamétiques. On peut citer quelques exemples de techniques: - décapitation des tiges. - Chocs thermiques (par le froid ou la chaleur). - Traitement des cellules par des substances chimiques qui bloquent la formation du fuseau et

par la empêche le déroulement de l'anaphase. Les chromosomes qui se sont dédoublés, sont

tous inclus dans la même membrane nucléaire et donc il y a dédoublement du nombre de

chromosomes.

2. 4. 2. Aneuploïdie Les mutations aneuploïdes s'observent tant chez les polyploïdes que chez les diploïdes.

Les aneuploïdes sont naturellement plus tolérés chez les polyploïdes que chez les diploïdes.

Les aneuploïdies résultent des mauvaises disjonctions des chromosomes pendant la méiose.

On peut avoir une mauvaise disjonction soit à la division I soit à la division II de la méiose.

Quand il y a mauvaise disjonction à la division I, on a les deux chromosomes homologues

d'une paire qui se rendent au même pôle, il y a alors production de gamètes aneuploïdes à n +

1 et à n - 1 chromosomes. L'union d'un gamète normal et d'un gamète à n + 1 chromosomes

donne un zygote trisomique (figure 3.21). L'union d'un gamète normal et un gamète à n - 1

donne un zygote monosomique... etc. (Figure 3.21). Il peut y avoir mauvaise disjonction à la

deuxième division de la méiose, et dans ce cas les deux chromatides sœurs migrent vers un

même pôle, ce qui amène à la production de gamètes aneuploïdes à n + 1 et n - 1

chromosomes (figure 3.21).

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CHAPITRE 3 : LES MUTATIONS

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a) Mauvaise disjonction de la paire b) Mauvaise disjonction de la paire de chromosomes A à la division I de chromosomes A à la division II Division I Division II (n + 1) (n + 1) (n - 1) (n - 1) (n) (n) (n + 1) ( n - 1) Gamètes aneuploïdes Gamètes normales Gamètes aneuploïdes

n

n + 1

n - 1

n

2 n

normale

2 n + 1

trisomique

2 n - 1

monosomique

n + 1

2 n + 1

trisomique

2 n + 2

tétrasomique

2 n

normale

n - 1

2 n - 1

monosomique

2 n

normale

2 n - 2

nulisomique

Figure 3. 21. Les aneuploïdies résultent des mauvaises disjonctions des chromosomes homologues durant la méiose.

3. Isolement de mutants L'isolement des mutants revêt une importance capitale pour un généticien dans la

mesure où l'étude génétique de n'importe quel organisme commence nécessairement par la

constitution d'une collection de mutants différents. La sélection des mutants repose sur la

capacité à pouvoir différencier les mutants des sauvages. Il n'existe pas de protocole de

sélection applicable à toutes les mutations. Chaque type de mutant nécessite un protocole qui

lui est adapté. Cependant on peut distinguer deux types généraux de sélection de mutants:

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CHAPITRE 3 : LES MUTATIONS

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- sélection directe: on utilise ce type de sélection quand les mutants ont un avantage sélectif

sur les sauvages.

- Sélection indirecte: on l'utilise quand les mutants sont désavantagés par rapport aux

sauvages.

3.1. Augmentation des fréquences Dans tous les protocoles de sélection des mutants, on procède en premier lieu à

l'augmentation des fréquences des mutants dans la population soumise à la sélection. La

fréquence des mutants spontanés est faible et pour rendre la sélection des mutants plus facile

nous augmentons la fréquence des mutants par l'utilisation d'agents mutagènes. Donc la 1ère étape d'un protocole de sélection des mutants est une mutagenèse

artificielle. Nous utilisons pour cela, soit des produits mutagènes chimiques comme l’éthyle

méthane sulfonâtes (EMS), la nitrosoguanidine ou encore le di-époxy-butane (DEB), soit des

agents mutagènes physiques, comme les rayons X ou les rayons à neutrons ou encore les

ultraviolet (U.V).

3. 2. Sélection directe

Si la cellule mutée a un avantage sélectif par rapport à la cellule normale, il est facile

de la sélectionner, c'est le cas par exemple, des cellules de bactéries résistantes à des

antibiotiques (par exemple la streptomycine) apparues dans une population sensible à cet

antibiotique (figure 3.22).

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CHAPITRE 3 : LES MUTATIONS

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Dilution 10-1 10-6 Culture de la souche sauvage Milieu non sélectif Milieu additionné de tétracycline Dilution 10-2 10-4

Culture de la souche sauvage Milieu non sélectif Milieu additionné de tétracycline Milieux additionné de mutagène (témoin de viabilité) Figure 3. 24. Protocole de sélection directe de mutants résistants à la tétracycline à partir de bactéries sensibles à la tétracycline. Il faut calibrer la dose d'agents mutagènes à utilisés de façon a ne pas tuer toute la population si la dose est trop grande ; c'est pour cela qu'on utilise le témoin de viabilité.

3.3. Sélection indirecte Il est délicat de sélectionner des mutants qui sont désavantagés par rapport aux

sauvages. C'est le cas des mutations conduisant à la perte d'une fonction essentielle (mutants

auxotrophes par exemples). On peut prendre comme illustration d'un protocole de sélection indirecte, la méthode

utilisée pour la sélection de mutants auxotrophes de Neurospora crassa. Cette méthode utilise

la technique des répliques qui est illustré par la figure 3.23.

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CHAPITRE 3 : LES MUTATIONS

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. Suspension de conidies Etalement des conidies mutagénisées Boite mère (Milieu complet) (Milieu complet) (Milieu complet) Tissu en velours val- leu- val- leu- Tambour Empreinte de la boite mère Milieux minimum (Mm) Mm + leu + val Mm + valine (val) Mm + leucine (leu) Figure 3. 23. Méthode de sélection indirecte utilisant la technique des répliques pour sélectionner des mutants auxotrophes pour valine et leucine chez Neurospora crassa. Si les mutants sont très rares malgré l’emploi de la mutagenèse, il est possible de faire

un enrichissement de la population soumise à la sélection des mutants. Cet enrichissement

chez les bactéries peut être achevé par utilisation de l'effet bactéricide de la pénicilline. Cet

antibiotique provoque la mort des bactéries en croissance, alors qu'il est sans action sur les

bactéries qui ne se divisent pas. Il suffit donc de placer la population de bactéries ayant subit

la mutagenèse en milieu minimum contenant la pénicilline pour provoquer la mort des

prototrophes en division, alors que les autotrophes qui ne se divisent pas survivent, après

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CHAPITRE 3 : LES MUTATIONS

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lavage des bactéries traitées pour éliminer la pénicilline, il est possible d’utiliser la technique

des répliques sur cette population enrichie en mutants auxotrophes.

3. 4. Isolement de mutants de drosophiles L’isolement des mutants chez les organismes supérieurs comme Drosophila

melanogaster est confronté à deux difficultés majeures.

- L’état diploïde de cet organisme fait que, les mutations nouvellement obtenues ne sont pas

directement décelables car le plus souvent elles sont récessives.

- La mutation peut apparaître soit dans des cellules somatiques, et dans ce cas elles ne sont

pas transmises à la descendance, soit dans des cellules de la lignée germinale.

Chez Drosophila une technique relativement simple à été mise au point et qui permet

de déceler des mutations touchant le chromosome X (figure 3. 24). Cette technique a été

établie dans le but de sélectionner des mutations létales touchant des gènes sur le

chromosome X. Cependant, la technique est valable pour la sélection de toute mutation sur le

chromosome X.

Cette technique utilise un chromosome XclB . Ce chromosome porte: Un complexe d’inversions (c) qui le rend incapable de recombiner avec un autre

chromosome X.

Une mutation (l) homozygote létale. La mutation Bar (B) dominante qui procure un marquage du chromosome X

facilement identifiable au niveau phénotypique.

Les mâles mutagénèses (U. V., rayons X, . . .) sont croisés avec des femelles ayant un

chromosome XclB et un chromosome X normale (figure 3.24). Les femelles descendantes de

ce croisement qui ont le phénotype Bar ont donc le chromosome XclB venant de leurs mères et

un chromosome X venant de leurs pères et qui est potentiellement porteur de mutations

induites par la mutagenèse. Ces femelles sont testées individuellement en les croisant avec des

mâles sauvages. Si la descendance d’un tel croisement ne présente que des femelles (absence

des mâles), cela implique que la femelle testée porte un chromosome X ayant une mutation

homozygote létale.

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CHAPITRE 3 : LES MUTATIONS

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U. V. Croisement XclB / X+ X X+ / Y Gamètes XclB X+ X+ Xm Y

X+

Xm

Y

XclB

XclB / X+

[Bar] XclB / Xm

[Bar] XclB / Y Létale

X +

X+ / X+

[ + ] X+ / Xm

[ + ] X+ / Y

[ + ]

Les femelles [Bar] potentiellement porteuses des mutations sont testées individuellement. XclB / Xm X X+ / Y XclB / X+ X X+ / Y

X+

Y

XclB

XclB / X+

[ Bar ]

XclB / Y Létale

Xm

Xm / X+

[ + ]

Xm / Y Létale

Figure 3. 24. Protocole de sélection de mutant au niveau du chromosome X de Drosophila melanogaster.

X+

Y

XclB

XclB / X+

[ Bar ]

XclB / Y Létale

X +

X+ / X+

[ + ]

X+ / Y [ + ]