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PACIOLI N°148 IPCF - BIBF 8-21 SEPTEMBRE 2003 1 INTRODUCTION 1.- L’article 7 du CIR/92 définit les revenus immobiliers imposables à l’impôt des personnes physiques. Il s’agit des revenus de biens immeubles donnés en location ou non et des sommes obtenues à l’occasion de la constitution de la cession d’un droit d’emphytéose ou de superficie ou de droits immobiliers similaires 1 . L’article 32, al.2, 3° du CIR/92 requalifie cependant certains de ces revenus immobiliers proprement dits en revenus professionnels dans le chef de certains dirigeants d’entreprise. Cette requalifica- tion fera l’objet de la première partie de la présente contribution. 2.- Le particulier peut également tirer des revenus d’opérations immobilières au travers des plus-values réalisées sur la cession à titre onéreux de biens immobiliers. On sait que certaines de ces plus- values peuvent être taxées au titre de revenus divers. Il s’agit de plus- values réalisées dans un certain délai sur des immeubles bâtis (art. 90, 10°du CIR/92) 2 ou non bâtis (art. 80, 8° du CIR/92) 3 . En dehors de ces hypothèses, les plus-values immobilières réali- sées par un particulier ne sont pas taxables. Certaines circons- tances peuvent cependant amener l’administration à requalifier ces plus-values en revenus divers d’origine spéculatives, voire même en revenus professionnels. Ces requalifications feront l’ob- jet de la deuxième partie de cette étude. SECTION I : LA REQUALIFICATION DES REVENUS IMMOBILIERS VISÉS A L’ARTICLE 7 DU CIR/92 EN REVENUS PROFESSIONNELS A. L’ARTICLE 32, AL. 2, 3° DU CIR/92 L’article 32 du CIR définit les rémunérations des dirigeants d’entre- prise 4 . L’alinéa 2, 3° de cette disposition précise que les rémunérations com- prennent notamment : « Par dérogation à l’article 7, le loyer et les avantages locatifs d’un bien immobilier bâti donné en location par les personnes visées à l’alinéa 1 er , 1, à la société dans laquelle elles exercent un mandat ou des fonctions analogues, dans la mesure où ils excèdent les 5/3 du revenu cadastral revalorisé en fonction du coefficient visé à l’article 13. De ces rémunérations ne sont pas déduits les frais rela- tifs au bien immobilier donné en location ». B. CHAMP D’APPLICATION La requalification des revenus immobiliers en revenus professionnels n’est autorisée que dans le strict respect des conditions posées par l’article 32, al. 2, 3° du CIR/92. 1 B ULLETIN DE L’I NSTITUT P ROFESSIONNEL DES C OMPTABLES ET F ISCALISTES AGRÉÉS La requalification de revenus immobiliers ou de revenus provenant d’opérations immobilières 1 Pour une étude approfondie de l’article 7 du CIR/92, on renverra le lecteur à la publication de X. Thiebaut et C. Lemaire, « La fiscalité immobilière », in formation permanente CUP, septembre 2000, p. 239 et suivantes. 2 Plus-value taxée à 16,5 % : art. 171, 4, e du CIR/92. 3 Plus-value taxée à 16,5 % ou à 33 % : art. 171,4, e et 171, 1, b du CIR/92. 4 Pour un examen récent, voy. L. Herve « De quelques aspects du régime fiscal de l’exercice en personne physique et en société de fonctions dirigeantes indépendantes », in formation permanente CUP, septembre 2002, p. 181 et suivantes. La requalification de revenus immobiliers ou de revenus provenant d’opérations immobilières 1 Non bis in idem : une règle pas toujours bien connue 4 Exercice illégal de la profession de comptable indépendant en 2002 6 Précompte professionnel retenu sur rémunération 8 Lu pour vous 8 Contact 8 S O M M A I R E Bureau de dépôt 2800 Mechelen 1 • Bimensuel • FR : P309339

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Page 1: BULLETIN DE L’INSTITUT PROFESSIONNEL … 148FR.pdf · Ainsi : 1. Le bien immobilier doit être bâti. Un immeuble est censé «bâti» pour l’application du régime de la requalification

P A C I O L I N ° 1 4 8 I P C F - B I B F 8 - 2 1 S E P T E M B R E 2 0 0 31

INTRODUCTION1.- L’article 7 du CIR/92 définit les revenus immobiliers imposablesà l’impôt des personnes physiques. Il s’agit des revenus de biensimmeubles donnés en location ou non et des sommes obtenues àl’occasion de la constitution de la cession d’un droit d’emphytéose oude superficie ou de droits immobiliers similaires1.

L’article 32, al.2, 3° du CIR/92 requalifie cependant certains de cesrevenus immobiliers proprement dits en revenus professionnelsdans le chef de certains dirigeants d’entreprise. Cette requalifica-tion fera l’objet de la première partie de la présente contribution.

2.- Le particulier peut également tirer des revenus d’opérationsimmobilières au travers des plus-values réalisées sur la cession à titreonéreux de biens immobiliers. On sait que certaines de ces plus-values peuvent être taxées au titre de revenus divers. Il s’agit de plus-values réalisées dans un certain délai sur des immeubles bâtis (art.90, 10°du CIR/92)2 ou non bâtis (art. 80, 8° du CIR/92)3.

En dehors de ces hypothèses, les plus-values immobilières réali-sées par un particulier ne sont pas taxables. Certaines circons-tances peuvent cependant amener l’administration à requalifierces plus-values en revenus divers d’origine spéculatives, voiremême en revenus professionnels. Ces requalifications feront l’ob-jet de la deuxième partie de cette étude.

SECTION I : LA REQUALIFICATION DES REVENUSIMMOBILIERS VISÉS A L’ARTICLE 7 DU CIR/92EN REVENUS PROFESSIONNELS

A. L’ARTICLE 32, AL. 2, 3° DU CIR/92

L’article 32 du CIR définit les rémunérations des dirigeants d’entre-prise4.

L’alinéa 2, 3° de cette disposition précise que les rémunérations com-prennent notamment :

«Par dérogation à l’article 7, le loyer et les avantages locatifs d’unbien immobilier bâti donné en location par les personnes visées àl’alinéa 1er, 1, à la société dans laquelle elles exercent un mandatou des fonctions analogues, dans la mesure où ils excèdent les 5/3du revenu cadastral revalorisé en fonction du coefficient visé àl’article 13. De ces rémunérations ne sont pas déduits les frais rela-tifs au bien immobilier donné en location».

B. CHAMP D’APPLICATION

La requalification des revenus immobiliers en revenus professionnelsn’est autorisée que dans le strict respect des conditions posées parl’article 32, al. 2, 3° du CIR/92.

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B U L L E T I N D E L’ I N S T I T U T P R O F E S S I O N N E L D E S C O M P TA B L E S E T F I S C A L I S T E S A G R É É S

La requalification de revenus immobiliers ou derevenus provenant d’opérations immobilières

1 Pour une étude approfondie de l’article 7 du CIR/92, on renverra le lecteurà la publication de X. Thiebaut et C. Lemaire, « La fiscalité immobilière », information permanente CUP, septembre 2000, p. 239 et suivantes.

2 Plus-value taxée à 16,5 % : art. 171, 4, e du CIR/92.

3 Plus-value taxée à 16,5 % ou à 33 % : art. 171,4, e et 171, 1, b du CIR/92.

4 Pour un examen récent, voy. L. Herve « De quelques aspects du régime fiscalde l’exercice en personne physique et en société de fonctions dirigeantesindépendantes », in formation permanente CUP, septembre 2002, p. 181 etsuivantes.

• La requalification de revenus immobiliers ou derevenus provenant d’opérations immobilières 1

• Non bis in idem : une règle pas toujours bienconnue 4

• Exercice illégal de la profession de comptableindépendant en 2002 6

• Précompte professionnel retenu surrémunération 8

• Lu pour vous 8

• Contact 8

S O M M A I R E

Bureau de dépôt 2800 Mechelen 1 • Bim

ensuel • FR : P309339

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Ainsi :1. Le bien immobilier doit être bâti. Un immeuble est censé « bâti »pour l’application du régime de la requalification «dès lors que l’ad-ministration du cadastre le considère comme tel dans le cadre del’attribution d’un revenu cadastral»5.

2. Le bien immobilier bâti doit être donné en location. Un dirigeantpourrait dès lors échapper à la requalification dès lors qu’il concéde-rait à sa société un droit réel, tel un droit d’usufruit portant sur l’im-meuble. Il convient toutefois d’être prudent dans ce type d’opération.Outre le fait que l’administration peut toujours tenter de prouver lasimulation, « on peut se demander si l’article 344 § 1er duCIR/92 ne trouverait pas à s’appliquer s’il était démontréque la qualification «usufruit » a été déterminée exclusi-vement par le but d’éviter l’impôt ». Tel est en tout cas l’avis del’administration et de certains auteurs6.

3. La personne qui donne en location doit être une personne phy-sique qui exerce un mandat d’administrateur, de gérant, de liquida-teur ou des fonctions analogues. Le loyer d’un bien immobilierappartenant en propre à l’un des conjoints, qui n’est pas administra-teur de la société locataire, n’est pas visé par la requalification7.On notera que n’est pas visé le dirigeant d’entreprise défini à l’article32, al. 1, 2°, c’est-à-dire celui qui exerce au sein de la société unefonction dirigeante ou une activité dirigeante de gestion journalière,d’ordre commercial, financier ou technique, en dehors d’un contratde travail.Sont encore exclues les personnes physiques qui détiennent des partsdans la société, qui se trouvent dans les liens d’un contrat de travailet qui n’exercent pas la fonction de gérant ou des fonctions ana-logues.

4. Le bien immobilier doit être donné en location à la société danslaquelle le dirigeant exerce un mandat ou des fonctions analogues.

C. APPLICATION DE LA REQUALIFICATIONPour calculer le montant des loyers au-delà duquel il y aura requali-fication en revenus professionnels, il convient de multiplier le R.C. x5/3 x le coefficient de revalorisation.Pour l’exercice d’imposition 2002 ce coefficient était de 3,26. Pourl’exercice d’imposition 2003, il est de 3,368.Le revenu immobilier requalifié sera cumulé avec les autres rémuné-rations du dirigeant et diminué des frais professionnels (réels ou for-faitaires) à l’exclusion des frais relatifs au bien donné en location.Lorsque le bien immobilier n’appartient que pour partie au dirigeant,en copropriété avec d’autres personnes, seule la partie du R.C et duloyer représentant les droits du dirigeant seront pris en considération9.

D. DIMINUTION CORRÉLATIVE DES REVENUS IMMOBI-LIERS

La requalification des revenus immobiliers en revenus professionnelsimplique corrélativement la diminution des revenus immobilierspour le même montant.

E. SIMULATION ET APPLICATION DE L’ARTICLE 344 §1ER DU CIR/92

Pour échapper à la requalification prévue par l’article 32 du CIR/92,il « suffit » de ne pas remplir toutes les conditions d’application rap-pelées ci-dessus. La jurisprudence se montre cependant sévère àl’égard de certaines situations élaborées par le contribuable.

Dans une affaire soumise à la cour d'appel de Mons, un médecinavait résilié le bail le liant à sa société et, le même jour, avait donnél’immeuble en location à une société immobilière qui l’avait elle-même sous-loué à la société du médecin.

Se basant sur une série d’indices propres à l’espèce (notamment larésiliation et la location à la société immobilière le même jour), lacour d'appel de Mons a conclu à la simulation10.

Dans un autre litige, l’épouse du dirigeant était seule propriétaire del’immeuble qui constituait l’habitation du couple. Elle donnait cetimmeuble en location à son époux (dirigeant) qui lui-même sous-louait à sa société.

L’épouse était ainsi taxée sur le revenu cadastral de l’immeubleimmunisé puisqu’il s’agissait de l’habitation du contribuable.

L’époux dirigeant était taxé, au titre de revenus divers, sur le produitde la sous-location (article 90, 5° du CIR/92) mais déduisait, à titrede charges, les loyers payés à son épouse (article 100 du CIR/92).

Le tribunal de première instance de Bruxelles, par jugement du 7mars 2002, a suivi la thèse de l’administration suivant laquelle surbase de l’article 344 § 1er du CIR/92, l’opération pouvait être requa-lifiée en location commerciale directe de la propriétaire à la société11.

Quoique cette décision soit critiquable en ce qu’elle étend considéra-blement le champ d’application de l’article 344 § 1er du CIR/9212, ellene peut qu’inciter à la prudence.

SECTION II : REQUALIFICATION DES PLUS-VALUESRÉALISÉES SUR LA CESSION À TITRE ONÉREUXDE BIENS IMMOBILIERS

1. OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES SPÉCULATIVES SORTANTDU CADRE DE LA GESTION NORMALE DU PATRIMOINEPRIVÉ

A. HYPOTHÈSE ENVISAGÉE

Les circonstances entourant la réalisation de plus-values immobi-lières par un particulier peuvent amener l’administration fiscale àconsidérer que ces opérations sont spéculatives et sortent du champd’application de la gestion normale du patrimoine privé.

Dans cette hypothèse, la plus-value peut constituer un revenu visé àl’article 90, 1° du CIR/92 qui qualifie de revenus divers : « les béné-fices ou profits, quelle que soit leur qualification, qui résultent,même occasionnellement ou fortuitement, de prestations, opéra-tions ou spéculations quelconques ou de services rendus à des

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5 Cfr Bull. Quest. Rép., Sénat, 31 décembre 1996, n° 1-35, p. 1742, cité par fiscologue, n° 607, p. 8.

6 T. Afschrift, « L’évitement licite de l’impôt et la réalité juridique », Larcier 1994, p. 251; voir également Com. ir. n° 32/28.

7 Com. ir, n° 32/23.

8 Article 1er de l’A.R. d’exécution du CIR/92.

9 Com. ir n° 32/24 et 32/25.

10 Mons, 21 juin 2002, courr. fiscal., 2002/530, note de Nicolas De Becker.

11 Civil Bruxelles, 7 mars 2002, courr. fiscal., 2002/419.

12 Voy. J.O. Schrijvers, Actualité fiscale du 30.10.2002, p. 4

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tiers, en dehors de l’exercice d’une activité professionnelle à l’ex-clusion des opérations de gestion normale d’un patrimoine privéconsistant en biens immobiliers, valeurs de portefeuille ou objetsmobiliers».

Ces plus-values, dites « spéculatives», s’entendent de leur montantnet, c’est-à-dire de leur montant brut diminué des frais que le contri-buable justifie avoir faits ou supportés pendant la période imposableen vue d’acquérir ou de conserver ses revenus (art. 97 du CIR/92).

Ces plus-values sont taxées au taux distinct de 33 % (art. 171, 1°, adu CIR/92).

Il est important de souligner ici que l’administration peut prétendredémontrer l’existence de plus-values spéculatives même dans l’hypo-thèse où la plus-value est réalisée dans un certain délai et donc sou-mise à la taxation distincte de 16,5 %13.

B. CONDITIONS REQUISES

Pour prétendre appliquer l’article 90, 1° du CIR/92, l’administrationdoit faire la preuve, par toutes voies de droit, d’une spéculation sor-tant des opérations de gestion normale du patrimoine privé.

Cette preuve pourra résulter de plusieurs présomptions qui, combi-nées entre elles, pourront entraîner la taxation14.

Ces principales présomptions sont les suivantes :

1. L’entrée du bien dans le patrimoine privé du contri-buable

Lorsque le bien vendu n’est pas entré dans le patrimoine du par-ticulier par succession, donation, épargne personnelle ou remploide biens aliénés, il peut y avoir indice d’opération taxable.

2. Le délai entre l’acquisition et la revente

Un court délai entre l’achat et la revente avec plus-value peutconstituer une présomption de spéculation.

3. Le recours à l’emprunt

Le financement des acquisitions au moyen d’un recours massif aucrédit constitue un fait de nature à prouver la spéculation15.

4. Les travaux de revalorisation

Les travaux de valorisation d’un terrain, le lotissement de celui-cipeuvent, par leur ampleur, démontrer que l’opération dépasse lecadre normal de la gestion privée.

5. La fréquence des opérations

Bien que l’article 90 du CIR/92 ne fasse aucune allusion à ce cri-tère, le nombre d’opérations traitées peut révéler le caractère spé-culatif de celles-ci.

6. L’achat en indivision

L’indivision créée volontairement en vue de l’achat d’un bienimmobilier et la revente rapide de celui-ci avec bénéfice a été rete-nue à l’appui de la thèse de la taxation16.

2. REQUALIFICATION DE PLUS-VALUE IMMOBILIÈRE ENREVENU PROFESSIONNEL

A. HYPOTHÈSE ENVISAGÉE

L’hypothèse envisagée ici, est celle du particulier, lié de près ou deloin à l’immobilier, qui dans le cadre de son activité privée réaliserégulièrement des plus-values sur la cession de biens immobiliers.Dans ce cas de figure, après avoir démontré que les opérations réali-sées dans le cadre privé sont spéculatives, l’Administration ne se limi-te pas à prétendre taxer la plus value au titre de revenu divers (33 %)mais requalifie ce revenu en revenu professionnel.

B. PREUVE À APPORTER PAR L’ADMINISTRATION

Contrairement au cas de dirigeant examiné ci-avant, la requalificationn’a pas ici de support législatif spécial. L’administration doit apporterla preuve, par toutes voies de droit, que les opérations réalisées par leparticuliers s’inscrivent en réalité dans la sphère professionnelle deses activités.

Le plus souvent, l’administration se fonde sur les présomptions sui-vantes :

1. Le particulier exerce déjà une activité professionnelleliée au secteur immobilier

Le fait que le contribuable soit en relation professionnelle avec lemonde immobilier constitue souvent l’indice de départ du raisonne-ment de l’Administration. Sont ainsi visés, en première ligne, lesagents immobiliers, les dirigeants d’une société immobilière, maisencore les entrepreneurs, les architectes, les notaires…

Pourtant, il a déjà été décidé dans le passé que les personnes phy-siques qui travaillent professionnellement dans le secteur de l’im-mobilier pouvaient posséder des immeubles et les administrer dansle cadre de la gestion normale d’un patrimoine privé, tout comme lesautres contribuables17.

La jurisprudence a répété à plusieurs reprises que des professionnelspouvaient parfaitement gérer un patrimoine privé en dehors de leurpatrimoine professionnel18.

La cour d'appel de Gand a décidé que les opérations immobilièresréalisées par un associé actif d’une SPRL opérant dans le secteur dela construction, ne sont pas à considérer comme des bénéfices ouprofits d’opérations immobilières mais, comme des revenus nonimposables, résultant de la gestion du patrimoine privé lorsque cesopérations, même si des prêts ont été contractés, ont lieu selon unefréquence qui peut être résumée ainsi : construction d’une maisonen 1974-1975 et vente en 1978, constructions de 4 maisons en 1977et ventes sous application du régime TVA, achat en 1979 d’une prai-rie, lotissements et vente de parcelles dans la même année. La courd'appel de Gand précise en outre qu’une certaine démarche spécula-tive n’est pas à exclure dans la gestion normale du patrimoine privé19.

La même cour d'appel de Gand a rappelé récemment que le seul faitqu’un contribuable s’occupe professionnellement de transactionsimmobilières n’implique pas qu’il ait la même activité dans le domai-ne privé. La cour rappelle qu’il doit être possible aux personnes du

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13 Voy. les termes de l’article 90 1° du CIR/92 et la référence aux articles 90 8°, 90 9° et 90 10° du CIR/92.

14 Pour un examen approfondi de cette question avec de multiples références à la jurisprudence, voy. Marc André « Les limites fiscales de la gestion normaled’un patrimoine privé », Bull. des contributions 1992 n° 719, p. 2275 et suivantes : voy. également X. Thiebaut et C. Lemaire, « La fiscalité immobilière », information permanente CUP, septembre 2000, p. 239 et suivantes.

15 Bruxelles, 29 octobre 1993, F.J.F., 94/189.

16 Voy. Marc André, précité, p. 2539.

17 Marc André, « Les limites fiscales de la gestion normale du patrimoine privé», B.C., 1992 n° 719, p. 2275 et suivantes.

18 Voy. notamment Brux., 30 octobre1972, J.D.F., 1972, p. 323.

19 Gand., le 9 novembre 1984, F.J.F., n° 85/151

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Une question parlementaire récente1 a permis de mesurer l’ignorancequi subsiste à l’égard d’une règle que l’on croyait mieux maîtrisée.Nous croyons dès lors utile d’en préciser une nouvelle fois la portée.Le parlementaire annonce de manière péremptoire que « L’article170 de la Constitution prévoit l’interdiction d’imposer deux fois lamême chose non bis in idem », pour en déduire que les règlements-taxes de la ville de Namur qui instaurent une taxe sur les secondesrésidences et sur la force motrice font double emploi avec le pré-compte immobilier.

La confusion peut difficilement être plus totale.

La règle n’est pas constitutionnelleL’article 170 de la Constitution prévoit en ordre principal qu’aucunimpôt au profit de l’Etat ne peut être établi que par une loi.Ses §§ 2, 3 et 4 accordent également et respectivement un pouvoir fis-cal aux Régions et aux Communautés2, aux provinces et aux com-munes.Il n’y est fait nulle part mention de la règle « non bis in idem », pasplus d’ailleurs que dans n’importe quel autre article de laConstitution.La règle non bis in idem ne vaut d’ailleurs pas qu’en matière fiscale. Ainsi, par exemple, l’article 50 de la Charte des Droits Fondamentauxde l’Union européenne dispose que « Nul ne peut être poursuivi oupuni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà étéacquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif

conformément à la loi ». En clair, il instaure le droit à ne pas être jugéou puni pénalement deux fois pour une même infraction.La règle du «non bis in idem», puisqu’il s’agit bien d’elle, apparaîtainsi ici comme un principe général du droit, lié au principe de l’au-torité de la chose jugée et à celui de la liberté individuelle. Ce principeest reconnu dans tout système juridique conçu dans le respect desdroits fondamentaux. Les instruments internationaux prévoient cettegarantie à l’intérieur des frontières nationales. L’article 50 de la Chartes’applique au niveau national, mais aussi, conformément à l’acquis del’Union, entre les juridictions de plusieurs Etats membres.

La portée de la règle en droit fiscalEn matière fiscale, la règle «non bis in idem» veut dire non pasqu’une même base imposable ne peut être taxée deux fois, mais bienque le même impôt ne peut pas atteindre deux fois le même contri-buable à raison du même état, de la même situation ou des mêmesfaits.

Cet adage de droit fiscal fait obstacle à ce qu’un contribuable soit tenud’acquitter deux fois « le même impôt sur le même objet»3.

Contrairement à ce qui est parfois admis par la doctrine qui affirmeque la règle «non bis in idem» est un principe général applicablechaque fois que la loi ne dispose pas autrement, il apparaît que cet« idéal» inspiré de l’équité n’est atteint que dans la mesure inscritedans la loi. Il n’est qu’un « principe » - comme le «sens social» ou la

secteur immobilier d’effectuer des transactions immobilières dans lecadre de la gestion de leur patrimoine privé sans que ces opérationsprésentent nécessairement un caractère professionnel20.

2. Le caractère répété des opérations réalisées dans un butlucratif

L’administration doit démontrer que les critères généraux retenuspour la détermination du caractère professionnel d’un revenu sontprésents. Pour rappel, ces critères sont les suivants :• une fréquence et une continuité d’opérations exercées de maniè-

re habituelle ;• un enrichissement du contribuable provenant «directement ou

indirectement» de l’exercice d’une activité professionnelle21.

Une opération isolée ne pourra donc servir de base à une requalifi-cation en revenus professionnels. De multiples opérations ne procu-rant pas d’enrichissement stable du contribuable ne pourrontconduire à la conclusion de l’existence de revenus professionnels.

C. TAXATION

Si les revenus des opérations imposables sont requalifiés en revenusprofessionnels, ils seront taxés sur leur montant net, diminués descharges y afférentes.Ces revenus seront cumulés avec les autres revenus du contribuableet taxés au taux plein de l’impôt des personnes physiques.

CONCLUSIONDans le cadre de la requalification des revenus immobiliers en reve-nus professionnels pour certains dirigeants d’entreprise, le législa-teur est intervenu pour fixer strictement les conditions d’application.La requalification des plus-values immobilières réalisées dans lecadre des activités privées d’un contribuable est plus délicate. L’article90, 1° du CIR/92 permet à l’administration de considérer que lesplus-values spéculatives constituent des revenus divers taxables à33 %. Les conditions d’application de ce texte relèvent de l’interpré-tation à donner au concept de « spéculation » et de gestion normaledu patrimoine privé.Au-delà de la taxation des plus-values dites spéculatives, la requalifi-cation des plus-values immobilières en revenus professionnels nepeut être admise que sur base d’indices sérieux et probants démon-trant de manière indiscutable que les opérations sont exercées demanière habituelle dans le but de procurer un enrichissementdurable dans le cadre de cette activité.

F. DELOBBE,Avocat,

Elegis « Hannequart & Rasir »

20 Gand, 4 décembre 1997, courr. fiscal 1998, p. 173 et suivantes.21 Marc Dassesse et Pascal Minne, Droit fiscal, Principes généraux et impôts sur les revenus, p. 369.

Non bis in idem : une règle pas toujours bien connue

1 Question n° 706 de M. Fournaux du 30 mai 2001, Q.R., Ch.repr., sess. 2002-2003, n° 141, p. 17851.2 Même si, pour ces dernières, ce pouvoir est théorique et n’a jamais été mis en œuvre en pratique eu égard aux difficultés qui surgiraient du fait de la compé-

tence des Communautés française et flamande sur le territoire bilingue de la Région de Bruxelles-Capitale.3 Cassation, 4 février 1931.

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« justice» - qui guide le législateur inspiré mais qui ne suffit pas àcompléter la loi et encore moins à y déroger.

Dans un arrêt du 31 janvier 1933, la Cour d’appel de Gand a énoncéque « le principe d’équité qui se traduit en la maxime «non bis inidem» ne peut prévaloir contre la volonté du législateur ; cette maxi-me s’impose comme règle d’interprétation mais seulement en cas dedoute au sujet de cette volonté»4.

Beaucoup plus récemment, dans un arrêt du 24 mai 2002 consacrantl’autonomie fiscale des communes, le Conseil d’Etat dit que «…l’ada-ge «non bis in idem» ne s’oppose pas à la coexistence de deux impôtscomparables levés par des pouvoirs taxateurs différents …».

On aura rapidement compris qu’il n’y a probablement qu’en ce quiconcerne les taxes communales que le principe «non bis in idem»soit effectivement toujours applicable. Un même fait peut être soumisà deux taxes différentes, mais une même taxe ne pourrait être exigéedeux fois pour le motif que le redevable réunirait deux possibilitésdans lesquelles la taxe est due.

Précompte immobilier, force motrice, seconderésidenceLe précompte immobilier est, à l’origine et comme son nom l’indique,un mode de paiement de l’impôt sur les revenus, mais aussi et à la foisun type d’impôt foncier perçu pour compte de certaines entités5.Cet impôt est fondé sur le revenu cadastral qui affecte chaque bienimmobilier bâti ainsi que le matériel et l’outillage présentant le carac-tère d’immeuble par nature ou d’immeuble par destination.Par matériel et outillage, on entend, à l’exclusion des locaux, abris etdes accessoires indispensables à ces derniers, tous appareils,machines et autres installations utiles à une exploitation industrielle,commerciale ou artisanale.Toutefois, le matériel et l’outillage qui présentent le caractère d’im-meubles par destination ne sont pris en considération que s’ils sontattachés au fonds à perpétuelle demeure ou s’ils sont affectés demanière permanente au service et à l’exploitation et qu’en raison deleur poids, de leurs dimensions, des modalités de leur installation oude leur fonctionnement, ils sont destinés à être normalement utilisésen permanence à l’endroit où ils se trouvent ou à rester stationnairespendant leur emploi6.La taxe sur la force motrice appliquée sur les moteurs industrielsn’est, à l’évidence, pas de la même nature que le précompte immobi-lier. Les communes qui établissent une telle taxe précisent générale-ment qu’elle est due, quel que soit le fluide ou la source d’énergie quiactionne les moteurs. Certains règlements-taxes réputent « forcemotrice », la puissance des moteurs de tout type nécessaires à la miseen fonctionnement de toute machine sans distinction, mécanique ouélectronique, de bureau ou d'atelier, accessoire ou principale, avec ousans mouvement apparent, traditionnelle ou non.

La taxe sur les secondes résidences imposée par certaines communesn’est pas, non plus, de la même nature que le précompte immobilier.

Il s’agit d’une taxe locale basée non pas sur un droit de propriété maissur le fait que le propriétaire n’est pas domicilié dans le bien visé etqu’il l’affecte généralement à villégiature.

En revanche, les biens taxés comme seconde résidence ne peuventdonner lieu à l’application d’une taxe pour le séjour des personnes quiles occupent.

Quelques cas puisés dans la jurisprudence• Une taxe communale portant sur la location de vélos utiliséscomme objets de détente constitue un impôt sur les loisirs et n’a doncpas la nature d’un impôt communal complémentaire sur les véloseux-mêmes. L’adoption de ces deux impôts communaux n’est doncpas en contradiction avec le principe «non bis in idem»7.

• Le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs s’opposeà ce que la Députation permanente, intervenant à titre d’instance juri-dictionnelle, se prononce sur le caractère équitable d’une imposition.Ce principe a été violé lorsque intervenant suite à une réclamationcontre une imposition communale directe, la Députation permanen-te, après avoir constaté que le principe «non bis in idem» signifie quel’autorité ne peut exiger du même contribuable pour la même matiè-re imposable deux fois le même impôt ou des impôts de la mêmenature, estime que, lorsqu’une commune a décidé de lever un impôtdirect sur l’enlèvement d’immondices, il n’est pas équitable de frap-per d’un impôt indirect le même objet, vu que ces impôts malgré ladifférence de leur dénomination, sont dans la réalité des choses éta-blis sur le même fait imposable8.

• La commune de Kraainem poursuivait l’annulation partielle dudécret du Conseil flamand du 20 décembre 1989 contenant des dis-positions d’exécution du budget, plus précisément en ce qui concernela gestion des déchets et la redevance pour la collecte de ceux-ci. LaCour juge que les taxes communales sur la collecte de déchets ména-gers sont dues par les habitants de la commune tandis que la taxecontestée est mise à charge des entreprises, communes et associationsde communes qui collectent des déchets, ce qui ne constitue donc pasune double imposition9.

• Le principe « non bis in idem » suppose qu’un même impôt nepuisse atteindre deux fois la même matière imposable dans le chef dumême contribuable. Une taxe communale sur les décharges ne violepas ce principe lorsque la Région flamande perçoit déjà semblabletaxe, puisqu’il n’y a pas identité d’impôt. La taxe de la Région est de350 BEF par tonne pour la collecte de déchets dans la Région flaman-de destinés à être déversés ou incinérés en dehors de cette Région. Ilest indifférent que la taxe communale frappe la même matière impo-sable que la taxe de la Région flamande10.

• Une taxe communale sur les constructions ou parties de construc-tions sans usage permanent applicable à des immeubles restés inoc-cupés ne viole pas le principe « non bis in idem » pour double emploiavec le précompte immobilier, puisque l’assiette de la taxe est totale-ment différente de celle du précompte 11-12.

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4 Bull.contr., n° 70, p. 51.5 Régions, provinces, communes et agglomérations.6 Observons de surcroît que l’article 524 du Code civil stipule que sont immeubles par destination les objets que le propriétaire d’un fonds y a placés pour le ser-

vice et l’exploitation de ce fonds.7 Décision du Tribunal de Commerce de Bruges du 10 septembre 1986, F.J.F., N° 89/25.8 Arrêt de la Cour de Cassation du 22 mai 1987, F.J.F., N° 88/111.9 Arrêt de la Cour d’Arbitrage du 14 novembre 1991, M.B., 28 novembre 1991.10 Décision de la Députation permanente du Limbourg du 24 septembre 1992, F.J.F., N° 92/194.11 Arrêt de la Cour d’appel de Mons du 28 juin 1994, F.J.F., N° 95/26.12 A noter que, en contrepartie d’une indexation du financement général, les communes wallonnes ont été invitées, lors de l’exercice 1998, à cesser de taxer les

domaines directement liés à l’exercice des compétences wallonnes. Elle ont été invitées à faire preuve de la même volonté de paix fiscale en s’abstenant de taxerces matières en 1999 et il est indiqué dans la circulaire relative aux budgets pour 2000 que ce genre d’imposition relevant des compétences de la Région wal-lonne, ces matières ne peuvent plus être taxées par les communes. Sont essentiellement visées les taxes frappant les immeubles insalubres, à l’abandon ou inoc-cupés, les taxes sur les ruines industrielles et assimilées et les taxes sur les taudis et immeubles insalubres ou inachevés.

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• Une commune de Flandre avait instauré une taxe sur lesdécharges d’immondices et les déchets. Un contribuable estimait quecette taxe faisait double emploi avec la redevance d’environnementperçue par la Région flamande et calculée par tonne de déchets déver-sés. La Cour de cassation rejette cette thèse car aucune règle n’inter-dit qu’un contribuable soit imposé pour un même fait taxable par desautorités différentes13.

• Lorsqu’une personne physique exerce dans un immeuble la pro-fession d’avocat pour le compte d’une société qui a déjà été taxéeconformément à l’article 3, § 1er, b, de l’ordonnance du Conseil de laRégion de Bruxelles-Capitale, l’article susdit n’est pas d’application àson égard. Son application constituerait une infraction au principe «non bis in idem »14.

• Le précompte immobilier et la taxe communale sur lesimmeubles à l’abandon et les taudis ont deux assiettes imposables dif-férentes, si bien qu’il n’y a pas, en l’espèce, violation du principe «nonbis in idem »15.

• La requête tend à l’annulation du règlement-taxe créant un impôtsur les immeubles ou parties d’immeubles affectés à tout autre usageque le logement. L’adage « non bis in idem » ne constitue pas un prin-cipe général de droit applicable en l’espèce et ne s’oppose en tout caspas à la coexistence de deux impôts comparables, mais dont les causesqui les justifient sont différentes, levés par des pouvoirs taxateurs dif-férents. La circonstance que la Région de Bruxelles-Capitale ait pu éta-blir une taxe semblable à la taxe communale litigieuse ne prive pas lacommune de son pouvoir fiscal, les exceptions à la compétence fisca-le des communes devant, en vertu de l’article 170, § 4 déjà cité êtreétablies expressément par la loi. En outre, la taxe litigieuse n’est pasen tous points similaire à celle de l’ordonnance de 23 juillet 1992 rela-tive à la taxe régionale à charge des occupants d’immeubles bâtis et detitulaires de droits réels sur certains immeubles16.

• Ne contrevient pas au principe « non bis in idem », la taxe com-munale qui est perçue non sur l’appareil ou les appareils de divertis-

sement comme c’est le cas en matière de taxes assimilées aux impôtssur les revenus, mais sur l’établissement visé par le règlement-taxe,indépendamment de la présence d’appareils automatiques à l’inté-rieur de ces établissements17.

• Une commune a établi une taxe forfaitaire par m2 sur lesimmeubles (ou parties d’immeubles) affectés à tout autre usage quele logement. La Cour estime que cette taxe n’a pas le même objet quele précompte immobilier établi sur le revenu cadastral. En effet, lataxe communale litigieuse n’est pas un impôt sur le revenu (fictif)qu’un bien immobilier est censé rapporter. Il s’agit d’un simple impôtforfaitaire calculé en fonction de la surface de l’immeuble, indépen-damment des revenus immobiliers. La taxe en question ne viole doncpas la règle de l’article 464 du C.I.R. 1992 selon laquelle les com-munes ne sont pas autorisées à établir des taxes sur la base ou sur lemontant des impôts sur les revenus18.

• Un contribuable conteste la légalité d’une taxe provinciale sur lessuperficies à charge des entreprises au motif qu’elle contreviendraitaux dispositions de l’article 464, 1° du C.I.R. 1992, aux termes duquelles provinces ne sont pas autorisées à établir des taxes sur la base ousur le montant des impôts sur les revenus. La Cour constate que lataxe vise notamment les personnes physiques ou morales qui exercentune profession libérale, une charge ou un office, ou toute autre activi-té professionnelle indépendante. Elle est cependant calculée en tenantcompte de la totalité de la superficie bâtie et/ou non bâtie du bien surlequel est située l’implantation. La taxe frappe ainsi directementl’exercice d’une profession libérale, sur la base d’un indice qui, enl’occurrence, est la superficie occupée. Or, pareil indice n’est en rienlié aux revenus que l’exercice de la profession libérale peut procurerau contribuable, ni au montant de l’impôt sur les revenus qui seragénéré. La taxe est dès lors légale19.

Roland ROSOUXExpert-Conseiller au Cabinet du Ministre des Finances

13 Arrêt de la Cour de Cassation du 16 octobre 1997, Pas., 1997, I, 411 - l’arrêt a quo a été rendu par la Cour d’appel de Bruxelles le 3 février 1995.14 Jugement de la Justice de Paix de Bruxelles (9ème canton) du 28 juillet 1998, J.T., 1998, p. 819.15 Arrêt de la Cour d’appel de Gand du 8 septembre 1999, renseigné par le Fiscologue n° 730, p. 12.16 Arrêt du Conseil d’Etat du 14 mars 2000.17 Arrêt de la Cour d’appel de Liège du 20 juin 2001, F.J.F., N° 2002/1.18 Arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles du 21 juin 2001, renseigné par le Fiscologue, n° 817, p. 12.19 Arrêt de la Cour d’appel de Mons du 18 janvier 2002, Act. Fisc., n° 2002/11, p. 12 ; F.J.F., N° 2002/179.

Exercice illégal de la profession de comptableindépendant en 2002

Dans le courant de l'année 2002, quelque 150 dossiers furent ouvertssur base d'indices d'exercice illégal de la profession comptable. 44 dos-siers ont été clôturés que ce soit sur base du constat de la faillite de lasociété, d’une demande d'inscription sur la liste des stagiaires ou suite àune modification statutaire.

Les autres dossiers firent l'objet d'investigations complémentaires et/oude poursuites, soit par l'entremise du Service public fédéral, soit par voiede citation directe lancée par l'Institut.

DOSSIERS ADRESSÉS AU SERVICE FÉDÉRAL 1ECONOMIE, P.M.E.,CLASSES MOYENNES ET ÉNERGIE

Quelque 20 dossiers furent communiqués au service fédéral en 2002 envue de voir dresser un procès-verbal attestant l'exercice illégal de la pro-fession.

La majorité de ces dossiers ont été transmis en vue de contrôler le res-pect des sanctions disciplinaires de radiation ou de suspension prises parles chambres exécutives et d'appel à l'encontre de certains membres.

Seuls 5 procès-verbaux furent communiqués au Parquet dans le courantde l'année 2002.

PROCÉDURES : CITATION DIRECTE DE L'IPCF / CONSTITUTION DEPARTIE CIVILE SUITE À CITATION DU PARQUETEn 2002, huit dossiers (4 francophones/4 néerlandophones) firent l'ob-jet d'une procédure par voie de citation directe de l'I.P.C.F. indépendam-ment d'un éventuel procès-verbal et d'une intervention préalable duParquet. Par ailleurs, l'Institut s'est constitué partie civile dans le cadred'une cause introduite par le Parquet.

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JUGEMENTS RENDUS EN 2002Cinq jugements et deux arrêts de la Cour d’appel ont été prononcés en2002. Les Tribunaux ont en principe admis que le préjudice matériel etmoral était difficile à évaluer pour l’I.P.C.F., mais qu’il pouvait au moinsêtre assimilé au montant des cotisations que les comptables agréés doi-vent payer chaque année pour rester membre (article 50 de la loi du 22avril 1999).Il est en effet difficilement défendable que celui qui est en règle avec laloi et paye annuellement sa cotisation pour exercer la profession decomptable soit désavantagé vis-à-vis de la personne qui exerce illégale-ment la profession et échappe dès lors à cette obligation.Il est à noter que dans certaines procédures, le Ministère Public ademandé la confiscation des montants illégaux qui ont accru le patri-moine de l’intéressé. Cela s’est produit en 2000 et fut à nouveau pro-noncé début 2003.

Les jugements néerlandophones en 2002

1.Tribunal de première instance de Malines (10/01/2002)

A la suite de plaintes de différents clients qui n’avaient pas pu récupérerleur dossier, on a constaté que le comptable concerné avait été radié del’Institut mais que malgré cela, il continuait quand même à exercer illé-galement la profession.Le tribunal condamna l’intéressé par défaut à une peine d’emprisonne-ment de 7 mois et à une amende de 991,57 €. Sous l’angle de sa consti-tution de partie civile, l’Institut reçut la somme de 1.908,78 € plus lesintérêts.Le recouvrement de cette somme nécessitant le recours à l’exécution for-cée a été contrecarré par la citation en revendication lancée par une tier-ce société, dont on s’aperçut finalement que le gérant était le comptableradié lui-même. La procédure devant le tribunal est clôturée. La procé-dure en obtention de dommages et intérêts est toujours pendante.

2. Tribunal de première instance de Louvain (18/02/2002)Suite à une présomption d’exercice de la profession de comptable dansle chef d’une personne qui n’était pas agréée, une enquête fut demandéeau Ministère en 2000. Cela aboutit à l’établissement d’un P-V. De plus, ona constaté que l’intéressé était installé comme indépendant sans être ins-crit auprès du Registre du commerce.Le Tribunal déclara les faits établis tant au niveau de l’exercice de la pro-fession de comptable que de l’exercice d’une activité indépendante sansinscription.Le Tribunal condamna le prévenu au pénal au paiement d’une amendede 2.478,94€ et l’Institut reçut au civil un dédommagement de2.726,83€ + intérêts.

3.Tribunal de première instance de Turnhout (27/09/2002)L’Institut s’est constitué partie civile suite à une citation lancée à lademande du Parquet.Il est apparu que la citation fut mal rédigée par le Ministère Publicconcernant la période infractionnelle, avec pour conséquence le pro-noncé d’un acquittement en cette affaire.Vu que l’exercice illégal des activités comptables avait pris fin dès le moisde décembre 1998, l’Institut ne lança pas de citation directe après lecontrôle effectué par les services du Ministère.

4. Cour d’appel d’Anvers(22/10/2002En 2000, le Tribunal d’Anvers condamna le défendeur par défaut etdéclara la réclamation de l’Institut recevable et fondée, mais limita ledédommagement à 0,02 €, bien que l’Institut réclamait la somme de619,73 €.L’Institut interjeta appel contre les aspects civils de cette décision.L’Institut a entre autres argumenté que son budget était destiné à l’orga-nisation de la réglementation de la profession et aux services destinés àses membres (publications et séminaires) et qu’une partie considérablede ce budget était amputé par le coût récurrent de la lutte contre l’exer-cice illégal de la profession.

Le dédommagement réclamé constitue seulement une partie des coûtsréels, mais vu que le dommage est difficilement chiffrable, l’Institutréclame toujours une somme au moins équivalente au montant de lacotisation que doit payer un comptable légalement agréé pendant lamême période que celle de l’exercice illégal par le contrevenant.La Cour d’appel d’Anvers a jugé qu’« il n’existe pas de lien causal entrele non-paiement des cotisations et le délit, c’est-à-dire que l’obligationde payer une cotisation ne résulte pas d’un délit mais que l’obligationde payer une cotisation n’existe que s’il n’y a pas de délit et si la pro-fession est exercée conformément aux règles prescrites par la loi ».La Cour a également émis des doutes sur les retombées budgétaires pourl’I.P.C.F. de la lutte contre l’exercice illégal et énonce que « l’Institutréclame finalement le remboursement des coûts de la procédure, cequi n’est pas possible ». Etant donné que l’Institut n’a pas déposé dechiffres exacts à propos de l’évaluation des dommages moraux et maté-riels, la Cour a décidé de confirmer le premier jugement et de fixer laréparation du dommage à 0,02€.

Les jugements francophones en 2002

1. Tribunal de première instance de Bruxelles (25 avril 2002)Dans son jugement, le Tribunal correctionnel de Bruxelles a refusé defaire droit à la demande de l'Institut qui évaluait son préjudice en lacause à 2.454,15€ (soit les cotisations éludées pendant les années 1997à 2000 inclus) et 619,73€ au titre de réparation du dommage moral. LeTribunal a condamné la personne à un emprisonnement de 15 moisavec sursis pendant 3 ans, à l’interdiction d’être mandataire d’une socié-té commerciale pendant 10 ans ainsi qu’à une amende de 100€. Sur leplan civil, la personne poursuivie est condamnée à payer à l'Institut lasomme forfaitaire de 620,73€.

2. Tribunal de première instance de Namur (27 mars 2002)Le Tribunal de Namur, prenant en considération "le caractère peuimportant économiquement de l'activité exercée illicitement", a accor-dé la suspension du prononcé de la condamnation de la personne pour-suivie pour une durée de deux ans mais a refusé de faire droit à notreréclamation au civil en ne nous octroyant qu'un € à titre définitif.Ne pouvant se satisfaire de ce jugement, l’Institut a interjeté appel desdispositions civiles du jugement à l'instar du Parquet pour les disposi-tions pénales.

3. Cour d’appel de Liège (15 novembre 2002)Le jugement du Tribunal de Namur a été examiné en appel à Liège. Dansson arrêt, la Cour d'appel de Liège a stigmatisé le comportement de l'in-téressé en affirmant qu'"en exerçant illégalement la profession comp-table, le prévenu se dérobe au paiement d'une cotisation obligatoireet porte atteinte à l'organisation de la profession de comptable ainsiqu'au bon fonctionnement et à l'honneur de cette organisation, puis-qu'il en méconnaît l'existence et la prive des moyens nécessaires àl'accomplissement de sa mission légale".La Cour d'appel conclut en disant que "le prévenu a rompu l'équilibrevis-à-vis des comptables qui remplissent leurs obligations légales etpaient une cotisation et que le dommage matériel de la partie civilesera réparé de manière adéquate par la condamnation au paiementdes cotisations éludées pour les années 1998 à 2000, soit 942 €". Par contre, la Cour ne nous accorde qu'un € pour le dommage moralque nous évaluions à 250 €. Au niveau pénal, la Cour d’appel confirmela décision prise par le Tribunal de Namur.Il est intéressant d'épingler un attendu de l'arrêt qui inclut dans les pres-tations correspondant à l'activité professionnelle de comptable non seu-lement l'encodage des factures (fait déjà établi par les tribunaux) maisaussi "l'établissement des déclarations à l'administration de la TVA età l'administration des contributions directes"(pour compte de tiers). Cet arrêt de la Cour d'appel de Liège énonce clairement que l'Institut esten droit de réclamer comme dommage matériel l’équivalent des cotisa-tions éludées par l'intéressé qui exerce illégalement la comptabilité.

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