cÉrÉbral - jacge.nguyen.free.frjacge.nguyen.free.fr/telech/cortisone.pdf · la grossesse sup-....

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._- -. --'~-' -~~. --- - --. '-~--'~ ~~~-- =:::::;::~-=:~-_. _d'_==-=-==---~'-) L 'ÎIII/}(/IÎe11l1l 0 65 7 Depuis 30 ans qu'elle existe, la cortisone a fait la preuve de son étonnante efficacité, mais aussi de ses dangers. Sesindi- cations usuelles sont si vas- tes, et les médicaments déri- vés de la cortisone si répan- dus, que nul ne peut dire qu'il ne prendra pas un jour, cons- ciemment ou à son insu, ce médicament à "double tran- chant" Ce dossier est destiné à savoir s' en servir, le cas échéant. L a femme enceinte est-elle l'avenir des rhumatisants? se demandait Hench, en ces années difficiles de la dernière guerre. En effet, comme beaucoup d'autres curieux avant lui; mais lui était plus futé, ce médecin avait remarqué que les rhumatisantes qui attendaient un heureux événement ne souffraient plus! La grossesse sup- . primait l'ankylose articulaire et les phénomènes inflammatoires bien con- nus et leur litanie de souffrance. Gros- sesse = cholestérol (une hormone sté- roïde) + folliculine (autr~ stéroïde) = anti-inflammatoire? posa notre cher- cheur . Le Dr Hench avait aussi observé que les rhumatisants qui avaient une jau- nisse semblaient, le temps de leur maladie de foie, guéris de leurs rhuma- tismes ! Or, jaunisse = bile = choles- térol (stéroïde) et sels biliaires (stéroï- des, toujours). Conclusion: stéroïdes et rhumatismes paraissaient, dans la nature, faire très bon ménage théra- peutique. Pourquoi ne pas copier la nature? Oui, mais comment? ]»reEOiers essais Nous voilà en 1949. Le Dr Hench se souvient qu'un chimiste américain, Kendall, collectionne comme ça, pour son plaisir, les hormones stéroïdes. Il lui demande de lui prêter ses pièces de musée, dans un but thérapeutique. Après plusieurs essais infructueux, un échantillon donne raison au Dr Hench: en quelques heures, un rhu- matisant cobaye paraît/guéri. Ce sté- roïde était la cortisone, produite par de ridicules glandes coiffant les -reins comme une minuscule calotte. Hench et Kendall devaient obtenir pour cette première le Prix Nobel de Médecine (1950). '. /' . Les rhumatisants, la polyarthrite rhumatoïde, les malades auto-immuns, ...

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L 'ÎIII/}(/IÎe11l1l0 65 7

Depuis 30 ans qu'elle existe,la cortisone a fait la preuve deson étonnante efficacité, maisaussi de ses dangers. Sesindi-cations usuelles sont si vas-tes, et les médicaments déri-vés de la cortisone si répan-dus, que nul ne peut dire qu'ilne prendra pas un jour, cons-ciemment ou à son insu, cemédicament à "double tran-chant"Ce dossier est destiné à savoirs' en servir, le cas échéant.

L a femme enceinte est-elle l'avenirdes rhumatisants? se demandaitHench, en ces années difficiles

de la dernière guerre. En effet, commebeaucoup d'autres curieux avant lui;mais lui était plus futé, ce médecinavait remarqué que les rhumatisantesqui attendaient un heureux événementne souffraient plus! La grossesse sup-

. primait l'ankylose articulaire et lesphénomènes inflammatoires bien con-nus et leur litanie de souffrance. Gros-sesse = cholestérol (une hormone sté-roïde) + folliculine (autr~ stéroïde) =anti-inflammatoire? posa notre cher-cheur .

Le Dr Hench avait aussi observé queles rhumatisants qui avaient une jau-nisse semblaient, le temps de leurmaladie de foie, guéris de leurs rhuma-tismes ! Or, jaunisse = bile = choles-térol (stéroïde) et sels biliaires (stéroï-des, toujours). Conclusion: stéroïdeset rhumatismes paraissaient, dans lanature, faire très bon ménage théra-peutique. Pourquoi ne pas copier lanature? Oui, mais comment?

]»reEOiers essais

Nous voilà en 1949. Le Dr Hench sesouvient qu'un chimiste américain,Kendall, collectionne comme ça, pourson plaisir, les hormones stéroïdes. Illui demande de lui prêter ses pièces demusée, dans un but thérapeutique.Après plusieurs essais infructueux, unéchantillon donne raison au DrHench: en quelques heures, un rhu-matisant cobaye paraît/guéri. Ce sté-roïde était la cortisone, produite par deridicules glandes coiffant les -reinscomme une minuscule calotte. Henchet Kendall devaient obtenir pour cettepremière le Prix Nobel de Médecine(1950). '. /' .

Les rhumatisants, la polyarthriterhumatoïde, les malades auto-immuns, ...

les asthmatiques et un long cortège demalades. Tous aussi différents les unesdes autres, allaient gagner la vie, lasurvie, le confort de vie ou le goût devivre. Seulement...

Seulement, comme tout grand médi-cament dans notre société productriceet consommatrice, adoratrice de ladéesse Panacée, la cortisone allait êtredans un premier temps le miracle thé-rapeutique définitif. La solution finaleà tous les maux de l'humanité.

fis meurent "guéris"

On l'utilisera pour - presque tout,puisqu'elle "guérissait" tout. Tels cesmalades atteints de pneumonie à pneu-mocoques traités au début des années50 par Finland.

Là aussi, le miracle cortisoniquesemble se réaliser: en quelques heures,plus de fièvre, plus de malaise, de pros-tration, de douleurs thoraciques ni dequintes de toux. Les ressuscités se sen-tent si bien qu'il veulent quitter l'hôpi-tal. Or, les images radio ne sont pas dutout aussi optimistes, et montrent aucontraire une extension foudroyantede la maladie. D'ailleurs, certainsmalades mourront rapidement bienqu'apparemment guéris.

Médicament symptomatique parexcellence, car elle gomme les symptô-

l'tmes et les manifestations cliniques lesplus fortes, la cortisone en effet nes'attaque paitoujours aux causes delâ.maladIe; au contraire, elle en favorise-rait plutôt certaines. C'est donc unpuissant anti-inflammatoire.

Des doses massives

Mais ce n'est pas tout: les accidentsqu'on va peu à peu recenser dans lemonde révêleront bientôt les effetsd'un autre effet, qui fera mériter à lacortisone son surnom de "médicament,à double tranchant" ' '

On.savanilT'époque que la moléculede cortisone ressemble presque parfai-tement au cortisol au point de pouvoirle remplacer. Le cortisol est l'hormonede la vitalité et de la lutte. Lorsqu'il y aagression, ou plutôt stimulus, il y a trèsrapidement une réponse hornionaledestinée à mobiliser l'organisme contrele danger. Le froid ou le chaud, la fati-gue, une infection microbienne, untraumatisme physique ou psychique,un choc moral - agréable ou non -vont agir sur nos minuscules glandespar une succession -de mécanismes quivont de l'hypothalamus aux glandes.

Or, on avait obtenu dès 1953, denombreux dérivés de la cortisone,appelés corticoïdes ou cortisoniques,beaucoup plus puissants que la molé-

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cule de base. Et ces dérivés, on allaitles utiliser parfois à des doses si massi-ves, si monstrueuses par rapport auxdoses naturelles, que leurs actions bio-chimiques n'avaient plus rien à voiravec la nature (1). Ils empêchaient par

Schéma de sollicitation des glandesCORTICOSURRÉNALES

~GLUCOCO~COïDES l(C<>r1isol)

MINÉRALOCORTlCOÏDES(AJduslérone)

ANDROGÈNES

exemple tous les agents de défense duterritoire d'intervenir, allant mêmejusqu'à freiner leur fabrication,comme pour les anticorps. Cet effetimmuno-dépresseur allait se révêler àla fois très utile et très dangereu,"'{(infections graves, septicémies...).

Utilisations abusives

Médicament de la survie (life saving,disent les Anglais), les corticoïdes peu-vent être et sont encore trop souvent lemédicament qui donne la mort. Celadevient rare, car on a recensé mainte-nant tous ses effets secondaires. Maison aura compris qu'utiliser la corti-sone, ou plutôt ses dérivés, dans un butsymptomatique ou de confort, c'estcomme si on se servait de la force defrappe nuc1éaired~ns des comh8t<; cil"rue.

La cortisone a même tenté quelquesescrocs, qui ont vu tout le parti... et lefric qu'on pouvait tirer de cette subs-tance "miraculeuse'.'., Ainsi, ce faux'guérisseur qui propôsait un vaccin con-tre le coryza (rhume des foins). Cette

L'impatient n" 65

- .

CORTEXCÉRÉBRAL.

11-HYPOUS

1i1

HYPOPHYSE ANTÉRiEURE'g (ACTH)" ...-i'"

petite merveille dissimulait en fait de lacortisone. Un comble pour un "vac-cin", car celui-ci ne pouvait que créerd'autres ennuis à long terme. Les pom-mades ou crèmes "miraculeuses" ontconnu leur vogue. H~las, les corticoï-des créant, entre autres, surh peau etles muqueuses, le désert immunitaire(ils stoppent l'arrivée sur le site inflam-matoire des globules blancs), c'estensuite souvent une flambée nouvelledu problème de peau, et en plus dessurinfections possibles et coriaces.

Le Grand Prix de la stupidité corti-sonique a peut-être été atteint par lescyclistes professionnels, qui avaientfait de la cortisone un dopage. Théve-net, il y a quatre ans, y a laissé sa car-rière : la cortisone fait fondre les mus-

. cles, et un sportif sans muscles...

La corticophobie

En médecine officielle aussi, on acommis en toute bonne foi (?) lesmêmes erreurs, mais sur de larges

L'impatient n 0 65

échelles. Au début, l'emploi inconsi-déré et quasi délirant de la cortisone acausé tant de dégats, tant de maladiesiatrogènes et de morts douteuses, quetout le monde, malades compris, se mitdans les années 60 à en avoir peur.Cette pério<;le de prudence excessiveenvers la cortisone, ou "corticopho-bie" est encore tenace, surtout chez lesmédecins mal informés, non recyclés etpusillanimes. Certains homéopathes enont fait leur loup-garou allopathique,confondant excès et indications.

Paradoxalement, cette crainte de lacortisone a été et est encore presqueaussi dangereuse que son utilisation àtout va, laquelle se voit encore pour-tant. Aujourd'hui, après les avoir exa-gérés, on a en principe tendance àsituer les dangers des corticoïdes à uneplus juste place. Certains vont mêmejusqu'à les nier, parlant plutôt de pré-disposition individuelle aux effetssecondaires des cortisoniques !...

Comme on le voit, la cortisone atourné la tête à beaucoup. A qui se

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fier, dira-t-on? D'autant qu'il y ad'autres problèmes non résolus,comme la prolifération de dérivés puis-sants, comme celui des mélanges plusou moins occultes dans les prépara-tions pharmaceutiques, et comme celuide la corticothérapie locale, et si on nese méfie pas, leurs effets généraux peu-

- vent êtI"e_c~tastrc)phiques.

Gérard Briche

(1) Le corps se démobilise donc quand il estagressé? Eh bien oui, car l'homme est parnature un animal très peureux. il a appris à réa-gir passivement (fuite, stockàge de réserves...)plütôt que pàl l'attaqüe. Ce li1écanisme d" iaréponse-stress est d'ailleurs bien connu grâce auxtravaux de Hans Selye.Tout se passe aujourd'hui, dans l'histoire del'évolution humaine, comme si, devant un risqueinfectieux, nous réagissions par un archaïqueréflexe de conservation primaire,' et par unedémobilisation de nos défenses intérieures. C'estce qu'on appelle un bel exemple d'inadaptation ...phylogénétique. ",.

VO;1~IQI(,<

Guidepratiquedela cortisone

Anti-inflammatoire, et anti-phlogistique, immuno-dépressive, anti-allergique,

antl-œdémateuse, anti-choc parfois,tellessont les qualités incontestablesdela cortisone. Elle occupe donc un vastechamp de la thérapeutique médicale,qui affectionne en outre tout ce qui estanti-symptômes.

Il serait trop long d'énumérer toutesles maladies habituellement traitées(hélas, parfois) par les corticoïdes desynthèse. Beaucoup de ces indicationssont indiscutables.D'autres, beaucoupmoins. Essayons d'y voir clair.Il Rhumatoloaie. C'est la spécialitéqui utilise le plus les corticoïdes. Lerhumatisme articulaire aigü, le rhuma-tisme post-angineux, les polyarthritesdes collagénoses (lupus, sclérodermie,péri artérite noueuse, dermato-myosite...), le pseudo-polyarthrite rhi-

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zomélique, sont les maladies où il estbien admis que lesgainsde la cortisonevalent largement les risques courus.Les rhumatologues l'utilisent parfoisdans un seul but de confort dans uneinfinité de petites misères articulaires,ligamentairesetc.

Savoir l'utiliser

Ainsi, il est des indications qui nefont pas l'unanimité: la polyarthriterhumatoïde (surtout si il y a amylosesecondaire),la spondylarthrite ankylo-sante, le rhumatisme psoriasique, lesatteintes osseuses, lumbagos, sciati-ques et autres périarthrites de l'épauletrès douloureuses, entorses ou élonga-tions.

Une contre-indication: la crise degoutte. Pas par inefficacité, au con-traire : les corticoïdesy font merveille.Mais. l'arrêt du traitement, c'est fata-

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lement un nouveau paroxysme encoreplus fort. Au long cours, la cortisonepeut aggraver les destructions articu-laires dans l'arthrite goutteuse.

Effets secondaires et accidents. Lesrhumatologues connaissent tous leseffets secondaireshabituels de la corti-cothérapie générale: vulnérabilitéauxinfections, ostéoropose, fonte desmuscles, atrophies cutanées, ulcères,perforations gastro-intestinales, obé-sité, adiposité, diabète, hypertensionartérielle, retards de croissance pourles enfants, insuffisancesurrénalienne,troubles psychiques, nerveux,sexuels... Non parce qu'ils héritent detoutes ces maladies iatrogènes (ellesvont rejoindre normalement leurs spé-cialités respectives), mais parce que,grands utilisateurs des dérivés de lacortisone, ilsy sont attentifs... en prin-cipe.

Mesurerleseffetssecondaires

Même s'ils ont mis le temps, les rhu-matologues savent aussi que leurs infil-trations et injections de corticoïdes àeffet retard ou concentré dans les mus-cles ou les articulations présentent des

>l risques car leurs effets dans le tempssont imprévu1:. Le::;~crtic0rdc;; lûcâ.i.lXutilisés (Hexatrione, Diprostène,Dilar, Dépomédrol...) peuvent devenirdes corticothérapies générales dégui-sées. Deux infiltrations par mois suffi-sent à provoquer un "visage lunaire"(Cushing).

Nous connaissons bien, à L'Impa-tient, le cas de cette femme âgéeaujourd'hui de 75 ans, qui a subi pen-dant quatre ans (de 64 à 67, à la fin dela période "faste", par conséquent)des infiltrations dans une épaule aprèsun accident: complètementdécalcifiéemaintenant, elle a fait plus de trentefractures (visage,membres, vertèbres,etc.). Son squelette est fragile commedu verre, car ses os sont poreux ettransparents à la radio.

n y a aussi d'autres risques (plusrares) : des infiltrations localesdans latête, le cou, sont susceptiblesd'entraî-ner descécités,des pertes devision, deslésionsdu nerf optique.

La durée du traitement

Lesrhumatologuesdisent qu'en des-sous d~ 10 lng (de Predpjsone ou équi-valent), il n'y a pratiquement aucunrisque. Mais nous sommes en 1983,soit à moins de trente ans du début dePère Cortisone. Combien d'années derecul faudrait-il p()ur/ pouvoir être

L 'iII/pu/hm/"" 6J

BctaméthasoncCortisoncDcxaméthasonc*FluprcdnisoloncMcprcdnisoncMcthylprcdnisoloncParaméthasonc*PrcdnisoncPrcdnisoloncTriarncinolonc*

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aussi affirmatif? Et qui, en France,s'intéresse à ces effets à très longterme?

Mais plus que les doses, .c'est ladurée du traitement qui est le facteur leplus dangereux. Et puis aussi... les.médecins. ,~

"Ce sont les généralistes, et surtoutles vieux praticiens, qui font des bla-gues", disent les spécialistes à l'unani-mité. Exemple: certains vieux méde-cins ne font pas la différence entre lesformes retard et les autres (!). Ou bien,ils prennent en charge un rhumatisantet lui prescrivent allègrement des corti-coïdes. Au bout de plusieurs mois, lemalade, peu satisfait et patraque, con-sulte un rhumatologue. Et l'on s'aper-çoit - avec du mal - qu'il s'agitd'une polyarthrite non diagnostiquée,rendue difficile à reconnaître à causedu traitement à la cortisone. .

En outre, la corticothérapie du géné-raliste s'est faite en dents de scie, fauted'information sur le maniement descortisoniques et d'un peu d'autorité.Résultats fréquents: la maladie s'estfortement aggravée, sans bruit c'est-à-dire sans manifestations, avec parfoisdes poussées viscérales mettant la vieen jeu! Tout ça parce qu'on prendencore la cortisone pour un simplecache-misère, alors qu'il s'agit d'unmédicament majeur. Il faut dire aussi,avec un cynisme réaliste, que l'effica-cité immédiate des corticoïdes renforcele prestige du médecin qui les emploie.Et on dirait parfois que certains mala-

L 'ÙII/ilIlielll Il'' 65

Pouvoir comparédcs corticoïdes

(basc) 1,0

300,8

301055

10445

20,0 mg

0,6 mg25,0 mg0,75 mg1,5 mg4,0 mg4,0 mg2,0 mg5,0 mg5,0 mg4,0 mg

des sont plus attachés au prestige deleur "docteur" qu~à leur propre exis-tence, "Si l'on interdisait d'utiliser lescorticoïdes dans un but symptomati-que, ça règlerait beaucoup lesprescrip-tions abusives", m'a dit l'un de cesspécialistes si prompts à voir la pailledans l'œil du voisin. '

Ces rhumatos connaissent bien, mal-gré tout, les conséquences osseuses del'ostéoporose, mais aussi des atrophiesmusculaires amenant des relâchementsarticulaires.

Le principe de l'économieParfois, ils découvrent des ostéo-

nécroses de la tête du fémur, redouta-bles car les prothèses ont du mal àtenir, et c'est souvent la chaise rou-lante, II s'agit presque toujours de cor-ticothérapies très longues, avec desdérivés puissants. C'est pourquoi,pour la voie générale, ils n'utilisentqu'un seul corticoïde: la prednisone(ou prednisolone) qui, à leur avis,assure le maximum de pouvoir théra-peutique pour un minimum d'effetssecondaires. "Pourquoi, disent-ilsvouloir doubler, tripler, l'effet anti-inflammatoire (avec décuplement deseffets indésirables) alors qu'on peutdoubler, tripler les doses de la predni-sone ? Presque tous les autres dérivéssont superflus et dangereux".

Ils ont un autre principe, celui del'économie: "mettre toujours en routedes corticothérapies les plus faibles etles plus constantes". Donc, jamais detraitements en dents de scie, menés par

11

le malade lui-même. C'est suicidaire.Ou il faut des corticoïdes, et alors ilfaut être prudent. Ou il n'en faut pasvraiment, et il y a d'auires anti-inflammatoires non stéroïdiens (voiraussi encadré "conduite à tenir en casde corticothérapie").Il Pneumologie. Les pneumOlogues

)UtI

,

'lisent

,

les dérivés de la cortisone par "voie générale ou en aérosols dansl'asthme.(crise, état de mal, traitementde fond). L'effet anti-inflammatoireest recherché, mais aussi l'effet anti- ,allergique, avec succès souvent.

Informerle malade

Les inconvénients sont là aussi nom-breux. Certains asthmatiques ont ainsihérité d'asthmes sévères à cause de cor-ticothérapies mal conduites ou arrêtéesbrutalement, alors qu'ils ne souf-fraient au départ que d'une difficultérespiratoire traînante. Beaucoup de cesasthmatiques, enchantés de leur"pschitt-pschitt" quasi miraculeux aufond de la gorge, s'y sont carrémentabonnés. On a même parIé de "dro-gués à la cortisone", Une drogue diffi-cile à faire passer. Maîs avaÏt-on hon-nêtement informé ces asthmatiquesque ce ~ment utile momentané- \;mçnt, ne devait pas être continué indé- {1

.ITlliment ?.. Ainsi, avec les aérosols aux corticoï-des, on a déjà vu des bronchites sura-joutées, des sinusites, des expectora-tions diverses, mais aussi des herpèsœsophagiens, des cas de candidosedans la bouche. Normal, si l'on peutdire: la cortisone empêche les globulesblancs, les macrophages et leslymphocytes d'arriver à l'endroit del'inflammation (d'où la désinflamma-tion). Seulement, la voie est alors librepour les germes, nullement gênés par la

';~'Z.'5:;c~,HÎSTO~!VRAIE:~Qi'ett~ jeune feÎnme; a1longée sur son

f.~klit\(:l'l1ôpitaI;lisàit.~;'Nous Deux".Soéventrèrebondi indiquait une gros-sesse.à si)ll terme." ,

"COmmeje m:enquérais de la date pré-; vue pour)'heureux, événement, elle me

lança des,. yeuX exorbités: elle étaitdypgis troi§ semaines sous cprtiSOll'::,

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è'seUèye. (Explication du gros ven-!!i~()p~;,~xaHtj~f~tJO)1dre sesf"~~I~;ab9°1p1!1ale ne. rete-

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cortisone, au contraire! Et comme ilspullulent déjà dans tous les orifices du

- visage, ils n'ont alors plus grand'choseà faire pour parvenir à leurs fins!

Même dans lesaérosols

«Un organe arrosé régulièrement\/ aux corticoiâes est une passoire infec-;. tieuse", m'a dit un pédiatre spécialisé

dans l'asthme... Lequel; en 17 ans,s'est passé presque complètement descorticoïdes. Comme quoi, c'est possi-ble...

Les dérivés de la cortisone sont tou-jours potentiellement dangereux;

~ même lorsque leur mode d'administra-n tion paraît anodin. Qui sait qu'avec de"simples" aérosols on peut avoir deseffets généraux, comme l'inhibition del'axe hypothalam us-hypophyse-surrénales? On pourrait presque direque plus les corticoïdes sont cachés, etplus leurs dangers sont grands, parceque négligés ou méconnus.III Néphrologie. On se sert utilementdes corticoïdes dans certaines maladies

rénales, et surtout dans les transplanta-tIOns d'organes (reins, surtout), pourfaire "prendre" la greffe. Pour cela, ilfaut des doses élevées. Doses élevées etlongues durées: cela n'est pas du toutde bon augure! Mais il faut bien "cas-ser" le système de défense de l'orga-nisme, qui rejette la greffe. En France,au moins, on préfère souvent risquerun rejet plutôt que risquer la vie destransplantés.

CorticothérapiesabusivesLes spécialistes du rein connaissent

par conséquent les gros dégâts des«corticothérapies au long cours et for-tes doses". Tel ce néphrologue égale-ment chercheur en immunologie, quiavoue sans ambiguïté que «la corti-sone bousille les vaisseaux sanguins".Ainsi, on se demande aujourd'hui siles risques vasculaires ne sont pas aug-mentés vingt ans après une corticothé-rapie par hypertension artérielle. Maisaucune étude n'est venue prouver cefait, à cause de la difficulté de suivreles gens au bout de vingt ans.

Des corticothérapies abusives? Il Ya en a, tel ce syndrome de Raynaudisolé traité par 20 mg de prednisone,alors qu'il s'agit de doigts qui bianchis-sent au froid! Comme si on opéraitdes cors aux pieds sous anesthésiegénérale.. .iii Flashes cortisoniques. CertainsnépIvologues ont introduit en Franceles méga-doses de corticoïdes (ou"flashes"), chers aux Anglo-saxons.Comme c'est un peu la mode, autanten parler.

Il s'agit de lancer dans les veines, enun temps très court (quelquesminutes), des doses énormes de corti-coïdes concentrés, quelque chosecomme l'équivalent en cinq minutes deun mois ou deux de corticothérapie à0,5 mg/kg par jour. On les utilise enprincipe dans les lupus (quand la vieest en jeu), les chocs anaphylactiques,les vascularites allergiques, les rejetsaigus d'organes greffés. Bien sûr, làaussi on a tendance à élargir les indica-tions. Les résultats ne sont pas du toutassurés. Quant aux effets secondaires,

,1

12 L'impatient n 0 65

ils sont relativement atténués, comptetenu des doses colossales. Mais pasinexistants. Dans une étude anglaise(50 sujets très atteints), on a relevé56 11/0d'effets secondaires avec les flas-hes cortisoniques, dot 16 % d'effetssérieux: une gangrène menaçant lavie, deux cataractes et divers troublesdigestifs et psychiques importants.

Dans une autre étude (16 lupus) : undécès, une perforation intestinale, unkyste pulmonaire, une hypothermieprofonde, et d'autres accidents tout demême moins graves.

Médicamentsde survie

Des flashes répétés sont parfois res-ponsables d'ostéo-nécroses de la têtefémorale. Au total, un bilan plutôtlourd... Mais il n'y a alors parfois riend'autre à faire. Devant le danger demort, on prend un autre risque... et çamarche suffisamment de fois pour quela cortisone mérite son surnom de"médicament de la survie".Il Ophtalmologie. On utilise les corti-coïdes par voie générale ou voie locale(en collyres, pommades, gouttes) pour

1diverses complications oculaires. Leurmaniement est très acrobatique, l'œilétant un objet d'orfèvrerie. En effet,les risques de la corticothérapie sont leglaucome, la cataracte, l'œdème papil-laire, et j'en passe!

Des contre-indications absolues:l'herpès, le zona, les kératites. Or, lesophtalmo utilisent les corticoïdes aprèsdes kératites virales, dans les atteintescornéennes des herpès, les conjonctivi-tes etc. C'est-à-dire en jouant avec lefeu, et souvent dans un but de confort.Il est vrai qu'une vision brouillée, desdémangeaisons oculaires, c'est difficileà supporter, et c'est fréquent chez lesplus de 60 ans.

Attentionaux collyres

Et pourtant... Un "simple" 'collyrecontenant des corticoïdes peutaggra-ver une cataracte, et l'on ne compteplus les complications infectieuses del'œil après utilisation de collyres appa-rement inoffensifs et si bienfaisants!En France, ces collyres se vendentcomme des petits pains: cinq millionsde flacons par an, sur ordonnance!On trouve des associations avec desantibiotiques, dans l'espoir de prévenirune surinfection. Certains pharmaco-logues trouvent cette association illogi-que dans la plupart des cas. Les oph-talmo, non.

Des automédications aux corticoïdes

L 'ÏilljJllIÎentfi 0 65

LA PETITE:fi/smillE bE:'-Ii t?/r,<JNOE:UJfi rl.JOlVé...

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contenus dans les collyres, les pomma-des oculaires? Il y en a sûrement, maispersonne ne les comptabilise. Ellesseraient limitées: les pharmaciens nedélivrant pas ces préparations sansordonnance, les gens ne réutiliseraientque leurs fonds de flacons ou leursvieilles ordonnances. Mais les généra-

listes n'auraient-ils par la main géné-reuse ?1111Oto-Rhino-Laryngologie. (O.R.L.)Par voie générale, les dérivés de la cor-tisone sont employés pour des affec-tions précises: phlegmons amygda-liens, angines graves, otites séreuses, àrépétition (?), laryngites, pour de cour-tes durées (dix jours maxi, à 30-40 mgde prednisone). Plus longtemps pourdes paralysies faciales, des surditésbrusques.

Par voie locale (gargarismes, pulvé-risations), on utilise les associationsavec les antibiotiques (dont l'efficacitén'est toujours pas prouvée, rappellentles spécialistes anglais !), dans les phé-nomènes inflammatoires, pour déga-ger les muqueuses d'un nez encombré(voir à ce sujet le n° 63 de L'Impa-tient) .

Accidents: on en voit rarement,paraît-il. Pourtant, arroser une gorgeg.u un nez avec des corÜèoïdes ne peut

.être sans conséquences. Qu'on songeseulement qu'on a rapporté, après unecorticothérapie locale, dans l'oreille9,u

.

i est théorjquement f~rrp.ée par le~(~ ~ d.M ~:A~,

13

,si15i:~ÇORT!COT1{ttt~l!IE"é'~" .. -"' ,', ...;>.~"."'~'.ct1A .,- /"

tympan, des mastoïdites. Alors, pru-dence !

Quatre classes d'activité

Il Dermatologie. Les dermatologuesont à leur disposition une profusion decorticoïdes locaux à étaler, appliquer,frictionner, déposer sur la peau. Maissi les eczémas constitutionnels, les cica-trices hypertrophiques, les lichenifica-tions sont de bonnes indications, il y aaussi le long cortège des petits ennuisde peau, régal des corticoïdes locaux(C.L.), plutôt pléthoriques, puiqu'onen recensait quelque 150 il y a deuxans. Quant on sait que l'enseignementdes dermatologues n'est pas fait sérieu-sement (ne parlons pas des généralis-tes !), on peut imaginer les dégâts enchaîne provoqués par une utilisationinconsidérée des C.L. Les problèmescutanés sont suffisamment complexeset délicats pour qu'on vienne le moinspossible y semer la zizanie avec la cor-tisone.

Il y a quatre classes d'activité anti-inflammatoire chez les C.L. Les pre-miers sont peu actifs, comme la dexa-méthasone (Décalibour, Pimafu-cort...) ; d'autres puissants (classe III),comme l'amcinonide (Penticort), oudésoximéthasone (Topicorte). Ceux dela classe IV sont carrément dange-reux : halcinonide (Dermoval) et pro-pionate de clobétasol. Avec Dermoval,on a déjà vu des syndromes cushingoï-des, ce qui démontre la perméabilité dela peau et la puissance de ce glucocorti-coïde.

Un à 10 070des C.L. passent dans lacirculation générale, qu'il s'agisse descrèmes (très utilisées), des pommades(grand pouvoir de pénétration), deslotions alcooliques (réservées auxrégions pileuses), ou des gels (efficacitétrès douteuse). La peau des enfants estencore plus perméable que celle desadultes.

Irremplaçablesdans certains cas

Au plan local, les ennuis sont pres-que aussi fréquents que les succès thé-rapeutiques, lesquels ne durent sou-vent que l'espace de la cortisone.Atrophie dermique, télangiectasies(atteintes vasculaires), vergetures, pur-pura, surinfection mycosiques ou vira-les (herpès...), retards de cicatrisation,troubles de la pigmentation, complica-tions oculaires, tels sont les effets ,.secondaires fréquents de la corticothé-rapie locale.

Par voie générale, les corticoïdes ontdes indications paradoxales, commedans le zona (comme anti-douleurs,

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après l'éruption), pourtant dû à unvirus, alors que la cortisone réduit lesdéfenses contre les virus. Et dans descas gravissimes. Ainsi, pour le pemphi-gus, maladie où le corps secrète desanticorps contre sa propre peau.

Le pemphigus est d'ailleurs unebonne illustration de la cortisonecomme médicament irremplaçabledans les cas désespérés. Elle est capablede tuer, mais plus souvent quandmême de sauver des condamnés àmort. Avant les corticoïdes, la morta-lité dans le pemphigus était de 100 070.Maintenant, on en sauve 70 070,bienque les malheureux n'aient plus depeau, ce qui veut dire des risques énor-mes d'infections massives. Donc 30 %meurent quand même, tués par les con-séquences de la cortisone. Mais parceque la cortisone les avait préalable-ment tirés d'affaire, en les faisant sur-vivre.Mieux connaître la cortisone

Voilà tout ce dont est capable cettefameuse cortisone. Faut-il lui dresserun temple pour ses victoires? Faut-il

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la brûler pour ses nombreux ennuis?Ni l'un ni l'autre, bien ~ûr.

Il faut, en somme, la connaître. Etbien. Il faut aussi savoir s'en servir (carce il' est pas elle qu'il faut incriminer,mais son utilisation). Et il faut surtoutsavoir la "consommer".

Ce dossier est trop petit pour cegrand et méchant médicament qu'est lacortisone. Ii compone ùes lacune:>. Iimet peut-être l'accent plus sur lesinconvénients de la cortisone que surson réel intérêt. l'espère cependantqu'on aura retenu que, comme tous lesgrands outils qui abattent du boulot enun temps record, les corticoïdes sontdes outils dangereux à manier. Maiss'en 'prner' par principe serait stupide.En avoir'seulement peur, c'est infan-tile. La peur, là comme ailleurs, estpeut-être la pire des choses.

Pour expliciter ce point capital pourles futurs "clients" obligés de la corti-sone (et ce peut être vous, un jour),donnons la parole à un dermatologuequi connaît bien la question: "Lesgens qui ont compris les fondementsdu traitement à la cortisone, ses effetspositifs comme ses effets fâcheux " lesgens qui ont compris quels étaient leseffets secondaires " les gens qui les ontacceptés en toute connaissance decause seront ceux qui récupéreront lemieux. Pourquoi? Parce que leurmode de vie sera alors différent, leurattitude aussi, et qu'ils se battront con-tre ses effets secondaires. Parce qu'ilsles auront acceptés, ils seïont i7iié:UXàmême de contrebalancer ses méfaits..

Gérard Brirhe

(Dossier réalisé grâce au. concours des DrAvouac, Battisteli, Bish; Chièze, Escande, Lesa-vre, Revuz, Roujeau, Scart, Soubrié, et de quel-ques autres).

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