cÈdres et cÉdraies du pourtour mÉditerranÉen : sig … · (1977) dans sa «flora of cyprus»...

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I nt r oduct i on Bien qu’il soit connu depuis la plus haute antiquité, le cèdre a constitué et constitue encore pour les taxinomistes un casse tête quasi-insoluble, tant pour discriminer les entités taxinomiques s’intégrant en son sein, que pour défi- nir leur dénomination botanique exacte. Linné décrit le premier en 1753, un Pinus cedrus qui est bientôt rangé par TREW (1757), dans un genre particulier, précisément le genre Cedrus , et correspondant à notre actuel Cedrus libani A. Richard 1823. Celui-ci a reçu depuis divers autres noms dont les plus connus sont Cedrus libanotica Link 1831 et Cedrus libani- tica Pilger 1926. Entre temps d’autres entités taxinomiques ont été définies à savoir Cedrus atlantica (Endl.) Carrière 1855, (sub. Pinus atlantica Endl. 1847), Cedrus deodara (D. Don) G. Don fils 1830, Cedrus brevifolia (Hook fils 1880) Meikle 1977 et Cedrus libani subsp. stenocoma (O. Schwarz 1944) Greuter et Burdet 1981. En fait, en dehors de Cedrus libani subsp. stenocoma pour lequel le statut spécifique n’a jamais été réclamé, les autres cèdres ont été, en fonction des auteurs, considérés tantôt comme des espèces distinctes, tantôt comme de simples sous-espèces voire des varié- tés de l’espèce la plus anciennement valablement définie ( C. libani) . Il serait fastidieux de retracer ici cet his- torique, et nous nous contenterons de rappeler que parmi les positions les plus récentes, Flora Europaea (1964) et l’Index synonimique de la flore de France (KERGUELEN 1993) adoptent le rang spécifique pour les 4 espèces, alors que MED-CHEKLIST (1984) les définit au rang de simples sous espèces. MAIRE (1952) dans la Flore d’Afrique du Nord avait adopté la même position alors que MEIKLE (1977) dans sa «Flora of Cyprus» réunit C. brevifolia comme sous espèce à C. libani, mais conserve le rang spécifique aux C. libani, atlan- tica et deodara. Ces discussions de spécialistes, quelque peu byzantines, n’intéressent pas a priori les forestiers, mais il est cependant utile de souligner qu’elles sont le simple reflet des affinités taxi- nomiques évidentes existant entre les divers cèdres, qui s’hybrident aisé- ment entre eux dans les arboretums et les jardins, voire dans les plantations multispécifiques. Nous adopterons ici le point de vue de la majorité des forestiers et en par- ticulier des généticiens forestiers, qui ont maintenant l’habitude d’accepter le rang spécifique pour les quatre espèces citées ci-dessus. Au sein de la famille des Pinacées, le genre Cedrus appartient à un petit groupe de trois genres caractérisé par la présence de rameaux courts portant des feuilles toutes identiques (et non des brachyblastes comme dans le genre Pinus), persistantes chez Cedrus et caduques chez Larix (10-12 espèces) et Pseudolarix (1 espèce en Chine continentale). La distinction des diverses espèces s’intégrant au genre Cedrus, n’est pas toujours évidente. La clé de détermi- nation page suivante tente de préciser les critères (toujours relatifs) permet- tant de les distinguer. 243 CÈD RES ET CÉD R A IES DU POURT OUR MÉD I TERR ANÉEN : SI GN I F I CA TI ON BI OC LI MA TI QUE ET PHYT OGÉOG R APH I QUE par Pierre QUEZEL* * Professeur émérite à l’Université d’Aix-Marseille III Institut méditerranéen d’écologie et de paléoécologie, Faculté des sciences et techniques de St Jérôme. Case 46I. Avenue Escadrille Normandie- Niemen. I3397 Marseille Cedex 20 t. XIX, n° 3, novembre 1998

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Page 1: CÈDRES ET CÉDRAIES DU POURTOUR MÉDITERRANÉEN : SIG … · (1977) dans sa «Flora of Cyprus» réunit C. brevifolia comme sous espèce à C. libani, mais conserve le rang spécifique

Intro d u c tionBien qu’il soit connu depuis la plus

haute antiquité, le cèdre a constitué etconstitue encore pour les taxinomistesun casse tête quasi-insoluble, tant pourdiscriminer les entités taxinomiquess’intégrant en son sein, que pour défi-nir leur dénomination botaniqueexacte. Linné décrit le premier en1753, un Pinus cedrus qui est bientôtrangé par TREW (1757), dans un genreparticulier, précisément le genreCedrus, et correspondant à notreactuel Cedrus libani A. Richard 1823.Celui-ci a reçu depuis divers autresnoms dont les plus connus sont Cedruslibanotica Link 1831 et Cedrus libani-tica Pilger 1926. Entre temps d’autresentités taxinomiques ont été définies àsavoir Cedrus atlantica (Endl.)Carrière 1855, (sub. Pinus atlantica

Endl. 1847), Cedrus deodara (D. Don)G. Don fils 1830, Cedrus brevifolia(Hook fils 1880) Meikle 1977 etCedrus libani subsp. stenocoma (O.Schwarz 1944) Greuter et Burdet1981.

En fait, en dehors de Cedrus libanisubsp. stenocoma pour lequel le statutspécifique n’a jamais été réclamé, lesautres cèdres ont été, en fonction desauteurs, considérés tantôt comme desespèces distinctes, tantôt comme desimples sous-espèces voire des varié-tés de l’espèce la plus anciennementvalablement définie (C. libani). Ilserait fastidieux de retracer ici cet his-torique, et nous nous contenterons derappeler que parmi les positions lesplus récentes, Flora Europaea (1964)et l’Index synonimique de la flore deFrance (KERGUELEN 1993) adoptent lerang spécifique pour les 4 espèces,alors que MED-CHEKLIST (1984) lesdéfinit au rang de simples sousespèces. MAIRE (1952) dans la Flored’Afrique du Nord avait adopté lamême position alors que MEIKLE(1977) dans sa «Flora of Cyprus»réunit C. brevifolia comme sousespèce à C. libani, mais conserve lerang spécifique aux C. libani, atlan-tica et deodara.

Ces discussions de spécialistes,quelque peu byzantines, n’intéressentpas a priori les forestiers, mais il estcependant utile de souligner qu’ellessont le simple reflet des affinités taxi-nomiques évidentes existant entre lesdivers cèdres, qui s’hybrident aisé-ment entre eux dans les arboretums etles jardins, voire dans les plantationsmultispécifiques.

Nous adopterons ici le point de vuede la majorité des forestiers et en par-ticulier des généticiens forestiers, quiont maintenant l’habitude d’accepterle rang spécifique pour les quatreespèces citées ci-dessus.

Au sein de la famille des Pinacées,le genre Cedrus appartient à un petitgroupe de trois genres caractérisé parla présence de rameaux courts portantdes feuilles toutes identiques (et nondes brachyblastes comme dans legenre Pinus), persistantes chez Cedruset caduques chez Larix (10-12espèces) et Pseudolarix (1 espèce enChine continentale).

La distinction des diverses espècess’intégrant au genre Cedrus, n’est pastoujours évidente. La clé de détermi-nation page suivante tente de préciserles critères (toujours relatifs) permet-tant de les distinguer.

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C ÈDRES ET C ÉDRA IES DUPOURT O UR MÉDITERRA NÉEN :

SI G N IFI C ATI O N BI O C LIM ATI Q UEET PHYT O G É O GRAPHI Q UE

par Pierre QUEZEL*

* Professeur émérite à l’Universitéd’Aix-Marseille IIIInstitut méditerranéen d’écologie et depaléoécologie, Faculté des sciences ettechniques de St Jérôme. Case 46I.Avenue Escadrille Normandie-Niemen. I3397 Marseille Cedex 20

t. XIX, n° 3, novembre 1998

Page 2: CÈDRES ET CÉDRAIES DU POURTOUR MÉDITERRANÉEN : SIG … · (1977) dans sa «Flora of Cyprus» réunit C. brevifolia comme sous espèce à C. libani, mais conserve le rang spécifique

Comme le font justement remarquerARBEZ, FERRANDES & UYAR (1978) lavaleur de ces différences, notammententre les deux dernières espèces estpeu stable, en particulier en fonctiondes provenances, et ceci explique aisé-ment les incertitudes qui demeurentencore sur leur valeur taxinomiqueprécise. Remarquons également quecette variabilité au sein même del’espèce libani, a amené certainsauteurs à y distinguer 2 sous-espèces :la subsp. stenocoma (O. Schwarz)Greuter et Burdet pour les prove-nances turques, caractérisé par sonport dressé, et la subsp. libani de Syrieet du Liban, à port tabulaire. Cette dis-tinction n’a toutefois pas été retenuesur la Flora of Turkey (DAVIS 1965)qui fort justement à notre avis,conteste toute valeur taxinomique auxvariations de port qui se retrouventd’ailleurs chez C. atlantica. De même,les variations de couleur des feuillesrestent elles aussi un caractère de peude valeur ; chez C. atlantica, lesformes à feuillage glauque-argentésont généralement considérés commeune variété spéciale : var. glauca Carr.

Ces quelques considérations mon-trent à l’évidence que l’interprétationde la valeur, voire du nombre desespèces au sein du genre Cedrus resteune question ouverte ; ceci est encoreplus vrai pour les formes infraspéci-fiques, et il est bien évident que seule,la poursuite d’études comparatives

prenant en compte l’ensemble despopulations, assortie d’analyses phyto-chimiques et génétiques (BRENDER-BERG et all. 1960, ARBEZ 1987), per-mettront d’arriver à une solutionsatisfaisante.

Dans le présent travail, nous nouslimiterons à l’étude des peuplementsnaturels, constitués par les trois cèdresprésents en région méditerranéenne, àl’exclusion de Cedrus deodara,répandu de l’Afghanistan au Népal, etessentiellement localisé surl’Himalaya et ses annexes occiden-taux.

1- Le c è d re d uLib a n ( C a rt e n° 1 )

Le cèdre du Liban constitue une desessences forestières majeures sur lesmontagnes de Méditerranée orientale,où ses peuplements occupent unesuperficie de l’ordre de 500.000 hec-tares (QUEZEL et BARBERO 1985), dontprès de la moitié constituent encoredes forêts de belle venue (BOYDAC etASANU 1990). La majeure partie de cespeuplements occupent la chaîne duTaurus, mais quelques dizaines de mil-liers d’hectares subsistent égalementsur les chaînes syro-libanaises.

La répartition de Cedrus libani enMéditerranée orientale et plus spécia-lement en Anatolie méridionale estindiquée sur la carte n° 1 qui reprend àla fois nos observations sur le terrain,mais aussi les cartographies anté-rieures établies notamment par les ser-vices forestiers turcs (1962), DAVIS(1965), BROWICZ (1982), QUEZEL &BARBERO (1985), MAYER & AKSOY(1986). Sans entrer ici dans le détail decette distribution, rappelons toutefoisque Cedrus libani présente une stationisolée sur le revers méridional deschaînes pontiques, au nord d’Erbaa(cf. QUEZEL, BARBERO & AKMAN1980, p. 448 et seq.). Il occupe làquelques hectares et sa spontanéité estencore discutée à l’heure actuelle.

L’étude phytoécologique de cesforêts est actuellement bien avancée, à

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1 - Cônes femelles non ombiliqués au sommet, grands (9-15 cm), à écaillesglabres extérieurement ; feuilles longues de 2,5-5 cm ; flèche et rameaux longsapicaux pendants :................................................................................C. deodara.

1-1 - Cônes femelles ombiliqués au sommet, plus petits et ne dépassant pas10 cm de long, à écailles finement tomenteuses extérieurement ; feuilles longuesde 0,8-2,2 cm ; rameaux longs apicaux généralement non pendants ...................2

2 - Feuilles longues de 0,8-1,5 cm larges de 1,5-2 mm, en général distincte-ment incurvées, coriaces et acuminées ; cônes femelles ne dépassant pas engénéral 8 cm de longueur : .................................................................C. brevifolia.

2-2 - Feuilles longues de 1,5-2,2 cm, larges de I-I,5 mm, rectilignes ousinueuses, ni coriaces, ni distinctement acuminées simplement aigües ; cônesfemelles de 8-10 cm de longueur ........................................................................ 3

3 - Feuilles longues de 8-19 mm, à apex longuement corné, cônes femelleslongs de 7-10 cm, rameaux jeunes densément pubescents : ..............C. atlantica.

3-3 - Feuilles longues de 15-25 mm, à apex brièvement corné, cônes femelleslongs de 5-8 cm, rameaux jeunes glabres ou glabrescent : ......................C. libani.

Clé de détermination

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la suite de travaux récents et en parti-culier ceux de QUEZEL &PAMUKÇUOGLU (1969), ZOHARY 1973,CETIK (1976), AKMAN, BARBERO &QUEZEL (1978-79), MAYER & AKSOY(1986) pour le Taurus, AKMAN (1972)sur l’Amanus, CHALABI (1980) sur lachaîne des Alaouites, et CHOUCHANI,KHOUZAMI & QUEZEL (1975), et ABI-SALEH, BARBERO, NAHAL & QUEZEL(1976), et ABI-SALEH (1978) sur leMont Liban.

1-I A p e r ç u p hyto-g é o gr a p h iq u e g é n é r a l

Le cèdre montre, sur le Taurus, undéveloppement considérable, le plussouvent entre 1500 et 2000 mètres, età peu près exclusivement sur calcaireset dolomies. Il est présent un peu par-tout entre le sillon du Kirenis à l’ouest

et la région de Maras à l’est, mais il neforme des peuplements importants quesur le versant méridional du Taurus oùil s’associe toutefois souvent au sapinde Cilicie ou aux genévriers arbores-cents voire au pin noir.

Les peuplements de cèdre et desapin sont les plus fréquents, ces deuxessences possédant des exigences éco-logiques voisines. C’est sous cetaspect que se présentent la quasi-tota-lité des cédraies colonisant la façademaritime des chaînes tauriques entreAntalya et Maras, cèdre et sapin sontcependant inégalement représentés.Les genévriers arborescents etJuniperus excelsa en particulier sontparfois présents, mais n’occupent làqu’une place tout à fait subordonnée.

Le cèdre et les genévriers arbores-cents (Juniperus foetidissima et J.excelsa surtout) coexistent essentielle-ment sur les chaînes tauriques nette-

ment moins arrosées, notammentcelles qui ne sont plus en contactdirect avec l’influence maritime. Lesgenévriers éliminent progressivementle cèdre vers le nord et le remplaceensuite totalement. Ceci est bienvisible sur les sommets de la régiond’El Mali, dans la vallée du Gok Su eten bien d’autres endroits, notammentsur les sommets de la région d’Isparta(KURT et all. 1996). Remarquons quele cèdre et les genévriers s’associentégalement dans les forêts de haute alti-tude où ces derniers forment cepen-dant la frange marginale supérieuredes forêts ou plutôt des peuplementsarborescents.

L’intrication du cèdre et du pin noir(pin de Pallas), paraît être un phéno-mène local et assez peu fréquent, saufen zone à plus forte continentalité,notamment sur le revers nord de lachaîne ; elle apparaît aussi dans leszones où le cèdre est à sa limite infé-rieure en contact avec la forêt de pin,ce qui s’observe sur la majeure partiede la chaîne, mais il s’agit en fait plusd’un mélange correspondant à unchangement d’étage de végétationqu’à une véritable forêt mixte. Cèdreet pin brutia entrent également encontact à l’est d’Antalya et aussi auxenvirons d’Alanya, sur les chaînonscôtiers du Taurus. C’est d’ailleursdans ces régions qu’il convient égale-ment de signaler le mélange cèdre-Ostrya carpinifolia notamment sur leTeke dag entre 1500-1800 m, mais quise rencontre encore sur le Tahtali dagoù DAVIS (1965) indique égalementCarpinus orientalis.

Sur l’Amanus (AKMAN 1970, 1972)où Cedrus libani n’est pas très abon-dant, il est le plus souvent associé àAbies cilicica, Pinus nigra subsp. pal-lasiana, mais aussi à diverses essencescaducifoliées et notamment Quercuscerris, Fagus orientalis, Ostrya carpi-nifolia.

Dans le meilleur des cas, c’est-à-dire dans les cédraies où l’ambiancesilvatique est maintenue en raison, enparticulier de la densité de la couver-ture arborescente, mais aussi de laconservation au moins partielle du sol,il existe bien encore une végétation detype forestier. C’est ce qui se passe engénéral au niveau des cédraies puresou presque pures du Taurus occiden-tal, mais aussi des cédraies-sapinièresde la portion médiane de massif.

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Photo 1 : Vieille cédraie tabulaire sur les crêtes du Rif central.Photo P. QUEZEL

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Ces cédraies à ambiance silvatiquereprésentent certainement sur leTaurus les zones où le développementdu cèdre est optimal. Les arbres sontde belle venue, denses et dépassentsouvent 20 mètres de hauteur. Le solest constitué par des rendzines engénéral peu épaisses, protégées par unépais feutrage d’aiguilles, où l’humi-dité peut persister tout au long del’année et rend compte de l’installa-tion d’un cortège appréciabled’espèces silvatiques. Au niveau desclairières ou des marges forestières,ces cédraies ne cèdent pas en généralla place aux classiques pelouses écor-chées, mais bien souvent à des forma-tions moins xérophiles où dominentles graminées vivaces.

Les cédraies avec Juniperus sonthélas loin de présenter un pareil équi-libre avec les facteurs édapho-clima-tiques. Il s’agit, de cédraies marginalessur la chaîne, où la sécheresse est plusaccusée, ou de cédraies d’altitude plusfroides ; les sols sont généralement detype ranker. Il n’est pas douteux quel’augmentation des phénomènes decontinentalité mais aussi l’intensifica-tion des actions anthropiques soientresponsables de ce type de végétationet par là même de l’élimination pro-gressive du cèdre. En effet, l’aspect deces cédraies est bien différent ; lesarbres sont en général espacés, malvenus et progressivement remplacéspar un piqueté lâche de genévriersarborescents où Pinus pallasiana peutêtre présent. La régénération paraîtcependant encore possible, maisl’intensité du pâturage dans ces peu-plements qui sont situés en général endehors du domaine forestier ne permetguère l’installation de jeunes arbres.

Certaines cédraies d’altitude entrentégalement dans cette rubrique ; ellessont cependant plus rares et n’occu-pent sur le terrain que des zones res-treintes. C’est ici bien entendu la dimi-nution des températures, mais aussisurtout l’action de l’homme et de sestroupeaux, qui sont responsables de lararéfaction ou de la disparition ducèdre et son remplacement progressifpar les genévriers. Il est cependantprobable que ces derniers ont toujoursformé la limite altitudinale de la végé-tation arborescente sur les chaînes tau-riques où ils atteignent 2400 et même2800 m à l’état résiduel, notammentsur le versant sud de l’Ak dag au sud-

ouest d’El Mali, alors que le cèdre quiexiste encore localement, ne dépasseguère 2100 m. Ce phénomène estcomparable à ce qui se passe sur leschaînes atlasiques où le genévrier thu-rifère s’élève seul, et très localementjusqu’à 2900 m, au-dessus des autresessences arborescentes. La végétationde ces cédraies claires d’altitude,notamment entre 1800 et 2000 m estégalement celle des pelouses écor-chées à xérophytes épineuses avoisi-nantes (QUEZEL 1975). Toutefois dansles zones les mieux arrosées, c’est-à-dire surtout en exposition sud et sud-ouest peut apparaître localement unefruticée très particulière à base deBerberis, Lonicera, Cotoneaster,Ribes etc..

Sur les chaînes syro-libanaises, lespeuplements de cèdre ne diffèrent pasfondamentalement de ceux quis’observent sur les chaînes tauriques ;les conditions pluviométriques sontfavorables avec partout des précipita-tions supérieures à 1000 mm. Présentsur des substrats variés, il s’associeencore à Abies cilicica dans le nord duLiban ; toutefois, les essences caduci-foliées sont fréquentes : Quercus cer-ris, Quercus petraea subsp. pinnati-loba, Ostrya, Carpinus orientalis,Quercus infectoria mais aussi Quercusbrantii subsp. look, ce dernier en situa-tion plus continentale et dans lescédraies de basse altitude. Les gené-vriers par contre sont rares dans cesforêts dont au Liban surtout, ne persis-tent que des lambeaux épars et souventmalmenées par l’homme (ABI-SALEH,BARBERO, NAHAL & QUEZEL, 1976,CHOUCHANI, KHOUZAMI & QUEZEL,1976). Ces cédraies, sont nettementmoins alticoles que sur le Taurus et serencontrent essentiellement entre 1400et 1900 m.

1-2 Va l e ur a ltitu d in a l ee t b io c lim a tiq u e

Si l’on se rapporte aux interpréta-tions actuelles, relatives en particulierà la zonation altitudinale et à la signi-fication bioclimatique des écosytèmesforestiers sur le pourtour méditerra-néen (SCHMID 1966, QUEZEL 1974,1985, 1990, OZENDA 1975, BARBEROet all. 1998), l’étude des cédraies et enparticulier celles à cèdre du Libanamène aux conclusions suivantes :

Du point de vue altitudinal (QUEZELet BARBERO 1985), ces formations neparaissent guère sortir de l’étage monta-gnard méditerranéen, ce qui les localiseélectivement entre 1500 et 2000 m envi-ron. On peut toutefois, se demander sicertaines cédraies du Taurus occidental(ORYZOPSIDO-CEDRETUM cf. infra),n’empiètent pas sur l’étage méditerra-néen supérieur, cette association pou-vant descendre localement à moins de1300 m et être infiltrée d’un certainnombre d’éléments sclérophylles,Quercus coccifera (incl. Q. calliprinos),Acer sempervirens en particulier.

De même, certaines cédraies, ouplutôt certains peuplements de cèdre etde genévrier s’élèvent jusque vers2200-2300 m, et pénètrent alors indis-cutablement dans l’étage oro-méditer-ranéen ; le cortège floristique sous-jas-cent confirme cette appartenance.

A l’étage montagnard méditerra-néen, il est possible de discerner deuxhorizons :

- un horizon inférieur, d’où les élé-ments caducifoliés sont pratiquementexclus (à l’exception de Q. infectoriasurtout au Liban), et où le cortège flo-ristique montre un remarquable déve-loppement des thérophytes, sous-étagequi correspond en général àl’ensemble méso-xérophile du cèdre.

- un horizon supérieur où des cadu-cifoliés variés s’associent largementau cèdre et où le cortège floristiqueest, localement au moins, riche en élé-ments significatifs, sous-étage qui cor-respond à l’ensemble mésophile ducèdre et caducifoliés. Remarquons queces éléments caducifoliés varient toutau long de la chaîne ; Quercus petraeasubsp. pinnatiloba, incl. Q.cedrorum,restant limité au Taurus oriental et auLiban, alors que Populus tremula,Ulmus montana, Acer hyrcanum, Acerplatanoides, caractérisent surtout leTaurus central et oriental. Ostrya car-pinifolia peut même jouer ce rôle entre1500 et 1800 m, en particulier danscertaines cédraies, fortement marquéespar l’influence maritime, notammentsur les rives occidentales du golfed’Antalya (Teke et Tahtali Dag), voireau Liban.

Enfin en zone pré-steppique, lespeuplements clairs ou épars de cèdre,associés en général au pin noir et àJuniperus excelsa, correspondent à unensemble xérophile, de toute évidencerésiduel et en voie de disparition.

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Du point de vue bioclimatique, bienque nous ne disposions d’à peu prèsaucune donnée fiable en haute mon-tagne (AKMAN et KETENOGLU 1986), ilparaît probable que chacun de cesensembles s’encarte plus ou moinsexactement dans un typebioclimatique :

- l’ensemble mésophile mixte appar-tient certainement au bioclimathumide,

- l’ensemble méso-xérophile au bio-climat sub-humide,

- l’ensemble xérophile au bioclimatsemi-aride supérieur.

Cette correspondance est certaine-ment en grande partie exacte sur leplan climatique pur, mais répond éga-lement à des critères éco-physiolo-giques : sécheresse physiologique liéeau ruissellement et à l’érosion des solssurtout.

Du point de vue thermique, lescédraies méditerranéennes supérieuresde l’horizon inférieur s’intègrentsemble-t-il essentiellement dans lavariante thermique froide des biocli-mats correspondants, alors que lescédraies montagnardes méditerra-néennes doivent se rattacher à lavariante très froide de ces bioclimats,et les cédraies résiduelles oro-méditer-ranéennes à leur variante extrêmementfroide.

Rappelons enfin que le rôle du sub-strat reste très limité pour expliquer lamise en place des cédraies à Cedruslibani, puisque, à de rares exceptionsprès : basaltes et grès au Liban, rochesultra-basiques sur le Taurus oriental,elles colonisent exclusivement dessubstrats calcaires et calcaro-dolomi-tiques.

1- 3 Prin c i p a l e sstru c tures d e v é g é t a tion

Les cédraies à Cedrus libani appar-tiennent dans leur ensemble à l’ordredes QUERCO-CEDRETALIA LIBANIBarbero, Loisel & Quézel 1974 quiregroupe par ailleurs également lesforêts sud-anatoliennes à Abies cilicicaet Pinus nigra subsp. pallasiana maisaussi quelques forêts caducifoliées duTaurus centro-oriental et des chaînesamano-libanaises. Cet ordre qui

s’encarte dans les QUERCETEAPUBESCENTIS est caractérisé par de trèsnombreuses espèces (cf. AKMAN,BARBERO & QUEZEL 1978, QUEZEL1986, QUEZEL, BARBERO & AKMAN1992), parmi lesquelles nous nouscontenterons de citer ici parmi lesarbres, Cedrus libani, Abies cilicica,Pinus nigra subsp. pallasiana,Juniperus excelsa, J. foetidissima, J.drupacea, Quercus cerris subsp. pseu-docerris, Quercus infectoria subsp.infectoria, Quercus petraea subsp.pinnatiloba, Sorbus umbellata,Crataegus orientalis, mais aussi,parmi les herbacées, divers représen-tants des genres Anemone,Delphinium, Geum, Geranium, Vicia,Cyclamen, Doronicum, Paeonia etc..Il est intéressant de souligner quebeaucoup de ces espèces sont pré-sentes ou représentées par des taxaendémo-vicariants dans l’ordre desQUERCO-CEDRETALIA ATLANTICAEBarbero, Loisel & Quézel 1974, ce quisouligne les affinités étroites sur leplan écologique et biogéographiquequi unissent ces unités (QUEZEL 1981).

A l’intérieur de cet ordre, diversensembles, essentiellement géogra-phiques ont été définis, et répondentessentiellement aux cédraies duTaurus occidental, du Taurus centro-oriental et des chaînes syro-liba-naises. Les cédraies dégradées àgenévriers représentent toutefois uncas particulier.

a- Les cédraies du Taurusoccidental (LONICEROCEDRION)

Les cédraies du Taurus occidental,et essentiellement celles qui sontsituées dans la portion de la chaînecomprise entre Antalya et Fethiye pré-sentent de nombreux caractères parti-culiers.

C’est sans doute dans cette région,que peuvent s’observer tout d’abordles peuplements les plus étendus, et lesmieux conservés de la chaîne.L’absence du sapin de Cilicie et cellequasi totale du pin de Pallas, rendentcompte de leur remarquable extension,environ 150.000 hectares, mais leurpermettent de plus, de revêtir sur unterritoire relativement restreint, uneamplitude écologique remarquable dubioclimat humide au semi-aride etaussi de présenter des structures phy-tosociologiques relativement com-plexes.

Rappelons que ces forêts de cèdresappartiennent à une alliance spéciale,le LONICERO-CEDRION, ce qui accuseencore leur individualité à l’égard desautres cédraies du Taurus.

Les cédraies du Taurus occidentals’étendent, essentiellement au sudd’Elmali, et au nord de Fethiye,approximativement entre 1400 et2000 m d’altitude ; dans certains thal-wegs, le cèdre peut descendre nette-

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Photo 2 : Régénération après éclaircie à Cigilikara (Taurus occidental).Photo P. QUEZEL

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ment plus bas à la faveur de microcli-mats locaux, mais il ne paraît guèrefinalement pénétrer en peuplementssignificatifs dans l’étage méditerrra-néen supérieur. Il colonise essentielle-ment des substrats calcaires et dolomi-tiques, mais aussi des roches vertes aunord de Fethiye. Il succède en altitude,soit à des forêts de Pinus brutia, sou-vent associé surtout sur les façadesmaritimes à Cupressus sempervirens,qui s’élèvent ici parfois à plus de 1700m, en particulier sur le Tahtali Dag etle Teke Dag, soit aux formations àChênes sclérophylles (Quercus cocci-fera), sur les marges de la cuvettesteppique d’Elmali. Lonicera nummu-lariifolia subsp. glandulifera et Acersempervirens sont localement fré-quents. Juniperus excelsa tend, parailleurs, en ambiance semi-aride, à sesubstituer progressivement au cèdresur les bordures est, ouest et surtoutnord de cette cuvette.

Les facteurs climatiques régissantles cédraies du Taurus occidental sontdifficiles à cerner, en raison dumanque de données météorologiques ;il semble toutefois, que les reversméridionaux des massifs offrent par-tout des précipitations élevées et supé-rieures à 1000 mm dès le bord de meret atteignent sans doute au moins2000 mm sur les sommets ; inverse-ment, sur ses marges septentrionales,la cuvette d’Elmali reste peu arrosée(542 mm à Elmali), ce qui traduit unabaissement très brutal des précipita-tions. Il nous paraît peu probable, queles cédraies de belle venue de larégion, reçoivent des précipitationsinférieures à 800-900 mm, valeurs quisont précisément celles que cite CETIK(1976) pour la station de Buçak, dumoins pour les années normalementarrosées.

Les moyennes des minimas du moisle plus froid (janvier) estimées parCETIK, se situeraient vers - 2°C à 1500m, et atteindraient environ - 7°C à2000 m. L’enneigement persiste aumoins 5 mois, et la période de séche-resse estivale persiste 2 à 3 mois.

Diverses associations ont été recon-nues, notamment l’ALLIARIO OFFICINA-LIS-CEDRETUM LIBANI en milieu méso-phile, et l’ORYZOPSIDOHOLCIFORMI-CEDRETUM LIBANI enmilieu méso-xérophile. Juniperusexcelsa voire localement Ostrya carpi-nifolia peuvent apparaître. La richesse

floristique de ces forêts mérite d’êtresoulignée puisque de nombreusesespèces endémiques permettent de lescaractériser notamment Paeonia tur-cica, Pentaptera bocqueti, Ebenusboissieri, Campanula michauxioides.

b - Les cédraies du Tauruscentro-oriental (ABIETO-CEDRION)

Cedrus libani et Abies cilicica pré-sentent sur le Taurus centro-oriental,des exigences écologiques voisines,formant assez souvent des peuple-ments mixtes ou se remplaçant respec-tivement en fonction de divers critères.

Du point de vue altitudinal, ils sesituent essentiellement entre 1400 et2200 m en moyenne, mais peuvent à lafaveur de micro, voire de méso-cli-mats locaux descendre dans le médi-terranéen supérieur.

Du point de vue écologique cesdeux essences varient par leurs exi-gences édaphiques (QUEZEL, 1980)puisque le sapin ne sort pratiquementpas des substrats dolomitiques karsti-fiés alors que le cèdre est beaucoupplus tolérant et se rencontre sur cal-caires essentiellement, souvent surterra rossa, mais aussi localement surroches vertes et flyschs. Du point devue bilan hydrique, le sapin est plus

exigeant que le cèdre, ce qui situeélectivement ses peuplements sur lesfaçades maritimes ou dans les thal-wegs. Malgré ces différences, cesdeux essences végètent en bioclimathumide et localement sub-humide trèsfroid. La sécheresse estivale est de 3 à4 mois, l’enneigement de 3 à 6 mois.

Dans ce secteur, les forêts de sapinde Cilicie généralement associé aucèdre, occupent un peu plus de100.000 ha et celles de cèdre 50.000environ.

Sur le Taurus central et oriental,cèdre et sapin individualisent le plussouvent des associations distinctessans toutefois s’exclure. Elles se rap-portent à l’alliance ABIETO-CEDRION etla diversité de la végétation est beau-coup plus grande que sur le Taurusoccidental.

Le sapin de Cilicie domine en parti-culier dans la région d’Akseki(QUEZEL et PAMUKCUOGLU, 1969) auniveau de l’ ACERO TAURICOLI-ABIETUM CILICICAE, offrant diversesvariations en fonction de son degréd’anthropisation et de pâturage ;Quercus libani est généralement pré-sent. Il forme également des peuple-ments dominants dans le Taurus cen-tral, dans la région de Namrun(LECOKIO CRETICAE-ABIETETUMCILICICAE) mais encore dans le Taurusoriental dans la région de Pos

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Photo 3 : Cédraie d’altitude à Cedrus libani. Taurus central, reprise de larégénération après traitement forestier.

Photo P. QUEZEL

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(POTENTILLO CALYCINAE-ABIETETUMCILICICAE), où le cèdre est générale-ment présent, quoique relativementmoins répandu que le sapin de Cilicieet souvent associé à lui. L’étude de sespeuplements reste encore incomplète.Toutefois (AKMAN, BARBERO &QUEZEL, 1979), il est possible dedécrire dans le Taurus oriental, uneassociation particulière (THLASPOCATAONICI-CEDRETUM LIBANI), oùapparaissent Helleborus vesicarius,Campanula involucrata, Veronicasyriaca et diverses essences caducifo-liées notamment Quercus petraeasubsp. pinnatiloba et Quercus libani.Arceutos drupacea est également fré-quent. Sur le Taurus central, le cèdreparaît le plus souvent constituer desimples sous-associations particulièresau sein des associations déjà définiespour le sapin de Cilicie.

c- Les cédraies des chaînesSyro-Libanaises (GERANIO-CEDRION)

A l’étage montagnard du Mont Libanet du Djebel Alaouïte, les groupementsforestiers à Cedrus libani, mais aussilocalement à Abies cilicica et Quercuscerris, existent encore. Toutefois unnombre appréciable d’espèces locales,souvent très abondantes, permettent dedistinguer dans cette région une

alliance spéciale de valeur essentielle-ment géographique, et vicariante biocli-matique et altitudinale très précise del’ABIETO-CEDRION. Le nom deGERANIO-CEDRION a été retenu aveccomme caractéristiques : Geraniumlibani, Geranium libanoticum,Pimpinella anthriscoides, Lathyruslibani, Corydalis solida var. brachy-loba, Prunus ursina, Rubia aucheri.

Il faut encore y ajouter les caracté-ristiques des diverses associationsconnues (ABI-SALEH, KHOUZAMI etQUEZEL, 1974) qui sont en particulier,l’association à Cedrus libani etQuercus cedrorum, l’association àCedrus libani et Quercus brantiisubsp. look,et l’association à Quercuscerris et Lathyrus niger.

En Syrie, sur les sommets des montsdes Alaouïtes (CHALABI, 1980) existequelques vestiges de forêt de Cedruslibani et d’Abies cilicica se rapportantencore à cette alliance. En versantoccidental exposé aux influencesmarines il s’agit de l’ANTHRISCOLAMPROCARPAE-ABIETETUM CILICICAE,tandis qu’en versant oriental moinsarrosé, se développe le CYTISODREPANOLOBI-CEDRETUM LIBANI.

Toutes ces formations se rattachentà un bioclimat humide très froid avecun enneignement de 3 à 6 mois et unepériode de sécheresse estivale de 1 à 3mois.

d - Végétation pré-steppiqueà Juniperus excelsa avec vestiges épars de Cedrus libaniet de Pinus nigra subsp. palla-siana

Bien que Juniperus foetidissima etJuniperus excelsa soient susceptiblesd’apparaître et de former des peuple-ments significatifs aux divers étagesde végétation en Anatolie (cf. AKMAN,BARBERO et QUEZEL, 1979) c’est toute-fois au-dessus de 1900-2000 m qu’ilsoffrent, en particulier J. excelsa, leurdéveloppement maximal. Cetteessence, pouvant souvent dépasser 15m de hauteur, constitue alors déjà aumontagnard méditerranéen des peuple-ments importants, toujours clairseméset malmenés par l’homme et ses trou-peaux, où, suivant les régions appa-raîssent le cèdre du Liban, plus rare-ment le sapin de Cilicie, et surtout lepin de Pallas. Le cortège sylvatiquesignificatif fait alors presque totale-ment défaut et peut développer lorsquela dégradation n’est pas trop intensedes fruticées dominées par Berberiscrataegyna, Berberis cretica, Loniceranummulariaefolia, Rosa orientalis,Amygdaglus orientalis, etc. Toutefoisles chamaephytes oro-méditerra-néennes du Taurus sont égalementnombreuses et donnent le plus souventà ces structures de végétation l’allured’une forêt pré-steppique claire. Lescompagnes varient en fonction de lasituation biogéographique, mais ils’agit toujours de représentants de laclasse des ASTRAGALO-BROMETEA(QUEZEL, 1975). Ces forêts pré-step-piques à genévriers et cèdre, consti-tuant des pâturages d’estive très fré-quentés sont présentes surtout sur lerevers septentrional de la chaîne,notamment dans les régions d’El Maliet d’Ermenek, mais aussi d’Isparta.Elles occupent entre 50 et 70 000 hec-tares.

Dans toutes ces situations les sub-strats sont superficiels, caillouteux ensurface, surtout calcaires, et le biocli-mat de type très, voire extrêmementfroid. Les précipitations sont incon-nues mais doivent atteindre le plussouvent 800 à 1500 mm ; la neige per-siste 5 à 6 mois et la période de séche-resse estivale s’étend de juin àoctobre.

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Photo 4 : Cédraie en régénération, Ehden, Liban.Photo P. QUEZEL

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2 - Le c è d red e C hy pre

Le cèdre de Chypre : Cedrus brevi-folia (Hook.f.) Henry, est actuellementconsidéré comme une espèce bien par-ticulière, comme l’ont montré toutspécialement les travaux relatifs à sesformes de jeunesse et sa variabilitégénétique (ARBEZ, FERRANDES &UYAR 1978) ; ses exigences écolo-giques sont également très spéciales(BARBERO & QUEZEL 1978).

Si cet arbre était bien connu deThéophraste et de Pline (HOLMBOE1914) et indiqué par eux comme for-mant des forêts importantes, il fut parla suite pratiquement détruit et redé-couvert en 1879 par Samuel Baker(JONES et all. 1950, MEIKLE 1977). Lasituation était alors dramatique et unemise en protection immédiate par lesautorités britanniques, puis la mise enapplication de la loi sur le pâturage parles chèvres ont permis d’en assurer lesauvetage.

Actuellement Cedrus brevifolia estprésent sur le revers occidental duTroodos de Chypre, entre 900 et 1200(1400) m, où il occupe quelques loca-lités dans la forêt de Paphos. Le site leplus important est celui de Tripylos(environ 700 ha) alors que à MavrousKremmous et à Selladhi tis Elias iln’occupe que quelques hectares ; desarbres isolés s’observent encore àKykko Vouni et à Exo Mylos.

2 - I A p e r ç u p hyto g é o gr a p h iq u eg é n é r a l

Le cèdre de Chypre constitue le plussouvent des peuplements mixtes, ils’associe en particulier à Quercusalnifolia et à Pinus brutia avec encore,mais de façon plus éparse Acer obtusi-folium, Arbutus andrachne et en ripi-silve Platanus orientalis. L’ensemblede ses populations se situe à l’étageméso-méditerranéen, et en bioclimatsubhumide froid ou frais (P = 800 mm,m = 0 à 2°C). La sécheresse estivaledure de 5 à 7 mois selon les années. Lesubstrat est constitué par des rochesultrabasiques très compactes dontbeaucoup d’espèces endémiques chy-

priotes (MÉDAIL et QUEZEL 1997),etprécisément Cedrus brevifolia etQuercus alnifolia, ne sortent pas.

La majeure partie des individus enplace sont jeunes puisqu’ils se sontdéveloppés essentiellement à la suitede la mise en réserve et en défends dela station ; la régénération est bonne.Quelques individus plus âgés attei-gnent 250 ans et mesurent jusqu’à 30-35 m de hauteur.

2 - 2 Stru c ture s d ev é g é t a tion

Cedrus brevifolia peut être facile-ment rattaché au CREPIDO FRASII-QUERCETUM ALNIFOLIAE Barbero &Quézel 1985 qui appartient auxQUERCETEA-ILICIS et à l’alliance endé-mique chypriote QUERCION-ALNIFOLIAE Barbero & Quézel loc.cit., caractérisée en particulier parCrepis frasii, Stellaria cilicica,Cyclamen cyprium, Lecokia cretica etSedum cyprium. En fait, les peuple-ments de cèdre répondent à une sous-association particulière à Cedrus bre-vifolia.

Localisée dans la région de Tripiloset surtout dans le vallon dit desCèdres, cette sous-association repré-sente la variante la plus mésophile dugroupement ; un ruisseau permanent yexiste en effet. Ceci se traduit sur leplan édaphique par l’existence de solsforestiers relativement profonds, et surle plan floristique par la présence ducèdre, mais aussi de quelques élémentsplus alticoles et souvent liés à Chypreaux forêts de Pinus nigra tels queGalium peplidifolium, Cephalor-rhynchus cypricum, Epilobium monta-num, qui avec Arrhenatherum elatius,Poa sintenesii et Stellaria mediasubsp. postii permettent de différen-cier la sous-association.

Bien que n’occupant que quelquescentaines d’hectares, les peuplementsde Cedrus brevifolia n’en demeurentpas moins fort remarquables.Actuellement cette essence se com-porte en effet comme typiquementinféodée à l’étage méso-méditerranéenalors que les autres espèces de Cedrussont beaucoup plus exigentes du pointde vue altitudinal et surtout liées àl’étage montagnard méditerranéen,notamment Cedrus libani sur le

Taurus (AKMAN, BARBERO & QUEZEL1978, QUEZEL & PAMUKÇUOGLU 1973)ou encore au Liban (ABI-SALEH,BARBERO, NAHAL & QUEZEL 1976). Ilest difficile d’expliquer la localisationactuelle du cèdre de Chypre et sonabsence sur les sommets du Troodos,(cf. en part. HOLMBOE, 1914). Il estcependant intéressant de souligner quedans les conditions écologiquesactuelles, l’analyse phytosociologiquedonne à cet arbre et malgré sonextrême rareté, une indiscutable indi-vidualité, mais au sein de la classe desQUERCETEA-ILICIS et non pas des uni-tés plus alticoles.

La dégradation de cette associationpeut conduire à des peuplementsmixtes à Pinus brutia et Quercus alni-folia (PINO BRUTIAE-QUERCETUMALNIFOLIAE), mais le plus souvent elles’effectue directement vers la constitu-tion de maquis et de garrigues àCistus.

3 - Le c è d red e l ’ A tl a s ( C a rt e n° 2 )

Endémique à l’état spontané desmontagnes du Maghreb, le cèdre del’Atlas représente par excellencel’essence noble des forêts marocaineset algériennes. A ce titre il a payé unlourd tribut, à la suite d’exploitationsabusives mais aussi d’un pastoralismeexacerbé en montagne, tant en périodecoloniale que depuis l’indépendancedes pays de l’Afrique du Nord. BOUDY(1950) estimait à cette époque les sur-faces occupées par les cédraies àapproximativement 115.000 ha auMaroc et 30.000 ha en Algérie, alorsque les surfaces potentielles seraient,toujours d’après cet auteur, respective-ment de 456.000 ha et 128.000 ha.Malheureusement, à l’heure actuelleles surfaces évoquées par BOUDY neconstituent qu’un pieux souvenir etdes estimations moyennes (BARBERO,QUEZEL & LOISEL 1990) permettent defaire raisonnablement état de 90.000 et20.000 ha. Nous reviendrons plus loinsur les raisons de ce dramatiqueappauvrissement.

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La répartition générale de Cedrusatlantica est fournie sur la carte n° 2qui montre clairement que cet arbreprésente une aire nettement disjointeet liée essentiellement à l’orographiedu Maghreb. Au Maroc il occupe leRif (y compris les sommets duTazzeka) avec environ 10.000 ha, leMoyen Atlas oriental (environ 10.000ha), le Moyen Atlas tabulaire (60.000ha) et le Haut Atlas Oriental (moins de10.000 ha). En Algérie les forêts del’Atlas tellien sont encore relativementbien conservées : Ouarsenis et Tenietel Had (1.000 ha), Atlas de Blida(1.000 ha), Djurdjura (2.000 ha),Babors (500 ha) alors que celles del’Atlas saharien sont en régressiondrastique : Monts du Hodna(5.000 ha), Bellezma (5.000 ha) etAurès (5.000 ha). Encore convient-ilde souligner que beaucoup de cescédraies sont actuellement en état desimple survie et destinées à disparaîtredans les prochaines décennies ; tel estle cas en particulier pour toutes lescédraies continentales aussi bien auMaroc qu’en Algérie.

Le cèdre, au Maroc en particulier, afait l’objet de nombreux travaux géné-raux axés toutefois le plus souvent surles aspects physionomiques et fores-tiers. MAIRE (1924) puis EMBERGER(1939) ont défini les principauxaspects géographiques et bioclima-tiques des cédraies marocaines. En1966, PUJOS établit une classificationde ces cédraies, prenant en compte enparticulier des critères édaphiques alti-tudinaux et climatiques, ce quil’amène à distinguer, respectivementsur calcaires dolomies et basaltes, descédraies de basse (1600-1900 m),moyenne (1900-2100 m) et haute(2100-2500 m) altitudes, dont lessignifications écologiques sont forthétérogènes. Ses conclusions ont étéreprises et complétées par LECOMPTE(1969) qui a établi de plus une cartedes séries de végétation du MoyenAtlas central.

Parallèlement à ces travaux essen-tiellement écologiques, les forestiersont consacré d’importantes recherchesaux cédraies marocaines ; BOUDY(1950), MARION (1954-55) et surtoutLEPOUTRE (1967-64). C’est en particu-lier l’aspect régénération et conserva-tion des cédraies qui a été abordé,mais aussi leur productivité (M’HIRIT1982)

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Photo 5 : Cédraie de Chréa, Atlas de Blida Algérie, dominance de cèdres del’Atlas à troncs fourchus.

Photo P. QUEZEL

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3 - 1 A p e r ç u p hyto-g é o gr a p h iq u e g é n é r a l

Le cèdre de l’Atlas présente uneamplitude altitudinale importante. Laforêt de cèdre apparaît, de façon assezschématique, à partir de 1500 m sur leRif, 1600 sur le Moyen Atlas et 1700sur le Haut Atlas oriental. Certes à lafaveur d’effets de thalwegs ou demicro-climats locaux, cet arbre peutdescendre plus bas, mais il ne déter-mine pas alors de véritables forma-tions forestières particulières. Il en estsensiblement de même en Algérie oùle cèdre peut toutefois atteindre 1000-1100 m dans les thalwegs humides desrevers septentrionaux des massifs tel-liens.

La limite supérieure du cèdre varieégalement en fonction des localités ;comme l’a indiqué EMBERGER, ilatteint le sommet du Tidighin(2440 m) sur le Rif, sur le MoyenAtlas. PEYRE (1979) a observé desindividus isolés sur le revers sud duBou Iblane jusque vers 2600 m. Sur leHaut Atlas oriental il atteint des alti-tudes analogues. En Algérie des indi-vidus malmenés atteignent pratique-ment les sommets du Djurdjura et del’Aurès.

Indifférent aux substrats, le cèdre del’Atlas est toutefois surtout localisésur calcaire, notamment sur le MoyenAtlas et le Haut Atlas et l’Atlas tellienalgérien. Il est présent sur les grès duRif comme sur les basaltes du MoyenAtlas tabulaire et développe sur cestypes de substrats des peuplements departiculièrement belle venue.

Contrairement au cèdre du Liban, lecèdre de l’Atlas forme très générale-ment des forêts pures ou presquepures ; seul Quercus rotundifolia luiest souvent associé, et cela sur toutel’étendue de son amplitude altitudi-nale, alors que les chênes scléro-phylles ne jouent qu’un rôle discretdans les forêts de Cedrus libani, etencore uniquement au-dessous de1700-1800 m. De même, si le pin noiret les sapins (Abies cilicica) sont prati-quement présents partout dans l’airede Cedrus libani, Pinus nigra subsp.mauritanica représente en Afrique duNord une très grande rareté (MATHEZ,QUEZEL & REYNAUD 1985) puisqu’iln’est représenté que par deux micro-peuplements résiduels, associés toute-

fois au cèdre, respectivement dans leDjurdjura (Tikjda) et le Rif(Talassemtane). Les sapins méditerra-néens au Maghreb sont également trèslocalisés, mais eux aussi associés engénéral au cèdre, et liés aux massifsdolomitiques très arrosés : dorsale cal-caire du Rif pour Abies maroccana etBabors et Tababort pour Abies numi-dica. Par contre l’If, mais aussi leHoux, sont beaucoup plus fréquentsdans les cédraies du Maghreb que danscelles à Cedrus libani.

Comme en Méditerranée Orientale,un genévrier arborescent Juniperusthurifera subsp. africana est assezsouvent associé au cèdre de l’Atlassauf dans le Rif et sur les chaînons tel-liens algériens. Il joue un rôle trèsproche de celui qui a été indiqué pourJuniperus excelsa dont il est taxinomi-quement très proche (BARBERO,LEBRETON & QUEZEL 1995), et estdonc surtout présent dans les cédraiesclaires ou dégradées. Juniperus oxyce-drus voire localement Juniperus phoe-nicea dans leurs formes arborescentes,apparaissent également en situationcontinentale.

Les pins méditerranéens occupentune position extrêmement marginaledans les cédraies du Maghreb. Pinuspinaster subsp. maghrebiana est toute-fois très localement présent sur lesmarges inférieures des cédraies, sur-tout sur marnes, notamment dans leRif calcaire, le Moyen Atlas et le HautAtlas orientaux (DESTREMAU1974).Pinus halepensis n’est pratiquementjamais en contact avec la cédraie.

Les essences caducifoliées ne jouentqu’un rôle épisodique dans lescédraies nord-africaines ; Quercusfaginea et Quercus canariensis appa-raissent localement en bioclimathumide ainsi d’ailleurs que Acer opa-lus subsp. granatense ; Acer monspes-sulanum offre par contre une localisa-tion plus large, et Lonicera arborea,ainsi que Buxus balearica caractéri-sent surtout les horizons supérieurs dela cédraie.

La physionomie générale descédraies du Maghreb offre diversaspects qui se superposent à peu prèsexactement avec ce qui vient d’êtredécrit pour les cédraies deMéditerranée Orientale. Toutefois, auMaroc en particulier, l’approfondisse-ment des recherches écologiques etdynamiques permet de préciser plus

clairement les modalités de leur dégra-dation. Les cédraies climaciques, à solforestier évolué et à cortège floristiquesignificatif sont devenues rares, maisexistent encore en quelques localitéspréservées. C’est là que l’on peutencore observer les groupements végé-taux définis en particulier parBARBERO, QUEZEL & RIVAS-MARTINEZ(1981). La dégradation de ces struc-tures de végétation s’effectue suivantle schéma que nous avons pu mettreen évidence pour la plupart des forêtsméditerranéennes (BARBERO et all.1990, BARBERO et QUEZEL 1995) et quifait intervenir les stades successifs sui-vants : passage à des structures devégétation de type préforestier, mator-ralisation, dématorralisation, thérophy-tisation, disparition des derniers arbresencore en place. Sans entrer dans ledétail, cette évolution conduit parallè-lement à la destruction des cortègesvégétaux significatifs et des horizonspédologiques superficiels. L’éclaircis-sement des strates arborescentes, rem-placées progressivement par des cha-méphytes (matorralisation) dont ladisparition par broutage ou arrachage(dématorralisation) conduit, sous desarbres épars encore en place, à l’épa-nouissement de tout un cortège de thé-rophytes plus ou moins nitrophiles àdéveloppement rapide et épisodique,eux aussi destinés à disparaître lorsquela roche mère est définitivement miseà nu. Cette dégradation de la stratearborescente et arbustive est encoreaccélérée, surtout les années à faiblesprécipitations par les prélèvementsvolontaires effectués par les bergerspour les troupeaux qui actuellementhivernent en général dans les massifsforestiers, ce qui n’était absolumentpas le cas il y a seulement quelquesdécennies.

Dans ces conditions, l’augmentationdu cheptel mais aussi de la populationpermanente, jointes à la successiond’années météorologiquement défavo-rables, ont entraîné des dégats irrémé-diables dans les cédraies les plus vul-nérables du point de vue écologique,c’est-à-dire celles qui se rencontrenten ambiance continentale, aux margesdu bioclimat semi-aride notammentdans les Moyen et Haut AtlasOrientaux, mais aussi sur les chaînonsde l’Atlas Saharien en Algérie.

Dans leur situation écologique etsocio-économique actuelle, l’avenir

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des cédraies du Maghreb reste biensombre, et des mesures drastiques desauvegarde doivent être prises immé-diatement si l’on veut en assurer lasurvie. Mais ces mesures sont diffici-lement compatibles avec les traditionset l’utilisation des forêts de cèdres parles populations locales, et l’on peutrester pessimiste quant à l’avenir de lacédraie nord-africaine.

Toutefois, les raisons d’espérer exis-tent encore notamment dans lescédraies de basse voire de moyennealtitude, où les régénérations de cèdresont possibles et souvent nombreuses ;dans certaines parcelles le cèdres’étend indiscutablement de façonnaturelle sous le couvert de chêne vert,voire de chêne zèen, et les reboise-ments sont prometteurs lorsqu’ils sontrespectés par la dent des troupeaux.Par contre l’avenir des cédraies dehaute altitude reste extrêmement pré-occupant. En l’absence quasi-totale desol et sous un pâturage intensif quasi-permanent, les régénérations fontdéfaut et les arbres, cèdres et gené-vriers thurifères surtout, sont réguliè-rement amputés ; il se constitue de lasorte, parfois sur des milliers d’hec-tares, des forêts fossiles, puis descimetières de troncs morts ou agoni-sants dont la réhabilitation est illusoire(GAUQUELIN 1988). Cette situationprévaut actuellement dans une grandepartie des cédraies du Moyen AtlasOriental et du Haut Atlas Oriental, où

de plus, les paysans essaient de mettreen culture de céréales les lambeaux desols encore présents çà et là dans lacédraie (QUEZEL et BARBERO 1990),accélérant encore les processus d’éro-sion.

3 - 2 Va l e ur a ltitu d in a l e e t b io c lim a tiq u e

Du point de vue des étages de végé-tation, les cédraies du Maghreb posentde redoutables problèmes d’interpréta-tion (ACHHAL et all. 1980). En effet sil’on tient compte à la fois de leurs exi-gences altitudinales, de leurs struc-tures floristiques et aussi de leur dyna-mique, elles paraissent pouvoir serattacher à plusieurs étages :

- les cédraies de basse altitude,occupent, au moins en partie, l’hori-zon supérieur du méditerranéen supé-rieur, notamment entre 1500 et 1700m sur le Moyen Atlas et sur le Rif.Elles se situent dans l’ambiance écolo-gique de la chênaie verte d’altitude,dont elles possèdent au moins en par-tie le cortège floristique ;

- les cédraies montagnardes méditer-ranéennes sont de loin les plus répan-dues; elles se situent entre 1700 et2100 m en moyenne, et montrent,lorsqu’elles n’ont pas été trop dégra-dées par l’homme et ses troupeaux, un

cortège floristique significatif. Ellescorrespondent aux cédraies demoyenne altitude (sensu PUJOS 1966),qui y distingue un niveau inférieur etun niveau supérieur, en général recon-naissable par leur composition floris-tique ;

- les cédraies de haute altitude(PUJOS loc. cit.) se rapportent quant àelles au sous-étage inférieur de l’oro-méditerranéen mais s’insinuent égale-ment au montagnard méditerranéensupérieur à la faveur des processus dedégradation par l’homme, et se locali-sent entre 2100 et 2500 m. Le gené-vrier thurifère joue à ce niveau un rôleimportant.

Il en ressort, que Cedrus atlanticaprésente sur les Atlas, une significa-tion altitudinale comparable à celle deCedrus libani, en particulier sur leTaurus (AKMAN, BARBERO & QUEZEL,1979), avec toutefois une présencenettement plus accusée à l’étage médi-terranéen supérieur.

Les exigences bioclimatiques deCedrus atlantica ont été définies pourla première fois par EMBERGER (1938,1939) et précisées ensuite par de nom-breux auteurs ; citons en particulier lestravaux de PUJOS (loc. cit.), LECOMPTE(1969), DONADIEU (1977). Nousn’avons pas grand-chose à ajouter auxconclusions de ces auteurs. Il est évi-dent que les cédraies les plus produc-tives et les mieux individualisées dupoint de vue floristique, doivent serapporter essentiellement au bioclimatméditerranéen humide alors que lesautres, pour des critères soit clima-tiques, soit éco-physiologiques, se rat-tachent en général au bioclimat médi-terranéen sub-humide. L’existence decédraies de l’Atlas en bioclimat semi-aride, est encore discutée en l’absencede données météorologiques fiables ;elle est toutefois probable, en particu-lier sur le revers méridionaux del’Aurès et des monts du Hodna.Suivant l’altitude il est également pos-sible de rattacher respectivement etschématiquement aux variantes ther-miques froide, très froide et extrême-ment froide, les trois types altitudi-naux définis plus haut. Remarquonsque les cédraies de basse altitude sontessentiellement localisées en bioclimathumide alors que celles de moyenne ethaute altitude peuvent répondre plutôtà des bioclimats sub-humide, humidevoire per-humide. Les cédraies supé-

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Photo 6 : Exploitation de la cédraie, coupes, élagages et mises en culture ;région d’Immouzer des Marmouchas dans le Moyen Atlas Oriental (Maroc).

Photo P. QUEZEL

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rieures, essentiellement oro-méditerra-néennes, doivent quant à elles se ratta-cher plutôt à la variante extrêmementfroide du bioclimat méditerranéen sub-humide. La durée de l’enneigement,très variable selon les années, varie enfonction de l’altitude et de l’expositionentre 3 et 5 mois en moyenne. Il en estde même pour la durée de la périodede sécheresse estivale, qui doit varierentre 1 mois ( bioclimat per-humide)et 4 à 5 mois sur les marges du biocli-mat aride.

3 - 3 Prin c i p a l e s stru c tures d e v é g é t a tion

L’étude syntaxinomique descédraies nord-africaines est actuelle-ment bien avancée, ce qui permet unniveau de précision nettement supé-rieur à celui qui était possible pour lecèdre du Liban. Au Maroc en particu-lier divers travaux synthétiques ont étéconsacrés à ce type de végétation. C’esttoutefois en Algérie (QUEZEL 1956)qu’un premier essai d’interprétation aété tenté sur les cédraies et sapinièreskabyles. En fait, il est apparu très viteque la majeure partie des cédraies duMaghreb devaient être rattachées dupoint de vue phytosociologique, auxQUERCETEA PUBESCENTIS, Doingt Kraft1955 au sein desquelles elles consti-tuaient un ordre endémique celui desQUERCO-CEDRETALIA ATLANTICAE,Barbero Loisel et Quézel 1974, quis’est révélé le vicariant remarquable-ment précis de l’ordre est-méditerra-néen des QUERCO-CEDRETALIA LIBANI,Barbero Loisel et Quézel 1974 tant surle plan purement floristique qu’écolo-gique (QUEZEL 1981).

Rappelons que parmi les caractéris-tiques des QUERCO-CEDRETALIAATLANTICAE, figurent essentiellementdes endémiques nord africaines tellesque : Cedrus atlantica, Calaminthababorensis, Doronicum atlanticum,Geranium malviflorum, Senecio per-ralderianus, Cynosurus balansae,Bunium alpinum var. atlanticum,Evonymus latifolius subsp. kabylicus,Geum silvaticum subsp. atlanticum,Primula vulgaris var. atlantica, Scillahispanica var. algeriensis, etc..

Contrairement à ce qui a été pourl’instant observé à propos des cédraies

de Méditerranée Orientale, auMaghreb, certaines structures phytoso-ciologiques se rattachent encore toute-fois aux QUERCETEA ILICIS soit qu’ils’agisse de cédraies, généralementmixtes, de basse altitude ou aucontraire de cédraies dégradées oualticoles où l’ambiance sylvatiquen’est guère reconnaissable. Nous envi-sagerons ultérieurement le cas de cesdeux derniers types de cédraies.

a - Les cédraies des QUERCO-CEDRETALIA ATLANTICAE

Elles constituent le cas le plus géné-ral pour les cédraies nord africaines,du moins lorsque leur état de conser-vation est encore satisfaisant. Iciencore comme en MéditerranéeOrientale, diverses unités peuvent êtrereconnues, essentiellement sur des cri-tères biogéographiques, mais aussi et

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Photo 7 : Cédraie à Cedrus atlantica de haute productivité à Bab Berred sur leRif central, substrats gréseux.

Photo P. QUEZEL

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parallèlement en fonction des condi-tions écologiques générales.

Les cédraies du Rif du Tazzeka etdu Moyen Atlas Oriental humide(VIOLO MUNBYANAE CEDRIONATLANTICAE, Barbero, Quézel etRivas-Martinez 1981)

En bioclimat humide et per-humideessentiellement, et sauf sur la dorsalecalcaire du Rif où le cèdre cède le plussouvent la place au Sapin (Abiesmaroccana) (BENABID 1982, 1985),cet arbre constitue des forêts de trèsbelle venue et souvent encore en bonétat (M’HIRIT 1982). Il occupe surtoutle montagnard méditerranéen, maispénètre aussi au méditerranéen supé-rieur, comme à l’oro-méditerranéen,notamment sur le Tidighine.

Sur grés, ces cédraies qui figurentparmi les plus belles du Maroc, sontlocalement infiltrées par Quercus fagi-nea, Acer granatense, Ilex aquifolium,voire dans les ravins par Prunus lusi-tanica ou même Betula fontqueri.Parmi les caractéristiques de l’alliancefigurent Digitalis purpurea var.maroccana, Arenaria pomelii, Viciacedretorum, Viola munbyana var.rifana, etc. Diverses associations ontété définies et en particulier le LUZULOFORSTERI CEDRETUM ATLANTICAE deloin la plus répandue, et le TEUCRIOOXYLEPIDIS-CEDRETUM ATLANTICAElocalisé au-dessus de 1700-1800 m. Ladégradation de ces cédraies donnenaissance à des matorrals dominés parCistus atlanticus et divers Halimiumse rattachant à l’ordre endémique desHALIMIETEA RIPHAEO-ATLANTICAE(Quezel, Barbero, Benabid, Loisel &Rivas-Martinez, 1988). Sur la dorsalecalcaire du Rif, où Cedrus est rare, lasituation phytoécologique est toutefoissuffisamment remarquable pourqu’unesous alliance particulière ait pû êtredéfinie (ABIETENION MAROCCANAE).Elle est caractérisée par Abies maroc-cana, Senecio nebrodensis, Senecioperralderianus var. hosmariensis,Acer granatense, Agropyron panormi-tanum. Cedrus ne joue qu’un rôlelimité dans le PAEONIO MAROCCANAE-ABIETETUM MAROCCANAE deTalassemtane, d’ailleurs hétérogèneoù, au niveau de diverses sous-asso-ciations, cohabitent Cedrus, Abies,Pinus nigra subsp. mauritanica, Pinuspinaster subsp. maghrebiana, Acer

granatense, Quercus canariensis,Quercus rotundifolia, Ilex. Toutefoiscet arbre organise une association par-ticulière le BERBERIDO HISPANICAE-CEDRETUM ATLANTICAE Benabid 1984localisée sur les karst dolomitiquesventés peu favorables au développe-ment du Sapin. Sur les crètes calcaréo-dolomitiques du Moyen-Atlas Orientalet notamment en forêt de Taffert sur lerevers nord-occidental du Bou Iblane,l’AGROPYRO MARGINATI-CEDRETUMATLANTICAE se rattache encore à cettealliance.

Les cédraies du Moyen-Atlas tabu-laire et du Haut-Atlas Oriental(PAEONIO MAROCCANAE-CEDRIONATLANTICAE, Barbero, Quézel et RivasMartinez 1981)

La majeure partie des cédraiesmarocaines se rattache, au moins théo-riquement, à cette unité caractériséenotamment par Argyrocytisus battan-dieri, Paeonia coriacea var. maroc-cana, Arabis josiae et Viola dehnhard-tii var. atlantica. Ces cédraies toujoursfortement infiltrées par Quercus rotun-difolia, plus rarement par Quercuscanariensis ou encore Pinus pinastersubsp. maghrebiana, Acer monspessu-lanum et Ilex aquifolium, occupentl’horizon supérieur du méditerranéensupérieur et l’ensemble du montagnardméditerranéen. C’est dire qu’elles peu-vent exister entre 1400-1500 m et2000-2200 m.

Sur le Moyen Atlas tabulaire, leurétude avait déjà été entreprise parNEGRE (1953) et LECOMPTE (1969). Lepremier de ces auteurs a en particulierdéfini un HELIANTHEMO CROCEI-CEDRETUM qui représente un aspectpâturé de la cédraie claire, particuliè-rement fréquent encore de nos jours.Les formations franchement silva-tiques à cèdre sont en fait essentielle-ment constituées ici par un petitnombre de groupements localisés enbioclimat humide ou sub-humide. Surbasaltes essentiellement, mais aussidans les thalwegs et ravins humidessur calcaire, l’ARGYROCITYSOBATTANDIERI-CEDRETUM ATLANTICAE,représente la structure floristiquementla plus évoluée et écologiquement laplus équilibrée ; elle possède en parti-culier en propre divers éléments floris-tiques très exigeants : Calaminthababorensis, Geum heterocarpum,

Polygonatum officinale notamment.Encore bien développé actuellement,ce groupement se rencontre essentiel-lement dans la portion occidentale etnord-occidentale des Causses mésatla-siques où les influences océaniquessont importantes, et là où les dégrada-tions anthropiques ne sont pas tropaccusées. C’est dans des conditionsécologiques assez proches, mais uni-quement sur calcaire et en général àdes altitudes plus faibles (1500-1700m) que se développe la sous associa-tion CEDRETOSUM du PAEONIOM A R O C C A N A E - Q U E R C E T U MCANARIENSIS, où les caractéristiquesdes QUERCETEA ILICIS (sensu lato)occupent déjà une place appréciable.Ces critères, joints à la présence ici deSorbus torminalis, Piptatherum para-doxum, Moehringia pentandra, locali-sent plutôt ce groupement au méditer-ranéen supérieur.

Sur le haut Atlas Oriental, il estdevenu bien difficile de trouver encoredes vestiges de cédraies en suffisam-ment bon état pour qu’il soit possiblede les rattacher aux QUERCOCEDRETALIA. C’était toutefois encorele cas en 1987 (QUEZEL, BARBERO &BENABID) où quelques relevés signifi-catifs ont pu être réalisés notammentsur le J. Sloul et dans les gorges duMasker et nous ont permis de définirun PIPTATHERO PARADOXI-CEDRETUMATLANTICAE en bioclimat sub-humidetrès froid où subsistent encore diverséléments floristiques significatifsenvahis toutefois par les représentantsdu JUNIPERO THURIFERAE-QUERCION(cf. infra) traduisant la dégradationdéjà très poussée de l’ambiance silva-tique.

Les cédraies de l’Atlas tellien algé-rien (PAEONIO ATLANTICAE-CEDRIONATLANTICAE, Barbero Quezel & RivasMartinez 1981)

Eparses entre l’Ouarsenis et la PetiteKabylie, les cédraies de l’Atlas Tellienalgérien sont encore incomplètementconnues, et notamment l’interprétationde celles de Teniet voire de Chreareste à faire, mais leur appartenance àl’unité définie ici est par contre cer-taine. Au contraire en Kabylie, nousdisposons de données plus précises(QUEZEL 1956, QUEZEL & BARBERO1989). Les cédraies telliennes algé-riennes offrent indiscutablement

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d’étroites affinités écologiques maisaussi floristiques avec les cédraies etles sapinières rifaines. En effet, ellessont essentiellement localisées en bio-climat humide voire per-humide auxétages méditerranéen supérieur etmontagnard méditerranéen, entre1400-1500 m et 2000-2200 m. Dans leDjurdjura comme sur le Rif calcaire,le cèdre s’associe à Pinus nigra subsp.mauritanica alors que Abies numidicasur les Babors remplace indiscutable-ment Abies maroccana (QUEZEL1985). Dans le cortège des herbacéesMyosotis alpestris, Senecio perralde-rianus, Viola munbyana, Convolvulusdryadum sont représentés en Algérieet sur le Rif par des taxa infraspéci-fiques vicariants.

Les cédraies du Tell algérien etnotamment celles de Kabylie sontremarquables par l’abondance desphanérophytes. C’est ainsi que lescédraies-sapinières des Babors offrent,en équilibre parfois remarquable auniveau de l’ASPERULO ODORATAEABIETETUM NUMIDICAE, Cedrus, Abies,Acer monspessulanum, Acer cam-pestre, Acer obtusatum, Ilex aquifo-lium, Taxus baccata, Sorbus aria,Quercus canariensis, ainsi quequelques espèces plus souvent liéesaux hêtraies en Europe méridionale etabsentes partout ailleurs en Afrique :Asperula odorata, Populus tremula,Ribes petreum, Neottia nidus-avis,Podanthum trichocalycinum. Lescédraies pures ou dominantes répon-dent, également en Kabylie à uneassociation particulière (SENECIOPERRALDERIA-CEDRETUM) caractériséepar Senecio perralderianus, Violamunbyana var. kabylica, Vicia ochro-leucha subsp. atlantica, Bunium alpi-num subsp. mauretanicum et Gageafoliosa, individualisant elles-mêmes,en fonction des situations géogra-phiques surtout, diverses sous associa-tions : à Calamintha baborensis et àAdenocarpus complicatus sur leBabor, à Buxus sempervirens sur leTababort et à Juniperus hemisphericasur le Djurdjura.

Les cédraies de l’Atlas Saharienalgérien (LAMIO NUMIDICAE-CEDRIONATLANTICAE, Abdessemed 1981)

Les cédraies de l’Atlas saharienalgérien : Hodna, Bellezma, Aurès,présentent indiscutablement des parti-

cularités écologiques vis-à-vis decelles de l’Atlas tellien ; notamment lebioclimat est de type subhumide voirelocalement semi-aride, et la continen-talité y est infiniment plus accusée(FAUREL et LAFFITE 1949). Le Cèdrepar ailleurs est associé ici auxJuniperus : Juniperus thurifera subsp.africana, Juniperus oxycedrus,Juniperus phoenicea et à Quercusrotundifolia et Fraxinus dimorpha. Enfait, ces cédraies actuellement en voiede dégradation rapide rappellent beau-coup celles du Haut Atlas Orientalmarocain. Floristiquement leur statutest délicat à interpréter en raison del’absence quasi-totale de caractéris-tiques. ABDESSEMED(1981) les a toute-fois incluses dans une alliance particu-lière définie par Lamium longiflorumsubsp. numidicum, Ranunculus monta-nus subsp. aurasiacus, Carum monta-num, Cephalanthera grandiflora etPoa nemoralis, et défini diverses asso-ciations dont beaucoup correspondentsans doute plutôt, à divers stades dedégradation de la cédraie. Citons enparticulier les groupements suivants :CEDRO ATLANTICAE-RANUNCULETUMSPICATI, VIOLO MUNBYANAE-JUNIPERETUM HEMISPHAERICAE, CEDROA T L A N T I C A E - Q U E R C E T U MROTUNDIFOLIAE, CEDRO ATLANTICAE -BERBERIDETUM HISPANICAE, dont plu-sieurs semblent plutôt devoir s’inté-grer aux unités envisagées ci-dessous.

b - Les cédraies desQUERCETEA ILICIS

Un certain nombre de structuresforestières ou simplement arboréesdominées par le Cèdre de l’Atlas, nepeuvent pas, pour des raisons floris-tiques évidentes, mais aussi souventécologiques, être rattachées aux unitésphytosociologiques étudiées ci-dessus.Bien que les conclusions soient sou-vent délicates à établir, ces formationspeuvent se rattacher à deux ensemblesprincipaux : des structures forestières,souvent dynamiques et localiséesessentiellement au méditerranéensupérieur, qui s’intègrent auxQUERCETALIA ILICIS et à l’allianceBALANSEO GLABERRIMAE-QUERCIONROTUNDIFOLIAE Barbero,Quézel etRivas Martinez 1981, et des structurespré-steppiques de haute altitude, serattachant aux EPHEDRO-JUNIPERETALIA Quézel et Barbero 1981et plus spécialement à l’allianceJUNIPERO THURIFERAE-QUERCIONROTUNDIFOLIAE Quézel et Barbero1981.

Les cédraies du BALANSAEO-QUERCION ROTUNDIFOLIAE

De nombreuses structures forestièresdominées par Cedrus atlantica, ouencore - par Cedrus atlantica etQuercus rotundifolia en mélange,

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Photo 8 : Cédraie viellissante à Cedrus atlantica sur le Babor (Algérie, PetiteKabylie)

Photo P. QUEZEL

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montrent un cortège associé où n’exis-tent plus guère que des caractéris-tiques des QUERCETEA ILICIS (sensulato) et tout spécialement Festuca tri-flora, Balansaea glaberrima,Ptilostemon dyricola, mais aussiViburnum tinus, Lonicera etrusca,Asparagus acutifolius, Rubia per-egrina, Juniperus oxycedrus, à côté detrès épars vestiges des QUERCETEAPUBESCENTIS (sensu lato) et surtoutd’espèces annuelles nombreuses etabondantes se rattachant très générale-ment aux GERANIO PURPUREI-CARDAMINETALIA HIRSUTAE Brullo1985 regroupant la végétationd’espèces annuelles faiblement nitro-philes et umbrophiles se développantsur les marges ou sous couvert de for-mations forestières méditerranéennes,et représentées ici essentiellement parGeranium purpureum, Cardamine hir-suta, Geranium molle, Centranthuscalcitrapa, Galium aparinella,Myosotis gracillima, Torilis spp.,Viola spp., Veronica spp., Speculariaspp., etc. Cette composition floristiquemontre l’importance du pâturage, res-ponsable de la thérophytisation signa-lée plus haut, qui s’accompagne surdes sols tronqués mais encore partiel-lement en place, d’un appauvrissementvoire d’une disparition des espècessignificatives du cortège. Il s’organisealors des structures particulières devégétation où les espèces liées aux

QUERCETEA PUBESCENTIS, les plus vul-nérables, disparaissent les premières etlaissent en place, pour un temps dumoins, des caractéristiques desQUERCETEA ILICIS avant que la théro-phytisation ne devienne générale. Unexemple remarquable, sous couvert decèdre est fourni par le BALANSAEOG L A B E R R I M A E - C E D R E T U MATLANTICAE, aussi bien sur lesCausses mésatlasiques (BARBERO,QUEZEL & RIVAS-MARTINEZ 1981) quedans le Haut Atlas Oriental (QUEZEL,BARBERO & BENABID 1987), et ceciessentiellement à l’étage méditerra-néen supérieur, en bioclimat humidemais aussi subhumide froid, voireactuellement semi-aride, mais locale-ment aussi au montagnard méditerra-néen.

Les cédraies d’altitude du JUNIPEROT H U R I F E R A E - Q U E R C I O NROTUNDIFOLIAE

Les cédraies claires d’altitude dumontagnard voire de l’horizon infé-rieur de l’oro-méditerranéen montrent,notamment sur les chaînons orientauxdu Moyen Atlas, un aspect bien parti-culier. Nous avons proposé (QUEZEL &BARBERO 1981 et 1989) de les intégrerà un contexte phytosociologique spé-cial, regroupant les forêts pré-step-piques et, ici essentiellement, de lesconsidérer comme un groupement par-

ticulier : le LONICERO ARBOREAE-CEDRETUM ATLANTICAE Barbero,Quézel et Rivas Martinez 198I, se rat-tachant aux JUNIPERO THURIFERAE-QUERCION et aux EPHEDROJUNIPERETALIA. Ces forêts claires oùles arbres sont très âgés offrent géné-ralement en mélange Cedrus,Juniperus thurifera subsp. africana,Juniperus oxycedrus, Quercus rotun-difolia, Crataegus laciniata etLonicera arborea auxquels s’ajoutentdiverses nanophanérophytes : Berberishispanica, Buxus balearica, Fraxinusdimorpha, Ribes atlanticum, Rosasicula, etc. occupant très largement lastrate inférieure où les espèces silva-tiques sont extrèmement éparses et aumoins en partie remplacées par desbuissons en coussinet, se rattachant àla végétation de pelouse écorchée àxérophytes épineux (ERINACETALIAQuézel 1953). En fait, ces structurescorrespondent à celles définies plushaut à propos du cèdre du Liban, quis’associe lui aussi en milieu alticole etdégradé, à des genévriers et à tout unlot d’espèces vicariantes de celles quisont signalées ici.

En fait, le LONICERO CEDRETUMreprésente bien, une structure pré-step-pique orophile à déterminisme ther-mique (QUEZEL 1989, 1998), consti-tuant un stade normal d’équilibre pourles cédraies, mais aussi bien d’autresstructures arborées d’altitude auMaroc. Il colonise des sols rocailleuxou rendziniformes superficiels essen-tiellement à l’étage oroméditerranéenet généralement en bioclimat subhu-mide, mais aussi localement humidevoire semi-aride, dans leur variantethermique extrêmement froide (minférieur à -7°C). Malheureusementcette végétation a été profondémentperturbée par les activités humaines etpastorales surtout au cours des der-nières décennies ; les sols ont disparuemportés par l’érosion et la végétationa été décimée par les troupeaux, sibien qu’il ne persiste souvent que despeuplements agonisants voire descimetières de troncs morts. C’est unesituation qui s’observe très générale-ment au niveau des anciennes cédraiessur la quasi totalité du Haut AtlasOriental (versant sud du Bou Iblane,Bou Naceur, Tichchoukt, etc.) et duMoyen Atlas Oriental. Comme cela aété indiqué, un certain nombre degroupements aurasiens (ABDESSEMED

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Photo 9 : Cimetière de Juniperus thurifera et Cedrus atlantica sur le versantsud du Tichoukt (Maroc).

Photo P. QUEZEL

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1981) doivent être intégrés à cetteunité.

Remarquons encore que la dégrada-tion progressive et souvent rapide descédraies montagnardes méditerra-néennes, détermine très généralementl’installation de ce type de paysage àcet étage, comme cela s’observenotamment sur le revers septentrionalde l’Ayachi et du Masker, mais aussi,de plus en plus, sur les cédraies lesplus continentales des plateaux mésat-lasiques.

C o n c lusi o nsLes cédraies actuellement en place

sur les montagnes du pourtour médi-terranéen, sont essentiellement consti-tuées par Cedrus libani et Cedrusatlantica, espèces voisines, à statuttaxinomique précis encore discuté, etrespectivement vicariantes tant dupoint de vue biogéographique qu’éco-logique. Cedrus brevifolia est quant-àlui étroitement localisé sur le massifophiolitique du Troodos de Chypre.Enfin, rappelons le, il existe une qua-trième espèce de Cèdre dont l’aire de

répartition est axée sur l’Himalaya etl’Indu-Kush : Cedrus deodara, qui n’apas été pris en compte dans ce travail,puisqu’il n’appartient pas au mondeméditerranéen. Soulignons encore, queles représentants du genre Cedrus, ontjoué un rôle important dans la consti-tution de la végétation Mio-Pliocènede l’ensemble de la région méditerra-néenne (PONS 1998). Leur disparitiondu revers septentrional du bassin, a étéla conséquence des périodes froides etarides plio-pleistocènes, et le succèsque connaissent actuellement lesreboisements effectués, notamment enFrance méditerranéenne, surtout à par-tir de Cedrus atlantica, ne fait querétablir une situation qui a perdurépendant des dizaines de millionsd’années.

Si Cedrus brevifolia représente uneendémique à aire très restreinte et éco-logiquement originale puisqu’elle estliée à l’étage méso-méditerranéen, surroches ultrabasiques, les deux autresespèces possèdent encore des peuple-ments importants mais très fragmen-tés, et ont joué et jouent encore un rôleéconomique majeur dans les pays duMaghreb et du Proche Orient, où ilsreprésentent l’essence forestière noble

par excellence. Sur le plan purementbiogéographique et écologique,Cedrus libani et Cedrus atlantica,constituent des essences modérémentplastiques, à peu près indifférentes auxtypes de substrat, essentiellement liéesà l’étage montagnard-méditerranéen,et aux bioclimats humide et sub-humide, dont elles sortent à peine. Degraves menaces liées essentiellement àla surexploitation par l’homme et sestroupeaux, des écosystèmes decédraies, sont perceptibles surtout enAfrique du Nord, où les forêts situéesen position marginale : forêts de hautealtitude, forêts à continentalité impor-tante, sont souvent en situationd’extinction, puisque la dégradationdramatique des sols et un surpâturagepermanent, rendent impossible touterégénération naturelle. Au Proche-Orient, Turquie surtout, une politiqueforestière stricte et contraignante, enplace depuis la fin du siècle dernier, acontribué à assurer la sauvegarde de lamajorité des forêts de Cedrus libani,au moins dans les zones les plus favo-rables de la façade maritime duTaurus.

P. Q .

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R é su m éLes cèdres, et tout spécialement les trois

espèces présentes sur le pourtour méditer-ranéen, représentent un capital forestierde première importance, tant du point devue strictement économique qu’écolo-gique. Après avoir défini les caractèresdistinctifs de ces espèces, sont envisagéssuccessivement leur répartition, leur signi-fication phytogéographique générale,leurs exigences écologiques globales, etles principales structures de végétationqu’elles individualisent. Cedrus libani etCedrus atlantica, représentent deuxespèces taxinomiquement voisines, etétroitement vicariantes, à la fois par leursexigences écologiques générales, et parles cortèges floristiques qu’elles induisent.Leur développement optimal se situe àl’étage montagnard méditerranéen, et enbioclimat humide et sub-humide. Les rap-ports que présentent ces deux espècesavec les autres essences forestièresmajeures de la région, sont précisés, et enparticulier avec les pins noirs, les sapinsméditerranéens, les caducifoliés et mêmeles chênes sclérophylles, essentiellementpour C. atlantica. Cedrus brevifolia,constitue un taxon très localisé et très par-ticulier, lié aux substrats ultrabasiques deChypre, à l’étage méso-méditerranéen, eten bioclimat sub-humide.

Les cèdres méditerranéens ont payé etpayent toujours un lourd tribut aux activi-tés humaines: exploitations mal contrôlées,incendies et surtout pastoralisme et coupesanarchiques, qui ont considérablementréduit les surfaces significatives occupéesencore par ces espèces. Cedrus brevifolia afailli disparaître totalement au siècle der-nier, Cedrus atlantica voit, jour après jour,ses forêts se réduire et se dégrader, etmême si certaines d’entre elles paraissentencore en bon état, une simple analyse deleur biodiversité végétale, montre la déte-rioration de leur cortège floristique signifi-catif (installation d’espèces annuelles et denitrophiles liées au surpâturage). La situa-tion de Cedrus libani est localement plusfavorable, notamment dans le Taurus, enraison d’un contrôle forestier strict etgénéralement efficace.

Su m m a ryCedars and cedar forests on the

Mediterranean rimCedars, especially the three species

native to the Mediterranean region, repre-sent woodland wealth of the first order, asmuch from a strictly economic as from anenvironmental point of view.

After describing the specific characte-ristics of these species, consideration isgiven successively to their distribution,their overall phytogeographic signifi-cance, their general requirements and themain plant communities they stamp withtheir presence. Cedrus libani and Cedrusatlantica represent two taxonomicallyclose species that very readily take eachother’s place, no less by their general eco-logical requirements as by the characteri-sitic structural features of their growth.Their optimal development occurs in theMediteranean mountain zone, in humid orsemi-humid bioclimatic conditions. Thearticle makes clear the relations betweenthese two species and other main forestspecies in the area, particularly blackpines, Mediteranean firs, deciduous spe-cies and, for C. atlantica in the main, thesclerophyllous oaks. Cedrus brevifolia is avery localised, special taxon, related tothe ultra-basic substrates in Cyprus, in themeso-Mediterranean zone with a sub-humid climate.

Mediterranean cedars suffer now, asthey have always done, from major incur-sions of human activity : badly managedwoodland, wildfire and, above all, pasto-ralism and indiscriminate felling, all ofwhich have drastically reduced the areasstill covered by these species. Cedrus bre-vifolia nearly disappeared altogether inthe last century. Every day sees C. atlan-tica forest reduced or damaged and, eventhough some stands appear to be in goodcondition, a summary analysis of the sur-rounding biodiversity highlights a deterio-ration in their allied plant communities(appearance of nitrogen-greedy annualsassociated with overgrazing). The sitiationof Cedrus libani is locally better, notablyin the Taurus where strict, generally effec-tive forestry controls are enforced.

Ri a ssu n t oCedri e cedreti del contorno medi-terraneo : significato bioclimatico e

fitogeograficoI cedri, e specialmente le tre specie pre-

senti sul contorno mediterraneo, ripresen-tano un capitale forestale di prima impor-tanza, tanto del punto di vista strettamenteeconomico quanto ecologico. Dopo averdefinito i caratteri distintivi di queste specie,sono esaminati successivamente la lororepartizione, il loro significato fitogeogra-fico generale, le loro esigenze ecologicheglobali, e le principali strutture di vegeta-zione che individuano. Cedrus libani eCedrus atlantica, ripresentano due specietassonomicamente vicine, e strettamentevicarianti, nello stesso tempo dalle loro esi-genze ecologiche generali, e dal corteo flo-ristico che inducono. Il loro sviluppo ottimosi situa allo stadio montano mediterraneo, ein bioclima umido e sub-umido. I rapportiche presentano queste due specie colle altreessenze forestali maggiori della regione,sono precisati, e in particolare coi pini neri,gli abeti mediterranei, i caducifogli e anchele quercie sclerofili, essenzialmente perCedrus atlantica. Cedrus brevifolia costi-tuisce un tasso molto localizzato e moltoparticolare, legato ai sostrati ultrabasici diCipro, allo stadio meso-mediterraneo, e inbioclima sub-umido.

I cedri mediterranei hanno pagato epagano sempre un tributo pesante alle atti-vità umane : sfruttamenti controlati male,incendi, e soprattutto pastoralismo e taglianarchichi, che hanno considerevolmenteridotto le aree significative occupate daqueste specie. Cedrus brevifolia ha mancatodi sparire totalmente nel secolo scorso,Cedrus atlantica vede, giorno dopo giorno,diminuire e degradarsi le sue foreste, eanche se certe tra esse paiono sempre inbuono stato, un’analisi semplice della lorobiodiversità vegetale, mostra il deteriora-mento del loro corteo floristico significativo(impianto di specie annuali e di nitrofililegati al sovrapascolo). La situazione diCedrus libani è localmente piu favorevole,segnatamente nel Taurus, in ragione di uncontrolo forestale stretto e generalmenteefficace.

t. XIX, n° 3, novembre 1998