cÉ rmoni ed lÔtu elegía para cantar de cielo en cielo

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CABEZAS CORTADAS TÊTES COUPÉES GLAUBER ROCHA « Têtes coupées est une critique de la décadence du pouvoir et de la culture catholique en Amérique la- tine dans un lan- gage grotesque, surréaliste et baroque. Le sens en est clair : c’est la chute d’un dictateur. J’y coupe la tête à la culture tradition- nelle au profit d’une contre-cul- ture : ce n’est ni du Brecht, ni du Shakespeare, alors ça a choqué un certain public. On y a trouvé des influences de Buñuel et de Fellini ? Peut-être, mais cette imagerie existait dès mes premiers films, bien que je n’aie jamais fait de l’esthétique baroque et surréaliste. » Glauber Rocha, Cinéma 71, n° 160, novembre 1971 Violeta se fue a los cielos ANDRÉS WOOD En présence du distributeur français, François Margolin. H / TNM LA CRIÉE Elegía para cantar I ¡Ay, qué manera de caer hacia arriba y de ser sempiterna, esta mujer! De cielo en cielo corre o nada o canta la violeta terrestre: la que fue, sigue siendo, pero esta mujer sola en su ascensión no sube solitaria: la acompaña la luz del toronjil, del oro ensortijado de la cebolla frita, la acompañan los pájaros mejores, la acompaña Chillán en movimiento. ¡Santa de greda pura! Te alabo, amiga mía, compañera: de cuerda en cuerda llegas al firme firmamento, y, nourna, en el cielo, tu fulgor es la constelación de una guitarra. De cantar a lo humano y lo divino, voluntariosa, hiciste tu silencio sin otra enfermedad que la tristeza. II Pero antes, antes, antes, ay, señor, qué amor a manos llenas recogías por los caminos: sacabas cantos de las humaredas, fuego de los velorios, participabas en la misma tierra, eras rural como los pajaritos y a veces atacabas con relámpagos. Cuando naciste fuiste bautizada como Violeta Parra: el sacerdote levantó las uvas sobre tu vida y dijo: “Parra eres y en vino triste te convertirás”. En vino alegre, en pícara alegría, en barro popular, en canto llano, Santa Violeta, tú te convertiste, en guitarra con hojas que relucen al brillo de la luna, en ciruela salvaje transformada, en pueblo verdadero, en paloma del campo, en alcancía. III Bueno, Violeta Parra, me deido, me voy a mis deberes. ¿Y qué hora es? La hora de cantar. Cantas. Canto. Cantemos. Pablo Neruda Enero 19 en automóvil entre Isla Negra y Casablanca 1970 ENTRETIEN AVEC ANGEL PARRA dont le livre Violeta Parra, ma mère, a iniré le film d’Andres Wood. Comment avez-vous travaillé avec Andres Wood pour pré- parer le film inspiré de votre livre ? Notre collaboration depuis le début a été très étroite et intense, d'abord la relecture de mon livre, pendant deux ans, pour arriver à faire un scénario qui dessine les contours de l'âme de Vi- oleta Parra. On a cherché à faire découvrir aux nouvelles générations l'esprit de ma mère. Andres Wood a travaillé d’une manière très libre mais respectueuse de mes opin- ions. J’étais très proche de lui dans les dialogues, les dé- cors, la musique. Dans le même temps, j’étais aussi très proche de Francisca Gavila pour la partie interprétation des chansons et le travail avec les instruments qu’elle joue dans le film (elle était gauchère). Le film mêle les époques et les lieux sans tracer de fron- tières étanches, entre le passé et le présent, le Chili et l'Eu- rope. Votre livre lui-même adopte cette structure chronologique particulière. Un choix qui éclaire la vie de Violeta Parra ? Il ne faut pas oublier que mon livre a été écrit à partir de souvenirs d'enfance, donc effectivement il n'y a pas de frontières précises. On peut pas résumer la vie de Violeta Parra, je parlerais plutôt de rêves, de la vi- sion de son fils, de la façon dont je voyais cet immense personnage qu’était ma mère En mettant en lumière la vie et le travail de Violeta Parra, à la recherche des racines musicales de son pays, est-ce une façon de donner une autre image du Chili, souvent as- socié à la dictature ? Violeta Parra était une femme révo- lutionnaire, féministe avant la lettre dans un pays machiste. Les histoires se suivent et se ressemblent, On ne peut pas séparer Violeta de Allende, Pablo Neruda, Victor Jara. Le Chili c'est un territoire et une histoire. Violeta a dénoncé les injustices dans ses chansons, bien avant la dictature. Propos recueillis par Céline Guénot CÉRÉMONIE DE CLÔTURE H / VARIÉTÉS Neruda parle de Violeta : EN CONCERT à la soirée de clôture du festival Hiroyuki Hiroyuki est un duo lyrique et tremblant composé de Joana Preiss et Frédéric Danos. Elle chante des poèmes d'Hölderlin dont elle tord et vocifère la langue en incantations, murmures, cris de prêtresse, d'enfant perdu, d'elfe de la forêt tandis que lui, véloce et improvisé, agite et balaye les cordes recourbées de sa guitare de slides d'objets sauvages. Symbiose paradoxale fragile légèrement déconcertante et possédée, sonorisée sorcier par Erik Minkkinen (Sister Iodine, Antilles , ...). Hiroyuki a débuté en 1998 et s'est retrouvé à Marseille en 2011. Angel Parra est l'auteur d'un livre sur sa mère, Violeta se fue a los cielo (édition française : Violeta Parra, ma mère)

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Page 1: CÉ RMONI ED LÔTU Elegía para cantar De cielo en cielo

CABEZAS CORTADASTÊTES COUPÉESGLAUBER ROCHA

« Têtes coupéesest une critiquede la décadencedu pouvoir et de laculture catholiqueen Amérique la-tine dans un lan-gage grotesque,surréaliste etbaroque. Le sensen est clair :c’est la chuted’un dictateur. J’ycoupe la tête à laculture tradition-nelle au profitd’une contre-cul-ture : ce n’est nidu Brecht, ni duS h a k e s p e a r e ,

alors ça a choqué un certain public. On y a trouvé des influences deBuñuel et de Fellini ? Peut-être, mais cette imagerie existait dès mespremiers films, bien que je n’aie jamais fait de l’esthétique baroqueet surréaliste. »

Glauber Rocha, Cinéma 71, n° 160, novembre 1971

Violeta se fue a los cielosANDRÉS WOODEn présence du distributeur français, François Margolin.

20H00 / TNM LA CRIÉEElegía para cantar

I¡Ay, qué manera de caer hacia arriba

y de ser sempiterna, esta mujer!De cielo en cielo corre o nada o canta

la violeta terrestre:la que fue, sigue siendo,

pero esta mujer solaen su ascensión no sube solitaria:

la acompaña la luz del toronjil,del oro ensortijadode la cebolla frita,

la acompañan los pájaros mejores,la acompaña Chillán en movimiento.

¡Santa de greda pura!Te alabo, amiga mía, compañera:

de cuerda en cuerda llegasal firme firmamento,

y, nocturna, en el cielo, tu fulgores la constelación de una guitarra.De cantar a lo humano y lo divino,

voluntariosa, hiciste tu silenciosin otra enfermedad que la tristeza.

IIPero antes, antes, antes,

ay, señor, qué amor a manos llenasrecogías por los caminos:

sacabas cantos de las humaredas,fuego de los velorios,

participabas en la misma tierra,eras rural como los pajaritos

y a veces atacabas con relámpagos.Cuando naciste fuiste bautizada

como Violeta Parra:el sacerdote levantó las uvas

sobre tu vida y dijo:“Parra eres

y en vino triste te convertirás”.En vino alegre, en pícara alegría,en barro popular, en canto llano,Santa Violeta, tú te convertiste,

en guitarra con hojas que relucenal brillo de la luna,en ciruela salvaje

transformada,en pueblo verdadero,

en paloma del campo, en alcancía.III

Bueno, Violeta Parra, me despido,me voy a mis deberes.

¿Y qué hora es? La hora de cantar.Cantas.Canto.

Cantemos.

Pablo NerudaEnero 19 en automóvil entre Isla Negra y Casablanca

1970

ENTRETIEN AVEC ANGEL PARRAdont le livre Violeta Parra, ma mère, a inspiré lefilm d’Andres Wood.

Comment avez-vous travaillé avec Andres Wood pour pré-parer le film inspiré de votre livre ? Notre collaborationdepuis le début a été très étroite et intense, d'abord larelecture de mon livre, pendant deux ans, pour arriver àfaire un scénario qui dessine les contours de l'âme de Vi-oleta Parra. On a cherché à faire découvrir aux nouvellesgénérations l'esprit de ma mère. Andres Wood a travailléd’une manière très libre mais respectueuse de mes opin-ions. J’étais très proche de lui dans les dialogues, les dé-cors, la musique. Dans le même temps, j’étais aussi trèsproche de Francisca Gavila pour la partie interprétationdes chansons et le travail avec les instruments qu’ellejoue dans le film (elle était gauchère).

Le film mêle les époques et les lieux sans tracer de fron-tières étanches, entre le passé et le présent, le Chili et l'Eu-rope. Votre livre lui-même adopte cette structurechronologique particulière. Un choix qui éclaire la vie deVioleta Parra ? Il ne faut pas oublier que mon livre a étéécrit à partir de souvenirs d'enfance, donc effectivementil n'y a pas de frontières précises. On peut pas résumer lavie de Violeta Parra, je parlerais plutôt de rêves, de la vi-sion de son fils, de la façon dont je voyais cet immensepersonnage qu’était ma mère

En mettant en lumière la vie et le travail de Violeta Parra,à la recherche des racines musicales de son pays, est-ceune façon de donner une autre image du Chili, souvent as-socié à la dictature ? Violeta Parra était une femme révo-lutionnaire, féministe avant la lettre dans un paysmachiste. Les histoires se suivent et se ressemblent, On

ne peut pas séparer Violeta de Allende, Pablo Neruda, Victor Jara. Le Chili c'est un territoire et une histoire. Violeta a dénoncé lesinjustices dans ses chansons, bien avant la dictature.

Propos recueillis par Céline Guénot

CÉRÉMONIE DE CLÔTURE

10H15 / VARIÉTÉS

Neruda parle de Violeta :

EN CONCERTà la soirée de clôture du festival

HiroyukiHiroyuki est un duo lyrique et tremblant composé de JoanaPreiss et Frédéric Danos. Elle chante des poèmes d'Hölderlindont elle tord et vocifère la langue en incantations, murmures,cris de prêtresse, d'enfant perdu, d'elfe de la forêt tandis que lui,véloce et improvisé, agite et balaye les cordes recourbées de saguitare de slides d'objets sauvages. Symbiose paradoxale fragilelégèrement déconcertante et possédée, sonorisée sorcier parErik Minkkinen (Sister Iodine, Antilles , ...).

Hiroyuki a débuté en 1998 et s'est retrouvé à Marseille en 2011.

Angel Parra est l'auteur d'un livre sur sa mère, Violeta se fue a los cielo (édition française : Violeta Parra, ma mère)

Page 2: CÉ RMONI ED LÔTU Elegía para cantar De cielo en cielo

JeanneDANIA REYMOND

Pourquoi Jeanne ? Jeanne est une jeune fille qui fait un séjour dans un hôpitalpsychiatrique, elle prétend être Jeanne d'Arc. Le film met en scène le face à faceavec son médecin et les moments de solitude à l'hôpital. C’est une transpositionde l’épisode de captivité de ce personnage mythique dans un univers contempo-rain. Les paroles de Jeanne sont d'ailleurs adaptées des minutes du procès de lapucelle. J'ai conservé en particulier les passages où elle décrit ses voix et ses vi-sions. D’une part, ils sont fascinants en eux-mêmes, mais d’autre part, ils renvoientdirectement à la question de l'image et du son et du statut qu'on leur accorde.Jeanne est vraiment un personnage de cinéma.

Le casting ? Le casting repose principalement sur les personnages de Jeanne etdu médecin. J'appréhendais beaucoup le choix de la comédienne, car ce rôle, bienque très beau, n'est pas simple à porter. J'ai choisi Sigrid Bouaziz sur photo, carelle dégageait une présence résolue, franche. La première rencontre avec elle atrès vite confirmé cette intuition, car d’entrée elle a cru au personnage. on a pucommencer à travailler sur le champ, le film devenait possible puisqu'elle étaitvraiment là. La suite a révélé que c'est une actrice très talentueuse. Le médecinest joué par Benoît Jacquot que j'ai rencontré dans le cadre du fresnoy où le filma été fabriqué. Il a suivi le projet dès le départ et c'est au cours de nos entretiensqu'il m'est apparu parfait pour le rôle dans sa manière d'écouter et de poser desquestions. Evidemment, le fait qu'il soit cinéaste n'est pas anodin. Cela a tendu ledispositif que propose le film : littéralement mettre l'image et la croyance qu'onaccorde à la fiction en crise, sans pour autant les annuler. Le face à face de cesdeux personnages montre aussi ça : un cinéaste qui observe une actrice se pren-dre pour quelqu'un d'autre.

Le lieu ? Le projet est né quand j'ai appris l'existence des chambres d'isolements.Ce sont des pièces vides et confinées, au sein des hôpitaux psychiatriques, quiservent à contenir les délires de patients en crise et à diminuer les stimulationsextérieures. Je me suis demandée comment installer une fiction dans un lieu quis'oppose à ce point à son émergence et à celle de la dramaturgie. Parallèlementest venu le personnage de Jeanne, qui répondait à ce lieu et le défiait. C'est cettetension qui rend la captivité de Jeanne actuelle plus que la simple transpositiond'un univers carcéral à un autre. D'autant plus que tout dans ce lieu, personnel,uniformes, discrédite d'emblée Jeanne et ses paroles en la présentant commefolle. Mais le film ne cherche pas à la piéger, car la forme d'isolement qu'il propose,je veux dire celle des cadres et de l'abstraction contenue dans le motif de l'hôpital,des surfaces planes et blanches, est aussi celle qui permet de la restituer à sa fig-ure de sainte et de personnage atemporel.

Propos recueillis par Nicolas feodoroff

C I

C

pREmièRE mOnDiAlEen présence de la réalisatriceet de Sigrid Bouaziz, comédienne

10H00 / LES VARIÉTÉS

EL ETNÓGRAfoULISES ROSELL

Le FIDMarseille et l’association

Lieux Fictifs organisent la deux-

ième édition du Prix Renaud

Victor, du nom du réalisateur mar-

seillais dont l’oeuvre a inspiré le

travail mené aujourd’hui par Lieux

Fictifs aux Baumettes. Ce prix est

doté par le CNC dans le cadre d’un

achat de droits pour le catalogue

Images de la Culture.

En amont du festival, Lieux Fictifs

a mis en place de mars à juin

« l’Atelier du Regard », animé par

Pierre Poncelet, au cours duquel

les étudiants en Master “Métiers

du film documentaire” de l’Univer-

sité d’Aix-Marseille accompagnés

de détenus formés pour l'occasion

ont présenté des films issus des

éditions précédentes du FIDMar-

seille aux détenus, afin de favoriser

les échanges et de se familiariser

avec ce type de films.

Huit films issus de la compétition

française et internationale ont été

présentés par les étudiants de l’u-

niversité d’Aix-Marseille et par les

réalisateurs présents pendant le

temps du festival, à un public

volontaire de personnes détenues

qui se sont alors constituées mem-

bres du jury : El Etnógrafo d'Ulises

Rosell, Hasta el sol tiene manchas

de Julio Hernández Cordón, No

Form de Tsai Ming-Liang, La

richesse du loup de Damien Odoul,

Demande à ton ombre de Lamine

Ammar-Khodja, Jajouka quelque

chose de bon vient vers toi d'Eric et

Marc Hurtado, La nuit remue de

Bijan Anquetil et Pénélope de

Claire Doyon.

Prix

Renaud Victor

Shot in the province of Chaco, the film is aportrait of an ethnologist and of his rela-tionship with a Wichi community. How didyou get in touch with your characters? In2009, I travelled for two months throughoutthe province of Chaco to make an eight-chapter documentary about the natives.John is the only white man I decided to in-terview with a camera, because his life ex-perience seemed different from that of theother researchers working on indigenous-related topics. He had really experiencedinterculturality, without mediation, takingquite serious risks for his personal safety.

Your film wavers between ethnographicdocument and intimate portrait: how didyou work on these two aspects and theirfusion? It is something I discovered unin-tentionally when I started working in a doc-umentary fashion. It is only the upshot ofthe spontaneous way I approach the peopleI am interested in. In this one film, this di-mension appeared more saliently. It evenexplains the title, which refers to the char-acter, but also to a particular way of per-ceiving the story told.

The film features a fully assumed, if sub-tle, political dimension. To what extent didthe situation of the Wichi community af-fect the making of the film? It is an inter-esting time, because changes are reallyobvious. Everyday, the violence of culturalsupremacy slowly transforms the indige-nous customs. For the last ten to fifteenyears, some profit-driven people have oper-ated an irreversible process leading to theexploitation of lands that used to be of littleinterest investment-wise, because of theirremoteness. Today, the consequences arepalpable. To me the challenge was to con-nect different situations: oil exploitation,the fight for the land, and an obscure trialof a native accused of corrupting a minor. Itall stems from the same fight, over whichthere is no legislation or official answer. Mygoal was to contrast this assessment witha story offering an unexpected, sanguineapproach to this cultural conflict.

Your work seems to involve much writing.Did you have a script? Were the charactersinvolved in the writing process? I think thatthe writing is less important and decisivethan the reflection on the things you look atand experience. If it happens when you arewriting, that’s good. For the moment, I usu-ally come up with a beginning and an end,main and secondary characters, and I in-clude without much premeditation all thestorylines that seem tied to these charac-

ters throughout the shooting. I don’t speakor understand the Wichi language, and yetit is used in more than half of the film. Usu-ally, John would explain to me in broadstrokes what the conversation was about.Only months later did I understand whathad really happened before the camera.But the mystery didn’t prevent me fromframing or following intuitively the develop-ment of the situation, just by watching thecharacters. I also shot discussions andlooks I requested, when I felt that it couldhelp the audience understand what wasgoing on, or when it seemed a powerfulimage. In this film, none of the situationswhich I had initially anticipated really had adramatic impact in the end. It could havegiven a totally different film. But we alwayshad some idea about beginning and end,and a storyline that adjusted as we filmed.

The polished sound is really important inthe film. Can you explain the impact of theever whispered Wichi language on soundprocessing? And how did you decide onthe music? The Wichi yearn to lead quiet,uneventful lives. They show neither theirsorrow nor their joy. Maybe this is why theirlanguage is a barely intelligible whisper. Wealso had to work in a non-realistic way tocapture the real. Recorded in normal vol-ume, their words just couldn’t have beenheard, and people would have thoughtthere was some technical defect. So weboosted the sound level a bit to fit our hear-ing criteria. The voice-overs were firstrecorded live, and then I brought John toBuenos Aires so that I could record hisexact words again in a studio. It was impor-tant to convey the intimate dimension ofJohn’s breath as he speaks. As for themusic, I knew I wanted to use it to empha-size the idea of the film and the emotionalstory. The main thing was that this soundremained unrelated to the context. We hadto dissociate ourselves from ethnographyabout this and impose a distant associationto the world. I think that one of the hardestthings to theorize is the emotional effect ofmusic. You always know when you’ve foundthe right rhythm, but you just cannot saywhy one fits and another doesn’t. For thisparticular film, I used a single 10-minutepiece with an overture and a crescendocovering an emotional scope that is reallyclose to what I wanted to convey. I alsothought that the fact that James Black-shaw was from London was a fortunate co-incidence; same thing for the title of thesong, Past has not passed. There is somemysterious harmony with the ideas thathave been going through my mind.

As the film goes on, we get to enter theethnologist’s private life. How did youwork with his family? We have never livedtogether, and it has always been clear thatwhen I was there, it was only to observe orfilm them, which is basically the samething, except the camera is either on or off.We’ve always tried to maintain a festive at-mosphere during shooting, as it shouldwhen there are children around. It was im-portant to establish a trusting relationshipbetween the children and the team, whichwas only made of four people. John’s wife,Tojweia, understands Spanish but doesn’tspeak it, and we could easily ask her to talkabout specific topics with the children,even if we only understood everything theywere saying two months later, while goingthrough the rushes with John, sometimesroaring with laughter too.

El Etnógrafo guides the audience througha long journey. First you’ve got the brightand dusty exploitation fields in the middleof the forest, then the dark and damphouses, and finally the river bathing. Howdid you work on image and light process-ing? The province of Chaco usually goesthrough two seasons: one dry, one wet. Ipreferred the dry winter, because dust isperfect for back-lit shots and to convey theidea of a remote world. Setting the sunagainst the darkness of the huts providedan interesting contrast, because the na-tives’ private lives happen within thosehuts, whose access is generally restricted.Besides, I wanted to render the differencesin skin colours and textures between thecharacters, to emphasize John’s singular-ity. When you look closely at the faces ofthe multiracial children, it is quite intrigu-ing. The way they dress was also an unex-pected element I chose to show in the film.The Wichi mix bright, primary colours. It isamazing that in such a precarious situationthey manage to keep their aesthetic iden-tity so clearly. As for John, he always wearslight, pastel colours.

Among other stories, one opens the filmand is brought back now and then: that ofthe union between a young girl and anadult, which is regarded as illegal. Why didyou choose this case in particular? Be-cause it is a founding taboo in our culture.The girl doesn’t become a woman when herbody reaches maturity, but when the Statesays so. The arbitrary nature of time andidentities is what the film is really about.

Interview by Rebecca De Pas

WIAOBA ? WHY IN ADVANCE

OF THE BROKEN ARM ?du mardi au samedi de 14h a 18h et sur rendez-vous

19 bd boisson 13004 marseille

NOËL RAVAUD

avec la collaboration de CHARLOTTE SERRUS

Exposition du 17 mai au 27 juillet 2012.Organisée par l’association Chateau de Servières.

ATELIERS D’ARTISTES DE LA VILLE DE MARSEILLE

www.chateaudeservieres.org

Doc AllianceLe FIDMarseille a rejoint l’an dernier l’initiative DocAlliance auprès deCPH : DOX Copenhagen – DOK Leipzig – IDFF Jihlava – Planète Doc ReviewWarsow – Visions du Réel Nyon. L’objectif de Doc Alliance est de souteniret promouvoir la diversité des films projetés dans ces six festivals et de lesdiffuser au plus grand nombre, à travers deux initiatives : Doc Alliance Selection et le portail VOD Doc Alliance Films.

SéANCe SPéCIALe DOC ALLIANCe

Work hard – play hardCARMEN LOSMANN

18H30 / TNM LA CRIÉE

E P PS PORTRAIT(S)

Page 3: CÉ RMONI ED LÔTU Elegía para cantar De cielo en cielo

low definition control : vous travaillezavec des images de mauvaise qualité.La basse définition est-elle le seul pointcommun entre ces images ? En fait, unegrande partie du film a été tournée enSuper 8, puisque je voulais filmer sur pel-licule photographique. J'ai surtout utiliséun stock basse résolution avec unebonne portabilité. Dans le contexte thé-matique, une image basse résolutionprovoque à la fois la curiosité et l'ab-straction, plus que la haute résolutionqui, elle, a un pouvoir immersif supérieuret voile, d'une certaine façon, les qual-ités matérielles de l'instrument. Jevoulais obtenir un effet qui se rapprochedu principe d'incertitude d'Heisenberg :plus on veut voir de choses (c'est-à-dire,contrôler la situation), moins l'imagen'en révèle. D'un autre côté, j'utilise leterme ''low definition control'' (contrôlede la basse définition) de manière mé-taphorique, dans un contextedeleuzien/foucaultien : en comparaisonavec les sociétés qui ont recours auxdisciplines ''haute définition'', la sociétéde contrôle crée plus de liberté à pre-mière vue, mais cette liberté constitue ledomaine même dans lequel le pouvoirs'empare du sujet. C'est ce que jerecherchais : je voulais décrire le pas-

sage d'un modèle disciplinaire et ortho-doxe de type ''Big Brother'' aux rupturescontemporaines et démocratisées deliberté/contrainte.

L'utilisation du noir et blanc, le graindes images, semblable à celui desvidéos de surveillance, les images d'ex-térieur prises avec un objectif grand-angle et mises côte à côte avec desscènes tournées avec une longue fo-cale, le choix des formats d'images :Pouvez-vous nous parler de vos inten-

tions quant à la photographie du film ?J'aime le niveau d'abstraction, les qual-ités graphiques et l'atmosphère crééespar les images en noir et blanc qui ont dugrain. Ajoutez à cela ma volonté de m'-exprimer sur notre mémoire culturelle :on associe plus ou moins les images desvidéos de surveillance au noir et blanc etau flou, même si je suis bien conscientque les choses sont en train de changerà ce niveau. Je voulais filmer avec un ob-jectif grand-angle pour créer une cer-taine ambiguïté et une ouverture : lesimages prises avec un objectif grand-angle laissent la latitude aux specta-teurs de diriger leur attention surcertaines parties et événements. L'utili-sation de l'effet cinémascope étaitnécessaire pour obtenir à la fois unequalité cinématique immersive ET la ''ré-sistance'' du grain de l'image. Le grand-angle permet de voir beaucoup dechoses en même temps mais la basserésolution contrecarre ce plaisir visuelvoyeuriste. L'ensemble du projet estdonc basé sur un paradoxe : la basse ré-solution ne se trouve que dans la hauterésolution.

Pourquoi ces voix off multiples ? Lesvoix off multiples sont le reflet de l'ap-

proche interdisciplinaire dusujet traité. J'ai enregistré unequarantaine de conférencesdonnées par des personnesprovenant de divers do-maines scientifiques. Malgréles similitudes frappantesentre certains argumentsavancés par un radiologue etun criminologue, par exem-ple, en termes d'analysed'image, il existe égalementun débat et une polémique

d'ordre moral quant aux conséquencesqu'il faut en tirer. Je souhaite inviter lesspectateurs/auditeurs à participer ac-tivement à cette polémique que je jugenécessaire. Je pense que nous sommesen train de perdre une chose précieuseet nécessaire à la démocratie, à savoir lapolémique publique. La polémique dé-mocratique est très souvent dénoncéecomme une forme de ''chamaillerie'',surtout par les néo-libéraux et les partisde droite. Dans le film, le montage parti-culier des voix a donc pour but d'encour-

ager les conflits, au risque de rendre leschoses plus compliquées et d'entraînercertains abus (ce qui vaut toujours mieuxque l'inverse).

Comment avez-vous conçu le montagedes voix off sur les images ? Comme oncompose une musique. Dans certainesparties, il y a une sorte de concordanceentre l'image et la voix, ce qui pousse lesspectateurs à chercher à l'écran ce quiest dit dans la bande son. Dans d'autresparties, soit le son ne correspond pas àl'image, soit l'écart entre l'audio et le vi-suel est creusé. Dans ce cas, vousdevez, en tant que spectateur/auditeur,naviguer dans ce gouffre. Le processusde montage a fait appel à une grandepart d'expérimentation, comparable à dela chimie. on peut aussi bien créer unenouvelle substance fascinante que toutfaire sauter.

La musique peut soit accroître la ten-sion soit fournir un contrepointironique. De quelle manière l'avez-vousutilisée comme outil de narration liéaux images ? Dans certaines parties, lamusique est utilisée d'une manière toutà fait classique, qu'elle soit comique,mélodramatique ou qu'elle suscite lesuspens. La musique apporte une sub-stance puissante qui transforme com-plètement l'image en quelque chose dedifficilement saisissable. Il faut pensertout particulièrement à la séquencedans laquelle j'ai collé une valse anglaisesur les images d'une scène de vieidyllique douteuse qui se déroule dansun lieu public. Cette séquence, qui setermine sur un montage parallèle alter-nant des coureurs de marathon et uneparade militaire, a pour but de créer uneimpression à la fois de menace et debeauté. C'est un des pouvoirs de lamusique : elle peut apporter l'éclat et latristesse tout à la fois. Le film est égale-ment constamment souligné par unpaysage sonore plus abstrait. Ce derniera pour but d'immerger le spectateurdans un état onirique qui aliénerait lesobservations ordinaires, leur permettantd'être réévaluées. De cette façon, j'e-spère faire de ce paysage sonore unesource de révélations.

Propos recueillis par Céline Guénot

low Definition ControlMICHAEL PALM

E P PS LES FILS DU POUVOIR

Josée Lui Torres LeivaJury international

Beside your work as director, you have been film programmer formany years. How this kind of work is related to your artistic prac-tice? I worked for several years in the International Film Festival ofValvidia, in Chile. It was a remarkable experience –not only for theopportunity that I had of watching the most recent films world-wide- but because I had the privilege of programming a sectioncalled “New Roads” which aimed to show the new vanguards incontemporary cinema. I had the chance of discovering new and very interesting filmmakerssuch as Ben Rivers and Ben Russell, who participated with their first works in this section. Thepersonal search of all the filmmakers who were part of this section and overall the Festival itself,gave me a very positive perspective over the nature and origins of the current cinematographicexpression.

FID follows with a big interest your work; since Obreras Saliendo de la fabrica (2006), El Cielola Terra y la lluvia (2008), 3 Semanas Después (2010), to Ver y Escuchar, presented as projectin FIDLab in (2009). Your cinema is a strong example of a contemporary artistic practice, inwhich boundaries between genres no longer exist. How do you have approached this idea ofcinema? For me there are no genres in cinema. Its something so unknown as people´sthoughts.There is room to explore and everything is allowed. As long as we dare to explore thosepaths and those deeper thoughts, it becomes more fascinating for me. It can be a documentaryexploration, a musical, a photographical, or simply, a narrative one. Everything is valid. As longas there is consistency and honesty, it will always be rewarding to walk that path together, alongwith the audience who wants to follow me, and learn together of a new cinematographic experi-ence. For me, having the possibility of making films, means my conexion to the world.

What are the directors and the artists that have influenced you the most? When I was a stu-dent, Robert Bresson became a very important revelation for me. His thoroughness and consis-tency moved me in a very deep level. His vision towards the cinema was a true life lesson for me.On time, I also had the chance to discover many filmmakers who gave me the possibility of un-derstanding cinema through a different perspective : Jean Eustache, Pedro Costa, ApichatpongWeerasethakul, Sharon Lockhart, Michael Snow, Chantal Akerman, and many others.

What are your on going and coming projects? I´m in the process of finishing a documentarynamed See and Listen (Ver y Escuchar) that was made with blind and deaf people. I hope I canfinish it by next year. On the other hand, I´m beginning to work in two feature films : Groenlandiaand Yesterday, that one is still in a scriptwriting stage.

You have been in competition more than once. What are your expectations being on the“other side”? I have always admired the FID selection for being so radical, yet so consistent. I´msure that I will be amazed by the diversity of visions and new proposals of each of the filmmakersthat will be part of the competition this year.

Interviewed by Rebecca De Pas

Maximiliano CruzJury international

Could you tell us about your career path? I studied Literature and I wrote a couple of books of poetryand short tales that were awarded in Colombia and in Mexico, respectively. While studying Screenwritingin the Mexican C.C.C. I wrote some shortfilms that won prizes in international festivals. In 2004 I joinedthe programming team of FICCO (Mexico City's Contemporary International Film Festival) where I workedas associate programmer until 2008. That same year I founded with Sandra Gómez the distribution andproduction label INTERIOR 13, which we direct nowadays. In 2011 I was called to be in charge of the pro-gram of FICUNAM - UNAM International Film Festival. I'm also programming the Riviera Maya Film Festi-val, which will have its second edition next year. I am also one of the producers of Yulene Olaizola'sArtificial Paradises (2011) and fogo (2012), also of Greatest Hits (2012) the new film by Nicolás Pereda.

How would you describe the situation of movie distribution in Mexico, especially regarding the type of movies you're fightingfor? As in many other countries distribution in Mexico cannot be conceived without the parameter of the big studios films, which"owns" the 95% of the screens in the country. This reflects a challenge for any distributor, even for the big independent ones.What I (we) decided to do was to build an audience, part of which was already sculpt by the five years that lasted FICCO. That'swhy we don't like to call INTERIOR 13 a company, but a label, because it is very close to the humanistic and artistic spirit that afestival should have around the objective of building an audience. This path has worked for us quite well. Our audience might besmall, but is getting bigger, and it's excited about the films that we show and produce. We of course work with all the multiplexes,but we have a very strong presence in all the cultural circuit of theaters of the country, local cinematheques, etc., and that's whatgives us strength.

Do you distribute only Mexicans movies or are you as well trying to introduce foreign ones on the mexicans screens? And forthese ones, from where are they coming ? We begun distributing independent Mexican and Latin American films. But we havealso distributed European cinema like 35 Rhums and White Material by Claire Denis, Un Lac by Philippe Grandrieux, Antichrist byLars von Trier and Surviving Life by Jan Svankmajer, to name some of them. Also we have distributed American films like TrashHumpers by Harmony Korine and When You're Strange: A film About The Doors. This year we will hopefully distribute our firstAsian film, a film from Japan.

There is obviously a new scene in Mexico. Could you tell us about it ? I deeply think there's more than one new scene in Mexicoright now. In one hand you have great documentary filmmakers like Everardo González, Eugenio Polgovsky, Tatiana Huezo, LucíaGajá, Juan Manuel Sepúlveda or Natalia Almada, to name a few, and in the other hand you can have filmmakers focused in re-sig-nifying narrative cinema like Carlos Reygadas, Nicolás Pereda, Gerardo Naranjo, Yulene Olaizola, Amat Escalante, Laura AmeliaGuzmán and Israel Cárdenas, Carlos Armella, Fernando Eimbcke, Matías Meyer, Michel Franco, Pedro González, Rubén Imaz, toname a few. All this fresh views around filmmaking are supported by important facts of other branches of the industry, like festi-vals and strong investments in cultural exhibition like the Mexican Cinematheque.

How do you conceive your role as a member of the FIDMarseille international competition jury ? First of all I am honored to bepart of the Jury of FID, basically because year after year I studied the program of FID over the internet or looking to the catalogue,or talking with Jean-Pierre Rehm, meaning that FID has been a great influence in what I do. It is a great responsibility and I amgoing to do my best with all the joy that's possible.

Propos recueillis par Gabriel Bortzmeyer

Alice Rohrwacher Jury international

Your first movie, Corpo Celeste, is a fiction finding its inspiration in asearch about the idea of community. Could you tell us more aboutthe history of this project? It wasn't sure, at the beginning, that it wouldbecome a movie. It coult have been a simple, classical documentary,or even just a study. With the producer we were talking about it as a re-search project. At that time I was living in Reggio Calabria and I wassuffering from this feeling we could define as the absence of the sacred: the « being-together » of the people. And yet there was still sometraces of this sense of the sacred, as fragmented rituals. So I beganfollowing catechism just to see how, in our country, we grow up with

this sacred. A script is born from this research and later a movie.

You worked in theater, on the radio, as a film editor. Could you tell us about your career? Mycareer is not linear and I don't know where it will take me. In the theater I worked as an assistant,a dramatist and a musician. I was the film editor or Luciana Fina, whom I met in Lisboa, and shehas been a true teacher to me. I wanted to make a documentary but I was afraid of the camera,which is quite a violent tool.

In your movie, some actors are professionals, some are not. How did you cast them? How didyou work with them? The casting has been very long, because we worked in a complete au-tonomy, me and my assistant. For months the Ministry funds had been questionned, delayed,blocked. As we could not begin the shooting in this situation, we continued the research. Forexample we met Yle Vianello, the one playing Marta, at the beginning of the casting, but shewas too young. But then time passed, she grew up and eventually we took her. The work withthe actors has been the same for both professionals and non-professionals. Maybe it's not orig-inal, but I quite believe in the usefulness of the rehearsals, and we rehearsed quite a lot.

You also worked with teenagers on projects that have no relationship to cinema. What kindof work was it ? During years I have been a youth worker for teenagers judged « difficults ». Theidea was to take them out of their usual context, we took them to the country, in places thathave no links with their milieu. We were working during a week, focusing on listening, expression,representation. This experience has been fundamental for me, a true learning of team's work !

In Corpo Celeste, the catholic Church is at the center of the community and you often de-scribe it using a style close to the grotesque. What have been the differences in the receptionbetween Italy and the other countries where the Church is less powerful ? And how did theChurch appreciate it? Reggio Calabria is a « loudhailer » city, as it profoundly amplifies the diffi-culties, the flaws and the beauties of our country. That's why there is some hue of grotesque inthe movie, but it's not completely grotesque. This irony is ill-perceived in Italy, where it opensquestions that here remains tabus. The Church reaction has been divided, as the public's. Somecatholics feeled offended, screamed and wished me the worst. But some young priests andcatechists, and even a few bishops have proved quite opened. The National Association of theItalian Catechists organised aroung 400 screenings of the movie all over the country. They evenorganised a three-days congress around Corpo Celeste and a few ideas of reform for catechism.It was really a beautiful sign, completely unexpected.

Another central aspect of the movie : the television as an agent of modification of interper-sonal relationships. Why did you bring it up without explaining it clearly? To speak of theChurch was for me some king of angle, a narrow field used to make a larger portrait of a disori-ented society. The crisis we know nowadays is not entirely caused by the corrupted priests. It'sa crisis of the imagination, a revolution of the desires, which are dominated by television. Thisis even aggravated by the fact that the television is taking hold of all the places all the time.Hence the omnipresence of spectacular, the use of a mutilated language, the difficulty to comeback to a true relation to things. That's what Corpo Celeste is talking about.

Your next project is a fiction about the italien landscape. Could you tell us more about it? Thereis not much to say, except that this time I began with the analysis of the evolution of a landscape,maybe our most famous wealth, the one of central Italia, symbol of the Bel Paese. We hope tobegin the shooting at the beginning of the next year.

How do you conceive your role as a member of the jury?To work, as far as possible, as a group,to talk a lot with the rest of the jury. I hope I will be confronted to a selection in front of which it'squite difficult to show any preference for a particular movie to the expense of the others.

Interviewed by Paolo Moretti

17H30 / LES VARIÉTÉSpREmièRE fRAnçAiSE

Page 4: CÉ RMONI ED LÔTU Elegía para cantar De cielo en cielo

en présence de laréalisatrice10H00 / LES VARIÉTÉS

Vivante à ce jourRACHEL BENITAH

De votre rencontre avec Marie Depusséjusqu'au film ? C’est déjà de l’histoire anci-enne ! En 2005 j’étais seule en tournage àPort Bou (La dernière Marche, compétitionfrançaise fID 2006). Un ami m’avait glissédans la valise À quelle heure passe le train.J’ai commencé à en lire quelques pas-sages. Le livre est devenu ce qu’on nommeun livre de chevet. Au retour, je me suisplongée dans sa littérature au point d’avoirenvie de rencontrer en vrai l’écrivain. Unami me donne son contact. Il m’a fallu dutemps pour dépasser ma timidité et pren-dre le téléphone. En 2007 : je laisse unmessage balbutiant sur son répondeur luidisant que j’aimerais la rencontrer. Puisplus aucune nouvelle durant des se-maines. J’étais atterrée. Je vivais encore àMarseille. Le démarrage est assez insolite :dans un moment très improbable, où j’ailes pieds dans l’eau (plage du prophète) etoù je cherche à récupérer le biberon quemon fils vient de jeter à la mer, le télé-phone sonne. C’est elle. Je lui décris la sit-uation. Elle trouve la mission « sérieuse ».Nous rions. Quelques semaines plus tardme voici dans son studio à Paris. Nouspasserons la journée à parler. Elle rencon-tre une lectrice et semble intriguée par le

fait qu’une danseuse fasse des films. Auprintemps, je vais la voir chez elle à La ca-bane. J’y reste quelques jours. Là tout de-vient plus concret. Je m’y sens bien. Jerencontre ses amis. Nous constatons quenous avons des obsessions communes,des connivences. Elle visionne La dernièremarche. Elle apprécie le film et dit ok pourl’aventure. Je commence à écrire. Là, leschoses se corsent. « Le chemin se fait enmarchant »…La suite de la phrase c’estqu’il est semé d’embûches. Un premierproducteur me suit jusqu’au dépôt dudossier en PACA et les repérages à LaBorde. Je pars donc accompagnée de deuxtechniciens. Nous restons 15 jours surplace. Ces images sont dans le film. J’ob-tiens une première aide à l’écriture maisn’ai plus de producteur ! Comme pour cefilm, je tenais absolument à avoir uneéquipe, il était donc impératif que je trouveune production. Le trio des repérages fonc-tionnait très bien. Les recherches se pour-suivent. Je vois régulièrement Marie à Parisou à La Borde. Elle me soutient quand jeperds patience. Des productions hésitentmais une amitié se tisse. Durant l’écriture,elle a été partie prenante dans le sens oùje lui soumettais mes désirs de mise enscène. En fait, j’ai travaillé avec elle commeavec une comédienne. D’ailleurs dans lefilm, ce ne sont pas des comédiens qui

sont filmés mais des personnes qui jouentleur rôle, ce qui est très différent que deleur demander d’« être eux-mêmes ». Puiselle a dû subir une lourde opération ducœur. on a tout laissé en suspens. Il y a eule temps nécessaire à sa convalescence.Le tournage s’est fait à l’automne suivant.Depuis, nous maintenons le lien. Je suisretournée à La Borde en vacances où j’aimontré le film et actuellement noussouhaitons réaliser une édition DVD con-tenant des séquences non montées maisqui nous sont précieuses.

Votre présence à l'écran, dans les entre-tiens comme dans les chorégraphies ? Leportrait comme exercice de la conversa-tion et de l'amitié ? Nous avions envie deplacer la question de la rencontre de deuxcréatures, avant même la question du por-trait. Je crois qu’elle se fiche du portrait. Larencontre a à voir, je pense, avec celle del’instant. La densité de ces instants seraitliée à la qualité de présence de chacun desprotagonistes. C’est passionnant. Qu’est-cequi fait que la présence de l’Autre, de l’in-connu, vous est agréable ? Qu’est-ce quifait que cet Autre s’intègre avec simplicité -ou pas - dans votre environnement, qu’ilaccroche le regard, que ses paroles et sapensée ont une certaine saveur ? C’estmystérieux toute cette affaire. Une penséede Proust nous a beaucoup accompag-nées : le fait qu’un écrivain a déjà tout ditdans ses livres. D’où la question posée endébut de film : Qu’est-ce qu’on peut bienfaire d’un écrivain vivant ? Rien puisqu’il a

tout dit dans ses livres ! À partir de là touts’invente. Nous avons pris ce chemin. Il y aaussi une phrase importante de Jean ouryqui nous a guidées : il dit qu’une rencontre« trace un sillon dans le réel ». C’est je croisce que tente le film dont le mouvement estinséparable de l’aventure de notre relation.Marie n’avait pas très envie d’être seule àl’image. J’ai donc écrit les séquences enpensant à une apparition progressive, cequi s'est précisé au montage. Puis elle m’aharcelée -sourire- pour que je danse. Surles tournages ou dans les auditions je faissouvent des gestes qui semblent spéciaux,liés probablement à mon passé d’inter-prète. Cela la faisait beaucoup rire. Lestechniciens la soutenaient. Tous trois trou-vaient cohérent de pousser le dialogue etl’échange jusque là. Un jour, j’ai proposéaux techniciens un cadre et j’ai refusé laprésence de Marie. Je pensais offrir ces im-ages à Marie comme cadeau, (indépen-damment du film donc) mais lorsqueHélène Catuhe, la monteuse, les a vision-nées, elle a tout de suite monté laséquence. C’est elle qui a raccordé le textede Ponge sur la danse. Là, j’ai capitulé.J’avoue ! J’ai compris que quelque chosem’échappait mais que cela permettait derévéler un autre aspect du film : cet endroitdu partage de nos spécificités et de ce quinous anime. Une chose, jamais consciente

de ma part, sur ce qu’est au fond l’amitié.

Le parti de concentrer le film dans et au-tour de La cabane de La Borde ? Si jeréponds à la question frontalement : c’esttout simplement une contrainte de produc-tion ! Mon désir premier était de filmerMarie à La Borde avec des va et vient enCorse et à Paris. Il y avait donc au départtrois lieux de tournage. La Corse était liée àun récit que j’aime particulièrement, Est-cequ’on meurt de ça (PoL) : une finitudeamoureuse, un deuil. Paris, parce qu’elle ya vécu, travaillé, flâné ou erré la majeurepartie de sa vie. De nombreux textes révè-lent son lien à cette ville. Par exemple,j’avais écrit une séquence où elle était auLouvre, face à la Joconde. Le tableau estdans le film mais en carte postale ! Nousne sommes pas face à la Méditerranéemais devant un étang à La Borde. Ce nesont pas ses amis parisiens qui parlentd’elle mais ses amis 'labordiens'. Nousn’entendons pas un texte en voix off à prox-imité de la prison de la Santé mais nousassistons à un atelier de littérature qu’elleanime avec ses amis…etc. on le sait, lesstratégies qui se mettent en œuvre faceaux contraintes produisent un résultat (laplupart du temps) supérieur aux idées fan-tasmées. Ce qui était primordial pour moiétait de ne pas la cloisonner et surtout delaisser sans réponse une question à laque-lle absolument personne ne peut répondre :Qu’est-ce qu’elle fait là. Pire : Pourquoi cechoix de vie. Au final, je suis satisfaite dece que cela a produit. Mais de fait, le film

est hybride, dans le sens où iln’est pas directement un film « sur » l’institution. Il vientrévéler le travail que Marie, accompagnée par quelquesautres, y fait. Il témoigne, je l’espère, de son engagement,de son rapport à la marge, à lalisière. C’est là qu’elle se placeet c’est sa force. De fait, laquestion de la psychiatrie, de lafolie est là. Mais ce n’était pasl’enjeu premier du film. Main-tenant, nous connaissons tousles menaces politiques et lespensées qui viennent anéantirle travail long et rigoureux desacteurs en psychiatrie. Je penseà cette phrase du psychiatrefrançois Tosquelles « Sans re-connaissance de la valeur hu-maine de la folie, c’est l’hommemême qui disparaît. »

La présence de la nature, de laforêt ? Pas de toits de Paris,pas de trottoirs…Il me faut doncinventer autre chose. J’ai pris unvrai temps de préparation enamont du tournage afin de toutréajuster. Je me suis promenéedifféremment dans le parc,dans la forêt. À l’automne, à LaBorde le sol est recouvert de cy-clamens. C’est somptueux : unpur hasard de calendrier.

Sachant que dans le film la parole seraitimportante, j’ai eu envie d’insérer lepaysage, de lui donner une vraie place.Permettre aussi au spectateur d’avoir destemps de repos pour qu’il intègre endouceur le travail de la pensée. Je n’aimepas les plans de coupe donc j’ai demandéà mon opérateur, Mickaël Damperon, d’ac-corder la même attention aux plans de nature qu’au reste. Je souhaitais qu’il sesente libre de filmer ce qui l’inspire. Il m’aprise au mot ! Entre chaque séquence ilpartait avec la caméra filmer en extérieur.De même pour le preneur de son, frédéricSalles. Je leur avais demandé en amont dutournage de lire Dieu gît dans les détails.Une de mes lignes de conduite était deplacer l’ensemble du travail sur un mêmeplan, sans hiérarchie, que ce soit l’humain,les animaux ou la nature. Marie est commeça. Et puis le parc à La Borde a de fait unefonction protectrice. Par ailleurs, Marie entretient avec la campagne un rapportprivilégié, une certaine forme d’attache-ment à l’enfance. Enfin, ce doit être maladif, je suis une véritable citadine mais,jusqu’à présent, la nature est très présentedans mes films. Un mystère de plus…

Propos recueillis par Nicolas feodoroff

The maltese Double Cross ALLAN FRANCOVICH

Les tâches de Lockerbie « Les attaques des gouvernements anglais et américains contre mon

film The Maltese Double Cross (« Angleterre et États-Unis méprisent

le film sur Lockerbie », 11 mai) correspondent exactement à ce que

nous attendions. Le but est de diffamer les gens apparaissant dans le

film de manière à divertir l'attention de la masse de preuves soute-

nant nos accusations.

Le film montre que l'attentat a été organisé par l'Iran et

la Syrie, et non la Lybie, et que la bombe a été introduite grâce à

une opération de sabotage américaine travaillant sur le trafic de

drogues et d'otages au Moyen-Orient. Des membres des services secrets

occidentaux étaient au courant mais n'ont agi en conséquence. Les au-

torités ne pourront jamais l'admettre ; convenir de ces faits ferait

passer Watergate pour une partie de campagne.

Les calomnies dont nous parlons circulent déjà depuis des

années et sont utilisées pour disqualifier toute personne ayant sug-

géré que les agences gouvernementales américaines sont sorties avec

des mains sales de l'affaire. La dernière ronde d'attaques a été ini-

tiée par une lettre adressée au parlementaire anglais Tam Dalyell par

un certain Todd Leventhal, de l'Agence d'Infomation américaine, let-

tre au titre orwellien : Programme de riposte contre les désinforma-

tions et mésinformations. Il est d'ailleurs inquiétant que le bureau

de la Couronne écossais, supposément indépendant, ait choisi de re-

layer les allégations de Leventhal sans même les questionner.

Le communiqué du bureau anglais de la Couronne explique que

l'Avocat de sa Majesté désapprouve toute tentative de donner une ver-

sion de l'histoire de Lockerbie tant que les procédures judiciaires

sont encore en instance. Et de rajouter : « Le lieu approprié pour

l'explication de tels problèmes est une cour pénale. »

Cet argument a été substantiellement sapé le 15 novembre

1991, un jour seulement après les inculpations des deux Libyens accu-

sés. Ce jour là le département d'État américain a publié un dossier

détaillant les preuves contre les deux accusés. Ces informations ont

été reprises par de nombreux médias et dans au moins deux livres pu-

bliés en Angleterre depuis. Un des reportages, passé lors de l'émis-

sion du 15 février 1995 du programme BBC How Do They Do That?,

montrait comment les autorités écossaises et anglaises avaient « ré-

solu » le problème. Le chef de la police du district de Dumfries et

Galloway, John Boyd. Pour autant que nous sachions, ni le bureau de

la Couronne ni l'Avocat de sa Majesté n'ont jamais émis de critiques

similaires à l'égard de la BBC, de John Boyd ou d'aucun des autres

journalistes, magazines ou éditeurs ayant ratissé les preuves.

Les autorités britanniques et américaines insistent sur le

fait que l'affaire Lockerbie est toujours ouverte. Mais au cours des

mois durant lesquels mon équipe a enquêté sur la question, personne

ne nous a approchés pour voir les preuves que nous avons rassemblées.

Est-il si surprenant que les Libyens soient réticents devant l'idée

de subir un procès en Écosse ou aux États-Unis ? »

Allan Francovich – Lettre dans The Guardian, 12 mai 1995, en réponse aux accusations des avocats du gouvernement américain

E P PS LES FILS DU POUVOIR

9H30 / TNM LA CRIÉE

15H30 / LES VARIÉTÉS

The Devill-DollTODD BROWNING E P PS LES FILS DU POUVOIR

GnCRle Jury du Groupement national des Cinémas de Recherche (GnCR)

Vicentia AHOlOUpKé, programmatrice du cinéma Méliès à Pau

Guy-Claude mARiE, administrateur du GNCR, directeur/programmateur ducinéma Le Cratère à Toulouse.

Estelle mACE, programmatrice de l’Eclat – Villa Arson à Nice.

le prix du GnCR sera décerné parmi une sélection de films en compétition internationale et française.

le film primé sera soutenu dans la durée afin de favoriser sa diffusion.

E P PS PORTRAIT(S)

Page 5: CÉ RMONI ED LÔTU Elegía para cantar De cielo en cielo

ElectroclassMARÍA RUIDO

Comment avez-vous eu accès à ce matériel de la télévisionbasque ? J'ai commencé à travailler avec la maison de productiondu film, Consonni, début 2010. Dans un premier temps, mon travailavait un caractère très différent. L'idée originale était de travaillersur le processus de gentrification et de privatisation de l'espacepublic en prenant Bilbao comme cas d'étude, mais l'imaginairetélévisuel n'avait pas autant de poids. Je savais que je voulais tra-vailler avec des archives télévisuelles, mais je pensais qu'il seraitimpossible d'y avoir accès, ou que cet accès serait restreint ousoumis à une étroite surveillance. Le film a radicalement changélorsque nous nous sommes réunis avec ETB et qu'ils nous ontdonné l'autorisation d'utiliser leurs archives. Ils ont aussi répondufavorablement à toutes les demandes que nous leur avons for-mulées (essentiellement, qu'ils ne « surveillent » pas politiquementle processus de travail, qu'ils nous permettent de rendre accessiblele film sur Creative Commons et que nous puissions le diffuser endehors du cadre télévisuel – même si eux ont eu l'exclusivité de lapremière diffusion à la télévision, le 22 mars 2012). A partir de là, letravail s'est concentré sur ce qu'il est aujourd'hui : une critique del'usage et de la connivence des médias publics avec les oligarchiesdans leur usage des institutions démocratiques pour réaliser degrandes affaires privées et pour privatiser l'espace public urbain, l'é-tude de la production des imaginaires du nouveau capitalisme cog-nitif à partir de la télévision publique pour favoriser l'acceptation parl'opinion publique de certaines politiques qui favorisent clairementla classe dirigeante. Il est important de signaler que le projet a étéaccueilli par la chaîne expérimentale d'Euskal Telebista (ETB3), ou-verte peu de temps avant que nous commencions à travaillerdessus. Je crois que le contexte politique dans lequel avaient lieules recherches, qui ont duré près de deux ans, était aussi partic-ulièrement significatif : un grand changement politique en Euskadiavec l'entrée au gouvernement du Partido Socialista de Euskadi, ledébut de l'influence du Partido Popular sur la télévision basque(grâce à son pacte de gouvernement avec le Partido Socialista),ainsi qu'un certain mal-être de nombreux journalistes de cettemême télévision, en particulier les plus fervents partisans de lacause basque qui voyaient comment le monde de la défense de leurpatrie disparaissait de la télévision. D'une certaine manière, noussommes arrivées au bon moment, et cette possibilité de travailleren démontant les archives télévisuelles a construit le projet d'unemanière complètement différente.

Vous associez ces images à d'autres que vous avez tournées etmême d'autres images extérieures. Quelle est votre méthode detravail ? Le film se nourrit des archives d'ETB, mais aussi de filmsdocumentaires de cinéastes amateurs et professionnels qui ont tra-vaillé à Bilbao depuis les années 60 jusqu'au milieu des années 80,ainsi que du matériel produit pour ElectroClass et de mes propresfilms précédents. Cela est dû, essentiellement, à une sorte de «méthodologie de l'accumulation et du recyclage », mais aussi aufait que cela fait une dizaine d'années, depuis le début de ma car-rière, que je travaille sur deux axes thématiques de base (lesreprésentations du travail et la critique des narratives hégé-moniques de l'histoire) qui ici se rejoignent. J'avais donc déjà unesorte de « caisse à outils » que j'ai utilisée. J'étais vraiment très in-téressée, à ce moment-là, par la réutilisation de matériel, légitimécomme « archives » mais aussi d'autres matériels, disons des « archives parallèles ou personnelles », non seulement en raisond'un certain esprit deleuzien d' « écologie de l'image », mais aussiparce que je crois que le potentiel essayiste de l'image, de réfléchirsur elle-même, est bien plus significatif sur des images préexis-tantes (bien que cela implique aussi toute la problématique de re-signifier des images parfois profondément connotées). Et je pourraisajouter que dans mon travail la dimension purement émotionnelledes images pèse aussi, comme ma propre relation émotionnelleavec le cinéma et la télévision, avec les mémoires que produisentles images... probablement car je pense avec et à travers les im-ages, et bien entendu parce que j'aime passionnément les images.

Cependant, nous ne restons pas uniquement dans le cadrebasque. Le montage est aussi réalisé en tenant compte des rela-tions entre son et image, jamais mentionnées directement. Vousn'hésitez donc pas non plus à retravailler aussi bien le matérielvisuel que sonore. oui, le montage / remontage des archives ne selimite pas seulement aux images, mixées, découpées, resignifiées...mais aussi à la « déconnection » de l'image et du son. Je crois que

nous, documentaristes, accordons une attention toujours plusgrande au son car il présente, outre une composante « technique »fondamentale, une composante « émotionnelle » très puissante.Dans une culture profondément logocentrique et visuelle commela nôtre, le son est comme l'odeur, nous ne nous en souvenons pasde prime abord, nous ne le « pensons » pas, mais il présente uneprofonde capacité de régénération et de resignification, et perduredans notre mémoire avec insistance.

pourriez-vous développer le thème de la structure du film, surtoutde ces parties différentes mais que vous n'avez pas pour autantséparées par un titre ? « ElectroClass » était, à l'origine, un projetcomposé de sept pièces de sept minutes chacune qui seraient dif-fusées sur ETB3 une fois par semaine (nous avions à l'esprit le for-mat des « pièces courtes et percutantes » pour la télévision que faitAlexander Kluge depuis plusieurs années pour la télévision alle-mande). Cela explique les sept chapitres qui composent le film etles sept surtitres (que nous avons maintenu), ainsi que leur durée.

Mais cette première structure a été modifiée lorsque l'on nous a pro-posé de présenter notre travail sous forme de film au festival Zinebide Bilbao, en novembre 2011. Nous nous sommes alors renducompte que notre travail était bien plus puissant l'on regardait lesdifférents épisodes ensemble, principalement parce qu'ainsi onpouvait voir plus clairement le « crescendo » de la violence struc-turelle à laquelle nous sommes soumis. Nous avons commencé àtravailler les pièces séparément, mais en tenant toujours comptedu fait qu'elles entretenaient toutes une relation narrative. Malgréla fragmentation extrême du récit, il existe une structure très forte,ou du moins une narrative politique sous-jacente très claire, à partirde laquelle nous avons développé des épisodes ponctuels (la re-conversion comme prix à payer pour entrer dans l'UE, le démantèle-ment des structures industrielles et, plus particulièrement, duchantier naval Euskalduna, la régénération physique de la Ría, leprix de la négociation du musée-franchise Guggenheim Bilbao, letourisme culturel comme variante réelle du capitalisme cognitif...parsemés d'épisodes qui avaient lieu « en temps réels » : le mou-vement 15M en différents endroits d'Espagne, l'expulsion et la dé-molition du Centro Social okupado Kukutza, le communiqué del'ETA...). Je ne peux éviter de parler ici de l'importance des conver-sations et négociations au sein de notre équipe, grâce auxquellesle film s'est peu à peu construit dans un processus presque collé-gial, dans un débat continu (avec la maison de production, Con-sonni, d'une part, mais aussi, et de manière très importante, avecmes monteurs, Pablo Parte et Iván Gómez). Je suis la responsabledu scénario et j'ai donc pris les décisions finales en termes de mon-tage, mais le travail avec eux a été fondamental, tout comme lesdécisions concernant la structure finale.

Pourriez-vous développer le thème de la présence discrète maisà la fois insistante du fantastique ? oui, ElectroClass s'achève parun épisode de science-fiction comme « vengeance symbolique »face à la situation triste et humiliante sur laquelle se termine lechapitre 7 (la police catalane frappant les personnes qui occupaient,le 27 mai 2011, la Plaza Catalunya de Barcelone). Nous ne voulions

pas finir sur ces images, mais par une réponse possible dans le futur(dans ce chapitre, les ombres, les fantômes que nous sommes tousdans les médias hégémoniques, se transforment en monstres po-tentiellement dangereux). Et bien, en premier lieu, je ne crois pasqu'il existe quelque chose de plus proche de la S.f. que les journauxtélévisés... du moins en Espagne. Leurs explications sur commentnous en sommes arrivés à cette situation critique, ou sur pourquoiil est nécessaire de procéder à des coupes budgétaires sur les be-soins élémentaires de la population pour pouvoir payer une dettedestinée que nous ne savons pas quand nous l'avons contractée nipourquoi... bref... Mais oui, sérieusement, nous pensons que la fic-tion a un très grand potentiel politique. Et surtout, les relations entreinformation et récit fictionnel sont bien plus étroites que nous ne lepensons. L'un des points de départ d' ElectroClass est un texte deJacques Rancière sur la construction de la réalité médiatique come« fiction dominante », comme fiction hégémonique. Le texte s'inti-tule Les paradoxes de l'art politique et introduit, avec Pasolini, à quinotre film est dédié, Kluge, Marker et Godard, les auteurs les plus

importants pour nous dans ce processus de travail. Tous partagentce que nous pouvions appeler « le recours à la fiction » pour parlerde la réalité. Une es lignes de force de ce travail est de démontrerque les médias nous transmettent un discours sur la réalité qu'ilsprétendent ÊTRE LA RÉALITÉ, mais ce n'est pas le cas. La réalitén'est qu'un discours, une représentation. Ainsi, générer une critiquede ces représentations qui nous dissimulent les cadres matérielset politiques de leur élaboration, me semble constituer le premierpas pour générer une critique politique mais aussi pour construired'autres représentations de la réalité et, en définitive, d'autres réal-ités possibles. Ce travail rentre dans une stratégie de guerilla visuelle, celle d’un cinéma militant dressé contre les medias, dumoins ceux d’une facture traditionnelle.

Que pouvez-vous nous dire sur le titre du film ? ElectroClass faitréférence à la « nouvelle classe transnationale de travailleurs », àune nouvelle classe de travailleurs « électronique », numérique...mais aussi à un jeu de mots qui renvoie à la musique des années80, à la musique du début de mon adolescence, qui est trèsprésente dans tout le film, et qui apparaît parallèlement aux télévi-sions régionales en Espagne (ETB est la première à apparaître en1982) et, bien entendu, à la brutale reconversion industrielle. Au seinde ce mouvement musical, le nombre de groupes de punk basques,qui écrivent les paroles les meilleures et plus engagées de cetteépoque, en particulier celles qui ont trait à Bilbao, est incroyable.Bien que d'un point de vue médiatique ce qui est rendu visible c'estAlmodovar, la movida madrilène et la pop facile, en réalité lepanorama culturel était bien plus complexe et bien plus radical.Mais bien entendu, comme cela a eu lieu avec les romans de laTransition espagnole, ces voix discordantes n'ont pas été renduesvisibles, car elles auraient remis en question le récit amnésique du« pacte de l'oubli », qui esquisse une Transition pacifique, consen-suelle et imperfectible.

Propos recueillis par Nicolas feodoroff

CelloMARCEL HANOUN

Une œuvre de commande, comme vous l'annoncez d'entrée. Rare dansvotre travail. Toute commande d’une création artistique, fût-t-elle con-tractuelle, est la tentative de répondre à un questionnement plus ou moinsélaboré, le plus exhaustivement possible, ou inachevé et en porte-à-faux.La commande peut être injonction intime et profonde, hors commandite,un besoin existentiel de combler le vide d’un espace public ou privé. Tant ilest vrai que m’est venue de je ne sais qui de je ne sais quoi, une nuit, lademande impérative d’écrire, de produire créativement le film CELLO, commande anonyme formulée par un inconnu, un double, ma mort peut-être, la commande d’une sorte de requiem in pace, film-ouvrage que j’avaisà exécuter dans les plus brefs délais.

On connaît votre exigence à reprendre les présupposés du cinéma. Icivous ouvrez autrement sur la mise en abîme que vous dépliez. Un essaitel que Montaigne, que par ailleurs vous convoquez ? - Vous jouez desformes. Une sorte d'autobiographie, autoportrait, réflexions sur votre travail, entre testament et confession. Le choix de la mise à distance du 'il' ? Il n’est de présupposés du cinéma que de ses multiplicités, de ses

variantes expérimen-tales, aléatoires ou laborieuses, inabouties, sans fini-tude, à la recherche d’orientations, d’inventions, de dimensions nouvelles,dans l’exploration, l’introspection de son moi secret, dans l’isolation de soi,dans une solitude affrontée et ouverte au hors-champ inconnu, à l’absencedes autres.

Une traversée des temps aussi, notamment un dialogue à distance defemmes. Il n’y a de temps et d’espaces cinématographiques qu’ imagi-naires, sans dimensions ni durées. Il n’est de construction/vision du filmque dans un présent intemporel et dans un espace contradictoire, réduit eten expansion. Raconter cinématographiquement, littérairement, littérale-ment ma vie, intéresse-t-il autrui ? C’est l’histoire d’un autre que j’expose,qui, à son tour me révèle son étrangère histoire. Rien n’est si proche siéloigné et dissemblable de moi que moi-même.

Comment s'est élaboré le travail sur les voix croisées ? La mise enbouche des mots ? Les voix ne valent que dans leur texture, la tonalité,l’énoncé même de mots comme nouveaux, inventés, à découvrir, qu’ellesexpriment non dans les intonations, les intentions qu’un acteur est censérenvoyer à une pré-écriture obsolète et pétrifiée. La vérité des mots n’est,ne naît que de l’actant, de l’instantanéité profonde de son énonciation dansune langue étrange et familière à la fois, à défaut d’être étrangère, re traduite. La mise en bouche n’est que mécanique et formelle.

Un montage quidans ses reprisesévoque peut-êtreplus la musiquequ'un film ? Iln’est qu’une frontière fictiveentre toutesformes de créa-tion. Il n’est qu’in-flux initial quifasse déviancevers film ou musique, contrepoint indissociable, singulière spécificité.

La présence du paysage avec la chute d'icare de Bruegel à prendrecomme un retournement ironique ? Le soleil ni la mort ne se peuvent re-garder en face. Le film, comme le soleil et la mort ne se peut regarder detrop près sans que fondent nos convictions erronées , innocentes, dedétenir la vérité du film.

Propos recueillis par Nicolas feodoroff

16H30 VARIÉTÉS

E P PS LES FILS DU POUVOIR

E P PS LES FILS DU SON

en présence de la réalisatrice

11H30 / BERNARDINES

Page 6: CÉ RMONI ED LÔTU Elegía para cantar De cielo en cielo

14H00 / TNM LA CRIÉE

Dans le cadre du partenariat avec La Poste, le journal du FID est heureux d’ouvrir

une chronique à André Guidicelli, postier,cinéphile et critique

Antonio Das Mortes de�Glauber�Rocha

nous�fait�voyager�du�théâtre�antique�à

l'opéra�contemporain�en�passant�par�la

Révolution�française�et�les�tribus�amazoniennes.

Un�tableau�où�Goya�aurait�versé�tout�le�sang�de�sa

palette�pour�que�la�liberté�triomphe�de�la�tyran-

nie.�Les�cangaceiros�entreprennent�une�dernière

bataille�contre�un�propriétaire�terrien�marié�à�une

ancienne�prostituée�qui�le�trompe�avec�son

homme�de�main.�Rocha�a�porté�à�l'écran�un

poème�épique�sur�le�mode�théâtral.�Les�scènes�se�passent�sur�différents

forums�entourés�de�cabanons�aux�peintures�écaillées.�Des�monologues

imagés�nous�éclairent�sur�des�intentions�et�les�intérêts�des�protago-

nistes.�Antonio-das-Mortes,�mercenaire�de�la�première�heure�qui�a

semé�la�mort�dans�les�rangs�des�cangaceiros,�s'apprête�à�changer�de

camp,�aidé�en�cela�par�«�la�sainte�».�Avant�cette�rédemption�il�affronte

au�sabre�le�meneur�de�la�révolution�dans�une�pantomime�chorégra-

phique�qui�n'enlève�rien�à�l'âpreté�du�combat�mais�au�contraire�nous

projette�au�cœur�de�la�tragédie.�Le�révolutionnaire�est�blessé�à�mort.

Les�consciences�s'éveillent�autour�de�la�sainte,�que�le�metteur�en�scène�a

installée�dans�un�paysage�aride�autant�que�renversant.�Son�dos�est�posé

contre�un�arbre�mort�planté�sur�un�sol�désertique�que�jonchés�de�

buissons�dont�le�jaune�évoque�la�quiétude�d'un�feu�glacé�qui�couve.�

La�guerre�fait�rage,�on�verse�le�sang.�Rocha�dirige�les�salves�comme�il�

dirigerait�un�orchestre,�tandis�qu'au�pied�des�falaises�les�bottes�d'un

sanguinaire�piétine�le�charnier�des�corps�tombés�au�combat.�Tout�se

termine�bien,�les�révolutionnaires�gagnent�la�bataille�avec�l'aide�du

mercenaire�converti.�La�sainte,�elle,�posée�sur�un�cheval�conduit�par�un

esclave�noir,�transperce�de�sa�lance�le�propriétaire�terrien�–�Saint�Mi-

chel�terrassant�le�dragon.�

74 (LA RECoNSTITUTIoND’UNE LUTTE)RANIA ET RAED RAFEI

TOUT ET RIENBenoît Bonnemaison-Fitte

Exposition

du 12 mai au 21 juilletDu mercredi au samedi de 14h a 18h

33 AllÉe LÉon Gambetta13001 Marseille

Enquête sur le/notre dehors (Valence-le-Haut), àla date du 29 juin2012< 2007 - … >ALEJANDRA RIERA

Les centres-villes, on lesait, sont dans une situa-tion particulièrement diffi-cile et étouffante. La vie enville n’est pas de tout con-fort et la condition deshabitants de cette villen’est pas forcément priv-ilégiée. Les symptômes dela décadence matérielle

d’une société y sont particulièrement en vue. La présente Enquête surle/notre dehors se propose entre autres – en se préoccupant davantagedu regard et des pensées des habitants/es des quartiers périphériquesque de ceux qui occupent lesdits centres – de faire une lecture qui pour-rait aider à comprendre un malaise qui concerne aujourd’hui aussi bien lavie en ville, que notre vie en général.La question d’être sensible aux choses essentielles qui sont devant nosyeux n’est pas de toute actualité. Rendre publique, faire circuler desidées autres à une échelle plus large ne va pas sans risques. Nous lesavons, notre économie n’est pas la bonne. Que ce qui nous est si prèspasse si inaperçu, c’est une question d’attention. Laissant à d’autres laprétention de croire qu’il serait possible de « découvrir» un nouveaumonde – comme toute chose, d’ailleurs, qui est déjà là avant même quenous l’observions –, il sera plus modestement ici question d’accompag-ner ces circonstances particulières qui appellent à nous laisser surpren-dre par ce qui apparaît parmi nous dans sa sagesse de se savoirinsaisissable."

Alejandra Riera

E P PS LES FILS DU POUVOIR

14H / BERNARDINES

You film a reenactment of the occupation bythe students of the American University ofBeirut in 1974, during a time marked by a re-volt against the regime. What is, in yourmind, the nature of this moment ? Why didyou choose to isolate this specific one fromall the events of this year ? We chose to goback to 1974, which is the year before the fif-teen years-long lebanese civil war. Plenty oflebanese movies about the civil war but theyears before are often overshadowed. 1974 isa very ambivalent year because, on one hand,it represents the time of maturing of the left-wing movements, and on the other hand it'sthe beginning of all the dissensions that ex-ploded during the civil war, divisions betweenright-wing and left-wing, nationalists andsupporters of the Palestinian cause. We chosea student’s revolt as it represents an ideolog-ical movement in its purity and its idealism.The youth believed in a radical change all overthe country, at every level, and was fighting forit. We wanted to capture the essence of thismoment of revolution and belief in the capac-ity of the youth to change the world. Lastly, wechose this specific American University be-cause it was a microcosm of intellectual lifein Beirut and embodied the identity crisis thecountry went through, torn between thePalestinian cause and Arabism, and the for-eign powers.

How did you choose the actors playing theyoung revolutionaries? They are not profes-sional actors but mostly left-wing activists.Some are members of the communist party,others are independent activists or militantstudents. We didn't want simple actors em-bodying the characters but activists able tothink with us about the mechanisms of a re-volt and the state of mind of the revolutionar-ies. We conceived the movie both in the spiritof fiction (the reconstitution of events) anddocumentary (the revelation of nowadays left-wing activists). We spent several months cast-ing young activists, and we shot this. A shortmovie was made with this material, calledPrologue. Out of the thirty people we inter-viewed, we kept seven, to get a group reflect-ing a diversity of ideas and ideologicalinclinations. Our group represents the differ-ent tendencies in a usual revolutionarygroups : radicals, negotiators, moderates, theleader, etc.

You present the movie as an improvisationmade from the events that occurred duringthis occupation. How did you work with theactors? Did you give them a framework tofollow? Did you write the dialogues duringthe repetitions or did they exist before theplay? The first step has been the research ofdocuments linked to the events, plus someinterviews with the true protagonists. Withthese real facts, we wrote a framework, kindof a skeleton of situations, without any lineswritten. Each character has been developedin collaboration with the activists, we wantedthe character's nature and the activist's oneto match. So that each actor could expresstheir own ideas. We gave them documents tothink over their characters and we had groupdiscussions about the different steps in therevolt, the role of each and everyone, the top-ics that were discussed, etc. We would also

work with them one by one, so therewould still be surprises for the othersduring the shooting. Only then, duringthe shooting, we created the dialoguesWe wanted a real-time shootinh. Theidea was to live the shooting as an exper-iment in itself. We followed the chrono-logical order and wanted to activists tobe relatively isolated from the rest of theworld during all this time. A lot of reac-tions in the movie are spontaneous. Evenus, the directors, were often surprised bythe direction taken in some scenes. Afterthis, the editing process consisted in aselection of preferred moments cut fromthe real-time, like in every documentary.

The set is always the same(the office ofthe Head of the University, where therevolutionnaries are entrenched),which gives the movie the aspect of atheater stage upon which is played a closedmeeting, behind all doors. Why this device?We wanted to create a space mixing theater,fiction and documentary. We were looking fora place that could bear a symbolic dimension.The movie rests upon a world of ideas - theones of the young leftists. It devotes its inter-est to debates, psychological effects, micro-power mechanisms in a revolutionary group.So we chose to oppose two spaces : onewhere all the discussions and reflectionsabout the events take place, and the otherone, off-screen, where all the « actions »linked to the movie are happening. This spacehelps us to move away from an objective rep-resentation of History, necessarily truthful. Itallows us to live a personal, imaginary, recon-stitution, made of our dreams. As the movie isswaying between past and present, realityand fiction, intention and action, we adoptedpostmodern decors where clothes and furni-ture don't belong to any precise era but arethe products of a mix. There is also themetaphorical aspect of the space. We beginin a rigid, conformist space, which is little bylittle impregnated by the ideas of the youth.The closure of the place heightens the revo-lutionaries' isolation and their ambivalent re-lationships to the world they want to change.

The movie interweaves scenes of reenact-ment, others based upon a monologuemade by a voice-over and some interviews ofthe different protagonists, creating the im-pression of a false « docu-drama » in whicheach one comes round to his feelings, hismotivations, his hopes and fears. A way togive them more space to speak? The ideawas to make a movie in the tradition of the po-litical films. The way political films were madeduring and after the French May 68 inspired usa lot. From there, we choose to use debatesand declarations as if the protagonists werethemselves documenting their revolt and ad-dressing themselves directly to the audience.At the same time, the film creates an opposi-tion between this tendency and an explorationof the individuals' psychology. The interviewsreveal their being. We emphasize the ges-tures, the silences and not only the speech.These are the moments when the charactersreveal something personal that was hiddenbehind the speech. You can also hear ourvoices in these interviews. At these specific

moments we, the directors, enter into the de-vice we created. To sum up, the elements ofthe movie (the voice-over, the debate, the in-terviews) create several levels stacking upand confronting each other. The voice-over re-duces the event to written History when theother elements tend more to an oral, subjec-tive History. This is a way to question our rela-tionship to History. Thus the movie isadvancing toward the psychological crisis ofeach character, their awareness of the eventsand the others.

Far from fossilizing the events of 1974 in His-tory, your film is blurring the frontier be-tween past and present. An answer to theevents that have been happening in the Arabcountries for a year? The movie invites thespectator to think over the idea of change, ofrevolution, and of course with the actualevents in mind. There had been a long periodof lethargy between the movements of theseventies and those of today. The movie tack-les the problem of the reemergence of therevolution and questions the continuity be-tween the left-wing of this time and the oneof today. It explores the idea of « revolutionarybecoming » that Deleuze theorized. At the be-ginning of the movie we announce that thestudents’ revolt is doomed to fail. But this in-evitable failure is a way to explore the aware-ness of each character. Until the end, wewanted to create this impression of a fightagainst a fatalism that says the revolution isbound to collapse. Nowadays in the Arabcountries people are already talking of disen-chantment, insurmountable obstacles, in-evitable failure. But is it really the result of arevolution that matters? The movie tries toreach what happens between the beginningof a revolution - when everything seems soharmonious – and its continuation - when dis-sensions appear, when individual visions arefighting each other, when outside eventsdestabilize the people. During this course ofevents, the conscience of the individual trans-forms itself. And that's what we were lookingfor, this transformation.

Interviewed by Céline Guénot

Les Fidmags18-19h sur le 888fm et sur www.radiogrenouille.com

du 4 au 9 juillet 2012

En direct et en public du TNM La Criée

aujourd’hui :

Damien Odoul et Marie-Eve Nadeau, La richesse du loup

work in progress

en présence de la réalisatrice

C I

C

pREmièRE mOnDiAlEpREmiER film

Page 7: CÉ RMONI ED LÔTU Elegía para cantar De cielo en cielo

11H30 / BERNARDINES

Enero, 2012COLECTIVO LOS HIJOS

Nous connaissons votre intérêt pour l'Histoire et les paysages (losmateriales, Compétition internationale, FID 2010). Ici, nous sommesembarqués dans une visite guidée. À la suite de nos dernières piècescourtes, alors que nous achevions notre long-métrage suivant, noussavions clairement que nous voulions réaliser un film consacré auprésent et à notre ville, Madrid. En ce sens, nous avons effectivementplus ou moins poursuivi sur la lignée Histoire-Paysage à laquelle vousfaites allusion. D'un autre côté, nous ressentions également le besoinde changer de style. Cette fois-ci, nous avions envie que le film dé-marre sur un visage humain, ce que nous avions jusqu'alors évité. Nousavons aussi beaucoup discuté de la façon dont nous traiterions deMadrid, comment nous pourrions mettre la ville en images de manièrefidèle. Nous avons même songé à adapter un guide touristique. C'estcette idée qui nous a poussés à faire un tour panoramique de la ville.Dès l'instant où nous avons compris que l'enregistrement audio diffusédans le bus fournissait un point de vue prédominant, trouver des lieuxet des visages qui établiraient un contrepoint nous a paru très simple.

Comment avez-vous élaboré la voix off ? Nous souhaitions mettre enmiroir le discours de la voix off (monumental, triomphaliste, dévoué àl'ancienne gloire nationaliste) et des personnes anonymes qui affron-tent le quotidien. Comme nous l'avons remarqué, les explicationstouristiques prennent la forme de déclarations institutionnelles quiutilisent les événements passés pour justifier une vision homogène del'Histoire d'un territoire. Dans ce cas, les prétendus triomphes de l'his-toire espagnole paraissent d'autant plus fades, creux et superficielslorsqu'on pense à l'effondrement économique et aux préjudices soci-aux qui ont récemment touché le pays. Le langage de la voix-off nousrenvoie l'image que les pouvoirs administratifs ont d'eux-mêmes. Nousvoyons combien ils sont accaparés et imperméables aux critiques.Nous proposons donc une visite guidée de Madrid d'un genre différent :nous voulons montrer le visage de ses habitants.

D'où vient ce choix de contrechamp au texte ? Comment avez-vouschoisi les lieux extérieurs et intérieurs que l'ont voit dans le film ?Lorsque nous avons décidé qu'une grande partie de la visite guidéeserait traduite en images plus ou moins dissociées des lieux évoquéspar la voix off, nous avons pensé que le meilleur contrepoint pourraitse trouver uniquement dans un lieu intérieur. Nous avons donc choisiun bar de notre quartier. C'est un bar que nous connaissions bien, typ-ique des bars madrileños, avec une clientèle constituée essentielle-ment d'ouvriers. Nous avons tout de même dû faire plusieurs prisesd'extérieur pour relier la visite guidée à ce point de vue d'initiés. Lorsquenous étions dans le bus, nous avons intentionnellement évité tous lesmonuments cités dans la voix off et nous avons filmé ''l'autre côté'',tout ce qui se trouvait littéralement dans la direction opposée. Cet''autre côté'', réel, montrait ce que les gens traversaient : une mani-festation devant une banque, une fermeture de magasin, des arbresqui tombent, des gens qui déambulent sans but précis... aucune autreimage n'aurait pu remettre en question cette voix-off ''aveugle'' demanière plus violente et plus simple.

Propos recueillis par Nicolas feodoroff

CABARETCRUSADESWAEL SHAWKY

ENTRETIEN AVECJACQUES SAPIÉGA,Maître de conférence, directeur du SATIS (Aubagne,Université Aix-Marseille)

Comment en êtes-vous arrivéà collaborer avec WaelShawky ? À l'origine, SandrinaMartins, responsable des ate-liers euroméditerranée de"Marseille-Provence capitaleeuropéenne de la Culture2013", est venue nous parler dece projet. J'avais lu la définitionde ces ateliers et elle m'avaitparut intéressante, notam-ment en raison de l'idée d'ac-cueillir un artiste dans unlaboratoire de recherche. Je neconnaissais pas Wael Shawkyet son premier épisode deCabaret crusades tourné enItalie avec les marionnettes dela fondation Pistoletto m'aénormément intrigué. Wael ve-nait à Aubagne pour rencontrerdes céramistes et des santonniers, pour fabriquer des mari-onnettes. Si cela s'avérait con-cluant, un deuxième filmpouvait être tenté... Le discoursde Wael sur son projetd'adapter le livre d’AminMaalouf Les croisades vues parles Arabes était plus que sé-duisant. D'un autre côté laméthode utilisée à Turin pourle premier tournage servait deréférence. Wael, c'est peut-êtrele plus important, était enthou-siaste à l'idée de tourner avec

nos étudiants. Il a fondé enÉgypte un projet alternatifd'enseignement des beaux-arts. Donc au départ c'est unerencontre où on se dit que despossibles existent. J'ai ensuiteobservé la fabrication des mar-ionnettes et j'ai bien vu queWael suscitait des énergies.Ses propositions stimulent. Ildonne des directions, maislaisse les talents s'exprimer. Cesont des défis artistiques qu'ila lancés, dans lesquels cha-cun s'est senti exister... Il étaitquestion d'une dizaine de mar-ionnettes, il y a eu 120 ! De véri-tables chefs d'œuvres ! À partirde là, les maquettes de décorsont suivi. Le "possible" - le filmpossible - allait ainsi entrerdans une phase de production.

Quel est l'enjeu d'une telle as-sociation pour une écolecomme la vôtre ? Il y aplusieurs enjeux. Le premierest celui de permettre à desétudiants en cinéma / audiovi-suel (nous avons une formationrépartie en 5 spécialités :image, son, montage, produc-tion-assistanat, et musiquepour l'image), d'être confrontésà des contraintes profession-

nelles, et de les résoudre. Celan'a rien à voir avec le seul faitde répondre techniquement àdes demandes. Dans le cas deCabaret crusades, la proposi-tion a été magistrale, dans lamesure où Wael avait des hy-pothèses, mais ne savait pas,pour beaucoup d'entre elles,comment les résoudre. onpeut toujours faire desprouesses techniques, mais sion ne comprend pas où veuten venir l'artiste, c'est af-fligeant. C'est ce jeu entre lescontraintes de toutes sortes -matérielles, technologiques,budgétaires, humaines - etl'ambition esthétique, qui aconstamment mis les étudi-ants de SATIS à l'épreuve. Cefilm est un "cas d'école" passeulement en raison de notreimplication, mais à cause deses conditions de fabrication.Donc, chacun dans son do-maine a eu des enjeux : Com-ment faire chanter unemarionnette en play-back,quand le texte des chansonsest dans une langue qu'on necomprend pas ? Comment or-ganiser un plan de travail pour120 marionnettes, dont cer-taines jouent plusieurs rôles,dans 7 décors différents, enconjuguant les effets de lu-mière (lever du jour, crépus-cule, nuit...) ? Ce qui veut direaussi : Qui est ce personnage ?Pourquoi agit-il de cette façon ?Etc. La question centrale étant :comment donner au film letemps nécessaire à sa dimen-sion expérimentale, tout enmaîtrisant sa durée de fabrica-tion ? Dès lors qu'il me semblaitcrédible d'atteindre un résultatavec les outils et les moyens

dont nous disposions, la seulequestion qui avait un intérêtétait celle de résoudre desproblèmes au regard des en-jeux artistiques du projet.Donc il y a un autre enjeu, plusprofond, pour une institutioncomme la nôtre, qui est d'ar-ticuler la pédagogie à larecherche. Dans notre équipe,la recherche audiovisuellen'est pas abstraite, elle s'in-téresse aux conditions de lafabrication des films, et la plu-part des enseignants-chercheurs ont aussi desactivités professionnelles, leplus souvent expérimentales :aborder le film de Waelcomme une hypothèse,comme une série d'expéri-mentations à vérifier, c'est cequi nous a permis d'aller aubout.

Vous avez monté un TP avecvos élèves afin de préparer letournage. De quoi s'agissait-il ? Disons que dans ce cas lanotion de TP a tendance à seconfondre avec la vie... Ju-ridiquement - les dates deproduction étant adéquates -les étudiants étaient en stage.D'ailleurs les professionnels

qui ont travaillé avec eux ontparfaitement assumé leur rôlede tuteurs : Wael Shawky (réal-isateur) fabrizio La Palombara(directeur de la photographie),Teddy Laroutis (premier assis-tant), Claudio Cavallari (mon-tage), ont été remarquables.Ils ont su créer une relationavec les étudiants en prenantune place naturelle à leurscôtés, dans le travail quoti-dien. Nous avons donc enamont travaillé au découpagedu script, énorme tâche, es-sentielle, qui a conduit au plande travail. Deux scriptes ontporté la mise en place, avecune équipe de production.Parallèlement, les équipes deprise de vue ont pris lematériel en main, ont suivi l'in-stallation du jeu d'orgue deslumières pour le contrôler (cegenre de formation qui est trèsdifficile à mettre en place entemps normal sur un décorréel). La gestion des donnéesa été totalement organisée etprise en main par les étudi-ants, sans que nous ayons àintervenir. Le son a accompa-gné au tournage, avant de de-venir une véritable création àla post-production : bruitages,ré-enregistrements, mixageen "multi-canal". Le tout estde très haut niveau. Quant à lamusique, deux étudiants onttravaillé avec Wael : ils ontcomposé, dirigé, enregistré...À chaque étape, des connais-sances et des pratiques nou-velles ont été éprouvées. Leregard d'un artiste de la di-mension de Wael Shawky surles propositions des étudiants,a porté l'ensemble très loin,bien au delà du cadre

académique. Mais quesouhaiter de mieux pour uneformation comme la nôtre ?

À partir de quels matériaux,de quels éléments de scé-nario s'est déroulé le tour-nage ? Nous avons euplusieurs documents. Au dé-part une "continuité parséquences " arabe / anglais.Les étudiants ont traduit enfrançais depuis l'anglais puisont écrit le texte arabe enphonétique pour être cer-tains de suivre l'action autournage ! Le plus dur a été decalculer le nombre de rôlespar décor, puis par séquence,et enfin par plan. Wael est partien décembre à Bahrein pourenregistrer des chants et desmusiques, et il est revenu peude temps avant le début dutournage. J'ai eu des doutesjusqu'au moment où il a fourniun scénarimage. Pas vraimentun storyboard, mais un dé-coupage des séquences pardessins incluant les décors.Petit à petit, nous avons com-mencé à y voir clair, c'est àdire à affecter des person-nages à des marionnettes,des marionnettes à des dé-

cors, et à des plans. Il fautbien préciser que le tournagea suivi un découpage tech-nique, c'est à dire que nousn'avons jamais travaillé dansla continuité, mais par regroupements de scènes /décors, voire par regroupe-ments d'effets spéciaux(réservés plutôt en fin de tour-nage). Comme les décorsétaient lourds à manipuler, ilfallait un plan de travail qui intègre cette contrainte. Untravail très fin a été fait sur les lumières, préenregistrées surun jeu d'orgue, ce qui permisd'aller assez vite dans les installations de base, avantles ajustements.

Le projet a rapidement at-teint une certaine ampleur,mobilisant beaucoup plus deressources que ce qui étaitinitialement prévu. Pourquoicette évolution ? 120 marion-nettes : ce chiffre dit presquetout. Elles ont conditionné lesproportions de tout le reste !J'ai souvent eu le sentimentque Wael était plutôt étonnéde la productivité et du talentde ses interlocuteurs, et qu'ilse disait : "Bon, maintenanton va donc pouvoir essayer leplus audacieux". La chapelleque lui a prêté la villed'Aubagne pour le tournage apermis - à cause de ses di-mensions - des décors beau-coup plus imposants que ceuxqu'il avait à Turin pour le pre-mier épisode. Encore une sat-isfaction pour Wael, à larecherche de profondeur dechamp, de distances pour desmouvements avec travellingset "dolly". C'est au moment de

la construction de lastructure sur laquelledevaient se déplacerles marionnettistesque j'ai eu les plusgrands doutes. Sansl'aide de la Régie Cul-turelle Régionale, del'Institut Supérieurdes Techniques duSpectacle d'Avignon,sans le travail desprofessionnels de lascène de Marseille,rien n'aurait été pos-sible. Nous avonsconstruit un doublepont pour 12 marion-nettistes, à 2 mètres50 du sol ! Cette pro-duction est devenue

au fil du temps un véritablechallenge pour tous les partic-ipants. La costumière, MarionPoey, a négocié avec Hermèsles tissus des habits des mar-ionnettes... Pierre Architta ainventé des effets spéciaux :de l'animation des yeux desmarionnettes au flammes deJérusalem assiégée. Je pour-rais en citer beaucoupd'autres. Chacun semblaitavoir toujours plus d'exigencepour sa partie. Les loueurs dematériel de Marseille, qui sontvenus sur le tournage, ontégalement accepté de noussoutenir : on peut les saluer etrendre à tous un bel hom-mage. Il faut dire que les pre-miers décors posés, leslumières faites, les marion-nettes en action et les chantsdans la chapelle ont provoquéun émerveillement général. Letournage a été un spectacle...pour celles et ceux qui enétaient les acteurs.

Propos recueillis par Gabriel Bortzmeyer

E P PS LES FILS DU POUVOIR

Fragments d’une dépositionCLAIRE CHESNIER

exposition du 4 juillet au 1er septembregalerie agnès b.

31-33, Cours estienne d’orves -13001 marseille / www.agnesb.fr

en présence de la réalisatrice

pREmièRE mOnDiAlE

Page 8: CÉ RMONI ED LÔTU Elegía para cantar De cielo en cielo

FIDMarseille 14, allée Léon Gambetta 13001 Marseille. Tél : 04 95 04 44 90 www.fidmarseille.org

LE CONSEIL D’ADMINISTRATION DU FIDMarseilleAdministrateurs : Pierre Achour, Lucien Bertolina, Emmanuel Burdeau, olivier Cadiot, Laurent Carenzo, françois Clauss, Gérald Collas, Henri Dumolié, Monique Deregibus, Alain Leloup, Catherine Poitevin,Paul Saadoun, Michel Trégan, Dominique Wallon.

JOURNAL FIDMarseille Directeur de publication : Jean-Pierre Rehm. Rédactrice en chef : Céline Guenot. Rédaction : Gabriel, Bortzmeyer, Nicolas feodoroff, Paolo Moretti, fabienne Moris, Rebecca De Pas, olivier Pierre, Nicolas Wozniak. Traductions : Doriane Chevenet, Philip Clark, Céline Guenot, Eve Judelson, Aurélie Marcillac. Coordination et graphisme : Caroline Brusset. Correctrice : Claire Robert. Photos in situ : Mezli Vega et Anatole Barde. Impression : Imprimerie Soulié

18H VARiéTéS

Tabou a la beauté desanciens âges, mais sa

jeunesse ne doit que fort peuau clinquant de la « barbarie ». Sous leur peaubronzée, c'est un sang blancqu'il fait couler dans les veinesde ces Polynésiens, race d'origine contestée et dont lecontact avec les Européensn'avait fait que développer lalangueur native. En tout cas jene connais, en ce siècle, pasd'œuvre qui porte plus profondément la marque del'esprit de l'occident ; où s'affirme mieux cette aptitude, qui est celle de l'artde nos climats (songeons auxpeintures de Lascaux), de peindre le mouvement par lareprésentation de l'immobile,de préférer au hiératisme desposes, dont Gauguin fit sesdélices, l'évidence nue d'unechair mystérieusement modelée par les inflexions de la pensée (je pense à cettescène où le jeune Tahitien, latête sur les genoux, les muscles relâchés par le désespoir évoque le bas-reliefgrec du Chasseur endormi) ; oùles gestes et les regards del'homme soient plus empreintsde cette hauteurs, de cettesécheresse qu'on ne trouvequ'aux demi-dieux de l'Iliade,aux héros des Niebelungen,plus baignés de ce halo spirituel dont Chateaubriandeût aimé parer ses épopéeschrétiennes ; où à la manièredes tragédies grecques lasolennité du drame soit plusamplement orchestrée de lagrande voix du chœur des ments (l'emprise du cinéastesur la matière naturelle esttelle, ici, qu'on distingueraitavec peine ce qui ressortit audomaine de la mise en scèneet à celui de l'image, l'éclat dela photographie devant plus aumouvement incessant desmasses ou des particules brillantes jusqu'à la répartitionstatique des zones d'ombre etde lumière ; sommet du raffine-ment dans l'art et qui rappellela façon dont Beethoven, dansses derniers quatuors, traite lechant à l'intérieur de l'harmonie, ou Cézanne utilisela couleur qui selon son motcélèbre « crée la forme ») ;où la sensualité à la fois chasteet trouble des baignades, etmême des danses ferait plutôtsonger des rêveries érotiquesd'une imagination d'homme duNord. Qu'il y ait là trahison à l'égard du modèle, nul ne lecontestera et Tabou est bien, àcet égard, le plus faux des documentaires.

21H02 / LES VARIÉTÉS

”Eric Rohmer, La revanche de l'Occident,

Cahiers du cinéma, n° 21, mars 1953