chapitre 1 espaces préhilbertiens - crans

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Chapitre 1 Espaces Préhilbertiens Ce chapitre poursuit l’étude des espaces préhilbertiens faite en première année. En particulier, il ajoute les notions de produit scalaire sur un C-espace vectoriel, et celle, très importante, d’endo- morphisme adjoint. On l’utilise alors pour caractériser les endomorphismes diagonalisables dans une base orthonormée. 1.1 Produits scalaires Au cœur de ce chapitre se trouve, évidemment, la notion de produit scalaire. Elle s’appuie elle- même sur du vocabulaire d’algèbre multilinéaire, qu’on commence par donner. 1.1.1 Vocabulaire général Dans cette partie, la lettre K désigne un corps commutatif quelconque et E est un K-espace vectoriel non nul. Définition 1.1.1 (Forme bilinéaire) Soit f :E 2 -→ K une application. On dit que c’est une forme bilinéaire sur E si, et seulement si, x , y, z E λ K f (λx + y, z ) = λ f (x , z ) + f ( y, z ) f (z , λx + y ) = λ f (z , x ) + f (z , y ) L’ensemble des formes bilinéaires sur E sera noté L 2 (E) ? . On dit aussi qu’une forme bilinéaire est linéaire par rapport à chacune de ses variables. Ceci veut précisément dire que si f est une application de E 2 dans K, c’est une forme bilinéaire si, et seulement si, z E x 7-→ f (z , x ) est linéaire et x 7-→ f (x , z ) est linéaire Du coup, il est évident que Proposition 1.1.2 L 2 (E) ? est un sous-K-espace vectoriel de l’ensemble des applications de E 2 dans K. 1

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Page 1: Chapitre 1 Espaces Préhilbertiens - Crans

Chapitre 1

Espaces Préhilbertiens

Ce chapitre poursuit l’étude des espaces préhilbertiens faite en première année. En particulier,il ajoute les notions de produit scalaire sur unC-espace vectoriel, et celle, très importante, d’endo-morphisme adjoint. On l’utilise alors pour caractériser les endomorphismes diagonalisables dansune base orthonormée.

1.1 Produits scalaires

Au cœur de ce chapitre se trouve, évidemment, la notion de produit scalaire. Elle s’appuie elle-même sur du vocabulaire d’algèbre multilinéaire, qu’on commence par donner.

1.1.1 Vocabulaire général

Dans cette partie, la lettre K désigne un corps commutatif quelconque et E est un K-espacevectoriel non nul.

Définition 1.1.1 (Forme bilinéaire)Soit f : E2 −→K une application. On dit que c’est une forme bilinéaire sur E si, et seulement si,

∀x, y, z ∈ E ∀λ ∈K f (λx + y, z) = λ f (x, z)+ f (y, z)f (z,λx + y) = λ f (z, x)+ f (z, y)

L’ensemble des formes bilinéaires sur E sera noté L 2(E)?.

On dit aussi qu’une forme bilinéaire est linéaire par rapport à chacune de ses variables. Ceciveut précisément dire que si f est une application de E2 dans K, c’est une forme bilinéaire si, etseulement si,

∀z ∈ E

x 7−→ f (z, x) est linéaireet x 7−→ f (x, z) est linéaire

Du coup, il est évident que

Proposition 1.1.2L 2(E)? est un sous-K-espace vectoriel de l’ensemble des applications de E2 dansK.

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

Lorsque l’espace E est de dimension finie, on peut naturellement associer une matrice à uneforme bilinéaire. En effet, supposons que E est de dimension n ∈N?, avec une base B = (e1, . . . ,en).Soient f une forme bilinéaire sur E et deux vecteurs x et y dans E, qu’on décompose dans B :

x =n∑

k=1xk ek y =

n∑k=1

yk ek avec x1, . . . , xn , y1, . . . , yn ∈K

Alors f (x, y) = f( n∑

k=1xk ek ,

n∑`=1

y` e`)=

n∑k=1

xk

n∑`=1

f (ek ,e`) y` (1)

en utilisant la bilinéarité de f . Ceci donne naturellement envie d’introduire la matrice contenantles scalaires ( f (ek ,e`))16k,`6n .

Définition 1.1.3 (Matrice d’une forme bilinéaire)On suppose E de dimension finie n ∈ N?, rapporté à une base B = (e1, . . . ,en). Soit f une formebilinéaire sur E. On appelle matrice de f dans B la matrice dans Mn(K) définie par

∀k,` ∈ [[1 ; n ]] (MatB f )k,` = f (ek ,e`)

Ceci définit une application MatB : L 2(E)? −→ Mn(K). Il ne faut pas la confondre avec l’autreMatB : L (E) −→ Mn(K). Logiquement, la confusion est impossible, même si les deux applicationsont le même nom : si on connaît la nature de f (forme bilinéaire ou endomorphisme de E), on nepeut pas se tromper sur la définition de MatB f .

L’expression (1) permet d’interpréter matriciellement le calcul des valeurs de f :

Proposition 1.1.4Supposons E de dimension finie n ∈ N?, rapporté à une base B. Soit M ∈ Mn(K). Alors M est lamatrice de f dans B si, et seulement si,

∀x, y ∈ E f (x, y) = t[x]B M[y]B

Preuve : Notons (e1, . . . ,en) les vecteurs qui composent B. L’expression (1) dit précisément que

∀x, y ∈ E f (x, y) = t[x]B (MatB f ) [y]B

ce qui prouve une partie de l’équivalence.Réciproquement, si on sait que

∀x, y ∈ E f (x, y) = t[x]B M[y]B

en particulier ∀k,` ∈ [[1 ; n ]] f (ek ,e`) = t[ek ]B M[e`]B

Mais les vecteurs [e1]B, . . . , [en]B sont les vecteurs de la base canonique de Kn . On obtient aprèsun calcul simple

∀k,` ∈ [[1 ; n ]] f (ek ,e`) = Mk,`

Ceci prouve que M est la matrice de f dans B.

Corollaire 1.1.5On suppose E de dimension finie, rapporté à une base B. L’application MatB est un isomorphismede L 2(E)? sur Mn(K). En particulier,

dimL 2(E)? = (dimE)2

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

Preuve : La linéarité est triviale, simplement par définition des opérations sur les deux espacesL 2(E)? et Mn(K).

Si f ∈L 2(E)? a une matrice nulle dans B, alors

∀x, y ∈ E f (x, y) = t[x]B 0[y]B = 0

et f est l’application nulle : MatB est injective.

Si M ∈ Mn(K), on définit

∀x, y ∈ E f (x, y) = t[x]B M[y]B

Alors f est bilinéaire, parce que le produit matriciel est distributif sur l’addition, et l’application[ ]B est linéaire. D’après la proposition 1.4, la matrice de f dans B est M. Ceci prouve que MatBest surjective.

Corollaire 1.1.6On suppose E de dimension finie. Soient B et B′ deux bases de E, et f une forme bilinéaire sur E. Ennotant

M = MatB f M′ = MatB′ f P = PB′B

on a M′ = tPMP

Preuve : En utilisant la proposition 1.4 une première fois,

∀x, y ∈ E f (x, y) = t[x]B M[y]B

D’après les formules de changement de base, ∀x, y ∈ E f (x, y) = t(P[x]B′)M(P[y]B′)

= t[x]B′ (tPMP)[y]B

En utilisant une nouvelle fois la proposition 1.4, il vient M′ = tPMP.

D’après ce qui précède, les formes bilinéaires sont totalement identifiées en dimension finie :ce sont les applications de la forme (x, y) 7−→ t[x]B M[y]B, lorsque B est une base fixée et M estune matrice n × n fixée. Cette relation entre matrices et formes bilinéaires est riche de consé-quences, de la même manière que la relation entre endomorphismes et matrices l’est : des pro-priétés matricielles permettent de prouver des résultats difficiles sur les formes bilinéaires ; et ré-ciproquement.

Malheureusement, cette année, on n’explore pas plus la structure de L 2(E)?. On spécialisenotre étude à certains cas particuliers de formes bilinéaires.

Définition 1.1.7 (Formes bilinéaires symétriques)Soit f une forme bilinéaire sur E. On dit qu’elle est symétrique si, et seulement si,

∀x, y ∈ E f (x, y) = f (y, x)

L’ensemble des formes bilinéaires symétriques sur E est noté L 2s (E)?.

Faisons tout de suite deux observations :• L 2

s (E)? est un sous-espace vectoriel de L 2(E)? ;• Pour montrer qu’une application est bilinéaire symétrique, il suffit d’établir qu’elle est sy-

métrique, et linéaire par rapport à une des deux variables. La linéarité par rapport à l’autrevariable vient gratuitement, grâce à la symétrie.

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

Ensuite, la symétrie se traduit, en dimension finie, par une matrice symétrique dans n’importequelle base :

Proposition 1.1.8On suppose E de dimension finie n ∈N?. Si B est une base de E,

∀ f ∈L 2(E)? f ∈L 2s (E)? ⇐⇒ MatB f ∈ Sn(K)

et MatB induit un isomorphisme de L 2s (E)? sur Sn(K). De ce fait,

dimL 2s (E)? = dimSn(K) = n(n +1)

2

Preuve : Soit f une forme bilinéaire sur E. Notons n la dimension de E, B = (e1, . . . ,en) et M lamatrice de f dans B. On a vu, au cours de la preuve de la proposition 1.4, que

∀k,` ∈ [[1 ; n ]]

f (ek ,e`) = Mk,`

f (e`,ek ) = M`,k

Si f est symétrique, on obtient en particulier

∀k,` ∈ [[1 ; n ]] Mk,` = f (ek ,e`) = f (e`,ek ) = M`,k

donc M est une matrice symétrique.Réciproquement, si M est une matrice symétrique, alors

∀x, y ∈ E f (x, y) = t[x]B M[y]B = t(t[x]B M[y]B) = t[y]B M[x]B = f (y, x)

On a utilisé ici le fait que f (x, y) ∈K : c’est une matrice 1×1, égale à sa transposée. Et on obtientbien que f est symétrique.

L’application MatB induit donc une application linéaire de L 2s (E)? dans Sn(K). Cette applica-

tion est injective parce que MatB est injective. Et si M est une matrice symétrique, on pose

∀x, y ∈ E f (x, y) = t[x]B M[y]B

Ceci définit une forme bilinéaire symétrique f sur E, dont la matrice dans B est M d’après laproposition 1.4.

Définition 1.1.9 (Forme non dégénérée)Soit f ∈L 2

s (E)?. On dit qu’elle est non dégénérée si, et seulement si,

∀x ∈ E (∀y ∈ E f (x, y) = 0) =⇒ x = 0

Que signifie exactement « être non dégénérée » ? Prenons f bilinéaire symétrique sur E. Si y ∈ E,l’application x 7−→ f (x, y) est linéaire donc s’annule en 0. Autrement dit,

∀y ∈ E f (0, y) = 0

Dire que f est une forme bilinéaire symétrique non dégénérée signifie que 0 est le seul vecteurpour lequel cette assertion est vraie : si x ∈ E est tel que

∀y ∈ E f (x, y) = 0

alors x doit être nul.

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Définition 1.1.10 (Norme)On suppose que le corps K est R ou C. Soit N : E −→ R+ une application. On dit que N est unenorme si, et seulement si, les trois propriétés suivantes sont satisfaites :

1. N est homogène :

∀x ∈ E ∀λ ∈K N(λx) = |λ|N(x)

2. N sépare les points :

∀x ∈ E N(x) = 0 ⇐⇒ x = 0

3. N vérifie l’inégalité triangulaire :

∀x, y ∈ E N(x + y)6N(x)+N(y)

Les normes seront étudiées en détail dans un prochain chapitre, consacré à la topologie desespaces vectoriels normés. Donc nous n’entrerons pas dans les détails ici. Cependant, disons sim-plement qu’une norme N permet de définir une notion de « taille » pour un vecteur, ou bien dedistance entre les points de E. En effet,

1. la propriété d’homogénéité dit que la longueur de λx est la longueur de x, multipliée par |λ|.2. la propriété de séparation des points dit que N permet de bien distinguer les vecteurs de E :

si x et y sont tels que N(x − y) = 0, alors x = y .

3. l’inégalité triangulaire assure que pour aller de 0 à x + y , le chemin est moins long que pouraller de 0 à x, puis de x à x + y .

Ces trois propriétés sont intuitivement celles qu’il nous faut pour avoir une bonne notion de dis-tance sur E.

1.1.2 Produit scalaire réel

Dans cette partie, E est un espace vectoriel réel, non nul.

Définition 1.1.11 (Produit scalaire)Soit f une forme bilinéaire symétrique sur E. On dit que

• f est positive si, et seulement si,

∀x ∈ E f (x, x)> 0

• f est définie si, et seulement si,

∀x ∈ E f (x, x) = 0 ⇐⇒ x = 0

On appelle produit scalaire sur E toute forme bilinéaire, symétrique, définie, positive.

Définition 1.1.12 (Espace préhilbertien (réel))On appelle espace préhilbertien réel tout couple (E,⟨ | ⟩), où E est un R-espace vectoriel non nul et⟨ | ⟩ est un produit scalaire sur E.

On appelle espace euclidien tout espace préhilbertien réel de dimension finie.

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

Exemple 1.1.13Commençons par donner quelques exemples de produits scalaires.

1. Soit n ∈N?. On pose

∀x, y ∈Rn ⟨x | y⟩n =n∑

k=1xk yk

Il est facile de vérifier que ⟨ | ⟩n est un produit scalaire sur Rn . En particulier, la positivité vient du faitqu’un carré de nombre réel est toujours positif :

∀x ∈Rn ⟨x | x⟩n =n∑

k=1x2

k > 0

Et ⟨ | ⟩n est définie parce qu’une somme de réels positifs est nulle si, et seulement si, tous ses termessont nuls :

∀x ∈Rn ⟨x | x⟩n = 0 ⇐⇒n∑

k=1x2

k = 0

⇐⇒ (∀k ∈ [[1 ; n ]] x2k = 0)

⇐⇒ x = 0

De ce fait, Rn , muni de ⟨ | ⟩n est un espace euclidien. On appelle ce produit scalaire le produit scalairecanonique sur Rn .

Enfin, on remarque qu’on retrouve les produits scalaires usuels sur R2 et R3.

2. Soient n un entier non nul et E un R-espace vectoriel de dimension n, avec une base B. On pose

∀x, y ∈ E ⟨x | y⟩B = ⟨[x]B | [y]B⟩n

Il est facile de vérifier que c’est un produit scalaire sur E ; toutes les propriétés sont héritées de lalinéarité de [ ]B , et du fait que ⟨ | ⟩n est un produit scalaire.

Bien évidemment, ⟨ | ⟩B dépend du choix de la base B, comme son nom l’indique. Et dans le cas oùE =Rn et B est la base canonique, on retrouve tout simplement ⟨ | ⟩n .

On montrera plus tard que sur E, tous les produits scalaires sont de cette forme.

3. Illustrons l’exemple précédent dans un cas particulier. Prenons E = R3 avec la base formée par lesvecteurs

e1 = 1

0−1

e2 =1

10

e3 =0

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Il s’agit bien d’une base puisque

det(e1,e2,e3) =∣∣∣∣∣∣

1 1 00 1 1

−1 0 2

∣∣∣∣∣∣= 1 6= 0

et un petit calcul montre que si x ∈Rn , alors ses coordonnées dans la base B sont

[x]B = 2x1 −2x2 +x3

−x1 +2x2 −x3

x1 − y1 + z1

Un simple calcul prouve alors que

∀x, y ∈R3 ⟨x | y⟩3 = x1 y1 +x2 y2 +x3 y3

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

et ∀x, y ∈R3 ⟨x | y⟩B = 6x1 y1 −7x1 y2 +4x1 y3 −7x2 y1 +9x2 y2 −5x2 y3 +4x3 y1 −5x3 y2 +3x3 y3

On remarquera que l’expression analytique de ⟨x | y⟩B , en fonction des coordonnées de x et y , cachecomplètement le fait qu’il s’agit d’un produit scalaire : on ne voit pas directement que ⟨ | ⟩ est définie,positive.

On voit bien que ⟨ | ⟩3 et ⟨ | ⟩B sont distincts :

⟨e1 | e1⟩3 = 2 ⟨e1 | e1⟩B = 1

4. Enfin, un exemple classique en dimension infinie : on note E = C ([0 ; 1]), le R-espace vectoriel desfonctions continues sur [0; 1] et on pose

∀ f , g ∈ E ⟨ f | g ⟩ =∫

[0 ;1]f g

D’après les propriétés de l’intégrale, ⟨ | ⟩ est bien un produit scalaire sur E. En particulier, pour mon-trer qu’il est défini, on utilise le fait qu’une fonction continue positive sur [0; 1], qui a une intégralenulle, est nulle. La continuité est essentielle ici.

On déduit facilement de nos définition la fameuse (et très importante) inégalité de Cauchy-Schwarz :

Théorème 1.1.14 (Inégalité de Cauchy-Schwarz)Soient E un R-espace vectoriel et f : E2 −→R une application bilinéaire, symétrique, positive. Alors

∀x, y ∈ E∣∣ f (x, y)

∣∣6√f (x, x)

√f (y, y)

De plus, si f est un produit scalaire et si x, y ∈ E, alors

f (x, y)2 = f (x, x) f (y, y) ⇐⇒ (x, y) est liée

Preuve : Soient x et y dans E. Comme f est positive,

∀λ ∈R f (λx + y,λx + y)> 0

Mais comme f est bilinéaire, symétrique,

∀λ ∈R λ2 f (x, x)+2λ f (x, y)+ f (y, y)> 0

• Si f (x, x) = 0, alors

∀λ ∈R λ f (x, y)+ f (y, y)> 0

Ceci implique que f (x, y) = 0 et on a bien

| f (x, y)|︸ ︷︷ ︸=0

6√

f (x, x)︸ ︷︷ ︸=0

√f (y, y)

• Si f (x, x) 6= 0, le trinôme f (x, x)X2 + 2 f (x, y)X+ f (y, y) a un discriminant négatif, car il nechange pas de signe dans R :

4 f (x, y)2 −4 f (x, x) f (y, y)6 0

et | f (x, y)|6√f (x, x)

√f (y, y)

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

Intéressons-nous au cas d’égalité : supposons que f est un produit scalaire et que

| f (x, y)| =√f (x, x)

√f (y, y) ou encore f (x, y)2 = f (x, x) f (y, y)

Évidemment, si x = 0, alors (x, y) est liée. On suppose donc x 6= 0, de sorte que f (x, x) 6= 0 parceque f est définie. Le trinôme f (x, x)X2+2 f (x, y)X+ f (y, y) a un discriminant nul, donc une racineréelle λ :

0 = f (x, x)λ2 +2λ f (x, y)+ f (y, y) = f (λx + y,λx + y)

Comme f est définie, c’est que λx + y = 0 : la famille (x, y) est liée. La réciproque se vérifie parsimple calcul.

Corollaire 1.1.15Soit f une forme bilinéaire, symétrique, positive sur E. Elle est définie si, et seulement si, elle est nondégénérée.

Preuve : Supposons que f est définie. Soit x ∈ E, tel que

∀y ∈ E f (x, y) = 0

En particulier, f (x, x) = 0, donc x = 0 : f est non dégénérée.

Réciproquement, si f est non dégénérée. Soit x ∈ E tel que f (x, x) = 0. D’après l’inégalité deCauchy-Schwarz,

∀y ∈ E | f (x, y)|6√f (x, x)

√f (y, y) = 0

donc ∀y ∈ E f (x, y) = 0

Ceci assure que x = 0 : f est définie.

Définition 1.1.16 (Norme euclidienne)Soit (E,⟨ | ⟩) un espace préhilbertien réel. On appelle norme euclidienne sur E l’application

‖ ‖ : E −→ R+x 7−→ ‖x‖ =√

f (x, x)

Proposition 1.1.17 (Propriétés de la norme euclidienne)Soit (E,⟨ | ⟩) un espace préhilbertien réel. La norme euclidienne est une norme. De plus, on a

• L’inégalité de Cauchy-Schwarz : si x et y sont dans E,∣∣⟨x | y⟩∣∣6 ‖x‖‖y‖avec égalité si, et seulement si, (x, y) est liée.

• L’inégalité de Minkowski : si x et y sont dans E,∣∣‖x‖−‖y‖∣∣6 ‖x ± y‖6 ‖x‖+‖y‖

et ‖x + y‖ = ‖x‖+‖y‖ ⇐⇒

x = 0ou ∃λ> 0 y = λx

• Les identités de polarisation :

∀x, y ∈ E ⟨x | y⟩ = 1

2

(‖x + y‖2 −‖x‖2 −‖y‖2)

= 1

4

(‖x + y‖2 −‖x − y‖2)

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

• La relation du parallélogramme :

∀x, y ∈ E ‖x + y‖2 +‖x − y‖2 = 2(‖x‖2 +‖y‖2)

Preuve : Commençons par les choses triviales :• La norme euclidienne est à valeurs positives parce que ⟨ | ⟩ est positive.• Elle est homogène, parce que ⟨ | ⟩ est bilinéaire symétrique :

∀x ∈ E ∀λ ∈R ‖λx‖ =√⟨λx | λx⟩ =

√λ2︸︷︷︸>0

⟨x | x⟩ = |λ|‖x‖

• Elle a la propriété de séparation parce que ⟨ | ⟩ est définie.• L’inégalité de Cauchy-Schwarz et le cas d’égalité sont acquis parce que ⟨ | ⟩ est un produit

scalaire.• Les identités de polarisation et du parallélogramme relèvent du simple calcul, en utilisant la

bilinéarité et la symétrie du produit scalaire :

∀x, y ∈ E ‖x + y‖2 = ⟨x + y | x + y⟩ = ‖x‖2 +2⟨x | y⟩+‖y‖2

‖x − y‖2 = ‖x‖2 −2⟨x | y⟩+‖y‖2

‖x + y‖2 +‖x − y‖2 = 2(‖x‖2 +‖y‖2)

‖x + y‖2 −‖x − y‖2 = 4⟨x | y⟩La seule chose non triviale est l’inégalité de Minkowski. Soient x et y dans E. On a

‖x ± y‖2 = ‖x‖2 +‖y‖2 ±2⟨x | y⟩D’après l’inégalité de Cauchy-Schwarz,

‖x ± y‖26 ‖x‖2 +‖y‖2 +2‖x‖‖y‖ = (‖x‖+‖y‖)2

Comme ‖x ± y‖ et ‖x‖+‖y‖ sont des nombres réels positifs,

‖x ± y‖6 ‖x‖+‖y‖

Cette relation est clairement une égalité si x = 0. Supposons donc que x n’est pas nul, et que‖x + y‖ = ‖x‖+‖y‖. Alors

‖x + y‖2 = ‖x‖2 +‖y‖2 +2‖x‖‖y‖

et il vient ⟨x | y⟩ = ‖x‖‖y‖D’après le cas d’égalité dans Cauchy-Schwarz, comme x 6= 0, il existe λ ∈R tel que y = λx. Par suite,

λ‖x‖2︸︷︷︸>0

= λ⟨x | x⟩ = ⟨x | y⟩ = ‖x‖‖y‖> 0

ce qui prouve que λ> 0.Réciproquement, s’il existe λ positif tel que y = λx,

‖x + y‖ = ‖(1+λ)x‖ = (1+λ)‖x‖ = ‖x‖+ λ︸︷︷︸=|λ|

‖x‖ = ‖x‖+‖λx‖ = ‖x‖+‖y‖

Ceci règle le cas d’égalité dans la relation de Minkowski.

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

1.1.3 Formes sesquilinéaires

Supposons que E est un espace vectoriel complexe. On a vraiment envie de définir la notionde produit scalaire sur E comme on l’a fait dans le cas des espaces vectoriels réels. Mais malheu-reusement, il n’existe pas de forme bilinéaire définie positive sur E. En effet, supposons qu’un telobjet existe ; on le note f . Soit x ∈ E, non nul. Alors f (x, x) > 0 parce que f est définie positive. Maisdans ce cas,

f (ix, ix) = i 2 f (x, x) =− f (x, x) < 0

À partir de là, on a deux choix :• Le plus naturel : on voit que le problème ci-dessus se produit parce qu’on demande trop

de choses : la C-bilinéarité et la positivité. Mais E hérite naturellement d’une structure deR-espace vectoriel. On pourrait se contenter de R-bilinéarité, pour garantir l’existence deformes R-bilinéaires, symétriques, définies, positives. Mais ceci n’est pas satisfaisant : E estun C-espace vectoriel, changer sa structure n’est pas une bonne idée.

• Le moins naturel : adopter une définition différente pour le produit scalaire, qui n’oblige pasà changer la structure d’espace vectoriel de E. On ne veut pas perdre la positivité. Alors leproblème vient de la bilinéarité :

f (ix, ix) = i× i f (x, x)

Si on pouvait sortir un i et un ı, la vie serait belle. Ceci serait assuré par la propriété :

∀x, y ∈ E ∀λ,µ ∈C f (λx,µy) = λµ f (x, y)

Mais si celle-ci est vraie, on est sûr de perdre la symétrie : en effet, si x ∈ E n’est pas nul,

f (ix, x) = ı f (x, x) =−i f (x, x) f (x, ix) = i f (x, x)

Ce défaut n’existe plus si on demande que

∀x, y ∈ E f (y, x) = f (x, y)

Ceci motive la suite de ce paragraphe.

Définition 1.1.18 (Application semi-linéaire)Soient E et F deux C-espaces vectoriels. Soit f : E −→ F une application. On dit que f est semi-linéairesi, et seulement si,

∀x, y ∈ E ∀λ ∈C f (λx + y) = λ f (x)+ f (y)

On définit de même les notions de semi-endomorphisme, semi-isomorphisme, semi-automorphisme.

Le but du chapitre n’est pas d’étudier en détail les applications semi-linéaires. On se doutequ’elles vont partager quelques propriétés des applications linéaires ; mais elles sont aussi trèsdifférentes sur certains points.

L’observation fondamentale est la suivante : si F est un C-espace vectoriel, on peut le munird’une nouvelle structure de C-espace vectoriel de la manière suivante. On garde la structure addi-tive, mais on change la structure multiplicative externe en posant :

∀λ ∈C ∀x ∈ F λ · x = λx

On vérifie alors facilement que (F,+, ·) est un C-espace vectoriel. On notera F pour signifier qu’ontravaille avec cette structure pour F.

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

Quelques secondes de réflexion suffisent à voir que les notions de sous-espace vectoriel, sous-espace engendré, famille libre et liée, dimension, sont les mêmes dans F et F. Ceci résulte simple-ment du fait que la conjugaison est un automorphisme de corps de C.

Il est alors évident que

Proposition 1.1.19Soient E et F deux C-espaces vectoriels. Soit f : E −→ F une application. Alors elle est semi-linéaire

si, et seulement si, elle est dans L (E,F).

Ceci permet de généraliser les résultats des chapitres précédents. Mais il faut bien faire atten-tion à en vérifier les hypothèses. En particulier, tous les résultats sur les endomorphismes ne sontplus vrais : en effet, une application semi-linéaire de E dans lui-même est une application linéairede E dans E (structures d’espaces vectoriels différentes au départ et à l’arrivée). Alors qu’un endo-morphisme de E est une application linéaire de E dans E (même structure d’espace vectoriel audépart et à l’arrivée). Tout le chapitre sur la réduction peut donc être oublié.

Dit simplement : tous les résultats qui commencent par « Soient E et F deux K-espaces vec-toriels » restent vrais, parce qu’ils ne supposent aucune relation entre les structures de E et F. Parexemple :

• L (E,F) est un C-espace vectoriel.• Les notions de noyau, d’image, de rang, subsistent. On remarquera que si f est semi-linéaire

de E dans F et si (e1, . . . ,en) est une famille finie de vecteurs de E, alors

f(Vect(e1, . . . ,en)

)=

f( n∑

k=1λk ek

) ∣∣∣ λ1, . . .λn ∈C

= n∑

k=1λk f (ek )

∣∣∣ λ1, . . . ,λn ∈C

= n∑

k=1λk f (ek )

∣∣∣ λ1, . . . ,λn ∈C

= Vect( f (e1), . . . , f (en))

On utilise, comme expliqué plus haut, un argument simple : la conjugaison est un automor-phisme de corps de C.

• Le théorème du rang reste vrai. En particulier, si E et F ont la même dimension, une applica-tion semi-linéaire est bijective si, et seulement si, elle est injective ou surjective.

Définition 1.1.20 (Forme sesquilinéaire)Soit f : E2 −→C une application. On dit que f est sesquilinéaire si et seulement si

∀x, y, z ∈ E ∀λ ∈C f (λx + y, z) = λ f (x, z)+ f (y, z)

f (z,λx + y) = λ f (z, x)+ f (z, y)

L’ensemble des formes sesquilinéaires sur E est noté H 2(E)?.

D’après cette définition, une application f : E2 −→C est sesquilinéaire si, et seulement si,

∀x ∈ E

z 7−→ f (x, z) est linéairez 7−→ f (z, x) est semi-linéaire

De ce fait, il est immédiat que

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Page 12: Chapitre 1 Espaces Préhilbertiens - Crans

Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

Proposition 1.1.21H 2(E)? est un C-sous-espace vectoriel de l’ensemble des applications de E2 dans C.

De la même manière que pour les applications bilinéaires, on peut associer une matrice à uneapplication sesquilinéaire quand l’espace est de dimension finie.

Définition 1.1.22 (Matrice d’une application sesquilinéaire)Soit E un C-espace vectoriel de dimension finie n ∈N?, rapporté à une base B = (e1, . . . ,en). Soitf une forme sesquilinéaire sur E. On appelle matrice de f dans la base B la matrice dans Mn(C)définie par

∀k,` ∈ [[1 ; n ]] (MatB f )k,` = f (ek ,e`)

Définition 1.1.23 (Conjugaison)Soient n et p deux entiers non nuls. Soit M ∈ Mn,p (C). On appelle matrice conjuguée de M, notéeM, la matrice définie par

∀k ∈ [[1 ; n ]] ∀` ∈ [[1 ; p ]] Mk,` = Mk,`

On appelle matrice transconjuguée de M, la matrice M? = tM.On dit que M est une matrice hermitienne si, et seulement si, M? = M. Dans ce cas, M est carréeet n = p. L’ensemble des matrices hermitiennes n ×n est noté Hn(C).

La proposition suivante est évidente, d’après les propriétés habituelles de la transposition etparce que la conjuguaison est un automorphisme de corps involutif sur C :

∀z, w ∈C zw = z w z +w = z +w

et ∀z ∈C z = z

Proposition 1.1.24Soient n, p et q trois entiers non nuls.

• L’application Mn,p (C) −→ Mp,n(C)M 7−→ M?

est semi-linéaire, bijective.

• ∀M ∈ Mn,p (K) (M?)? = M

• ∀M ∈ GLn(C) M−1 = M−1

(M−1)? = (M?)−1

• ∀M ∈ Mn,p (C) ∀N ∈ Mp,q (C) MN = MN(MN)? = N?M?

Observons que Hn(C) n’est pas un C-sous-espace vectoriel de Mn(C). En effet, In est hermi-tienne, mais iIn ne l’est pas, puisque (iIn)? =−i In . En revanche, c’est un R-sous-espace de Mn(C)puisque

∀M ∈ Hn(C) ∀λ ∈R (λM)?= λM? = λM

Pourtant, le raisonnement suivant semble correct : en notant f : M 7−→ M? l’opération de trans-conjugaison sur Mn(C),

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

Hn(C) = M ∈ Mn(C) | M? = M = M ∈ Mn(C) | f (M)−M = 0 = Ker( f − idMn (C))

Un noyau est un C-espace vectoriel, donc Hn(C) est un C-espace vectoriel.Évidemment, ce raisonnement est faux : f est une application semi-linéaire de Mn(C) dans

lui-même, c’est-à-dire que c’est une application linéaire de Mn(C) dans Mn(C). Mais idMn (C) estune application linéaire de Mn(C) dans Mn(C). On est en train d’ajouter des applications linéaires,certes, mais pour des structures différentes. L’application f − idMn (C) n’a aucune propriété de li-néarité intéressante : elle n’est linéaire pour aucune structure de C-espace vectoriel sur Mn(C). Lesimple fait d’écrire « Ker( f −idMn (C)) » est une erreur de grammaire : les mots « Ker » et « f −idMn (C) »n’ont pas le droit d’être mis ensemble.

Proposition 1.1.25On suppose E de dimension finie n ∈N?, rapporté à une base B.

• Soient f sesquilinéaire sur E et M ∈ Mn(C). Alors

M = MatB f ⇐⇒ (∀x, y ∈ E [x]?B M[y]B)

• L’application MatB est un isomorphisme entre H 2(E)? et Mn(C).• Soient B′ une autre base de E et P la matrice de passage de B vers B′. Alors

MatB′ f = P? (MatB f )P

Preuve : Elle repose sur le calcul suivant : si B = (e1, . . . ,en) et si x et y sont dans E et se décom-posent dans B en

x =n∑

i=1xi ei y =

n∑i=1

yi ei avec x1, . . . , xn , y1, . . . , yn ∈C

alors f (x, y) = f( n∑

k=1xk ek ,

n∑`=1

y` e`)=

n∑k=1

xk

n∑`=1

f (ek ,e`) y`

parce que f est sesquilinéaire. Tout le reste marche comme pour les propositions 1.4, 1.5 et 1.6.

Passons maintenant à la notion qui va remplacer la symétrie.

Définition 1.1.26 (Symétrie hermitienne)Soit f ∈H 2(E)?. On dit que f a la symétrie hermitienne si, et seulement si,

∀x, y ∈ E f (y, x) = f (x, y)

L’ensemble des formes sesquilinéaires à symétrie hermitienne sur E est noté H 2s (E)?.

Observons à nouveau deux choses :• H 2

s (E)? n’est pas un sous-espace vectoriel de H 2(E)?. On peut le constater simplement surle C-espace vectoriel C : on pose

∀z, w ∈C f (w, z) = w z

Cette application est clairement sesquilinéaire à symétrie hermitienne sur C. En revanche,i f ne l’est pas puisque

(i f )(1,2) = 2i (i f )(2,1) = 2i 6= (i f )(1,2)

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

• Pour montrer qu’une application f est sesquilinéaire à symétrie hermitienne, il suffit deprouver d’abord la symétrie hermitienne, puis la linéarité par rapport à la deuxième variable.En effet, si ces deux propriétés sont vraies, alors

∀x, y, z ∈ E ∀λ ∈C f (λx + y, z) = f (z,λx + y) = λ f (z, x)+ f (z, y) = λ f (x, z)+ f (y, z)

La semi-linéarité par rapport à la première variable est gratuite.

Proposition 1.1.27On suppose E de dimension finie n ∈N?. Si B est une base de E, alors

∀ f ∈H 2(E)? f ∈H 2s (E)? ⇐⇒ MatB f ∈ Hn(C)

De plus, MatB induit une bijection de H 2s (E)? sur Hn(C).

Preuve : Exactement la même chose que pour la proposition 2.8. On fera attention à ne pas parlerde linéarité, puisque H 2

s (E)? et Hn(C) ne sont pas des C-espaces vectoriels.

1.1.4 Produit scalaire complexe

Dans toute cette partie, on suppose que E est un espace vectoriel complexe, non nul.

Définition 1.1.28 (Produit scalaire complexe)Soit f une forme sesquilinéaire à symétrie hermitienne sur E. On dit que

• f est positive si, et seulement si,

∀x ∈ E f (x, x)> 0

• f est définie si, et seulement si,

∀x ∈ E f (x, x) = 0 ⇐⇒ x = 0

• f est non dégénérée si, et seulement si,

∀x ∈ E (∀y ∈ E f (x, y) = 0) =⇒ x = 0

On appelle produit scalaire sur E toute forme sesquilinéaire à symétrie hermitienne, définie, positive.

Exemple 1.1.29Comme dans le cas réel, on présente quelques exemples simples de produits scalaires complexes.

1. Soit n ∈N?. On pose

∀x, y ∈Cn ⟨x | y⟩ =n∑

k=1xk yk

Le fait que ⟨ | ⟩n est sesquilinéaire à symétrie hermitienne est clair. La positivité vient du fait que lemodule d’un complexe est positif :

∀x ∈Cn ⟨x | x⟩n =n∑

k=1|xk |2> 0

Enfin, ⟨ | ⟩n est définie parce qu’une somme de réels positifs est nulle si, et seulement si, tous sestermes sont nuls :

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

∀x ∈Cn ⟨x | x⟩n = 0 ⇐⇒n∑

k=1|xk |2 = 0

⇐⇒ (∀k ∈ [[1 ; n ]] |xk |2 = 0)

⇐⇒ (∀k ∈ [[1 ; n ]] xk = 0)

⇐⇒ x = 0

Ce produit scalaire est appelé produit scalaire canonique sur Cn ..

2. Si n ∈N? et E est un C-espace vectoriel de dimension n avec une base B, on pose

∀x, y ∈ E ⟨x | y⟩B = ⟨[x]B | [y]B⟩n = [x]?B [y]B

Il est facile de vérifier que c’est un produit scalaire sur E.

3. Prenons un cas particulier : on pose

e1 =[

i−2

]e2 =

[i

1

]B = (e1,e2) est une base de C2 ; en notant P la matrice de passage de la base canonique vers B,

P =[

i i−2 1

]P−1 = 1

3i

[1 −i2 i

]

De sorte que ∀x ∈C2 [x]B = P−1 x = 1

3i

[x1 − i x2

2x1 + i x2

]

et ∀x, y ∈C2 ⟨x | y⟩B = [x]?B [y]B = i

3

[x1 + i x2 2x1 − i x2

] 1

3i

[y1 − i y2

2y1 + i y2

]9⟨x | y⟩B = 4x1 y1 + i x1 y2 − i x2 y1 +2x2 y2

Enfin, ∀x ∈C2 9⟨x | x⟩B = 4|x1|2 +2Re(i x1 x2)+2|x2|2

4. Sur E =C ([0 ; 1],C), on pose

∀ f , g ∈ E ⟨ f | g ⟩ =∫

[0 ;1]f g

C’est un produit scalaire sur E. Le fait que ⟨ | ⟩ est définie provient (encore) du fait qu’une fonctioncontinue positive sur [0; 1] a une intégrale nulle si, et seulement si, elle est nulle sur [0; 1].

On a aussi une inégalité de Cauchy-Schwarz, bien qu’il faille travailler un peu plus pour l’obte-nir.

Théorème 1.1.30 (Inégalité de Cauchy-Schwarz)Soient E un C-espace vectoriel et f : E2 −→ C une forme sesquilinéaire à symétrie hermitienne posi-tive. Alors

∀x, y ∈ E∣∣( f (x, y)

∣∣6√f (x, x)

√f (y, y)

De plus, si f est un produit scalaire et si x, y ∈ E, alors

| f (x, y)|2 = f (x, x) f (y, y) ⇐⇒ (x, y) est liée

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Page 16: Chapitre 1 Espaces Préhilbertiens - Crans

Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

Preuve : Soient x et y dans E. Si f (x, y) = 0, l’inégalité est trivialement vraie. Supposons f (x, y) 6= 0et notons

ω= f (x, y)

| f (x, y)| de sorte que |ω| = 1 ω=ω−1∣∣ f (x, y)

∣∣= f (x, y)ω

Comme f est positive,

∀λ ∈C f (λx + y,λx + y)> 0

Mais f est sesquilinéaire à symétrie hermitienne donc

∀λ ∈C |λ|2 f (x, x)+2Re(λ f (x, y)

)+ f (y, y)> 0

En particulier, ∀λ ∈R 06 f (λωx + y,λωx + y) = λ2 f (x, x)+2λ| f (x, y)|+ f (y, y)

Toute la suite se passe exactement comme dans le cas réel.

Corollaire 1.1.31Soit f une forme sesquilinéaire à symétrie hermitienne positive sur E. Elle est définie si, et seulementsi, elle est non dégénérée.

Preuve : Identique au cas réel.

Définition 1.1.32 (Norme hermitienne)Soit (E,⟨ | ⟩) un espace préhilbertien complexe. On appelle norme hermitienne sur E l’application

‖ ‖ : E −→ R+x 7−→ ‖x‖ =√

f (x, x)

Proposition 1.1.33 (Propriétés de la norme hermitienne)Soit (E,⟨ | ⟩) un espace préhilbertien complexe. La norme hermitienne est une norme sur E. De plus,on a

• L’inégalité de Cauchy-Schwarz : si x et y sont dans E, alors∣∣⟨x | y⟩∣∣6 ‖x‖‖y‖avec égalité si, et seulement si, (x, y) est liée.

• L’inégalité de Minkowski : si x et y sont dans E,∣∣‖x‖−‖y‖∣∣6 ‖x ± y‖6 ‖x‖+‖y‖

et ‖x + y‖ = ‖x‖+‖y‖ ⇐⇒

x = 0ou ∃λ> 0 y = λx

• L’identité de polarisation :

∀x, y ∈ E ⟨x | y⟩ = 1

4

(‖x + y‖2 −‖x − y‖2 + i‖x − i y‖2 − i‖x + i y‖2

)• La relation du parallélogramme :

∀x, y ∈ E ‖x + y‖2 +‖x − y‖2 = 2(‖x‖2 +‖y‖2)

Preuve : Presqu’identique au cas réel : la seule chose qui change est la preuve des identités depolarisation et du parallélogramme. On a

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Page 17: Chapitre 1 Espaces Préhilbertiens - Crans

Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

∀x, y ∈ E ‖x + y‖2 = ‖x‖2 +‖y‖2 +2Re⟨x | y⟩‖x − y‖2 = ‖x‖2 +‖y‖2 −2Re⟨x | y⟩‖x + i y‖2 = ‖x‖2 +‖i y‖2 +2Rei⟨x | y⟩ = ‖x‖2 +‖y‖2 −2Im⟨x | y⟩‖x − i y‖2 = ‖x‖2 +‖y‖2 +2Im⟨x | y⟩

On combine et tout marche.

1.2 Orthogonalité

Dans toute cette partie, on suppose que (E,⟨ | ⟩) est un K-espace préhilbertien ; évidemment,K est l’un des corps R ou C. Dans tous les cas, on peut dire que ⟨ | ⟩ est définie positive ; de plus,

∀λ ∈R λ= λCeci permet d’assurer que

∀x, y, z ∈ E ∀λ ∈K ⟨λx + y | z⟩ = λ⟨x | z⟩+⟨y | z⟩⟨z | λx + y⟩ = λ⟨z | x⟩+⟨z | y⟩

et ∀x, y ∈ E ⟨y | x⟩ = ⟨x | y⟩On pourra donc probablement faire certaines choses en toute généralité, indépendamment duchoix pour le corpsK.

1.2.1 Définition et premières propriétés

Définition 1.2.1 (Orthogonalité)Soient x et y dans E. On dit que x et y sont orthogonaux si, et seulement si, ⟨x | y⟩ = 0. On notealors x ⊥ y .

Voici quelques propriétés immédiates :• L’orthogonalité est une relation symétrique :

∀x, y ∈ E x ⊥ y ⇐⇒ ⟨x | y⟩ = 0 ⇐⇒ ⟨y | x⟩ = 0 ⇐⇒ ⟨y | x⟩ = 0 ⇐⇒ y ⊥ x

• Le vecteur nul est le seul vecteur de E orthogonal à lui-même, parce que le produit scalaireest défini :

∀x ∈ E x ⊥ x ⇐⇒ ⟨x | x⟩ = 0 ⇐⇒ x = 0

• Le vecteur nul est le seul vecteur de E orthogonal à tous les autres, parce que le produitscalaire est non dégénéré :

∀x ∈ E (∀y ∈ E x ⊥ y) ⇐⇒ (∀y ∈ E ⟨x | y⟩ = 0) ⇐⇒ x = 0

• Si x et y sont orthogonaux, alors

∀λ,µ ∈K (λx) ⊥ (µy)

parce que ∀λ,µ ∈K ⟨λx | µy⟩ = λµ⟨x | y⟩ = 0

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

Définition 1.2.2 (Famille orthogonale, orthonormée)Soit (xi )i∈I une famille de vecteurs de E. On dit qu’elle est orthogonale si, et seulement si,

∀i , j ∈ I i 6= j =⇒ xi ⊥ x j

On dit qu’elle est orthonormée si, et seulement si, elle est orthogonale et

∀i ∈ I ‖xi‖ = 1

On remarque que si (xi )i∈I est une famille orthogonale de vecteurs non nuls, alors( xi‖xi ‖

)i∈I

est une famille orthonormée. Les familles orthogonales/orthonormées sont très utiles, pour denombreuses raisons. L’un d’elle est qu’elles permettent de simplifier grandement le calcul d’unproduit scalaire :

Proposition 1.2.3 (Théorème de Pythagore)Soient n un entier non nul et (x1, . . . , xn) une famille orthogonale dans E. Alors

∀λ1, . . . ,λn ,µ1, . . . ,µn ∈K⟨ n∑

k=1λk xk

∣∣ n∑`=1

µ` x`⟩=

n∑k=1

λk µk ‖xk‖2

et

∀λ1, . . . ,λn ∈K∥∥∥ n∑

k=1λk xk

∥∥∥2 =n∑

k=1|λk |2 ‖xk‖2

En particulier, si cette famille est orthonormée,

∀λ1, . . . ,λn ∈K∥∥∥ n∑

k=1λk xk

∥∥∥2 =n∑

k=1|λk |2

Enfin, siK=R, alors

∀x, y ∈ E ‖x + y‖2 = ‖x‖2 +‖y‖2 ⇐⇒ x ⊥ y

Preuve : C’est un simple calcul : si λ1, . . . ,λn ,µ1, . . . ,µn sont dansK,⟨ n∑k=1

λk xk∣∣ n∑`=1

µ` x`⟩=

⟨ n∑k=1

λk xk

∣∣∣ n∑`=1

λ` x`⟩=

n∑k=1

n∑`=1

λk µ` ⟨xk | x`⟩︸ ︷︷ ︸=0 si k 6=`

=n∑

k=1λk µk ‖xk‖2

Les deux autres formules sont des conséquences immédiates de celle-ci.

LorsqueK=R, si x et y sont des vecteurs de E,

‖x + y‖2 = ‖x‖2 +‖y‖2 +2⟨x | y⟩

donc ‖x + y‖2 = ‖x‖2 +‖y‖2 ⇐⇒ ⟨x | y⟩ = 0

On remarquera que la dernière équivalence n’est pas vraie en général si E est préhilbertiencomplexe. En effet, dans ce cas,

‖x + y‖2 = ‖x‖2 +‖y‖2 +2Re⟨x | y⟩

donc ‖x + y‖2 = ‖x‖2 +‖y‖2 ⇐⇒ Re⟨x | y⟩ = 0

Notons que ceci ne prouve rien, pour l’instant. Mais cela donne une bonne raison de croire quel’orthogonalité est une condition plus forte que la relation de Pythagore « ‖x + y‖2 = ‖x‖2 +‖y‖2. »Et on peut voir un exemple très simple pour lequel cette équivalence est fausse : prenons C2 avecson produit scalaire canonique ⟨ | ⟩2 et posons

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Page 19: Chapitre 1 Espaces Préhilbertiens - Crans

Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

x =[−i

1

]y =

[1i

]

Alors ⟨x | y⟩ = 2i Re⟨x | y⟩ = 0 ‖x‖2 +‖y‖2 = ‖x + y‖2

Exemple 1.2.4Donnons quelques exemples de familles orthogonales classiques.

1. Si n ∈N? et E unK-espace vectoriel de dimension finie, rapporté à une base B = (e1, . . . ,en), alors Best orthonormée pour le produit scalaire ⟨ | ⟩B .

2. Dans le C -espace vectoriel E =C 2π(R,C) (fonctions continues sur R, 2π-périodiques, à valeurs com-plexes), on a le produit scalaire

E2 −→ C

( f , g ) 7−→ 1

∫[0 ;2π]

f g

On pose ∀n ∈Z en : x 7−→ exp(inx)

et on a ∀n ∈Z∫

[0 ;2π]en =

2π si n = 01

n

[exp(inx)

]2π0 = 0 si n 6= 0

Alors, ∀n,m ∈Z ⟨en | em⟩ = 1

∫ 2π

0en em = 1

∫ 2π

0em−n =

1 si m = n0 si m 6= n

La famille (en)n∈Z est orthonormée. Le fait qu’on ait gratuitement une famille orthonormée pour ceproduit scalaire mérite qu’on s’y intéresse plus en profondeur. C’est exactement ce que nous feronsplus tard, en étudiant les séries de Fourier.

3. Toujours avec le même espace E : définissons maintenant

∀n ∈N cn : R −→ C

x 7−→ cosnxsn : R −→ C

x 7−→ sinnx

Ces applications sont dans E, à valeurs réelles, et l’on a les relations

∀n ∈N cn = 1

2(en +e−n) sn = 1

2i(en −e−n)

Soient m et n deux entiers positifs tels que m 6= n. Alors n est distinct de ±m ; et −n est distinct de±m ce qui assure

en ⊥ em en ⊥ e−m e−n ⊥ em e−n ⊥ e−m

et ⟨cn | cm⟩ =⟨1

2(en +e−n) | 1

2(em +e−m)

⟩= 0

⟨sn | sm⟩ =⟨ 1

2i(en −e−n) | 1

2i(em −e−m)

⟩= 0

⟨cn | sm⟩ =⟨1

2(en +e−n) | 1

2i(em −e−m)

⟩= 0

Donc cn est orthogonal à tous les (sm)m 6=n . En outre, si n 6= 0, alors en ⊥ e−n parce que n 6= −n et

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Page 20: Chapitre 1 Espaces Préhilbertiens - Crans

Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

⟨cn | sn⟩ =⟨1

2(en +e−n)

∣∣∣ 1

2i(en −e−n)

⟩= 1

4i− 1

4i= 0

⟨cn | cn⟩ =⟨1

2(en +e−n)

∣∣∣ 1

2(en +e−n)

⟩= 1

4+ 1

4= 1

2

⟨sn | sn⟩ =⟨ 1

2i(en −e−n)

∣∣∣ 1

2i(en −e−n)

⟩= 1

4+ 1

4= 1

2

Enfin, on termine en calculant

∀m ∈N ⟨c0 | sm⟩ = 0 ⟨c0 | c0⟩ = 1 s0 = 0

Tout cela pour dire que la famille((cn)n∈N, (sn)n∈N?

)est orthogonale. Et(

c0, (p

2cn)n>1, (p

2sn)n>1)

est orthonormée.

Définition 1.2.5Soient (E,⟨ | ⟩) un espace préhilbertien et A ⊂ E, non vide. On appelle orthogonal de A, noté A,l’ensemble des vecteurs orthogonaux à tous les vecteurs de A :

A = x ∈ E | ∀a ∈ A x ⊥ a

Proposition 1.2.6Soient (E,⟨ | ⟩) un espace préhilbertien. Soient A et B deux sous-ensembles de E, non vides.

1. 0 = E et E = 0.

2. Soient n ∈N? et e1, . . . ,en dans E, non nuls. Si (e1, . . . ,en) est orthogonale, elle est libre.

3. A = (VectA) et A est un sous-espace de E.

4. (A∪B) = (VectA+VectB) = A∩B.

5. A+B ⊂ (VectA∩VectB).

6. Si A ⊂ B, alors B ⊂ A.

7. Si F est un sous-espace vectoriel de E, alors F et F sont en somme directe.

Preuve : Allons-y dans l’ordre.

1. Le vecteur nul est orthogonal à tout le monde, par linéarité de l’application x 7−→ ⟨0 | x⟩.Donc 0 = E.

Si x ∈ E, en particulier ⟨x | x⟩ = 0. Ceci assure que ‖x‖2 = 0 ; le produit scalaire est défini etx = 0. On a bien E = 0.

2. Soient (e1, . . . ,en) dans E, non nuls, orthogonaux deux-à-deux. Soient λ1, . . . ,λn dans K telsque

n∑k=1

λk ek = 0

D’après Pythagore, 0 =∥∥∥ n∑

k=1λk ek

∥∥∥2 =n∑

k=1|λk |2︸ ︷︷ ︸>0

‖ek‖2︸ ︷︷ ︸>0

Donc λ1, . . . ,λn sont tous nuls : (e1, . . . ,en) est libre.

20

Page 21: Chapitre 1 Espaces Préhilbertiens - Crans

Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

3. Si x ∈ E, notons ϕx l’application définie par

∀y ∈ E ϕx(y) = ⟨x | y⟩ϕx est linéaire et son noyau est un sous-espace de E.

Ensuite, si A est un sous-ensemble non vide de E,

A = y ∈ E | ∀a ∈ A ⟨a | y = 0 = y ∈ E | ∀a ∈ A y ∈ Kerϕa = ⋂a∈A

Kerϕa

C’est un sous-espace vectoriel de E. Et si B est un autre sous-ensemble de E, non vide, telque A ⊂ B,

B = ⋂a∈B

Kerϕa ⊂ ⋂a∈A

Kerϕa = A

En particulier, (VectA) ⊂ A

Réciproquement, un élément x de A est orthogonal à tous les éléments de A. Donc si n ∈N?,a1, . . . , an sont dans A et λ1, . . . ,λn sont dansK,⟨

x |n∑

k=1λk ak

⟩=

n∑k=1

λk ⟨x | ak⟩︸ ︷︷ ︸=0

= 0

d’où A ⊂ (VectA)

4. D’après le point précédent,

(A∪B) = (Vect(A∪B)

) = (VectA+VectB)

De plus, A ⊂ A∪B donc (A∪B) ⊂ A

De même, (A∪B) ⊂ B

donc (A∪B) ⊂ (A∩B)

Réciproquement, si x ∈ A∩B et y ∈ A∪B, alors y est dans A ou dans B ; dans tous les cas,x ⊥ y car x est orthogonal à A et B.

5. Soit x ∈ A +B. Il existe u ∈ A = (VectA) et v ∈ B = (VectB) tels que x = u + v . Si y ∈VectA∩VectB, alors

⟨x | y⟩ = ⟨u | y⟩+⟨v | y⟩ = 0

d’où A+B ⊂ (VectA∩VectB)

6. Déjà fait plus haut.

7. Soit F un sous-espace de E. Si x ∈ F et y ∈ F sont tels que x + y = 0, alors

0 = ⟨x | x + y⟩ = ‖x‖2 +⟨x | y⟩︸ ︷︷ ︸=0

= ‖x‖2

et x est nul. Du coup, y aussi. Ceci prouve que F et F sont en somme directe.

Par définition même de F, les éléments de F sont orthogonaux à tous les éléments de F.Donc F ⊂ (F).

21

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

1.2.2 L’algorithme de Schmidt

L’algorithme de Schmidt est un outil fondamental pour construire une base orthonormée àpartir d’une famille libre. Comme son nom l’indique, c’est un algorithme : il fournit une méthodedéterministe de construction. Il suffit de suivre la preuve de la proposition suivante.

Théorème 1.2.7 (Théorème de Schmidt)Soient (E,⟨ | ⟩) un espace préhilbertien, n ∈ N? et (e1, . . . ,en) une famille libre de E. Il existe uneunique famille orthonormée (v1, . . . , vn) telle que

∀k ∈ [[1 ; n ]]

Vect (e1, . . . ,ek ) = Vect (v1, . . . , vk )

et ⟨ek | vk⟩ > 0

Preuve : On procède par récurrence sur le nombre de vecteurs. Si n ∈ N?, on note P(n) : « Soit(e1, . . . ,en) une famille libre de E. Il existe une unique famille orthonormée (v1, . . . , vn) telle que

∀k ∈ [[1 ; n ]]

Vect(e1, . . . ,ek ) = Vect(v1, . . . , vk )

et ⟨ek | vk⟩ > 0»

• P(1) est vraie : si (e1) est libre, alors e1 6= 0. Posons v1 = e1‖e1‖ de sorte que ‖v1‖ = 1 et

Vect v1 = Vecte1 et ⟨e1 | v1⟩ = ‖e1‖ > 0

Bien évidemment, v1 est le seul vecteur vérifiant ces propriétés.• Soit n ∈ N? tel que P(n) est vraie. Soit (e1, . . . ,en+1) une famille libre de E. D’après P(n),

il existe (v1, . . . , vn) orthonormée telle que

∀k ∈ [[1 ; n ]]

Vect(e1, . . . ,ek ) = Vect(v1, . . . , vk )

et ⟨ek | vk⟩ > 0

Il reste à trouver notre vn+1. Commençons par prendre des scalaires λ1, . . . ,λn et posons

u = en+1 +n∑

k=1λk vk

On a ∀i ∈ [[1 ; n ]] ⟨vi | u⟩ = ⟨vi | en+1⟩+n∑

k=1λk ⟨vi | vk⟩︸ ︷︷ ︸

=δi ,k

= ⟨vi | en+1⟩+λi

et on voit que (∀i ∈ [[1 ; n ]] u ⊥ vi ) ⇐⇒ (∀i ∈ [[1 ; n ]] λi =−⟨vi | en+1⟩)

Posons donc ∀i ∈ [[1 ; n ]] λi =−⟨vi | en+1⟩de sorte que (v1, . . . , vn ,u) est orthogonale. On a

u = en+1 +n∑

k=1λk vk en+1 = u −

n∑k=1

λk vk

et ⟨en+1 | u⟩ = ‖u‖2

Notons que u 6= 0, parce que en+1 n’est pas dans Vect(v1, . . . , vn) = Vect(e1, . . . ,en) et on peutposer vn+1 = u

‖u‖ . De cette manière, (v1, . . . , vn+1) est orthonormée et

∀k ∈ [[1 ; n +1]] Vect(v1, . . . , vk ) = Vect(e1, . . . ,ek )

22

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

Enfin ⟨en+1 | vn+1⟩ = 1

‖u‖ ⟨en+1 | u⟩ = ‖u‖ > 0

On a bien prouvé l’existence de la famille souhaitée. Prouvons son unicité.Soit (w1, . . . , wn+1) famille orthonormée telle que

∀k ∈ [[1 ; n +1]]

Vect(w1, . . . , wk ) = Vect(e1, . . . ,ek )et ⟨ek | wk⟩ > 0

D’après P(n), les familles (w1, . . . , wn) et (v1, . . . , vn) sont les mêmes. De plus,

wn+1 ∈ Vect(e1, . . . ,en+1) = Vect(v1, . . . , vn ,en+1)

donc il existe µ,µ1, . . . ,µn ∈K tels que

wn+1 =µen+1 +n∑

k=1µk vk

Le scalaireµ n’est pas nul, car (v1, . . . , vn , wn+1) est libre. Alors wn+1µ est orthogonal à v1, . . . , vn

et on a vu plus haut que

∀k ∈ [[1 ; n ]] µkµ =−⟨vk | en+1⟩ = λk

De ce fait, wn+1µ = u = ‖u‖vn+1 (?)

Enfin, 0 < ⟨en+1 | wn+1⟩ = ⟨en+1 | µ‖u‖vn+1⟩ =µ‖u‖⟨en+1 | vn+1⟩ =µ‖u‖2

d’où l’on déduit que µ> 0. Comme vn+1 et wn+1 sont de norme 1, la relation (?) fournit

1 = ‖wn+1‖ =∥∥µ‖u‖vn+1

∥∥=µ‖u‖On a bien wn+1 = vn+1. Ceci prouve P(n +1).

• Par récurrence, le théorème est démontré.

Insistons sur le fait que la preuve est constructive : si on a construit v1, . . . , vn , alors

vn+1 =en+1 −

n∑k=1

⟨vk | en+1⟩vk∥∥∥en+1 −n∑

k=1⟨vk | en+1⟩vk

∥∥∥ =en+1 −

n∑k=1

⟨vk | en+1⟩vk√‖en+1‖2 −

n∑k=1

∣∣⟨vk | en+1⟩∣∣2

Ceci étant dit, les calculs qu’on est amené à faire pour construire cette base orthonormée sontextrêmement fastidieux. Encore plus si le corps de base est C.

Exemple 1.2.8Nous ne ferons pas de calculs dans C, car nous ne sommes pas fous. Prenons le R-espace vectorielE =C ([0 ; 1],R), muni du produit scalaire

⟨ | ⟩ : ( f , g ) 7−→∫

[0 ;1]f g

Posons e0 : x 7−→ 1 e1 : x 7−→ x e2 : x 7−→ x2

et schmidtons la famille (e0,e1,e2).

• On a ‖e0‖2 =∫ 1

0dx = 1

et on pose donc v0 = e0

23

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

• Ensuite, v1 = e1 −⟨v0 | e1⟩v0√‖e1‖2 −|⟨v0 | e1⟩|2

On calcule donc ⟨v0 | e1⟩ =∫ 1

0x dx = 1

2|⟨v0 | e1⟩|2 = 1

4

‖e1‖2 =∫ 1

0x2 dx = 1

3‖e1‖2 −|⟨v0 | e1⟩|2 = 1

12

puis ∀x ∈ [0 ; 1] e1(x)−⟨v0 | e1⟩v0(x) = x − 1

2

et ∀x ∈ [0 ; 1] v1(x) = 2p

3(x − 1

2

)• Ensuite, v2 = e2 −⟨v0 | e2⟩v0 −⟨v1 | e2⟩v1

‖e2‖2 −|⟨v0 | e2⟩|2 −|⟨v1 | e2⟩|2

On calcule ⟨v0 | e2⟩ =∫ 1

0x2 dx = 1

3|⟨v0 | e2⟩|2 = 1

9

⟨v1 | e2⟩ = 2p

3∫ 1

0

(x − 1

2

)x2 dx =

p3

6|⟨v1 | e2⟩|2 = 1

12

‖e2‖2 =∫ 1

0x4 dx = 1

5‖e2‖2 −|⟨v0 | e2⟩|2 −|⟨v1 | e2⟩|2 = 1

36×5

Puis ∀x ∈ [0 ; 1] e2(x)−⟨v0 | e2⟩v0(x)−⟨v1 | e2⟩v1(x) = x2 −x + 1

6

d’où ∀x ∈ [0 ; 1] v2(x) = 6p

5(x2 −x + 1

6

)Corollaire 1.2.9Soient (E,⟨ | ⟩) un espace préhilbertien réel et F un sous-espace de dimension finie n ∈ N?. Alors Fadmet des bases orthonormées. De plus, si (e1, . . . ,en) est une base orthonormée de F,

∀x ∈ F x =n∑

k=1⟨ek | x⟩ek

Preuve : Le théorème de Schmidt assure l’existence de bases orthonormées. Si (e1, . . . ,en) est l’uned’elles, on considère l’application :

f : F −→ F

x 7−→n∑

k=1⟨ek | x⟩ek

Elle est clairement linéaire, parce que le produit scalaire est linéaire par rapport à la deuxièmevariable. En outre, la famille (e1, . . . ,en) étant orthonormée,

∀ j ∈ [[1 ; n ]] f (e j ) =n∑

k=1⟨ek | e j ⟩︸ ︷︷ ︸

=δi , j

ek = e j

Donc f est un endomorphisme de F, qui fixe une base : c’est l’identité et

∀x ∈ F x = f (x) =n∑

k=1⟨ek | x⟩ek

24

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

1.2.3 Projection orthogonale sur un sous-espace

L’existence de bases orthonormées pour les sous-espaces de dimension finie est fondamen-tale, et riche de conséquences. L’une des premières applications est l’existence d’une projectionorthogonale sur un sous-espace de dimension finie F. Il s’agit de l’unique projection p sur F quiminimise la distance entre un point x et son projeté px.

Proposition 1.2.10Soient (E,⟨ | ⟩) préhilbertien et F un sous-espace de dimension finie, non nulle.

• Si x ∈ E, il existe un unique pFx ∈ F, appelé projeté orthogonal de x sur F, tel que

‖x −pFx‖ = Infz∈F

‖x − z‖

De plus, x −pFx ∈ F et ‖pFx‖6 ‖x‖avec égalité si, et seulement si, x ∈ F.

• Si on note n la dimension de F, et (e1, . . . ,en) une base orthonormée de F, alors

∀x ∈ E pFx =n∑

k=1⟨ek | x⟩ek

• pF est la projection sur F parallèlement à F, et on l’appelle projection orthogonale sur F.

Preuve : Soient n = dimF et (e1, . . . ,en) une base orthonormée de F. Posons

∀x ∈ E px =n∑

k=1⟨ek | x⟩ek

Il est clair que p est linéaire, à valeurs dans F, parce que le produit scalaire est linéaire par rapportà la deuxième variable. Et d’après le corollaire 2.9,

∀x ∈ F px = x

Du coup, ∀x ∈ E p2x = p( px︸︷︷︸∈F

) = px

et p est un projecteur d’image F. En outre, parce que (e1, . . . ,en) est libre,

∀x ∈ E px = 0 ⇐⇒ (∀k ∈ [[1 ; n ]] ⟨ek | x⟩ = 0)

⇐⇒ (∀k ∈ [[1 ; n ]] x ⊥ ek )

⇐⇒ x ∈ e1, . . . ,en

⇐⇒ x ∈ F

Ainsi, Ker f = F⊥ Im f = F

Soit x ∈ E. Comme p(x −px) = px −p2x = 0, x −px est dans F. D’après Pythagore,

‖x‖2 = ‖x −px︸ ︷︷ ︸∈F

+ px︸︷︷︸∈F

‖2 = ‖x −px‖2 +‖px‖2> ‖px‖2

d’où ‖px‖6 ‖x‖En outre, ce calcul montre que

25

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

(‖px‖ = ‖x‖) ⇐⇒ (‖x −px‖2 = 0) ⇐⇒ px = x ⇐⇒ x ∈ F

Prouvons la propriété de minimalité. C’est simple :

∀z ∈ F ‖x − z‖2 = ‖x −px︸ ︷︷ ︸∈F

+px − z︸ ︷︷ ︸∈F

‖2 = ‖x −px‖2 +‖px − z‖2> ‖x −px‖2

Ainsi, ∀z ∈ F ‖x −px‖6 ‖x − z‖

donc ‖x −px‖6 Infz∈F

‖x − z‖Mais px est dans F, donc l’infimum est atteint.

Enfin, on montre que px est l’unique vecteur de F qui réalise l’infimum. Soit u ∈ F tel que

∀z ∈ F ‖x −u‖6 ‖x − z‖

Alors ‖x −u‖2 = ‖x −px︸ ︷︷ ︸∈F

+px −u︸ ︷︷ ︸∈F

‖2 = ‖x −px‖2 +‖px −u‖2

D’autre part, ‖x −u‖26 ‖x −px‖2 par définition de u. Il s’ensuit ‖px −u‖26 0. Donc px = u.

Corollaire 1.2.11Soient (E,⟨ | ⟩) préhilbertien et F un sous-espace de dimension finie, non nulle. Alors F est un sup-plémentaire de F. De plus,

(F) = F ((F)) = F

et ∀x, y ∈ E ⟨pFx | y⟩ = ⟨x | pF y⟩

Preuve : D’après la proposition précédente, pF est un projecteur de noyau F et d’image F. DoncF⊕F = E. On sait déjà que F ⊂ (F). Réciproquement, soit x ∈ (F) ; on a vu que x−pFx ∈ F donc⟨x | x −pFx⟩ = 0. En outre,

‖x −pFx‖2 = ⟨x −pFx | x −pFx⟩ = ⟨x | x −pFx⟩︸ ︷︷ ︸=0

+⟨pFx︸︷︷︸∈F

| x −pFx︸ ︷︷ ︸∈F

⟩ = 0

Il vient x = pFx et x est dans F. Ce qui prouve F = (F), puis F = ((F)).

Soient x et y dans E. On a

pFx =n∑

k=1⟨ek | x⟩ek ⟨pFx | y⟩ =

n∑k=1

⟨ek | x⟩⟨ek | y⟩

et pF y =n∑

k=1⟨ek | y⟩ek ⟨x | pF y⟩ =

n∑k=1

⟨ek | y⟩⟨x | ek⟩ = ⟨pFx | y⟩

Exemple 1.2.12Soit n ∈N. Supposons qu’on cherche à calculer

m = Infa,b,c∈R

∫ 1

0(xn +a +bx + cx2)2 dx

Si on a beaucoup de courage, on peut étudier la fonction f définie par

∀a,b,c ∈R f (a,b,c) =∫ 1

0(xn +a +bx + cx2)2 dx

26

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

On calcule les dérivées partielles, on cherche où elles s’annulent, et on s’amuse beaucoup.On peut aussi mettre à contribution les calculs de base orthonormée déjà faits dans l’exemple 2.8. On

garde les mêmes notations (espace E et sa structure préhilbertienne) et on pose

F = Vect(e0,e1,e2) f : x 7−→ xn

alors m = Infg∈F

‖ f − g‖2

D’après le théorème de projection orthogonale, ce minimum est atteint en pF f et uniquement en ce point :

m = ‖ f −pF f ‖2 = ‖ f ‖2 −‖pF f ‖2

Puisqu’on a une base orthonormée (v0, v1, v2) de F,

pF f = ⟨v0 | f ⟩v0 +⟨v1 | f ⟩v1 +⟨v2 | f ⟩v2

‖pF f ‖2 = |⟨v0 | f ⟩|2 +|⟨v1 | f ⟩|2 +|⟨v2 | f ⟩|2On calcule simplement ces produits scalaires :

⟨v0 | f ⟩ =∫ 1

0xn dx = 1

n +1

⟨v1 | f ⟩ = 2p

3∫ 1

0

(x − 1

2

)xn dx =p

3( 2

n +2− 1

n +1

)⟨v2 | f ⟩ = 6

p5∫ 1

0

(x2 −x + 1

6

)xn dx =p

5( 6

n +3− 6

n +2+ 1

n +1

)‖ f ‖2 =

∫ 1

0x2n dx = 1

2n +1ce qui permet d’obtenir m et pF. La suite du calcul n’est pas très intéressante ; mais il convient de vérifierque m = 0 si n ∈ 0 ; 1 ; 2.

1.2.4 Résumé en dimension finie

On peut rassembler tous les résultats précédents pour les appliquer en dimension finie. Soit(E,⟨ | ⟩) un espace préhilbertien de dimension finie (non nulle, évidemment). D’après tout ce quiprécède, si n = dimE, alors :

• E a des bases orthonormées.• Si B = (e1, . . . ,en) est une base orthonormée, alors

∀x ∈ E x =n∑

k=1⟨ek | x⟩ek

‖x‖2 =n∑

k=1

∣∣⟨ek | x⟩∣∣2

∀x, y ∈ E ⟨x | y⟩ =n∑

k=1⟨ek | x⟩⟨ek | y⟩ =

n∑k=1

⟨x | ek⟩⟨ek | y⟩

• Si F est un sous-espace de E, alors F⊥⊕F = E et F = F. En supposant que p = dimF n’est pas

nulle et que (u1, . . . ,up ) est une base de F, alors

∀x ∈ E pFx =p∑

k=1⟨uk | x⟩uk

• Si p ∈ [[1 ; n−1]] et (u1, . . . ,up ) est une famille orthonormée, on peut la compléter en une baseorthonormée (u1, . . . ,un) de E : il suffit de prendre une base orthonormée de u1, . . . ,up .

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

1.3 Automorphismes orthogonaux

Les automorphismes orthogonaux sont définis géométriquement : ce sont les applications li-néaires qui préservent les distances sur E. Précisons notre pensée :

Définition 1.3.1Soit f une application de E dans lui-même. On dit que

• f préserve les distances si, et seulement si,

∀x, y ∈ E ‖ f (x)− f (y)‖ = ‖x − y‖• f préserve le produit scalaire si, et seulement si,

∀x, y ∈ E ⟨ f (x) | f (y)⟩ = ⟨x | y⟩• f préserve la norme si, et seulement si,

∀x ∈ E ‖ f (x)‖ = ‖x‖

Ces notions sont liées entre elles. Mais on va commencer ici à voir une différence entre lesespaces euclidiens et hermitiens.

Lemme 1.3.2 (Automorphismes orthogonaux, cas euclidien)Soit (E,⟨ | ⟩) euclidien, de dimension n ∈N?. Soit f : E −→ E une application. Les assertions suivantessont équivalentes :

1. f préserve les distances et f (0) = 0 ;

2. f préserve le produit scalaire ;

3. f est linéaire et transforme toute famille orthonormée en famille orthonormée ;

4. f est linéaire et il existe une base orthonormée (e1, . . . ,en) telle que ( f (e1), . . . , f (en)) est ortho-normée ;

5. f est linéaire et préserve la norme.

Si f satisfait ces propriétés, c’est un automorphisme de E, appelé automorphisme orthogonal.

Preuve : Dans l’ordre.

1. Supposons que f préserve les distances et f (0) = 0. Alors

∀x ∈ E ‖ f (x)‖ = ‖ f (x)− f (0)‖ = ‖x −0‖ = ‖x‖

Par suite, ∀x, y ∈ E ‖ f (x)− f (y)‖2 = ‖ f (x)‖2 +‖ f (y)‖2 −2⟨ f (x) | f (y)⟩

= ‖x‖2 +‖y‖2 −2⟨ f (x) | f (y)⟩

D’autre part, ∀x, y ∈ E ‖ f (x)− f (y)‖2 = ‖x − y‖2 = ‖x‖2 +‖y‖2 −2⟨x | y⟩

et ∀x, y ∈ E ⟨ f (x) | f (y)⟩ = ⟨x | y⟩

28

Page 29: Chapitre 1 Espaces Préhilbertiens - Crans

Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

2. Supposons que f préserve le produit scalaire. Commençons par prouver que f est linéaire.Soient x et y dans E ; on développe par bilinéarité :

‖ f (x + y)− f (x)− f (y)‖2 = ‖ f (x + y)‖2 +‖ f (x)‖2 +‖ f (y)‖2

−2⟨ f (x + y) | f (x)⟩+2⟨ f (x) | f (y)⟩−⟨ f (x + y) | f (y)⟩Comme f préserve le produit scalaire, on peut « faire sauter » tous les « f » dans l’expressionde droite :

‖ f (x + y)− f (x)− f (y)‖2 = ‖x + y‖2 +‖x‖2 +‖y‖2 −2⟨x + y | x⟩+2⟨x | y⟩−2⟨x + y | y⟩Et on reconnaît à droite le développement de ‖x+ y −x− y‖2 = 0. Alors f (x+ y)− f (x)− f (y)est nul, parce que le produit scalaire est défini. Donc

∀x, y ∈ E f (x + y) = f (x)+ f (y)

De la même manière, on prouve que

∀x ∈ E ∀λ ∈R ‖ f (λx)−λ f (x)‖2 = 0

et f est bien linéaire.

Soient p ∈ [[1 ; n ]] et (e1, . . . ,ep ) une famille orthonormée quelconque de E. Comme f pré-serve le produit scalaire,

∀i , j ∈ [[1 ; p ]] ⟨ f (ei ) | f (e j )⟩ = ⟨ei | e j ⟩Donc ( f (e1), . . . , f (ep )) est orthonormée.

3. Il est trivial que (3) =⇒ (4). En outre, f est clairement un automorphisme, puisqu’il trans-forme une base en une base.

4. Supposons f est linéaire et il existe (e1, . . . ,en) base orthonormée telle que ( f (e1), . . . , f (en))est aussi une base orthonormée. Soit x ∈ E. Comme (e1, . . . ,en) est une base orthonormée etf est linéaire,

x =n∑

k=1⟨ek | x⟩ek f (x) =

n∑k=1

⟨ek | x⟩ f (ek )

Mais ( f (e1), . . . , f (en)) est orthonormée donc

‖ f (x)‖2 =n∑

k=1⟨ek | x⟩2 = ‖x‖2

f préserve la norme.

5. Supposons que f est linéaire et préserve la norme. Alors f (0) = 0 et f préserve les distances :

∀x, y ∈ E ‖ f (x)− f (y)‖ = ‖ f (x − y)‖ = ‖x − y‖

Ce théorème est remarquable, puisque le seul fait de préserver le produit scalaire, ou de préser-ver les distances et s’annuler en 0, implique automatiquement la linéarité. Dans le cas complexe,les choses sont moins jolies. On peut s’en convaincre sur un exemple simple :

∀x ∈C2 f (x) =[

x1

x2

]Alors f (0) = 0 et f préserve les distances :

29

Page 30: Chapitre 1 Espaces Préhilbertiens - Crans

Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

∀x, y ∈C2 f (x)− f (y) =[

x1 − y1

x2 − y2

]

et ∀x, y ∈C2 ‖ f (x)− f (y)‖2 = |x1 − y1|2 +|x2 − y2|2 = ‖x − y‖2

Mais f n’est pas linéaire. En fait, on a

Lemme 1.3.3 (Automorphismes orthogonaux, cas hermitien)Soit E un espace hermitien de dimension n ∈ N?. Soit f : E −→ E une application. Les assertionssuivantes sont équivalentes :

1. f préserve le produit scalaire ;

2. f est linéaire et transforme toute famille orthonormée en famille orthonormée ;

3. f est linéaire et transforme une base orthonormée en base orthonormée ;

4. f est linéaire et préserve la norme.

Si f satisfait une de ces propriétés, c’est un automorphisme de E appelé automorphisme orthogonalou unitaire.

Preuve : C’est presque la même chose que dans le cas euclidien, avec plus de calculs à certainsendroits.

1. Supposons que f préserve le produit scalaire. Montrons d’abord que f est linéaire. Soient xet y dans E :

‖ f (x + y)− f (x)− f (y)‖2 = ‖ f (x + y)‖2 +‖ f (x)‖2 +‖ f (y)‖2

−2Re⟨ f (x + y) | f (x)⟩+2Re⟨ f (x) | f (y)⟩−2Re⟨ f (x + y) | f (y)⟩Comme f préserve le produit scalaire, tous les « f » disparaissent et il reste à droite le déve-loppement de ‖x + y −x − y‖2, qui est nul. Donc

∀x, y ∈ E f (x + y) = f (x)+ f (y)

Par un calcul similaire, ∀x ∈ E ∀λ ∈C f (λx) = λ f (x)

Ensuite, comme f préserve le produit scalaire, elle transforme les familles orthonormées enfamilles orthonormées.

2. Si (2) est vraie, (3) est clairement vraie. Et dans ce cas, f transforme une base en base, doncc’est un automorphisme de E.

3. Supposons que f est linéaire et transforme une base orthonormée (e1, . . . ,en) en base ortho-normée. Soit x ∈ E, qu’on décompose dans (e1, . . . ,en) :

x =n∑

k=1⟨ek | x⟩ek f (x) =

n∑k=1

⟨ek | x⟩ f (ek )

Mais ( f (e1), . . . , f (en)) est orthonormée donc

‖ f (x)‖2 =n∑

k=1

∣∣⟨ek | x⟩∣∣2 = ‖x‖2

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Page 31: Chapitre 1 Espaces Préhilbertiens - Crans

Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

4. Si f est linéaire et préserve la norme : soient x et y dans E. On a

‖ f (x)+ f (y)‖2 = ‖ f (x + y)‖2 = ‖x + y‖2

‖ f (x)− f (y)‖2 = ‖ f (x − y)‖2 = ‖x − y‖2

‖ f (x)+ i f (y)‖2 = ‖ f (x + i y)‖2 = ‖x + i y‖2

‖ f (x)− i f (y)‖2 = ‖ f (x − i y)‖2 = ‖x − iy‖2

D’après l’identité de polarisation (proposition 1.33),

⟨ f (x) | f (y)⟩ = ⟨x | y⟩

Définition 1.3.4 (Groupe orthogonal)Soit E euclidien. L’ensemble des automorphismes orthogonaux de E est appelé groupe orthogonalde E. On le note O(E).

Définition 1.3.5 (Groupe unitaire)On suppose E hermitien. L’ensemble des automorphismes unitaires de E est appelé groupe unitairede E. On le note U (E).

Les deux propositions suivantes sont triviales, d’après les conditions équivalentes des lemmes 3.3et 3.4.

Proposition 1.3.6Soit E euclidien. O(E) est un sous-groupe de G L (E).

Proposition 1.3.7Soit E hermitien. U (E) est un sous-groupe de G L (E).

On s’intéresse maintenant aux matrices (dans une bonne base) des automorphismes orthogo-naux ou unitaires.

Définition 1.3.8 (Matrices orthogonales)Soient n ∈N? et M ∈ Mn(R). On dit que M est orthogonale si, et seulement si, tMM = In. L’ensembledes matrices n ×n orthogonales est noté On(R).

Définition 1.3.9 (Matrices unitaires)Soient n ∈N? et M ∈ Mn(C). On dit que M est unitaire si, et seulement si, M?M = In. L’ensembledes matrices n ×n unitaires est noté Un(C).

Proposition 1.3.10 (Caractérisation des matrices orthogonales)Soient n ∈N? et M ∈ Mn(R). Les assertions suivantes sont équivalentes :

1. M ∈ On(R) ;

2. tM ∈ On(R) ;

3. Les colonnes de M forment une base orthonormée de Rn pour le produit scalaire canonique ;

4. Les lignes de M forment une base orthonormée de Rn pour le produit scalaire canonique.

De plus, si M ∈ On(R), alors detM ∈ ±1. Enfin, On(R) est un sous-groupe de GLn(R).

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Page 32: Chapitre 1 Espaces Préhilbertiens - Crans

Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

Preuve : Soit M ∈ Mn(R). Comme une matrice carrée est inversible à gauche si, et seulement si, elleest inversible à droite (et dans ce cas, l’inverse à gauche et à droite sont les mêmes),

M ∈ On(R) ⇐⇒ tMM = In ⇐⇒ M tM = In ⇐⇒ tM ∈ On(R)

D’autre part, en regardant coefficient par coefficient,

M ∈ On(R) ⇐⇒ (∀i , j ∈ [[1 ; n ]] (tMM)i , j = δi , j )

⇐⇒ (∀i , j ∈ [[1 ; n ]]n∑

k=1Mk,i Mk, j = δi , j )

⇐⇒ (∀i , j ∈ [[1 ; n ]] ⟨Ci | C j ⟩n = δi , j )

⇐⇒ ((C1, . . . ,Cn) est une base orthonormée de Rn)

En transposant, on obtient la condition sur les vecteurs lignes. Si M ∈ On(R), alors det(tMM) = 1.Mais ce déterminant vaut aussi (detM)2. Comme le déterminant de M est réel, il vaut 1 ou −1.

Enfin, prouvons que On(R) est un sous-groupe de GLn(R). Il n’est pas vide car contient In .Soient M et N dans On(R). Alors

tM = M−1 tN = N−1

donc (MN−1)−1 = NM−1 = N tM = t(M tN) = t(MN−1)

Ceci prouve que MN−1 ∈ On(R).

On a une proposition similaire pour les matrices unitaires :

Proposition 1.3.11Soient n ∈N? et M ∈ Mn(C). Les assertions suivantes sont équivalentes :

1. M ∈ Un(R) ;

2. tM ∈ Un(R) ;

3. Les colonnes de M forment une base orthonormée de Cn pour le produit scalaire canonique ;

4. Les lignes de M forment une base orthonormée de Cn pour le produit scalaire canonique.

De plus, Un(C) est un sous-groupe de GLn(C) et si M ∈ Un(C), alors |detM| = 1.

Preuve : C’est quasiment la même chose, modulo quelques conjugués. Soit M ∈ Mn(C) ; M estinversible à gauche si, et seulement si elle est invesible à droite (et les inverses sont les mêmes)donc

M ∈ Un(C) ⇐⇒ tMM = In ⇐⇒ M tM = In ⇐⇒ M tM = In ⇐⇒ tM ∈ Un(C)

Ensuite, on regarde coefficient par coefficient :

M ∈ Un(C) ⇐⇒ (∀i , j ∈ [[1 ; n ]] (tMM)i , j = δi , j )

⇐⇒(∀i , j ∈ [[1 ; n ]]

n∑k=1

Mk,i Mk, j = δi , j

)⇐⇒ (∀i , j ∈ [[1 ; n ]] ⟨Ci | C j ⟩n = δi , j )

⇐⇒ ((C1, . . . ,Cn) est une base orthonormée de Cn

)On transpose pour obtenir la condition sur les vecteurs lignes. De plus, si M ∈ Un(C),

1 = det(M?M) = (det tM)(detM) = |detM|2

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

de sorte que |detM| = 1.

Enfin, soient M et N dans Un(C) (non vide, contient In). Par définition,

M−1 = M? N−1 = N?

Alors (MN−1)−1 = NM−1 = NM? = (MN?)? = (MN−1)?

et MN−1 ∈ Un(C) : c’est un sous-groupe de GLn(C).

Bien évidemment, ces deux groupes sont reliés aux automorphismes orthogonaux et unitaires :

Théorème 1.3.12Soit (E,⟨ | ⟩) euclidien, de dimension n ∈ N?. Soient f ∈ L (E) et B une base orthonormée de E.Alors f ∈O(E) si, et seulement si, MatB f ∈ On(R). L’application MatB induit un automorphisme degroupes de O(E) sur On(R).

Preuve : Notons B = (e1, . . . ,en) notre base orthonormée, et M = (mi , j )16i6n16 j6n

la matrice de f dans

B. Ses colonnes sont notées C1, . . . ,Cn . Par définition,

∀ j ∈ [[1 ; n ]] f (e j ) =n∑

k=1mk, j ek

Comme (e1, . . . ,en) est orthonormée, la relation de Pythagore assure

∀i , j ∈ [[1 ; n ]] ⟨ f (ei ) | f (e j )⟩ =n∑

k=1mk,i mk, j = ⟨Ci | C j ⟩n

D’après le lemme 3.2,

f ∈O(E) ⇐⇒ ( f (e1), . . . , f (en)) orthonormée⇐⇒ (C1, . . . ,Cn) orthonormée dans Rn

⇐⇒ M ∈ On(R)

On sait déjà que MatB induit un morphisme de groupes de G L (E) sur GLn(C). L’équivalenceprécédente prouve ensuite qu’elle induit aussi un morphisme de groupes de O(E) sur On(R).

On a exactement le même théorème pour les automorphismes unitaires et le groupe unitaire,dans le cas complexe.

Théorème 1.3.13Soit (E,⟨ | ⟩) hermitien, de dimension n ∈ N?. Soient f ∈ L (E) et B une base orthonormée de E.Alors f ∈ U (E) si, et seulement si, MatB f ∈ Un(C). L’application MatB induit un automorphismede groupes de U (E) sur Un(C).

Preuve : Identique à la preuve précédente ; on n’oubliera pas qu’il y a des conjugués lorsqu’onutilise la relation de Pythagore.

Corollaire 1.3.14Soit (E,⟨ | ⟩) euclidien. Soient B et B′ deux bases de E, avec B orthonormée. On note P la matricede passage de B vers B′. Alors B′ est orthonormée si, et seulement si, P ∈ On(R).

Preuve : Posons n = dimE B = (e1, . . . ,en) B′ = (e ′1, . . . ,e ′

n)

On note aussi f l’unique endomorphisme de E tel que

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

∀i ∈ [[1 ; n ]] f (ei ) = e ′i

Alors P = PB′B = [

[e ′1]B · · · [e ′

n]B]= MatB f

D’après le lemme 3.2 et le théorème 3.12,

B′ orthonormée ⇐⇒ ( f (e1), . . . , f (en)) orthonormée

⇐⇒ f ∈O(E)

⇐⇒ P ∈ On(R)

De même, on prouve le

Corollaire 1.3.15Soit (E,⟨ | ⟩) hermitien. Soient B et B′ deux bases de E, avec B orthonormée. On note P la matricede passage de B vers B′. Alors B′ est orthonormée si, et seulement si, P ∈ Un(C).

Ainsi, les changements de bases orthonormée dans un espace préhilbertien de dimension finiesont particulièrement intéressants : si P est la matrice de passage, son inverse est simplement tPou tP, suivant que le corps est R ou C.

L’étude générale des automorphismes unitaires s’arrête ici. Dans un prochain paragraphe, ons’intéressera particulièrement aux automorphismes orthogonaux, et on construira la géométrieeuclidienne en dimension 2 et 3.

1.4 Adjoint d’un endomorphisme

1.4.1 Isomorphisme canonique entre E et E?

On aborde maintenant la partie vraiment intéressante (et nouvelle) du cours. Une propriétéfondamentale des espaces préhilbertiens de dimension finie est l’existence d’un isomorphismenaturel entre l’espace et son dual.

Lemme 1.4.1Soit (E,⟨ | ⟩) euclidien (resp. hermitien). On pose

∀x ∈ E x? : E −→K

y 7−→ ⟨x | y⟩L’application ? est linéaire (resp. semi-linéaire) de E sur E?, bijective. En particulier,

∀ϕ ∈ E? ∃! x ∈ E (∀y ∈ E ϕ(y) = ⟨x | y⟩)

Preuve : Si x ∈ E, l’application x? : y 7−→ ⟨x | y⟩ est linéaire parce que le produit scalaire est linéairepar rapport à la deuxième variable. Donc x? ∈ E? et ? est une application de E dans E?.

Montrons qu’elle est linéaire/semi-linéaire, suivant que K est R ou C. Soient x, y ∈ E et λ ∈K.On a

∀z ∈ E (λx + y)?(z) = ⟨λx + y | z⟩ = λ⟨x | z⟩+⟨y | z⟩ = λx?(z)+ y?(z)

ce qui prouve bien (λx + y)? = λx?+ y?

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

Enfin, comme E et E? ont la même dimension, parce que E est de dimension finie, montrer labijectivité équivaut à montrer l’injectivité. Mais celle-ci est gratuite : en effet, si x ∈ Ker?,

∀y ∈ E 0 = x?(y) = ⟨x | y⟩Le produit scalaire est non-dégénéré donc x = 0.

Commençons par regarder ce que fait ? dans le cas des espaces Rn et Cn , munis de leur struc-ture euclidienne canonique. La base canonique est notée Bc = (e1, . . . ,en) dans chaque cas.

• Cas réel : soit x ∈Rn . On a

∀y ∈Rn x?(y) = ⟨x | y⟩n =n∑

k=1xk yk = tx y

Par suite, MatBc x? = [x1 · · · xn

]= tx

Mais compte-tenu de l’isomorphisme canonique entre M1,n(R) et L (Rn ,R) = (Rn)?, on adécidé d’identifier une matrice A ∈ M1,n(R) avec l’application y 7−→ Ay . On peut donc écrireque x? = tx.

• Cas complexe : soit x ∈Cn . On a

∀y ∈Cn x?(y) = ⟨x | y⟩ =n∑

k=1xk yk = tx y

Ce qui permet de dire (toujours compte-tenu de l’identification entre matrices complexesn ×1 et formes linéaires sur Cn) que x? = tx = x?.Du coup, ? = ?. On notera que cette égalité utilise deux « ? » différents : il s’agit respective-ment de

? : Cn 7−→ (Cn)?

x 7−→ x? : y 7−→ ⟨x | y⟩? : Cn 7−→ M1,n(C)

x 7−→ tx

Évidemment, rigoureusement, ces deux applications ne sont pas les mêmes. Mais aprèsavoir identifié M1,n(C) et (Cn)?, elles deviennent la même application :

∀x, y ∈Cn x?(y) = x? · y

1.4.2 L’adjoint

L’existence de cette application ? : E −→ E?, et surtout sa bijectivité, nous permettent alorsd’associer naturellement un endomorphisme f ? à tout endomorphisme f de E, de la manièresuivante :

Théorème 1.4.2 (Adjoint d’un endomorphisme)Soit (E,⟨ | ⟩) préhilbertien, de dimension finie non nulle. Si f ∈L (E), il existe un unique f ? ∈L (E),tel que

∀x, y ∈ E ⟨ f ?(x) | y⟩ = ⟨x | f (y)⟩f ? est appelé l’adjoint de f . La définition est parfaitement symétrique, c’est-à-dire que

∀x, y ∈ E ⟨ f (x) | y⟩ = ⟨x | f ?(y)⟩

Preuve : On construit f ? point-par-point. Soit x ∈ E. L’application y⟨x | f (y)⟩ est linéaire sur E ;d’après le lemme 4.1, il existe un (unique) vecteur de E, noté f ?(x), tel que

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Page 36: Chapitre 1 Espaces Préhilbertiens - Crans

Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

∀y ∈ E ⟨x | f (y)⟩ = ⟨ f ?(x) | y⟩Ceci étant fait pour tout x ∈ E, on a bien défini f ? : E −→ E ; et par définition,

∀x, y ∈ E ⟨ f ?(x) | y⟩ = ⟨x | f (y)⟩Soit g : E −→ E une application telle que

∀x, y ∈ E ⟨g (x) | y⟩ = ⟨x | f (y)⟩

Alors ∀x ∈ E (∀y ∈ E ⟨ f ?(x)− g (x) |y⟩ = 0)

Le produit scalaire étant non-dégénéré,

∀x ∈ E f ?(x) = g (x)

d’où g = f ?. Ceci assure l’unicité de f ?.

Enfin, prouvons que f ? est linéaire : soient x et y dans E, soit λ ∈K. Alors

∀z ∈ E ⟨ f ?(λx + y) | z⟩ = ⟨λx + y | f (z)⟩ = λ⟨x | f (z)⟩+⟨y | f (z)⟩= λ⟨ f ?(x) | z⟩+⟨ f ?(y) | z⟩= λ f ?(x)+ f ?(y) | z⟩

et finalement, ∀z ∈ E ⟨ f ?(λx + y)−λ f (x)− f (y) | z⟩ = 0

À nouveau, la non-dégénérescence du produit scalaire assure

f ?(λx + y) = λ f ?(x)+ f ?(y)

L’application f ? est linéaire.

Enfin, prouvons la dernière relation :

∀x, y ∈ E ⟨ f (x) | y⟩ = ⟨y | f (x)⟩ = ⟨ f ?(y) | x⟩ = ⟨x | f ?(y)⟩

La preuve précédente a le mérite d’être claire ; mais elle est beaucoup plus longue que néces-saire, car on re-démontre des choses déjà connues. Tout peut être obtenu en une seule étape. Poursimplifier, on note

Φ : E −→ E?

x 7−→ x?

Φ est un isomorphisme de E dans E (cas réel) ou de E dans E? (cas complexe). Soient f et g deuxapplications de E dans F, avec f linéaire. On a

∀x, y ∈ E

⟨g (x) | y⟩ = [Φ(g (x))

](y) = [

(Φ g )(x)](y)

⟨x | f (y)⟩ = (Φ(x))( f (y)) = [(Φ(x)) f

](y)

donc∀x, y ∈ E ⟨g (x) | y⟩ = ⟨x | f (y)⟩

⇐⇒

∀x ∈ E (∀y ∈ E

[(Φ g )(x)

](y) = [

(Φ(x)) f](y))

⇐⇒ ∀x ∈ E (Φ g )(x) = (Φ(x)) f

⇐⇒ ∀x ∈ E g (x) =Φ−1

(Φ(x) f

)On pose alors ∀x ∈ E f ?(x) =Φ−1

(Φ(x) f

)

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Page 37: Chapitre 1 Espaces Préhilbertiens - Crans

Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

Les équivalences précédentes prouvent que f ? est l’unique application de E dans E telle que

∀x, y ∈ E ⟨ f ?(x) | y⟩ = ⟨x | f (y)⟩La linéarité de f ? est aussi facile à voir parce que

Φ ∈L (E,E?) Φ−1 ∈L (E?,E)

Ceci montre aussi que f 7−→ f ? est linéaire/semi-linéaire (suivant que E est euclidien ou her-mitien), parce que Φ−1 est semi-linéaire. On peut également le prouver de manière plus concrète,mais moins élégante :

Proposition 1.4.3Soit (E,⟨ | ⟩) euclidien (resp. hermitien). L’application L (E) −→ L (E)

f 7−→ f ?est un automorphisme (resp.

semi-automorphisme) d’espaces vectoriels. De plus,

∀ f ∈L (E) f ?? = f

Preuve : Soient f et g deux endomorphismes de E et λ ∈K. Soit x ∈ E :

∀y ∈ E ⟨(λ f + g )?(x) | y⟩ = ⟨x | (λ f + g )(y)⟩ = λ⟨x | f (y)⟩+⟨x | g (y)⟩= λ⟨ f ?(x) | y⟩+⟨g?(x) | y⟩= ⟨λ f ?(x)+ g?(x) | y⟩

⟨(λ f + g )?(x) | y⟩ = ⟨(λ f ?+ g?)(x) | y⟩Comme le produit scalaire est non-dégénéré,

(λ f + g )?(x) = (λ f ?+ g?)(x)

Mais x est quelconque dans E donc (λ f + g )? = λ f ?+ g?.

Montrons maintenant que ? est une involution de L (E) ; ceci suffira à prouver qu’elle est bi-jective. Soit f ∈L (E). Par définition de l’adjoint,

∀x, y ∈ E ⟨ f ??(x) | y⟩ = ⟨x | f ?(y)⟩ = ⟨ f ?(y) | x⟩= ⟨y | f (x)⟩ = ⟨ f (x) | y⟩

À nouveau, le produit scalaire est non dégénéré donc f ?? = f .

Naturellement, après avoir défini f ? (de manière assez abstraite), on peut se demander s’il ya une relation « plus simple » entre f et f ?. La réponse est positive si on adopte un point de vuematriciel :

Proposition 1.4.4Soient (E,⟨ | ⟩) euclidien (resp. hermitien), rapporté à une base orthonormée B, et f ∈L (E). Alors

MatB f ? = tMatB f (resp. tMatB f )

Preuve : C’est très facile, il suffit de suivre les définitions, en calculant les images par f ? desvecteurs de base. On note n ∈ N? la dimension de E et B = (e1, . . . ,en) notre base orthonormée.Comme elle est orthonormée,

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

∀ j ∈ [[1 ; n ]] f ?(e j ) =n∑

k=1⟨ek | f ?(e j )⟩ek =

n∑k=1

⟨ f ?(e j ) | ek⟩ek

=n∑

k=1⟨e j | f (ek )⟩ek

et ∀ j ∈ [[1 ; n ]] f (e j ) =n∑

k=1⟨ek | f (e j )ek

En notant ∀i , j ∈ [[1 ; n ]] ui , j = (MatB f )i , j vi , j = (MatB f ?)i , j

les relations précédentes (et la définition de la matrice d’un endomorphisme dans B) prouvent

∀k, j ∈ [[1 ; n ]] v j ,k = ⟨e j | f (ek )⟩ u j ,k = ⟨ek | f (e j )⟩

Autrement dit, ∀ j ,k ∈ [[1 ; n ]] v j ,k = uk, j

ce qui établit la relation voulue (on n’oublie pas que, dans le cas euclidien, les conjugués n’ontaucune importance).

Il est très important, dans cette proposition, de ne pas oublier l’hypothèse que B est ortho-normée. Si B est une base quelconque, les matrices de f et f ? dans B n’ont absolument aucunerelation intéressante entre elles.

On remarquera que cela permet de caractériser les automorphismes orthogonaux (resp. uni-taires). Si f ∈L (E) et sa matrice est M dans une base orthonormée B, on sait que f est orthogonal(resp. unitaire) si, et seulement si, tMM = In (resp. tMM = In). Mais d’après la proposition précé-dente, f est orthogonal (resp. unitaire) si, et seulement si, f ? f = idE.

Ceci peut aussi être vu sans passer par les matrices, simplement par définition de l’adjoint : eneffet, si f est un endomorphisme de E,

f orthogonal (resp. unitaire) ⇐⇒ f préserve le produit scalaire

⇐⇒ (∀x, y ∈ E ⟨ f (x) | f (y)⟩ = ⟨x | y⟩)⇐⇒ (∀x, y ∈ E ⟨ f ?( f (x)) | y⟩ = ⟨x | y⟩)⇐⇒ (∀x, y ∈ E

⟨( f ? f − idE)(x) | y

⟩)f orthogonal (resp.unitaire) ⇐⇒ f ? f = idE

La dernière équivalence utilise le fait que le produit scalaire est non-dégénéré, et le fait que deuxapplications sont égales si, et seulement si, elles sont égales en tout point.

On a donné ces deux preuves pour illustrer deux points de vue pour manipuler l’adjoint : matri-ciel, et intrinsèque. Le point de vue matriciel peut sembler préférable, parce que la transposée (oula transconjuguée) d’une matrice est facile à se représenter. Mais la définition (abstraite) de l’ad-joint a un avantage : elle est intrinsèque, elle ne dépend pas d’un choix de base, mais uniquementdu produit scalaire qui est fourni avec notre espace préhilbertien.

En pratique, il n’y a pas de point de vue meilleur qu’un autre : tout dépend de la situation etde ce qu’on veut faire. Mais, souvent, adopter une approche matricielle est une perte de temps :il faut choisir une base orthonormée et tout traduire en terme de matrices, faire les calculs matri-ciels, et traduire les résultats termes d’endomorphismes. Alors qu’une preuve directe, à partir dela définition, est parfaitement possible.

Voici un autre exemple de propriété qui peut être vue matriciellement, mais qui peut être trai-tée directement :

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

Proposition 1.4.5 (Adjoint d’un produit, d’un inverse)Soit (E,⟨ | ⟩) euclidien ou hermitien. Soient f et g des endomorphismes de E. Alors ( f g )? = g? f ?.De plus, f est un automorphisme si, et seulement si, f ? est un automorphisme et dans ce cas,( f −1)? = ( f ?)−1.

Preuve : Soient f et g deux endomorphismes de E. On a

∀x, y ∈ E ⟨( f g )?(x) | y⟩ = ⟨x | f g (y)⟩ = ⟨ f ?(x) | g (y)⟩ = ⟨g? f ?(x) | y⟩Comme le produit scalaire est non dégénéré, ( f g )? = g? f ?.

Supposons maintenant que f est un automorphisme. Alors f f −1 = f −1 f = idE. Du coup,

idE = id?E = ( f f −1)? = ( f −1)? f ?

et de même, idE = ( f −1 f )? = f ? ( f −1)?

Donc f ? est un automorphisme et son inverse est ( f −1)?. La réciproque est évidente, puisqu’onsait que ( f ?)? = f .

La propriété suivante est triviale et fondamentale :

Lemme 1.4.6Soient E euclidien ou hermitien et f ∈L (E). Soit F un sous-espace de E. Alors F est stable par f si, etseulement si, F est stable par f ?.

Preuve : Supposons F stable par f . Soit x ∈ F. Alors

∀y ∈ F ⟨ f ?(x) | y⟩ = ⟨ x︸︷︷︸∈F

| f (y)︸︷︷︸∈F

⟩ = 0

et f (x) ∈ F. Donc F est stable par f ?.Réciproquement, si F est stable par f ?, alors F = F est stable par f ?? = f .

À l’aide de l’adjoint, on peut définir certaines classes particulières d’endomorphismes. Le vo-cabulaire utilisé est légèrement différent, suivant que l’espace est euclidien ou hermitien.

Définition 1.4.7 (Endomorphismes autoadjoints, normaux, d’un espace euclidien)Soit (E,⟨ | ⟩) un espace euclidien. Soit f ∈L (E). On dit que

• f est autoadjoint (ou symétrique) si, et seulement si, f ? = f .• f est normal si, et seulement si, f et f ? commutent.

Définition 1.4.8 (Endomorphismes autoadjoints, normaux, d’un espace hermitien)Soit (E,⟨ | ⟩) un espace hermitien. Soit f ∈L (E). On dit que

• f est autoadjoint (ou hermitien) si, et seulement si, f ? = f .• f est normal si, et seulement si, f et f ? commutent.

Essentiellement, la seule différence est que les endomorphismes autoadjoints sont aussi appeléssymétriques (cas d’un espace euclidien) ou hermitien (cas d’un espace hermitien).

Ces notions peuvent être caractérisées matriciellement, à l’aide de la proposition 4.4 :

Proposition 1.4.9 (Endomorphismes symétriques, normaux : approche matricielle)Soient (E,⟨ | ⟩) euclidien, rapporté à une base orthonormée B, et f ∈ L (E). On note M = MatB f .Alors

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

• f est symétrique si, et seulement si, M est symétrique.• f est normal si, et seulement si, M commute avec sa transposée.

Proposition 1.4.10 (Endomorphismes hermitiens, normaux : approche matricielle)Soient (E,⟨ | ⟩) hermitien, rapporté à une base orthonormée B, et f ∈ L (E). On note M = MatB f .Alors

• f est symétrique si, et seulement si, M est une matrice hermitienne.• f est normal si, et seulement si, M commute avec sa transconjuguée.

On remarquera la grosse différence entre les cas réel et complexe : la transposée (dans le casréel) devient la transconjuguée (dans le cas complexe).

En particulier, si M ∈ Mn(C) est symétrique, elle représente, dans une base orthonormée, unendomorphisme autoadjoint si, et seulement si, M = M, c’est-à-dire que M est symétrique réelle.En général, une matrice symétrique complexe n’a aucune propriété particulière intéressante.

On remarque aussi que les endomorphismes symétriques (resp. hermitiens), ou orthogonaux(resp. unitaires), font tous partie de la classe des endomorphismes normaux.

Dans la suite de cette partie, on va caractériser les endomorphismes d’un espace euclidien ouhermitien qui sont diagonalisables dans une base orthonormée. Il se trouve que ce sont exacte-ment les endomorphismes symétriques (cas réel) ou normaux (cas complexe).

1.4.3 Réduction des endomorphismes symétriques

Pour obtenir ce résultat dans le cas réel, on commence par une observation très simple :

Lemme 1.4.11Soient (E,⟨ | ⟩) euclidien et f un endomorphisme autoadjoint de E. Les sous-espaces propres de fsont deux-à-deux orthogonaux.

Preuve : Soient λ et µ deux valeurs propres distinctes de f . Soient x ∈ Eλ( f ) et y ∈ Eµ( f ). Commef est autoadjoint,

λ⟨x | y⟩ = ⟨λx | y⟩ = ⟨ f (x) | y⟩ = ⟨x | f (y)⟩ = ⟨x | µy⟩ =µ⟨x | y⟩Comme λ 6=µ, c’est que ⟨x | y⟩ = 0.

Théorème 1.4.12 (Théorème spectral réel - Version vectorielle)Soit (E,⟨ | ⟩) un espace euclidien. Un endomorphisme de E est diagonalisable dans une base ortho-normée si, et seulement si, il est symétrique.

Preuve : Une direction est triviale : soit f ∈ L (E), tel qu’il existe une base orthonormée B telleque MatB f est diagonale. Cette matrice est symétrique, B est orthonormée : la proposition 4.9assure que f est symétrique.

La réciproque demande plus de travail. Soit f un endomorphisme symétrique de E. La prin-cipale difficulté consiste à prouver que χ f est scindé dans R[X]. Pour ça, il faut astucieusementpasser dans C : soient B une base orthonormée de E et A = MatB f . Alors A et f ont le même poly-nôme caractéristique ; celui-ci est scindé dans C[X]. Soit λ une racine de χ f = χA. Alors A (commeendomorphisme de Cn) a un vecteur propre X ∈Cn associé à λ. D’après les propriétés de la conju-gaison,

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

AX = λX donc tAX = AX = AX = λX = λX

Ensuite, d’une part, tXAX = λtXX

et d’autre part, tXAX = t(tAX)X = λtXX

Mais tXX =n∑

k=1|xk |2 6= 0

car X 6= 0 (c’est un vecteur propre de A). D’où λ = λ : les racines de χ f sont toutes dans R, et cepolynôme est donc scindé.

Soit λ une valeur propre de f . L’espace propre Eλ( f ) est stable par f ; donc son orthogonalest stable par f ? = f d’après le lemme 4.6. f induit des endomorphismes de ces deux espaces ;notons-les fK et fI :

fK : Eλ( f ) −→ Eλ( f )x 7−→ f (x) = λx

fI : (Eλ( f )) −→ (Eλ( f ))⊥

x 7−→ f (x)

Puisque E = Eλ( f )⊕ (Eλ( f )), on sait que

χ f = χ fK χ fI = (λ−X)mλ χ fI

λ n’est certainement pas valeur propre de fI, parce que

Eλ( fI) = x ∈ (Eλ( f )) | f (x) = λx = Eλ( f )∩ (Eλ( f )) = 0

donc χ fI (λ) 6= 0. La multiplicité algébrique de λ est exactement nλ, sa multiplicité géométrique.Ceci étant fait pour une valeur propre quelconque de f , f est diagonalisable.

Enfin, on sait que les sous-espaces propres de f sont orthogonaux deux-à-deux. Pour chaqueλ ∈ Sp f , on prend une base orthonormée Bλ de Eλ( f ). On met toutes ces bases ensembles, pourformer une base orthonormée de E. Dans cette base, la matrice de f est diagonalisable.

Corollaire 1.4.13 (Théorème spectral réel - Version matricielle)Soient n ∈N? et S ∈ Mn(R). S est symétrique si, et seulement si, il existe une matrice Ω ∈ On(R) telleque tΩSΩ est diagonale.

Preuve : S’il existe Ω orthogonale et D diagonale telles que tΩSΩ= D : on sait que tΩ=Ω−1 donc

S =ΩD tΩ tS = tΩDΩ= S

Réciproquement, c’est aussi très facile : on travaille dans Rn avec son produit scalaire cano-nique. La base canonique Bc est orthonormée et S est la matrice de l’application s : X 7−→ SX dansBc . Donc s est symétrique (sa matrice est dans une base orthonormée est symétrique) ; d’aprèsle théorème spectral, s est diagonalisable. Il existe une base orthonormée B telle que MatB s estdiagonale. Mais, si on note Ω la matrice de passage de Bc vers B, alors Ω est orthogonale et lesformules de changement de base donnent

MatB s =Ω−1 SΩ= tΩSΩ

Évidemment, les applications de ce superbe théorème sont très nombreuses ; ce n’est pas l’ob-jectif de ce cours d’en faire une liste, cela prendrait trop de temps. En revanche, les exercices et lesdevoirs à la maison donneront déjà une large liste de conséquences.

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

1.4.4 Réduction des endomorphismes normaux complexes

Il s’agit de faire le même travail pour les endomorphismes normaux d’un espace hermitien.

Lemme 1.4.14Soit (E,⟨ | ⟩) hermitien. Soit f un endomorphisme normal de E. Soit λ ∈ C une valeur propre de f .Alors Eλ( f ) = E

λ( f ?).

42

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

Preuve : Il s’agit d’un simple calcul, en utilisant bien sûr que f commute avec f ? :

∀x ∈ Eλ( f ) ‖ f ?(x)−λx‖2 = ⟨ f ?(x) | f ?(x)⟩−2Re(λ⟨ f ?(x) | x⟩)+|λ|2 ‖x‖2

= ⟨x | f f ?(x)⟩−2Re(λ⟨x | f (x)︸︷︷︸

=λx

⟩)+|λ|2 ‖x‖2

= ⟨x | f ? f (x)⟩−2|λ|2 ‖x‖2 +|λ|2‖x‖2

= ⟨ f (x) | f (x)⟩− |λ|2 ‖x‖2

‖ f ?(x)−λx‖2 = 0

Ceci prouve Eλ( f ) ⊂ Eλ

( f ?). On obtient de même que Eλ

( f ?) ⊂ Eλ

( f ??) = Eλ( f ).

Corollaire 1.4.15Soient (E,⟨ | ⟩) hermitien et f un endomorphisme normal de E. Les sous-espaces propres de f sontorthogonaux deux-à-deux.

Preuve : Soient λ et µ deux valeurs propres de f , distinctes. Soient x ∈ Eλ( f ) et y ∈ Eµ( f ). D’aprèsle lemme 4.14,

f (x) = λx f ?(x) = λx f (y) =µy f ?(y) =µy

On a d’une part λ⟨x | y⟩ = ⟨λx | y⟩ = ⟨ f ?(x) | y⟩ = ⟨x | f (y)⟩ = ⟨x | µy⟩ =µ⟨x | y⟩Comme λ 6=µ, c’est que ⟨x | y⟩ = 0.

On est maintenant prêt à prouver le théorème spectral complexe ; la preuve est nettement plussimple que dans le cas réel, du fait que tout polynôme non constant dans C[X] est scindé.

Théorème 1.4.16 (Théorème spectral complexe - Version vectorielle)Soit (E,⟨ | ⟩) un espace hermitien. Un endomorphisme de E est diagonalisable dans une base ortho-normée si, et seulement si, il est normal.

Preuve : Soit f un endomorphisme de E. S’il est diagonalisable dans une base orthonormée B, samatrice D dans B est diagonale. Comme B est orthonormée, la matrice de f ? dans B est tD, quiest aussi diagonale. Elle commute avec D. Donc f et f ? commutent.

Réciproquement, supposons que f est normal. On sait déjà que χ f est scindé d’après d’Alem-bert. Soit λ une valeur propre de f . Eλ( f ) est stable par f ; mais f et f ? commute, donc il est aussistable par f ?. D’après le lemme 4.6, (Eλ( f )) est stable par f ?? = f .

On note fK et fI les endomorphismes induits par f sur Eλ( f ) et (Eλ( f )). Notons que fK estsimplement l’homothétie de rapport λ. Ces deux sous-espaces sont supplémentaires dans E donc

χ f = χ fK χ fI = (λ−X)nλ χ fI

Mais Eλ( fI) = x ∈ (Eλ( f )) | fI(x)︸ ︷︷ ︸= f (x)

= λx = Eλ( f )∩ (Eλ( f )) = 0

donc λ n’est pas valeur propre de fI. De ce fait, χ fI (λ) 6= 0, ce qui prouve que la multiplicité al-gébrique de λ dans χ f est exactement nλ, sa multiplicité géométrique. Ceci étant fait pour toutevaleur propre de f , f est diagonalisable.

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

Enfin, les sous-espaces propres de f sont orthogonaux deux-à-deux, donc en réunissant desbases orthonormées de chaque sous-espace propre, on obtient une base orthonormée qui diago-nalise f .

Corollaire 1.4.17 (Théorème spectral complexe - Version matricielle)Soient n ∈N et A ∈ Mn(C). Alors A et A? commutent si, et seulement si, il existe une matrice unitaireU telle que U?AU est diagonale.

Preuve : S’il existe U unitaire telle que D = U?AU est diagonale :

D = U?AU = U−1AU A = UDU−1 = UDU?

puis A? = UD?U? = UD?U−1 AA? = UDD?U−1 A?A = UD?DU−1

Comme D et D? sont diagonales, elles commutent donc AA? = A?A.

Réciproquement, si A et A? commutent. On considère l’endomorphisme a de Cn canonique-ment associé à A. Sa matrice dans Bc est A ; et Bc est orthonormée pour le produit scalaire cano-nique sur Cn . Donc

MatBc s? = A?

Il s’ensuit que s et s? commutent donc s est diagonalisable dans une base orthonormée. Il existeB orthonormée et D diagonale telles que

MatB s = D

La matrice de passage U de Bc vers B est unitaire car ces deux bases sont orthonormées. D’aprèsles formules de passage,

D = U−1AU = U?AU

1.5 Le groupe orthogonal

Cette dernière partie propose une étude un peu plus poussée du groupe orthogonal. On intro-duit en particulier les réflexions, dont on montre qu’elles engendrent On(R), puis la notion d’orien-tation de l’espace. Enfin, on applique ceci à l’étude de O2(R) et O3(R).

1.5.1 Symétries orthogonales et réflexions

Dans toute cette section, (E,⟨ | ⟩) est un espace euclidien, dont la dimension est notée n ∈N?.

Définition 1.5.1 (Projecteurs orthogonaux)Soit p ∈L (E) un projecteur. On dit que p est un projecteur orthogonal si, et seulement si, Kerp etImp sont orthogonaux.

Si p est un projecteur de E, on sait déjà que

E = Ker p ⊕ Im p Im p = Ker(p − idE)

On a donc immédiatement les deux caractérisations suivantes des projecteurs orthogonaux :

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

p est un projecteur orthogonal ⇐⇒ (Ker p) = Im p

⇐⇒ (Ker p) = Ker(p − idE)

En revanche, la caractérisation suivante est moins immédiate géométriquement, même si ellereste triviale :

Proposition 1.5.2Soit p un projecteur de E. C’est un projecteur orthogonal si, et seulement si, il est symétrique.

Preuve : On peut s’en sortir avec le théorème spectral, car il est clair que p est orthogonal si, etseulement si, il est diagonalisable en base orthonormée. Mais c’est dommage d’utiliser un « grosthéorème » pour quelque chose d’aussi simple.

Supposons p orthogonal. Soient x et y dans E. On écrit

x = px + (x −px) y = py + (y −py)

et on sait que py, px ∈ Ker(p − idE) = (Ker p) (x −px), (y −py) ∈ Ker p

Par bilinéarité, ⟨px | y⟩ = ⟨px | py + (y −py)⟩ = ⟨px | py⟩ = ⟨px + (x −px) | py⟩ = ⟨x | py⟩ce qui prouve que p est symétrique.

Réciproquement, si p est symétrique : Ker p et Ker(p − idE) = Im p sont orthogonaux (lemme4.11). Mais cela prend une ligne à prouver directement, de toute manière :

∀(x, y) ∈ Ker p × Im p ⟨x | y⟩ = ⟨x | py⟩ = ⟨ px︸︷︷︸=0

| y⟩ = 0

Définition 1.5.3 (Symétries orthogonales)Soit s ∈L (E) une symétrie. On dit que s est une symétrie orthogonale si, et seulement si, Ker (s−idE)et Ker (s + idE) sont orthogonaux.

Proposition 1.5.4Soit s une symétrie de E. Les assertions suivantes sont équivalentes :

1. s est une symétrie orthogonale ;

2. s est symétrique ;

3. s est un automorphisme orthogonal.

Preuve : Soit s une symétrie de E ; on note

F = Ker(s − idE) G = Ker(s + idE)

et on introduit la projection p sur F parallèlement à G. Alors

Ker p = G Im p = F s = 2p − idE p = 1

2(s + idE)

Avec ces relations et en utilisant la proposition 5.2,

(s est une symétrie orthogonale) ⇐⇒ (F et G sont orthogonaux)

⇐⇒ (p est une projection orthogonale)

⇐⇒ p? = p

⇐⇒ s? = s

45

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

et les deux premières assertions sont équivalentes.Si s est une symétrie orthogonale, s? = s et s2 = idE donc s?s = idE ce qui prouve que s ∈O(E).Réciproquement, si s est un automorphisme orthogonal, s?s = idE. Donc s? = s−1 = s : s est

une symétrie orthogonale.

Définition 1.5.5 (Réflexions)Soit s ∈L (E), avec dimE> 2. On dit que s est une réflexion si, et seulement si, s est une symétrieorthogonale par rapport à un hyperplan.

De manière équivalente, s est une symétrie orthogonale si et seulement si c’est une symétrieorthogonale et Ker(s − idE) est de dimension n −1.

Proposition 1.5.6On suppose dimE> 2. Toute réflexion de E est de déterminant −1.

Preuve : On prend une base (e1, . . . ,en−1) de Ker(s − idE) et en ∈ Ker(s + idE), non nul. La famille(e1, . . . ,en) est une base de E ; la matrice de s dans cette base est[

In−1 00 −1

]

donc det s =−1

Les réflexions sont particulièrement intéressantes parce qu’elles engendrent le groupe O(E).Pour prouver ce résultat, on commence par expliquer comment une réflexion peut être prolongéed’une dimension :

Lemme 1.5.7On suppose dimE > 3. Soient F un sous-espace strict de E et r une réflexion de F. On note p laprojection orthogonale sur F et

∀x ∈ E R(x) = r (p(x))+x −p(x)

Alors R est l’unique réflexion de E qui prolonge r .

Preuve : Implicitement, on suppose que dimF> 2, puisqu’on a pris une réflexion r de F. Par défi-nition,

dimKer(r − idF) = p −1> 1 dimKer(r + idF) = 1 et Ker(r − idF) ⊥ Ker(r + idF)

On prend un vecteur e1 de norme 1 dans Ker(r + idF) ; et une base orthonormée (e2, . . . ,ep ) deKer(r + idE). On prend aussi (ep+1, . . . ,en) base orthonormée de F, de sorte que B = (e1, . . . ,en) estune base orthonormée de E. Par définition,

∀k ∈ [[1 ; p ]] r (ek ) =−e1 si k = 1

ek si 26 k 6 p

Également,

∀x ∈ F p(x) = x

∀x ∈ F p(x) = 0

46

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

donc

∀x ∈ F R(x) = r (p(x)︸︷︷︸

=x

)+x −p(x)︸ ︷︷ ︸=0

= r (x)

∀x ∈ F R(x) = r (p(x)︸︷︷︸=0

)+x −p(x)︸ ︷︷ ︸=x

= x

et il vient (R(e1),R(e2), . . . ,R(en)) = (−e1,e2, . . . ,en)

R transforme une base orthonormée en base orthonormée : c’est un automorphisme orthogonalde E. On voit aussi que c’est la réflexion autour de Vect(e2, . . . ,en). Et elle prolonge r .

Montrons que c’est l’unique réflexion de E qui prolonge r : soit f une réflexion de E qui pro-longe r . La dimension de Ker( f + idE) doit être 1 ; mais f (e1) = r (e1) =−e1 donc

Ker( f + idE) = Vect(e1) et puis Ker( f − idE) = Ker( f + idE) = e1 = Vect(e2, . . . ,en)

On doit avoir ∀k ∈ [[1 ; n ]] f (ek ) =−e1 = R(e1) si k = 1

ek = R(ek ) si 26 k 6 n

f et R coïncident sur une base : ils sont égaux.

Théorème 1.5.8 (Cartan-Dieudonné)On suppose que n = dimE> 2. Soit f ∈ O(E). Alors f peut être décomposé en produit d’au plus nréflexions.

Preuve : On procède par récurrence sur la dimension de l’espace. Pour chaque entier p > 2, ondéfinit P(p) : « Soit F un espace euclidien de dimension p. Si f ∈O(E), il peut être décomposé enproduit d’au plus p réflexions. »

La preuve de P(2) sera donnée plus tard, lorsqu’on étudiera spécifiquement le groupe ortho-gonal en dimension 2. Il est certain, en tout cas, que P(2) est vraie.

Soit p > 2 un entier tel que P(p) est vraie. Soient F un espace euclidien de dimension p +1 etf un automorphisme orthogonal de F.

• Si 1 est valeur propre de f : on peut trouver e ∈ E, de norme 1, tel que f (e) = e. PosonsH = e. Alors H est stable par f parce que f préserve l’orthogonalité :

∀x ∈ H ⟨ f (x) | e⟩ = ⟨ f (x) | f (e)⟩ = ⟨x | e⟩ = 0

f induit un endomorphisme f de H. De plus, f est un automorphisme orthogonal de H :

∀x, y ∈ H ⟨ f (x) | f (y)⟩ = ⟨ f (x) | f (y)⟩ = ⟨x | y⟩Comme H est de dimension p, P(p) assure qu’on peut trouver k ∈ [[1 ; p ]] et des réflexionsr1, . . . ,rk de H tels que

f =k

Πj=1

r j

D’après le lemme 5.7, il existe des réflexions R1, . . . ,Rk de E qui prolongent r1, . . . ,rk ; de plus,R1, . . . ,Rk fixent H. On a

∀x ∈ H f (x) = f (x) =( k

Πj=1

r j

)(x) =

( k

Πj=1

R j

)(x)

et ∀x ∈ H f (x) = x =( k

Πj=1

R j

)(x)

f est un produit de k 6 p réflexions.

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

• Si 1 n’est pas valeur propre de f , on prend un vecteur e ∈ E, non nul. Alors f (e) 6= e ; on notealors r la réflexion autour de f (e)−e. C’est-à-dire que

r ( f (e)−e) = e − f (e) et ∀x ∈ f (e)−e r (x) = x

Mais ⟨e − f (e) | e + f (e)⟩ = ‖e‖2 −‖ f (e)‖2 = 0

parce que f préserve la norme. Donc (e + f (e)) ⊥ (e − f (e)) et r (e + f (e)) = e + f (e). Par suite,

r ( f (e)) = r(e + f (e)+ f (e)−e

2

)= e + f (e)+e − f (e)

2= e

Ainsi, r f ∈O(E), et admet 1 comme valeur propre (et e 6= 0 comme vecteur propre associé).D’après le point précédent, r f peut être décomposé en produit d’au plus p réflexions. Etf = r (r f ) peut être décomposé en produit d’au plus p +1 réflexions.

Ceci établit que P(p +1) est vraie. Par récurrence, le théorème est démontré.

Comme beaucoup de théorèmes prouvés par récurrence, la preuve permet de comprendrecomment décomposer un f ∈O(E). On prend un x 6= 0 dans E.

• Si f (x) = x, alors f induit un automorphisme orthogonal de x, qui est de dimension n−1.On le décompose en produit de réflexions.

• Si f (x) 6= x, on note r la réflexion autour de x− f (x). Alors r f (x) = x ; on est ramené au casprécédent.

Exemple 1.5.9On considère la matrice

M = 1

3

−2 2 12 1 21 2 −2

dont on vérifie qu’elle est dans O3(R) parce que ses colonnes forment une base orthonormée de R3. DoncM définit un automorphisme orthogonal de R3 pour le produit scalaire canonique. On prend

e =1

00

de sorte que f (e) = 1

3

−221

u = e − f (e) = 1

3

5−2−1

On note r la réflexion autour de u et p la projection orthogonale sur Vectu. On a les relations

r = I3 −2p

∀x ∈R3 p(x) =⟨ u

‖u‖ | x⟩ u

‖u‖ = 1

‖u‖2 (tux)u = u tu

‖u‖2 x

donc p = u tu

‖u‖2 = 1

30

25 −10 −5−10 4 2−5 2 1

r = 1

15

−10 10 510 11 −2

5 −2 14

et on calcule r M = 1

5

5 0 00 3 40 4 −3

On remarque que Vect(e2,e3) est stable par r M et que e1 est vecteur propre pour la valeur propre 1 : c’estparfaitement normal, comme on peut le voir dans la preuve du théorème. Si on n’a pas ces résultats, on saitqu’on s’est trompé au cours du calcul.

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

On décompose ensuite l’endomorphisme induit par r M sur Vect(e2,e3). Il a pour matrice dans cettebase :

M′ = 1

5

[3 44 −3

]

On pose e ′ =[

10

]u = e ′− f (e ′) = 1

5

[2

−4

]6= 0

On note s′ la réflexion autour de e ′ et p ′ la projection orthogonale sur Vecte ′. On a

p ′ = e ′ te ′

‖e ′‖2 = 1

20

[4 −8

−8 16

]s′ = I2 −2p ′ = 1

5

[3 44 −3

]et finalement s′M′ = I2

On remarque que s′ = M′, c’est-à-dire que M′ est une réflexion. On pouvait le voir en remarquantque χM′ = X2 − 1 et donc Ker(M′ − I2) est de dimension 1 = 2− 1. Mais le but de cet exemple estd’illustrer la preuve du théorème, donc on fait semblant de ne pas avoir vu.

La décomposition de M′ en produit de réflexions est M′ = s′. On prolonge s′ en une réflexion deR3 ; l’uniqueprolongement possible est

1

5

5 0 00 3 40 4 −3

Puis on obtient M = r (r M) = 1

15

−10 10 510 11 −2

5 −2 14

1

5

5 0 00 3 40 4 −3

1.5.2 Rotations

Un très court paragraphe, pour définir la notion de rotation d’un espace euclidien. On rappellequ’on a vu que les automorphismes orthogonaux sont de déterminant 1 ou −1. Les rotations sontles automorphismes orthogonaux de déterminant 1.

Définition 1.5.10Soient E un espace euclidien et f ∈O(E). On dit que f est une rotation si, et seulement si, det f = 1.L’ensemble des rotations de E est noté S O(E).

Il est clair que S O(E) est un sous-groupe de O(E), simplement parce que

det : O(E) −→ ±1

est un morphisme de groupes, et S O(E) est son noyau.

Définition 1.5.11Soit n ∈N?. On appelle groupe spécial orthogonal d’ordre n l’ensemble

SOn(R) = M ∈ On(R) | detM = 1

Ses éléments sont appelés des matrices de rotations.

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

À nouveau, SOn(R) est un sous-groupe de On(R), pour la même raison que S O(E) : c’est le noyaudu déterminant, qui est un morphisme de On(R) dans ±1. Et, bien évidemment, S O(E) et SOn(R)sont reliés :

Proposition 1.5.12Soit E euclidien, rapporté à une base orthonormée B. Soit f ∈ O(E). Alors f est une rotation si,et seulement si, MatB f est une matrice de rotation.

L’application MatB : S O(E) −→ SOn(R) est un isomorphisme de groupes.

Preuve : C’est une conséquence immédiate du théorème 3.12 et de la définition du déterminantd’un endomorphisme (déterminant de la matrice dans n’importe quelle base).

1.5.3 Orientation d’un espace euclidien

Dans cette partie, E est un R-espace vectoriel de dimension finie n ∈N?.Le fait que R soit partagé en nombres positifs et négatifs (ce qui n’est pas le cas de C) permet

d’introduire une nouvelle notion géométrique : l’orientation de l’espace. Elle s’appuie sur le faitque si B est une base fixée de E, alors pour toute base B′, le déterminant detB B′ est strictementpositif ou négatif. Ceci permet de partager les bases de E en deux parties, suivant le signe de cedéterminant.

Définition 1.5.13Soient B et B′ deux bases de E. On dit que B′ a la même orientation que B si, et seulement si,detB B′ > 0.

Proposition 1.5.14« Avoir la même orientation » est une relation d’équivalence sur l’ensemble des bases de E. Il y aexactement deux classes d’équivalence pour cette relation.

Preuve : C’est trivial et repose sur le fait que si B et B′ sont deux bases de E, alors

(detB B′)(detB′ B) = 1

Définition 1.5.15 (Orientation de l’espace)• Les classes d’équivalence pour la relation « Avoir la même orientation » sont appelées orien-tations de E.

• Un R-espace vectoriel orienté est un couple (E,C ), où E est de dimension finie non nulle et Cest une orientation de E.

• Si (E,C ) est un R-espace vectoriel orienté, les bases de C sont dites bien orientées ou directes.Les bases qui ne sont pas dans C sont dites mal orientées ou indirectes.

En d’autres termes, on a orienté E à partir du moment où on a choisi une base B0, et on a décidéde dire que

∀B base de E

B est directe ⇐⇒ detB0 B > 0

B est indirecte ⇐⇒ detB0 B < 0

Ce choix est, en général, complètement arbitraire, mais décide une fois pour toutes quelles bases

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

sont directes, quelles bases sont indirectes. Mais dans le cas où E =Rn , il y a une orientation natu-relle qui est celle de la base canonique.

Si E est orienté, la donnée d’un vecteur de l’espace permet de définir complètement une orien-tation pour un supplémentaires de ce vecteur.

Proposition 1.5.16 (Orientation d’un hyperplan)Soit E un R-espace vectoriel de dimension finie n > 2, orienté. Soient x ∈ E non nul et F un supplé-mentaire de Vect x dans E. Il existe une unique orientation Cx de F telle que

∀B ∈Cx (B, x) est directe

On l’appelle l’orientation de F définie par x.

Preuve : On note n = dimE et F l’ensemble de toutes les bases de F. On pose

F+ = B ∈F | (B, x) est directe F− = B ∈F | (B, x) est indirecte

On montre que F− et F+ sont exactement les deux orientations de F. Pour cela, on fixe B0 ∈F+et on sait que (B0, x) est une base directe de E.

Soit B une base de F. On note P ∈ GLn−1(R) la matrice de passage de B0 vers B, de sorte que

detB0 B = detP

La matrice de passage de (B0, x) vers (B, x) est[P 00 1

]

et alors det(B0,x)(B, x) =∣∣∣∣P 00 1

∣∣∣∣= detP = detB0 B

Par suite, (B0 a la même orientation que B) ⇐⇒ detB0 B > 0

⇐⇒ det(B0,x) (B, x) > 0

⇐⇒ (B, x) est directe⇐⇒ B ∈F+

Ainsi, F+ est l’orientation de B0 dans F ; et F− est celle contraire.

Enfin, on caractérise géométriquement les rotations : trivialement d’après la définition,

Proposition 1.5.17Soit E un espace euclidien de dimension n ∈N?. Soient B et B′ deux bases orthonormées de E. Elles

ont la même orientation si, et seulement si, la matrice de passage PB′B est une matrice de rotation.

Ainsi, on a les groupes SOn(R) ⊂ On(R) ⊂ GLn(R). Géométriquement,• GLn(R) est composé des transformations linéaires de l’espace qui préservent la liberté ;• On(R) représente les transformations linéaire bijectives de l’espace, qui préservent les dis-

tances, le produits scalaire, l’orthonormalité ;• SOn(R) est formé des transformations linéaires bijectives de l’espace, qui préservent les dis-

tances, le produit scalaire, l’orthonormalité, et l’orientation.

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

1.5.4 Automorphismes orthogonaux en dimension 2

On donne ici la description complète du groupe orthogonal O2(R). On l’identifie à O(R2), lorsqueR2 est muni de sa structure euclidienne orientée canonique. Étant donné θ ∈R, on pose

R(θ) =[

cosθ −sinθsinθ cosθ

]S(θ) =

[cosθ sinθsinθ −cosθ

]et on vérifie facilement que ces matrices sont orthogonales. On voit aussi que R(θ) est de détermi-nant 1 : c’est une matrice de rotation, par définition. Quant-à S(θ) :

χS(θ) = X2 −1 = (X−1)(X+1)

Ceci suffit à prévoir que S(θ) est une réflexion, puisque Ker(S(θ)− I2) est de dimension 1 : c’est unhyperplan de R2. Identifions néanmoins les sous-espaces propres : par le calcul,

Ker(S(θ)− I2) = Vect

([cos θ2

sin θ2

])Ker(S(θ)+ idE) = Vect

([−sin θ2

cos θ2

])

Donc géométriquement, S(θ) est la réflexion autour de la droite qui fait un angle θ2 avec l’axe des

abscisses.D’autre calculs prouvent ensuite que

∀θ,ϕ ∈R R(θ)R(ϕ) = R(θ+ϕ) = R(ϕ)R(θ)

∀θ ∈R R(θ)−1 = tR(θ) = R(−θ)

et ∀θ ∈R R(θ) = I2 ⇐⇒ θ ∈ 2πZ

Ces calculs peuvent être résumés en disant que l’application

R : R −→ SO2(R)θ 7−→ R(θ)

est un morphisme de groupes, et son noyau est 2πZ.Prouvons que R est surjectif. Si M ∈ SO2(R), on l’écrit sous la forme

M =[

a bc d

]avec a,b,c,d ∈R

Le fait que M est une matrice orthogonale de déterminant 1 donne les relationsa2 + c2 = 1b2 +d 2 = 1

ab + cd = 0ad −bc = 1

D’après les deux premières relations, il existe θ et ϕ réels tels que

a = cosθ c = sinθ b = sinϕ d = cosϕ

La dernière relation assure

1 = ad −bc = cosθ cosϕ− sinθ sinϕ= cos(θ+ϕ)

et θ+ϕ= 0 [2π] c’est-à-dire ϕ=−θ [2π]

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

Ainsi, M =[

cosθ −sinθsinθ cosθ

]= R(θ)

On résume tout ceci dans une proposition :

Proposition 1.5.18 (Paramétrisation de SO2(R))L’application R : R−→ SO2(R) est un morphisme de groupes surjectif, de noyau 2πZ. En particulier,SO2(R) est commutatif.

Il reste à identifier O2(R) \ SO2(R). C’est facile : si M ∈ O2(R) et detM = −1, alors la matrice S(0)Mest dans O2(R), de déterminant 1 : il existe θ ∈R tel que S(0)M = R(θ). D’où

M = S(0)−1(S(0)M) = S(0)R(θ) = S(θ)

Proposition 1.5.19 (Paramétrisation de O2(R))O2(R) = R(θ) | θ ∈R∪ S(θ) | θ ∈R

Les automorphismes orthogonaux en dimension 2 sont exactement les réflexions et les rotations.Enfin, on termine par quelques formules, qui résultent de simples calculs :

∀θ,ϕ ∈R S(θ)S(ϕ) = R(θ−ϕ)

S(θ)R(ϕ) = S(θ−ϕ)

R(θ)S(ϕ) = S(θ+ϕ)

La première relation donne que toute rotation est un produit de deux réflexions. Donc tout auto-morphisme orthogonal de R2 est produit d’une réflexion, ou de deux réflexions : ceci fournit P(2)dans la preuve du théorème de Cartan-Dieudonné.

Observons que ces calculs permettent de prouver des résultats non triviaux à voir géométri-quement ; par exemple, la deuxième nous dit qu’une rotation d’angle ϕ, suivie d’une réflexionautour de la droite qui fait un angle θ

2 avec l’horizontale, c’est la même chose qu’une réflexion

autour de la droite qui fait un angle θ−ϕ2 avec l’horizontale.

1.5.5 Le produit vectoriel

Dans toute cette partie, E est un espace euclidien de dimension 3.Avant d’étudier les automorphismes orthogonaux de E, on veut définir proprement le produit

vectoriel. Cette opération a de nombreuses définitions équivalentes possibles ; certaines ne sontvalables qu’en dimension 3 ; d’autres sont généralisables aux dimensions supérieures. On adoptece point de vue.

Définition 1.5.20 (Produit vectoriel dans une base orthonormée)Soit B une base orthonormée de E. Soient u et v dans E. Il existe un unique vecteur de E, notéu ∧B v , tel que

∀w ∈ E ⟨u ∧B v | w⟩ = detB (u, v, w)

Si u et v sont dans E, l’existence de u ∧B v est une conséquence de l’isomorphisme canoniqueentre E et E? (lemme 4.1), et du fait que l’application w 7−→ detB (u, v, w) est linéaire.

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

Notons que, d’après la définition, le produit vectoriel n’existe que par rapport à une base or-thonormée fixée. Que se passe-t-il si on change de base orthonormée ?

Proposition 1.5.21Soient B et B′ deux bases orthonormées de E. Si elles ont la même orientation, alors

∀u, v ∈ E u ∧B v = u ∧B′ v

Si elles ont des orientations contraires, alors

∀u, v ∈ E u ∧B v =−u ∧B′ v

Preuve : D’après le cours sur les déterminants,

∀u, v, w ∈ E detB(u, v, w) = (detBB′)detB′(u, v, w)

Notons ε= detB′B, qui vaut 1 ou −1 suivant que B et B′ ont, ou pas, la même orientation. Si u etv sont fixés dans E, on a

∀w ∈ E ⟨u ∧B v | w⟩ = detB(u, v, w) = εdetB′ (u, v, w) = ε⟨u ∧B′ v | w⟩

donc u ∧B v = εu ∧B′ v

On voit donc que si l’espace E est orienté, le produit vectoriel ne dépend pas de la base ortho-normée directe choisie.

Définition 1.5.22 (Produit vectoriel)On suppose E orienté. Soit B une base orthonormée directe. On définit

∀u, v ∈ E u ∧ v = u ∧B v

∧ est appelé produit vectoriel sur E et il ne dépend pas du choix de la base orthonormée directe B.

Proposition 1.5.23 (Propriétés du produit vectoriel)On suppose E orienté. Soit B = (e1,e2,e3) une base orthonormée directe de E.

1. ∧ est bilinéaire, antisymétrique.

2. ∀u, v ∈ E (u ∧ v = 0) ⇐⇒ ((u, v) est liée)

3. ∀u, v ∈ E ‖u ∧ v‖2 = detB (u, v,u ∧ v)

4. Soit (u, v) une famille libre de E. Alors

u, v = Vect (u ∧ v) u ∧ v = Vect (u, v)

5. Soient u et v dans E. On pose

[u]B =u1

u2

u3

[v]B =v1

v2

v3

Alors [u ∧ v]B =D1

D2

D3

avec D1 =∣∣∣∣u2 v2

u3 v3

∣∣∣∣ D2 =∣∣∣∣u3 v3

u1 v1

∣∣∣∣ D3 =∣∣∣∣u1 v1

u2 v2

∣∣∣∣

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

et ‖u ∧ v‖2 +⟨u | v⟩2 = ‖u‖2 ‖v‖2

En particulier, e1 ∧e2 = e3 e2 ∧e3 = e1 e3 ∧e1 = e2

6. Soient u et v dans E, orthogonaux, de norme 1. Alors (u, v,u ∧ v) est une base orthonorméedirecte de E.

Preuve : Ces propriétés viennent assez facilement d’après la définition.

1. Commençons par l’antisymétrie : soient u et v dans E. Comme B est orthonormée directe,

∀w ∈ E ⟨v ∧u | w⟩ = detB (v,u, w) =−detB (u, v, w) =−⟨u ∧ v | w⟩

donc v ∧u =−u ∧ v

Montrons la bilinéarité ; du fait de l’antisymétrie, il suffit de prouver la linéarité par rapportà une variable. Soient u, v et v ′ dans E et λ ∈R. Par définition,

∀w ∈ E⟨

u ∧ (λv + v ′) | w⟩ = detB (u,λv + v ′, w)

= λdetB (u, v, w)+detB(u, v ′, w)

= λ⟨u ∧ v | w⟩+⟨u ∧ v ′ | w⟩= ⟨

λu ∧ v +u ∧ v ′ | w⟩

et il vient u ∧ (λv + v ′) = λu ∧ v +u ∧ v ′

2. Soient u et v dans E. Si (u, v) est liée, alors

∀w ∈ E ⟨u ∧ v | w⟩ = detB (u, v, w) = 0

donc u ∧ v = 0.

Réciproquement, si (u, v) est libre, on peut la compléter en (u, v, w) base de E. Alors

⟨u ∧ v | w⟩ = detB (u, v, w) 6= 0

et u ∧ v n’est pas nul.

3. ∀u, v ∈ E ‖u ∧ v‖2 = ⟨u ∧ v | u ∧ v⟩ = detB (u, v,u ∧ v)

4. Soit (u, v) une famille libre de E. Notons F = Vect(u, v). Alors

⟨u ∧ v | u⟩ = detB (u, v,u) = 0

et de même, ⟨u ∧ v | v⟩ = 0. Donc u ∧ v est dans F, qui est de dimension 1. D’après le pointprécédent, u ∧ v 6= 0 car (u, v) est libre. C’est une base de F :

F = Vect(u ∧ v)

Comme on est en dimension finie,

u ∧ v = F = F = Vect(u, v)

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

5. On sait que e1 ∧e2 est orthogonal à e1 et e2 donc

e1 ∧e2 = ⟨e1 ∧e2 | e3⟩e3

Mais ⟨e1 ∧e2 | e3⟩ = detB (e1,e2,e3) = 1

donc e1 ∧e2 = e3. On calcule de la même manière e2 ∧e3 et e3 ∧e1.

Maintenant, si u et v sont dans E, avec

[u]B =u1

u2

u3

[v]B =v1

v2

v3

cela veut dire que u = u1e1 +u2e3 +u3e3 v = v1e1 + v2e2 + v3e3

On développe u∧v en utilisant la bilinéarité, la symétrie, et les calculs de (ei ∧e j )16i , j63 déjàfaits. Après un calcul amusant, on obtient

u ∧ v = D1e1 +D2e2 +D3e3

Il est également très drôle de montrer que

‖u ∧ v‖2 +⟨u | v⟩2 = D21 +D2

2 +D23 + (u1v1 +u2v2 +u3v3)2 = ‖u‖2 ‖v‖2

Le calcul direct marche très bien.

6. Soient u et v dans E, de norme 1, orthogonaux. On sait déjà que (u, v,u ∧ v) est une familleorthogonale. De plus,

detB (u, v,u ∧ v) = ‖u ∧ v‖2 = ‖u‖2 ‖v‖2 −⟨u | v⟩2 = 1 > 0

donc c’est une famille orthonormée directe.

On notera bien que dans toute cette section, la notion d’orientation de l’espace est fondamentale ;sans elle, pas de produit vectoriel. Le produit vectoriel n’existe que dans les espaces orientés.

La relation entre la norme du produit vectoriel, et le carré scalaire, permet de définir une notiond’angle dans E.

Définition 1.5.24 (Angle entre deux vecteurs)On suppose E orienté. Soient u et v deux vecteurs non nuls. Il existe un unique θ ∈ [0 ; π] tel que

⟨u | v⟩ = ‖u‖‖v‖cosθ ‖u ∧ v‖ = sinθ

On dit que θ est l’angle orienté formé par u et v et on le note (u, v).

Ceci résulte simplement du fait que si u et v ne sont pas nuls,( ⟨u | v⟩‖u‖‖v‖

)2 +( ‖u ∧ v‖‖u‖‖v‖

)2 = 1

donc on peut trouver un unique θ ∈ [0 ; 2π[ tel que

⟨u | v⟩ = ‖u‖‖v‖ cosθ et ‖u ∧ v‖ = ‖u‖‖v‖ sinθ

Et comme ‖u ∧ v‖> 0, on doit avoir θ ∈ [0 ; π]. On voit qu’il y a une grosse différence entre le planet l’espace euclidiens : dans le plan, l’angle orienté entre deux vecteurs est dans [0; 2π[, tandis quedans l’espace, il est dans [0; π].

Enfin, on observera que les endomorphismes antisymétriques sont exactement des produitsvectoriels :

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

Proposition 1.5.25On suppose E orienté. Soitω ∈ E. L’application f : x 7−→ω∧x est un endomorphisme antisymétriquede E. De plus, si B est une base orthonormée directe de E et [ω]B = t

[a b c

], alors

MatB f = 0 −c b

c 0 −a−b a 0

Preuve : On fixe une base orthonormée directe B = (e1,e2,e) de E et on a

ω = ae1 +be2 + ce3

ω∧e1 = be2 ∧e1 + ce3 ∧e1 =−ce2 +be3

ω∧e2 = ae1 ∧e2 + ce3 ∧e2 =−ce1 +ae3

ω∧e3 = ae1 ∧e3 +be2 ∧e3 = be1 −ae2

Donc MatB f a la forme indiquée plus haut. Elle est antisymétrique et B est orthonormée, doncf ? =− f .

Proposition 1.5.26On suppose E orienté. Soit f ∈L (E), antisymétrique. Il existe un unique ω ∈ E tel que

∀x ∈ E f (x) =ω∧x

Preuve : Soit B = (e1,e2,e3) une base orthonormée. Comme f est antisymétrique, sa matrice dansla base B l’est aussi : il existe a, b et c dans R tels que

MatB f = 0 a b−a 0 c−b −c 0

Soit ω ∈ E, qu’on décompose en ω= αe1 +βe2 +γe3. Alors

(∀x ∈ E f (x) =ω∧x) ⇐⇒ MatB f = 0 −γ β

γ 0 −α−β α 0

⇐⇒α=−cβ= bγ=−a

Donc ω=−ce1 +be2 −ae3 est l’unique vecteur de E tel que

∀x ∈ E f (x) =ω∧x

Ceci permet de classifier entièrement la géométrie des endomorphismes antisymétriques. Soitf ∈L (E) antisymétrique, non nul. Il existe ω ∈ E, non nul, tel que

∀x ∈ E f (x) =ω∧x

D’après les propriétés du produit vectoriel,

Ker f = Vectω Im f = ω

Le noyau de f est une droite, son image est l’orthogonal de cette droite. En outre, si on prend unvecteur e2 orthogonal à ω, de norme 1, et si on pose

e1 = ω

‖ω‖ e3 = e1 ∧e2

alors (e1,e2,e3) est une base orthonormée directe de E. De plus, f (e1) = 0 et

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

f (e2) =ω∧e2 = ‖ω‖e1 ∧e2 = ‖ω‖e3 f (e3) =ω∧e3 = ‖ω‖e1 ∧e3 =−‖ω‖e2

Autrement dit, Mat(e1,e2,e3) f = ‖ω‖0 0 0

0 0 −10 1 0

1.5.6 Automorphismes orthogonaux en dimension 3

On classifie ici les automorphismes orthogonaux en dimension 3, et on explique comment trouverleurs caractéristiques géométriques. On commence par l’étude des rotations.

Lemme 1.5.27 (Axe d’une rotation)Soient E euclidien de dimension 3 et r une rotation de E. Alors 1 est valeur propre de f . Si r 6= idE, lesous-espace propre E1(r ) est une droite, appelée l’axe de la rotation r .

Par définition, toute droite de E est appelée un axe de idE.

Preuve : Soit r ∈S O(E). On peut prouver que 1 est valeur propre d’au moins deux manières :• Approche algébrique : On sait que χr et χr? sont égaux. Mais r? = r−1 et detr = detr−1 = 1

parce que r est une rotation, donc

χr (1) = χr?(1) = χr−1 (1) = det(r−1 − idE) =−det(r−1)det(r − idE) =−χr (1)

et χr (1) = 0.• Approche géométrique : D’après Cartan-Dieudonné, r peut être écrit comme produit d’une

ou deux réflexions. Mais une réflexion est de déterminant −1 tandis que detr = 1. Donc ilexiste deux réflexions s1 et s2 telles que r = s1s2. Par définition,

dimKer(s1 − idE) = 2 dimKer(s2 − idE) = 2

et d’après la relation de Grassmann,

dim(E1(s1)∩E1(s2)) = dim(E1(s1))+dim(E1(s2))−dim(E1(s1)+E1(s2))︸ ︷︷ ︸63

> 1

et il existe x ∈ E, non nul, tel que s1x = x et s2x = x. Donc r x = x.Ceci prouve que E1(r ) est de dimension au moins 1. Supposons que dimE1(r )> 2. On peut trouverune famille orthonormée (e1,e2) de vecteurs propres de r pour 1. Et on peut la compléter en baseorthonormée (e1,e2,e3) de E. Comme r préserve le produit scalaire, r (e3) est orthogonal à e1 et e2,de norme 1. Donc r (e3) = εe3 avec ε ∈ ±1. Mais r est une rotation donc (e1,e2,e3) et (e1,e2,εe3)doivent avoir la même orientation. Par suite, ε= 1 et r = idE.

Par contre-apposée, si r 6= idE, alors E1(r ) est de dimension 1.

Corollaire 1.5.28 (Description géométrique des rotations)Soient E euclidien et r 6= idE une rotation de E. On note F = E1(r ).

• Si (e1,e2) est une base orthonormée de F, il existe θ ∈]0 ; 2π[ tel que pour tout e3 ∈ E1(r ) nonnul,

Mat(e1,e2,e3) r =[

R(θ) 00 1

]=

cosθ −sinθ 0sinθ cosθ 0

0 0 1

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

• On suppose avoir orienté F. Il existe un unique θ ∈]0 ; 2π[ tel que pour toute base orthonormée(e1,e2) de F et pour tout e3 ∈ E1(r ), non nul,

Mat(e1,e2,e3) r =[

R(θ) 00 1

]ou

[R(−θ) 0

0 1

]suivant que (e1,e2,e3) est directe ou indirecte.θ est appelé l’angle de la rotation r pour l’orientation de F choisie.

Par définition, on dit que idE est d’angle 0.

Preuve : On ignore d’abord les questions d’orientation (et donc d’unicité de l’angle de rotation).Soit (e1,e2) une base orthonormée de F. F est stable par r parce que r conserve le produit scalaireet F = E1(r ) :

∀x ∈ F ∀y ∈ E1(r ) ⟨r x | y⟩ = ⟨r x | r y⟩ = ⟨x | y⟩ = 0

Donc r induit un automorphisme orthogonal de F. D’après l’étude des automorphismes orthogo-naux en dimension 2, il existe θ ∈ [0 ; 2π[ tel que

r e1 = cosθe1 + sinθe2 r e2 =−sinθe1 +cosθe2

Mais r e1 6= e1 donc θ ∈]0 ; 2π[. Ensuite, si e3 ∈ E1(r ) n’est pas nul, (e1,e2,e3) est une base de E et

Mat(e1,e2,e3) r =cosθ −sinθ 0

sinθ cosθ 00 0 1

=[

R(θ) 00 1

]

On suppose maintenant avoir orienté F. Soit (e1,e2) une base orthonormée directe de F. Soitθ ∈]0 ; 2π[ tel que

r e1 = cosθe1 + sinθe2 r e2 =−sinθe1 +cosθe2

Soit (u1,u2) une autre base orthonormée. On note P la matrice de passage de (e1,e2) vers (u1,u2).P est dans SO2(R) ou O2(R) \ SO2(R), suivant que (u1,u2) est directe ou indirecte. D’après l’étudede O2(R), il existe ϕ ∈R tel que P = R(ϕ) ou P = S(ϕ), respectivement.

Si u3 est dans E1(r ), non nul, alors (e1,e2,u3) et (u1,u2,u3) sont des bases de E ; la matrice depassage est notée Q et l’on a

Mat(e1,e2,u3) r =[

R(θ) 00 1

]Q =

[P 00 1

]Q−1 =

[P−1 0

0 1

]

Puis Mat(u1,u2,u3) r = Q−1(Mat(e1,e2,u3) r )Q =[

P−1R(θ)P 00 1

]On vérifie alors, à l’aide des formules obtenues précédemment, que

R(ϕ)−1R(θ)R(ϕ) = R(θ) S(ϕ)−1R(θ)S(ϕ) = R(−θ)

On peut alors identifier les automorphismes orthogonaux qui ne sont pas des rotations : eneffet, si f ∈ O3(R)) \ SO3(R), alors det(− f ) = (−1)3 det f = 1 donc − f ∈ SO3(R).

Corollaire 1.5.29 (Description géométrique des automorphismes orthogonaux indirects)Soient E euclidien et f un automorphisme orthogonal de déterminant −1, tel que f 6= −I3. AlorsE−1( f ) est une droite. On pose F = E−1( f ).

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

• Si (e1,e2) est une base orthonormée de F, il existe θ ∈]−π ; π[ tel que pour tout e3 ∈ E−1( f ) nonnul,

Mat(e1,e2,e3) f =cosθ −sinθ 0

sinθ cosθ 00 0 −1

=[

R(θ) 00 −1

]• On suppose avoir orienté F. Il existe un unique θ ∈]−π ; π[ tel que pour toute base orthonormée

de F et pour tout e3 ∈ E1( f ) non nul,

Mat(e1,e2,e3) f =[

R(θ) 00 −1

]ou

[R(−θ) 0

0 −1

]respectivement si (e1,e2,e3) est directe ou indirecte.

On voit que dans chacun des deux cas, l’orientation de F détermine entièrement l’angle de larotation induite sur F. Et la preuve montre bien la nécessité de cette orientation. On peut natu-rellement se demander s’il y a des automorphismes orthogonaux pour lesquels l’orientation de Fn’est pas importante. La réponse à cette question est simplement déduite de :

∀θ ∈]0 ; 2π[ R(θ) = R(−θ) ⇐⇒ sinθ= 0 ⇐⇒ θ=π

Définition 1.5.30 (Demi-tours)Soit E euclidien. On appelle demi-tour toute rotation d’angle π.

Soit r 6= idE une rotation de E. On aimerait avoir une manière simple d’obtenir les élémentscaractéristiques (axe, angle) de r . Précisément : supposons qu’on connaisse seulement la matriceR de f dans une base orthonormée B. Peut-on retrouver les éléments caractéristiques de f , àpartir de R, et sans trop de calcul si possible ? C’est possible si E est orienté, B est directe et r n’estpas symétrique.

• Recherche de l’axe : D’après le corollaire 5.28, on peut trouver trouver θ ∈]0 ; 2π[ et une baseorthonormée (e1,e2,e3) de E dans laquelle

Mat(e1,e2,e3) r =cosθ −sinθ 0

sinθ cosθ 00 0 −1

donc Mat(e1,e2,e3) r? = cosθ sinθ 0−sinθ cosθ 0

0 0 1

et Mat(e1,e2,e3) (r − r?) = 0 −2sinθ 0

2sinθ 0 00 0 0

Comme on a supposé que r n’est pas symétrique, cette matrice n’est pas nulle. Et ceci permetde voir que E1(r ) = Ker(r − r?). Mais r − r? est antisymétrique : on peut trouver ω ∈ E, nonnul tel que

∀x ∈ E (r − r?)(x) =ω∧x

Ce vecteur dirige Ker(r −r?) = E1(r ). Les coordonnées deω dans B peuvent être obtenues àpartir des coefficients de R− tR, sans le moindre calcul. On note

60

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

[ω]B =a

bc

e3 = ω

‖ω‖

• Recherche de l’angle : Notons que cette question n’a aucun sens, puisque l’angle de rotationn’est défini que si F = E1(r ) est orienté. Mais maintenant qu’on a ω, on peut naturellementorienter F, qui est un hyperplan, par la proposition 5.16 : on prend l’orientation de F définiepar

∀B base de F B est directe ⇐⇒ (B,ω) est directe

Si on note θ l’angle de r pour cette orientation de F, on sait que pour toute base orthonorméedirecte (e1,e2) de F,

Mat(e1,e2,e3 r =cosθ −sinθ 0

sinθ cosθ 00 0 1

Ceci donne immédiatement

TrR = Trr = 2cosθ+1 donc cosθ= −1+TrR

2

d’où θ= arccos−1+TrR

2ou θ= 2π−arccos

−1+TrR

2Il nous faut le signe de sinθ pour connaître entièrement θ. Mais sinθ = ⟨r e1 | e2⟩ d’après lamatrice de r dans la base (e1,e2,e3).Il faut se rappeler qu’on peut choisir (e1,e2) n’importe comment, pourvu que (e1,e2,e3) soitdirecte. Il est facile de trouver un premier vecteur e1 de norme 1, orthogonal à e3, parce qu’onconnaît les coordonnées de e3. Puis on prend e2 = e3 ∧e1. Et il suffit de trouver le signe de

⟨r e1 | e2⟩ = ⟨r e1 | e3 ∧e1⟩ = detB (e3,e1,r e1) = det(e1,r e1,e3)

Exemple 1.5.31On travaille dans R3 euclidien orienté canoniquement. On prend par exemple

R = 1

7

−2 −3 66 2 3

−3 6 2

et on vérifie que les colonnes de R forment une base orthonormée de R3 ; de plus, detR = 1 donc R est unerotation. R n’est pas symétrique et on peut appliquer la méthode précédente.

• Recherche de l’axe : On calcule

R− tR = 3

7

0 −3 33 0 −1

−3 1 0

et on prend ω=1

33

e3 = 1p19

133

L’axe de R est dirigé par ω.

• On oriente ω à partir de ω et on note θ l’angle de R pour cette orientation. On sait que

1+2cosθ= TrR = 2

7donc cosθ=− 5

14

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

On pose e1 = 1p2

01

−1

et on a Re1 = 1

7p

2

−9−1

4

Le signe de sinθ est le même que le signe de

det(e1,Re1,e3) = 1

2×7×p19

∣∣∣∣∣∣0 −9 11 −1 3

−1 4 3

∣∣∣∣∣∣= 3×19

2×7×p19

> 0

donc θ= arccos(− 5

14

)• Description de R : R est la rotation autour de la droite orientée par ω, d’angle arccos

(− 514

).

La méthode précédente échoue si r est une rotation symétrique car dans ce cas, r − r? = 0 etle vecteur ω est nul. Mais ce n’est pas grave : si r est symétrique, c’est une symétrie orthogonale ;mais ce n’est pas une réflexion (car une réflexion est de déterminant −1). Donc

dimKer(r − idE) = 1 dimKer(r + idE) = 2

Mais r 2 = idE donc (r − idE)(r + idE) = 0

et Im(r + idE) ⊂ Ker(r − idE)

Comme ces deux espaces sont de dimension 1, ils sont égaux. Trouver l’axe de r ne pose doncaucun problème : n’importe quelle colonne de R+ I3 donne un vecteur de l’axe. L’angle de r est πet les problèmes d’orientation ne se posent pas.

Exemple 1.5.32On reprend la matrice de l’exemple 5.9 :

R = 1

3

−2 2 12 1 21 2 −2

R définit un automorphisme orthogonal de R3 euclidien orienté par la base canonique. Et tR = R donc R estun demi-tour. De plus,

R+ I3 = 1

3

1 2 12 4 21 2 1

R est le demi-tour autour de la droite engendrée par

121

.

Si on veut trouver une base orthonormée qui diagonalise R, il y a juste quelques calculs à faire. On sait queKer(R+ I3) = Ker(R− I3). On pose

e3 = 1p6

121

e1 = 1p2

10

−1

de sorte que (e1,e3) est orthonormée. Puis

62

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Mathématiques Spéciales ESPACES PRÉHILBERTIENS

e2 = e3 ∧e1 = 1p3

1−1

1

Par construction, Vect(e1,e2) = e3 = Ker(r − I3) = Ker(r + I3) et

R =

1p2

1p3

1p6

0 − 1p3

2p6

− 1p2

1p3

1p6

−1 0 0

0 −1 00 0 1

1p2

0 − 1p2

1p3

− 1p3

1p3

1p6

2p6

1p6

63