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CHAPITRES XXVI-XXVII : FONCTIONNEMENT, STRUCTURE ET COMPORTEMENT D’UNE CULASSE DE MOTEUR DIESEL (TD) A.-F. GOURGUES-LORENZON L’étude de cas constituant ce chapitre s’appuie sur la thèse de Bruno Barlas, soutenue à l’Ecole en 2004, en partenariat avec RENAULT, MONTUPET et l’UTC de Compiègne. Les questions sont en italiques. PARTIE 1 : ANALYSE DE LA CULASSE 1.1 Fonctions de la culasse Parmi plusieurs solutions « matériau », les alliages d’aluminium tels que celui étudié ici sont couramment utilisés pour fabriquer les culasses de moteur automobile telles que celle de la figure 1. Les conditions de fonctionnement sont les suivantes : Pression d’explosion du mélange carburant + air : 180 bar du côté de la chambre de combustion (« face feu ») Force de serrage sur le cylindre : jusqu’à 10 kN en traction sur chaque vis Montage des sièges de soupapes : par frettage Refroidissement par eau (« face eau ») Questions : Quelles sont les fonctions d’une culasse de moteur automobile ? Quelles sont les propriétés (mécaniques, thermiques...) demandées à la pièce ? Quel moyen de fabrication imagine-t-on d’utiliser pour une pièce de forme aussi complexe ? Figure 1 : Vue d’ensemble d’une culasse de moteur Diesel équipée. 1.2 Choix du matériau constitutif de la culasse Au vu des éléments de la question précédente, justifier le choix d’un alliage métallique, puis d’un alliage d’aluminium, puis d’un alliage d’aluminium de fonderie. Etant donnée la température de la face eau (100°C) et la température des gaz de combustion (> 1000°C), la température de la face feu de la culasse peut atteindre 280°C. Cette température vous parait-elle élevée pour cet alliage au regard notamment de la durée de vie du moteur ? Quels mécanismes physico-chimiques sont alors susceptibles de se produire ?

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  • CHAPITRES XXVI-XXVII : FONCTIONNEMENT, STRUCTURE ET COMPORTEMENT DUNE CULASSE DE MOTEUR DIESEL (TD)

    A.-F. GOURGUES-LORENZON

    Ltude de cas constituant ce chapitre sappuie sur la thse de Bruno Barlas, soutenue lEcole en 2004, en partenariat avec RENAULT, MONTUPET et lUTC de Compigne. Les questions sont en italiques.

    PARTIE 1 : ANALYSE DE LA CULASSE

    1.1 Fonctions de la culasse Parmi plusieurs solutions matriau , les alliages daluminium tels que celui tudi ici sont couramment utiliss pour fabriquer les culasses de moteur automobile telles que celle de la figure 1. Les conditions de fonctionnement sont les suivantes : Pression dexplosion du mlange carburant + air : 180 bar du ct de la chambre de combustion ( face

    feu ) Force de serrage sur le cylindre : jusqu 10 kN en traction sur chaque vis Montage des siges de soupapes : par frettage Refroidissement par eau ( face eau ) Questions : Quelles sont les fonctions dune culasse de moteur automobile ? Quelles sont les proprits (mcaniques, thermiques...) demandes la pice ? Quel moyen de fabrication imagine-t-on dutiliser pour une pice de forme aussi complexe ?

    Figure 1 : Vue densemble dune culasse de moteur Diesel quipe.

    1.2 Choix du matriau constitutif de la culasse Au vu des lments de la question prcdente, justifier le choix dun alliage mtallique, puis dun alliage daluminium, puis dun alliage daluminium de fonderie. Etant donne la temprature de la face eau (100C) et la temprature des gaz de combustion (> 1000C), la temprature de la face feu de la culasse peut atteindre 280C. Cette temprature vous parait-elle leve pour cet alliage au regard notamment de la dure de vie du moteur ? Quels mcanismes physico-chimiques sont alors susceptibles de se produire ?

  • Etude de cas : culasse de moteur Diesel (TD) 221

    1.3 Zone critique et modes possibles de dfaillance de la culasse Le pontet intersoupapes (figure 2) est une zone troite qui, de ce fait, est relativement loigne des circuits de refroidissement de la culasse. Elle a donc tendance tre davantage chauffe que les zones avoisinantes, qui sont plus massives et mieux refroidies, lors du fonctionnement du moteur. En assimilant cette partie de la pice deux zones (le pontet et la zone avoisinante) et en supposant quil ny a aucune contrainte interne au dbut du fonctionnement du moteur neuf, caractriser le chargement mcanique (ici, thermomcanique) du pontet au cours des cycles de fonctionnement / arrt du moteur. A quel type de chargement a-t-on principalement affaire ? On constate exprimentalement que les fissures samorcent sur la face feu et se propagent progressivement vers la face eau. Deux objectifs simposent lingnieur de conception : Retarder et si possible prvenir lamorage de ces fissures en modifiant le comportement mcanique de

    lalliage Ralentir et si possible arrter la propagation de telles fissures. On sintresse ici la premire tape (lamorage de fissure), qui ncessite dj de bien connatre lvolution des proprits mcaniques du matriau au cours du temps. Ce point fait lobjet des parties suivantes de ce chapitre.

    Figure 2 : Le problme et le coupable : un pontet intersoupapes fissur.

    PARTIE 2 : STRUCTURE DE SOLIDIFICATION ET PROPRIETES MECANIQUES ASSOCIEES On considre, dans cette tude, la famille des alliages Al-Si faiblement allis au Mg. La structure de solidification est essentiellement lie aux lments Al et Si qui seront seuls considrs dans un premier temps.

    2.1 Composition chimique En considrant le diagramme dquilibre thermodynamique de la figure 3, quelle serait la meilleure composition possible pour couler facilement (cest--dire avec le moins de dfauts) le mtal dans le moule de la culasse ? Quelle serait, la temprature ambiante, la proportion et la composition chimique approximatives des phases lquilibre, sachant que lon peut prolonger les courbes de la figure 2 jusqu 20C ? La composition relle de lalliage utilis (AS7G) est donne dans le tableau 1. Noter que le faible taux de fer (infrieur 0,1%), bnfique pour les proprits mcaniques, interdit demployer du mtal de deuxime fusion, cest--dire issu du recyclage. En supposant que la solidification est trs lente, donner la squence de solidification de cet alliage. Quelles sont la nature et la composition chimique des phases lquilibre aprs refroidissement complet ? Interprter alors les contrastes obtenus sur la micrographie de la figure 4.

  • 222 Matriaux pour lingnieur

    Figure 3 : Diagramme dquilibre binaire Al-Si (daprs Massalski).La figure de droite est un agrandissement de la partie du diagramme du ct de Al.

    Figure 4 :Microstructure de solidification de lalliage AS7G.

    Quelles proprits mcaniques attend-on des deux phases en prsence ? Parmi les morphologies deutectiques possibles, laquelle vous parat alors la meilleure, pour la ductilit et la tnacit de la pice, entre les deux possibilits suivantes : Un eutectique lamellaire o le silicium est de forme allonge Un eutectique globulaire o le silicium est sous forme de particules sphriques dans une matrice (Al) ?

    TABLEAU 1 : COMPOSITION CHIMIQUE (EN MASSE) DE LALLIAGE AS7G DE LETUDE Elment Al Si Cu Mg Fe Mn Zn Ti Ca Sr % base 7,1 0,001 0,32 0,06 0,002 0,001 0,13 0,0001 0,010

    La morphologie globulaire est obtenue par une faible addition de strontium dans lalliage. En vous rfrant la figure 4, quel commentaire peut-on faire sur la composition chimique donne dans le tableau 1 ? Toujours daprs le diagramme Al-Si, quelles proportions de dendrites et deutectique attend-on juste aprs la raction eutectique ? Comparer avec la valeur exprimentale de 20% deutectique. Quelles sont les origines possibles de lcart constat ?

    T (C)

    Al Si

    100 m100 m100 m

  • Etude de cas : culasse de moteur Diesel (TD) 223

    2.2 Structure et dfauts attendus Quels sont les dfauts susceptibles dapparatre sur la pice moule ? Comment peut-on prvenir leur apparition ? Le fait que, comme leau, le silicium se dilate en solidifiant (ce qui est un comportement exceptionnel !) vous parat-il bnfique vis--vis de ces dfauts ? Lors de la mise en forme, le mtal est directement vers dans le moule en sable la forme de la culasse. Vaut-il mieux, vis--vis de lamorage des fissures, remplir le moule en commenant par la face feu ou par la face eau ? Sattend-on ce que ltape limitante de la ruine de la culasse soit plutt lamorage ou la propagation des fissures ?

    PARTIE 3 : TRAITEMENT THERMIQUE DES PIECES MOULEES Le traitement thermique aprs moulage comporte un recuit de mise en solution 540C, suivi dune trempe leau chaude et dun revenu 200C pendant au moins 5 heures. Lalliage est alors ltat T7 (survieilli), qui dtermine les proprits de la pice neuve.

    3.1 Remise en solution et trempe

    Quelles sont les phases en prsence dans les systmes Al-Si et Mg-Si (figure 5) lquilibre 540C ? Combien la phase (Al) peut-elle alors contenir de Si en solution ? Pourquoi doit-on refroidir lalliage rapidement aprs cette remise en solution ? Une trempe lau froide permettrait un refroidissement plus nergique, cest ce que lon fait couramment pour les tles lamines. Que pourrait-il ventuellement se passer si lon refroidissait trop brutalement par trempe une pice de fonderie ?

    Figure 5 : Diagramme dquilibre binaire Mg-Si (daprs Massalski)

    3.2 Revenu

    Quelles sont les phases potentiellement prsentes lquilibre 200C daprs les diagrammes Al-Si et Mg-Si ? Il existe, pour la phase Mg2Si, une squence de prcipitation, qui est lie lnergie des interfaces interphases des phases mtastables, plus ou moins cohrentes avec la matrice (Al), et la composition chimique de ces phases intermdiaires. Cette squence est la suivante, si le processus se poursuit jusqu lquilibre : (Al)1 (Al)2 + zones G.P. (Al)3 + (Al)4 + (Al)5 + Les indices 1 5 indiquent un changement de composition chimique de la phase (Al), qui passe dune solution solide sursature en Mg et Si la composition dquilibre en fin de squence. En passant des zones de Guinier-Preston (zones G.P., cf. TD sur les traitements thermiques) la phase stable (Mg2Si), le prcipit est de plus en plus gros et de moins en moins cohrent avec la matrice.

  • 224 Matriaux pour lingnieur Afin de dterminer les phases rellement prsentes dans le matriau la fin du revenu, on prlve un chantillon de culasse et on lui fait subir, dans un calorimtre diffrentiel balayage, un cycle thermique dont la partie chauffage est reprsente sur la figure 6. On dispose des tempratures caractristiques des transformations de phase dans des conditions proches, tires de la littrature (tableau 2) et on relve la position des pics sur le thermogramme de la figure 6.

    Figure 6 : Thermogramme obtenu au chauffage sur un chantillon dAS7G ltat T7 (calorimtrie diffrentielle balayage)

    A quelles transformations de phase les pics reprs 1 et 2 sont-ils respectivement associs ? En dduire ltat de prcipitation du matriau ltat T7. Dans la suite de cette tude, on considre lvolution structurale de la partie dendritique, celle de leutectique influenant peu les caractristiques de lalliage. Quel est le prcipit qui contribue vraisemblablement le plus au durcissement des dendrites ltat T7 ?

    TABLEAU 2 : PROPRIETES RELEVEES EN CALORIMETRIE DIFFERENTIELLE A BALAYAGE SUR UN ALLIAGE DE TYPE AS7G

    Effet du pic Gamme de temprature (C) Transformation de phase

    exothermique 20 formation des zones G.P. et de endothermique 40-100 dissolution des zones G.P. endothermique 80-140 dissolution de exothermique 180-290 formation de endothermique 200-300 dissolution de exothermique 280-330 transformation endothermique 330-430 dissolution de endothermique 449-455 fusion de (si 10% Mg)

    PARTIE 4 : VIEILLISSEMENT EN SERVICE 4.1 Mise en vidence du vieillissement Une technique exprimentale commode et non destructive pour suivre lvolution des proprits mcaniques consiste effectuer des essais de duret. On utilise ici une pointe pyramidale base carre, en diamant, appele pointe Vickers. Lempreinte laisse par cette pointe sous une masse p de 10 kg est mesure (on calcule la moyenne d entre ses deux diagonales) et la duret correspondante, HV10, est donne par : o p est en kg et d est en mm.

    2108541d

    p,HV =

    exo

    endo

    exo

    endo

  • Etude de cas : culasse de moteur Diesel (TD) 225

    Un essai au banc moteur durant jusqu 1500 heures pour les conditions les plus svres, quelle dure maximale de traitement thermique utiliseriez-vous pour effectuer un suivi de vieillissement par mesures de duret ? A quelle taille dempreinte une duret HV10 de 110 et de 45 correspondent-elles respectivement ? Comparer ces valeurs avec les tailles caractristiques de la microstructure suggres par la figure 4. Une charge de 1 kg vous aurait-elle paru plus adquate ? Comment caractriseriez-vous les volutions mesures sur la figure 7 ? Suggrez une quation permettant de dcrire simplement cette volution.

    Figure 7 : Evolution de la duret HV10 en fonction du temps de vieillissement, pour diffrentes tempratures

    4.2 Corrlation avec lvolution de la microstructure La figure 8 reprsente lvolution du rayon moyen des particules durcissantes (dans les dendrites), mesure par analyse dimages. Au vu de la taille de ces particules, quelle technique est la mieux adapte pour obtenir de telles images ? La cintique dvolution ainsi mesure vous parat-elle cohrente avec les donnes de la figure 7 ?

    Figure 8 : Evolution du rayon moyen des prcipits situs dans les dendrites, en fonction du temps de vieillissement, pour deux tempratures de vieillissement

    0

    5101520

    25303540

    45

    0 500 1000 1500 2000 2500Temps de vieillissement (h)

    200C220C

    Ray

    on

    m

    oye

    n de

    s pr

    cip

    its

    (nm)

  • 226 Matriaux pour lingnieur

    PARTIE 5 : PROPRIETES MECANIQUES RESULTANTES 5.1 Essais de fatigue oligocyclique et modlisation macroscopique La figure 9 reprsente les cycles stabiliss, pour une dformation totale impose entre -0,4% et +0,4% en traction-compression sur des prouvettes dalliages AS7G ltat neuf (T7) et ltat de vieillissement saturation (300C).

    Figure 9 : Cycles stabiliss de fatigue oligocyclique 20C, pour ltat non vieilli (T7) et aprs saturation du vieillissement mtallurgique.

    Caractriseriez-vous, pour ces deux tats, lcrouissage de plutt cinmatique ou de plutt isotrope ? En rflchissant aux mcanismes de durcissement de cet alliage, justifiez lchelle microscopique cette observation dduite des proprits mcaniques macroscopiques. Quelles sont les proprits mcaniques les plus affectes par le vieillissement mtallurgique ? On prend comme modle un cart lamplitude de contrainte entre ltat courant et ltat vieilli, delta sigma, proportionnel une variable dvolution microstructurale (1-a), avec a = 0 ltat neuf et a = a = 1 saturation du vieillissement. Cest un modle phnomnologique, rapide mettre en pratique chez lindustriel. Il a t cal sur lensemble des essais. Lvolution de a avec le temps est de la forme : avec t en secondes

    Quelle est la forme de a(t) ? Comparer avec lquation suggre par lvolution de la duret lors du vieillissement.

    5.2 Lien entre modle macroscopique et volution microstructurale Le tableau 3 regroupe les donnes dvolution du diamtre des prcipits pour diffrents vieillissements mtallurgiques. On donne la fraction volumique de particules, fv = constante = 14%, le module de cisaillement = 28,195 GPa la temprature ambiante et le module des vecteurs de Burgers de lalliage b = 0,286 nm. On rappelle que la fraction volumique des dendrites, f, est gale 80%.

    t

    aaa

    =

    &

  • Etude de cas : culasse de moteur Diesel (TD) 227 Utiliser le modle prsent en cours sur le durcissement par prcipitation pour estimer la contrainte de franchissement des prcipits dans ces diverses conditions. Etant donne la forme des prcipits, on prendra une forme lgrement diffrente de celle du cours pour calculer la distance inter-particules en fonction de la fraction volumique et de la taille moyenne des particules :

    TABLEAU 3 : DIAMETRE MOYEN DES PRECIPITES EN FONCTION DES CONDITIONS DE VIEILLISSEMENT DE LALLIAGE AS7G INITIALEMENT A LETAT T7

    Temps T de vieillissement Nature des Dimtre moyen Delta sigma macro (h) (C) prcipits des prcipits (nm) (MPa)

    100 200 + Si 56,0 4,5 74 300 200 + + Si 60,6 4,5 25 1000 200 + Si 61,7 4,5 0 2000 200 + Si 74,8 5,5 0

    50 220 + Si 68,6 5 37 100 220 + + Si 70,8 6 13 300 220 + Si 78,9 6 0

    Quel est le facteur de proportionnalit entre la surcontrainte macroscopique (donne par le modle macro partir des essais de duret et de fatigue, pour ces mmes conditions de vieillissement) et celle donne par le modle micro ? Un modle statique (contrainte uniforme dans toutes les phases) donne un facteur de Taylor de 2,24 pour les structures cubiques faces centres. Un modle dit de Taylor (dformation uniforme dans toutes les phases) donne un facteur de Taylor de 3,07. Ces deux valeurs sont des bornes au coefficient de proportionnalit rel. Comparer la valeur trouve celles des bornes et conclure quand la validit de la modlisation.

    5.3 Modle damorage de fissure en fatigue Le modle macroscopique prcdent a t intgr comme loi de comportement (coefficients variant avec la temprature) pour le calcul par lments finis de la dure de vie de culasses relles (moteur 2.2l DCI Renault, figure 11). En considrant le mode de fabrication de ces culasses, dire si une telle modlisation vous parat suffisante pour prdire dune manire conservative (i.e. plus svre que la ralit) la dure de vie lamorage dune fissure.

    Figure 11 : Isovaleurs de la contrainte perpendiculaire la direction des fissures observes dans le pontet, froid aprs 130 cycles entre 20 et 265C. A chaud, le pontet est en compression (-100 MPa environ), froid il est en traction (+180 MPa).

    = 2

    21 /

    vfR pi

  • 228 Matriaux pour lingnieur

  • Etude de cas : culasse de moteur Diesel (TD) 229

    CHAPITRES XXVI-XXVII : FONCTIONNEMENT, STRUCTURE ET COMPORTEMENT DUNE CULASSE DE MOTEUR DIESEL (CORRIGE)

    A.-F. GOURGUES-LORENZON

    PARTIE 1 : ANALYSE DE LA CULASSE

    1.1 Fonctions de la culasse Fonctions de la culasse : admission de lair et du carburant, rejet des gaz de combustion : cest une pice dans laquelle circulent de nombreux fluides. Proprits attendues dune culasse : rsistance mcanique (pression dexplosion, frettage des siges de soupape, montage..), rsistance thermique et bonne conduction de la chaleur (pour un refroidissement facile par eau), rsistance la corrosion par les diffrents fluides. On attend aussi une certaine ductilit, une certaine tnacit, et surtout un cot et une masse les plus bas possibles. La ralisation dune pice aussi complexe par usinage aurait un cot trs lev. On la ralise donc par moulage, cest--dire par fonderie (solidification dans un moule aux cotes de la pice quasiment finie). Un usinage de certaines surfaces est ensuite ralis, notamment pour une bonne jonction avec les autres pices.

    1.2 Choix du matriau constitutif de la culasse Les matriaux bons conducteurs de la chaleur, et possdant une certaine ductilit et tnacit, tout en supportant des tempratures leves sont les alliages mtalliques. Parmi les mtaux, laluminium est un trs bon conducteur de la chaleur (nettement moins cher et moins dense que le cuivre !). Sa faible densit et son aptitude tre mis en forme par fonderie sont galement de bons atouts. Il possde en revanche un coefficient de dilatation thermique lev, qui peut poser des problmes lors de la solidification comme on le verra par la suite. La temprature de fusion de laluminium pur est de Tf = 660C. Celle dun alliage est gnralement infrieure (on vite ici les phases intermtalliques, point de fusion lev, mais trs fragiles !). La temprature relative T/Tf (en K) est de lordre de 0,53 en face feu, ce qui est lev. Les phnomnes physico-chimiques lis la diffusion (volution des phases, fluage) peuvent donc tre activs au cours de la vie de la culasse. Si on dimensionne un moteur 300000 km parcourus en moyenne 75 km/h, cela fait une dure de vie denviron 4000h plein rgime, ce qui reprsente un temps long haute temprature. On verra effectivement dans la suite de cette tude que ltat mtallurgique, et par l mme, les proprits mcaniques, voluent notablement au cours de la vie de la pice.

    1.3 Zone critique et modes possibles de dfaillance de la culasse Lors du premier chauffage, le pontet est plus chaud que le reste de la pice, il a donc tendance se dilater davantage. Contraint par le reste de la pice, il est donc en compression chaud. Daprs ce qui prcde, la dformation nest sans doute pas exclusivement lastique : une partie irrversible peut se produire, par effet de viscosit (fluage) par exemple. Lors du refroidissement, le phnomne inverse se produit : le pontet a tendance se contracter davantage que le reste de la pice. Il est donc en traction la fin du refroidissement. Le chargement mcanique se caractrise donc par des cycles passant par de la compression chaud et de la traction froid : cest de la fatigue (sollicitation cyclique), ici appele fatigue thermique car elle est due au chargement thermique de la pice et la gomtrie de celle-ci.

    PARTIE 2 : STRUCTURE DE SOLIDIFICATION ET PROPRIETES MECANIQUES ASSOCIEES 2.1 Composition chimique Pour viter les dfauts de solidification, la meilleure solution (cf. TD sur le soudage) est davoir lintervalle de solidification le plus faible possible. La meilleure composition chimique, de ce point de vue, est la composition

  • 230 Matriaux pour lingnieur eutectique 12,2% en masse de silicium. De fait, le silicium est connu pour amliorer la coulabilit des alliages daluminium de fonderie. Les phases (Al) et (Si) tant pratiquement pures lquilibre basse temprature, elles sont prsentes dans les mmes proportions (12,2% de (Si) et le reste (Al)). Lalliage AS7G a un taux de silicium infrieur la composition eutectique. La premire phase se solidifier est (Al) et on traverse un domaine (L + (Al)). Chacune des deux phases senrichit en Si, jusqu ce que le liquide atteigne la composition eutectique. Le liquide rsiduel se transforme alors en (Al) + (Si). Dans le mme temps, la phase (Al) tend rejeter du silicium qui y prcipite. Comme pour leutectique 12,2% de Si, on trouve aprs refroidissement les phases (Al) et (Si) presque pures (aux autres lments dalliage prs), avec environ 7% en masse de (Si).

    Figure 3 : Diagramme dquilibre binaire Al-Si annot (daprs Massalski).

    Sur la figure 4, la phase majoritaire (Al) est en clair, tandis que la phase (Si), minoritaire, est en sombre (presque noir). On distingue les dendrites (Al) dites primaires (repre A) ainsi que leutectique (nodules de (Si) dans une matrice (Al) (repre B).

    Figure 4 annote : Microstructure de solidification de lalliage AS7G. A dsigne une dendrite (Al), B leutectique.

    100 m100 m100 m

    A

    B

  • Etude de cas : culasse de moteur Diesel (TD) 231 Le silicium nest pas un lment mtallique : comme le carbone, il forme des liaisons covalentes. Sa structure cristallographique est dailleurs cubique diamant. Cest un matriau trs dur et trs fragile. Il nest donc pas souhaitable davoir des phases (Si) trop allonges ou pointues : ce sont des amorces potentielles de fissures. Laluminium est un mtal mou et ductile. Une fois renforc par prcipitation il prsente une bonne rsistance mcanique. Au vu de ce qui prcde, un eutectique globulaire est nettement prfrable un eutectique lamellaire. Cest bien ce quon observe sur la figure 4, en accord avec le tableau 1 qui mentionne 0,01% de strontium en masse dans la composition chimique de lalliage. Cette faible teneur est suffisante pour obtenir un eutectique globulaire. Pour calculer les proportions relatives de dendrites et deutectique, on applique la rgle du levier la temprature de leutectique. La composition moyenne est de 7,1% de Si en masse, celle de leutectique est de 12,2% et celle des dendrites (toujours lquilibre) est de 2% en masse. On sattend donc une fraction donne par :

    %,

    , 502212

    217

    deutectique en masse (un calcul plus prcis donnerait 49%).

    Lcart entre la valeur exprimentale et la valeur calcule peut tre attribu plusieurs facteurs : la solidification se fait en fait hors quilibre, ce qui pourrait repousser leutectique beaucoup plus basse temprature, lalliage contient dautres lments qui peuvent lgrement modifier lquilibre thermodynamique par rapport au diagramme binaire. De plus leutectique est difficile diffrencier des dendrites sur les images et lincertitude de mesure est sans doute non ngligeable.

    2.2 Structure et dfauts attendus On sattend deux types de dfauts : des retassures dues au retrait lors de la solidification et des sgrgations chimiques entre les dendrites et leutectique (dernier liquide solidifi). On vite les grosses retassures par des masselottes (rserves de liquide judicieusement places). Les microretassures ( lchelle des dendrites) sont trs difficiles viter. La sgrgation sera en partie efface par les traitements thermiques ultrieurs, qui laisseront le temps la diffusion chimique dhomogniser la composition. La contraction volumique la solidification est partiellement rduite par (Si) qui a tendance se dilater. De fait, le retrait volumique est infrieur 2% dans ce cas, tandis quil est suprieur 5% en labsence de Si. Ceci amliore grandement la coulabilit de lalliage. Pour limiter la fissuration, une solution est davoir une structure suffisamment fine et homogne sur la face feu. Il convient donc de remplir le moule en commenant par la face feu. Les microretassures sont difficiles viter et constituent des amorces potentielles de fissures, dautant plus que la phase (Si), fragile, est en particulier situe prs des retassures (dans leutectique). Lamorage des fissures est donc potentiellement ais et ne constitue pas ltape limitante de la ruine de la culasse. On essaiera, dans cette tude, de la retarder.

    PARTIE 3 : TRAITEMENT THERMIQUE DES PIECES MOULEES 3.1 Remise en solution et trempe Le diagramme Al-Si indique qu 540C coexistent la phase (Si) et une phase (Al) contenant environ 1,3% de Si. Il faut toutefois noter que le diagramme ne distingue pas (Al) dendritique de (Al) eutectique. Le diagramme Mg-Si indique que la phase Mg2Si nest pas remise en solution dans (Mg) mais il nen est peut-tre (et, de fait) pas de mme dans la matrice (Al). La trempe a pour objectif de figer la microstructure, en limitant les ractions chimiques gouvernes par la diffusion, et de garder ainsi en solution un maximum dlments dalliage. Une trempe trop nergique aurait pour effet dinstaller un trs fort gradient de temprature entre la peau (en traction) et le cur (chaud, en compression) de la pice. Celle-ci risquerait alors de fissurer prs de la surface, ce qui serait redoutable lors dune sollicitation ultrieure de fatigue en service. Pour information, ces dfauts sont appels tapures de trempe . On doit donc faire un compromis entre la prvention de ces dfauts, dune part, et lefficacit de la trempe, dautre part. Ce compromis est ralis en pratique par la trempe leau chaude.

    3.2 Revenu

    A 200C on trouve les phases (Al), (Si) et Mg2Si. Il ny a en effet pas assez de Mg pour piger tout le Si qui a t remis en solution. On trouvera donc des particules de Si galement dans les dendrites (Al).

  • 232 Matriaux pour lingnieur Les pics 1 et 2, exothermiques, correspondent respectivement la formation de et la transformation de en . Lalliage contenait donc vraisemblablement des phases (voire galement quelques phases ), ainsi que les phases (Al) et (Si).

    Du fait de la faible teneur en Mg, les phases Mg-Si sont en faible fraction volumique par rapport la phase (Si) forme dans les dendrites. Cette dernire contribue donc sans doute en majorit au durcissement des dendrites.

    PARTIE 4 : VIEILLISSEMENT EN SERVICE 4.1 Mise en vidence du vieillissement Il faut des dures dau moins 1500 heures, ce qui fait quon vise logiquement un peu plus soit 2000h (ce qui reprsente tout de mme dix semaines...) En appliquant la formule indiquant la duret en fonction de la taille moyenne des diagonales de lempreinte, on trouve respectivement, pour une charge de 10 kg, une taille dempreinte denviron 640 m pour une duret de 45 HV10 et de 410 m pour une duret de 110 HV10. Les valeurs annonces sont, daprs la figure 4, largement suprieure la taille des bras de dendrites, et encore bien suprieures la taille des phases de leutectique. On calcule donc une moyenne entre les durets des diffrentes phases. Sous une charge de 1 kg, les tailles dempreintes seraient respectivement de 130 et 200 m, ce qui correspond la taille typique dun bras de dendrite ou dune zone eutectique un peu tendue. On risquerait donc davoir des mesures trs bruites, selon quon indente une dendrite ou une zone riche en eutectique. Ceci nest pas souhaitable. Les volutions mesures sur la figure 7 montrent une dcroissance rapide avec une asymptote horizontale non nulle. Une loi exponentielle ferait probablement laffaire pour dcrire ces donnes. Le temps caractristique de cette loi correspond une perte de duret denviron 63%, soit une chute de 110 69 HV10 si on place lasymptote 45 HV10. On obtient alors un temps denviron 1800h 160C, 300h 180C, 100h 200C et quelques heures seulement 220C.

    Figure 7 annote : Evolution de la duret HV10 en fonction du temps de vieillissement 4.2 Corrlation avec lvolution de la microstructure Pour mesurer une taille de particule de 25 40 nm, le microscope lectronique balayage nest pas trs bien adapt, tandis que le microscope optique est hors course (cf. tableau 1 du Chapitre VII). Cest la microscopie lectronique en transmission qui est la technique la mieux adapte, pour peu que lon obtienne un bon contraste entre les phases.

  • Etude de cas : culasse de moteur Diesel (TD) 233 Sur la figure 8, la taille des particules de silicium atteint une valeur maximale (saturation du vieillissement) avant 300h 220C. La figure 7 montre que la duret est alors proche de son niveau minimum. Les donnes sont donc cohrentes 220C. A 200C, la taille des particules volue continment pendant les 2000h de test, alors que la duret atteint une asymptote vers 1500h. Ceci dit, ladoucissement nest pas inversement proportionnel la taille des particules, comme on le verra par la suite.

    PARTIE 5 : PROPRIETES MECANIQUES RESULTANTES 5.1 Essais de fatigue oligocyclique et modlisation macroscopique Si on considre le matriau non vieilli, le dchargement nest que partiellement lastique : avant mme le retour la charge nulle le matriau a commenc plastifier en compression. Lcrouissage est donc essentiellement cinmatique. Cet crouissage est fortement rduit aprs vieillissement. Les courbes donnes par le modle indiquent galement que la limite dlasticit au premier cycle de chargement a largement diminu aprs vieillissement. De fait, ce sont ces deux paramtres (limite dlasticit et crouissage cinmatique) qui sont majoritairement affects par le vieillissement mtallurgique. Le module dYoung est inchang. Les particules de phases durcissantes sont relativement grosses ici, et ne peuvent sans doute pas tre franchies par cisaillement. Cela est dautant plus vrai que (Si) est covalente (les dislocations ny passent quasiment pas) et que la phase nest pas cohrente avec (Al). Les phases durcissantes sont donc franchies par contournement, ce qui laisse de boucles de dislocations. Ce mode de franchissement est rversible et le retour est plus facile que l aller , do un crouissage essentiellement cinmatique. En rsolvant lquation diffrentielle on trouve la forme suivante :

    ( )

    =

    texpta 1 o est le temps de relaxation de ladoucissement.

    Cette forme est cohrente avec la loi suggre par les mesures de duret.

    5.2 Lien entre modle macroscopique et volution microstructurale On considre que ladoucissement des dendrites contribue hauteur de la fraction volumique des dendrites, il faudra donc multiplier les contraintes de franchissement par la fraction volumique des dendrites. On utilise le modle de franchissement des dislocations par contournement des prcipits (cf. chapitre sur le durcissement et le renforcement), en remplaant par la formule de lnonc la formule suivante :

    Rf

    b, vc 70=

    avec R le rayon moyen des prcipits. Les valeurs correspondantes de la contrainte locale de franchissement sont donnes dans le tableau ci-dessous. Lajustement linaire, qui force la courbe passer par le point (0,0) est donn sur la figure ci-dessous.

    TABLEAU 3 : DIAMETRE MOYEN DES PRECIPITES EN FONCTION DES CONDITIONS DE VIEILLISSEMENT DE LALLIAGE AS7G INITIALEMENT A LETAT T7

    Temps T de vieillissement Nature des Dimtre moyen macro micro (h) (C) prcipits des prcipits (nm) (MPa) (MPa)

    100 200 + Si 56,0 4,5 74 24,4 300 200 + + Si 60,6 4,5 25 18,0 1000 200 + Si 61,7 4,5 - 16,6 2000 200 + Si 74,8 5,5 0 3,3

    50 220 + Si 68,6 5 37 9,0 100 220 + + Si 70,8 6 13 6,8 300 220 + Si 78,9 6 0 0 Le facteur de Taylor est ici denviron 2,5. Noter que le coefficient de corrlation nest pas excellent. Cette valeur est bien comprise dans les bornes ; ceci suggre que le modle micro, bien que simpliste, dcrit bien lincidence de lvolution mtallurgique sur lvolution des proprits mcaniques du matriau.

  • 234 Matriaux pour lingnieur

    Figure complmentaire : Comparaison entre le durcissement macro donn par le modle macroscopique et le durcissement micro calcul partir de lvolution du rayon des prcipits durcissants. Ltat de rfrence est le vieillissement de 300h 220C partir de ltat T7.

    5.3 Modle damorage de fissure en fatigue Le modle propos ne prend pas en compte la prsence des retassures, ni la morphologie et la distribution spatiale de leutectique. Ces deux paramtres interviennent dans la fissuration, soit pour amorcer, soit pour arrter les fissures. Le modle pourrait donc trs bien ne pas tre conservatif tant que lon ne considre pas les dfauts rels sur lesquels amorcent les fissures.

    Corrlation micro-macro

    y = 2.528xR2 = 0.779

    0

    10

    20

    30

    40

    50

    60

    70

    80

    0 5 10 15 20 25 30

    Delta tau micro (MPa)

    Delta

    sig

    ma m

    acro

    (M

    Pa) points exprimentaux

    Ajustement linaire