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Page 1: C'est l'été ou jamais de goûter au bon air des Alpes · l'historienneDanielaVaj. responsable de la base de données ... la cabane de Mr Hugi_, in L Agassiz. Etudes sur les
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C'est l'été ou jamais de goûter au bon air des Alpes

SOCIÉTÉ

Entre admiration et effroi, la beauté stupéfiante des Alpes suisses ne peut laisser indifférent

L a Suisse est un paradis pourles vacances!» C'est le« credo développé cet hiver

par le président du POC suisse Chris­tophe Darbellay pour consolider la posi­tion du tourisme suisse face à la crisefinancière, et notamment en période defranc fort. Passer ses vacances dans lesAlpes? D'autresy ont pensé avant lui, àcommencer par de nombreux et presti­gieux hôtes étrangers au XVIIIe siècle.Les Alpes ont en effet suscité un intérêtdans le monde européen dès la Renais­sance, et cette curiosité siest considéra­blement modifiée au cours des siècles,comme nous le racontent le professeurde littérature française et d 1histoire de laculture à l'UNIL Claude Reichler, etl'historienne Daniela Vaj. responsable dela base de données VIATIMAGES, par­tenaires et initiateurs du projet VIATI­CALPES, financé par l'UNILet le FNS,qui étudie les représentations iconogra.phiques et littéraires des Alpes à traversles récits de voyage, de la Renaissancejusqu1au XIXe siècle.

Claude Reichler est professeur de littérature française et d'histoire de

la culture à l'UNIL et directeur du projet «Le bon air des Alpes»

Monts affreux, monts sublimes

«Ily a toute une historiographie qui expliqueque, jusqulau XVIIIesiècle, les Alpes étaientune région qui faisait peur, elle était à la foisévitée et rejetée, et qu'à partir du XVIIIesiècle, les voyageurs européens se sont pas­sionnés pour ces montagnes,), raconte leProfesseur Claude ReichJer.«Cette version traditionnelle est très bienexprimée par la double anthologie del'historienne Eliane Engel intitulée «Cesmonts affreux»/«Ces monts sublimes».»Et d'ajouter: «Ce nlest pas faux, mais enmême temps, les chercheurs ont récem­ment montré qu10n rencontre déjà unintérêt pour les Alpes à la Renaissance.Dans le milieu des humanistes protestantssuisses, des voyages dans les Alpes ontlieu, on trouve des écrits qui font Ilélogede la beauté du paysage des Alpes."Si la Renaissance est l'époque des grandesdécouvertes géographiques, elle est aussicelle de l'invention de l'imprimerie. Appa·raîtra dès lors un genre littéraire nouveau:le récit de voyage, accompagné, dans toutel'histoire européenne, d1illustrations.

suite en page 52 ~

50 ALLEZ SAVOIR! / N Q 50 MAI 2011

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Le Professeur Claude Reichler et DanielaVai, initiateursdu projetVlATlCALPESetdela base de données V1ATlMAGES, ont sélec­tionné et commenté pour nous six imagestirées de la base de données Viatimages.

Celle-ci réunit actuellement 1800 illus­trations tirées des ouvrages de voyageen Suisse et dans les Alpes des XVIII' etXIX' siécles. Plus qu'un stock de docu­ments, la base de données est un outilcomplexe. qui met en relation les imageset les textes et permet d'ouvrir des liensvers des informations sur les auteurs etles artistes, et vers les ouvrages dispo­nibles en ligne. Des utilisations multi­média sont également à l'étude pouroffrir aux randonneurs la possibilitéd'accéder il ces informations au cours

de leur promenade.

_Dragon effrayant un paysan»

in J. J. Scheuchzer. Itinsfa a/pins...•

Leyde. t723.Johann-Jakob Scheuchzer (Zurich, 1662·

17331 fut l'un des derniers savants

universels. à la fois naturaliste. médecin et

théologien. Il parcourut les Alpes en

pionnier. passionné par l'observation de la

nature. les quatre volumes de ses ltinera

alpina. admirablement illustrés. écrits en

latin, relatent ses excursions faites de 1702

à 1711. Scheuchzer voulut vérifier, en

recherchant des traces éventuelles. la

présence dans les Alpes de dragons qui, àen croire les témoignages qu'il avaitrecueillis. étaient fort nombreux..

L Agassiz••Glacier de l'Aar. PartieSupérieure avec la cabane de MrHugi_, in L Agassiz. Etudes sur lesGlaciers. Neuchâtel-Solothurn. 1840.le livre sur les glaciers publié par Louis

Agassiz en 1840 est un ouvrage important,

qui fit connaître la théorie de l'expansion

des glaciers alpins et des variations

climatiques. Il est accompagné d'un atlas

comportant 32 planches dessinées et

lithographiées par Joseph Benanier. On voit

ici le glacier inférieur de l'Aar, sur la

moraine centrale duquel Franz Joseph Hugi

avait installé un poste d'observation dix ans

auparavant. Agassiz et ses compagnons

remarquèrent que la llcabane~ avait avancé

de plusieurs centaines de mètres

œIl,Jl.<I;lllE:Fl 10:& !I.:AJl.!B.

'P..rllc Supcr..,urc "'-"'cc 1... cabllnC d.. M' Bug..

Ces images, extraites de la base de données VIA TlMAGES, ont été fournies par les bibliothèques partenaires du

projet VIA TlCALPES: Bibliorhèque cantonale et universitaire de ausanne, Bibliothèque de Genève, Bibliothèque

nationalesuisse, Bibliothèque publique et universitaire de Neuchbtel, Burgerbibliothek Berne, Médiathèque Valais

UHIL 1UmV~f1lt~ c1~ taus.ann~ ALLEZ SAVOIR! / N°50 MAI 2011 51

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C'est l'été ou jamais de goûter au bon air des Alpes

SOCIÉTÉ

Daniela Vaj est historienne et responsable de la base

de données VIATIMAGES. à I"UNIL

C'est l'attrait nouveau pour les paysages sauvages qui attira les premiers amateurs en Suisse,

au XVIIe siècle. Depuis, cette passion n'a pas faibli

alors la maîtresse. On y cache parexemple les barrières derrière les haiesd'arbres, on fait comme si le parc se pro­longeait de manière naturelle et quasiinfinie dans la nature environnante. Celareflète un véritable changement dans larelation que l'on entretient avec la nature.Tout à coup, la nature sauvage devientpréférable à la nature domestiquée.»

On vient en Suisse admirerla démocratie

Pas étonnant dès lors de voir les Alpes,où la nature s'impose dans toute Sagrandeur, devenir une des destinationsde choix pour les voyageurs aristocra­tiques du XVlIIe siècle.1Vlais la Suisseattire également sur un autre plan,plus politique.«A l'époque de la modernisation, de l'ur_banisation et de l'industrialisation, laSuisse des Alpes apparaît comme unesorte dlîle préservée où l'homme vit enharmonie avec la nature. On vient alorsen Suisse et on admire ce qu'on penseêtre la démocratie, dans une oppositiontotale avec les monarchies absolues envi­ronnantes», explique encore le Profes­seur Reichler.Il ajoute: «Tout cela est partiellement ima­ginaire, bien entendu, mais cet imaginaire,les voyageurs pensent le vérifier quand ilsse promènent dans les cantons alpins ... »Pour preuve encore de ce nouvel engoue­ment, la multiplication des ouvragesconsacrés aux voyages dans les Alpes.Selon Gavin de Beer, un érudit anglais,

l'admiration pour les paysages à la fran­çaise, c'est-à-dire des paysages géomé­triques où la nature est maîtrisée etordonnée, comme les grands parcs deVersailles, au goût pour les paysages àl'anglaise, au !al/rJJcapegar'Jenùzq: ces parcspaysagers où on dissimule Pinterventionhumaine derrière la nature qui paraît

Naissance d'une mode

Mais comment expliquer les raisons deces nouvelles habitudes alpines? «Ellessont de divers ordres», répond ClaudeReichler. «Mais on remarque surtout quele goût pour le paysage se modifie versle milieu du XVIII- siècle. On passe de

De ces textes, il ressort que ce nlest cepen­dant qu'au XVllIe siècle que lion peutréeIJement parler d'une «mode des Alpes».«Dans le Grand Tour, comme on anomméle voyage de formation que faisaient lesjeunes gens des grandes familles anglaisessur le continent, la Suisse n'était alorsqu'un passage», relève Daniel Vaj.«On passait les Alpes pour aller en Ita­lie ou dans le Sud, on ne s'y arrêtait pas.Ce nlest qu'au XVIIIe siècle que l'on slin­

téresse à la Suisse comme pays à visiterpour ses paysages.» A cette époque, l'onvoit dlailleurs se multiplier les gravurescoloriées d'artistes que l'on appelait les«petits maîtres suisses», comme Aberli ouBiedermann, parce qu'ils travaillaient surdes petits formats, Des images que lion ven·dait aux voyageurs, plus d'un siècle avantl'apparition des premières cartes postales.

L'attrait du sauvage

52 ALLEZ SAVOIR! / N°50 MAI 2011

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J. F. Albanis Beaumont, .Geneva_, in J.F. Albanis Beaumont. Trave/s tromFrance ta Italy through the Lspontine

Alps. Londre•• 1800.Albanis Beaumont est l'auteur de plusieurs

ouvrages relatant des voyages dans les

Alpes, enrichis de gravures au trait précis et

au coloris délicat. Il passa plusieurs années

à Londres et accompagna le duc de

Gloucester dans un Grand Tour. Cette image

de Genève, prise depuis les hauteurs du

bois de la Batie, témoigne à la fois du goût

pittoresque et d'une exactitude

topographique. On reconnait les quaniers

de la ville, les monuments, et presque

chaque maison dans la lumière d'une fin

d'après-midi

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G.\J.J-:llI-; I)I-;S

.\.1'. n.ll.

J. J, F. Le Barbier••Galère des femmes.à Berne_, in J. B. de Laborde et B. F.

von Zurlauben, Tableau/(topographiques, pittoresques,physiques, historiques, moraux.politiques. litt;,,;res, de la Suisse,Paris. 1780·1788.La coOteuse entreprise que constitua la

publication des Tableaux de la Suisse fut

un feu d'artifice du voyage en Suisse à la

fin de l'Ancien Régime. les dessinateurs,

célèbres à Paris, composèrent près

de 400 planches {vues, médailles et

ponraitsl. Cette scène de rue à Berne rompt

avec les éternelles vues des montagnes.

D'un pittoresque un peu grinçant à nos

yeux. malgré l'ordonnance majestueuse des

batiments, elle était destinée sans doute à

montrer le bel ordre régnant dans la ville de

Leurs Excellences...

on recenserait vers le milieu du XVIIIesiècle à peu près cinq livres nouveauxportant sur la Suisse en Europe parannée, contre trente à quarante après lesguerres napoléoniennes, soit après 1815.Des livres aujourd 1hui très rares et pra­tiquement inconsultables, car dispersésdans les collections des bibliothèques,d'où l'intérêt de la base de données miseen ligne pour le public par le projetVIATICALPES.

Byron, Goethe, Turner ...

En découlera toute la mythologie denotre pays, qui, «même si nous voulonscroire l'avoir autogénérée, est largementle produit de l'image que les voyageurseuropéens ont construite et projetée».

UNlll Un;yers'lt de L~us.anne

Outre ces récits de voyage et autres textessavants, cette image de la Suisse est éga­Iement construite, au fJ des décennies, parles nombreux artistes prestigieux que laSuisse a vu défiler dans ses montagnescomme Goethe. Byron, M.,y Shelley, quiplace son personnage Frankenstein dansles Alpes, ou encore le célèbre peintre Tur­ner, qui viendra en Suisse à sept ou huitreprises. Autant d'artistes qui laisserontà chaque fois des traces de leurs impres­sions dans leurs œuvres respectives.

Le bon air des Alpes

Au XIXe siècle, un autre critère appa­raît dans l'intérêt suscité par les Alpes,celui du fameux «bon air pur». «Conjoin­tement au développement des études

ALLEZ SAVOIR! 1 N°50 MAI 2011

scientifiques sur la physiologie, la méde­cine va de plus en plus slintéresser à llairdes Alpes., explique Daniela Vaj..Les scientifiques vont découvrir unesérie de propriétés propres à la mon­tagne qui devient une sorte de labora­toire en plein air pour Pobservationscientifique et la médecine. Ce nouvelintérêt sera alors réduit au domaine dubien-être physique, l'air pur des Alpesdevenant carrément un élément théra­peutique au cours du XIXe siècle, car ilsoignerait de nombreuses maladies, enparticulier la tuberculose.»Une croyance d'ailleurs véhiculée égaie­ment par la tradition locale: «On envoyaitcouramment les femmes enceintes à lamontagne», raconte encore Daniela Vaj.

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C'est l'été ou jamais de goûter au bon air des Alpes

SOCIÉTÉ

C. Wolf. aGiacier du Breithorn. contrela Vallée de Lauterbroun» Détail. in J.S. Wyttenbach. Merkwürdige

<lIIIII Prospekte 8US den Schweizer~

geburgen und derselben Beschreibung.Berne. 1776.

Premier peintre de la haute montagne.

Caspar Wolf parcourut les Alpes entre 1772

et 1777; il prit plus de 150 croquis, qu'il

travaillait ensuite sur toile en atelier. Son

éditeur publia en portefeuille une suite de

gravures coloriées, parmi lesquelles un

glacier du Breithorn étonnant de lumière et

de grace: pour la première fois, les IIdéserts

de glace» apparaissaient porteurs de

beauté. Le détail présenté montre les

acteurs du voyage (et du livre illustrél: le

peintre, le guide et l'éditeur (ou le savant)

penchés sur l'abîme

Aujourd'hui encore, des touristes britanniques s'amusent à traverser les Alpes à l'ancienne

La Suisse devient "le terrain dejeu de l'Europe»

Si l'on note très clairement des évolutionsdans la manière dont on regarde les Alpessuisses et ce qu'on y recherche au coursdes siècles, le changement le plus remar­quable, note Claude Reichler, est de typesociologique: «On est passé, au milieu duXIXe siècle, de voyageurs issus d'élitesurbaines, comme des aristocrates et desartistes, à un mode de voyage qui s'est deplus en plus répandu et à des technologiesdu voyage qui ont donné naissance à une«industrie des étrangers», comme on Pap­pelait à ce moment~là, avec des infrastruc­tures, des modes de transports -la vapeur,le chemin de fer -, qui permettaient auxtouristes à proprement parler d'arriver enbeaucoup plus grand nombre.»Cette massification du voyage, qui arrivevers les années 1860, avec notammentJlagence Cook qui propose les premiersvoyages organisés, est d'ailleurs relatéepar certains auteurs avec une certaineironie: «Certains voyageurs se moquentde ces Suisses qui, dès le printemps,regardent tous vers les frontières et atten~dent les étrangers avec impatience»,raconte encore Claude Reichler,

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A cette même période, les touristes,notamment les Anglais, commencent à sepassionner pour J'alpinisme, ce goût devaincre Jes sommets si présent dans lesmentalités à cette époque qu Iii inspirerale titre d'un célèbre essai de Leslie Ste­phen, «The playground of Europe" (,Leterrain de jeu de l'Europe»).

Identité nationale et clichés

Avec l'intérêt grandissant pour les Alpeset sa démocratisation, il n'était pas éton-

ALLEZ SAVOIR! / N°5D MAI 2011

nant de voir également apparaître leurrécupération tant sur le plan politiqueque pu blicitaire. «Cette reprise et la créa­tion de clichés à usage politique, que leshistoriens montrent à l'œuvre dès l'Ex­position nationale de 1896 à Genève,avec la construction du fameux «villagesuisse», a un effet ambigu: si lion renforcel'attrait de l'image helvétique, on la videen même temps de sa réalité, on en faitune sorte de mythe», analyse le Profes­seur Reichler,

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G. Lury, aMaisun de paysans dans les

environs de Bernell, G. Lory fils. Voyagepinorssque de l'Oberland Bernois,

<il Poris.1822.Voici un autre ouvrage rare, paru en pleine

époque romantique, alors que l'Oberland

bernois était l'une des régions les plus

visitées par les voyageurs européens qui y

trouvaient des paysages pittoresques, des

sites historiques, des sommets sublimes..

Ils y trouvaient aussi une population vivant

en harmonie avec le milieu, dans une

relative opulence dont témoignaient les

fermes immenses qu'habitait un monde

complet et autosuffisant. humains. bêtes,

fourrage. potager, fontaine

Anne-Sylvie Sprenger

Pourtant, ces dernières années, unedemande d'un autre tourisme a commencéà se faire sentir, avec notamment un grandretour à la pratique de la randonnée. Cestlà précisément qu'intervient la volonté duprojet VIATICALPES: redécouvrir lesAlpes avec le regard émerveillé des voya­geurs d'autrefois, avant ces dérives du tou­risme de l'hypermodernité."Nous sommes des chercheurs qui sesoumettent à des critères scientifiques,mais nous sommes aussi conduits par desmotivations dtordre éthique, spirituellemême, et la diffusion d'images anciennespeut nous aider à retrouver un lien avecce monde naturel, un monde qui peutnous enchanter et nous émerveiller sinous apprenons à le regarder. Nous espé­rons qu'à travers la contemplation de cesimages anciennes, revienne quelquechose de cet enchantement.» Et DanielaVaj d'ajouter: <dl serait bon de ne pas serappeler la grandeur de la nature unique·ment lors de catastrophes naturelles ... »

créatrices d'illusions, elles sont décon·nectées avec la réalité de la nature, ellesne sont plus que des simulacres. Le tou­risme alpin a pris des formes de diver­tissement urbain.»Et d'évoquer la publicité autour des sportsextrêmes, "ces témoignages d'une sorted'activité frénétique», ou encore la pro­duction de neige artificielle, qui assimilela montagne à une piste de skateboard.

Dès le XIXe slècle, les montagnes suisses

séduisent pour leur aspect thérapeuthique.

Ici, les fameux bains de Loèche

Le Disneyland suisse

Devenu une véritable industrie depuis lemilieu des années 1950, le tourisme aquant à lui engendré un espace factice,si l'on suit le sociologue valaisan BernardCrettaz, pour qui les Alpes seraientréduites à un «Disneyland».«On vient y voir non seulement des pay­sages, précise Claude Reichler, mais éga·lement des coutumes, comme les combatsde reines ou la désalpe. I\y a aujourd'huiune pseudo-tradition qui correspond àune demande de passé qui est unedemande construite. Les images pro­duites aujourd'hui sur les Alpes sont

En même temps, il est indéniable que lesSuisses ont construit leur identité sur lamontagne et l'identification au paysagealpin, «VExpo.02 a voulu d'ailleursréagir là contre en montrant non pas uneSuisse des Alpes, mais une Suisse du Pla­teau et des lacs. Cette réaction était peut­être juste, mais elle nia guère été suivied'effets», raconte le Professeur Reichler.«Tout de suite après, à Shanghai, c'étaitde nouveau la montagne qui représen­tait la Suisse. Les Alpes semblent indis­sociables de notre identité collective.»

UNltl Univerlité de LaUlanne ALLEZ SAVOIR! / N°SO MAI 2011 55