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ournal 26juin 1993 112e année - N1 5681 Bureau de dépôt : Bruxelles X Hebdomadaire, sauf juillet/août des ri bunaux Editeurs : Maison LARCIER, s.a., rue des Minimes, 39 - 1000 BRUXELLES Edmond Picard (1881-1899) -Léon Hennebicq (1900-1940)- Charles Van Reepinghen (1944-1966)- Jean Dai (1966-1981) LA LOI DU 28 DECEMBRE 1992 MODIFIANT LE CODE DES IMPOTS SUR LES REVENUS INTRODUCTION 1.- Nouvel épisode dans les modifications continuelles du Code des impôts sur les re- venus, la loi du 28 décembre 1gg2 (ci-après: la loi) comporte un ensemble de mesures particu- lièrement variées, et d'importance inégale, dans les différents domaines des impôts sur les revenus. Les différentes dispositions de cette loi ne trou- vent, comme c'est malheureusement souvent le cas, qu'un seul poin:t commun : la volonté de respecter des impératifs budgétaires. Nous commencerons par examiner les mesures prises en .matière d'impôt d,es personnes. En particulier, nous procéderons à un examen ap- profondi du, nouveau régime de 1' épargne à long terme, complètement transformé par rap- port au précédent. A cette occasion, nous pour- rons également détailler les nouvelles règles relatives aux impôts indirects en la matière, où le législateur a procédé à une audacieuse com- binaison de déductions, de taxation aux impôts directs, et de taxation indirecte. Nous traiterons aussi de la suspension de l'in- dexation des barèmes fiscaux, autre mesurè, à forte incidence budgétaire, intégrée . dans la loi. Nous consacrerons une seconde partie à l'étude des mesures en matière d'impôt des sociétés, moins visés que dans d'autres lois récentes. Nous décrirons ensuite les nouvelles modifica- tions intervenues en matière d'impôt des non- résidents, domaine qui avait pourtant fait l'ob- jet d'une refonte importante dans d'autres lois fiscales votées au cours des dernières années. Plusieurs dispositions de la loi, souvent plus importantes qu'elles le paraissent, concernent la procédure administrative. Nous y consacre- rons une quatrième partie, avant d'analyser les changements qui concernent la procédure ré- pressive pour fraude fiscale. Nous consacrerons enfin quelques développe- ments/à des modifications relatives aux impôts indirects: les droits d'enregistrement et le Code des droits de succession, où a été intégrée une étrange taxe sur les centres de coordination. .. CHAPITRE PREMIER MESURES EN MATIERE D'IMPOTS DES PERSONNESPHYSIQUES A. -Le régime de l'épargne à long terme 1. -Introduction 2. -La loi fiscale organise cinq instruments d'épargne à long l'assurance de groupe (ou« assurance-groupe») et les fonds de pen- sion, l'assurance-vie individuelle, l'assurance en vue du logement (ou « épargne-logement »), l'épargne-pension et l'achat d'actions de laso- ciété-employeur. Les revenus de l'épargne personnelle (assu- rance-vie individuelle ou épargne-pension) constituent ce que l'on appelle le «troisième pilier»; l'assurance-groupe et les fonds de pen- sion forment le « deuxième pilier » (pension constituée dans le cadre de l'activité profes- sionnelle), le « premier pilier » visant les pen- sions légales, octroyées dans le cadre de la sécurité sociale. 3. -L'assurance de groupe est un contrat ou un ensemble de contrats d'assurances sur la vie souscrit par l'employeur (ou par une pluralité d'employeurs) au profit des membres duper- sonnel ou de leurs ayan'ts droit (1). L'assurance de groupe est 'financée par des allocations prises en charge par l'employeur(« cotisations patronales») et des·cotisations retenues sur les rémunérations des membres du personnel affi- liés ( « cotisations personnelles » )_. Le Fonds de pension est une institution privée de prévoyance constituée au sein de l'entre- prise (fonds non autonomes) ou en dehors de l'entreprise (fonds autonomes, généralement constitué sous forme d'a.s.b.l.) poursuivant le même but que l'assurance de groupe (2). Pour (1) Bruno Riche!,« L'assurance de groupe et l'assu- rance dirigeant d'entreprise», Fiscalité de l'assu- rance-vie, Bruylant, 1990, 2e éd., p. 113. (2) Circ. 4 févr. 1987, Ci.RH.243/376.395, consa- crée à 1' assurance de groupe et aux fonds de pension, B.C., 659, p. 575. 1 ISSN 0021-812X 1 SOMMAIRE 1 La loi du 28 décembre 1gg2 modifiant le Code des impôts sur les revenus, par Th. Mschrift et A. Rayet . . . . . . . 485 . 1 Débats succincts - Article 735 nouvéau du Code judiciaire- Cause complexe (Civ. Bruxelles, 3e ch., 10 mars 1gg3) 503 1 Débats succincts - Article 735 nouveau du Code judiciaire Notion (Civ. Bruxelles, 3e ch., 18 février 1gg3) 503 1 Mise en état - Degré d'appel - Article 74 7, § 2, du Code judiciaire - Fixation pour plaidoiries - Délais pour conclure (Br.uxelles, ge ch., 26 mars 1gg3) . . . . 503 1 Loi du 3 août 1gg2 modifiant le Code judiciaire -Article 747, § 2 -Application immédiate - Délai pour conclure (Bruxelles, ge ch., 16 février 1gg3) ... 503 1 Mise en état - Article 74 7, § 2, du Code judiciaire - Conclusions (Civ. Bruxelles, 15e ch., 8 avri11gg3) 504 1 Requête unilatérale- Article 745quater du Code civil- Mise en état- Article 747, § 2, du Code judiciaire - Inapplicable (Civ. Bruxelles, req. un., 2 avril 1gg3) 504 · 1 Mise en état- Article 747, § 2, du Code judiciaire·- Urgence - Mfaire complexe - Négociations en cours - Requête non fondée (Civ. Bruxelles, 3e ch., 31 mars 1gg3) 504 1 Mise en état- Article 747, § 2, du Code judiciaire - Date des plaidoiries (Civ. Bruxelles, 3e ch., 31 mars 1gg3) 505 1 Mise en état- Procédure d'appel- Article 74 7, § 2, du Code judiciaire (Civ. Bruxelles, 1re ch., 3 mars 1gg3, note) ....................... •... 505 1 Mise en état - Référé - Article 74 7, § 2, du Code judiciaire - Non applicable (Civ. Bruxellès, réf., ch. du cons., 26 février 1gg3) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 505 1 Mise en état- Article 748, § 2, du Code judiciaire- Dépôt d'une pièce nouvelle- Dépôt - Conclusions additionnelles - Demande irrecevable (Civ. Bruxelles, 1ge ch., 2 avri11gg3) 506 1 · ChtÇlnique judiciaire : La vie du Palais - Les deuils judiciaires - Bibliographie. ournal des .ribunaux 1993

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Page 1: Bureau de dépôt : Bruxelles X des ri bunaux...1992, l'épargne-pension faisait l'objet des arti cles 117 à 125 du Code des impôts sur les revenus 1992, au titre des« Dépenses

ournal 26juin 1993

112e année - N1 5681 Bureau de dépôt : Bruxelles X Hebdomadaire, sauf juillet/août

des ri bunaux Editeurs : Maison LARCIER, s.a., rue des Minimes, 39 - 1000 BRUXELLES Edmond Picard (1881-1899) -Léon Hennebicq (1900-1940)- Charles Van Reepinghen (1944-1966)- Jean Dai (1966-1981)

LA LOI DU 28 DECEMBRE 1992 MODIFIANT LE CODE DES IMPOTS

SUR LES REVENUS

INTRODUCTION

1.-Nouvel épisode dans les modifications continuelles du Code des impôts sur les re­venus, la loi du 28 décembre 1gg2 (ci-après: la loi) comporte un ensemble de mesures particu­lièrement variées, et d'importance inégale, dans les différents domaines des impôts sur les revenus. Les différentes dispositions de cette loi ne trou­vent, comme c'est malheureusement souvent le cas, qu'un seul poin:t commun : la volonté de respecter des impératifs budgétaires. Nous commencerons par examiner les mesures prises en .matière d'impôt d,es personnes. En particulier, nous procéderons à un examen ap­profondi du, nouveau régime de 1' épargne à long terme, complètement transformé par rap­port au précédent. A cette occasion, nous pour­rons également détailler les nouvelles règles relatives aux impôts indirects en la matière, où le législateur a procédé à une audacieuse com­binaison de déductions, de taxation aux impôts directs, et de taxation indirecte. Nous traiterons aussi de la suspension de l'in­dexation des barèmes fiscaux, autre i~portante mesurè, à forte incidence budgétaire, intégrée . dans la loi. Nous consacrerons une seconde partie à l'étude des mesures en matière d'impôt des sociétés, moins visés que dans d'autres lois récentes. Nous décrirons ensuite les nouvelles modifica­tions intervenues en matière d'impôt des non­résidents, domaine qui avait pourtant fait l'ob­jet d'une refonte importante dans d'autres lois fiscales votées au cours des dernières années. Plusieurs dispositions de la loi, souvent plus importantes qu'elles le paraissent, concernent la procédure administrative. Nous y consacre­rons une quatrième partie, avant d'analyser les changements qui concernent la procédure ré­pressive pour fraude fiscale. Nous consacrerons enfin quelques développe­ments/à des modifications relatives aux impôts indirects: les droits d'enregistrement et le Code des droits de succession, où a été intégrée une étrange taxe sur les centres de coordination.

..

CHAPITRE PREMIER

MESURES EN MATIERE D'IMPOTS DES PERSONNESPHYSIQUES

A. -Le régime de l'épargne à long terme

1. -Introduction

2. -La loi fiscale organise cinq instruments d'épargne à long te~rme: l'assurance de groupe (ou« assurance-groupe») et les fonds de pen­sion, l'assurance-vie individuelle, l'assurance en vue du logement (ou « épargne-logement » ), l'épargne-pension et l'achat d'actions de laso­ciété-employeur. Les revenus de l'épargne personnelle (assu­rance-vie individuelle ou épargne-pension) constituent ce que l'on appelle le «troisième pilier»; l'assurance-groupe et les fonds de pen­sion forment le « deuxième pilier » (pension constituée dans le cadre de l'activité profes­sionnelle), le « premier pilier » visant les pen­sions légales, octroyées dans le cadre de la sécurité sociale.

3. -L'assurance de groupe est un contrat ou un ensemble de contrats d'assurances sur la vie souscrit par l'employeur (ou par une pluralité d'employeurs) au profit des membres duper­sonnel ou de leurs ayan'ts droit (1). L'assurance de groupe est 'financée par des allocations prises en charge par l'employeur(« cotisations patronales») et des·cotisations retenues sur les rémunérations des membres du personnel affi­liés ( « cotisations personnelles » )_.

Le Fonds de pension est une institution privée de prévoyance constituée au sein de l'entre­prise (fonds non autonomes) ou en dehors de l'entreprise (fonds autonomes, généralement constitué sous forme d'a.s.b.l.) poursuivant le même but que l'assurance de groupe (2). Pour

(1) Bruno Riche!,« L'assurance de groupe et l'assu­rance dirigeant d'entreprise», Fiscalité de l'assu­rance-vie, Bruylant, 1990, 2e éd., p. 113. (2) Circ. 4 févr. 1987, n° Ci.RH.243/376.395, consa­crée à 1' assurance de groupe et aux fonds de pension, B.C., n° 659, p. 575.

1 ISSN 0021-812X 1

SOMMAIRE

1 La loi du 28 décembre 1gg2 modifiant le Code des impôts sur les revenus, par Th. Mschrift et A. Rayet . . . . . . . 485

. 1 Débats succincts - Article 735 nouvéau du Code judiciaire- Cause complexe (Civ. Bruxelles, 3e ch., 10 mars 1gg3) 503

1 Débats succincts - Article 735 nouveau du Code judiciaire ~ Notion (Civ. Bruxelles, 3e ch., 18 février 1gg3) 503

1 Mise en état - Degré d'appel - Article 7 4 7, § 2, du Code judiciaire - Fixation pour plaidoiries - Délais pour conclure (Br.uxelles, ge ch., 26 mars 1gg3) . . . . 503

1 Loi du 3 août 1gg2 modifiant le Code judiciaire -Article 747, § 2 -Application immédiate - Délai pour conclure (Bruxelles, ge ch., 16 février 1gg3) ... 503

1 Mise en état - Article 7 4 7, § 2, du Code judiciaire - Conclusions (Civ. Bruxelles, 15e ch., 8 avri11gg3) 504

1 Requête unilatérale- Article 745quater du Code civil- Mise en état- Article 747, § 2, du Code judiciaire - Inapplicable (Civ. Bruxelles, req. un., 2 avril 1gg3) 504

· 1 Mise en état- Article 747, § 2, du Code judiciaire·- Urgence - Mfaire complexe -Négociations en cours - Requête non fondée (Civ. Bruxelles, 3e ch., 31 mars 1gg3) 504

1 Mise en état- Article 747, § 2, du Code judiciaire - Date des plaidoiries (Civ. Bruxelles, 3e ch., 31 mars 1gg3) 505

1 Mise en état- Procédure d'appel- Article 7 4 7, § 2, du Code judiciaire (Civ. Bruxelles, 1re ch., 3 mars 1gg3, note) .......................•... 505

1 Mise en état - Référé - Article 7 4 7, § 2, du Code judiciaire - Non applicable (Civ. Bruxellès, réf., ch. du cons., 26 février 1gg3) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 505

1 Mise en état- Article 748, § 2, du Code judiciaire- Dépôt d'une pièce nouvelle­Dépôt - Conclusions additionnelles -Demande irrecevable (Civ. Bruxelles, 1ge ch., 2 avri11gg3) 506

1 · ChtÇlnique judiciaire : La vie du Palais -Les deuils judiciaires - Bibliographie.

ournal des .ribunaux

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pouvoir bénéficier dès avantages fiscaux prévus par la loi (que nous décrirons ci-des­sous), les fonds de pension doivent satisfaire aux prescriptions de la réglementation de l'as­surance sur la vie (3).

En règle générale, le régime fiscal de l'assu­rance de groupe s'applique de la même manière aux fonds de pension. Nous les étudierons dès lors simultanément, en attirant toutefois l'atten­tion du lecteur sur quelques regles spécifiques aux fonds de pension.

4.-L'assurance-vie individuelle est un con­trat d'assurance que souscrit un contribuable, à titre individuel, avec une compagnie d'assu­rances en vue de constituer une pension, soit à son profit, en cas de vie, à un moment déter­miné, soit, en cas de décès, au profit de ses ayants droit (4).

5. -L'« épargne-logement » vise les primes d'assurance-vie individuelle qui sont ·affectées à la reconstitution ou à la garantie d'un emprunt hypothécaire, et les annuités d'amortissement d'un emprunt hypothécaire assorti d'une assu­rance de solde restant dû. L'assurance du solde restant dû est une assurance temporaire dont le capital assuré décroît d'année en année de ma­.nière à garantir à' tout moment, dans un prêt remboursable, le paiement du solde restant dû par l'emprunteur assuré si celui-ci vient à décé­der.

6.- Quant à l'épargne-pension, il s'agit d'un régime d'épargne instauré par l'arrêté royal du 22 décembre 1986 (5), inséré dans l'ancien Code des impôts sur les revenus ( 6), ayant es­sentiellement comme objectif d'injecter sur les marchés financiers des capitaux destinés au fi­nancement des entreprises belges (7). C'est pourquoi les fonds récoltés dans le cadre de l'épargne-pension doivent obligatoirement être affectés à l'acquisition d'actions ou d'obliga­tions de sociétés belges, d'obligations émises par les pouvoirs publics belges, de certificats immobiliers ou à des prêts hypothécaires rela­tifs à des immeubles situés en Belgique (8). L'épargne-pension revêt la forme soit d'une assurance-épargne, contractée avec une compa­gnie d'assurances, soit d'un compte-épargne, collectif ou individuel, ouvert auprès d'un or­ganisme bancaire. Avant la loi du 28 décembre 1992, l'épargne-pension faisait l'objet des arti­cles 117 à 125 du Code des impôts sur les revenus 1992, au titre des« Dépenses déducti­bles» de l'ensemble des revenus.

7. - Enfin, depuis la loi de réforme fiscale du 7 décembre 1988, le contribuable qui souscrit des actions ou parts de la société qui l'emploie (ou d'une société du même groupe) peut déduire de ses revenus professionnels les sommes consa-

(3) Arrêtés royaux des 14 et 15 mai 1985 publiés au Moniteur belge du 7 juin 1985.

(4) Sur la notion de contrat d'assurance-vie: Van Ryn et Heenen, Principes de droit commercial, t. IV, 2538. (5) M.B., 1er janv. 1987.

( 6) Anciens articles 32bis, al. 1er, 2° et 3°, 72 et 93, § 1er, 2°, i, du C.I.R.

(7) Circ. n° Ci.RH.26/389.287, du 19 avril 1988, · B.C., n° 673, pp. 933 et s.

'(8) Circ. précitée du 19 avril 1988, op. cit., pp. 945 et s.

·ouro al des··._.ribunaux

crées à cette souscription (9). Cet incitant fiscal surnommé « Monory bis» s'inspire de la dé­duction dite « Monory », qui permit à l'épar­gnant de déduire de son revenu taxable le prix d'achat de titres belges ou de fonds communs de placements belges agréés (10).

8.- Tous ces instruments de l'épargne à long terme bénéficient d'incitants fiscaux. La loi fis­cale encourage, en effet, l'épargne individuelle en vue de faire face aux problèmes auxquels les pensions légales seront confrontées au début du siècle prochain.

Dans le régime antérieur à la loi du 28 décem­bre 1992, les primes, cotisations et versements effectués en vue de se constituer une épargne sont, en principe, déductibles des revenus pro­fessionnels. Ces dépenses, qui, a priori, ne sont pas des «dépenses professionnelles», y sont néanmoins assimilées, par une sorte de faveur légale. En contrepartie, lors de la perception ultérieure des revenus de l'épargne, ceux-ci sont considérés comme des revenus profession­nels et imposés, en principe, à l'impôt des per­sonnes physiques, à titre de «pension.». Selon les cas, le taux d'imposition est soit un taux distinct de 16,5 %, soit le taux de l'impôt pro­gressif.

Tel est, en tout cas, le régime antérieur à la loi du 28 décembre 1992.

9.- Après de nombreux mois de concertation avec les secteurs concernés, la loi du 28 décem­bre 1992 a apporté au régime de 1' épargne à long terme d'importantes modifications, tant en matière d'impôt direct qu'en matière d'impôt indirect. Ces deux modes d'imposition étant étroitement liés dans la nouvelle législation, nous les étudierons simultanément.

10.- La loi du 28 décembre 1992 modifie fondamentalement les grands principes du ré­gime antérieur. D'une part, les dépenses de 1 'épargne à long terme ne sont plus considérées comme des dépenses professionnelles déducti­bles mais sont soumises à un régime de réduc­tion d'impôt. D'autre part, les revenus de 1 'épargne ne sont plus soumis, en principe, à un impôt direct mais à un impôt indirect, la nou­velle taxe « anticipative » sur l'épargne à long terme.

Ces modifications auront également des consé­quences pratiques. Dans le régime antérieur, l'épargnant qui déduisait ses dépenses réalisait une économie d'impôt au taux marginal, pou­vant atteindre au maximum 55%. Dans le ré­gime nouveau, l'économie d'impôt est limitée à 40% mais ne pourra pas être inférieure à 30 %. En contrepartie, les revenus de l'épargne sont désormais soumis. à une taxation indirecte, li­mitée, en principe, à 10 ou 16,5 %.

· 11. - Ces nouvelles règles sont le résultat de longues négociations avec les milieux con­cernés. L'idée de base du gouvernement était de« défiscaliser» l'épargne à long terme: pas d'avantages fiscaux pendant la constitution de cette épargne et donc pas d'imposition lors de la perception des revenus. Ce principe ne pou-

(9) Art. 13, § 3, de la loi du 7 décembre 1988, dont les règles sont contenues aux articles 81, 3° et 85 anciens du C.I.R. 1992.

(10) Arrêté royal n° 15 du 9 mars 1982 venu à expira­tion le 31 décembre 1985.

vait toutefois être accepté dans les milieux pro­fessionnels de 1' épargne, dans la mesure où la déductibilité des dépenses est le principal argu­ment de vente. Pour les mêmes raisons, l'idée d'une réduction d'impôt fixée au taux unique de 30 % dut être abandonnée, l'uniformisation des avantages risquant de désintéresser le pu­blic. Il fallut donc trouver des compromis. Le résultat se trouve dans la loi du 28 décembre 1992.

12. - Nous commencerons par rappeler 1' es­sentiel du régime fiscal antérieur de 1 'épargne à long terme qui, compte tenu du régime transi­toire complexe et des règles d'entrée en vigueur de la loi du 28 décembre 1992, connaîtra encore de nombreuses applications à l'avenir. Nous tenterons ensuite de décrire le nouveau régime d'imposition de 1' épargne à long terme, tel qu'il résulte de la loi du 28 décembre 1992.

2. -Le régime antérieur à la loi du 28 décembre 1992

a) Déductibilité des dépenses

1) Cotisations personnelles de l'assurance­groupe.

13.- Les cotisations personnelles d'assurance complémentaire contre la vieillesse et le décès prématuré versées à l'intervention de l'em­ployeur par voie de retenue sur les rémunéra­tions, sont déductibles des revenus profession­nels du contribuable à titre de frais professionnels (11). Les cotisations patronales sont également déductibles des revenus de l'employeur au même titre que les rémunéra­tions des membres du personnel (12).

La déduction des cotisations personnelles est accordée à condition que les cotisations soient versées à titre définitif (c'est-à-dire qu'elles ne puissent être récupérées que sous forme de prestations d'assurance) à une société d'assu­rances ou à un fonds de pension établi en Bel­gique et que les prestations en cas de retraite, tant légales qu'extra-légales, exprimées en rentes annuelles, ne dépassent pas 80 % de la dernière rémunération brute annuelle normale (13).

Ce régime de déduction est obligatoire (14). Nous y reviendrons à l'occasion de l'examen du régime de taxation des prestations de l'assu­rance-groupe.

2) Primes d'assurance-vie individuelle.

14.- Les cotisations d'assurance complémen­taire contre la vieillesse et le décès prématuré que le contribuable a payées pour se constituer une rente ou un capital en cas de vie ou en cas de décès, en exécution d'un contrat d'assu­rance-vie conclu individuellement, sont déduc­tibles de ses revenus professionnels autres que les revenus soumis à un régime d'imposition distincte (15).

(!1) Art. 52, 9° ancien, du C.I.R. 1992.

(12) Art. 52, 3° ancien, du C.I.R. 1992.

(13) Art. 59 ancien, du C.I.R. 1~92.

(14) Art. 39, 2° ancien, du C.I.R. 1992, a contrario; contra: Richel, op. cit., p. 127.

(15) Art. 81, 1° ancien, du C.I.R. 1992.

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Cette déduction est accordée à la condition que les cotisations soient versées à titre définitif à un assureur agréé en Belgique, que le contrat · d'assurance soit souscrit par le contribuable s'assurant exclusivement sur sa tête, avant 65 ou 60 ans suivant qu'il s'agit d'un homme ou d'une femme, que le contrat soit conclu pour une durée minimum de dix ans (16) et que les avantages du contrat soient stipulés, en cas. de vie,· au profit du contribuable, à partir de 1' âge de 65 ou 60 ans suivant qu'il s'agit d'unhomme ou d'une femme et, en cas de décès, au profit de son conjoint ou de ses parents jusqu'au deuxième degré (17).

Cette déduction n'est accordée qu'à concur­rence de 15 % de la première tranche dy 50.000 F des revenus professionnels et de 6 % du surplus, la déduction totale ne pouvant tou­tefois être supérieure à 60,.000 F (18).

Ce régime est facultatif: si le contribuable ne prétend pas bénéficier de la déduction, les re­venus de son épargne seront ultérieurement exonérés (19).

3) Amortissements de capital d'emprunt hypo-thécaire. ·

15.- Les sommes qu'un contribuable affecte à l'amortissement ou à la reconstitution d'un emprunt hypothécaire, contracté · pour cons­truire, acquérir ou transformer une habitation située en Belgique et garanti par une assurance solde restant dû, sont déductibles de ses re­venus professionnels autres que les revenus soumis à un régime d'imposition distincte (20).

Cette déduction est accordée à condition que le contrat d'emprunt et le contrat d'assurance aient une durée minimum de dix ans, qu'à la conclusion du contrat d'assurance, les capitaux assurés correspondront au moins aux capitaux empruntés et que les avantages du contrat _ soient stipulés au profit du créancier, du con­joint ou des parents jusqu'au deuxième degré du contribuable (21 ).

16. -Des conditions particulières sont, en ou­tre, prévues en ce qui concerne l'habitation. Jusqu'à l'exercice d'imposition 1989, la dis­tinction doit être faite entre les habitations so­ciales ou les petites propriétés terriennes, les habitations moyennes et les autres habitations. Lorsqu'il s'agit d'une habitation sociale ou d'une petite propriété terrienne (22), 1:entièreté du cap~tal emprunté est pris en considération pour le calcul des déductions, pour autant que l'habitation ne dépasse pas un montant fixé par la loi, majoré selon le nombre d'enfants à charge (23).

Lorsqu'il s'agit d'une habitation moyenne (24), le capital emprunté pris en considération pour les déductions est limité à deux millions de

(16) Art. 82, 1° ancien, du C.I.R. 1992. (17) Art. 82, 2° ancien, du C.I.R 1992. (18) Art. 84, § 1er ancien, du C.I.R. 1992. (19) Art. 39, du C.I.R. 1992. (20) Art. 81, 2° ancien, du C.I.R. (21) Art. 83 ancien, du C.I.R. 1992. (22) Sur ces notions, voy. Claude Devoet, « L'assu­rance individuelle», Fiscalité de l'assurance-vie, Bruylant, 1990, pp. 65 et 66. (23) Devoet, op. cit., pp. 66 et 67. (24) Sur cette notion, voy. Devoet, op. cit., p. 67.

francs, pour autant que l'habitation soit neuve et que le contrat d'assurance solde restant dû ait été conclu après le 31 avril 1986. Dans les autres cas, le capital emprunté est pris en consi­dération à concurrence de 400.000 F.

Aucune déduction n'est, en r~vanche, autori-

Comme en matière d'assurance-vie indivi­duelle, ce régime est facultatif (29).

Précisons enfin que la déduction pour épargne­pet;tsion ne peut être cumulée avec la déduction du prix d'achat d'actions de l'employeur (30).

sée, jusqu'à l'exercice 1989, lorsque l'immeu-, 5) Prix d'acquisition d'actions émises par ble n'est ni une habitation sociale, ni une petite l'êmployeur. propriété terrienne, ni une habitation moyenne. 1

17. - A partie de 1' exercice d'imposition 1990, la déduction peut être obtenue par le contribuable, quelle que soit la valeur d,e l'habi­tation. Toutefois, les sommes affectées à l'amortissement ou à la reconstitution de l'em­prunt ne peuvent être prises en considération pour la déduction que dans la mesure où elles concernent la première tranche de 2.000.000 F du montant initial de l'emprunt. S'il s'agit d'une habitation qui bénéficie de la déduction pour habitation conformément à l'article 16 du C.I.R. 1992, cette tranche est majorée de 5, 10, 20 ou 30 %, selon que le contribuable a 1, 2, 3 ou plus de trois enfants à sa charge.

18. - Ce régime de déduction est facultatif dans la mesure où le contribuable peut ne pas le revendiquer. Il sera alors exonéré de tout impôt lors de la perception des prestations de l'assu­rance solde restant dû.

Comme en matière d'assurance-vie indivi­duelle, la déduction n'est accordée qu'à con­currence de 15 % de la première tranche de 50.000 F des revenus professionnels et de 6 % du surplus, la déduction totale ne pouvant tou­tefois être supérieure à 60.000 F (25).

4) Paiements effectués dans le cadre de r épar­gne-pension.

19.- Les montants payés dans le cadre de l'épargne-pension peuvent être déduits de l'en­semble des revenus nets du contribuable (26). Il s'agit des montants qui sont payés à titre défini­tif en Belgique soit pour la constitution d'un compte-épargne collectif, soit pour la constitu­tion d'un compte-épargne individuel, soit à titre de primes d'une assurance-épargne.

Cette déduction est accordée à condition que le compte-épargne collectif ou individuel soit ou­vert ou l'assurance-épargne souscrite, par un habitant du Royaume, âgé de 18 à 65 ans, pour une durée d'au moins dix ans, que les avantages soient stipulés au moment de la souscription du contrat, en cas de vie, au profit du contribuable lui-même et, en cas de décès, au profit de son conjoint ou de ses parents jusqu'au deuxième degré, et que le contribuable produise à l'appui de sa déclaration une attestation du modèle ar­rêté par le ministre des Finances ou son délégué (27). .

Le montant de la déduction est limité à 20.000 F par période imposable, chaque con­joint ayant droit à la déduction s'il est person­nellement titulaire d'un compte-épargne ou d'une assurance-épargne. Ce montant peut tou­tefois être augmenté par arrêté royal délibéré en conseil des ministres jusqu'à 40.000 F maxi­mum(28).

(25) Art. 84, § 1er ancien, du C.I.R. 1992. (26) Art. 104, 10°, et 117 anciens, du C.I.R. 1992. (il) .Art. 118 ancien, du C.I.R. 1992. (28) Art.l17 ancien, du C.I.R. 1992.

20.- Les sommes qu'un contrib~able affecte à la libération en numéraire d'actions ou parts représentant une fraction du capital social de la société résidente dont le contribuable est le tra­vailleur, sont déductibles de ses revenus profes­sionnels autres que les revenus soumis à un régime d'imposition distincte (31).

Cette déduction est li~itée à 20.000 F par pé­riode imposable, le Roi pouvant, par arrêté déli­béré en conseil des ministres, augmenter ce montant jusqu'à 40.000 F maximum (32).

La déduction n'est accordée qu'à condition que le contribuable produise, à l'appui de sa décla­ration, les documents faisant apparaître qu'il a acquis les titres et qu'ils sont encore en sa possession à la fin de la période imposable.

Par ailleurs, le maintien de la déduction est subordonné à la condition que le contribuable produise· à 1' appui de ses déclarations des cinq périodes imposables suivantes, la preuve qu~il est toujours en possession de ses actions ou de ses parts (33).

Rappelons enfin que le contribuable ne peut prétendre à cette déduction s'il a déjà pratiqué des déductions dans le c~dre âe l'épargne-pen­sion au cours de la même période imposable (34).

b) Taxation des prestations à l'impôt des personnes physiques/

1) Les prestations de l'assurance-groupe.

21. ___;Les prestations. d'une· assurance de groupe ou d'un fonds de pension sont des re­venus professionnels taxables à titre de pension (35).

22. - Nous avons vu précédemment que la dé­duction des cotisations personnelles était obli­gatoire, contrairement au régime 'de l'assu­rance-vie individuelle ou de l'épargne-pension. La loi exonère, en effet, les « pension~, rentes, capitaux, ép~rgnes et valeurs de rachat » dans l'éventualité où ils résultent de contrats d'assu­rance-vie individuelle pour lesquels « aucune déduction prévue à l'article 81, 1° et 2°, n'a été accordée» (36).

Or, l'article 81, 1° et 2°, vise uniquement l'as­surance-vie individuelle et l'assurance-loge­ment. On en déduit habituellement que les pres­tations de l'assuranc~-groupe ne peuvent jamais être exonérées et que la déduction des

(29) Art. 39, 3° ancien, du C.I.R. 1992. (30) Art. 85, § 2 et 123 anciens, du C.I.R. (31) Art. 81, 3° ancien, du C.I.R. 1992. (32) Art. 85, § 1er ancien, du C.I.R. 1992. (33) Art. 85,,§ 3 ancien, du C.I.R. 1992. (34) Art. 85, § 2 et 123, du C.I.R. 1992. (35) Art. 34, § 1er, 2° ancien, du C.I.R. 1992. (36) Art. 39, 2°, a, du C.I.R. 1992.

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cotisations est, par voie de conséquence, obli­gatoire (37).

23. - Lorsque la liquidation a lieu sous forme de rente, celle-ci est imposée globalement, avec

. les autres revenus, à titre de pension (38), le précompte professionnel étant retenu à la source. Si la liquidation s'effectue au contraire en capital, celui-ci fait l'oqjet d'une taxation distincte au taux de 16,5% (39), à condition que la liquidation ait lieu au plus tôt à l'expira­tion normale du contrat, au décès de l'assuré, à l'occasion de sa: mise à la retraite, à l'occasion de sa mise à la prépension, au cours d'une des cinq années qui précèdent 1' expiration normale du contrat ou à l'âge« normal» de la cessation complète et définitive de l'activité profession­nelle de salarié ( 40) précité. Lorsque les presta­tions sont effectuées à un autre moment, le capital alloué est imposable globalement avec les autres revenus.

Les mêmes conditions sont applicables aux fonds de pension, sous réserve que la loi ne fait pas référence, à leurs propos, à la date d'expira­tion normale du contrat, cette notion étant étfangère aux fonds de pension ( 41 ).

Le précompte professionnel exigible s'élève à 16,5 % du montant alloué, sous déduction des participations bénéficiaires et de la cotisation I.N.A.M.I. ( 42).

24.- Notons enfin que les capitaux d'assu­rance-groupe liquidés avant le 1er janvier 1985 qui auraient pu bénéficier de ce régime d'impo­sition distincte s'ils avaient été liquidés après cette date, ne sont plus imposables suivant le régime antérieur (en vertu duquel le capital était converti en rentes fictives), que pendant dix ou treize périodes imposables successives, selon que la rente de conversion s'élève à 5% ou est inférièure à 5 % ( 43). ·

2) Les liquidations d'un contrat d'assurance­vie individuelle.

25.- Les prestations effectuées en vertu d'un contrat d'assurance-vie individuelle sont des -revenus professionnels, imposables à titre de pension (44) pour autant que les primes aient été effectivement déduites des revenus profes­sionnels, ne fût-ce qu'une seule fois (45).

26. - Lorsque la prestation a lieu sous forme de rente, celle-ci est imposable globalement avec les autres revenus ( 46) et un précompte professionnel est retenu à la source par l'assu­reur.

(37) Circ. du 10 janvier 1989, n° CiRH.241/403.023, B.C., n° 680, pp. 304 et s.; voy., dans un sens plus critique; Richel, op. cit., p. 127. (38) Art. 34, § 1er, 2° ancien, du C.I.R. 1992. (39) Art. 171, 4°, f et g ancien, du C.I.R. 1992. (40) Art.171, 4°,/ (41) Art.171, 4°, g ancien, précité; voy. Richel, op. cit., p. 139. (42) Richel, op. cit., p. 131. (43) Art. 328 de la loi du 22 décembre 1989. (44) Art. 34, §1er, 2° ancien, du C.I.R. 1992. (45) Coppens et Bailleux, Droit fiscal, t. 1er, « L'im.,. pôt des personnes physiques», 1992, p. 169, note (1); Comm. I.R., n° 32bis/22 et 32bis/29. ( 46) Art. 34, § 1er, 2° ancien, précité.

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Avant la loi du 28 juillet 1992, lorsque la pres­tation s'effectuait sous forme d'un capital, ce­lui-ci était fictivement converti en rente, pour éviter la globalisation du capital avec les autres revenus et imposer de la même manière les revenus de l'assurance-vie sous forme de capi­tal et sous forme de rente ( 4 7).

La loi du 28 juillet 1992, modifiant les articles 169 et 171 du Code des impôts sur les revenus 1992, a toutefois soumis les capitaux d'assu­rance-vie individuelle au même régime que les prestations effectuées dans le cadre d'une assu­rance-groupe, d'un fonds de pension ou de l'épargne-pension, en y appliquant un taux d'imposition distincte de 16,5 %, pour autant que cette assurance-vie individuelle ne serve pas à rembourser un emprunt hypothécaire ni à garantir un tel emprunt (48).

Restent donc soumis au régime de la rente fic­tive, les capitaux (et valeurs de rachat) des con­trats d'assurance-vie individuelle dans la me­sure où ils 'servent à 1' amortissement, à la reconstitution ou à la garantie d'un tel emprunt (49).

Cette imposition n'a lieu que pendant dix ou treize périodes imposables consécutives (50), par analogie avec le régime des capitaux d'as­surance de groupe liquidés avant le 1er janvier 1985 (voy. supra).

27.- L'application du taux d'imposition dis­tincte de 16,5% est toutefois soumis à la condi­tion que les capitaux de l'assurance-vie indivi­duelle soient liquidés au plus tôt à l'expiration normale du contrat, au cours d'une des cinq années qui précèdent cette date ou au décès de l'assuré (51). Si les prestations sont effectuées à un autre moment, le capital alloué est imposa­ble globalement avec les autres revenus.

Un précompte professionnel de 16,5% est re­tenu à la source.

Enfin, les prestations de l'assurance-vie indivi­duelle sont bien entendu exonérées dans l'hy­pothèse où les primes n'ont pas été déduites des revenus professionnels (52).

3) Les liquidations de l'épargne-logement.

28. - Le capital décès ou la valeur de rachat du contrat d'assurance solde restant dû sont impo­sables à titre de pension lorsque le contribuable a déduit de ses revenus professionnels les som­mes affectées au remboursement de l'emprunt hypothécaire.

L'administration considère toutefois que ces capitaux doivent être imposés du seul fait de la déduction des annuités du prêt garanti par 1' as­surance, même si le contribuable n'a pas obtenu la déduction de la prime d'assurance (53).

(47) Art. 169 ancien, du C.I.R. 1992; ancien art. 92 du C.I.R.; Coppens et Bailleux, op. cit., p. 326. (48) Art.171, 4°, J, bis ancien, du C.I.R. 1992. (49) Art. 169, §1er ancien, du C.I.R. 1992, tel que modifié par l'art. 14 de la loi du 28 juillet 1992. (50) Art. 169, § 2, du C.I.R. 1992 tel que modifié par la loi du 28 juillet 1992. (51) Art. 171, 4°, f (52) Art. 39, 2°, a ancien, du C.I.R. 1992. (53) Question parlementaire n° 189 du 20 mars 1980 du représentant Evers, B.C., 1980, p. 973; contra, Claude D~voet, «L'assurance individuelle», Fisca­lité de l'assurance-vie, Bruylant, 1990, p. 79.

En revanche, les prestations de l'assurance solde restant dû sont exonérées lorsque la dé­duction des sommes affectées à l'amortisse­ment ou à la reconstitution de l'emprunt hypo­thécaire a été accordée (54).

Pour leur imposition, les capitaux sont fictive-. ment convertis en rentes viagères, imposées

cumulativement avec les autres revenus, et ce pendant dix ou treize périodes imposables suc­cessives selon que le taux de conversion s'élève à 5 % ou est inférieur à 5 % (55).

4) Les revenus d~ l'épargne-pension.

29.- Les revenus de l'épargne-pension sont des revenus professionnels imposables à titre de pension (56) pour autant que la déduction des versements sur un compte-épargne ou dans le cadre d'un contrat d'assurance-épargne ait · été obtenue, ne fût-ce que partiellement, pour un seul versement (57).

Les revenus de l'épargne-pension comprennent l'épargne placée sur un compte-épargne collec­tif ou individuel ainsi que ~es pensions, rentes, capitaux et valeurs de rachat d'une assurance­épargne.

30. -:- Certains « transferts » sont également­assimilés à des paiements : le transfert partiel des avoirs des comptes épargne ou des réserves techniques des assurances-épargne, le transfert total des avoirs d'un compte-épargne indivi­duel ou collectif à une assurance-épargne et le transfert total des réserves techniques relatives à une assurance-épargne à un compte-épargne individuel ou collectif (58).

Ne sont toutefois pas assimilés à, un paiement et ne donnent donc pas lieu à taxation, les trans­ferts totaux d'un compte-épargne collectif ou­vert auprès d'une entreprise déterminée à un compte-épargne collectif ou individuel ouvert auprès d'une autre entreprise, le transfert total d'un compte-épargne individuel ouvert auprès d'une entreprise déterminée à un compte-épar­gne individuel ou collectif ouvert auprès d'une autre entreprise et le transfert d'une assurance­épargne souscrite auprès d'une entreprise dé­terminée à une assurance-épargne souscrite au­près d'une autre entreprise (59).

31.- Les revenus de l'épargne-pension sont imposables distinctement, au taux de 16,5 %, à condition qu'ils soient liquidés au bénéficiaire au plus tôt à l'âge de 65 ans, à l'occasion de sa mise à la retraite à la date normale ou au cours d'une des cinq années qui précèdent cette date, à 1' occasion de sa mise à la prépension, ou à 1' occasion du décès de la personne dont il est l'ayant cause (60). Lorsque les prestations sont effectuées à un autre moment, le capital alloué est imposable globalement, avec les autres re­venus.

(54) Art. 39, 2°, a ancien, du C.I.R. 1992. (55) Art. 169, § 2 ancien, du C.I.R. 1992, tel que modifié par la loi du 28 juillet 1992. (56) Art. 34, § 1er, 3° ancien, du C.I.R. 1992. (57) Circ. du 19 avril 1988, n° Ci.R.H. 26/389.287, B.C., n° 673, p. 963. (58) Art. 34, § 2, 3° ancien, du C.I.R. 1992. (59) Circ. précitée du 19 avril1988, p. 964. (60) Art. 171, 4°, i ancien, du C.I.R. 1992.

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En outre, pour bénéficier du taux de 16,5 %, le contribuable doit avoir effectué des versements à l'épargne-pension pendant au moins cinq pé­riodes imposables (61).

32. -La loi contient également . une règle « anti évasion», propre à l'épargne-pension, consistant à présumer que l'épargne, les capi­taux et les valeurs de rachat sont liquidés le dernier jour de l'exercice de l'activité profes­sionnelle en Belgique lorsque.le bénéficiaire a transféré son domicile ou le siège de sa fortune à l'étranger (62). Cette fiction était toutefois inefficace lorsque le contribuable quittait la Belgique avant de cesser son activité profes­sionnelle. Pour échapper à l'imposition, il suffi­sait, par conséquent, de s'établir d'abord à 1' étranger et de cesser ensuite son activité pro­fessionnelle.

33.- Précisons encore que lorsque l'épargne a été constituée sur un compte-épargne ouvert auprès d'une banque, la base imposable est fixée, fictivement, au montant correspondant à la capitalisation, au taux de 6,25% l'an, du montant total des sommes nettes prises en con­sidération pour la déduction (63).

Enfin, lorsque les versements effectués dans le cadre de 1' épargne-pension n'ont pu être dé­duits de l'ensemble des revenus nets, les re­venus de l'épargne-pension sont, bien entendu, exonérés d'impôt (64).

c) Taxation indirecte

1) Taxe annuelle sur les contrats d'assurance.

34.- Le Code des taxes assimilées au timbre soumet à une taxe de 4,4% les contrats d'assu­rance-vie et les contrats de rentes viagères ou temporaires passés avec une compagnie d'assu­rances (65). Pour les autres contrats d'assu­rance, le taux de la taxe est de 9,25% (66).

35. - Cette taxe est exigible lorsque le contrat est conclu auprès d'un assureur ayant en Bel-

-gique son principal établissement, une agence, une succursale, un représentant ou un siège quelconque d'opération, ou lorsque le contrat est souscrit à l'étranger, par un assuré qui a en Belgique son domicile ou sa résidence habi­tuelle (67). Les fonds de pension n'étant pas des« entreprises d'assurances», ils ne sont pas soumis à cette taxe.

2) Taxe sur les participations bénéficiaires.

36.- L'article 183bis du Code des taxes assi­milées au timbre assujettit à une taxe annuelle les sommes réparties à titre de participations bénéficiaires, afférentes aux assurances sur la vie et aux contrats de rentes viagères ou tempo­raires y assimilés conclus avec un professionnel

(61) Art. 174, al. 1er, 3° ancien, du C.I.R. 1992. (62) Art. 174, al. 2 ancien, du C.I.R. 1992. (63) Art. 34, § 3 ancien, du C.I.R.1992; sur la justifi­cation de ce taux, voy. Coppens et Bailleux, op. cit., p.173.

(64) Art. 39, 3°, du C.I.R. 1992. (65) Art. 172 et 175, al. 2 anciens, du Code des taxes assimilées au timbre. (66) Art. 174, al. 1er ancien, du Code.

(67) Art. 173, 174 et 1751, du Code des taxes assimi­lées au timbre.

de l'assurance établi en Belgique ou qui y a un siège quelconque d'opération. Le taux de cette taxe est de 9,25 %.

3.-Le nouveau régime de la loi du 28 décembre 1992

a) Réduction d'impôt sur les dépenses

1) Réduction ordinaire.

37.- La loi du 28 décembre 1992 introduit dans le chapitre du Code des impôts sur les revenus 1992 consacré au calcul de l'impôt des personnes physiques, une nouvelle sous-sec­tion 2bis intitulée « réduction pour épargne à long terme>>, contenant les nouveaux arti­cles 1451 à 14516.

Il est désormais accordé une réduction d'impôt sur les cinq catégories de dépenses qui témoi­gnent d'une épargne à long terme: les cotisa­tions personnelles d'assurance complémentaire contre la vieillesse et le décès prématuré ( assu­rance-groupe ou fonds de pension), les primes d'assurance-vie individuelles, l'amortissement ou la reconstitution d'emprunts hypothécaires, 1' acquisition d'actions de 1' employeur et les paiements pour épargne-pension (68).

Selon l'exposé des motifs, ce régime de réduc­tion d'impôt est plus équitable que le régime antérieur de la déduction dans lequel l'avantage fiscal croît avec le niveau des revenus ( 69).

38. -Parallèlement, la loi du 28 décembre 1992 abroge toutes les dispositions du Code relatives à la déduction de ces mêmes dépenses (70). Ces dépenses ne sont donc plus considé­rées comme des frais professionnels.

39.- La réduction d'impôt est obtenue par ap­plication d'un «taux moyen spécial», c'est­à-dire le taux moyen d'imposition applicable à l'ensemble des revenus du contribuable soumis au tarif progressif.

Pour calculer ce taux, on ne tient toutefois pas compte des. réductions pour charge de famille, ni des majorations du minimum exempté pour charge familiale, ni des revenus imposés dis­tinctement (71 ). On obtient ainsi un taux moyen plus élevé que le taux moyen ordinaire (72). Ce taux moyen d'imposition ~st calculé séparément pour chaque conjoint, après appli­cation du décumul du revenu professionnel, le

_moins élevé ou du quotient conjugal (73).

Le taux d'imposition ainsi déterminé ne peut être inférieur à 30% ni supérieur à 40% (74).

40.- La réduction d'impôt ordinaire s'appli­que à partir de l'exer-cice d'imposition 1993 (75), sauf pour ce qui concerne les versements

(68) Art. 1451 nouveau, du C.I.R. 1992. ( 69) Doc. par!., Chambre, sess. 1992-1993, n° 717/1, p.26. (70) Art. 52, 9°, 81 à 85, 104, 10°, 117 à 125, etc. (71) Art. 1452 nouveau, du Code 1992. (72) Exposé des motifs, Doc. pari., Chambre, n° 717/1, p. 33. (73) Art. 1452, al. 2. (74) Art. 1452, al. 3 nouveau, du C.I.R. 1992. (75) Art. 101 de la loi.

effectués dans le cadre de 1' assurance de groupe (ou fonds de pension) qui ne sont soumis au nouveau régime qu'à partir de l'exercice d'imposition 1994.

41.- Les limites et conditions auxquelles les dépenses doivent répondre pour bénéficier de cette réduction d'impôt sont les mêmes que celles auxquelles devaient répondre les mêmes dépenses pour bénéficier de la déduction dans le régime antérieur à la loi du 28 décembre 1992 (76).

Précisons, en ce qui concerne plus particulière­ment les amortissements de capital d'emprunts hypothécaires, que lorsque l'emprunt a été éon­tracté à partir du 1er janvier 1993, seuls les amortissements qui se rapportent à la première tranche de 2.000.000 de F seront donc pris en considération pour la réduction d'impôt ordi­naire.

2) Réduction majorée pour épargne-logement.

42. -La loi introduit dans le chapitre du Code des impôts sur les revenus de 1992 consacré au calcul de l'impôt des personnes physiques une sous-section liter intitulée: «réduction majo­rée pour épargne-logement» contenant les arti­cles 1451 à 14520 nouveaux.

En vertu de ces nouvelles règles, le contribua­ble qui amortit un emprunt hypothécaire ou qui reconstitue au moyen d'une assurance-vie indi­viduelle un tel emprunt, bénéficie d'une réduc­tion d'impôt majorée sur les primes d'assu­rance-vie affectées à l'emprunt ou sur les sommes affectées à 1' amortissement ou à la reconstitution de cet emprunt (77).

Cette réduction majorée est calculée au taux d'imposition le plus élevé (taux marginal) ap­pliqué au contribuable (78), ce qui lui permet, en réalité, d'obtenir le même avantage fiscal que dans le régime antérieur.

43.- La réduction majorée n'est accordée qu'à la condition que l'emprunt soit contracté en vue de l'acquisition de« sa seule habitation en propriété».

La condition d'« habitation unique» s'apprécie au moment de la conclusion de prêt (79). L'ac­quisition ultérieure d'une seconde habitation ne fait donc pas obstacle à la réduction majorée.

Cette notion de «seule habitation» existe déjà en matière d'intérêts hypothécaires: Ceux-ci bénéficient, en effet, d'une déduction complé­mentaire lorsqu'ils se rapportent à la «seule habitation en propriété » du contribuable (80).

44.- En matière d'intérêts hypothécaires, cette notion a fait l'objet d'une circulaire admi- · nistrative, . d'où il résulte, notamment, que l'« habitation» est l'immeuble ou la partie d'immeuble qui, par sa nature, est normalement destinée à être habitée, (telle que, notamment, une maison unifamiliale ou un appartement), que le contribuable qui est propriétaire d'une autre habitation à l'étranger ne peut donc béné­ficier de la déduction complémentaire, mais

(76) Voy. infra, n°s 13 et s. (77) Art. 14517, du C.I.R. 1992. (78) Art. 14518 nouveau, du C.I.R. 1992. (79) Art. 14517 nouveau, du C.I.R. 1992. (80) Art. 115, 1°, du C.I.R. 1992.

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qu'en revanche, la po~session d'un bien immo­bilier non bâti ou d'un immeuble autre qu'une habitation (par ex. : terrains à bâtir, serres, éta­bles, immeubles commerciaux sans partie ré­servée à l'habitation, etc.) ne fait pas obstacle à cette déduction.

Toutes ces précisions peuvent être apportées, par analogie, à la notion d'« unique habitation» en matière de réduction d'impôt majorée.

La circulaire précitée ajoute cependant que la déduction complémentaire ne peut pas être re­fusée lorsque le contribuable« possède en indi­vision, par héritage ou donation entre vifs, un droit . réel (propriété, nue-propriété, usufruit) sur une ou plusieurs autres habitations» (81).

Cette précision nous paraît trop restrictive, dans la mesure où la notion de« seule habitation en propriété » ne vise expressément que le droit de propriété, ce qui exclut nécessairement tous les autres droits réels dont on peut disposer sur un bien immeuble, tel que l'habitation, l' emphy­téose, la superficie, l'usufruit, etc., quel que soit le mode d'acquisition de ce droit.

La réduction d'impôt majorée ne pourrait donc pas être refusée au contribuable qui a une habi­tation en propriété, et qui dispose d'un autre droit réel sur une ou plusieurs autres habita­tions, que ce droit ait été acquis « en indivision, par héritage ou donation entre vifs », ou autre­ment.

45. - Quant aux emprunts qui sont contractés avant le 1er janvier 1993, la réduction d'impôt majorée est accordée même si l'habitation n'est pas l'habitation «unique» du contribuable. Il suffit, en effet, que l'habitation en question soit celle sur laquelle s'applique l'abattement pour maison d'habitation conformément à l'article 16 du Code. Pour ces emprunts également, la réduction d'impôt majorée ne s'applique que dans la mesure où les primes se rapportent à la première tranche de 2.000.000 de F, à majorer éventuellement en fonction du nombre d'en­fants à charge (82).

46. -Précisons encore que si -1 'emprunt a été contracté à partir du 1er janvier 1993, seules les primes afférentes à la première tranche de 2.000.000 de F de l'emprunt, à majorer éven­tuellement en fonction du nombre d'enfants à charge, entrent en ligne de compte pour la ré­duction d'impôt majorée, à l'instar de ce qui est prévu pour la réduction d'impôt ordinaire.

b) Taxation indirecte des prestations

1) La nouvelle taxe anticipative sur l'épargne à long terme.

47.- Le nouveau régime fiscal de l'épargne se caractérise essentiellement par la création d'une taxe« anticipative »,assimilée au timbre en matière d'assurance-vie individuelle et d'épargne-pension. Cette nouvelle taxe antici­pative fait 1 'objet du nouveau titre XIII du Code des taxes assimilées au timbre (83).

(81) Circ. 31 mars 1987, n° Ci.R.H. 26/380.438, B.C., n° 661, pp. 943 et s. (82) Voy., sur ce régime transitoire complexe, art. 100 de la loi du 28 décembre 1992 modifiant l'art. 516 du Code. (83) Art. 117 de la loi du 28 décembre 1992.

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Le principe est que les prestations de 1' épargne à long terme sont soumises à une taxe indirecte lorsque l'épargnant atteint l'âge de 60 ans. Cette taxation indirecte devient ainsi le régime de droit commun de l'épargne à long terme.

Selon le gouvernement, le régime antérieur de l'impôt direct permettait, en effet, au contribua­ble d'échapper à toute imposition en se domici­liant à l'étranger juste avant le versement d'un capital d'épargne important (84).

48.- Cette nouvelle taxe s'applique aux va­leurs de rachat théoriques des contrats d'assu­rance-vie individuelle, lorsque le preneur d'as­surance atteint l'âge de 60 ans, aux pensions, rentes, capitaux ou valeurs de rachat de contrats d'assurance-vie individuelle qui sont payés ou attribués au moment où le preneur d'assurance atteint l'âge de 60 ans, et à l'épargne placée sur un compte-épargne collectif ou individuel lors­que le titulaire atteint l'âge de 60 ans (85).

49. -Ne sont donc pas visées les assurances­dirigeants d'entreprise, les assurances-groupe et les fonds de pension (86). La taxe ne vise pas davantage les prestations d'une assurance-vie ou. d'un compte-épargne liquidées effective­ment avant que l'épargnant n'ait atteint l'âge de 60 ans. Dans ce cas, c'est le régime« subsi­diaire» de l'impôt direct qui s'applique (voy. infra).

En outre, sont exemptés de la taxe, les contrats d'assurance qui prévoient uniquement des avantages en cas de décès, de même que les contrats d'assurance-vie, dans la mesure où ils visent à garantir l'amortissement ou la reconsti­tution d'un emprunt hypothécaire (87). Ces deux catégories de contrats restent donc soumis au régime fiscal applicable en matière d'impôt sur les revenus.

50.- La taxe n'est due que pour autant que 1' épargnant ait bénéficié des réductions, exoné­rations ou déductions en matière d'impôt sur les revenus en vertu des dispositions applica­bles avant ou après la loi du 28 décembre 1992.

51.- Lorsque le contrat d'assurance-vie ou le compte-épargne visé par la nouvelle taxe est conclu ou ouvert par une personne qui a déjà 55 ans, la taxe est exigible, soit dix ans après la date de la conclusion du contrat ou de l' ouver­ture du compte, soit au moment du paiement de la valeur de rachat o:u de 1' épargne, lorsque ce paiement a lieu au moment où l'épargnant at­teint 60 ans, mais avant 1' expiration du délai précité de dix ans (88).

Cette règle particulière est justifiée par le fait que la taxe due pour un contrat conclu peu avant 60 ans serait beaucoup moins importante que pour un contrat ancien (89).

(84) Exposé des motifs, Doc. pari., n° 717/1, p.-30. (85) Art. 184, § 1er nouveau, du Code des taxes assi­milées au timbre.

(86) Exposé des motifs, Doc. pari., n° 717/1, p. 41. (87) Art. 1872 nouveau, du Code des taxes assimilées au timbre.

(88) Art. 184, § 2 nouveau, du Code des taxes assi­milées au timbre. (89) Exposé des motifs, Doc. pari., n° 717/1, p. 42.

52. -Lorsque la taxe est due, aucun pré­compte professionnel ne peut être prélevé. En revanche, lorsque c'est l'impôt des personnes physiques qui est appliqué, le précompte pro­fessionnel doit être retenu comme dans le ré­gime antérieur.

53.- Le taux de la taxe est de 16,5 %pour la partie de la base imposable qui a été consti~uée au moyen de primes, cotisations ou paiements, pour lesquels le contribuable a bénéficié des avantages fiscaux en vertu de dispositions ap­plicables avant l'exercice d'imposition 1993 (90).

Le taux est, en revanche, de 10 %pour la partie de la base imposable qui a été constituée au moyen de primes, cotisations ou paiements, pour lesquels le contribuable a bénéficié de la réduction d'impôt organisée par la loi du 28 décembre 1992 (91).

Le taux de la taxe est donc inférieur dans la mesure où le contribuable a bénéficié d'avan­tages fiscaux également inférieurs.

Il en résulte que lorsque la valeur de rachat théorique d'un contrat d'assurance-vie, ou 1' épargne inscrite sur un compte-épargne, sont constituées au moyen de sommes pour les­quelles le contribuable a bénéficié d'abord du régime fiscal antérieur, et ensuite du nQuveau régime de réduction d'impôt, la taxe sur l'épar­gne à long terme devra être déterminée sur deux montants imposables établis distinctement, à deux taux distincts (92).

54. -Enfin, le taux de la taxe est de 33 % pour les valeurs de rachat et 1' épargne payées ou attribuées à 1' âge de 60 ans dans les conditions fixées à l'article 171, 1°, f et g, du Code des impôts sur les revenus 1992 (93), c'est-à-dire lorsque les liquidations n'ont lieu ni au décès de l'assuré, ni au cours d'une des cinq années qui précèdent l'expiration normale du contrat, ni à l'occasion de la mise à la retraite à la date normale, ni au cours des cinq années qui précè­dent, ni à l'occasion de la mise à la prépension, ni à 1' occasion du décès de la personne dont il est l'ayant cause (94).

55. -La base imposable de la taxe est égale au montant de la valeur de rachat théorique, lorsqu'il s'agit d'un contrat d'assurance qui ne prévoit pas de prestation à 60 ans.

Par<< valeur de rachat théorique», la loi entend la réserve constituée auprès de 1' entreprise_ d'assurances par la capitalisation des primes payées, tenant compte des sommes consom­mées (95).

Lorsque le contrat d'assurance prévoit une prestation à l'âge de 60 ans, la base imposable est égale soit au capital payé ou attribué, soit au capital constitutif de la rente ou de la pension, lorsque la prestation a lieu sous cette forme.

(90) Art. 185, § 1er, 1° nouveau, du Code des taxes assimilées au timbre. · (91) Art. 185, § 2 nouveau, du Code des taxes assi­milées au timbre.

(92) Exposé des motifs, Doc. pari., n° 717/1, p. 42. (93) Tel que modifié par la loi du 28 décembre 1992. (94) Art. 185, § 3 nouveau, du Code des taxes assi­milées au timbre. (95) Art. 186, § 1er, 1° nouveau, du Code des taxes assimilées au timbre.

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Dans ce dernier cas, la pension ou la rente est déterminée au jour où le preneur a 60 ans (96).

Enfin, en ce qui concerne les comptes-épargne, la base imposable est déterminée conformé­ment à l'article 34, § 3, du Code des impôts sur les revenus 1992. Pour les versements effectués avant le 1er janvier 1992, le taux de capitalisa­tion à prendre en considération est de 6,25 %. Pour les versements effectués après, le taux est de 4,75% (97).

56. - Les redevables de la taxe sont les asso­ciations, caisses, sociétés ou entreprises d'assu­rances auprès desquelles le contrat d'assurance est souscrit.

Lorsqu'il s'agit de comptes-épargne, les rede­vables sont les institutions ou entreprises au­près desquelles le compte est ouvert (98).

Ces institutions ont toutefois le droit de préle­ver la taxe sur les valeurs de rachat, pensions, rentes, capitaux ou épargnes visés par la nou­velle taxe (99).

57.- La taxe est payable au plus tard le der­nier jour ouvrable du mois suivant celui au cours duquel s'est produit le fait générateur de la taxe. Un intérêt est dû de plein droit à partir du jour où le paiement aurait dû être fait (100).

58. - Il résulte des travaux préparatoires de la loi que ce régime de prélèvement anticipatif est définitif, en ce sens qu'il exclut toute imposi­tion ultérieure (101).

Or, aux termes du nouvel article 39, 4°, du Code des impôts sur les revenus 1992, les pen­sions, rentes, capitaux, épargne et valeurs de rachat sont exonérés «dans l'éventualité et dans la mesure où ils ont été soumis à une taxe sur 1' épargne à long terme visée au titre XIII du Code des taxes assimilées au timbre».

Il semble donc résulter de ce texte que les pres­tations d'assurance devront encore être sou­mises à l'impôt des personnes physiques, même si la taxe anticipative a été perçue à l'âge de 60 ans, dans la mesure où ces prestations ont été constituées au moyen de primes, cotisations ou versements effectués après 1 'âge de 60 ans et ayant bénéficié de la déduction ou de la réduc­tion d'impôts.

Cette conclusion est radicalement opposée à l'intention exprimée par le législateur. En effet, selon 1' exposé des motifs, « le gouvernement propose de remplacer la perception d'un impôt direct, à l'échéance, par une taxe indirecte per­çue au moment où l'épargnant atteint l'âge de 60 ans. Ce prélèvement anticipatif sera défini­tif, plus aucun impôt ne sera réclamé lors de la perception des prestations» (102).

(96) Art. 186, § 1er, 2° nouveau, du Câde des taxes assimilées au timbre. · (97) Art. 186, § 1er, 3° du Code des taxes assimilées au timbre.

(98) Art. 1871 nouveau, du Code des taxes assimilées au timbre.

(99) Art. 1871, al. 2 nouveau, du Code des taxes assi­milées au timbre. (100) Art. 1873 nouveau, du Code des taxes assimi­lées au timbre. (101) Exposé des motifs, Doc. par[., Chambre, n° 717/1, p. 30. (102) -Doc. pari., n° 717/1, p. 30.

Cette distorsion fondamentale entre le texte de la loi et son auteur laisse perplexe. Si nous nous trouvions en matière contractuelle, nous rap-pellerions qu'il n'existe pas de texte« clair» et que c'est toujours la volonté réelle des parties qui doit être recherchée. En revanche, un texte légal clair prévaut sur ses travaux prépara­toires ...

59. -Par ailleurs, il faut remarquer que cette nouvelle taxe anticipative modifiera indirecte­ment le régime fiscal des pensions extra-légales accordées sous forme de rentes. En effet, lorsque la rente prendra cours avant 1' âge de 60 ans, elles continueront, comme dans le régime antérieur, à être imposées chaque année, globalement avec les autres revenus. En revanche, lorsque la rente ne prendra pas cours avant que l'assuré ait atteint l'âge de 60 ans, c'est la taxe anticipative qui sera perçue et qui remplacera définitivement l'impôt direct (103).

60. -Enfin, précisons que la loi crée une taxe unique de 16,5% sur les valeurs de rachat théo­riques des contrats d'assurance-vie individuelle et sur 1 'épargne placée sur un compte-épargne collectif ou individuel, lorsque, au 1er janvier 1993, l'épargnant est âgé de plus de 60 ans et a bénéficié des exonérations, déductions ou ré­ductions prévues dans le régime antérieur à la loi du 28 décembre 1992 (104). Cette taxe pourra toutefois être acquittée en trois fois selon les modalités déterminées par le Roi (105).

2) Modifications en matière de taxe annuelle sur les contrats d'assurance.

61. -Le taux de la taxe annuelle sur les con­trats d'assurance-vie était le plus élevé de tous les pays de la Communauté européenne. Dès lors, pour éviter une distorsion de concurrence entre les entreprises belges et les autres entre­prises européennes d'assurances, les contrats d'assurance-vie individuelle et les contrats d'assurance-pension seront, en principe, exo­nérés de cette taxe.

62. - Cette exonération a lieu en deux étapes (106). A partir du 1er janvier 1993, les contrats d'assurance-vie sont exonérés de la taxe, à la condition que le preneur n'ait pas bénéficié des exonérations, réductions ou déductions en ma­tière d'impôt sur les revenus, en vertu des dis­positions en vigueur avant ou après la loi du 28 décembre 1992 (107). A partir du 1er janvier 1994 (108), tous les «autres» contrats d'assu­rance-vie individuelle, c'est-à-dire même ceux qui ont bénéficié de ces déductions, exonéra­tions ou réductions, seront également exonérés de la taxe (109).

63. -La seconde modification apportée par là loi du 28 décembre 1992 à la taxe annuelle sur

(103) Art. 39, 4°, du C.I.R. 1992. (104) Art. 119 et s. de la loi. (105) Art. 122 de la loi du 28 décembre 1992. (106) Exposé des motifs, Doc. pari., n° 717/1, p. 28; art. 127 de la loi du 28 décembre 1992.

(107) Art. 110 de la loi du 28 décembre 1992; art. 1762, 1° nouveau, du Code des taxes assimilées au timbre. (108) Art. 127 in fine de.la loi. (109) Art. 1762, 4° nouveau, du C.I.R. 1992; art. 110, 2°, de la loi du 28 décembre 1992.

les contrats d'assurance concerne les fonds de pension.

En effet, la loi assimile dorénavant les fonds de pension aux entreprises d'assurances visées par la taxe annuelle (110).

L'Association belge des Fonds de pension (A.B.F.P. a.s.b.L) a tenté vainement de s'oppo­ser à une nouvelle mesure en soutenant que la formule «fonds de pension» était déjà bien moins avantageuse fiscalement que la formule « assurance-groupe » (111 ). La soumission des fonds de pension à la taxe annuelle sur les contrats d'assurance ne viendrait donc que ren­forcer l'inégalité existant entre ces deux pro­duits.

Selon le gouvernement, appuyé par l'Union professionnelle des entreprises d'assurances (U .P .A.), cette mesure devrait, au contraire, avoir pour effet de rétablir une égalité qui n'existait plus, au détriment des compagnies d'assurances, depuis que les fonds de pension auraient trouvé le moyen de ne plus payer de précompte mobilier en investissant dans les S.I.C.A.V. (112).

64.- Encore que la loi du 28 décembre 1992 ne le prévoit pas expressément, et par analogie avec ce qui est prévu pour les compagnies d'as­surances (113), la taxe est due sur les verse­ments effectués au fonds de pension lorsque ce fonds a en Belgique son principal établisse­ment, une agence, une succursale, un représen­tant ou un siège quelconque d'opérations, ou encore lorsque le débiteur des cotisations a en Belgique son domicile ou sa résidence habi-tuelle. ·

65. -La taxe est calculée sur le montant total des cotisations et charges que les bénéficiaires et leurs employeurs paient ou supportent au cours de l'année d'imposition (114).

66.- Les fonds de pension existant au 1er jan­vier 1993 ont l'obligation de déposer une décla­ration de profession au bureau de l'enregistre­ment désigné à cette fin (115), au plus tard le 31 mars 1993 (116), sous peine d'une amende de 1.000 F·par mois entier de retard. En d'autres termes, les fonds de pension ne paieront cette amende que s'ils ont déposé leur déclaration de profession après le 29 avril1993.

3) Modification en matière de taxe sur les par­ticipations bénéficiaires.

67.- A partir du 1er janvier 1994 (117), les sommes réparties à titre de participations béné-

(110) Art. 174 nouveau, du C.I.R. 1992; art. 107 de la loi du 28 décembre 1992. (111) Rapport de la Commission de la Chambre, Doc. pari., n° 717/5, pp. 133 et s. (112) Rapport de la Commission de la Chambre, op. cit., p. 135; Rapport de la Commission du Sénat, Doc. pari., n° 591/2, pp. 88 et s. (113) Art. 173 du Code des taxes assimilées au tim­bre.

(114) Art. 109 de la loi du 28 décembre 1992 modi­fiant l'article 1762, du Code des taxes assimilées au timbre. (115) Art. 178 tel que modifié par l'article 112 de la loi du 28 décembre 1992. (116) Art. 116 de la loi. (117) Art. 127 de la loi.

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ficiaires afférentes, soit aux contrats d'assu­rance-épargne, soit aux contrats d'assurance- · vie individuelle pour lesquels le preneur d'as­surance n'a pas bénéficié des exonérations, ré­ductions ou déductions en matière d'impôt sur les revenus, en vertu des dispositions applica­bles en vigueur avant ou après la loi du 28 décembre 1992, sont exemptés de la taxe sur les participations bénéficiaires, organisée par les articles 183bis et suivants du Code des taxes assimilées au timbre (118).

c) Taxation des prestations à l'impôt ·des personnes physiques

68.- En matière d'impôt des personnes phy­siques, le nouveau régime fiscal de l'épargne à long terme se caractérise par la réduction à 10% du taux de taxation distincte des capitaux et des valeurs de rachat taxés antérieurement à l'impôt des personnes physiques à 16,5% et par la taxation à 33 % -des valeurs de rachat taxées antérieurement à l'impôt des personnes physiques au taux progressif. Cette «atténua­tion» de la charge fiscale à l'impôt des per­sonnes physiques. ne doit pas tromper : il ne s'agit, en réalité, que de la contrepartie de la diminution des avantages fiscaux résultant de la nouvelle loi.

1) Les prestations de l'assurance-groupe.

69.- Les capitaux et valeurs de rachat li­quidés dans le cadre d'une assurance-groupe ou d'un fonds de pension sont imposables au taux d'imposition distincte de 10% dans la mesure où ils sont constitués au moyen de cotisations personnelles retenues sur la rémunération à l'intervention de l'employeur à partir du 1er janvier 1993 (119). Le taux de 16,5 % reste, en revanche, applicable aux prestations consti­tuées au moyen de cotisations personnelles ver­sées jusqu'au 31 décembre 1992.

70.- Ce régime n'est applicable qu'à la con­dition que les liquidations soient effectuées aux mêmes moments que dans le régime antérieur de l'imposition distincte au taux de 16,5 %.

71.- Lorsqu'elles ont lieu anticipativement, ces liquidations ne sont plus imposables globa­lement comme dans le régime antérieur, mais sont soumises, en principe, au taux de 33 % (120).

Ce taux de 33% ne s'appliquera toutefois qu'aux prestations constituées au moyen de co­tisations personnelles du contribuable versées à partir du 1er janvier 1993. Pour les capitaux qui proviennent de versements antérieurs au 1er janvier 1993, le taux progressif reste applica­ble.

72 .. - Les capitaux et valeurs de rachat d'une assurance-groupe ou d'un fonds de pension res­tent toutefois soumis au régime antérieur de l'imposition distincte à 16,5 %, dans la mesure où ils sont constitués au moyen de cotisations patronales, et à condition d'être liquidés aux ·

(118) Nouvel art. 183, sa, du C.I.R. 1992; art. 11S de la loi du 28_ décembre 1992. (119) Art. 89, 2a, de la loi du 28 décembre 1992; art. 171, 2a, b et c nouveau, du C.I.R. 1992. (120) Art. 89, 1 a, de la loi du 28 décembre 1992; art. 171, 1 a, d et e nouveau, du C.I.R. 1992.

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mêmes moments que dans le régime antérieur (121 ). Lorsque ces prestations sont effectuées à un autre moment, elles sont imposées au taux progressif, comme dans le régime antérieur.

73.- Enfin, dans un avis aux employeurs pu­blié au Moniteur belge du 2 février 1993, l'ad­ministration a fait savoir que lorsque des cotisa­tions personnelles sont retenues ·sur les rémunérations, il est accordé une réduction de précompte égale à 30 % du montant des cotisa­tions en question (122).

2) Les liquidations d'un contrat d'assurance­vie individuelle.

74.- Le régime antérieur de l'impôt des per­sonnes physiques est maintenu dans la mesure où les prestations d'une assurance-vie indivi­duelle proviennent de primes vers_@es avant le 1er janvier 1992. Dans la mesure où ils provien­nent de primes versées après le 1er janvier 1992, les capitaux liquidés au décès de l'assuré et les valeurs de rachat liquidées au cours d'une des cinq années qui précèdent l'expiration normale du contrat, sont soumis au taux d'imposition distincte de 10 % (123).

Les prestations liquidées à un autre moment sont soumises au taux de ~3 % (124).

Il faut en déduire que si la liquidation a lièu à 1' expiration normale du contrat (et non dans les cinq ans qui précèdent), c'est le taux de 33% qui s'applique, ce qui paraît pour le moins cu­rieux. A moins que l'on assimile la liquidation à 1' expiration normale du contrat, aux « valeurs de rachat qui sont liquidées au cours d'une des cinq années qui précèdent 1 'expiration normale du contrat », pour y appliquer le même taux de 10%.

La taxation des liquidations à l'expiration nor­male du contrat, au taux de 33 %, paraîtrait, en effet, inéquitable, alors que les liquidations in:.. tervenues dans les cinq ans qui précèdent sont taxées à 10 %.

Le législateur a peut-être pensé que le contrat doit normalement expirer à 60 ans ou après 60 ans, ce qui donne lieu à la perception de la taxe anticipative, à l'exception de l'impôt des per­sonnes physiques.

En toute hypothèse, lorsque l'expiration nor­male du contrat est le décès del' assuré, le taux de 10% s'applique bien entendu.

75.- Le régime d'imposition distincte de l'as­surance-vie individuelle ne s'applique qu'aux capitaux et valeurs de rachat qui ne servent pas à la reconstitution ni à la garantie d'un emprunt hypothécaire (125).

76.- Par ailleurs, la loi prévoit un régime transitoire pour les capitaux et valeurs de rachat liquidés en 1992 qui restent soumis au taux de 16,5%.

(121) Art. 89, 3a et sa, de la loi du 28 décembre 1992; art. 171, 4a, f et g nouveau, du C.I.R. 1992.

(122) M.B., 2 févr. 1993, p. 2031. (123) Art. 89, 2a, de la loi du 28 décembre 1989; art. 171, 2a, d, du C.I.R. 1992. (124) Art. 89, la, de la loi du 28 décembre 1992; art. 171, 1 a, f nouveau, du C.I.R. 1992. (12S) Art. 89,. 2a, de la loi du 28 décembre 1992; art. 171, 2a, d, in fine nouveau, du C.I.R. 1992.

77.- Enfin, les prestations de l'assurance-vie individuelle restent bien entendu exonérées, lorsque le contribuable n'a pas bénéficié de la réduction d'impôt (126) ou lorsque ces presta­tions ont été soumises à la nouvelle taxe antici­pative sur l'épargne à long terme.

3) Les _liquidations de l'épargne-logement.

78. -Les capitaux et valeurs de rachat qui ont servi à la reconstitution ou à la garantie d'un emprunt hypothécaire restent soumis au régime antérieur (127).

Les liquidations au décès de l'assuré, à l'expi­ration normale du contrat ou dans les cinq ans qui précèdent, sont donc converties fictivement en rentes viagères pendant dix ou treize pé­riodes imposables, selon que le coefficient de capitalisation atteint ou non 5 % (128).

En revanche, lorsque la liquidation a lieu plus de cinq ans avant l'expiration normale du con­trat, elle est soumise à l'impôt progressif avec les autres revenus.

Il résulte, par conséquent, du nouveau régime de l'assurance-vie individuelle que la liquida­tion d'une assurance-vie qui sert à rembourser un emprunt hypothécaire est taxée au taux plein de l'impôt des personnes physiques, lorsqu'elle a lieu plus de cinq avant l'expiration normale du contrat, alors que si la même assurance-vie n'est pas liée à un emprunt hypothécaire, sa valeur de rachat n'est taxée qu'à 33% (129). Cette discrimination ne paraît pas justifiable.

Rappelons enfin que les liquidations de l'épar­gne-logement sont bien entendu exonérées lorsque le contribuable n'a pas bénéficié de la réduction d'impôt (130).

4) Les revenus de l'épargne-pension.

79.- L'épargne, les capitaux et les valeurs de rachat constitués dans le cadre de l'épargne­pension sont également soumis à un taux d'im­position distincte de 10% dans la mesure où ils sont constitués de versements effectués à partir du 1er janvier 1992 et à condition qu'ils soient liquidés au bénéficiaire à 1' occasion de sa mise à la retraite à la date normale ou au cours d'une des cinq années qui précèdent cette date, de sa mise à la prépension, ou du décès de la per­sonne dont il est l'ayant cause (131).

La partie des capitaux qui provient de verse­ments antérieurs reste, en revanche, soumise au taux de 16,5 %.

Les prestations liquidées à un autre moment sont imposées au taux de 33 % (132) dans la mesure où elles sont constituées de versements effectués à partir du 1er janvier 1992. La partie des capitaux qui provient de versements anté­rieurs reste soumise au taux progressif.

(126) Art. 76 de la loi du 28 décembre 1992; art. 39, 2a, a, du C.I.R. 1992. (127) Art. 169 du C.I.R. 1992. (128) Art. 169, § 1er, al. 2, du C.I.R. 1992.

(129) En vertu du nouvel art. 171, 1 a, f, du C.I.R. 1992. (130) Art. 39, 2a, a, du C.I.R. 1992. (131) Art. 89, 2a,-de la loi du 28 décembre 1992; art.l71, 2a, e nouveau, du C.I.R. 1992. (132) Art. 89, 1 a, de la loi du 28 décembre 1992; art. 171, 1 a, g, du C.I.R. 1992.

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Par ailleurs, comme pour les assurances-vie in­dividuelles, les revenus d'une épargne-pension liquidés au cours de l'année 1992 restent égale­ment soumis au taux de 16,5 %.

80. -En ce qui· concerne la base imposable d'une épargne constituée sur un« compte-épar­gne » ouvert auprès d'une banque, le taux de capitalisation de 6,25 % prévu dans le régime antérieur (133) est ramené à 4, 75 % en raison de la suppression de la taxe annuelle de 4,4 % sur les contrats d'assurance (134). Ce nouveau taux s'applique aux versements effectués à par­tir du 1er janvier 1992.

81.- Comme pour l'assurance-vie indivi­duelle, les prestations de l'épargne-pension sont toutefois exonérées lorsque la réduction d'impôt n'a pas été accordée (135) ou lorsque les prestations ont été soumises à la nouvelle taxe anticipative sur 1' épargne à long terme (136).

82.- Comme dans le régime antérieur, le taux de 10% ne s'applique toutefois qu'à la condi­tion que la durée minimale de dix ans du contrat soit venue à expiration, que le contribuable ait effectué des versements pendant au moins cinq périodes imposables, et que chaque versement ait été placé pendant au moins cinq ans (137).

83.- Toutefois, l'exigence des cinq verse­ments est supprimée par la loi du 28 décembre 1992 pour les contribuables qui ont souscrit une épargne-pension avant le 4 août 1992 (138). Cette disposition devrait permettre au contri­buable de mettre fin à une épargne-pension pour laquelle il n'aurait pas encore réalisé cinq versements, et qui, compte tenu des nouvelles règles de la réduction d'impôt, ne devrait pas lui rapporter l'avantage fiscal escompté.

L'avantage fiscal accordé aux versements ef­fectués dans le cadre d'une épargne-pension étant désormais limité à 40% à partir de l'exer­cice d'imposition 1993, la loi donne au contri­buable le droit de récupérer les paiements ef­fectués avant le 4 août 1992. En effectuant ces versements, l'épargnant pouvait, en effet, compter sur un avantage fiscal plus important (139).

Les conditions et les modalités d'exécution de ce remboursement ont été déterminées par l'ar­rêté royal du 8 mars 1993 (M.B., 24 mars 1993).

Selon cet arrêté, la demande de remboursement devait être introduite par 1' assuré ou le titulaire du compte-épargne auprès de l'institution ou de l'entreprise où l'assurance-épargne est sous­crite ou le compte-épargne ouvert, au plus tard le 30 avril1993.

Cette demande devait être formulée à l'aide d'un formulaire dont le modèle est annexé à l'arrêté royal du 8 mars 1993.

(133) Art. 34, § 2, du C.I.R. 1992. (134) Nouvel art. 34, § 2, du CJ.R.

(135) Art. 39, 3°, du C.I.R. 1992, modifié par l'art. 76, 2°, de la loi du 28 décembre 1992. (136) Art. 39, 4° nouveau, du C.I.R. 1992.

(137) Art. 174 du C.I.R. 1992. (138) Art. 99 de la loi du 28 décembre 1992 insérant un nouvel art. 5l5ter dans le C.I.R. 1992. (139) Art. 102 de la loi du 28 décembre 1992.

Ce formulaire doit être complété par l'institu­tion ou 1' entreprise et être transmis au plus tard le 30 juin 1993 au« Centre de documentation­Précompte professionnel», rue Belliard, 45, à 1040 Bruxelles.

Dans la mesure où cet arrêté royal ne laisse qu'un mois au contribuable pour prendre con­naissance des modalités de remboursement, il limite considérablement la portée de la loi du 28 décembre 1992 qui érigeait pourtant, en principe, le droit au remboursement des som­mes versées le 4 août 1992.

5) Nouvelle mesure anti-évasion.

84.- La loi introduit une mesure anti-évasion similaire à celle qui était prévue uniquement en matière d'épargne-pension dans le régime anté- i

rieur (140).

Cette nouvelle mesure fait l'objet du nouvel article 364bis du Code des impôts sur les re­venus 1992 qui prévoit que lorsque les capi­taux, les valeurs de rachat ou 1' épargne visés à l'article 34 du Code sont payés ou attribués à un contribuable qui a préalablement transféré son domicile ou le siège de sa fortune à l'étranger, le pai!3ment ou l'attribution est censé avoir lieu le jour qui précède ce transfert (141).

On peut se demander dans quelle mesure cette disposition est compatible avec les conventions préventives de la double imposition. En effet, selon l'article 18 du modèle O.C.D.E., les pen­sions et autres rémunérations similaires, payées à un résident d'un Etat contractant ne sont im­posables que dans cet Etat.

Or, le nouvel article 364bis fait échec à l'appli­cation de cette disposition internationale qui prime le droit belge, puisqu'il aura, par exem­ple, pour effet qu'un Belge qui devient résident français sera imposé en Belgique, sur des som­mes qu'il aura perçues pourtant à un moment où il n'est plus résident belge (142), mais bien français.

Cette disposition ne s'applique toutefois que si les prestations sont payées effectivement. Elle ne vise donc pas le contribuable qui se domici­lie momentanément à l'étranger et rentre en­suite en Belgique, avant de percevoir les liqui­dations de son épargne (143).

4) Conclusions.

85. - La complication du régime fiscal de l'épargne à long terme créera probablement plus d'inconvénients au contribuable que de nouvelles recettes à l'Etat.

Cette complexité est d'autant plus grave qu'ellè concerne des personnes physiques et non des sociétés qui ont l'habitude et les moyens de se faire conseiller.

Au cours de la concertation préalable à la mise sur pied de ce nouveau régime, le secteur de l'assurance se serait cependant engagé à rendre

(140) Ancien art. 174, al. 2, du C.I.R. 1992, abrogé par art. 91 de la loi du 28 décembre 1992. (141) Art. 364bis nouveau, du C.I.R. 1992, inséré par art. 93 de la loi du 28 décembre 1992.

(142) Voy. égalem.les remarques du Conseil d'Etat, Doc. pari., n° 717/1, p. 102. (143) Exposé des motifs, Doc. pari., n° 717/1, p. 37. ~

le nouveau système le plus compréhensible possible (144).

Les modifications apportées au régime de l'épargne à long terme sont, par ailleurs, de nature à ébranler la confiance du citoyen (145); quelle garantie a-t-il, en effet, que la fiscalité de 1' épargne ne soit pas encore modifiée dans les années à venir ? Que, par exemple, le taux de 10% de la nouvelle taxe anticipative ne soit pas augmenté?

Pour rassurer le public, le gouvernement a tou­tefois insisté au cours des travaux prépara­toires, sur le fait que le nouveau régime était le résultat de longues et complexes négociations ayec les secteurs concernés, ce qui devrait selon lui laisser espérer une certaine stabilité (146).

B.- La suspension de l'indexation des barèmes fiscaux

86. -1) La loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres (M.B., 6 août 1985) a introduit le principe de l'indexation automa­tique des barèmes fiscaux en matière d'impôt des personnes physiques.

La loi de réforme fiscale du 7 décembre 1988 a élargi ce régime à tous les montants figurant au Code des impôts sur les revenus, tout en com-pensant le coût de cette réforme par une aug­mentation de certains droits d'accises et une diminution des frais professionnels déducti-. 1 9 9 3 bles.

Dans le Code des impôts sur les revenus 1992, 4~j l'indexation. des barèmes fiscaux fait l'ob. jet de l'article 178, en vertu duquel «les montants exprimés en francs dans le présent titre » (con-sacré à l'impôt des personnes physiques) et dans les dispositions législatives particulières relatives à la matière, sont en ce qui concerne les limites et tranches de revenus, exonérations, réductions, déductions et leurs limites ou limi-tations, adaptés annuellement et simultanément à l'indice des prix à la consommation du Royaume (147).

Aux termes du second paragraphe de 1' article 178, «l'adaptation est réalisée à l'aide du coef­ficient qui est obtenu en divisant la moyenne des indices des prix de l'année qui précède celle des revenus par la moyenne des indices des prix de l'année 1988 ».

87.- L'article 5 de la loi du 28 décembre 1992 déroge à cette règle en prévoyant que pour les exercices d'imposition 1994 à 1997, l'adapta­tion sera réalisée « au moyen du coefficient qui est obtenu en divisant la moyenne des indices des prix de l'année 1991 par la moyenne des indices des prix de l'année 1988 » (148). En d'autres termes, l'indexation des barèmes fis­caux est « gelée » pendant quatre exercices d'imposition.

(144) Rapport de la Commission du Sénat, Doc. pari., n° 591/2, p. 85. (145) Rapport de la Commission du Sénat, Doc. pari., Chambre, n° 717/1, p. 101.

(146) Rapport de la Commission de la Chambre, Doc. pari., n° 717/1, p. 127. (147) Art. 178, §1er, du C.I.R. 1992.

(148) Art. 5, 2°, de la loi introduisant un nouveau paragraphe 3 à 1' art. 178 du C.I.R. 1992.

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88.- La suspension de l'indexation ne con­cerne toutefois pas les quotités du revenu exempté (minima imposables et majorations pour personne à charge), ni les limites du mon­tant des ressources pour personnes à charge (60.000 F, 90.000 F et 120.000 F, respective­ment indexés, pour l'exercice 1994, à 68.000 F, 101.000 F et 135.000 F). Cette exception a pour but d'éviter que la simple augmentation nomi­nale desdites ressources ait pour effet que le bénéficiaire ne soit plus considéré comme étant à charge (149).

89. -L'article 6 de la loi prévoit toutefois que le Roi pourra réintroduire le régime de l'in­dexation à partir de l'exercice d'imposition -1996, par arrêté délibéré en conseil des minis­tres. Dans ce cas, le Roi saisira les chambres législatives d'un projet de loi de confirmation de cet arrêté (art. 6, al. 2, de la loi).

90.- La loi prévoit également qu'à partir de l'exercice d'imposition 1998, l'adaptation à l'indice des prix à la consommation sera réali­sée au moyen du coefficient obtenu « en divi­sant la moyenne des indices des prix de l'année qui précède celle des revenus par la moyenne des indices des prix de l'année 1988 multipliée par le rapport entre les moyennes des indices des prix des années 1995 et 1991 » (150).

Cette disposition, qui résulte d'un amendement déposé par le gouvernement (151), a pour but d'éliminer totalement l'incidence de l'évolu­tion de l'indice des prix au cours de la période pour laquelle l'indexation est suspendue.

En d'autres termes, il n'y aura pas« d'effet de rattrapage» au moment où l'indexation des ba­rèmes fiscaux sera réinstaurée, soit au plus tôt à partir de l'exercice d'imposition 1996 et au plus tard à partir de l'exercice d'imposition 1998 (152). Si la période de non-indexation est écourtée par arrêté royal, le numérateur du rap­port 1995/1991 devra être adapté en consé­quence par le même arrêté royal (rapport de la Chambre, Doc. parl., Chambre, n° 717/5, p. 68).

91. - Cette mesure fut très critiquée au cours des travaux préparatoires (153).

Selon le gouvernement, la non-indexation des barèmes fiscaux est une mesure purement pro­visoire visant uniquement à réaliser les objec­tifs du plan de convergence dans le cadre du Traité de Maastricht (154).

Pour de nombreux parlementaires, le « gel » des barèmes remet en cause les acquis de la réforme fiscale du 7 décembre 1988, complique

(149) Exposé des motifs, Doc. par!., Chambre, sess. 1992-1993, n° 717/1, op. cit., p. 23. (150) Art. 178, § 3, 2° nouveau, du C.I.R. 1992, in­troduit par l'art. 5 de la loi. (151) Doc. parl., Chambre, n° 717/3, p.l. (152) Rapport de la Commission des finances de la Chambre, sess. 1992-1993, Doc. parl., n° 717/5, p.68.

(153) Voy., à la Chambre: Rapport de la Commis­sion des finances de la Chambre, Doc. parl., n° 717/5, pp. 16 à 29 et pp. 47 à 49; au Sénat: Rap­port de la Commission des finances du Sénat, sess. 1992-1993, Doc. parl., Sénat, n° 591/2, pp. 54 à 69. (154) Exposé des motifs, Doc. parl., n° 717/1, p. 3; Rapport Sénat, Doc. parl., n° 591/2, p. 27.

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des ifft:ribunaux

encore davantage la réglementation fiscale èt risque, en outre, de constituer un précédent in-quiétant (153). -

Les conséquences politiques et budgétaires né­fastes de cette mesure furent également évo­quée~ au cours des travaux préparatoires. En effet, lorsque les barèmes fiscaux ne sont pas indexés, l'augmentation du rythme de l'infla­tion fait automatiquement passer le contribua­ble dans une tranche d'imposition supérieure, augmentant ainsi la pression fiscale.

Les hausses d'impôt qui en résultent sont aléa­toires puisque l'évolution de l'inflation est im­prévisible. Le produit de l'impôt devient ainsi dépendant du rythme de l'inflation. Par consé­quent, la mesure qui, selon le gouvernement, devrait rapporter 10.400.000.000 en 1993, « pourrait tout aussi bien rapporter la moitié ou le double » (155).

En outre, dans la mesure où l'inflation fait pas­ser les contribuables dans des tranches où les taux sont de plus en plus élevés, la désindexa­tion des barèmes affectera surtout les revenus moyens, sans toucher les revenus supérieurs à 4.000.000 qui ne peuvent plùs passer dans des tranches plus défavorables (156).

Enfin, l'argument parfois invoqué par les parti­sans de cette mesure, selon lequel l'indexation des barèmes empêcherait les recettes fiscales de progresser aussi vite que les revenus impo­sables, fut combattu longuement en Commis­sion des finances du Sénat (157).

C.- Correction d'une erreur commise lors de la coordination en matière

de plus-values de cessation

92.- Avant la loi du 28 juillet 1992, les plus­values de cessation sur des immobilisations in­corporelles et les indemnités obtenues au cours de l'activité professionnelle en compensation d'une réduction de cette activité, étaient impo­sables à 16,5 % dans la mesure où ces plus­values ou indemnités n'excédaient pas un « montant égal à quatre fois la moyenne des bénéfices ou profits nets imposables afférents à l'activité délaissée réalisé~ au cours des quatre années qui précèdent celle de la cessation ou de la réduction d'activité» (règle des « 4 x 4») (158).

En vertu de cette disposition, les revenus de l'année de la cessation d'activité ne sont donc pas pris en considération pour la détermination du revenu de référence.

Lors de la coordination du Code des impôts sur les revenus en 1992, les mots «die aan het jaar ... voorafgaan » ont été omis dans le texte néerlandais de l'article 171, 4°, b, précité. Le texte néerlandais se référait donc aux quatre années qui précèdent la cessation alors que le

(155) Rapport Chambre, Doc. parl., n° 717/5, pp. 59 et s., et spéc. p. 61.

(156) Rapport Chambre, Doc. pari., n° 717/5, pp. 62 et s. (157) Rapport Sénat, Doc. parl., n° 591/2, ·pp. 18 et s., démonstration qui ne fut d'ailleurs pas contes­tée par le ministre des Finances (ibidem, p. 27). (158) Art. 93, §1er, 2°, b ancien, du C.I.R., devenu art.l71, 4°, b, du C.I.R. 1992.

texte français se référait aux quatre années qui précèdent celle de la cessation.

La loi du 28 juillet 1992 a modifié le régime des plus-values de cessation sur immobilisations incorporelles en les soumettant désormais au taux de 33 %, « dans la mesure où elles n' excè­dent pas les bénéfices ou profits nets imposa­bles afférents à 1' activité délaissée réalisés au cours des quatre années qui précèdent celle de la cessation ou de la réduction d'activité» (159).

Le texte néerlandais laissait toutefois subsister 1 'ambiguïté précitée ( « ... in zover zij ni et meer bedragen dan de belastbare netto-winst of -ba­ten die in de vier jaren v66r de stopzetting of de vermindering ... ».

En vue de supprimer cette ambiguïté, l'article 4 de la loi du 28 décembre 1992 remplace, enfin, les mots« in de vier jaren v66r de stopzetting » par les mots« in de vier jaren voorafgaand aan het jaar van de stopzetting ».

MESURES D'IMPOT

A. -Les revenus définitivement taxés

93. -L'article 9 de la loi ajoute une condition supplémentaire à la déduction des revenus défi­nitivement taxés.

Ceux-ci ne sont dorénavant déductibles que «pour autant qu'à la date d'attribution ou de mise en paiement des dividendes, la société bénéficiaire détienne dans le capital de la so­ciété distributrice des revenus une participation de 5% au moins ou dont la valeur d'investisse­ment est de 50.000.000 de F au moins ».

Cette condition de participation minimale est permise aux Etats par la directive du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal com­mun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents (160).

Jusqu'à présent, une telle condition n'avait tou­tefois jamais été insérée dans le régime des revenus définitivement taxés, pourtant nette­ment antérieur à ladite directive.

Lorsque cette condition ne sera pas respectée, il s'en suivra une double taxation économique des dividendes en question, puisqu'ils auront au préalable été imposés une première fois à titre de bénéfices de la société distributrice (161).

94. -Le minimum de participation requise est donc, soit 5 % du capital de la société distributrice, soit des actions représentant 50.000.000 de Fau moins, en-valeur d'investis­sement.

(159) Art. 15 de la loi du 28 juillet 1992; voy. Af­schrift et Rayet, « Les impôts sur les revenus et la loi du 28 juillet 1992 », J.T., 1992, p. 809.

(160) Directive n° 90/435/C.E.E. (161) Rapport Chambre,· ·sess. 1992-1993, Doc. parl., n° 717/5; p. 70.

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La limite de 5% s'apprécie par rapport au« ca­pital » de la société distributrice des revenus. ll faut entendre par là que les actions détenues· représentent au moins 5% du nombre total des actions émises par la société. Aucune distinc­tion ne doit être faite, à défaut de texte en ce sens, entre les actions avec droit de vote et les actions sans droit de vote, ni entre diverses catégories d'actions représentatives du capital. n en est ainsi, tant pour déterminer si la propor­tion de 5 % est atteinte que pour définir le nombre total des actions. Les parts bénéfi­ciaires non représentatives du capital n'entrent pas en ligne de compte.

95. - Si la proportion de 5 % n'est pas atteinte, la société bénéficiaire pourra néanmoins béné­ficier du régime des revenus définitivement taxés à condition de posséder, dans la société distributrice, des actions d'une valeur d'inves­tissement de 50.000.000 de F. La loi se réfère à une« valeur d'investissement», c'est-à-dire au prix d'acquisition ou à la valeur d'acquisition (en cas d'apport en société) des actions concer­nées.

La valeur d'investissement, au sens de ce texte est « la valeur attribuée à la participation au moment où elle apparaît comme telle dans les comptes de la société, soit notamment à l' occa­sion de son acquisition directe, en bourse, par exemple, soit à l'occasion de la souscription lors de la constitution ou l'augmentation de capital de la société émettrice, soit lors d'un échange des titres,· ou d'un apport en société, soit encore lors de la conversion d'obligations convertibles » (162).

L'évolution de la valeur de ces actions, posté­rieurement à l'acquisition, est donc sans inci­dence, même si elle a été comptabilisée.

En présence d'une référence à la valeur d'in­vestissement, on ne peut, en effet, à notre avis tenir compte des plus-values ou .des moins­values simplement exprimées sur les actions en question, rien ne permettant de se référer en l'occurrence à la valeur comptable lorsqu'elle diffère de la valeur d'investissement.

Par conséquent, une participation acquise pour moins de 50.000.000 de F ne donnera pas droit au régime des revenus définitivement taxés, même si, à la date de paiement dù dividende, sa valeur, compte tenu, par exemple, du cours de bourse, atteint cette somme. Pour que celle-ci représente une valeur d'investissement, il fau­drait alors que la société, préalablement à la distribution du dividende, vende sa participa­tion, puis la rachète à ce prix.

Pour les mêmes raisons, une participation ac­quise pour 50.000.000 de F au moins donne droit à la déduction des revenus définitivement taxés, même si sa valeur diminue, et ce même si une réduction de valeur est actée sur la partici­pation.

96.- Pour déterminer si la limite de 5 % ou de 50.000.000 de F est atteinte, il faut, quant au nombre d'actions, se placer au moment de la distribution du dividende. Peu importe, par conséquent, que les actions aient ou non appar­tenu à la société au premier jour de l'exercice imposable ou lors de la clôture de l'exercice. Il faut et il suffit qu'elles existent en nombre ou

(162) Exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, sess. 1992-1993, n°717/1, p. 4.

en proportion suffisante, dans le patrimoine de la société bénéficiaire~ au jour de la distribution du dividende:

Comme aucune condition de permanence de la participation n'est requise, il est dès lors possi­ble, pour une société souhaitant bénéficier de ce régime, d'acheter, juste avant la distribution du dividende, le complément d'actions dont elk a besoin pour justifier de 5 % ou de 50.000.000 de F, même si elle les cède à nou­veau par la suite avant la clôture de 1 'exercice. C'est seulement « à la date d'attribution ou de mise en paiement des dividendes » que les con­ditions doivent être réunies.

97.- Les conditions requises par le nouvel article 203, alinéa 1er, du Code le sont tant si la société distributrice des revenus est belge que si elle est étrangère.

98.- La condition de participation minimale n'est pas requise pour les revenus recueillis par des établissements de crédit, des entreprises d'assurances .et des sociétés de bourse. Le motif de cette exception réside dans le fait que ces sociétés sont, dans certains cas, tenues de déte­nir certaines participations, dans des propor­tions inférieures à celles requises par l'article 203 nouveau.

99.- L'adjonction de cette condition pour bé­néficier du régime des revenus définitivement taxés est sans conséquence quant à la taxation des plùs-values sur actions.

Certes, l'article 192 du Code prévoit un lien entre le régime d'exonération des plus-values sur actions, et celui des revenus définitivement taxés.

Pour éviter que les plus-values réalisées sur des actions représentant moins de 5.% du capital soient taxées, l'article 8 de la loi a toutefois modifié l'article 192, alinéa 1er, du Code, en prévoyant dorénavant que sont exonérées « les plus-values réalisées sur des actions ou parts dont les revenus éventuels sont susceptibles d'être déduits des bénéfices en vertu des arti­cles 202 et 203, alinéa 1er, 1°, alinéas 2, 4 et 5 ».

En se référant expressément à l'alinéa 1er, 1°, le législateur admet que, pour bénéficier de l'exo­nération des plus-values, il n'est pas nécessaire de respecter la condition prévue par l'article 203, alinéa 1er, 2°, c'est-à-dire la nouvelle con­dition consistant en la détention d'une partici"' pation minimale.

B. - Conditions nouvelles du taux réduit de l'impôt des sociétés

100.- L'article 215 du Code, qui fixe, en prin­cipe, le taux de l'impôt des sociétés à 39 %, prévoit également, en son alinéa 2, des taux réduits applicables aux revenus n'excédant pas 13.000.000 de F.

Le bénéfice de ces taux réduits était déjà, avant l'entrée en vigueur de la loi, soumis à trois conditions. ll ne pouvait s'agir de sociétés déte­nant des participations dans d'autres sociétés, pour plus de 50 % de leur capital, ni de sociétés dont les actions étaient détenues à concurrence d'au moins la moitié, par une ou plusieurs au­tres sociétés, ni de sociétés dont les dividendes distribués excèdent 13 % du capital libéré.

L'article 10 de la loi écarte également du béné­fice du taux réduit, et soumet donc au taux normal de 39 %, les sociétés, autres que les sociétés coopératives agréées par le Conseil national de la coopération,« qui n'allouent pas à au moins un administrateur ou un associé actif, une rémunération d'au moins un million

· de francs à charge du résultat de la période imposable».

Le but de cette disposition est de supprimer un des incitants qui amènent, pour des motifs pure­ment fiscaux, des entreprises individuelles à adopter la forme sociétaire (163).

101.- Dorénavant, lorsqu'une société n'attri­buera pas à au moins un administrateur ou à un associé actif, . une rémunération d'au moins 1.000.000 de F pour la période imposable, elle sera soumise au taux de 39% de l'impôt des sociétés.

Il faut nécessairement, pour éviter l'application de ce taux, qu'au moins un administrateur per­çoive 1.000.000 de F sur l'ensemble de l'exer­cice. Il ne suffit donc pas que l'ensemble des administrateurs se partage une telle somme. En revanche, s'il y a plusieurs administrateurs, il suffit qu'un seul d'entre eux perçoive 1.000.000 de F pour que la disposition nouvelle cesse d'être applicable. Un amendeme!lt per­mettant un tel partage entre différents adminis­trateurs a été rejeté (164).

Il s'agit naturellement d'une rémunération brute, c'est-à-dire du montant attribué, pré- 1 9 9 3 compte professionnel compris, par la société à son administrateur. Pour autant que ce montant 4~) atteigne 1.000.000 de F, celui-ci pourra natu-rellement déduire ensuite ses cotisations so- _ ciales et ses frais professionnels (165).

Le montant de 1.000.000 de F se comprend par période imposable, et non nécessairement par an. Lorsque la période imposable ne corres­pond pas à l'année civile, il est dès lors possible que le montant effectivement imposé, pour une année déterminée, dans le chef du bénéficiaire n'atteigne pas 1.000.000 de F. Cela ne fait pas perdre le bénéfice du taux réduit à la société, pour autant que cette somme soit attribuée, à charge du résultat, pour chaque période impo­sable.

102. -Une exception a été prévue pour les sociétés dont le revenu imposable est inférieur

·à 1.000.000 de F. Dans ce cas, l'avantage du taux réduit n'est pas perdu lorsque le revenu imposable de la société, majoré de la rémunéra­tion la plus élevée allouée à charge du résultat de la période imposable à un administrateur ou associé actif, atteint au moins un million de francs, et ce pour autant que la rémunération soit supérieure ou égale à ce revenu imposable (166).

Par ailleurs, le taux réduit ne sera également pas applicable aux sociétés « qui font partie d'un groupe auquel appartient un centre de coordination» (167). Selon l'exposé des mo-

(163) Exposé des motifs, Doc. parl., Chambre n° 717/1, sess. 1992-1993, pp. 4 et 5. (164) Rapport Chambre, n° 717/5, p. 79. (165) Exposé des motifs, Doc. pari., Chambre, n°717/1, p.5 et Rapport Chambre, n°717/5, p. 76. (166) Art. 215, al. 4 nouveau. (167) Art. 215, al. 3, 5° nouveau du Code.

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tifs, il faut comprendre cette expression comme · se référant à toutes les sociétés qui bénéficient

des services d'un centre de coordination (168).

C. - Caractère public des émissions des organismes de placement collectif

103.- Certains organismes de placement col­lectif, dont les S.I.C.A.V. et les S.I.C.A.F. bé­néficient, en vertu de la loi du 4 décembre 1990 relative aux opérations financières et aux mar­chés financiers, d'un régime fiscal revenant à une exonération pratiquement totale de l'impôt des sociétés.

Une des conditions requises pour bénéficier de ce régime, comme de l'ensemble du statut orga­nisé par cette loi, est que 1' émission des actions ou parts soit publique. En principe, le caractère public ou non d'une émission est régi par l'ar­rêté royal du 9 janvier 1991.

L'exposé des motifs relate que « certains orga­nismes de placements dont le cercle des partici­pants se limitent à un nombre restreint d'inves­tisseurs, principalement institutionnels ont, par (une) application impropre et purement for­melle de l'arrêté royal du 9 janvier 1991, reven­diqué leur caractère public alors que, de toute évidence, ces organismes ne sont pas réelle­ment ouverts au grand public » (169).

A cet effet, la loi permet au Roi de « définir des critères spécifiques de détermination du carac­tère public des organismes de placements col­lectifs ». Le Roi peut même déterminer des critères « propres à chaque organisme de place­ments collectifs».

D.- Limitation de l'amortissement dégressif

104.- L'article 64 du Code prévoit doréna­vant que« le montant de l'annuité d'amortisse­ments dégressifs ne peut en aucun cas dépasser 40% de la valeur d'investissement ou de re­vient».

Cette mesure, qui concerne tant les entreprises individuelles que les sociétés, prévoit un pla­fond absolu à la dotation d'amortissements dé­gressifs.

Quelle que soit la durée de vie du bien, l'amor­tissement ne peut donc excéder 40%. La limi­tation ne porte toutefois que sur l'« annuité » d'amortissements dégressifs, de sorte que si 1' exercice social excède un an, il faudra à notre avis calculer la dotation maximale d'amortisse­ments dégressifs par prorata par rapport à 40 %. Il en sera de même si l'exercice social a une durée de moins d'un an.

Le ministre a refusé de prévoir une dérogation pour les biens dont la durée de vie est très courte (170); c'est logique, dans la mesure où c'est précisément pour ces biens-là que le pro­blème se pose.

Seuil' amortissement dégressif est limité; si un bien n'a qu'une durée de vie économique de

(168) Doc. pari., Chambre, n° 717/1, p. 5. (169) Doc. pari., Chambre, n° 717/1, pp.13 et 14. (170) Doc. pari., Chambre, n° 717/5, p. 53.

, .. /;ournal des <,Icribunaux

deux ans, rien n'empêche, par conséquent, d'acter un amortissement linéaire de 50 %. Pour la même raison, lorsque la loi permet d'amortir certains frais en un an, par exemple, les frais d'acquisition d'un immeuble, il s'agit là aussi d'un amortissement linéaire, qui n'est pas affecté par la disposition nouvelle.

CHAPITREHI

MESURES EN MATIERE D'IMPOT DES NON-RESIDENTS

A.- Correction d'une erreur commise lors de la coordination

105.- La loi du 22 décembre 1989 a introduit une distinction entre les non-résidents dispo­sant d'un « foyer d'habitation en Belgique » et ceux qui n'en disposent pas (171 ).

Cette notion peut être comparée à celle du « foyer d'habitation permanent » de l'article 4, § 2, du modèle de conventions préventives de la double imposition de l'O.C.D.E. Au sens de ces conventions, «le foyer d'habitation penna­nent » est le lieu où le contribuable vit normale­ment, le cas échéant, avec sa femme et ses enfants qu'il rejoint après chacun de ses dépla­cements professionnels et où, éventuellement, il a son ménage.

L'arrêt de la Cour d'arbitrage du 21 novembre 1991 (172), ayant eu à se prononcer sur la com­patibilité avec l'article 6 de la Constitution de la distinction opérée par la loi du 22 décembre 1989 entre les non-résidents avec ou sans «foyer d'habitation», définit le non-résident qui dispose d'un foyer d'habitation en Belgique comme étant celui qui y maintient une habita­tion normale et effective du ménage, tout en gardant dans un autre Etat, le centre de ses intérêts vitaux professionnels et économiques.

106.- Pour les non-résidents qui disposent d'un foyer d'habitation en Belgique, l'impôt est calculé en appliquant, d'une manière générale, les règles prévues pour le calcul de l'impôt des personnes physiques : règles du quotient conju­gal, de la quotité du revenu exempté et des majorations pour charge de famille, principes du cumul des revenus d'origine belge des con­joints et exceptions à ces principes, etc. (173).

Quant aux non-résidents qui ne disposent pas d'un foyer d'habitation en Belgique, ils sont soumis à un régime de « dépersonnalisation » qui les prive du bénéfice, notamment, des dé­grèvements relatifs à leur situation de famille (174).

Lors de la coordination de 1992, l'article 150, § 2, précité du Code des impôts sur les revenus

(171) Art. 150, § 2, du C.I.R.; art. 244 du C.I.R. 1992.

(172) M.B., 14 déc. 1991. (173) Art. 150, § 2, du C.I.R. qui se référait au titre II, chap. III du Code et aux articles 1er à 8 de la loi du 7 décembre 1988. (174) Art. 150, § 1er, du C.I.R.; sur ce régime, voy. Hinnekens, op. cit., p. 154.

est devenu l'article 244 du Code des impôts sur les revenus 1992. A cette occasion, on omit

·toutefois la référence aux nouveaux articles 126 à 129 du Code des impôts sur les revenus 1992 relatifs à l'imposition des conjoints et de leurs enfants.

Littéralement, les règles de l'imposition des conjoints et de leurs enfants ne s'appliquaient donc plus aux non-résidents disposant d'un foyer en Belgique. ·

La loi du 28 décembre 1992 corrige cette erreur - en ajoutant la référence aux articles 126 à 129

précités, dans la nouvelle rédaction de l'article 244 (175).

B.-Assimilation du non-résident qui perçoit surtout

des revenus professionnels de source belge, au non-résident

qui dispose d'un foyer d'habitation en Belgique

107.- En dépersonnalisant l'impôt des non­résidents sans foyer d'habitation en Belgique, le législateur de 1989 a voulu empêcher qu'un contribuable de l'impôt des non-résidents béné­ficie d'abattements et de déductions, liés à sa situation personnelle ou familiale, à la fois dans son pays d'accueil et en Belgique (176).

Selon l'exposé des motifs de la loi du 22 dé­cembre 1992, cet argument est sans pertinence lorsque les revenus d'un non-résident, qui n'a pas de foyer d'habitation en Belgique, provien­nent, pour la plus grande partie, de rémunéra­tions ou de pensions de source belge (177).

C'est pourquoi la loi assimile désormais aux non-résidents disposant d'un foyer d'habitation en Belgique, les non-résidents qui ne disposent pas d'un tel foyer mais « qui ont exercé en Belgique pendant au moins neuf mois entiers au cours de la période imposable une activité professionnelle dont ils tirent des rémunéra­tions visées à 1' article 228, § 2, 6° ou 7°, ou qui, pendant le même laps de temps, ont recueilli des pensions visées à 1' article 228, § 2, 6°, pour autant que ces revenus s'élèvent à 75% au moins du total des revenus professionnels de sources belge et étrangère» (178).

En d'autres termes, les non-résidents sans foyer d'habitation en Belgique pourront néanmoins bénéficier des règles applicables au calcul de l'impôt des personnes physiques, à condition d'exercer une activité professionnelle en Bel­gique pendant au moins neuf mois et que les rémunérations ou pensions recueillies pendant ce laps de temps atteignent 75% au moins du total des revenus professionnels belges et étran­gers. Dans le cas où la période imposable est inférieure à douze mois (par exemple, en cas de décès), « ces critères sont appliqués avec dis­cernement et de manière proportionnelle » (179).

(175) Art. 12 de la loi.

(176) Rapport de la Commission des finances, Doc. pari., Chambre, 1989:-1990, n° 1026/5, p. 89. (177) Doc. pari., n° 717/1, p. 6. (178) Art. 12 de la loi; art. 244, al. 2 nouveau, du C.I.R. 1992., (179) Exposé des motifs, op. cit., p. 7.

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Paradoxalement, ces critères favorisent ainsi les ménages qui ont de gros revenus en Bel­gique, par rapport à ceux qui ne disposent, en Belgique, que de revenus moyens (180).

Ce système défavorise également les ménages où les deux époux travaillent, dans la mesure où chacun des deux ne pourra peut -être atteindre la limite de 75% des revenus du ménage.

108.- Ce régime de dépersonnalisation n'est pas propre à la Belgique. Il existe aussi en Allemagne, par exemple, où il a fait l'objet d'un recours devant la Cour de justice des Communautés européennes pour violation des articles 7 et 52 du Traité (non-discrimination et liberté d'établissement).

Par un arrêt récent, la Cour de justice a rejeté le recours aux motifs que« l'article 52 du Traité C.E.E. ne fait pas obstacle à ce qu'un Etat membre frappe ses· ressortissants qui exercent leur activité professionnelle sur son territoire et qui y perçoivent la totalité ou presque de leurs revenus ou y possèdent la totalité ou presque de leur patrimoine, d'une charge fiscale plus lourde lorsqu'ils ne résident pas dans cet Etat que lorsqu'ils y résident» (181).

109.- Par un arrêt plus ancien, la Cour d'arbi­trage a, en revanche, décidé que l'imposition plus lourde des non-résidents qui bénéficient d'une pension belge mais qui n'ont pas con­servé un foyer d'habitation en Belgique, par rapport aux non-résidents qui bénéficient d'une pension belge et qui ont conservé un foyer d'habitation en Belgique manquait de justifica­tion raisonnable (182).

C'est à la suite de cet arrêt que le régime des non-résidents ayant maintenu un foyer d'habi­tation en Belgique fut étendu aux non-résidents titulaires d'une pension belge n'ayant pas maintenu de foyer d'habitation en Belgique (183).

En modifiant 1' article 244 du Code, la loi du 28 décembre 1992 n'aurait-elle pas réintroduit cette discrimination ?

La question peut être posée puisque le . non­résident titulaire d'une pension belge qui n'a pas maintenu un foyer d'habitation en Belgique n'est désormais plus assimilé aux non-résidents avec foyer d'habitation qu'à la condition que sa pension s'élève à 75% de l'ensemble de ses revenus professionnels (184).

A notre avis, la réponse risque toutefois d'être négative. En effet, l'arrêt précité de la Cour d'arbitrage était motivé par la considération que la catégorie des pensionnés non-résidents « a en général pour revenu unique ou à tout le moins pour ressource principale une pension belge, de telle sorte qu'ils ne peuvent bénéficier d'abattement et de déduction ni en Belgique où ces avantages leur sont refusés, ni à l'étranger où ils ne disposent pas de revenus suffisants pour que des montants importants puissent en être déduits ».

(180) Rapport Sénat, Doc. pari., n° 591/2, p. 38. (181) Arrêt de la Cour du 26 janvier 1993, aff. C-112/91. (182) Arrêt du 21 novembre 1991, M.B., 14 déc. 1991, p. 28236. (183) Art. 242, § 1er, al. 2, et 244, al. 2, dl! C.I.R. 1992. (184) Nouvel art. 244 du C.I.R. 1992.

Or, ces considérations ne s'appliquent pas, a priori, au non-résident qui perçoit une pension belge n'atteignant pas 75% de ses revenus to­taux, ce qui pourrait laisser supposer, en effet, qu'il dispose, dans son pays de résidence, d'au­tres revenus sur lesquels il peut pratiquer ce type de déduction.

110.- La loi du 28 décembre 1992 introduit également un nouvel article 244bis qui, par analogie avec ce qui est prévu pour le calcul de l'impôt des personnes physiques (185), répute isolées les personnes mariées «lorsqu'un seul des conjoints recueille en Belgique des revenus soumis à l'impôt et que l'autre conjoint a des revenus professionnels de source belge ou étrangère qui sont exonérés conventionnelle­ment d'un montant supérieur à 270.000 F » (186).

Cette disposition a pour objet de traiter fiscale­ment de la même manière les non-résidents et les résidents, dans le cas où un seul des con­joints recueille des revenus imposables à l'im­pôt des non-résidents alors que l'autre conjoint recueille des revenus professionnels de source belge exonérés par convention (187).

La loi du 28 décembre 1990 avait déjà introduit cette fiction en matière d'impôt des personnes physiques, en réputant isolé, le contribuable dont le conjoint recueille des revenus profes­sionnels exonérés par convention et pour autant que ces revenus n'atteignent pas 270.000 F (188). Le conjoint d'un fonctionnaire interna­tional dont les revenus sont exonérés en Bel­gique ne peut donc plus bénéficier de la déduc­tion du quotient conjugal, puisqu'il est fiscalement considéré comme isolé en vertu d'une fiction dont les effets paraissent discrimi­natoires.

111. - Les nouveaux articles 244 et 244bis s'appliquent à partir de l'exercice d'imposition 1992, soit aux revenus de l'année 1991 (189).

112. __:_La distinction introduite par la loi du 22 décembre 1989 entre les non-résidents dispo­sant ou non d'un foyer d'habitation en Belgique a également des conséquences en matière de déduction de certaines dépenses de l'ensemble des revenus nets du contribuable.

Seuls les non-résidents disposant d'un foyer d'habitation en Belgique peuvent, en effet, dé­duire de 1' ensemble de leur revenus nets les dépenses visées au titre II, chapitre II, sec­tion VI du Code des impôts sur les revenus 1992 (190). Les non-résidents ne disposant pas d'un foyer d'habitation en Belgique ne peu­vent, en revanche, déduire que les trois dé­penses limitativement énumérées par l'article 241 du Code des impôts sur les rèvenus 1992 (80 % des rentes alimentaires à un habitant du Royaume, libéralités aux institutions belges et

(185) Art. 1er de la loi du 7 décembre 1988, modifié par l'article 21 de la loi du 28 décembre 1990 et devenu l'article 128, 4°, du C.I.R. 1992. (186) Art. 13 de la loi. (187) Exposé des motifs, Doc. pari., n° 717/1, p. 7; Rapport Sénat, Doc. pari., n° 591/2, p. 38. (188) Art. 21 de la loi du 28 décembre 1990 devenu art. 128, 4°, du C.I.R. 1992. (189) Art. 30, § 1er du 28 déc. 1992. (190) Rentes, libéralités, garde d'enfants, etc. (art. 242, §1er, du C.I.R. 1992).

redevances payées à l'occasion de l'acquisition d'un droit d'emphytéose ou de superficie por-

. tant sur une propriété foncière sise en Belgique) (191).

Parallèlement à l'élargissement du régime de calcul de l'impôt applicable aux non-résidents disposant d'un foyer d'habitation en Belgique, la loi du 28 décembre 1992 modifie également les règles précitées relatives à la déductibilité des dépenses pour les non-résidents, qui, sans disposer d'un foyer d'habitation en Belgique, ont néanmoins exercé une activité profession­nelle en Belgique pendant au moins neuf mois et pour autant que les revenus d'origine belge s'élèvent à 75% au moins du total des revenus

· professionnels de sources belge et étrangère. Désormais, ces non-résidents bénéficieront des mêmes déductions que les non-résidents dispo­sant d'un foyer d'habitation en Belgique (192).

Cette nouvelle disposition est applicable à par­tir de l'exercice d'imposition 1992, soit aux revenus de 1991 (193).

113.- La loi contient des dispositions transi­toires qui étendent le nouveau régime de calcul de l'impôt et de déduction des dépenses à l'exercice d'imposition 1991 (194). Cette ré­troactivité devait nécessairement faire l'objet de dispositions particulières dans la mesure où le Code des impôts sur les revenus 1992 n'est applicable qu'à partir de l'exercice d'imposi­tion 1992.

Logiquement, la loi prévoit également que le contribuable dispose d'un délai d'un an à compter de la publication de la loi au Moniteur pour introduire une réclamation (ou une de­mande de dégrèvement d'office) lorsque l'im­pôt relatif à l'exercice d'imposition 1991 a été établi en violation de l'article 28 de la loi relatif au calcul de l'impôt (195).

Ce nouveau délai ·de réclamation ne concerne donc pas les autres éléments de la taxation, par exemple, les règles de déductibilité des dé­penses de l'ensemble des revenus nets, visées à l'article 27 de la loi (qui reprend les règles des articles 241 et 242 précités pour l'exercice d'imposition 1991).

Seuls les contribuables pour lesquels l'impôt relatif à l'exercice d'imposition 1991 n'aura pas été enrôlé ou le délai de réclamation ne sera pas expiré à l'entrée en vigueur de la loi, pour­ront donc bénéficier effectivement de la mesure transitoire relative à la déductibilité des dé­penses pour cet exercice.

C. -Précompte professionnel sur les plus-values immobilières

imposables. des non-résidents

114.- Le nouvel article 273,2°, dû Code pré­voit dorénavant qu'un précompte professionnel est dû en raison de la réalisation de plus-values imp?sables réalisées par des non-résidents.

(191) Art. 149, § 1er, du C.I.R.

(192) Art. 242, § 2 nouveau,. du C.I.R. 1992. (193) Art. 30, § 1er, de la loi du 28 décembre 1992. (194) Art. 27 et 28 de la loi. (195) Art. 28, § 6, de la loi du 28 décembre 1992.

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Le motif de cette mesure est « une meilleure perception de l'impôt» (196).

En ce qui concerne les personnes physiques non résidentes, qui réalisaient des plus-values sur des immeubles non bâtis, l'article 301 du Code permettait déjà à l'administration de l'en­reg~strement de percevoir des impôts sur ce type de revenus divers, imposables en vertu de l'article 90, 8°.

En revanche, pour les plus-values qui consti­tuent pour les non-résidents des revenus profes­sionnels, aucune disposition légale ne permet­tait jusqu'à présent au fisc de percevoir l'impôt au moment même où la plus-value est réalisée. Il en résultait, notamment dans le cas de vente par des sociétés non résidentes, que l'impôt finissait souvent par ne pas pouvoir être recou­vré. En effet, si la société étrangère qui avait réalisé la plus-value était établie dans un pays n'ayant pas conclu avec la Belgique une con­vention prévoyant l'assistance au recouvre­ment, l'administration fiscale belge était dans l'impossibilité de pratiquer une mesure d'exé­cution quelconque, sauf dans l'hypothèse où la société non résidente possédait d'autres biens en Belgique.

Or, depuis 1990, toutes les plus-values réalisées par des sociétés non résidentes sur des immeu­bles belges sont soumises à l'impôt des non­résidents.

Certains services d'imposition des non-rési­dents avaient tenté, sous prétexte que selon eux, «les droits du Trésor étaient en péril», de pro­céder à un enrôlement dès la notification par le notaire que l'acte de vente de l'immeuble allait être passé; simultanément, il notifiait au notaire cette imposition, faisant ainsi saisie-arrêt entre les mains de celui-ci. Plusieurs décisions judi­ciaires, rendues en référé, ont à ju_ste titre consi­déré que ce procédé était manifestement illé­gal : l'administration taxait ainsi des revenus avant qu'ils soient réalisés, et avant même le début de l'exercice d'imposition. De plus, elle déduisait du seul fait que la société est étran­gère que les droits du Trésor étaient en péril (197).

115. -La nouvelle loi fournit une base légale à la perception anticipée de l'impôt en soumet­tant de telles plus-values à un précompte pro­fessionnel.

Le débiteur de ce précompte est, en vertu de l'article 270 du Code, la personne qui a« l'obli­gation de faire enregistrer les actes et déclara­tions en vertu de l'article 35 du Code des droits d'enregistrement ».

Sont ainsi débiteurs du précompte les notaires, pour les actes de leur ministère, et les parties contractantes elles-mêmes lorsque l'acte soumis à l'enregistrement est un compromis sous seing privé, ou un acte passé en pays étran­ger (198).

116. -Quelles sont les plus-values visées par ce précompte professionnel ?

(196) Exposé des motifs, Doc. pari., Chambre, n° 717/1, p. 8. (197) Voy. notam., Civ. Bruxelles, réf., 19 mai 1988, inédit. (198) Art. 35, 6°, du Code des droits d'enregistre­ment.

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D'une manière générale, il faut qu'il s'agisse de plus-values réalisées, c'est-à-dire résultant d'un acte d'aliénation, et non d'un acte déclara­tif, portant, soit sur la propriété d'un immeuble, soit sur un droit réel (199).

Les plus-values visées sont celles énumérées à l'article 228, § 2, 3°, a et 4, du Code, c'est­à-dire celles qui constituent des bénéfices ré­sultant, même sans l'intervention d'un établis­sement stable, de l'aliénation de biens immobi­liers, ainsi que de la constitution d'un droit d'emphytéose ou de superficie ou de droits im­mobiliers similaires, ainsi que les profits de même nature.

La référence à la notion de « bénéfices » ou de « profits » exclut les plus-values réalisées par des personnes physiques, qui seraient des re­venus divers.

Si ces plus-values sont réalisées sur des immeu­bles non bâtis aliénés dans les conditions pré­vues par l'article 90, 9°, elles sont déjà sou­mises à la retenue prévue par l'article 301 du Code. En revanche, s'il s'agit de plus-values résultant de la spéculation visée par l'article 90, 1°, du Code, elles échappent au précompte pro­fessionnel nouvellement institué.

Les plus-values qui constituent -des bénéfices ou des profits, sont imposables, et ce tant si elles sont réalisées par une personne physique que par une société.

Les plus-values réalisées par des personnes mo­rales sans but lucratif non résidentes échappent à notre avis à ce précompte, comme d'ailleurs à l'imposition elle-même. Elles ne sont, en effet, en tant que contribuables visés à l'article 227, 3°, du Code, soumises à l'impôt que sur les sommes obtenues à l'occasion de la constitu­tion ou de la cession de· droits d' emphythéose ou de superficie, mais non sur des plus-values (200).

117.-Ni le taux, ni la base du précompte professionnel n'ont été fixés par la loi, qui se borne, sur ce point, à prévoir que le précompte professionnel est payable lors de l'enregistre­ment des actes, et que « le Roi fixe les moda­lités d'application du présent article». L'exposé des motifs y voit une attribution au Roi du pouvoir de déterminer la base imposable et le taux du précompte (201).

Malgré cette précision de l'exposé des motifs, il nous paraît impossible de voir en ces termes une attribution formelle au Roi de fixer la base imposable et le taux de l'impôt.

L'article 412bis se borne, en effet, à déroger à l'article 412, alinéa 2, selon lequel le pré­compte professionnel est payable dans les quinze jours qui suivent l'expiration du mois pendant lequel les revenus ont été payés ou attribués. Il s'agit donc d'une disposition qui ne déroge qu'à la règle fixant le moment où l'im­pôt doit être payé. On ne peut y voir une déléga­tion de pouvoirs aussi importante que celle an­noncée dans l'exposé des motifs. Portant sur la base et le taux de l'impôt, une telle délégation de pouvoir au Roi serait, en effet, contraire au

(199) Art. 270, 5° nouveau, du Code. (200) Art. 1234, 2°, du Code; la solution est d'ailleurs la même pour les redevables de l'impôt belge des personnes morales. (201) Doc. pari., n° 717/1, p. 8.

principe de la légalité de l'impôt tel qu'il est établi par l'article 110 de la Constitution. L'exposé des motifs commet une erreur encore plus lourde en croyant que le Roi tire du texte de l'article 412bis le pouvoir de prévoir« que l'enregistrement de l'acte ou de la déclaration ne peut être effectué qu'après paiement du pré­compte professionnel ». Il s'agit là, en effet, d'une mesure qui va bien au-delà d'une simple précision quant -aux modalités de paiement du précompte professionnel, seule autorisée par l'article 412bis. Une telle disposition prévoit une véritable sanction supplémentaire, non pré­vue par la loi, en empêchant l'acte d'être enre­gistré, et donc d'être transcrit. Cette sanction est d'autant plus injustifiée qu'elle frappe l'acheteur, privé de l'opposabilité de son acte aux tiers, alors que les impôts enjeu concernent des revenus du vendeur, et que, en tout cas lorsqu'il s'agit d'un acte notarié, l'acheteur n'assume aucune responsabilité quant au pré­compte professionnel dû.

A. -L'obligation de déclaration

118.-L'article 306 nouveau du Code autorise le Roi à dispenser certaines catégories de con­tribuables de déclaration à l'impôt des per­sonnes physiques. Le Roi peut à cet effet pré­voir des modalités et des conditions, dans un arrêté délibéré en conseil des ministres. Cette mesure n'est pas contraire à l'article 110 de la Constitution; si elle constitue un avantage pour certaines catégories de contribuables, et non pour d'autres, celui-ci se fonde sur des données objectives, puisqu'il trouve sa justifi­cation dans le fait que l'informatisation crois­sante de l'administration lui permet« de régu­lariser la situation fiscale de plus de 75 % des salariés » (202). Lorsque 1' arrêté royal aura été pris, cette dispo­sition permettra de dispenser de l'obligation de déclarer tous les salariés qui ne déclarent pas leurs frais professionnels réels, et qui ne dispo­sent ni d'autres catégories de revenus, ni de possibilités particulières de déduction. On pourra certes soutenir, sur le plan des idées générales, qu'on va créer ainsi une catégorie de contribuables qui perdront pratiquement toute conscience de l'existence et de l'importance de l'impôt sur les revenus. Il faut toutefois recon­naître que cette situation .résulte essentielle­ment du système de retenue à la source du précompte professionnel et que la mesure envi­sagée est avant tout un progrès puisqu'elle dé­charge le contribuablè d'une obligation.

B.- Usage du numéro national

119.-Si l'informatisation des services fis­caux permet de supprimer certaines obligations

(202) Exposé des motifs, Doc. pari., Chambre, n° 717/1, p. 9.

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incombant actuellement au contribuable, c'est en raison de l'emploi de plus en plus généralisé du numéro fiscal d'identification, qui corres­pond pour les personnes physiques, au numéro national. Cet usage, obligatoire pour l'administration, ne l'était jusqu'à présent, pour les particuliers, que pour 1' établissement des fiches de salaires, en vertu de 1' article 314, § 6, 2°, du Code des impôts sur les revenus 1992. L'article 18 permet au Roi d'étendre l'usage du numéro national aux personnes physiques et morales et aux associations de fait, dans tous les cas où celles-ci « sont tenues de fournir des renseignements au sujet du titulaire de ce nu­méro d'identification, dans le cadre des obliga­tions qui leur sont imposées par une disposition législative ou réglementaire relative aux impôts sur les revenus ».

120. -Le pouvoir ainsi accordé au Roi est donc particulièrement large, puisque, utilisé sans limite, il lui permettrait de rendre obliga­toire l'usage du document national pour n'im­porte qll:elle communication de renseignements requis p~u un tiers quelconque ou même dans le cas d'une simple demande de renseignements par 1' administration fiscale. Ainsi que 1' a juste­ment relevé le Conseil d'Etat, on ne voit pas comment les tiers concernés « pourront obtenir du registre national la communication du nu­méro » (203). Si elle est incontestablement de nature à facili­ter le travail administratif, l'attribution d'un tel pouvoir au Roi pose toutefois un problème de principe _important. En effet, en vertu de 1' article 9 de la loi du 8 août 1983 organisant un registre national des personnes physiques « l'utilisation du numéro d'identification du registre national sans y être autorisé ou à d'autres fins que celles en vue desquelles l'autorisation a été donnée, est inter­dite». En d'autres termes, en vertu de cette disposition, il est légalement interdit, sous peine de sanctions pénales, d'utiliser le numéro national que la loi du 28 décembre 1992 permet au Roi d'exiger. ll est vrai que la loi du 8 août 1983 attribue aussi au Roi le pouvoir d'autoriser l'usage, du numéro d'identification, mais il ne peut utiliser ce pouvoir que pour « les autorités publiques et les organismes visés à l'article 5 »,c'est-à-dire « les organismes d'intérêt public ... , les notaires et les huissiers de justice». Le Conseil d'Etat a souligné« que l'usage de ce numéro est assujetti par la loi à des conditions strictes d'autorisation, parce qu'il facilite l'accès à un grand nombre d'informations per­sonnelles, dont certaines sont confidentielles. On voit difficilement comment le Roi pourrait respecter les principes consacrés par la loi du 8 août 1983 ... ». n en déduisait que «le texte doit être omis ou fondamentalement revu » (204). Feignant de ne pas comprendre la portée de ces remarques judicieuses du Conseil d'Etat, 1' exposé des motifs se borne à invoquer que l'arrêté royal ne pourra être pris qu'en conseil

(203) Avis du Conseil d'Etat, Doc. pari., Chambre, n° 717/1, p. 70, note 2. (204) Doc. pari., Chambre, n° 717/1, p. 70.

des ministres, et après avis de la Commission de la protection de la vie privée (205). Cette observation de pure forme ignore la ques­tion de fond, qui est celle de 1' autorisation qui pourrait être accordée à des personnes autres que celles qui, sans commettre une infraction pénale, peuvent être autorisées par le Roi en vertu de 1' article 8, à utiliser le numéro natio-nal. -

Au vu de 1' exposé des motifs, il paraît clair que l'intention du gouvernement est de donner une portée très large à l'obligation d'usage du nu­méro national, et de 1 'imposer à des personnes autres que celles visées par l'article 5 de la loi du 8 août 1983.

121.- On peut dès lors se demander si 1 'objet du texte est d'accorder au Roi un pouvoir excé­dant celui prévu par la loi du 8 août 1983, ou s'il faut l'interpréter dans le cadre de l'attribu­tion générale de pouvoirs prévue par cette loi. Rien ne permet de considérer que la loi du 8 août 1983 serait d'un rang supérieur à celle du 28 décembre 1992. De plus, si l'objet était seu­lement d'attribuer au Roi un pouvoir dont il disposait déjà en vertu de la loi du 8 août 1983, il faudrait en déduire que 1' article 18 de la loi du 28 décembre 1992 est sans objet. Dans la me­sure où il faut toujours interpréter un texte de la manière où il a un sens, il faut à notre avis considérer qu~en matière d'impôts sur les re­venus et seulement dans ce domaine, le Roi dispose d'un pouvoir plus large, përmettant d'imposer l'utilisation du numéro national à beaucoup plus de personnes. D'ailleurs, tel était déjà l'objet de l'article 314, § 6, du Code des impôts sur les revenus, dans son texte initial, puisque, dans certains cas, il permettait d'exi­ger le numéro national de personnes physiques ou morales et l'association de faits, autres que les personnes visées par l'article 5 de la loi du 8 août 1983. L'exposé des motifs a toutefois souligné (206) que l'arrêté royal ne pourrait être pris, notam­ment, qu'après avis de la Commission de pro­tection de la vie privée. Or, cette obligation n'est prévue que par l'article 8 de la loi du 8 août 1983, et n'est malencontreusement pas re­transcrite dans l'article 314, § 6, du Code des impôts sur les revenus. On peut dès lors se demander, si, agissant dans ce cadre, le Roi est encore obligé de demander cet avis. Cette situation est particulièrement grave, dans la mesure où le pouvoir attribué au Roi est pratiquement illimité. Il risque de se créer, de cette manière, un domaine, celui des impôts sur les revenus, où l'ensemble du mécanisme, déjà fragile, mis en place par la loi du 8 août 1983, pour protéger la vie privée, serait mis en péril. L'administration des contributions directes étant déjà une des autorités de l'Etat qui dispose des pouvoirs les plus larges d'intrusion dans la vie du citoyen, la mesure apparemment anodine résultant de l'article 18 de la loi du 28 décem­bre 1992 paraît dès lors très préoccupante.

C. -Intérêts de retard

122. - En vertu de l'article 414, § 1er, du Code, des . intérêts de retard sont dus après

(205) Doc. pari., Chambre, n° 717/1, p. 9. (206) Doc. pari., Chambre, n° 717/1, p. 9.

l'échéance des impôts, à un taux de 0,8% par mois civil. Jusqu'à présent, il était prévu que cet intérêt n'était pas dû «si son montant n'at­teint pas 100 Fou si sa base de calcul est infé­rieure à 5.000 F ». Pour des raisons de facilité, cette disposition a été modifiée, de telle ma­nière que l'intérêt cesse d'être dû« lorsque son montant n'atteint pas 200 F par mois». Corré­lativement, les intérêts moratoires dus par l'Etat sur les sommes devant être restituées au contribuable ne le sont pas jusqu'à un même montant.

Par ailleurs, un nouveau paragraphe a été ad­joint à l'article 415 du Code, et il prévoit que « lorsqu'un accroissement d'impôt ou une­amende administrative ... est porté au rôle con­jointement avec le précompte auquel l'accrois­sement ou l'amende se rapporte, l'intérêt de retard relatif audit accroissement ou amende est dû à partir de 1' expiration des délais de paie­ment...». Le but est de simplifier le calcul en évitant que des dates différentes soient applica­bles pour les précomptes eux-mêmes et pour les amendes ou accroissements.

D. -Envoi des avertissements-extraits de rôle

123.- L'article 11 de l'arrêté royal n° 4 du 22 août 1934 obligeait l'administration à envoyer les avertissements-extraits de rôle par recom­mandé. Il s'agissait non seulement d'une obli­gation légale, mais aussi, pour 1' administration, d'une possibilité de prouver la date d'envoi de ceux-ci, qui est importante pour la fixation du délai de réclamation, qui ne peut être inférieur « à six mois à partir de la date de 1' avertisse­ment-extrait de rôle ou de l'avis de cotisation» (207).

Depuis le 1er janvier 1978, l'administration ne respectait plus cette obligation, pour des rai­sons budgétaires.

L'article 39, 2°, de la loi abroge cet arrêté et, pour légaliser la pratique administrative irrégu­lière, supprime ainsi l'obligation d'adresser les avertis~ements-extraits de rôle par recom­mandé.

Il semble qu'une des intentions du gouverne­ment était d'éviter que des réclamations doi­vent être déclarées recevables alors qu'elles auraient été envoyées après le 30 avril de l'an­née qui suit l'exercice d'imposition, parce que le contribuable aurait soutenu que l'administra­tion, n'ayant pas envoyé l'avertissement-extrait de rôle par recommandé, était dans l'incapacité de prouver que le délai de six mois avait com­mencé à courir.

Un arrêt de la Cour de cassation, non encore publié, du 7 janvier 1993 (208) vient à cet égard de décider que «lorsque l'envoi qui devait... être fait par lettre rec_pmmandée, 1' a été par lettre simple ou lorsque 1' administration ne prouve pas qu'il a été fait par lettre simple ou lorsque l'administration ne prouve pas qu'il a été fait par lettre recommandée et que le rede­vable soutient n'avoir pas reçu l'avertissement­extrait, cette réclamation ne peut être déclarée

(207) Art. 371 du Code. (208) Voy~ R.G.F., 1207, en cause l'Etat belge c. Chevalier.

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tardive que si l'administration établit qu'un avertissement-extrait est parvenu au redeva­ble ». Elle confirme ainsi une jurisprudence constante des cours d'appel (209).

---- 124.- C'est, à notre avis, à tort qu'on soutien­drait que la seul~ suppression de l'obligation, pour 1' administration, d'envoyer 1' avertisse­ment-extrait de rôle par recommandé, a une portée quelconque sur la question de la charge de la preuve de l'envoi de l'avertissement-ex­trait de rôle.

1993

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En vertu du principe général e~primé par les articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire, il appartient, en cas de litige, à cha­que partie d'établir les faits qu'elle allègue.

Lorsqu'un contribuable introduit une réclama­tion, il lui appartient de prouver la date de c.ette réclamation, raison pour laquelle il est souhai­table, quoique la loi ne le prescrive pas, qu'ille fasse par recommandé.

En revanche, le . point de départ du délai de réclamation, c'est-à-dire l'envoi de l'avertisse­ment-extrait de rôle, doit être établi par l'admi­nistration, puisque c'est elle qui, le cas échéant, peut être amenée à soutenir que la réclamation est tardive et irrecevable.

Il incombe donc à l'administration de prouver la date d'envoi de l'avertissement-extrait de rôle. Le fait qu'elle soit dispensée de l'obliga­tion d'envoyer celui-ci par recommandé, ne modifie en rien les règles relatives à la charge de la preuve. La loi ne lui interdit pas d'envoyer ces documents par recommandé, pour se réser­ver une preuve, et elle ne l'empêche pas non plus de tenter de recourir à d'autres modes de preuve pour établir cet envoi. En choisissant un mode d'envoi qui ne lui permet pas de faire la preuve qui lui incombe, l'administration ac­cepte d'assumer le risque qui en découle.

125.- L'administration a toujours pu prouver la date d'envoi de l'avertissement-extrait de rôle, non seulement par un récépissé d'envoi d'un recommandé, mais aussi« par toutes voies de droit, et notamment par présomption » (210). Certains arrêts ont ainsi déduit l'exis­tence de cette preuve de l'attitude du redevable, par exemple, lorsqu'il invoque tardivement le moyen pris de l'absence d'envoi de l'enrôle­ment (211).

Ces modes de preuve demeurent ouverts à 1' ad­ministration, ce qui ne fait que confirmer qu'elle assume toujours la charge de la preuve en la matière. L'exposé des motifs soutient vai­nement -que, sur ce point, la jurisprudence n'est pas unanime, sans toutefois citer aucune déci­sion en sens contraire (212).

C'est également en vain que l'administration soutiendrait que la preuve de l'envoi de l'aver­tissement-extrait de rôle résulterait de la men­tion de la date d'envoi figurant sur celui~ci.

En effet, la date d'envoi est nécessairement indiquée avant l'envoi, et ne peut donc établir

(209) Voy. notam., Mons, 25 nov. 1988, J.D.F., 1989, p. 117. (210) Voy. Mons, 25 nov. 1988, J.D.F., 1989, 117 auquel se réfèrè l'avis du Conseil d'Etat, Doc. pari., Chambre, n° 717/1, p. 71 et la note 1. (211) Gand, 24 déc. 1991, B.C., 1993, p. 284. (212) Doc. pari., Chambre, n° 717/1, p. 17.

. ,2~i1ournal des 'Jtribunaux

l'existence de celui-ci. De plus, en l'absence de dispositions légales accordant une valeur pro­bante aux mentions de l'avertissement-extrait de rôle, il n'y a aucune raison de déroger au principe général suivant lequel il appartient à toute partie de prouver les faits qu'elle allègue, la seule affirmation d'un fait n'étant pas en soi probante (213).

Cette modification législative n'aura dès lors d'autre effet que de fournir à l'administration la satisfaction purement formelle de ne plus man­quer systématiquement à ses obligations lé­gales. En revanche, elle devrait être sans consé­quence sur la question de la preuve du point de départ du délai de réclamation.

E. -Les accords fiscaux préalables ou rulings

126. -Dans divers cas limitativement énu­mérés par l'article 345, §1er, du Code, une commission spéciale constituée au sein de l'ad­ministration des contributions directes peut être amenée à accorder des « accords fiscaux préa­lables», qui lient l'administration, pour autant que la question ait été exposée de bonne foi et que les effets des opérations ne soient pas mo­difiés par des opérations ultérieures dont il ré­sulterait que les conditions requises ne sont plus respectées.

Un arrêté royal du 9 novembre 1992 (214) a fixé la procédure à suivre pour demander un tel accord à cette Commission. La loi confirme cet arrêté.

Le Conseil d'Etat avait considéré qu'il n'était pas possible de prévoir par arrêté royal que 1' administration serait liée, non seulement par un accord exprès, mais aussi, tacitement, par le seul fait de ne-pas répondre à la demande d'ac­cord dans un délai déterminé. C'est la raison pour laquelle le législateur a été amené à modi­fier l'article 345, §1er, du Code, qui précise dorénavant que « le défaut de répondre de l'ad­ministration des contributions directes dans le délai déterminé par le Roi équivaut à un accord préalable » (215).

Pour qu'il en soit ainsi, il faut que le délai prévu par l'article 1er, § 5, de l'arrêté royal du 9 no­vembre 1992 soit écoulé, sans réponse adressée par lettre recommandée par la Commission. Ce délai est de trois mois à partir du jour auquel la demande est parvenue à l'administration. Tou­tefois, il ne prend cours, en vertu de 1' article 1er, § 5, qu'au jour où les dernières pièces ou les derniers renseignements demandés par la Com­mission auront été fournis, si celle-ci en de­mande, ou au jour de la dernière audition du demandeur, si la Commission, d'initiative, ou sur demande, entend celui-ci.

127. - Cette situation pose diverses questions.

Tout d'abord, si, en vertu de l'article 1er, § 5, alinéa 1er, dudit arrêté royal, le délai de trois mois ne prend cours que lors de la réception de pièces ou de renseignements, ou d'une audi­tion, que se passe-t-il si, pendant les trois mois

(213) Cass., 25 févr. 1982,J.T., p. 544 et la note Th. Mschrift. (214) M.B., 25 nov. 1992, p. 20599. (215) Art. 19 de la loi.

suivant l'introduction de la demande, la Com­mission ne réagit pas, et ne demande ni rensei­gnements ni pièces? L'administration pourrait­elle soutenir que le délai n'a jamais pris cours, et demander ensuite, après l'expiration du délai de trois mois, des pièces ou des renseigne­ments, en affirmant que seule .la réponse à sa demande fera courir le délai de trois mois ?

Cette interprétation reposerait certes sur'les ter­mes mêmes de l'article 1er,§ 5, alinéa 1er, selon lequel le délai «ne prend cours» qu'à ce mo­ment. Toutefois, le même article 1er, § 5, pré­voit dans son alinéa 3 qu'« en aucun cas, le délai ainsi prolongé ne peut excéder six mois ».

Il nous semble dès lors qu'il faut considérer que le délai prend, en réalité, cours lors de la récep- _ tion de la demande, comme le précise l'article 1er, § 5, alinéa 1er. Il faut donc interpréter l'ali­néa 2 de ce texte comme signifiant qu'un nou­veau délai de trois mois est accordé à la com­mission à partir de la réponse à sa demande de renseignements ou de l'audition du demandeur. Encore faut-il admettre que le nouveau délai ne peut être accordé à la Commission que si l'in­terruption du premier délai se situe avant l'expiration de celui-ci. En d'autres termes, si un nouveau délai ne prend pas cours avant l'expiration du premier, la Commission est ré­putée avoir donné son accord conformément à l'article 345, §1er, du Code tel qu'il vient d'être modifié par la loi. .

128. -La maladresse de rédaction du texte de l'arrêté royal pourrait même amener à se de­mander si, dans le cas d'une demande de ren­seignements ou d'audition adressée par la Commission au demandeur avant l'expiration du délai de trois mois, suivie d'une réponse du demandeur ou d'une audition après l'expiration de ce délai, on peut vraiment considérer qu'un nouveau délai a pris cours. En effet, à défaut, pourle demandeur, d'avoir fourni des rensei­gnements, ou d'avoir été entendu, le nouveau délai n'a pu prendre cours, de sorte qu'à l'expi­ration du premier délai, il faut considérer que l'accord a été donné tacitement.

Aucune disposition légale, ni réglementaire, ne prévoit, en effet, qu'il y aurait interruption du premier délai par le seul fait, pour la Commis­sion, de demander des renseignements, ou de convoquer le demandeur pour une audition.

129. - Enfin, si la Commission demande à la fois une audition, et des renseignements ou des documents, le nouveau délai ne commencera à courir qu'à partir de «la date la plus récente» des deux dates prises en considération (216).

Si cette date « la plus récente » se situe plus de trois mois après la réception de la demande d'accord, l'application de la loi nouvelle im­plique que la Commission a donné un accord tacite, à défaut d'interruption dans le délai de trois mois. On ne pourrait, en effet, concevoir qu'un délai soit prolongé pour une cause surve­nant après son expiration.

Demême, l'article 1er,§ 5, alinéa 3;de l'arrêté royal prévoyant que le délai, prolongé, ne peut en aucun cas excéder six mois, il faut en con­clure que, même si la Commission demandait des pièces en temps utile, elle serait censée accorder. un accord· tacite si le demandeur ne

(216) Art. 1er, § 5, al. 2, 3°, de l'arrêté royal du 9 novembre 1992 .

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répondait pas dans ce délai de six mois, sauf si, entre-temps, elle prenait une décision formelle de rejet, éventuellement motivée par le défaut de fournir _de tels renseignements ou docu­ments.

cl!APiTREv MESURE:S.J)E LUTTE

CONTRE LAFRAUDE FISCÀLE

A. - Suppression du caractère obligatoire de la demande d'avis du directeur

130. -Depuis 1' entrée en vigueur de la loi du 4 août 1986, le ministère public, lorsqu'il avait connaissance de faits éventuellement constitu-­tifs de fraude fiscale, par d'autres voies que la plainte provenant d'une administration fiscale, était tenu, à peine de nullité des poursuites (217), de demander un avis préalable au direc­teur régional compétent. Cette disposition avait pour but d'assurer une certaine unité dans les poursuites, en éclairant le procureur du Roi sur la pratique habituelle de l'administration fis­cale.

Le but du législateur de 1986 était clairement d'unifier, dans la mesure du possible, les cri­tères suivis, d'une part, par l'administration fis­cale pour adresser ou non une plainte au par­quet et, d'autre part, par le parquet pour poursuivre d'initiative.

Le ministère public n'était pas tenu de suivre l'avis du directeur, mais il ne pouvait entamer les poursuites avant d'avoir reçu celui-ci, ou avant l'expiration d'un délai de quatre mois, si le directeur ne répondait pas avant celui-ci.

131. -La loi modifie 1' article 461 du Code des impôts sur les revenus, en prévoyant que la consultation du directeur n'est que facultative, et qu'« en aucun cas la demande d'avis n'est suspensive de l'action publique».

En d'autres termes, le ministère public peut dorénavant poursuivre avant même d'avoir de­mandé l'avis du directeur, et il lui est même loisible de ne jamais demander cet avis.

Le ministre a déclaré qu'il était néanmoins « souhaitable que cet avis soit encore demandé à l'avenir» (218), mais, à défaut de sanction de l'absence d'une telle demande; il faut craindre que les parquets s'abstiennent de le solliciter, ou ne le fassent qu'après introduction de l'ac­tion publique. Sachant qu'en matière de fraude fiscale, le ministère public procède, en général, par la voie de la mise à l'instruction de l'affaire, et que celle-ci rend jmpossible un classement sans suite, il va de soi que l'avis donné par le directeur d'une administration fiscale après 1 'introduction des poursuites ne peut plus avoir qu'une po~tée toute symbolique, ce qui n'inci­tera certainement pas à le demander.

132.- Etrangement, la faculté donnée au mi­nistère public de demander un avis à l'adminis-

(217) Voy. Th. Afschrift, «La loi du 4 août 1986 portant des dispositions fiscales », J. T., 1986, p. 678. (218) Rapport, Chambre, Doc. pari., n° 717/5, p. 91.

tration, n'existe pas lorsque la connaissance qui est donnée au ministère public, des faits, résulte d'une plainte déposée par le fisc. Le texte pré­cise, en effet, que le ministère public peut pro­céder à cette demande d'avis « à moins que sa connaissance des faits ne résulte d'une plainte déposée ou d'une dénonciation faite par les fonctionnaires de l'administration fiscale du ministère des Finances». Sans qu'on aperçoive le motif d'une telle restriction, il faut donc en conclure que, si l'administration des contribu­tions directes introduit une plainte, le ministère public ne pourrait pas demander l'avis de l'ad­ministration de la t.v.a. sur l'opportunité de poursuivre les mêmes faits à titre d'infraction à cette dernière taxe. Il ne pourrait par ailleurs demander l'avis d'aucune de ces deux adminis­trations, si la plainte ou la dénonciation prove­nait de l'inspection spéciale des impôts.

On ne voit guère de justification à une mesure qui empêche le ministère public de connaître l'avis d'une administration autorisée sur l'op­portunité ou non d'engager des poursuites.

Pour la même raison, le fait de maintenir un délai de quatre mois pour la réponse à donner par l'administration fiscale n'a plus de portée pratique, puisque le ministère public peut doré­navant poursuivre sans même attendre l'expira­tion de ce délai.

Le pouvoir de demander 1' avis est réservé au ministère public; le contribuable ne pourrait donc, pendant l'exercice de l'action publique, demander également cet avis.

Maison LARCIER, s.a~ Rue des Minimes, 39 - 1000 Bruxelles

Tél. (02) 512.47.12- Fax (02) 513.90.09

PRÉCIS DE LA FACULTÉ DE DROIT DE L'UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN

DROIT FISCAL TOME PREMIER

L'IMPÔT-DES PERSONNES PHYSIQUES

Deuxième édition entièrement refondue

PAR

Pierre COPPENS Professeur émérite à la Faculté de droit

de l'Université catholique de Louvain Avocat au barreau de Bruxejles

et

André BAILLEUX Professeur à la F acuité

universitaire catholique de Mons Avocat au barreau de Bruxelles

Le succès de la première édition (1985) a déterminé les auteurs à faire une nouvelle édition qui est entièrement refondue. L'impôt des personnes physiques a été fort modifié depuis 1985 mais une réédition - à jour au 15 février 1992 - se justifie par la stabilité nécessaire des nouveaux textes et des principes qui les animent. Une part fort importante de cet ouvrage est consacrée aux centaines de cas de jurisprudence qui rend la matière plus

· vivante

Un vol., 368 p., 1992 ... 2.900 FB (franco, t.v.a. incl.)

B. -Les plaintes de l'inspection spéciale des impôts

133. -La loi maintient la règle qui date égale­ment de la loi du 4 août 1986, suivant laquelle, lorsque des faits sont portés à la connaissance du parquet par des membres de 1' administration fiscale, les poursuites ne peuvent être intro­duites que si la plainte provient de di~ecteurs régionaux auprès de ces administrations. Dans le cas de 1' inspection spéciale des impôts, l'article 29, alinéa 2, du Code d'instruction cri­minelle, tel qu'il avait été inséré par l'article 107 de la loi du 4 août 1986, limitait toutefois le pouvoir de plainte au seul directeur général de cette administration. Pour éviter des retards dus, par exemple, à l'ab..: sence de ce haut fonctionnaire, la loi prévoit dorénavant que trois fonctionnaires de cette ad­ministration seront désignés par le secrétaire général du ministère des Finances, sur avis con­forme de 1' administrateur général des impôts, et qu'une plainte-provenant d'un seul de ces trois fonctionnaires ·pourra valablement être adressée au procureur du Roi. Pour le reste, le principe suivant lequel le pou­voir de porter plainte ou d'adresser une dénon­ciation ne peut être délégué, reste intact. Il en est de même de la règle suivant laquelle les poursuites sont nulles si elles sont introduites sur la base d'une plainte provenant d'un fonc­tionnaire non habilité à cet effet (219).

C. --:-Mise à disposition du parquet de fonctionnaires

134. -L'article 71 de la loi prévoit que « des fonctionnaires des administrations_ fiscales, dé­signés pat: le ministre des Finances, sont mis à la disposition du procureur du Roi ou de l'audi­teur du travail aux fins de les assister dans 1' exercice de leurs missions. Le Roi détermine par arrêté délibéré en conseil des ministres les modalités de cette mise à disposition ». ·

La loi remet en cause une des règles les plus importantes de la « charte du contribuable » instaurée par la loi du 4 août 1986 : la sépara­tion de la procédure fiscale et de la procédure pénale._

Rappelons, en effet, que c'est pour mettre fin à des difficultés et à des critiques multiples que l'article 350bis du Code des impôts sur les

-rev·enus avait prévu que, sous peine de nullité de l'acte de procédure, les fonctionnaires du ministère des Finances ne pouvaient être en­tendus que comme témoins.

Cette règle est certes maintenue dans son prin­cipe, de sorte que des membres de l'administra­tion fiscale, autres que ceux mis à la disposition du procureur du Roi par le ministre des Fi­nances, ne pourront toujours pas participer, à quelque titre que ce soit, hormis celui de té­moin, aux poursuites. En revanche, lorsqu'un arrêté royal aura été pris en ce sens, des fonctionnaires de 1' adminis­tration fiscale pourront être détachés auprès du parquet (220).

(219) Voy., à ce sujet, Th. Afschrift, «La loi du 4 août 1986 », J.T., 1986, p. 679. (220) Doc. pari., Chambre, n° 717/5, p. 92.

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DE DROITS D~GISTREMENT

135.- Depuis 1986, les personnes qui procé­daient à la revente d'un immeuble dans un délai de cinq ans pouvaient obtenir le rembourse­ment ,des droits d'enregistrement payés lors de l'acquisition, à concurrence des trois cin­quièmes. Cette proportion était fixée à quatre cinquièmes si la revente avait lieu dans un délai de trois mois (221). ·

Cette disposition avait clairement pour objectif d'éviter des doubles impositions de ventes rap­prochées.

èonsidérant que cette mesure avait été utilisée non seulement par des particuliers, mais aussi par des marchands de biens, ce qui était pour­tant évident dès l'origine, le gouvernement y a vu un abus, parce que la mesure aurait « été détournée de son objectif _qui était de ne pas imposer de charges prohibitives des transmis­sions rapprochées d'un immeuble par des per­ceptions répétées des droits ordinaires d' enre-gistrement » (222). -

Cette utilisation de l'article 212 du Code des droits d'enregistrement correspondait pourtant à l'esprit même de cette disposition, dont il n'a jamais été prétendu qu'elle devait être réservée aux particuliers. Plutôt que de limiter l'usage de celle-ci aux personnes autres que des marchands de biens, on a préféré en revenir au système antérieur à 1986, où les droits d'enregistrement n'étaient restituables en tout cas qu'à concurrence des trois cinquièmes, et seulement en cas de revente dans un délai de deux ans (223).

Paradoxalement, cette mesure ne pénalisera pas beaucoup les marchands de biens, qui disposent d'un régime particulier leur permettant d'ac­quérir des biens en payant un droit d'enregistre­ment de 5 %. En revanche, les particuliers con­traints de vendre leur maison plus de deux ans après l'avoir acquise perdront tout droit au rem­boursement des droits payés lors de l'acquisi­tion. La nouvelle mesure s'applique aux actes passés à partir du 1er mai 1993 (224).

136.- L'arrêté royal n° 187 du 30 décembre 1982 accorde aux centres de coordination des avantages fiscaux importants en matière d'im-

(221) Art. 212 du Code des droits de l'enregistre­ment, tel qu'il a été modifié par les lois des 4 août 1986 et 22 décembre 1989. (222) Exposé des motifs, Doc. pari., Chambre, n° 717/1, p. 2. (223) Art. 62 de la loi. (224) Art. 69, al. 4, de la loi.

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pôt des sociétés, de précompte immobilier, et de droits d'enregistrement. Ce régime a fait l'objet de nombreuses modifications, tendant toutes à réduire la portée des avantages dont ils bénéficient, notamment par les lois des 11 avril 1983, 27 décembre 1984, 4 août 1986, et 28 décembre 1990. Le régime des centres de coordination reste toutefois fort attrayant puisque, pour 1990, l'administration évalue leur base imposable globale à plus de 32.000.000.000 de F, pour une imposition négligeable (225). Il s'agit toutefois du type même de bénéfices qui, s'ils étaient imposés, cesseraient d'être réalisés en Bel­gique.

Des motifs budgétaires ont amené le gouverne"" ment à proposer l'fustauration d'une taxe an­nuelle sur les centres de coordination, qui fait étrangement l'objet d'un nouvel article 162bis dans le Code des droits de succession (226). Cette taxe, tout à fait indépendante du bénéfice du centre, est fixée à 400.000 F par membre du personnel occupé à temps plein, avec un pla­fond absolu de 4.000.000 de F. Comme les centres sont tenus d'occuper au moins dix tra­vailleurs à temps plein à l'expiration d'un délai de deux ans qui suit le début de leur activité (227), cela revient à décider que tous les centres sont tenus de payer une taxe de 4.000.000 de F par an, sauf éventuellement ceux qui èxistent depuis moins de deux ans. Voilà une renais­sance d'un impôt qu'on croyait disparu: la ca­pitation.

(225) Rapport, Chambre, Doc. pari., n° 717/5, p. 71. (226) Art. 66 de la loi. (227) Art. 3, 2°, de l'arrêté royal n° 187 du 30 décem­bre 1982.

Maison LARCIER, s.a. Rue des Minimes, 39- 1000 Bruxelles

Tél. (02) 512.47.12- Fax (02) 513.90.09

AU NOM DE LA ROBE par

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Préface dessinée de

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Un volume in-8°, 16 x 24 cm, 64 pages de dessins, 1992 .......................... 950 FB

(franco, t.v.a. 6 OJo incluse)

N

137.- Dans un de ses avis sur les projets de loi déposés par le gouvernement, réunis dans ce qui devint la loi ici commentée, le Conseil d'Etat se montra particulièrement sévère. Il est vrai qu'il avait été, une fois de plus, à propos de dispositions légales complexes et importantes, saisi d'une demande de donner un avis d'ex­trême urgence. Il précisa dès lors que dans un tel contexte, 1' absence d'observations de sa part concernant certaines dispositions du projet ne signifiait pas que les textes ne fussent ni criti­quables ni perfectibles (228). Dans le même avis, il critiqua vivement la ma­nière dont la législation fiscale est modifiée, dans notre pays, par des lois multiples, et rédi­gées dans la précipitation, au point que «l'adage selon lequel nul n'est censé ignorer la loi apparaît de plus en plus irréel et que la permanence de la loi est remise en cause en raison des défauts qui affectent celle-ci dès sa conception » (229). Il consacra également d'importants développe­ments aux manquements, par le législateur, au principe de la non-rétroactivité des lois. Selon la haute juridiction, si celui-ci n'a que le rang d'une loi, et peut dès lors faire l'objet d'une dérogation par une autre loi, ce système ne peut devenir la panacée. Nous pouvons comprendre que la législation fiscale doive faire l'objet de modifications fré­quentes, dans la mesure où elle est un instru­ment essentiel de la politique budgétaire. Il en est d'ailleurs ainsi également dans la plupart des autres pays industrialisés. Beauèoup plus graves sont à notre avis les défi­ciences relatives à la qualité de la législation. On a ainsi pu relever que, dans le projet de loi déposé initialement, 9 dispositions sur 41 avaient pour seul objet de corriger des erreurs commises par des lois antérieures. La loi du 28 décembre 1992, fruit de négocia­tions entre partis et avec des lobbies divers, a, comme la plupart des autres lois récentes, bien davantage recherché à concilier besoins du Tré­sor et divers intérêts privés, qu'à maintenir des principes de droit et à garantir une cohérence dans la législation. Il faut donc s'attendre à ce que, comme les précédentes, elle fasse l'objet de modifications et corrections multiples dans un proche avenir. Encore bien davantage que le principe « nul n'est censé ignorer la loi», qui est depuis long­temps très théorique dans les matières fiscales, on peut se· demander si la législation fiscale récente ne transforme pas progressivement ·le droit fiscal, ensemble de règles juridiques es­sentielles garantissant l'égalité entre les ci­toyens, en une simple réglementation budgé­taire, dépourvue de justification morale.

Thierry AFS_CHRIFf et Anne RAYET

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(228) Doc. pari., Chambre, n° 717/1, p. 66. (229) Avis du Conseil d'Etat, Doc. pari., Chambre, n° 717/1, p. 66.

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NOTES DE JURISPRUDENCE

CODE JUDICIAIRE- ARTICLES 735, 747, § 2 ET 748, § 2

PROCEDURE D'INSTANCE.­DEBATS SUCCINCTS. -Article 735 nouveau du Code judiciaire. - Notion. - Cause complexe. - Renvoi au rôle

général.

Siég. : M. Ménestret, juge un. Plaid. : MMes Dierickx et Poncelet.

(Tampere et crts c. Lahio et crts - R.G., n° 19.229/92).

Attendu que la demande principale a pour objet d'entendre condamner les défendeurs au paie­ment de la somme de 475.000 FB à titre de prix de vente impayé d'un terrain vendu par les demandeurs aux défendeurs et de la somme de 150.000 F à titre de dommages-intérêts à majo­rer des intérêts et des dépens;

Que les défendeurs forment une demande re­conventionnelle par laquelle ils postulent l'an­nulation de la vente immobilière intervenue et la condamnation des demandeurs originaires au remboursement de l'acompte de 50.000 F payé et au paiement d'une somme de 50.000 F à titre de dommages-intérêts et des dépens;

Attendu que les défendeurs contestent le carac­tère succinct des débats allégué par les deman­deurs;

Que « succinct » signifie limité, bref, sans dé­veloppement particulier. Les débats succincts visés par l'article 735 du Code judiciaire sup­posent donc que le litige puisse « être exposé oralement ou oralement et par écrit en peu de mots» et que·« l'examen de l'affaire (soit) très bref» ne nécessitant qu'un délibéré lui-même relativement simple (cf. le commentaire de M. Storme à ce propos dans Le droit judiciaire rénové, 1992, pp. 93 et s.);

Qu'il s'agit donc« de causes pour lesquelles il n'est, en principe, pas nécessaire de soulever des moyens par écrit, ni de plaider longtemps » (Exposé des motifs de la loi du 3 août 1992, Sénat, 1198, 1, 1190-1191, p. 7);

Qu'en l'espèce le tribunal constate que l'affaire présente une certaine complexité s'agissant, d'une part, d'interpréter une convention de vente, et la volonté des parties; d'autre part, à la lumière de cette interprétation, d'examiner la réalité du vice de consentement allégué par les défendeurs et/ou de l'inexécution invoquée par les demandeurs et d'apprécier leurs consé­quences juridiques (annulation ou résolution et dommages-intérêts);

Que les demandeurs ne peuvent justifier le ca­ractère succinct des débats qu'ils invoquent qu'en raison de leur pétition de principe qui consiste à considérer comme évident le bien­fondé de leur thèse... ce qui, précisément, fait l'objet de tout le débat judiciaire !

Attendu qu'il ne peut être admis que l'affaire soit plaidée sur pied de l'article 735 du Code judiciaire; Qu'elle doit faire l'objet d'un débat normal devant une chambre de plaidoiries du tribunal de céans;

PROCEDURE D'INSTANCE.­DEBATS SUCCINCTS. -Article 735 nouveau du Code judiciaire. - Notion.

-Conditions d~application. ,, , .. ,, ., -~f~\~1

Siég. : M. Ménestret, juge un. Plaid. : MMes Linsmeau et Piret loco Rosenoer.

(s.a. Générale de Banque c. s.a. Berec et crts­R.G., n° 18.363/92).

Attendu que le caractère succinct des débats étant contesté par le défendeur Covers, il appar­tient au tribunal de statuer à ce propos avant tout débat au fond;

Attendu que le caractère succinct d'un débat est indépendant du montant de la demande;

Qu'il suppose que l'affaire puisse être plaidée brièvement et les arguments de chaque partie développés verbalement pu dans de courtes conclusions débouchant sur un délibéré lui­même succinct et excluant dès lors, une com­plexité qui exigerait des plaidoiries et des con­clusions substantielles;

Qu'à ces critères objectifs s'ajoute néanmoins une appréciation plus subjective de la part du magistrat en fonction de critères d'opportunité qu'il est le seul à pouvoir apprécier et qui tien­nent notamment à l'encombrement de ses au­diences et au nombre d'affaires qu'il tient en délibéré;

Qu'il serait, en effet, contraire au souci d'accé­lération de la justice qui a inspiré la réforme du 3 août 1992 du Code judiciaire et en particulier la procédure en débats succincts du nouvel arti­cle 735 du Code judiciaire, de prendre en déli­béré des affaires d'une certaine complexité dont le magistrat ne pourrait assurer le suivi et rédiger le jugement dans le dé~ai légal en raison par exemple d'une surcharge de travail due à l'encombrement de son rôle d'audience;

Attendu qu'en l'espèce, eu égard au type d'af­faire qui lui est soumise (cautionnement), à l'argumentation actuelle des parties et des cri­tères plus subjectifs précités, le tribunal estime pouvoir prendre la présente cause en débats succincts;

PROCEDURE D'INSTANCE. -MISE EN ETAT. -Degré d'appel.­Article 747, § 2, du Code judiciaire. -

Appelant n'ayant pas conclu.­Fixation pour plaidoiries. - Demande conjointe.- Sans réponse de la part de l'appelant. - Fixation des délais

pour conclure . ......._._.......__,,__.,._...,.._ .............. >t~,~~s··~~~-

Siég. : M. De Riemaecker, cons. un. Plaid. : MMes Hellenbosch et V an der Mosen.

(Naftali c. Kredietbank- R.G., n° 1420/91).

Attendu que la requête d'appel, motivée, a été déposée au greffe de la cour le 19 avril1991; Que 1' appelant a demandé fixation de la cause sur pied de l'article 751 du Code judiciaire et que la requérante a déposé ses conclusions au 1 9 9 3 greffe de la cour le 23 octobre 1992; _

Qu_e la requérante fait valoir avoir insisté par · ) ~j courrier du 14 janvier 1993 auprès de l'appe-lant afin de savoir si ce dernier entendait encore conclure ou si une fixation pour plaidoiries pouvait être demandée, et qu'aucune réponse n'a été donnée à cette demande; Attendu que l'appelant n'a fait valoir aucune observation dans le délai· de quinze jours de l'envoi du pli judiciaire de notification de la présente requête; Attendu qu'il convient de fixer les délais pour conclure ainsi que précisé ci-après au disposi­tif; Que les rôles permettent la fixation de la cause pour plaidoiries au 8 octobre 1993 à 10 h;

Par ces motifs:

La Cour, Fixe le délai pour conclure à un mois à dater de la notification de la présente ordonnance dans le chef de 1' appelant et à un mois à partir de cette date le délai réservé à l'intimée pour ré­pondre; Fixe au 8 octobre 1993 à 10 h l'audience à laquelle les parties seront entendues en leurs moyens et plaidoiries.

PROCEDURE. - Loi du 3 août 1992 modifiant le Code judiciaire. - Article 747, § 2.- Application immédiate.­

Délai pour conclure. - Fixation.

Siég. : M. De Riemaecker, cons. un. Plaid. : MMes Mazy et Louveaux.

i·...~~;::·ournal des ~itribunaux

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1993

)~4

(Guyaux c. Entreprises générales J.V. Blange-, nais, s.p.r.l. - R.G., n° 556/92).

Attendu que l'intimée, la s.p.r.l. Blangenois, . soutient à tort que l'article 1064 du Code judi­ciaire n'aurait pas été modifié; Que dès lors que, par-application de l'article 3 du Code judiciaire, les dispositions de procé­dure sont d'application immédiate aux procès en cours, il y a lieu de statuer sur la demande, valablement formée par l'appelante, sur pied de l'article 747, § 2, du Code judiciaire (le droit judiciaire rénové - prem:iers commentaires de la loi du 3 août 1992- Kluwer- G. Closset­Marchal, Le droit transitoire, n° 29, p. 45); Attendu qu'il convient de relever que l'appe­lante, demanderesse originaire en désignation d'un expert judiciaire, se réfère à son acte d'ap­pellonguement motivé; Attendu que dans la mesure où l'intimée fait état de la communication par 1' appelante le 25 janvier 1993 d'un rapport établi par son con­seiller technique, il s'indique de fixer, dans la mesure précisée ci-après, les délais pour con­clure, qui devront notamment permettre au con­seil de l'intimée d'examiner avec cette dernière le rapport dont question ci-dessus;

Par ces motifs :

. La Cour, Fixe à un mois le délai dans lequel la société intimée devra conclure et à quinze jours le délai réservé à la société appelante pour répondre, et à quinze joursle délai pendant lequel la société intimée pourra prendre des conclusions addi-

/tionnelles; Fixe au 23 avril 1993 à 10h45 l'audience à laquelle les parties seront entendues en leurs moyëns et plaidoiries.

PROCEDURE D'INSTANCE. ___;, MISE EN ETAT. -Article 747, § 2,

du Code judiciaire. - Conclusions. -Délai.

i':!··,:ij~l.::~~~Îit#:<~S~i~h~)~t·~··•· .• ~i~:·t993.:

Siég. : M. Ménestret, juge un. Plaid. : MMes Motulsky et J akhian.

(Y ... D ... c. M ... L. .. - R.G., n° 7365/92).

Attendu que le requérant justifie sa demande par le défaut de mise en état de l'affaire par la partie adverse dans un délai raisonnable, la cause ayant, en effet, été introduite à l'audience du 8 mai 1992 de la trentième chambre du tribunal de céans, et renvoyée aù rôle pour per­mettre aux parties de conclure; que cette circonstance justifie la fixation des délais impératifs déterminés ci-après; que néanmoins, le requérant ne demandant pas de fixation pour plaidoiries et n'indiquant pas la durée de celles-ci, il ne convient pas de fixer l'affaire au fond actuellement;

Par ces motifs :

~'::~~:B;ournal des -~cri bunaux

Disons que la défenderesse L. .. devra conclure pour le 15 avril 1993 au plus tard et le deman­deur D ... pour le 15 mai 1993; Accordons ensuite aux parties quinze jours pour leurs répliques éventuelles, soit jusqu'au 31 mai 1993 pour la défenderesse et jusqu'au 15 juin 1993 pour le demandeur.

REQUETE UNilATERALE. -Article 7 45quater du Code civil. -Conjoint survivant.- Usufruit.­

Demande de conversion. - Procédure d'instance. - Mise en état. - Article

747, § 2, du Code judiciaire.-Inapplicable ..

(Jiv~···~~~~~~~~·.tïT~~·'~.:)~:,.~ .. i~:V~;~~~~-· ;·

Siég. : M. Verlynde, vice-prés., juge un. Plaid. : MMes Goujon et Garzaniti (barreau de Liège).

(Clavier- R.G., n° 93.255).

Vu la requête en fixation des délais pour con­clure, déposée sur pied de l'article 747, § 2, du Code judiciaire par Mme Clavier Léonie le 2 mars 1993 et notifiée par le greffe à Mme Ber­nadette Jouret, domiciliée à 1030 Bruxelles (Saint-Josse-ten-Noode), rue de la Ferme, 72, le 17 mars 1993;

* * * Attendu que la requérante sollicite abréviation des délais pour conclure en raison de l'appa­rente passivité de la dame Bernadette J ouret ayant droit, appelée à la clause, et l'urgence alléguée. Attendu que Mme Clavier Léonie a introduit le 28 octobre 1992 devant le tribunal de céans une requête visant à voir convoquer la partie requé­rante et la dame Bernadette Jouret ·afin qu'il puisse être statué sur la demande de la requé­rante visant à obtenir conversion de l'usufruit du conjoint survivant et fixation des modalités de cette conversion en précisant le montant du prix à payer pour la cession de la nue-propriété des biens immobiliers dépendant de la succes­sion et s'il échet la vente de la pleine propriété de tout ou partie des biens grevés d'usufruit ou leur partage, à moins qu'il n'y ait lieu de ren­voyer les parties devant un notaire pour procé­der aux opérations de conversion suivant la procédure prévue par les articles 1207 à 1225 du Code judiciaire; Attendu que la requête introduite est fondée sur l'article 745quater du Code civil; que la requé­rante se dit nue-propriétaire de la succession de feu Hougardy Antoine, de son vivant époux de Bernadette J ouret qui en serait usufruitière; qu'aux termes de cet article, lorsqu'une succes­sion a été déférée au conjoint survivant, et que celui-ci se trouve en indivision avec des tiers, titulaires de la nue-propriété des biens indivis, le tribunal peut, s'il l'estime équitable en raison de circonstances propres à la cause, agréer une demande de conversion présentée par un nu­propriétaire autre que ceux visés dans le §1er, de l'article 745quater du Code civil;

que lorsque tous les nus-propriétaires et le con­joint survivant, majeurs et capables, ne sont pas d'accord de procéder aux opérations de conver­sion de l'usufruit ou à la cession de la nue­propriété des biens visés à l'article 745quater, § 4, du Code civil, le tribunal peut être saisi par requête d'un des nus-propriétaires en vue d'autoriser la conversion de l'usufruit, de fixer les modalités de la conversion ou le montant du prix à payer pour la cession de la nue-propriété des biens visés à l'article 745quater, § 4; qu'il peut ordonner, s'il échet la vente de la pleine propriété de tout ou partie des biens grevés d'usufruit ou leur partage à moins qu'il ne pré­fère renvoyer les parties devant ùn notaire pour procéder aux opérations de conversion suivant la procédure prévue par les articles 1207 à 1225 du Code judiciaire; Attendu que pareille requête est demeurée, après l'entrée en vigueur du Code judiciaire rénové une requête unilatérale régie par les arti­cles 1025 à 1034 du Code judiciaire; qu'aux termes de l'article 1028 du Code judiciaire, le juge vérifie la demande av_ant de statuer; que l'obligation qui lui est faite d'appeler les ayants droit à la cause, par pli judiciaire ne transforme pas la nature de la requête introduite; Attendu que 1' article 7 4 7, § 2 nouveau, du Code judiciaire ne se conçoit pas dans le cadre d'une requête unilatérale où l'aménagement des délais pour conclure ne trouve pas sa place, la mise en état du dossier dépendant unique­ment de la partie requérante et du juge, dans la mesure où lui-même fixe la date où les ayants droit seront appelés sans avoir la moindre obli­gation de leur octroyer les délais prévus à l'arti­cle 7 4 7, § 1er, du Code judiciaire pour conclure; que les ayants droit appelés à la cause n'y de­viendront parties que si elles y comparaissent et déclarent vouloir y intervenir; Attendu qu'en l'espèce, la cause a été fixée à l'audience du 26 janvier 1993 de la douzième chambre du tribunal de céans et les ayants droit appelés à y comparaître; qu'à cette audience, aucune des parties n'a comparu, la cause étant renvoyée au rôle particwier de la_~te chambre; qu'il n'y a lieu, dès lors, à application de l'arti­cle 747, § 2, du Code judiciaire.

PROCEDURE D'INSTANCE. -MISE EN ETAT.- Article 747, § 2,

du Code judiciaire. - Portée. -Urgence.- Non établie.- Délai

d'échange des. conclusions. - Mfaire complexe. - Négociations en cours. -

Requête non fondée.

.. ,:Çîfj:·~~~ij~::.~~···~f~:~~:.~~·;~~~~ji'•·;

Siég. : M. Ménestret, juge un. Plaid.: MMes Gillet, Uyttendaele et De Liede­kerke.

(Commune de Woluwé-Saint-Lambert c. s.a. Société de développement hôtelier et de gestion et s.a. Sabena- R.G., n° 19.680/92).

Attendu que l'affaire a été introduite le 7 jan­vier 1993 par citation du 3 décembre 1992 et renvoyée au rôle général pour permettre aux parties de conclure;

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Que la requérante justifie la nécessité de fixer des délais impératifs d'échange des conclu­sions par l'urgence qu'il y aurait à mettre l'af­faire en état et à la passivité des défendeurs à ce propos; Que l'urgence n'est pas démontrée en l'espèce. Il faut observer qu'elle fut déjà écartée par le président du tribunal de céans siégeant en ré­féré (ordonnance du 12 octobre 1992 dont la requérante ne releva appel six semaines plus tard ... ); Qu'en outre, l'affaire est complexe et ne fut introduite que récemment;

Que cette complexité et les négociations en cours dont les défenderesses font état peuvent justifier une mise en état plus lente de la cause; Qu'enfin, il convient d'observer qu'eu égard à la durée des plaidoiries annoncées par la de­manderesse (2 h 30) et à l'état d'encombrement actuel des chambres de plaidoiries du tribunal, la demanderesse ne peut espérer obtenir de fixation avant de très longs mois, ce qui devrait plutôt l'inciter à employer l'article 751 du Code judiciaire, si elle souhaite à tout prix ,obtenir rapidement des conclusions des défenderesses. En effet, la détermination de délais pour con­clure sur pied de l'article 747, § 2, du Code judiciaire ne permet· pas aux parties d'obtenir une date prioritaire de fixation pour plaider, celle-ci dépendant des rôles particuliers des chambres de plaidoiries, qui doivent être res­pectés; Attendu que les circonstances de la cause ne justifient pas actuellement notre intervention sur pied de l'article 747, § 2, du Code judi­ciaire.

PROCEDURE D'INSTANCE. -MISE EN ETAT. -Article 747, § 2,

du Code judiciaire. - Date des plaidoiries. - Fixation. - Conditions.

Civ. Bruxelles (3e ch.), 31 mars 1993

Siég. : M. Ménestret, juge un. Pl,aid. : MMes Buyle et Migeal.

(s.a. Générale de Banque c. s.a. Loretto interna­tional et crts - R.G., n° 13.996/92).

Attendu que l'affaire fut introduite au fond par citation du 14 septembre 1992 et renvoyée au R.G. à l'audience de la première chambre du tribunal de céans, le 24 septembre 1992; Attendu que la requérante qui a déposé ses , conclusionS principales le 4 décembre 1992 justifie le recours à 1 'article 7 4 7, § 2, du Code judiciaire par le défaut de mise en état de la cause par les défendeurs depuis l'introduction de l'affaire il y a plus de cinq mois; Que son point de vue peut être admis, sous réserve de la prise en compte de l'observation des défendeurs relative au point de départ du délai pour conclure (à dater de la notification de l'ordonnance et non de celle-ci);

Attendu, par ailleurs, que la requérante ne solli­citant pas de date de fixation et n'évaluant pas le temps de plaidoiries, il ne convient pas de fixer 1' affaire au stade actuel;

;;1,

Par ces motifs:

Imposons aux défendeurs de conclure dans un délai de quinze jours à dater de la notification de la présente ordonnance et à la demanderesse de conclure en réplique dans les deux mois de la réception des conclusions principales des dé­fendeurs; Accordons à ceux-ci un· mois pour conclure additionnellement à partir de la réception des conclusions additionnelles de la demanderesse.

PROCEDURE D'INSTANCE.­MISE EN ETAT.- Procédure

d'appel. -Article 747, § 2, du Code judiciaire.- Non applicable.

Civ. Bruxelles (1re ch.), 3 mars 1993

Siég. : M. Amores, vice-prés., juge un. Plaid. : MMes Philippe, Mikolajczak et Mal­mendier.

(Begon c. Giacomini et crts - R.G., n° 1214/93).

- V1,1 la requête en fixation des délais pour conclure et d'audience de plaidoiries déposée sur pied de l'article 747, § 2, du Code judiciaire par les parties intimées le 9 février 1993, préci­sant les délais sollicités; - la notification faite le 9 février 1993 par pli judiciaire aux parties appelantes et . par lettre missive aux intimés et à l'avocat de chacune des parties; - la requête déposée au greffe par les parties appelantes le 23 février 1993 contenant leurs observations prévues par l'article 747, § 2, ali­néa 3, et concluant au rejet de la requête des parties intimées pour non-fondement; Attendu que la cause se présente devant le tri­bunal de céans au degré d'appel d'un jugement rendu contradictoirement le 18 décembre 1992 par le juge de paix du canton d'Auderghem et que dans ce cadre, elle a été fixée devant la seizième chambre le mercredi 24 jan vier 1993 à 8 h 45, date à laquelle,aucune partie n'a com­paru, la cause ayant d'ailleurs été momentané-: ment distraite de cette chambre pour être fixée à la quinzième chambre (dégagement), à l'au­dience du 25 février 1993, pour permettre de &tatuer sur la requête déposée par les parties intimées sur pied de 1' article 7 4 7, § 2, du Code judiciaire dont question ci-dessus et à laquelle la présente ordonnance a pour objet de répon­dre; Attendu que s'agissant d'une procédure d'ap­pel, les délais pour conclure sont fixés par l'ar­ticle 1064 nouveau du Code judiCiaire sans au­cun renvoi ni référence aux possibilités d'aménagement des délais prévues par l'article 747, § 2, du Code judiciaire et sur lesquelles se fondent les parties intimées; Attendu qu'il apparaît ainsi que les dispositions de l'article 747 du Code judiciaire ne sont pas d'application en degré d'appel (cf. note J. Ber­gen, greffier-chef de service au tribunal de céans, du 21 décembre 1992 relative à la loi du 3 août 1992 modifiant le Code judiciaire, p. 20, art. 1064, al. 4);

Attendu que d'emblée la requête des parties intimées, se révèle non recevable et qu'il n'y a pas lieu d'y faire droit, sans autre examen des moyens invoqués qui, - noté surabondam­ment - sont pratiquement uniquement basés sur les éléments de fond de la cause dont n'a pas à connaître, à ce stade de la procédure, le juge désigné par le président uniquement pour l'aménagement des délais pour conclure, con­formément à l'article 747, § 2, alinéa 1er;

Attendu qu'il y a lieu dè renvoyer la cause devant la · seizième chambre du tribunal de céans initialement saisie pour être poursuivie comme de droit; )

NOTE. - Cette décision, déjà publiée au J.M.L.B., 1993, p. 494, est isolée et critiquée par M. de LevaL ~

PROCEDURE D'INSTANCE. -MISE EN ETAT.- Référé.­

Urgence.,- Article 747, § 2, du Code judiciaire. - Non applicable.

Civ. Bruxelles (réf.- ch. du cons.), 26 février 1993

Siég.: M. V ande Walle, prés. 1 9 9 3 Plaid. : MMes Hamaide, Corteville et Buyle. - -----

(Lemb~relle et crts c. s.a. Assubel-vie et crts- ~ n ~ R.R., n 54.414). JUJ Vu la requête en fixation des délais pour con­clure, déposée, sur pied de l'article 747, § 2, du Code judiciaire ... Attendu que se pose la question de savoir dans quelJe mesure l'article 747, § 2, du Code judi­ciaire peut être appliqué en matière de référé; que les articles 1035 et 1041 du Code judiciaire régissent 1 'introduction et 1' instruction de la demande en référé; que le droit commun dudit Code trouve pour le surplus à s'appliquer, dans la mesure toutefois où il s'avère être compati­ble avec la nature propre du référé (cf., à cet égard, Fettweis, Manuel de procédure civile, éd. 1987, n°s 442 et s.; De Corte, « Sankties

. tegen een onwillige procespartij », T.P.R., 1971, p. 217 et plus spécialement point 9, e. 59); Attendu que le référé est par essence le conten­tieux de· l'urgence, l'examen limité auquel doit procéder le juge impliquant en principe de courts débats, l'affaire étant retenue lors de l'introduction ou remise à brève échéance; que dans la mesure où des conclusions sont échan­gées, celles-ci doivent l'être dans des délais abrégés; que dans la pratique le magistrat sié­geant en référé fixe lui-même les délais, en procédant par de courtes remises, à caractère contradictoire;

Attendu que la procédure instaurée par l'article 7 4 7, § 2, du Code judiciaire a pour effet de prolonger la durée de la procédure (dépôt de la requête - notification des plis judiciaires et lettres missives - délai de quinze jours pour adresser les observations - délai de huitaine pour statuer - éventuelle audition des parties -élaboration d'un échéancier) et ne cadre dès lors pas dans le contexte de l'urgence;

· ournal des :ribunaux

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1993

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Attendu qu'en l'espèce, il y a en outre lieu de souligner que l'affaire fut introduite à l'au­dience du 23 ~eptembre 1992, à laquelle elle fut contradictoirement remise à celle du 14 octobre 1992, à laquelle personne ne comparut, à telle enseigne qu'il y eût omission du rôle d'office; qu'il était (et est toujours) loisible à la partŒTa plus diligente de ramener l'affaire à l'audience en application de l'article 730 du Code judi­ciaire, le cas échéant en sollicitant l'envoi d'un pli judiciaire pour prendre défaut, quinze jours avant 1' audience.

PROCEDURE D'INSTANCE. -MISE EN ETAT.- Article 748, § 2, du Code judiciaire. - Dépôt d'une pièce nouvelle. - Dépôt tardif. -

Aménagement des délais pour le dépôt de conclusions additionnelles. -

Demande irrecevable.

Civ. Bruxelles (19e ch.), 2 avrill993

Siég.: Mme Van Schepdael, prés.; MM. Nie­megeers et Vandenheuvel, jug. Plaid. : MMes Poncelet (barreau de Florenville) et Kips.

(Bertrand et crts c. Bureau).

Vu la requête déposée le 8 mars 1993 sur base de l'article 748, § 2, du Code judiciaire. Attendu que les intimés invoquent à l'appui de leur requête « le fait nouveau » que constitue le rapport unilatéral établi par M. De Wolf le 20 février 1993 et entendent obtenir «conformé­ment à l'article 748, § 2, du Code judiciaire 1' aménagement des délais nécessaires pour dé­poser des conclusions récapitulatives ainsi que la nouvelle pièce»; que les appelantes s'y op­posent, invoquant la méconnaissance des délais prévus par l'article 748, § 2, du Code judiciaire. Attendu qu'il faut rappeler les antécédents de la procédure: - la requête d'appel déposée au greffe du tri­bunal de céans le 8 décembre 1991 - les conclusions des parties Bureau déposées les 10 février 1992 et 11 juin 1992 - les conclusions des parties Bertrand et Wit­meur déposées le 27 mai 1992 - la demande de fixation en application de l'article 750 du Code judiciaire formulée par les deux parties en septembre 1992 - la fixation de la cause à ·1 'audience du 12 mars 1993 de la dix-neuvième chambre du tri­bunal de céans; Attendu que les appelants font donc à juste titre remarquer que la demande tendant à« l'aména­gement pes délais nécessaires pour déposer des conclusions récapitulatives ainsi que la nou­velle pièce auxquelles elles se réfèrent », à dé­faut d'avoir été introduite au plus tard trente jours avant le 12 mars 1993, est tardive; que partant la demande mue sur base de 1' article 748, § 2, du Code judiciaire est irrecevable.

ournal·

Notes préparées par Annik BOUCHE

des ribunaux

CHRONIQUE JUDICIAIRE

~LA VIE DU ----5

Le voyage du Jeune barreau de Bruxelles en Thaïlande.

La Thaïlande, ses multiples statues de Boudha d'or, de jade ou d'émeraude, ses ciels hérissés de pagodes étincelantes qu'effleurent les ailes multicolores des cerfs-volants géants ou celles des oiseaux du temple libérés de leurs cages d'osier, son Triangle d'or aux relents de contre­bande et d'opium, ses cuisines où la vue et le goût s'affolent devant tant de hardiesse heu­reuse, son peuple aux visages souriants, aux corps trop accueillants, a jeté sur ses routes tous les touristes avertis.

Nous étions donc une cinquantaine, les fidèles de Me· Viviane Pouleau, la plus sémillante des présidentes que mémoire de Jeune barreau ait connue et quelques casaniers de la vieille Eu­rope pressés de découvrir enfin la vertigineuse Asie dans ce qu'elle offre de plus succulent...

Luxe, calme et volupté, la présidente avait choisi de réserver à ses voyageurs le plaisir d'être« cocoonés ».

Pris en charge dès Zaventem, nous ne débar­quons le matin à Bangkok que pour paresser à bord de bateaux « à longue queue » dans les klongs, ces fameux canaux où somnolent tou­jours, dans des entrelacs vénitiens, d'anciennes maisons sur pilotis et les jacinthes d'eau.

Le soir tombant sur la rivière royale nous verra sabler le champagne au buffet somptueux de l'hôtel Oriental qui se targue non sans quelques raisons, d'être le plus beau palace du monde.

Les quartiers chauds de Bangkok attireront cer-­tains, qui crieront plus tard et bien haut qu'il faut cacher ces spectacles qu'ils ne sauraient voir; d'autres se livreront durant leur temps libre au jeu féroce du shopping et de ses pala­bres exotiques ..

Mais tous, en touristes consciencieux, se dé­chausseront dans le temple de Wat Trimitr, de Wat Bo et dans le temple de marbre où Boudha s'illumine, enseigne ou s'endort au gré de son histoire.

Tous embarqueront sur le bateau Ayuntha Prin­cess pour une croisière rythmée par les canaux d'eaux vertes, les rizières reflétant les nuages et les temples innombrables qui miroitent au so­leil de leurs dorures et de leurs cristaux.

Quelques excursions dans les sites célèbres, comme ceux de Phisannlok, de Sukothaï et de Lampang, quelques visites aux sites organisés du tourisme tels maison du jade, maison de la soie, ferme des orchidées, ateliers de la laque, quelques suaves dîners thaïs aux abords de pis-

cines où musiciens et danseurs réveillent notre béatitude, quelques échappées dans les jardins de Mae Saï et de Chiang Sen et c'est le grand frisson du Triangle d'or: chacun s'approche au plus près de la frontière interdite, chacun s'en­hardit jusqu'au bout du pont qui nous sépare de la Birmanie, cette contrée qui résiste encore, dit-on, au tourisme de luxe.

Q1,1i, murmurent les rêveurs, quel présidt!nt au­. dacieux osera nous mener en Birmanie ?

Mais la région de Chiang Maï où les plus for­tunés des indigènes choisissent de passer leur lune de miel, nous ouvre ses vallées, ses pay­sages d'horizon immenses, traversées de cas­cades et de collines en pain de sucre.

Dolce vi ta ensuite sur une riviera thaïlandaise : golf, bains· de mer ou d'eau douce, massages sur le sable chaud, danses, buffets raffinés des quatre coins du monde, au diable la Birmanie et les voyages insolites ou sans confort...

Seuls les acteurs et auteurs de la petite revue traditionnelle qui agrémente le dîner d'adieu de la présidente, s'affairent un peu dans l'ombre: comment brocarder le gang des trois notaires, commenf singer au mieux Me André Dumont dans sa prestation impromptue et éblouissante de conférencier. littéraire, comment chanter plus faux que nos deux demoiselles, guides thaïs, nous enseignant leur alphabet, comment encore rendre un hommage sincère aux gentils organisateurs, Viviane Pouleau et Eric Uten ?

Comment enfin célébrer les gentils membres, tels la vaillante Claudine Baum-Kettelaer et les séduisants doyens, Lucien Belva et Léon Got­fin?

Dîner exquis, fous-rires, feu d'artifice, il faut toute la rigueur des cornacs faisant travailler au doigt et à l'œil les éléphants du camp que nous visitons pour rappeler à l'ordre notre petite troupe : il y a un temps pour le voyage, un temps pour le retour, comme dirait l'Ecclé­siaste.

Dernière petite gâterie de la présidente : un re­tour s'effectuant dans un extraordinaire train à couchettes thaï, lesquelles ont la particularité d'être placées parallèlement aux rails. Balance­ment, bercement et sommeil garantis dans notre compartiment où même les plus aguerris des insomniaques et noctambules finissent par cra­quer.

Les dernières heures à Bangkok sont réservées à une compétition propre au groupe du Jeune barreau, qui consiste à ingurgiter le plantureux buffet thaï servi dans l'hôtel de l'aéroport tout en faisant fondre, à la même vitesse et ·à bon escient, le plus de « bath » (monnaie locale) possible en d'ultimes achats : à notre estime, le sympathique couple Perlberger emporte de jus­tesse la médaille d'or, ~talonné par la chaleu­reuse secrétaire du Jeune barreau, Régine, elle­même suivie de très près par la dynamique Suzanne Oschinski, médaille de bronze.

Mais les paris sont ouverts pour le prochain voyage ...

Jean èRUYPLANTS et Michèle del CARRIL

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Stella Wolff.

Elle était la doyenne de l'Ordre français de Bruxelles et destinée, selon toute apparence, à le rester longtemps, tant son courage et sa résis­tance physique lui avaient fait surmonter des épreuves qui semblaient témoigner d'un rare acharnement du destin. Le bâtonnier Legros l'avait annoncé: l'année 1993 serait, pour l'Or­dre,« l'année Stella Wolff~>. Elle était l'invitée d'honneur du dîner qu'il offrit la veille de la séance de rentrée de la Conférence du Jeune barreau. Elle se fit excuser : un léger refroidis­sement l'incitait à la prudence. Mais elle serait présente le lendemain. Pensez donc ! Que le fauteuil de la présidence et le siège de l'orateur fussent occupés par deux femmes, c'était comme le couronnement de la lutte qu'elle avait poursuivie durant soixante-dix ans avec bien des amies - et quelques amis - presque tous disparus, pour que les portes, toutes les portes, soient ouvertes enfin à ses sœurs. Elle ne vint pas. Tout à coup, elle n'en pouvait plus. Elle fut hospitalisée à Saint-Pierre où, sans le savoir, elle eut pour voisin un autre de nos aînés, quoique son cadet, comme elle n'eût pas manqué de le dire, notre confrère Léon Bien­aimé,· dont la maigreur et la faiblesse serraient le cœur. En quelques jours, ce fut fini. Sa nièce Roberte, Régine Orfinger et moi fûmes, je crois, les derniers à la voir. Elle était parfaite­ment lucide, de cette lucidité impitoyable qu'elle avait toujours eue: - Pourquoi êtes-vous revenu ? - Pour vous voir. - Dans cet état !

En près de quarante-cinq ans d'amitié dont la moitié de travail en commun, je ne me souviens pas que nous ayons jamais parlé de la mort, qui ne s'était pourtant pas privée de faucher très près, parfois avec des raffinements cruels : le cher et vénéré bâtonnier Albert Chomé, Robert « Bob » Wolff, ce frère un peu extravagant comme un étudiant attardé, qu'elle chérissait­non sans des pointes d'agacement, sa sœur Ni­nette et son beau-frère, l'étonnant docteur Van­den Sype, inventeur de la « Sypithérapie », le bâtonnier Maurice Cornil enfin, auquel la liait une amitié profonde, faite d'admiration réci­proque, d'affinités et de connivence. Il me sem­ble cependant que si elle avait pu choisir sa mort, elle aurait privilégié 1' infarctus, mais se serait accommodée de celle qu'elle a eue car plus que la souffrance physique, c'est l'idée de perdre la tête qui lui aurait été odieuse.

L'un des malheurs de la longévité est de voir disparaître l'un après l'autre les parents et les amis de son âge. Ce malheur ne fut naturelle­ment pas épargné à Stella Wolff mais il fut fortement atténué par les amitiés que sa simpli­cité, sa modestie et l'attention en quelque sorte égalitaire qu'elle portait à la jeunesse avaient suscitées en grand nombre. On a di tailleurs que

la réunion de ses amis, à l'initiative de Pierre Legros, lorsqu'elle eut soixante ans de barreau ava,it, de façon éclatante, manifesté la réussite de cette assurance contre la sol'itude que don­nent des qualités telles que les siennes. Parmi ces qualités, nombreux sont ceux qui garderont le souvenir de sa constante participation aux activités et notamment aux voyages de la Con­férence du Jeune barreau, au cours desquels elle faisait preuve d'une endurance et quelquefois d'une résignation à l'inconfort, qu'au retour, les jeunes générations relataient, médusées. Il est vrai qu'avec ses amies, et notamment Geor­gette Ciselet, elle avait, dans les années vingt, fait des voyages, alors lointains, dans des con­ditions de frugalité qui auraient fait dire à Ber­trand Russell qu'ils en valaient vraiment la peine.

Après la femme et l'amie, l'avocat.

Oh! Elle ne fut jamais ce qu'on nomme un ténor. Elle n'aurait pu tenir un tel emploi sans rire. Non qu'elle fût incapable de conviction et même d'élans, voire d'indignation. Son style, retenu par une voix un peu sourdè et par une timidité qui, à la barre, ne lui dégageait pas bien la tête des épaules, relevait de. la musique de chambre. Bien qu'elle eût souvent l'air de s'excuser de prendre la parole qu'on lui don­nait, elle savait, à sa manière discrète, ne passe laisser piétiner. Je me souviens d'une réplique qui laissa interdit le président d'une chambre de la Cour. Cédant à une habitude un peu trop répandue à l'époque et qui semblait avoir in­consciemment pour but en poussant l'avocat à un impossible aveu, de le rassurer lui-même sur le bien-fondé de la décision q1,1'il avait en tête, ce magistrat avait accablé Stella Wolff sous les arguments qui lui paraissent donner tort à sa partie. Elle se permit de l'interrompre pour lui dire paisiblement que si tout cela se. retrouvait dans l'arrêt, il aurait tort de croire qu'elle en resterait inconsolable. Je viens d'écrire au fil de la plume «Stella Wolff>< sans façon. «Pour­quoi dit-on Stella Wolff et "Monsieur" Sand ? » Elle s'amusait en faisant cette ré­flexion pleine de sens, il y a trente ans déjà, et qu'on peut méditer aujourd'.hui en songeant aux motifs des pérennités respectives de la gloire et du simple souvenir.

Sa musique de chambre était du moins écrite avec rigueur. Nul ne pourra dire qu'elle ait jamais soutenu l'implaidable ni cherché si peu que ce soit à ruser avec le dossier. Même lors­que le client ou la cliente était dans la salle, elle ne se départissait pas de cette forme d'objecti­vité qui fait, comme on l'a écrit récemment encore, le paradoxe de l'avocat. Leur présence la gênait d'autant moins qu'elle ne leur avait au préalable rien caché des risques de l'entreprise, avec un penchant assez féminin à ne pas verser dans un excès d'optimisme. Elle avait ainsi acquis auprès des magistrats ce capital de con­fiance qu'on appelle familièrement leur « oreille » et qui, avec le soin dans la présenta­tion des dossiers et dans la rédaction des con-clusions, plus encore que le savoir et l' élo­quence, constitue le seul véritable fonds .de commerce des membres du barreau. On me permettra sur ce thème de relater encore deux · brèves anecdotes. Du temps où 1 'on plaidait les affaires de pensions de réparation devant le tribunal civil, un avocat peu familier de la sep­tième chambre de l'irascible et tonitruant prési­dent Moulin, tenta un jour de protester qu'un texte avait été incomplètement cité par son ad-

versaire. Mal lui en prit : « Le tribunal connaît bien Me Wolff, lui dit Monsieur Moulin, et de telles insinuations desservent votre cause». Jeune collaborateur, présent à la barre pour ap­prendre le métier, j'avoue avoir rougi de fierté et retenu la leçon. Une autre fois, bien plus tard, un premier substitut me conta que Me Wolff était venue le voir pour s'étonner de l'inculpa­tion d'un client qui l'avait convaincue de son innocence. Ayant appris par ce magistrat que l'innocent n'en était pas moins en aveu, elle lui apparut, me dit-il, comme l'incarnation de la vertu outragée.

Comment de telles vertus ont-elles plusieurs fois frappé en vain à la porte du conseil de l'Ordre? L'une des qualités professionnelles de nombre d'avocats étant d'avoir la voix forte èt le verbe haut, elle surprit un jour, au détour d'un couloir du Palais, une bribe d'un bruyant caucus préélectoral où l'on se passait un mot d'ordre:« Pas de femme, pas de socialiste, pas de juif ». « J'étais les trois, dit -elle, mes chances étaient donc nulles». Encore n'était­elle flamande que pour être née à Anvers, sans quoi ... Souffrit-elle de ces échecs successifs? A partir d'un certain degré, l'injustice aurait plutôt tendance à amuser si, d'une certaine fa­çon, on ne se sentait pas solidaire de ceux qui en sont les auteurs et, par conséquent, un peu gêné pour eux. Elle la prit pour sa part avec cette philosophie ambiguë qui était l'un des traits de son caractère. Une compensation certaine, et qu'elle apprécia beaucoup, vint plus tard. Elle se vit confier la présidence du Bureau de con­sultation et de défense, fonction réservée aupa­ravant à d'anciens membres du conseil de l'Or­dre. Elle y demeura plusieurs années, aidant chaleureusement les jeunes qui lui rendirent sa

r chaleur jusqu'à ses derniers jours. L'attribution d'un prix à son nom, de nombreuses attentions des autorités de -l'Ordre lui apportèrent des joies tardives qu'elle savourait avec une discré­tion presque gênée, comme si ses mérites, après avoir été méconnus, étaient brusquement sur­faits. Mais de quelle cruelle ironie le destin n'aurait-il pas fait preuve si sa vie s'était arrêtée trente ans plus tôt ?

Adieu patronne ! Ce titre vous a plutôt choquée lorsque, à la mort du patron, je vous l'ai attribué tout naturellement tandis que nous nous débat­tions parmi des rapaces qui tentaient de dépecer son cabinet, jugeant inimaginable, il y a qua­rante ans, qu'il fût recueilli par une femme assistée d'un gamin. Votre féminisme, plus substantiel que verbeux, n'était pas préparé à ce glissement de sens qui aurait à présent la cau­tion du Conseil de la Communauté française outre celui de votre indulgente affection. Vous nous avez quittés un peu trop tôt pour que, nous ressouvenant, nous puissions en rire ensemble. Vous nous avez quittés beaucoup trop tôt pour beaucoup de choses infiniment plus impor­tantes, à un moment où le barreau de Bruxelles avait enfin compris que, par. votre exemple et par votre rayonnement, vous étiez non seule­ment sa doyenne, ce qui est déjà considérable, sa mémoire, ce qui l'est peut-être plus encore, mais sans doute aussi, par votre jeunesse d'es­prit et l'avance que, depuis vos débuts, vous avez toujours eue sur la pensée de votre temps, l'amie la plus sûre et la plus fraternelle de dizaines de jeunes avocats en quête d'affection, de compréhension et de soutien.

Paul TAPIE

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1993

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« Codes Larder en néerlandais ». - Ed. Maison Larder, 6 volumes, 19.500 F.

La Maison d'édition Larder de Bruxelles as­sure à présent la publication d'une version fla­mande des « Codes Larder» jusqu'ici unilin­gues français.

Le travail considérab~e de mise au point de cette nouvelle version des Codes Larder com­mencé en 1992 est aujourd'hui terminé.

Six volumes, respectivement consacrés au droit civil et judiciaire (t. 1), au droit pénal (t. 2), au droit commercial, économique et financier (t. 3), au droit social (t. 4), au droit fiscal (t. 5) et au droit public et administratif (t. 6), sont actuellement à la disposition des lecteurs.

Cette nouvelle édition des,« Codes Larder » ne présente pas seulement la nouveauté de la lan­gue, mais comporte de nombreuses innovations qui en font un ouvrage de référence moderne et complet, dont l'usage sera vite perçu comme une nécessité pour tous les praticiens du droit.

La facilité de maniement et la clarté de la pré­sentation traditionnelle des « Codes Larder » étaient déjà bien connues.

La nouvelle édition des Codes en sa version · flamande, sans trahir ses qualités anciennes, offre, en outre, à l'utilisateur une documenta­tion complète, une abondante analyse de la ju­risprudence la plus récente relative aux disposi­tions légales reproduites, un commentaire historique de 1' évolution de celles-ci et un sys­tème de renvoiqui aide le praticien à s'y retrou­ver dans un maquis législatif et réglementaire de plus en plus touffu.

Fidèle à la tradition, la Maison d'édition Lar­der assurera. une nouvelle édition périodique des Codes en version flamande, comme pour la version française. Mais une mise à jour pratique et rapide sera disponible tous les six mois sous la forme de compléments cumulatifs, selon l'usage bien établi pour les Codes français.

Dès la fin de février 1993 est déjà parue une première mise à jour arrêtée au 1er janvier 1993.

Pour moins de 20.000 F par an, le juriste prati­cien dispose ainsi d'une documentation législa­tive, mais également jurisprudentielle mainte­nue en permanence à jour.

La nouvelle édition flamande des « Codes Lar­cier » constitue une remarquable nouveauté qui sans aucun doute incitera le francophone à un effort accru du bilinguisme.

Viviane BONNEVILLE

ournal des M~ribunaux

Bernard Maingain : « Vie familiale et vie professionnelle - Etat du droit, enjeux et perspectives>>. - Un volume in-8°, 16 x 24 cm, 270 pages, Larder, Bruxelles, 1993,' 1.960 F (t.v.a.c.); 1.849 F +frais d'envoi pour 1' étranger.

Comme le souligne Mme Meulders-Klein dans la préface, cet ouvrage traite d'un problème devenu majeur dans les sociétés occidentales contemporaines: celui de l'harmonisation des exigences de la vie familiale et de la vie profes­sionnelle.

S'il est bon de rappeler qu'à quelques excep­tions près, les femmes n'ont jamais cessé. de travailler tant dans la sphère domestique que dans· la sphère productive, elles sont avant tout concernées par la difficulté d'harmoniser les impératifs professionnels et la qualité d'un équilibre familial à cause des changements dé­cisifs qui se sont produits au cours de la deuxième moitié du x.xe siècle. C'est, en effet, le travail à l'extérieur qui est devenu source principale d'intégration sociale et de sécurité de l'existence. Il est devenu symbole d'autono­mie et de sécurité et répond à une nécessité à la fois psychologique et écçmomique.

Or, la vie familiale a dû, tant bien que mal, s'adapter aux exigences de la rentabilité écono­mique et de la réussite professionnelle.

C'est ce constat qui, en 1990, a conduit le Cen­tre du droit de la famille en collaboration avec l'Institut d'administration et de gestion de l'U.C.L. à organiser une recherche interdisci­plinaire pour aborder le problème de la compa­tibilité entre vie familiale et vie professionnelle dans une logique de complémentarité plutôt que de parallélisme.

Faisant référence à ces débats, l'ouvrage ana­lyse les dispositions légales et réglementaires prises en faveur des travailleurs dans le cadre de la double mutation des comportements fami­liaux et du marché de l'emploi.

Analysant tant le droit du travail traditionnel que le droit des aides en services, l'auteur ne se contente pas de rélever les lacunes des disposi­tions existantes, mais il formule des proposi­tions concrètes qui devraient permettre aux hommes comme aux femmes de· n'avoir point à subir la contrainte d'un choix imposé entre vie de travail et vie de famille.

DE LARCIER

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Ces propositions, fondées sur la problématique de l'égalité juridique entre hommes et femmes, visent tant l'aménagement du temps de travail que celui d~ secteur des aides en services qui, émietté, éclaté entre une diversité de régimes, statuts et organismes gagneraient à être coor­donnés et à voir accroître leurs moyens finan­ciers.

L'auteur est conscient de la contrainte politique qui pèse sur une réflexion prospective et de l'incertitude rendue encore plus grande par la réforme des structures de l'Etat belge. Et pour­tant, il souligne que la demande clairement af­firmée par tous ceux qui ont participé au sémi­naire du Centre du droit de la famille -représentant des entreprises, des organisations syndicales, familiales et féminines, du monde politique - de pouvoir assumer pleinement le rôle de père, de mère, de conjoint et de travail­ler sans que la réussite professionnelle n'im­pose le deuil des valeurs familiales ni que le temps consacré à la femme ne génère la frustra- , tion au travail et la précarité sur le marché de l'emploi.

Nous demandons avec lui si c'est là « une exi­gence impossible à rencontrer, un objectif in­surmontable pour notre intelligence et notre générosité ? ».

J. DALCQ-DEPOORTER

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ournal des ribunaux

Roger O. DALCQ, rédacteur en chef. Secrétaire général de la rédaction : Georges-Albert DAL. Secrétaire de la rédaction : Wivine BouRGAUX. Secrétaires adjoints : Annik BoucHÉ et François TuLKENS. Chronique judiciaire : Bernard V AN REEPINGHEN. Comité de rédaction : Eric BALATE, Pierre BAUTHIER,

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