bientraitance, de la réflexion à l'action

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# 4 - LES CAHIERS DE L’ESSONNE # 4 - LES CAHIERS DE L’ESSONNE Actes du colloque national Bientraitance, de la réflexion à l’action Ce 4 e cahier de l’Essonne reprend les actes du colloque national « Bientraitance, de la réflexion à l’action ». Vous y retrouverez toutes les interventions de la journée qui ont permis d’embrasser la question de la bientraitance dans sa globalité : Bientraitance et parcours des personnes âgées. Signalement, organisation, évaluations internes et externes : en quoi les pratiques managériales sont-elles des leviers pour la promotion de la bientraitance ? Comment concilier les droits des personnes âgées, la bientraitance et la prise de risque pour l’établissement ou le service à domicile ? Près de 700 participants ont échangé sur toutes les bonnes pratiques et les innovations dans ce domaine. La bientraitance n’est plus un concept porté par des éclaireurs isolés. Elle est devenue un axe central du « bien vieillir », dont il est d’autant plus opportun de se saisir à la veille de la préparation de la grande loi sur l’Autonomie et l’adaptation de la société au vieillissement, annoncée par le Président de la République. # 4 - LES CAHIERS DE L’ESSONNE • 9441 Actes du colloque national Bientraitance, de la réflexion à l’action ACTES DU COLLOQUE NATIONAL - BIENTRAITANCE, DE LA RÉFLEXION À L’ACTION

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# 4 - LES CAHIERS DE L’ESSONNE# 4 - LES CAHIERS DE L’ESSONNE

Actes du colloque nationalBientraitance, de la réflexion à l’actionCe 4e cahier de l’Essonne reprend les actes du colloque national « Bientraitance, de la réflexion à l’action ». Vous y retrouverez toutes les interventions de la journée qui ont permis d’embrasser la question de la bientraitance dans sa globalité :

• Bientraitance et parcours des personnes âgées.

• Signalement, organisation, évaluations internes et externes : en quoi les pratiques managériales sont-elles des leviers pour la promotion de la bientraitance ?

• Comment concilier les droits des personnes âgées, la bientraitance et la prise de risque pour l’établissement ou le service à domicile ?

Près de 700 participants ont échangé sur toutes les bonnes pratiques et les innovations dans ce domaine. La bientraitance n’est plus un concept porté par des éclaireurs isolés. Elle est devenue un axe central du « bien vieillir », dont il est d’autant plus opportun de se saisir à la veille de la préparation de la grande loi sur l’Autonomie et l’adaptation de la société au vieillissement, annoncée par le Président de la République.

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Actes du colloque national

Bientraitance, de la réflexion à l’action

Dans la même collection :

# 1 - Avis du Conseil général de l’Essonne sur le Projet régional de santé (PRS)# 2 - Adoption et homoparentalité - Les nouvelles frontières de la famille # 3 - Assises départementales de l’habitat et du logement - Agir ensemble

contre la crise du logement

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En partenariat avec le ministère des Affaires sociales et de la Santé, l’ADF, la DGAS, le CNRPA, l’ADMR, la FNAQPA, la FEHAP, la FHF, la Mutualité Française, l’UNA, l’UNIOPSS, le SYNERPA, l’AD-PA,

la FNADEPA, la Croix-Rouge française et les petits frères des Pauvres.

Édito

Agir pour la bientraitance

« L’Essonne, capitale de la bientraitance ». Joli titre du Parisien au lendemain du colloque national que le Département de l’Essonne a organisé le 17 septembre 2013 sur la bientraitance, avec les grandes organisations du secteur représentant les personnes âgées, dont HABEO, ALMA et AGE 91. C’était l’objectif que nous nous étions fixé. La qualification est légitime. Depuis 15 ans, notre département n’a cessé de prendre à son compte cette question pour en faire un élément incontournable du débat public, en Essonne mais aussi au niveau national. C’est une question essentielle et nous devons faire en sorte qu’elle infuse dans toute la société.

Quelle belle journée en effet ! Au Génocentre d’Évry, nous avons eu l’honneur d’accueillir à nos côtés la ministre des Personnes âgées et de l’Autonomie, Michèle Delaunay, Paulette Guinchard, ancienne ministre et présidente de la Fondation nationale de gérontologie, aujourd’hui présidente de la CNSA, et près de 700 personnes, professionnels du secteur de la gérontologie, venus pour alimenter la réflexion autour de trois tables rondes. Forcément, le ton était sérieux, autant que l’ambiance

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était chaleureuse. Qu’avons-nous fait ? Nous nous sommes préoccupés d’un sujet majeur en cette période où la question du « vivre ensemble » se pose à nous de manière de plus en plus cruciale. Échanges riches, fructueux, et tellement stimulants.

Preuve que la bientraitance est de plus en plus au cœur des préoccupations de chacun et des bonnes pratiques professionnelles. La question de la bientraitance des personnes âgées est constitutive de celle du « bien vieillir ». Ce colloque était un point d’étape essentiel à la réflexion qui s’impose à nous tous.

Nous vous souhaitons une lecture stimulante et citoyenne du rapport faisant suite à ce colloque !

Jérôme Guedj Marjolaine RauzeDéputé Vice-présidente Président du Conseil chargée des solidarités général de l’Essonne et de la santé

SommaireOuverture ........................................................................................................................................................................................... 7Vers une société du bien vieillir, l’engagement de l’Essonne ..................................................................................................................................... 11Présentation de la politique nationale ....................................................................................................... 191. Rappel des concepts .................................................................................................................................................... 212. Treize ans de partenariat en Essonne .................................................................................................... 273. Concepts et principes d’action du dispositif ALMA–HABEO ...................................... 314. Les données du 3977 et la Confédération nationale

de lutte contre la maltraitance ........................................................................................................................ 33Allocution de Madame la Ministre ................................................................................................................. 37Première table ronde

Bientraitance et parcours des personnes âgées  (domicile, EHPAD, hôpital) .......................................................................................................................................... 451. Les notions de bientraitance et de parcours à travers Mobiqual ........................... 472. L’expérience du Pôle autonomie santé informations (PASI) ....................................... 513. L’expérience du Réseau gérontologique ville hôpital de Poitiers

(RGVHP) ........................................................................................................................................................................................ 554. L’expérience de l’Agence nationale d’appui à la performance

des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP)............................................... 595. Retour sur l’expérimentation des Personnes âgées en risque de perte

d’autonomie (PAERPA) .............................................................................................................................................. 636. Échanges avec la salle .............................................................................................................................................. 69Deuxième table ronde

Signalement, organisation, évaluations internes et externes :  en quoi les pratiques managériales sont-elles des leviers pour  la promotion de la bientraitance ? .................................................................................................................. 791. Débats ............................................................................................................................................................................................. 812. Séance de questions-réponses ...................................................................................................................... 99Troisième table ronde Comment concilier les droits des personnes âgées, la bientraitance  et la prise de risque pour l’établissement ou le service à domicile ? ............. 105Conclusion de la journée .......................................................................................................................................... 139

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Ouverture

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Sylvain DENISVice-président du Comité national des retraités et personnes âgées (CNRPA)

Merci d’être venus aussi nombreux à ce colloque. Après l’introduction du Député et Président du Conseil général de l’Essonne, Jérôme Guedj, nous recevrons Madame Delaunay, Bernard Duportet, Robert Moulias et Dominique Terrasson, qui pilote le Comité national de la bientraitance et des droits (CNBD) à la Direction générale de cohésion sociale (DGCS). Une première table ronde clôturera cette matinée.

J’ai été convié à ce colloque en raison de ma participation à de nombreux groupes sur ce sujet. Je vous souhaite une excellente journée et cède la parole à Jérôme Guedj pour nous exposer son ressenti sur cette journée.

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Vers une société du bien vieillir, l’engagement de l’Essonne

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Jérôme GUEDJDéputé, Président du Conseil général de l’Essonne

Mesdames et Messieurs, je tiens à partager le bonheur et l’émotion que j’ai à vous accueillir si nombreux au Génocentre. Cette journée est importante pour le Département de l’Essonne. Avant de saluer toutes celles et tous ceux qui ont contribué à nos travaux, je souhaite vous fournir quelques éléments d’explication. Le Génopole est à la pointe de l’innovation technologique en matière de thérapies géniques grâce à la mobilisation de l’Association française contre les myopathies (AFM), qui a su interpeller les pouvoirs publics pour que l’on puisse inventer la médecine et les médicaments de demain, notamment pour les maladies les plus rares. La société et les acteurs de la puissance publique ont ainsi aidé à la production de cet écosystème. Dans quelques semaines, sera lancée la première usine de production de médicaments pour les thérapies géniques. Il s’agit du premier laboratoire pharmaceutique en France sans but lucratif, rattaché au secteur de l’économie sociale et solidaire. La rencontre de la société mobilisée et de la puissance publique répond à un enjeu de société, dans une démarche d’intérêt général. Je considère que tel est le sens du progrès technologique.

Ce qui est vrai en matière d’innovation technologique doit l’être aussi en matière d’innovation sociale. D’une certaine manière, tel est l’esprit de cette journée et du travail engagé depuis plusieurs années par les acteurs associatifs. Je remercie d’ailleurs les coorganisateurs de cette journée, à savoir

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HABEO (Handicap, Âge, Bientraitance, Écoute, Orientation), Allô Maltraitance des personnes âgées et/ou des personnes handicapées (ALMA) et l’Association gérontologique de l’Essonne (AGE). Je salue également le travail mené avec la puissance publique et en particulier l’État. Enfin, je remercie du fond du cœur Michèle Delaunay pour sa présence, qui atteste de son engagement et de sa détermination dans le champ des personnes âgées.

Il s’est opéré un glissement sémantique. Quinze ans auparavant, nous avons lancé, avec Bernard Duportet, une campagne au sujet de la maltraitance des personnes âgées. Aujourd’hui, de plus en plus, la promotion prend une force positive de recherche de la bientraitance. Il a fallu passer par une forme de tonitruance en 1999, pour briser un tabou politique, social et sociétal. Après avoir brisé ce tabou, un travail méthodique a été engagé afin d’élaborer des actions de prévention, de sensibilisation et de promotion de la bientraitance. Merci aux acteurs associatifs, merci à l’État et merci aux professionnels. Je salue Paulette Guinchard, qui est venue au printemps avec Michèle Delaunay poser la première pierre de l’un de nos établissements du service public essonnien du grand âge. Je remercie aussi la Fondation nationale de gérontologie (FNG) et, à travers elle, l’ensemble des acteurs qui plaident pour la diffusion de ces enjeux. En outre, je remercie la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et l’École de design de Nantes, dont l’exposition sur le design appliqué à l’âge est actuellement visible dans le hall, ainsi que

la Fédération hospitalière de France (FHF). La participation de tous ces acteurs et des forces vives du secteur de l’accompagnement des personnes âgées est révélatrice de leur intérêt pour ce sujet. La convergence des mobilisations est de bon augure.

Après la campagne de 1999, nous avons atteint un rythme de croisière. Cette campagne était adossée à la mise en place d’un centre d’écoute téléphonique et d’un programme pluriannuel de sensibilisation et de formation dans tous les Établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD) du département. Ce programme a été complété par un dispositif de contrôle et de surveillance des EHPAD, visant à partager les informations entre les différents acteurs de la puissance publique (Conseil général, Préfecture, DDASS, Procureur, Inspection du travail). Je suis heureux de constater, Michèle Delaunay, que le CNBD propose de généraliser ce type de lieu d’échange de l’information, dans une démarche de pédagogie, d’accompagne-ment, de prévention active – sans oublier la formation aux mesures coercitives. Bernard Duportet, pour HABEO, et Robert Moulias, pour ALMA, vous en parleront mieux tout à l’heure.

Demain, sera publié mon livre intitulé Plaidoyer pour les vieux. Vous êtes des acteurs absolument conscients des enjeux du vieillissement de la population. Il faut que la société entière prenne conscience de ces enjeux. Nous devons donc être des militants de l’âge et faire en sorte que la militance aille au-delà du cercle essentiel, mais forcément restreint, des professionnels. Nous devons par exemple mobiliser les Conseils de la vie sociale

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(CVS) dans les établissements. En Essonne, nous avons essayé de créer un collectif des CVS pour favoriser l’émergence d’une société mobilisée dans le champ des personnes âgées. La décision politique et budgétaire est toujours le fruit de rapports de force. Alors que le Président de la République s’engage pour la mise en place d’une loi sur l’Autonomie et l’adaptation de la société au vieillissement, nous avons besoin de la mobilisation des acteurs. Ce type de journée doit y contribuer. Nous devons briser le carcan involontaire qui plane sur ces sujets, lesquels cristallisent de nombreux enjeux du vivre ensemble pourtant au cœur du pacte républicain. Se pose la question de la place des personnes âgées dans la société et de la manière dont celle-ci doit s’adapter aux personnes âgées, et non l’inverse. Nous sommes mobilisés afin que cette loi réponde à l’ensemble des enjeux précédemment évoqués. En effet, nous devons mieux accompagner les familles et leur donner l’accès à l’information, à la connaissance des dispositifs. Nous lançons un site Internet à cet égard (bienvieillir.essonne.fr). Toutes ces actions contribuent à la bientraitance.

Votre présence illustre votre engagement militant, au service de la place des personnes âgées dans la société. Nous avons tellement à apprendre et nous devons tellement à nos aînés. Je relisais ce matin l’essai de Régis Debray, Le Bel Âge, citant Victor Hugo : « Et l’on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens. Mais, dans l’œil du vieillard, on voit de la lumière ». Vous contribuez à ce que cette lumière éclaire la société.

Je vous remercie.

Sylvain DENISLes participants à cette journée sont bien évidemment conscients des difficultés posées par ce vieillissement lorsqu’il est mal préparé.

Je laisse la parole à Bernard Duportet, Robert Moulias et Dominique Terrasson, qui est chargée de piloter le CNBD.

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Présentation de la politique nationale

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Dominique TERRASSONChef de projet « maltraitance » au Bureau de la protection des personnes, DGCS

Bonjour à tous. La politique nationale de lutte contre la maltraitance évolue vers la promotion de la bientraitance. Cette politique récente est orientée autour de deux axes prioritaires :

• améliorer la connaissance de la maltraitance, en améliorant la détection, le signalement et le traitement des faits de maltraitance ;

• renforcer le contrôle et l’évaluation en accompagnant les institutions et les professionnels dans la mise en œuvre d’une politique active de bientraitance et en renforçant le contrôle des établissements, services sociaux et médico-sociaux.

Depuis la réorganisation des services de l’État intervenue en 2010, cette politique est mise en œuvre par les Agences régionales de santé (ARS) pour le secteur médico-social et sanitaire, et par les Directions régionales et départementales de la cohésion sociale pour le secteur social.

1 Rappel des concepts

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1.1. L’amélioration de la détection et du signalement des situations de maltraitance

Un numéro national d’écoute (3977) a été créé en 2008. Cette plate-forme nationale de première écoute est relayée par un réseau de proximité, en lien avec les acteurs institutionnels (conseils généraux, ARS, professionnels du terrain). Ce système s’oriente vers une gouvernance unique pour renforcer l’efficacité et la visibilité du dispositif.

1.2. Le renforcement du contrôle et de l’évaluation Il s’agit, pour les services de l’État, d’assurer leur mission de contrôle tant à la suite de signalements ou de plaintes qu’à titre préventif, dans le cadre d’un programme pluriannuel de repérage des risques de maltraitance, défini et évalué au niveau national. En outre, il convient d’accompagner les structures dans une démarche de prévention et de gestion des risques, dans une dynamique de bientraitance, par l’intermédiaire des recommandations de bonnes pratiques du Département d’épidémiologie et de santé publique (DESP), de la mise à disposition des questionnaires d’auto-évaluation, ainsi que d’outils de sensibilisation et de formation.

1.3. La création du CNBDPour être plus efficace, l’action de l’État, tant au niveau national que local, doit être interministérielle et s’exercer en relation étroite avec l’ensemble des acteurs du secteur (organismes publics spécialisés, départements, professionnels, associations,

représentants des usagers, etc.). Mesdames Delaunay et Carlotti, ministres respectivement en charge des personnes âgées et des personnes handicapées, ont décidé de créer le 12 février dernier le CNBD, instance de réflexion et d’animation de la politique nationale, dont la composition est représentative des principaux secteurs et acteurs institutionnels et associatifs concernés.

Le CNBD arrête chaque année un programme de travaux. Pour l’année 2013, quatre thèmes prioritaires ont été définis.

La promotion de la bientraitance

Il ne s’agit plus seulement de lutter contre la maltraitance, mais de la prévenir en promouvant des comportements positifs à l’égard des personnes vulnérables, notamment au domicile, où il conviendrait de mieux repérer les risques de maltraitance. Jusqu’à présent, la politique visait essentiellement l’accompa-gnement et le repérage au sein des structures d’hébergement et d’accueil. II faut désormais prendre en compte la sphère privée. Ce thème consiste à identifier et valoriser les bonnes pratiques, accompagner et soutenir les intervenants professionnels et les aidants naturels, diffuser des recommandations et outils d’auto-évaluation, afin qu’une culture de la bientraitance prenne le pas sur les pratiques de maltraitance.

Les dispositifs d’alerte et de vigilance

De trop nombreuses personnes ont encore le sentiment qu’il est inutile de révéler une situation de maltraitance, car elles ne savent pas où s’adresser, ou pensent ne pas trouver de réponse ou de prise en considération. Les travaux de ce groupe

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de travail s’attachent à clarifier et rendre plus lisibles et efficaces les différents dispositifs d’alerte et de recueil des signalements de maltraitance, ainsi qu’à améliorer la coordination et l’articulation entre les acteurs publics et associatifs concernés, afin de mieux répondre aux situations et de faire progresser la connaissance du phénomène.

Les droits

Les situations de maltraitance sont presque toujours des situations de non-respect des droits fondamentaux de l’être humain (droits des malades, droit au respect et à la dignité, droit d’aller et venir, droit à la propriété privée…). Il ne s’agit pas de créer des droits spécifiques, mais de veiller à ce que l’ensemble de ces droits ne soient ni bafoués ni altérés du fait de la dépendance d’une personne liée à son âge ou à son handicap.

Le suicide

Le suicide des personnes âgées représente un quart des suicides en France. Chaque tranche d’âge enregistre un taux plus élevé à mesure que les personnes vieillissent. Ce phénomène est trop souvent banalisé, au motif que la dépression est courante chez les personnes âgées ou très handicapées. L’objectif de ces travaux est de mieux identifier les facteurs de risque de suicide chez les personnes âgées et handicapées afin d’améliorer leur prévention dans les établissements et à domicile.

Tous ces travaux sont suivis et organisés par la DGCS. Ils ont débuté dans le courant du deuxième trimestre 2013. Un premier

rapport d’étape a été présenté par chacun des groupes de travail à l’occasion de la séance plénière du CNBD du 25 juin. La prochaine séance plénière est prévue le 8 octobre.

Jérôme GUEDJEn Essonne, la démarche s’est engagée grâce à une collaboration très efficace entre les services de l’État et du Conseil général. Je salue d’ailleurs Monsieur le Préfet, délégué à l’égalité des chances, ainsi que Marjolaine Rauze, Vice-présidente du Conseil général chargée des solidarités et de la santé.

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Treize ans de partenariat en Essonne

Bernard DUPORTETPrésident d’HABEO

Bonjour à tous. Ce n’est pas sans une certaine émotion que je regarde cette salle. En 1997, nous avions organisé un colloque départemental sur la maltraitance des personnes âgées, présidé par Robert Hugonot, fondateur d’ALMA France. L’intérêt suscité par notre invitation montre que le problème n’est plus aujourd’hui de convaincre, mais d’organiser notre action de manière commune, avec un partenariat soutenu et renouvelé entre le secteur associatif et les institutions publiques. Je tiens à remercier tous ceux qui ont participé à cette action depuis plus de 13 ans : les bénévoles et salariés de notre association départementale, régionale et nationale. Je remercie également Jérôme Guedj, de la part de toute mon équipe, et sans doute des personnes qui nous entourent. Après son élection à la présidence du Conseil général, Jérôme Guedj m’a accordé une audience d’un après-midi entier pour parler de la maltraitance. Notre collaboration, soutenue, est en phase d’expansion. Grâce à l’action conjointe de notre association, du Conseil général de l’Essonne et des partenaires institutionnels du département, nous avons pu mettre en place un plan d’actions gérontologique départemental complet. Ce dispositif a vu le jour au début de l’année 2009, par l’ouverture d’un centre départemental

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d’écoute. Il a été suivi par l’organisation d’un plan départemental de sensibilisation à la maltraitance, puis aux risques spécifiques liés au développement de la maladie d’Alzheimer. En 2000, lors d’une concertation entre AGE, le Conseil général, le Tribunal de grande instance (TGI) et le Conseil départemental d’accès au droit (CDAD), nous avons mis en place un dispositif d’accès au droit à destination des personnes âgées. Cette action départementale continue de se déployer.

2.1. Un programme départemental completDans le cadre de la lutte contre la maltraitance, le centre départemental d’écoute a fonctionné jusqu’en 2004, date de l’ouverture du numéro régional. Entre mai 1999 et le 31 décembre 2012, le département a mis en œuvre 1 915 sessions de sensibilisation, ayant concerné 17 415 professionnels. Nous n’avons pas réalisé d’évaluation précise du bénéfice au niveau sociétal, mais de multiples éléments nous donnent à penser que nous avons contribué largement à un changement des pratiques, un changement d’état d’esprit et une nouvelle vision des personnes âgées et des problèmes qui leur sont spécifiques. Entre 2001 et fin 2012, 1 756 dossiers ont été ouverts au titre du dispositif d’accès au droit, ce qui nous a permis d’entrer en contact directement avec plus de 5 000 personnes et leur famille. Parallèlement, à la suite des demandes qui nous ont été adressées par les institutions auprès desquelles nous étions intervenus dans le cadre du plan de sensibilisation, nous avons ouvert un département formation, qui a effectué 1 559 sessions, auprès de 15 436 professionnels.

Les directeurs d’établissement nous ont proposé de nous réunir régulièrement au sein d’un club pour traiter de ces problèmes. Ce fut chose faite, avec la création du Club’AGE. Cette activité se poursuit. Au niveau départemental, nous nous sommes portés candidats pour prendre en charge une Maison pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer (MAIA), qui sera opérationnelle dans quelques semaines. Enfin, en collaboration avec plusieurs institutions départementales, nous avons lancé un Pôle autonomie santé informations (PASI), nouveau Groupement de coopération sociale et médico-sociale (GCSMS), afin d’essayer de limiter le gigantesque millefeuille institutionnel. Il s’agit de mettre en commun nos réflexions et moyens pour mieux structurer notre politique gérontologique. Ce programme d’actions a pu se développer grâce au soutien exemplaire, renouvelé et différencié dont nous avons bénéficié.

2.2. Une campagne de communication forteUn matin, les 640 panneaux d’affichage du département ont été recouverts par l’affiche de la campagne « Rex/Mamie ». Certains conseillers généraux ont estimé que cette campagne agressive portait atteinte à la dignité des personnes âgées. Nous avons cependant décidé de maintenir cette campagne, qui a donné lieu à un débat en séance publique du Conseil général. J’ai eu l’extrême satisfaction de voir les conseillers voter, à l’unanimité, non seulement la poursuite de cette action, mais aussi du plan gérontologique contre la maltraitance.

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2.3. Une évolution nationaleÀ partir de cette opération départementale, nous nous sommes engagés dans une action à l’échelle nationale. La Direction régionale des affaires sanitaires et sociales d’Île-de-France (DRASS) m’a proposé de co-animer un groupe de travail sur la maltraitance. Ce travail a duré 18 mois. C’est ainsi qu’est née l’Association francilienne pour la bientraitance des aînés et/ou handicapés (AFBAH), assortie d’un numéro régional. Le travail réalisé pendant les quatre années suivantes a justifié l’extension de ce dispositif au niveau national, avec la création du numéro 3977.

Je vous remercie de votre attention.

Concepts et principes d’action du dispositif ALMA-HABEO

Robert MOULIASPrésident d’ALMA

Bonjour à tous. À l’origine, ALMA était une filiale de la Commission droits et libertés de la FNG, dont faisait partie Robert Hugonot.

3.1. Rappel des concepts

a. Maltraiter, qu’est-ce que c’est ?

La maltraitance désigne toute action ou inaction pouvant porter préjudice à une personne dont une structure s’occupe.

b. Pourquoi est-on victime d’une maltraitance ?

Il existe un lien entre l’auteur et la victime ; la victime dépend d’autres personnes.

c. Comment devient-on auteur d’une maltraitance ?

Dans la majorité des cas, la maltraitance n’est pas intentionnelle. L’auteur est inconscient des besoins de la victime ou n’a pas été formé à répondre à ses besoins. Nous avons à notre disposition des moyens d’action efficaces pour prévenir et corriger ces situations.

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d. Le silence est le meilleur ami de la maltraitance

Parfois, la victime ne peut s’exprimer. Le témoin sera donc un proche. Un appel pour maltraitance n’est pas une simple réclamation d’usager.

3.2. Le dispositif ALMA-HABEO Il faut offrir une écoute bienveillante et attentive. L’analyse des appels doit être pluridisciplinaire. C’est pourquoi les équipes de proximité sont multi-professionnelles, capables d’orienter la personne vers l’interlocuteur qualifié. Les situations sont parfois extrêmement complexes et requièrent plusieurs intervenants. Ensuite, il faut accompagner et suivre la personne.

Nous enregistrons toutes les données grâce au logiciel mis au point par HABEO. Tant que nous n’aurons pas de meilleures connaissances de la maltraitance, de ses facteurs de risque et de résolution, nous ne pourrons pas observer de progrès. Nous commençons à recueillir des chiffres ponctuels sur les différents types de maltraitance. Le numéro national 3977 nous envoie les premiers signalements. Depuis le printemps 2013, ALMA et HABEO sont réunies au sein d’une confédération, qui leur permet de travailler plus efficacement et de donner une nouvelle dimension à la lutte contre la maltraitance et pour la bientraitance.

Bernard DUPORTET

4.1. L’activité du 3977Le centre national d’écoute du 3977 s’appuie sur un réseau départemental, essentiellement constitué des associations fédérées au sein d’ALMA France. Centré sur un système d’information sur Internet, en accord avec les prescriptions de la CNIL, il est à la fois un outil de gestion des signalements de maltraitance issus du 3977 ou des numéros départementaux et un outil statistique, qui permet d’apprécier non seulement le nombre et la qualité des appels, mais aussi l’analyse des situations et son traitement. Cette exploitation statistique est opérée à plusieurs niveaux. Lorsque notre organisation sera mieux structurée au plan départemental, nous serons en mesure de fournir des rapports d’activité sur la maltraitance, tant au niveau départemental, régional que national. Nous pensons qu’un tel dispositif permettra de mettre en place un observatoire national de la maltraitance.

Les données du 3977 et la Confédération nationale de lutte contre la maltraitance

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Le 3977 a fait l’objet d’une campagne de lancement en 2008, qui n’a pas été suffisamment renouvelée pour parfaire la connaissance de ce numéro. Vraisemblablement, il trouvera un nouvel essor dans un avenir proche. Le numéro a été choisi pour son caractère facilement identifiable. Il est utilisable sur l’ensemble du territoire national, y compris dans les DOM-TOM. Il ne se substitue pas aux centres d’écoute départementaux, lorsqu’ils existent, et est ouvert du lundi au vendredi, de 9 h à 19 h. L’écoute est assurée par des professionnels (essentiellement des psychologues cliniciens et des travailleurs sociaux). Le système d’information sur lequel sont stockées les données est directement accessible par les personnes habilitées.

Entre 2008 et 2012, le centre d’appel a répondu à 87 429 appels, à raison d’une centaine par jour. Il peut recevoir jusqu’à 900 appels par jour lorsque, par exemple, Madame la Ministre communique à la radio ou à la télévision. Le taux de réponse le plus bas est de 16 % et le plus haut atteint de 84 %. Pour gagner dix points, il faudrait multiplier par deux ou trois l’effectif de nos équipes. À ce jour, 33 786 dossiers ont été analysés.

4.2. La mise en place de la confédération Les deux associations piliers du dispositif, ALMA et HABEO, ont rencontré beaucoup de difficultés à travailler ensemble en raison de leur origine et de leur composition différentes. Le processus de rapprochement initié il y a un an s’est concrétisé par la création d’une confédération, portée par Madame Michèle Delaunay, que nous remercions. Il constitue un préalable

à la fusion pleine et entière de nos deux organisations, qui est destinée à apporter à la population un service amélioré.

Je vous remercie.

Sylvain DENISUne bonne connaissance de la maltraitance est la base de la bientraitance.

Je vais demander à Madame Delaunay de nous fournir quelques éléments d’information. Je vous rappelle qu’une ancienne ministre, Paulette Guinchard, conclura la journée. Elle est actuellement présidente de la FNG.

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Allocution de Madame la Ministre

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Michèle DELAUNAYMinistre des Personnes âgées et de l’Autonomie

Je vous félicite de participer aussi nombreux à ce colloque. Cela montre, de manière tout à fait concrète, que nous ouvrons une nouvelle page. Je remercie particulièrement Jérôme Guedj et son équipe d’avoir résolument choisi ce terme de « bientraitance ». Bien plus qu’un renversement sémantique, ce choix traduit le passage de la dénonciation à la réflexion, vers la mise en place d’une véritable culture de la bientraitance.

Pour autant, nous avons beaucoup à faire. Ayant d’abord évoqué la bientraitance, nous sommes rapidement revenus à la maltraitance, comme si nous avions du mal à la définir. La bientraitance est fondée sur des principes simples : le respect des droits fondamentaux de la personne humaine et des droits du malade. Les droits et la bientraitance sont plus que compatibles ; l’un est le socle de l’autre. Il ne faut pas avoir peur de le rappeler : toutes les formes de maltraitance sont une violation des droits fondamentaux – liberté d’aller et venir, droit à la propriété privée (maltraitance financière), atteinte à la vie privée et à la dignité. L’affirmation des droits est donc un moyen de poser la culture de la bientraitance. C’est pourquoi je souhaite renouer avec la volonté d’élaborer une charte des droits des personnes âgées, à l’instar de la charte des droits des enfants, qui est une déclinaison des droits de la personne humaine adaptée aux situations d’acquisition progressive de l’autonomie. À l’inverse, les droits des personnes âgées doivent être déclinés et explicités en fonction des éventuels

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risques de perte d’autonomie. Les droits des malades peuvent également être bafoués, en particulier au sein des institutions, mais aussi au domicile. Un usager a le droit d’être informé très précisément des médicaments qui lui sont prescrits, s’il en a la capacité. Son consentement doit être éclairé.

Outre la connaissance des droits fondamentaux et des droits des malades, la bientraitance requiert la connaissance de la personne. Le soignant ou le proche doit adapter son attitude aux désirs de la personne, sa personnalité. Il convient d’individualiser l’approche et les comportements. Enfin, la fraternité humaine est très importante. Elle ne se définit pas, mais se partage. La bientraitance doit se décliner en bonnes pratiques, au cours de cette journée.

J’ai remis en service le Comité national de lutte contre la maltraitance, que nous avons rebaptisé « Comité national pour la bientraitance, les droits et libertés des personnes âgées et des personnes handicapées ». Ne cherchez pas le sigle, le « Comité national pour la bientraitance » sera bien plus signifiant. Ce Comité national de la bientraitance va me rendre une première copie. Parmi les quatre groupes de travail qui le constituent, deux m’intéressent particulièrement :

• Comment définir une culture de la bientraitance ?

• Comment améliorer nos systèmes d’alerte ?

La réunion d’ALMA et HABEO, dans la lignée du mariage pour tous, participe à l’amélioration des systèmes d’alerte. J’attends beaucoup de ces groupes de travail, comme j’en attends de vous.

J’espère, cher Jérôme Guedj, que nous aurons les minutes des universités d’été de la bientraitance.

Je voudrais revenir sur l’ouvrage de Jérôme Guedj, Plaidoyer pour les vieux. Par l’emploi de ce terme, il souhaitait nous faire réagir. Cet ouvrage nous guide dans la prise de conscience de ce que j’appelle la « transition démographique » ou le « basculement démographique ». Il s’agit du basculement des générations en direction des personnes âgées. Dans dix ans, la France comptera 30 % de personnes âgées de plus de 60 ans, dont l’espérance de vie moyenne sera de 30 ans. 30 ans, c’est une vie à accomplir. Ces personnes ne vont pas se contenter d’aller de la télévision au restaurant le dimanche. Elles veulent avoir un rôle et une place dans le monde de demain. Elles veulent construire elles-mêmes, ou avec les autres, ce monde de demain. Ce défi démographique change tous les paradigmes, de la fiscalité à l’urbanisme. Lorsque la transition écologique a été évoquée trente ans auparavant, Jacques Chirac disait : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Aujourd’hui, le manque d’anticipation de la transition démographique, le manque de réflexion, est le trou noir de la pensée politique. Il ne faut pas avoir peur de le dire. Comme les militants de l’AGE, il faut des personnes pour concevoir et batailler pour construire une société nouvelle. Cet enjeu est aussi important que la transition écologique. Si nous ne l’anticipons pas, nous nous acheminerons vers une guerre des générations, que les personnes âgées gagneront dans les urnes. Je ne suis pas favorable au communautarisme et plaide pour une société de toutes les générations.

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Nous allons présenter un projet de loi, dont j’espère qu’il sera un premier véhicule de ce changement de paradigme. Je vous invite tous à le porter avec moi. La France figure parmi les champions du monde en termes de longévité. Soyons les champions du monde en matière d’innovation politique, sociale et sociétale. Merci d’être réunis pour cette grande cause.

Sylvain DENISMerci beaucoup, Madame la Ministre. Je pense que vous avez bien dessiné l’avenir. En 2025, les personnes de 60 ans seront en encore meilleure forme que les personnes qui ont 60 ans aujourd’hui. Nous devons tous construire cet avenir plus adapté aux effets parfois négatifs du vieillissement, mais aussi tirer profit de l’expérience accumulée par toutes ces personnes. Nous vous remercions de bien vouloir lancer ce projet de loi dont nous avons terriblement besoin et que l’on nous promet depuis longtemps. Ne nous décevez pas. Comme je l’ai dit la veille à la Conseillère du Président de la République : nous attendons cette loi, qui est bien plus large qu’une loi sur l’autonomie.

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Première table rondeBientraitance et parcours des personnes âgées (domicile, EHPAD, hôpital)

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Les notions de bientraitance et de parcours à travers Mobiqual

1 Gabriel BOUROVITCHJe suis journaliste au Mensuel des maisons de retraite, ainsi qu’au Journal du domicile et au Journal du médecin coordonnateur. Les métiers concernés par ces différents titres ne sont que quelques-uns des acteurs du parcours de soins de la personne âgée, qui est souvent un parcours d’obstacles.

Au préalable, Dr Geneviève Ruault, pouvez-vous nous expliquer ce que recouvrent les notions de « bientraitance » et de « parcours », et comment nous en sommes venus à les associer ?

Dr Geneviève RUAULTBonjour à toutes et à tous. Expliquer en dix minutes la notion de bientraitance et de parcours, à travers l’action de la SFGG, relève quasiment de la maltraitance ! La bientraitance n’est pas un concept ; c’est une notion. Le concept a une dimension pratique. Pour reprendre les propos d’un directeur d’ARS, la notion de bientraitance implique de passer du concept au modèle de qualité. Il faut passer des « soins » à la « qualité des soins » et au « prendre soin » – autrement dit, une approche globale de la personne de façon à ce que l’ensemble des prises en charge et accompagnements

Participent à cette table ronde :

Dr Marie-Dominique LUSSIER, chargée du médico-social à l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP) ;

Jean-Pierre PEFFERKORN, responsable du réseau de la communauté urbaine de Poitiers ;

Dr Marie-France MAUGOURD, gériatre, chef de service à l’Hôpital Georges Clémenceau, Présidente de la Fédération des réseaux de santé gérontologiques d’Île-de-France (FREGIF) ;

Dr Geneviève RUAULT, Déléguée générale de la Société française de gériatrie et de gérontologie (SFGG) / Collège national professionnel de gériatrie ;

Élisabeth FERY LEMONNIER, chargée de mission au Secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales ;

Dr Gudrun SCHONE-TAMISIER, Vice-présidente de la FREGIF.

Cette table ronde est animée par Gabriel BOUROVITCH, journaliste au Mensuel des maisons de retraite.

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correspondent non seulement à ses besoins techniques de soins, mais aussi à ses attentes et préférences. Telle est la notion de « parcours de soins ». La bientraitance est une notion de qualité, d’approche globale de la personne, où qu’elle se situe dans son parcours de santé et de vie, visant à assurer la qualité des pratiques.

En 2007, l’Association nationale d’éducateurs sociaux (ANES) était déjà chargée de l’évaluation de la qualité dans les établissements sociaux et médico-sociaux, dans le cadre du plan ministériel de promotion de la bientraitance et de lutte contre la maltraitance. La Haute autorité de santé (HAS) s’est elle-même préoccupée de la bientraitance dans les établissements sanitaires. Chacun a ainsi donné sa définition de la bientraitance. La bientraitance relève de la qualité des pratiques professionnelles, individuelles ou collectives et interroge la qualité de l’organisation et des politiques publiques en faveur des personnes âgées. Je la définirais comme une réponse aux attentes, besoins et préférences des personnes, quelle que soit l’étape de leur parcours de soins. L’émergence d’une culture partagée de la bientraitance relève de la formation pluri-professionnelle, de la coordination et de l’organisation. Il s’agit de donner le bon soin, au bon moment et au bon endroit.

La notion de « parcours », quant à elle, est née d’une prise de conscience. Nous sommes passés d’une médecine curative à une médecine de prise en charge des maladies chroniques, liée à la croissance de la longévité, qui s’adresse au patient dans sa globalité. Après avoir parlé de la qualité de la bientraitance dans les EHPAD et les établissements sanitaires, nous réalisons que le juste soin au bon moment et au bon endroit consiste avant tout

à considérer la personne dans son milieu de vie et à assurer sa qualité de vie. Se préoccuper de la vie au quotidien impose de prévenir la dénutrition et la dépression, qui sont hautement génératrices d’événements péjoratifs. Il faut mettre en place une organisation différente, qui interpelle l’ensemble des acteurs de proximité, les plus à même de signaler les risques : médecins de ville, aides et soignants à domicile. En outre, les hospitalisations doivent s’inscrire dans la continuité des bonnes pratiques. Il faut éviter de générer dépendance et perte d’autonomie. La sortie d’hospitali-sation doit être préparée de façon intelligente et coordonnée.

L’émergence d’une culture partagée interroge le travail en commun, l’organisation, le partage d’informations, la lutte contre les fractures de notre système de santé. À l’échelle nationale, il faut peut-être coordonner et intégrer un certain nombre d’agences qui travaillent sur le sujet.

Gabriel BOUROVITCHComment l’action publique évolue-t-elle pour associer la notion de « maltraitance » à celle de « parcours » ?

Dr Geneviève RUAULTJe ne suis pas acteur de politique publique. En 2007, la SFGG a commencé à étudier la question de la bientraitance en questionnant les pratiques pluri-professionnelles. Nous avons ainsi étudié la vie d’un EHPAD pour vérifier que les pratiques professionnelles répondaient aux besoins et attentes des personnes. À partir de ces approches concrètes du quotidien,

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nous avons veillé à transformer le bon sens en formation. Plus de la moitié des EHPAD se sont donc engagés dans un programme de formation pour assurer la montée en compétences de leur personnel.

Pour améliorer la bientraitance, nous devons faire en sorte que chacun abandonne sa conviction personnelle afin de s’orienter vers une vision commune de la bientraitance dans un endroit donné, pour une personne donnée, avec les moyens qui sont les nôtres. Le propos n’était pas de revendiquer du personnel supplémentaire. À travers la notion de bientraitance, nous avons évoqué des notions fondamentales telles que la douleur, qui est un traceur de la qualité des soins. Chacun a sa place, avec ses connaissances incarnées dans la pratique. Il faut organiser la prise en soin de la douleur. Cette question de la douleur pose aussi celle de l’alimentation. La nutrition et la dénutrition interrogent tous les acteurs de l’EHPAD : directeur, médecin coordonnateur, médecin traitant, diététicien, ergothérapeute…

Nous avons également travaillé sur la dépression et la prévention du suicide en diffusant des outils aux établissements médico-sociaux. Grâce à Madame Delaunay, nous avons signé le 18 juillet une convention avec l’ensemble des fédérations de soins et d’aide à domicile, portant sur ces sujets. Il convient de sensibiliser l’ensemble des acteurs à l’identification de la souffrance psychique.

La transversalité, dans l’adaptation des connaissances, est la chose la plus difficile à mettre en place au niveau national.

L’expérience du Pôle autonomie santé informations (PASI)

2 Gabriel BOUROVITCHDr Marie-France Maugourd, Jérôme Guedj vous présente comme l’un de ses mentors en gérontologie. Vous êtes partie prenante du PASI, un GCSMS qui a pour objectif d’améliorer la qualité du parcours de santé des personnes âgées. Pouvez-vous nous présenter la genèse de ce projet et les moyens dont vous disposez ?

Dr Marie-France MAUGOURDL’Essonne est un département pilote en gérontologie. De nombreuses structures gérontologiques se sont développées. Depuis les années 80, les établissements de santé ont veillé à s’ouvrir au département. Les filières gériatriques travaillent en liaison avec les structures gérontologiques. L’AGE est partenaire du Conseil général. Nous avons vu se développer par ailleurs des structures du domicile, telles que les services d’aide ménagère et d’aide à la personne, puis les services de soins infirmiers à domicile. Finalement, nous avons les Centres locaux d’information et de coordination (CLIC). À présent, nous avons atteint le stade des MAIA. Toutes ces structures ont pour objectif la coordination. Au milieu du millefeuille institutionnel, se trouve

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la personne dont le parcours de santé risque de se retrouver morcelé. C’est pourquoi le département de l’Essonne a créé le PASI, nouvelle structure juridique qui permet aux acteurs du soin gérontologique de se rassembler sans perdre leur identité : l’AGE, le réseau de santé des personnes âgées, Hippocampes (un réseau de santé Ville-hôpital en Essonne), le réseau de Soins palliatifs et de support en Essonne Sud (SPES), l’Association de services et d’aide à domicile (ASAD), qui est un réseau de soins infirmiers, et enfin le pôle Hospitalisation à domicile (HAD) de la Fondation Œuvre de la Croix Saint-Simon.

Le PASI a pour objectif de transformer le « millefeuille » en « cake », c’est-à-dire d’apporter un ciment à différentes structures pour leur permettre de travailler ensemble.

Gabriel BOUROVITCHIl est donc question de décloisonnement et de partage de ressources. Les parcours s’améliorent-ils au quotidien ?

Dr Marie-France MAUGOURDAu terme de deux ans, nous commençons à parler le même langage et à échanger nos ressources. Par exemple, l’ASAD de Corbeil peut apporter son Équipe spécifique Alzheimer (ESA) au réseau Hippocampes, qui lui-même pourra faire intervenir son ergothérapeute. En outre, nous échangeons nos expertises. Le réseau Hippocampes peut faire appel au SPES pour un patient souffrant de douleurs incontrôlées. L’HAD de la Croix Saint-Simon peut travailler de façon conjointe pour les personnels et pour

assurer la prise en charge de cette personne, avec l’ASAD de Corbeil. Ce travail conjoint est motivé par une évaluation commune des patients. Par ailleurs, la MAIA permet aux structures d’avoir plus facilement accès aux gestionnaires d’EHPAD, en raison de la proximité géographique et de la ren-contre quotidienne. Nous avons souhaité que les équipes se rencontrent régulièrement dans nos futurs locaux, au service des parcours des patients.

Gabriel BOUROVITCHCette mutualisation des ressources s’opère-t-elle à moyens constants ? Disposez-vous de ressources complémentaires pour mener à bien votre projet ?

Dr Marie-France MAUGOURDPour monter une structure juridique, il faut faire appel à un consultant. Le PASI a bénéficié de subventions de démarrage pour nos locaux. Par ailleurs, nous travaillons actuellement sur notre image. Nous avons également bénéficié d’un appui juridique et de l’accompagnement du Dispositif local d’accompagnement (DLA), qui nous a offert une vingtaine de journées de consultant. De plus, le Conseil général de l’Essonne est toujours bienveillant à l’égard des essais de politiques nouvelles. Nous attendons les conclusions d’une commission permanente afin d’embaucher un coordonnateur.

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Dr Gudrun SCHONE-TAMISIERNous avons d’ores et déjà embauché un coordonnateur.

Gabriel BOUROVITCHAvez-vous encore besoin de moyens supplémentaires pour que le PASI soit pleinement opérationnel ?

Dr Marie-France MAUGOURDPour l’instant, nous avons surtout besoin de locaux.

L’expérience du Réseau gérontologique ville hôpital de Poitiers (RGVHP)

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Gabriel BOUROVITCHJean-Pierre Pefferkorn, vous êtes le directeur du GCSMS « Réseau gérontologie ville hôpital de Poitiers » (RGVHP).

Jean-Pierre PEFFERKORNNous allons faire évoluer le nom de ce groupement. Ce réseau gérontologique a été initié en 1995 avec quatre partenaires : le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers, et notamment les urgences gériatriques, le centre hospitalier spécialisé en santé mentale, la Ville de Poitiers par l’intermédiaire de son Centre communal d’action sociale (CCAS) et la médecine libérale regroupée en une Association santé libéraux (laquelle accueille aujourd’hui d’autres professionnels hors santé, tels que des psychologues et ergothérapeutes). Le réseau gérontologique a été créé en 1999 à des fins de coordination. En 2010, nous avons donné une identité morale à cette coopération en créant un Groupement de coopération sociale (GCS), avec les mêmes membres fondateurs. Chacun préserve son identité et le GCSMS se voit confier une

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identité et des moyens propres. Actuellement, le groupement compte un CLIC à Poitiers, un réseau gérontologique présent dans toute la communauté urbaine, deux dispositifs MAIA qui couvrent l’ensemble du territoire de santé et, à titre expérimental (à la demande de l’ARS), une filiale de coordination et d’appui aux patients de moins de 60 ans.

L’objet du GCS est d’accompagner les personnes âgées en situation complexe et fragile, en venant en appui aux professionnels médico-sociaux, afin, à terme, de coordonner le parcours de santé. Nous œuvrons en faveur du décloisonnement dans les accompagnements. Nous offrons de plus en plus de passerelles entre le domicile et l’hôpital.

Gabriel BOUROVITCHÀ quoi ressemble le parcours d’une personne âgée prise en charge par votre GCSMS ?

Jean-Pierre PEFFERKORNNous disposons d’une équipe de coordination gérontologique relativement étoffée. Nous pouvons également faire appel à des experts hospitaliers pour intervenir au domicile des personnes et parfois réintroduire dans le parcours de santé des personnes qui sont dans le déni et le refus de soins. Nous favorisons les liens entre le domicile, la ville et l’hôpital. Notre équipe procède donc à une évaluation pluri-professionnelle. La parole de l’usager, de son entourage et des accompagnants de proximité est prise en compte. La parole est indispensable

dans l’analyse et l’élaboration d’un plan personnalisé de santé. Au cours des réunions pluri-professionnelles de concertation, nous abordons la dimension éthique. Le projet repose sur l’adhésion du patient, de son entourage et des professionnels de santé.

La circulation de l’information a également son importance. À travers la Fédération des réseaux du Poitou-Charentes, dont il a été à l’initiative, le GCSMS porte le déploiement d’un outil de coordination informatisé, qui constitue la base d’une harmonisation des pratiques et d’un langage commun. L’ARS est partie prenante de notre travail d’harmonisation des pratiques.

Gabriel BOUROVITCHQue vous apporte la structure GCSMS dans le fonctionnement du réseau ?

Jean-Pierre PEFFERKORNLe GCSMS porte l’ensemble des instances de coordination gérontologique. Nous portons les deux dispositifs MAIA sur l’ensemble du département et travaillons avec sept CLIC et cinq réseaux gérontologiques. Il convient d’articuler ces structures pour s’orienter le plus rapidement possible vers l’acteur le plus à même de mieux répondre aux besoins de la personne. En termes de bientraitance, nous devons accorder une attention particulière à l’analyse des besoins et sortir du paradigme de la superposition des ressources du territoire,

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pour favoriser le maintien à domicile des personnes âgées. Il s’agit bien de respecter les souhaits de la personne et d’avancer à son rythme.

L’expérience de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP)

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Gabriel BOUROVITCHDr Marie-Dominique Lussier, vous représentez l’ANAP.

Les initiatives que nous venons d’évoquer sont-elles fréquentes ? Quels sont les autres modes d’organisation qui ont retenu l’attention de l’ANAP ?

Dr Marie-Dominique LUSSIER Nombre d’organisations sont méconnues, mais travaillent dans le même esprit que le PASI et le RGVHP. À partir du moment où nous avons commencé à parler de « parcours », nous nous sommes intéressés à la personne – pas directement à la maladie et moins à la structure. Ce changement fondamental n’était inscrit dans aucun plan du ministère de la Santé. La notion de « parcours » va devenir un mot-valise. Cependant, la politique publique tendra à réfléchir aux besoins des personnes

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et non plus à répondre aux besoins des structures, ni à faire des recommandations pour des maladies.

Il s’agit bien de transformer le « millefeuille » en « cake », d’intégrer les structures. L’organisation mise en œuvre à Poitiers est le résultat de quinze années de travail. Peut-on agir plus rapidement maintenant ? Tel est l’objet d’étude de l’ANAP.

Gabriel BOUROVITCHAvez-vous une recette miracle pour réaliser ce « cake » ? Voyez-vous se dégager de bonnes pratiques communes ? Quels sont les facteurs clés de l’efficience du parcours de soins ?

Dr Marie-Dominique LUSSIER On s’intéresse à la personne, sous l’angle de la qualité de sa prise en charge. Le parcours commence parfois à 50 ans et se caractérise par des pathologies au long cours. Les ruptures sont des facteurs de mauvaise qualité, qui entraînent des réductions d’accès aux soins de proximité, des redondances, oublis et erreurs dans la prise en charge.

Deux éléments clés ressortent : d’une part, la communication/l’information via les systèmes d’information, et d’autre part, le consensus sur les pratiques au service des usagers. Nos cultures professionnelles nous conduisent à adopter des habitudes un peu trop souvent normatives, chacun ayant l’intime conviction que ce qu’il fait est bien. L’intégration vise à transcender chacune de nos cultures au service d’une personne.

Par ailleurs, des leviers financiers et organisationnels doivent également être mis en œuvre.

Gabriel BOUROVITCHLes leviers identifiés par l’ANAP ont-ils servi à l’élaboration des parcours des Personnes âgées en risque de perte d’autonomie (PAERPA) ? La bientraitance est-elle envisagée comme un levier d’optimisation de la gestion ?

Dr Marie-Dominique LUSSIER L’ANAP n’a pas dirigé l’ensemble des travaux qui ont abouti au cahier des charges PAERPA. Cette mission a été effectuée par le ministre, le Secrétariat général et les acteurs de l’assurance maladie. Dans le cadre de l’article 70 du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), il s’agissait de fluidifier les parcours, de l’arrivée à la sortie de l’hôpital. L’ANAP s’est vu confier la mise en œuvre opérationnelle de ce cahier des charges, avec d’autres opérateurs de l’État (en particulier les ARS). Ce cahier des charges couvre l’intégralité du champ des organisations d’acteurs, de l’efficience du système d’information et des allocations de ressources financières. L’objectif n’est pas de réaliser des économies, mais de faire en sorte de dépenser l’euro donné au bon moment et correctement.

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Retour sur l’expérimentation des Personnes âgées en risque de perte d’autonomie (PAERPA)

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Gabriel BOUROVITCHÉlisabeth Fery Lemonnier, vous êtes chargée des PAERPA au Secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales. L’expérimentation a débuté ce mois-ci. Les calendriers sont-ils tenus ?

Élisabeth FERY LEMONNIER Je remercie le Conseil général pour l’organisation de cette journée. Je remplace Sophie Bentegeat, chargée du médico-social au Secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales. Nous travaillons très étroitement et les calendriers sont tenus.

Le parcours fait l’objet d’une abondante littérature. Le parcours de soins s’intéresse à la santé des patients, ainsi qu’aux personnes qui ne sont pas encore malades (prévention). Le parcours de soins, de santé et de vie concerne donc autant les patients que la population française dans son ensemble. Notre système de santé

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est très riche, mais les acteurs sont compartimentés – surtout au niveau national (Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), INCa, Direction générale de l’offre de soin (DGOS)...). Chacun est légitime et puissant dans son champ, mais uniquement dans celui-ci. C’est pourquoi de nombreuses initiatives ont vu le jour pour coordonner les acteurs. Les deux rapports du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) constituent les documents fondateurs de l’expérimentation PAERPA. Le HCAAM a clairement appelé la mise en place d’une médecine de parcours, afin de prendre en charge les patients âgés dont l’état dépend autant de leur santé que de leur environnement social. La diminution de la consommation de soins hospitaliers devrait permettre de réaliser une économie de 2 milliards d’euros. Le HCAAM tient à mettre fin aux expérimentations, pour monter des prototypes pilotes, gérés par les ARS et fortement pilotés par l’État. Enfin, le rapport insiste sur l’évaluation du service rendu à la personne âgée et sur l’efficience économique. À partir de la publication de son rapport, le HCAAM a bénéficié d’un fort soutien politique, qui a conduit au financement de 11 projets destinés à la bonne coordination du parcours de l’entrée à la sortie de l’hôpital (2012) et à la définition d’outils permettant la mise en place de ces prototypes (à travers la loi de financement de la sécurité sociale de 2013). Parallèlement, les ministres ont demandé la rédaction d’un cahier des charges.

En février 2013, la ministre a demandé aux directeurs généraux des ARS de manifester leur intérêt. 18 régions ont répondu et 36 territoires ont été choisis pour développer lesdits prototypes.

Cinq territoires sont inclus dans la première vague, qui débutera en septembre : Lochois (Centre), Nord-Est parisien (Île-de-France), Grand Nancy (Lorraine), département des Hautes-Pyrénées (Midi-Pyrénées), département de la Mayenne (Pays de la Loire). 3 autres territoires feront l’objet d’une deuxième vague (janvier 2014) : la Communauté urbaine de Bordeaux (Aquitaine), Brive-la-Gaillarde (Limousin), Valenciennois-Quercitain (Nord-Pas de Calais).

Gabriel BOUROVITCHPoitiers et l’Essonne ne font donc pas partie des territoires pilotes. Quelles garanties les lauréats ont-ils présentées, en termes de qualité de la prise en charge ?

Élisabeth FERY LEMONNIER L’ANAP nous a aidés à sélectionner les candidatures. Les ARS ont elles-mêmes rencontré des difficultés dans le choix des territoires. Le critère principal était l’adéquation au cahier des charges, dont la motivation des acteurs de terrain. L’ANAP accompagnera la mise en œuvre des prototypes.

Le Secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales veillera à ce que les actions issues des prototypes soient immédiatement utilisables par les autres acteurs.

Gabriel BOUROVITCHComment s’assurer de la généralisation des prototypes ayant fait leurs preuves ?

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Élisabeth FERY LEMONNIER La coordination de proximité est centrée autour des profession-nels libéraux de soins et d’une plate-forme régionale d’appui. Les outils sont précisément décrits dans le cahier des charges. Ainsi, l’Agence des systèmes d’information partagés de santé (ASIP) est chargée des systèmes d’information et l’ANAP appuie la mise en œuvre des prototypes. Par ailleurs, des financements sont accordés par le Fonds d’intervention régional (FIR). Par exemple, les établissements de santé pourront facturer à l’assurance maladie le premier mois de prise en charge médico-sociale de la personne âgée.

Gabriel BOUROVITCHL’ancien Secrétaire général avait évoqué une circulaire tarifaire complémentaire pour notifier les crédits du PAERPA (12 millions d’euros).

Élisabeth FERY LEMONNIER La Direction de la sécurité sociale (DSS) veille à ce que ces crédits soient inclus dans la loi de financement de 2014, qui sera votée en octobre 2013.

En octobre, une lettre d’engagement sera signée par les conseils généraux, les professionnels libéraux, les Caisses régionales d’assurance maladie (CRAM) et les Caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) des cinq premières régions pilotes. En novembre, ces territoires recevront un document

de cadrage sur la gouvernance des prototypes et le schéma de mise en œuvre du cahier des charges, décrivant le diagnostic initial effectué par l’ANAP et les outils de financement. En décembre, une convention d’objectifs et de moyens sera conclue. Le même processus sera déployé en janvier pour les territoires de la deuxième vague.

Gabriel BOUROVITCHJe remercie nos intervenants.

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Échanges avec la salle6Bernadette GILLARDReprésentante des usagers au Conseil d’administration d’Hippocampes

Quelle place réserve-t-on à la parole des usagers dans l’évaluation globale des besoins, que ce soit au domicile ou en institution ? La parole est-elle autant respectée qu’en Poitou-Charentes ?

Dr Geneviève RUAULT Je ne peux parler que pour le réseau Hippocampes et le réseau SPES, que je connais bien pour avoir participé à leurs travaux. Un réseau de santé ne peut prendre en charge un patient que dans la mesure où celui-ci a donné son accord. Une expertise médicale au domicile permet de voir le patient dans son environnement. La parole du patient est fondamentale, de même que celle de sa famille et de son médecin traitant. En effet, les réseaux de santé ne peuvent intervenir sans l’accord du médecin traitant. Ils ne font pas du soin, mais formulent des préconisations, apportent leur expertise et un suivi à domicile, que ne pourraient réaliser de façon linéaire les intervenants libéraux, en raison de la démographie médicale.

Les libéraux qui participent au réseau de santé signent une charte. Les infirmiers libéraux à domicile sont des acteurs très importants. D’ailleurs, l’HAD de la Croix Saint-Simon travaille

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uniquement avec les professionnels libéraux du domicile. Je suis époustouflée par la qualité du travail réalisé par les infirmiers libéraux à domicile de l’Essonne. Après la mise en place du réseau, il nous a paru essentiel qu’ils restent auprès des patients qu’ils ont toujours suivis. Des structures telles que le PASI sont extrêmement importantes.

Nous avons souvent des discussions éthiques au sein de nos structures.

De la salle, un membre des petits frères des Pauvres Quelle place pour les associations dans les réseaux ?

Jean-Pierre PEFFERKORN Nous avons un partenariat très fort avec les associations de représentants des usagers (France Alzheimer, France Parkinson). Nous travaillons également avec le Comité départemental des retraités et personnes âgées (CODERPA). La parole des usagers est entendue. Par ailleurs, nous menons des actions en partenariat avec ces associations : colloques, actions de communication pour la rupture de l’isolement et le maintien du lien social (avec une maison de quartier et la Fondation Pompidou – exemple unique en France d’intervention d’une fondation au domicile des personnes âgées). Il faut rester bénévole et ne pas se substituer à l’aide à domicile. Le partenariat est extrêmement important. Nous ne pouvons plus agir sans les représentants des usagers.

De la salle Les usagers sont-ils associés au parcours de soins ? Quelle place est accordée à la personne handicapée âgée ?

Dr Marie-Dominique LUSSIERLes représentants des usagers sont encore insuffisamment présents dans les structures. La démocratie sanitaire n’est pas encore à l’œuvre en France. Les freins à l’intégration des usagers sont de plusieurs ordres. D’une part, le mode de représentation des usagers ne leur permet pas nécessairement d’être contributeurs. D’autre part, les professionnels de santé doivent avoir une maturité suffisante pour s’extraire de leur culture et mettre en œuvre nos projets. Les huit territoires que nous avons accompagnés se caractérisent par la maturité de leurs acteurs, qui n’avaient attendu ni l’assurance maladie, ni l’ANAP, ni les deux expériences présentées pour travailler à ces rapprochements. Avec la maturité, on est plus solide et plus fort pour partager les cultures et les attentes des usagers. L’usager lui-même n’est pas nécessairement concerné par sa prise en charge ; la maturité est nécessaire des deux côtés. Nous devons conduire des actions fortes de formation et d’information pour lever les craintes et les postures.

Gabriel BOUROVITCH La représentation des usagers fait-elle partie du cahier des charges PAERPA ?

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Élisabeth FERY LEMONNIER Tout à fait. J’ai eu l’occasion de travailler à l’élaboration d’un plan national de santé publique relatif à l’accident vasculaire cérébral et d’animer l’état des lieux de la prise en charge de ces patients. Il était très important que les patients nous expriment leurs besoins, pour pouvoir y répondre. Les représentants des usagers ont été d’emblée associés au comité de pilotage et à la rédaction du cahier des charges. Ils seront également associés à sa mise en œuvre. Le Directeur général de l’ARS, par l’intermédiaire des outils de démocratie sanitaire issus de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) de 2009 (commission régionale notamment), suivra les projets. De la même manière, le Conseil général, qui co-pilote les prototypes, pourra assurer le relais auprès des représentants des usagers.

Gabriel BOUROVITCH Il faut passer par les textes pour changer les pratiques. Dr Geneviève Ruault, les usagers sont-ils les grands oubliés de la bientraitance ?

Dr Geneviève RUAULT Ils ne sont pas nécessairement les grands oubliés de la bien-traitance, mais peuvent l’être. Il n’est pas facile d’identifier les attentes des personnes âgées à domicile, parce qu’elles ne s’expriment pas, par peur de déranger. Par exemple, la souffrance psychique et la dénutrition sont de grands enjeux de qualité de notre système de santé. Or, les personnes âgées

ne savent pas nécessairement qu’elles sont dénutries, en vertu de la croyance selon laquelle elles n’ont pas besoin de se nourrir beaucoup. Qui va observer ces personnes à domicile ? Ce n’est pas forcément le médecin traitant, car ces personnes ne sont pas toutes inscrites dans un parcours de soins. En revanche, les aides à domicile peuvent révéler ces situations. Encore faut-il qu’elles soient formées et sensibilisées à ce repérage. Les représen-tations des usagers doivent par ailleurs être inscrites dans les politiques publiques.

Dans le cadre du programme Personnes âgées en risque de perte d’autonomie (PAERPA), nous avons demandé à la HAS de travailler sur le référentiel de repérage et de prise en charge de la fragilité (qui désigne les éléments réversibles). Parallèlement, d’autres groupes de travail ont été constitués. Il faut autoriser les usagers à exprimer leurs préférences et établir des référentiels communs. Les acteurs du domicile peuvent parfaitement acquérir cette expertise, à condition de valoriser leur métier. En définitive, il faut légitimer la parole des personnes âgées. Les soignants ont une légitimité de fait, mais les aides à domicile doivent aussi avoir la parole. Je salue l’action de Jean-Pierre Pefferkorn à cet égard.

Dr Marie-France MAUGOURDEn tant que membre de la commission médicale d’établissement de l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), je me suis portée volontaire pour participer aux travaux de la Commission centrale de concertation avec les usagers (CCCU). J’y ai rencontré

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des personnes formidables et notamment Aldo Saluard. Il a demandé que la CCCU examine la problématique de l’incontinence urinaire des personnes âgées. Nous avons travaillé durant un an et demi. Cette semaine, nous organisons un colloque à destination de l’ensemble du personnel soignant de l’AP-HP sur ce thème. La Direction des soins de l’AP-HP a d’ailleurs choisi ce thème pour l’année prochaine. Les représentants des usagers ont donc un grand rôle à jouer dans les établissements de santé et les EHPAD. Il ne faut pas être frileux.

Dr Marie-Dominique LUSSIERLa mise en œuvre du projet PAERPA prend du temps, ce que la sphère politique tend à oublier. Il faut lever les ambiguïtés et les incompréhensions. Par exemple, il faut clarifier la place des infirmiers libéraux et de l’HAD. Ces éléments sont des causes de rupture de parcours.

De la salleQuelle est la différence entre les missions des CLIC et GCSMS d’une part, et celles des MAIA d’autre part ?

Jean-Pierre PEFFERKORN Le dispositif MAIA comporte deux volets : intégration et gestion de cas. Nous avons défini une articulation (coordination graduée) et choisi de ne pas communiquer auprès du grand public. En revanche, nous favorisons l’information et l’accès

aux CLIC et aux réseaux. Nous avons fait travailler ensemble les professionnels des CLIC, des réseaux et des gestionnaires de cas sur les questions suivantes, par exemple : à quel moment passer le relais ? À quel moment réaliser une visite en binôme ? Œuvrer en termes de bientraitance suppose de réduire les évaluations. Nous avons donc défini des critères d’inclusion très ciblés sur la population suivie par les réseaux et sur la population suivie par les gestionnaires de cas. Le GCSMS est porteur de deux dispositifs MAIA et nous avons cinq gestionnaires de cas. Nous n’avons pas souhaité que les gestionnaires de cas soient présents dans nos locaux. Ils sont soit aux côtés des professionnels des CLIC, soit aux côtés des professionnels des réseaux, en fonction des territoires. Nous avons veillé à la complémentarité des regards et des origines professionnelles. Un cahier des charges a d’ailleurs été rédigé en matière de recrutement des gestionnaires de cas. Nous avons élaboré notre processus de recrutement en lien avec des acteurs existants de la coordination territoriale (infirmiers, travailleurs sociaux). Par la suite, s’est posée la question des critères d’intrusion et de suivi par un réseau gérontologique et par un gestionnaire de cas, ainsi que leur validation par nos décideurs. Enfin, il fallait travailler à l’information et l’articulation entre les dispositifs de coordination.

De la salleLe GCS et le GCSMS partagent-ils les dettes de l’un de leurs membres ?

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Dr Marie-France MAUGOURD Hélas oui. Pour éviter de créer des dettes, il faut favoriser la concertation. Le GCSMS se réunit en assemblée générale et décide du lancement des projets. Si le comité stratégique et l’assemblée générale donnent leur accord à un projet élaboré par deux associations constitutives du GCSMS, des responsabilités conjointes sont établies. Cependant, le GCSMS n’est pas responsable des dettes issues de l’activité propre de l’un de ses membres (c’est-à-dire sans lien avec les projets du GCSMS).

Gabriel BOUROVITCH Merci de votre attention.

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Deuxième table rondeSignalement, organisation, évaluations internes et externes : en quoi les pratiques managériales sont-elles des leviers pour la promotion de la bientraitance ?

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Débats1 Noémie GILLIOTTEBonjour à tous. En établissement ou à domicile, la responsabilité des directeurs et des cadres est incontournable, et leur rôle fondamental. Nous répondrons aux questions de la salle à la fin de la table ronde.

Je vais vous présenter les invités, dont nous avons voulu croiser les regards et les expertises. Dominique Terrasson est chargée de mission au bureau de protection des personnes à la DGCS (Direction générale de la cohésion sociale). Alice Casagrande est directrice adjointe en charge de la qualité, de la gestion des risques et de la promotion de la bientraitance à la Croix-Rouge française. Didier Charlanne est directeur de l’Agence nationale d’évaluation et de la qualité des établissements sociaux et médico-sociaux (ANESM). Florian Roger est directeur de l’EHPAD Mélavie à Montgeron. Xavier Marsollier est directeur de la fédération ADMR de l’Essonne. Jacques Rastoul est animateur du réseau inter CVS – CODERPA 91 et président d’un CVS (Conseil de vie sociale).

L’ANESM a publié dès 2008 des recommandations sur le rôle et les missions de l’encadrement en matière de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance. Par ailleurs, l’ANESM a fait paraître une enquête sur la bientraitance,

Participent à cette table ronde :

Dominique TERRASSON, DGCS

Alice CASAGRANDE, déléguée nationale qualité, gestion des risques, bientraitance, Croix-Rouge française ;

Florian ROGER, directeur de l’EHPAD Mélavie à Montgeron ;

Xavier MARSOLLIER, directeur de la fédération ADMR de l’Essonne ;

Didier CHARLANNE, directeur de l’Agence nationale de l’évaluation sociale et médico-sociale (ANESM) ;

Jacques RASTOUL, animateur du réseau inter CVS – CODERPA 91.

Cette table ronde est animée par Noémie GILLIOTTE, Rédactrice en chef de Directions.

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notamment en EHPAD. Monsieur Charlanne, où en sont les établissements et les services face aux questions de bientraitance et de maltraitance ? Quel accompagnement les managers mettent-ils en œuvre sur le terrain ?

Didier CHARLANNE En préambule, je souhaite effectuer un rappel : l’EHPAD est certes un lieu de soins et de fin de vie, mais c’est également un lieu de vie. La bientraitance s’exprime donc aussi dans la qualité de vie quotidienne des résidents. La qualité de vie est la perception que chaque personne a de ses conditions de vie.

Les enquêtes que nous avons produites sur la bientraitance dans les EHPAD, les Foyers d’accueil médicalisés (FAM) et les Maisons d’accueil spécialisées (MAS) montrent la corrélation existante entre la personnalisation de l’accompagnement des personnes, notamment au moment clef de l’entrée en établissement - qui donne lieu à l’évaluation des besoins et des attentes des personnes pour établir le projet de vie - et la perception de la qualité de vie par le CVS. Bien qu’elle ne soit pas encore systématique, la personnalisation des prestations et du cadre de vie a fortement progressé : les centres d’intérêt, les habitudes et les potentialités des résidents étaient recueillis à 70 % en 2010 - contre 59 % en 2009 - nous allons reproduire cette enquête cette année.

En l’absence de personnalisation, les prestations sont standardisées, au risque de ne pas répondre aux attentes des résidents. La démarche de bientraitance correspond donc à l’adaptation des prestations.

L’ANESM a récemment réalisé une étude avec l’Observatoire national de la fin de vie. Celle-ci démontre que, pour les 15 000 personnes suivies pendant les quinze derniers jours de leur vie, le recours à une infirmière de nuit a fait diminuer les hospitalisations d’urgence de 25 % à 16 %. L’étude a aussi mis en exergue le fait que près d’un quart des personnes décèdent en EHPAD en l’absence de leurs proches. Ces chiffres montrent l’importance de la mise en œuvre de la personnalisation en termes d’accompagnement. La bientraitance consiste à faire en sorte que les personnes ne soient pas des objets de soin mais des individus à accompagner. Telle est la vision de l’Agence et du législateur.

Noémie GILLIOTTELa personnalisation est pilotée par les équipes de direction des établissements. Monsieur Rastoul, quel est le rôle des CVS ?

Jacques RASTOUL Notre réseau regroupe une cinquantaine de CVS. Il nous permet d’observer un profond fossé entre le prescrit et la réalité. Les droits de la personne et les droits collectifs des usagers sont méconnus, notamment parce que la plupart des personnes ne choisissent pas nécessairement d’aller en EHPAD, ou bien parce que cette décision est prise dans la précipitation. De plus, les résidents et les familles ont peur de s’exprimer. Nous devons parvenir à mobiliser tous les acteurs afin de lever ces craintes et de permettre aux besoins de s’exprimer. Nous avons pour

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rôle, en lien avec les directions des établissements, de mettre en confiance les usagers et leurs familles.

Noémie GILLIOTTEAlice Casagrande et Dominique Terrasson, vous avez participé au groupe de travail du Comité national de la bientraitance et des droits (CNBD). Le 25 juin, celui-ci a rendu plusieurs préconisations, notamment en matière de signalement. Quels sont les protocoles mis en place dans les établissements ? Quels sont les freins au signalement et à la promotion de la bientraitance ?

Dominique TERRASSON J’évoquais ce matin les travaux du CNDB. L’amélioration des circuits de signalement est l’une de ses thématiques prioritaires. Nous souhaiterions d’ailleurs changer la terminologie car le mot « signalement » a une connotation juridique ou policière, alors qu’il faut y voir une démarche de recueil d’informations sur une situation qui peut être préoccupante. Les personnes qui effectuent un signalement peuvent être des victimes ou des témoins, des particuliers ou des professionnels. Il existe plusieurs portes d’entrée pour le signalement : les conseils généraux, les ARS, les CCAS et les associations telles que HABEO ou ALMA. Cependant, ces multiples canaux sont insuffisamment coordonnés et se concertent peu. Les personnes sont donc un peu perdues. Elles ne savent pas quel est le lieu le plus adéquat pour donner l’alerte et obtenir une réponse.

C’est pourquoi le groupe de travail a préconisé la création d’une cellule départementale visant à harmoniser les lieux de coordination des différents acteurs. Pour ce faire, il nous fallait savoir si les professionnels avaient connaissance des outils qu’ils pouvaient utiliser. Nous avons donc élaboré un questionnaire que nous avons adressé aux ARS, aux conseils généraux, aux CCAS, ainsi qu’aux structures d’hébergement et d’aide à domicile destinées aux personnes âgées et aux personnes handicapées. Il a donné lieu à plus de 350 réponses, dont 55 % émanaient du secteur du handicap. Nous avons été surpris par l’importance de ce pourcentage, qui atteste des fortes attentes du secteur. Par ailleurs, 76 départements sur 100 ont répondu, soit une représentation nationale très large.

Nous n’avons pas encore eu le temps d’exploiter la totalité des réponses qui nous ont été transmises. Il me semble néanmoins important de mettre en évidence le fait que la plupart des établissements indiquent disposer de dispositifs de signalement mais les utilisent peu, arguant qu’ils n’ont pas été confrontés à des situations de maltraitance. Cette réponse nous interroge. Les établissements connaissent les outils disponibles mais les équipes ne les utilisent pas.

Noémie GILLIOTTELe rôle de l’encadrement apparaît donc fondamental.

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Dominique TERRASSON Les équipes, qui ont recours aux dispositifs, font état des bénéfices qu’elles en ont retirés et des difficultés ressenties. S’agissant des bénéfices, utiliser les outils permet de ne pas rester seul face aux situations, de prendre du recul, de partager des expériences et d’être accompagné.

Cependant, une fois le signalement réalisé, les équipes ont le sentiment de demeurer seules pour gérer ses conséquences. C’est une lourde tâche, car il faut prendre en compte le bien-être et la protection de la victime, mais également faire face à la problématique qui se pose aux équipes. Il s’agit d’éviter de stigmatiser l’organisation ou le « mauvais » professionnel, et de se demander pourquoi et comment la situation de maltrai-tance a pu se produire. Les signalements sont souvent considérés comme des aveux de faiblesse ou la mise en évidence d’une faute.

S’agissant des pratiques professionnelles, les bénéfices identifiés sont les suivants : le signalement permet de passer un message de vigilance, a des vertus pédagogiques d’information, donne un positionnement plus clair sur les pratiques professionnelles, et engage les équipes dans une dynamique de non-banalisation des situations. En revanche, les répondants pointent l’insuffisance de sensibilisation, d’accompagnement et d’échanges pluridisciplinaires, ainsi que la difficulté d’évaluer la situation de maltraitance et de gérer la situation avec les familles.

Un point est majoritairement considéré comme négatif, à savoir la gestion du partenariat avec les acteurs extérieurs.

Les répondants dénoncent principalement le manque de retour ou de réactivité des autorités après un signalement.

Enfin, en ce qui concerne les outils, de nombreuses personnes s’accordent à saluer leur caractère indispensable, mais soulignent le manque de temps dédié aux échanges sur l’anticipation ou l’évaluation des situations de maltraitance.

Noémie GILLIOTTELes dispositifs existent, mais encore faut-il les faire vivre. C’est la responsabilité de l’encadrement que de s’en servir comme des leviers pour diffuser une culture et des bonnes pratiques.

Alice CASAGRANDE Dominique l’a dit, nous ne nous attendions pas à ce que 350 personnes prennent le temps de nous répondre et de nous expliquer les intérêts et les difficultés du signalement. Nous craignions, lorsque nous avons décidé de solliciter les directeurs, que leur charge de travail ne leur permette pas de nous adresser un retour. Or, manifestement, ils souhaitent s’exprimer.

Effectivement, les directeurs déplorent le manque de retour des autorités. Pourtant, la démarche de signalement fait sens et ce n’est pas la réponse du Conseil général, de l’ARS ou du Pro-cureur de la République qui conditionne ce sens. Il y a un geste managérial à part entière à rappeler le droit sans en attendre nécessairement une efficacité. Il existe un management qui dit, et un management qui ne dit pas. Voilà un management qui choisit

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de dire. De nombreux managers estiment que les dispositifs sont complexes et, malgré tout, sans attendre une efficacité exemplaire de la part des autorités, ils choisissent de témoigner. J’estime que ce geste managérial mérite d’être souligné.

Par ailleurs, la délation pose problème à de nombreux professionnels. Comment signaler une situation si cette démarche nuit à un collègue qui subit des difficultés dans sa propre vie professionnelle, familiale, etc. ? Le management est-il formé pour faire face à ces difficultés ?

Noémie GILLIOTTENous avons la chance de compter parmi nous deux directeurs. À quels situations, questionnements éthiques, interrogations managériales et difficultés vos structures sont-elles exposées ? Comment essayez-vous de résoudre les problèmes sur le terrain ?

Xavier MARSOLLIER Il y a quelques années, nous avons été confrontés à une suspicion de maltraitance. Nous disposions de procédures écrites internes connues et diffusées dans les classeurs qualité, mais cette expérience a fait apparaître qu’il nous était nécessaire de travailler sur quatre points afin d’affiner notre approche :

• sensibiliser le personnel à la culture de la bientraitance dès le recrutement, grâce à des mises en situation, la diffusion de guides pratiques et des échanges ;

• s’assurer que les outils sont partagés et font l’objet de débats lors des réunions d’équipe ; éviter de donner aux salariés, surtout à ceux qui ne sont pas à l’aise avec l’écrit, l’impression d’une lourdeur des dispositifs ; faciliter la remontée de l’information auprès des encadrants ;

• libérer la parole des personnes maltraitées, de leur entourage et des intervenants ;

• développer la communication en aval, c’est-à-dire auprès des familles et des personnels, car il est important qu’ils aient un retour sur les procédures en cours.

Les procédures existent. Le rôle du management consiste à faire vivre les outils et à leur donner du sens. À défaut, il est impossible de demander aux salariés de se les approprier.

Florian ROGERLes directeurs sont habitués à gérer différents problèmes et à leur trouver des solutions en interne. Cependant, dans certains cas graves, ils se demandent s’ils doivent utiliser la procédure de signalement aux ARS, qui sont considérées par nombre d’entre eux comme des autorités de tarification et de contrôle - ils ont à l’origine connu les ARS grâce aux inspections.

Je n’ai pas été confronté à des situations de maltraitance mais à des événements indésirables, tels que trois cas de gale cet hiver. J’ai eu un aveu de faiblesse et me suis rapproché du service de traitement des événements indésirables de l’ARS.

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L’Agence ne m’a pas reproché de ne pas avoir été performant mais m’a questionné sur les mesures déjà mises en place, et indiqué celles à instaurer. Je souhaite donc témoigner du fait que les autorités de tutelle et de tarification peuvent apporter leur aide aux directeurs d’établissement, qui se retrouvent parfois bien seuls face aux problèmes.

Alice CASAGRANDE Il faut insister sur ce point : un signalement est un signe de confiance, et non un aveu de faiblesse. Nous ne souhaitons pas que les situations de maltraitance soient envisagées comme des problèmes de territoire (« ce problème est le mien, et je vais le traiter car il s’agit de mon territoire »), mais qu’elles soient traitées en partenariat. Il est vrai que peu de directeurs d’établissement considèrent les autorités comme des partenaires. Le partenariat doit absolument être réinventé.

Jacques RASTOULLes cas de maltraitance existent dans tous les EHPAD que nous suivons, mais, lorsqu’une bonne pratique de dialogue avec tous les acteurs, en particulier les CVS, est instaurée, les problèmes se règlent.

L’intérêt de la démarche du dialogue social dans les CVS et les groupes d’expression est d’améliorer le fonctionnement de l’établissement et adopter une démarche de bientraitance en continu, c’est-à-dire non limitée aux cas extrêmes.

Nous ne cherchons pas à envahir la justice. Il est plus intéressant de traiter un problème dans l’optique de régler ceux qui pourraient survenir, et de faire de la prévention. Or, la prévention passe par le dialogue, la représentation collective des acteurs, qu’il faut former, et le lien avec les organisations d’usagers. Nous constatons du reste aujourd’hui toute la difficulté qu’il y a à les voir représentés. Un grand travail est à accomplir en la matière.

Noémie GILLIOTTE Comment l’encadrement peut-il animer la parole au quotidien ?

Jacques RASTOULBien que les cas individuels ne doivent officiellement pas être traités dans les CVS, nous faisons en sorte de les aborder grâce à la formulation des questions ou bien au cours des échanges. En outre, les directions le souhaitent, car les situations individuelles sont toujours révélatrices de la possibilité que des dysfonctionnements plus graves surviennent.

Il faut développer un dialogue permanent et structuré grâce à la confiance réciproque, en reconnaissant les acteurs et en incitant les familles à s’exprimer auprès des personnels, des directions et des CVS. Le plus souvent, les proches sont en retrait et finissent par « exploser » un jour ou l’autre. Ce genre de situation est un échec, qui montre l’absence d’un dialogue collectif permanent. Celui-ci est nécessaire si nous voulons éviter

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que chaque personne se débrouille seule. Les professionnels ne seront jamais assez nombreux pour répondre à toutes les situations de maltraitance.

Noémie GILLIOTTE La culture commune du dialogue pose le problème de la forma-tion de l’encadrement et des équipes. En quoi est-ce un levier managérial primordial ?

Alice CASAGRANDEAucun directeur d’hôpital n’est aujourd’hui formé à la bientrai-tance. Le secteur du médico-social s’intéresse massivement au sujet, mais de très nombreux directeurs considèrent encore qu’il relève des exécutants. Au contraire, les DGARS, les présidents de conseils généraux, les directeurs d’établissement et les médecins devraient suivre une formation initiale à la bientraitance. Que faisons-nous aujourd’hui pour que la formation initiale, au plus haut niveau, intègre la bientraitance ? C’est une question qui mérite d’être posée.

Dominique TERRASSON La formation est un point essentiel, mais je souligne que les démarches de sensibilisation et les enquêtes d’auto-évaluation proposées par l’ANESM permettent aux équipes et aux directions de s’interroger sur l’identification et la gestion des risques.

Par ailleurs, le contrôle était évoqué tout à l’heure. L’État demande une programmation de contrôle à titre préventif, c’est-à-dire

que ce dernier doit permettre aux équipes et à l’encadrement de repérer les facteurs de risque. Les outils d’auto-évaluation, d’évaluation externe et de contrôle contribuent largement à mobiliser les équipes et l’encadrement.

Florian ROGERNous nous attachons à ce que les encadrants suivent les mêmes formations que les personnels de terrain. De cette manière, chaque intervenant utilisera les mêmes mots pour décrire les mêmes situations et les mêmes pratiques, et les solutions définies de manière collective pourront être comprises par tous.

Didier CHARLANNE Je souhaitais réagir aux propos précédents. Le directeur n’est pas seul. Les autorités peuvent l’aider, et il peut également s’appuyer sur le CVS, sur son organisme gestionnaire, et sur la justice.

Les évaluations internes et les enquêtes sur la bientraitance le démontrent : les établissements confrontés aux plus grandes difficultés sont les établissements les plus isolés à cause de leur taille et/ou de l’absence d’appartenance à une fédération avec laquelle ils pourraient échanger sur leurs pratiques.

Noémie GILLIOTTELe temps nous est compté et nous n’avons pas abordé un sujet essentiel, à savoir le rôle que revêt l’évaluation en termes de levier à actionner pour la promotion de la bientraitance. Avant cela, nous allons nous intéresser au fait que, au-delà de la prévention,

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l’encadrement doit diffuser une culture de la bientraitance. Monsieur Roger, pouvez-vous nous présenter ce que vous avez mis en place en la matière ?

Florian ROGER L’idée de départ est très simple : en travaillant dans des établissements médico-sociaux, nous voulons tous créer les conditions du bien-être de nos résidents. Nous nous sommes inspirés des coffrets « bien-être » vendus dans des enseignes telles que la FNAC, et avons demandé à nos équipes si elles souhaitaient apporter du bien-être aux résidents. Elles ont évidemment répondu oui et nous avons organisé les « Olympiades du bien-être », au cours desquelles nous avons proposé seize activités à nos résidents, parmi lesquelles : massage de réflexologie, soin des mains, coiffure, image de soi, ateliers floraux, ateliers cuisine, pétanque, ateliers du cirque, Wii, apéritif. Tous les intervenants se sont mobilisés, des agents des services hospitaliers (ASH) à la comptable, en passant par le médecin coordonnateur.

Noémie GILLIOTTEComment avez-vous fait de cette journée un outil managérial ?

Florian ROGER Chacun a voulu apporter du bien-être aux résidents et s’est mobilisé. La réussite de la journée a rendu l’équipe beaucoup plus encline à concrétiser d’autres initiatives de bien-être.

Une nouvelle dynamique d’équipe s’est créée. Nous dialoguons davantage avec les familles. Nous avons placé l’établissement sur Facebook, et les petits-enfants ont pu « liker » les activités de leurs grands-parents.

Jacques RASTOULJe tenais à souligner que le réseau inter CVS soutenait les approches non-médicamenteuses. S’agissant de l’évaluation, les ARS et les conseils généraux doivent penser à prendre en compte l’avis des CVS et des représentants du personnel, lorsque celui-ci existe, afin qu’une véritable culture partenariale de la bientraitance s’instaure.

Noémie GILLIOTTEMonsieur Charlanne, comment faire de l’évaluation un véritable levier managérial afin de créer une culture de la bientraitance et de la qualité des prestations ?

Didier CHARLANNE L’évaluation se distingue de l’inspection et du contrôle de l’application de normes. Monsieur Rastoul, je vous confirme que nos recommandations associent les CVS à la démarche d’évaluation. Les situations de maltraitance donnent lieu à une évaluation des pratiques et de l’organisation en place dans un établissement. Pour fonctionner, l’évaluation doit être portée par la direction et le management. Elle a pour objectif la transparence et représente une opportunité fantastique, pour

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une structure, de dresser un état de la qualité des prestations délivrées. Elle donne également l’occasion de clarifier les priorités en interne, avec les conseils d’administration, et en externe, avec les autorités, c’est-à-dire les financeurs. Pour reprendre l’exemple cité précédemment, l’une des priorités d’un établissement peut résider dans le recours à des infirmières de nuit afin de limiter les hospitalisations d’urgence. L’évaluation est donc un levier pour la bientraitance et un levier facilitateur de management.

Noémie GILLIOTTEC’est une démarche à intégrer dans une démarche plus globale de gestion des risques.

Didier CHARLANNE Absolument.

Alice CASAGRANDE La gestion des risques pose une question inédite. Sur les plans éthique et pénal, nous sommes en effet habitués à envisager la responsabilité d’un point de vue individuel. Or, la bientraitance et la maltraitance obligent à sortir de l’individuel et à penser la responsabilité collective, car elles relèvent d’une logique systémique. Qu’est-ce qu’une responsabilité collective ? Les jalons intellectuels permettant de l’appréhender sont peu nombreux, tant au niveau philosophique que juridique. C’est un champ de la pensée qu’il nous faut investir.

Noémie GILLIOTTESouhaitez-vous intervenir encore avant de répondre aux questions de la salle ?

Xavier MARSOLLIER Je voulais dire que les structures de notre réseau ont vécu les évaluations externes, ce qui a permis de valoriser les pratiques du terrain et de remobiliser fortement les équipes.

Dominique TERRASSON S’agissant de l’aveu de faiblesse que représente un signalement pour nombre de directeurs, je tenais à souligner que les ARS se préoccupent bien davantage des établissements dans lesquels il ne se passe jamais rien que de ceux qui signalent leurs difficultés. Il faut donc considérer que les contrôles changent la perception des ARS. Ils sont positifs, en ce sens qu’ils permettent de donner à voir les réflexions, les actions et les difficultés des établissements.

Noémie GILLIOTTELes ARS et les conseils généraux peuvent être appréhendés comme des experts externes qui apportent leur appui aux établissements. Les contrôles donnent l’occasion de discuter des moyens et des actions des structures.

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Dominique TERRASSON En effet.

Jacques RASTOULJe voulais ajouter qu’il convient d’expliquer par écrit, par exemple dans les comptes rendus adressés aux ARS, comment les problèmes ont été réglés. Cette transparence permet de responsabiliser tous les acteurs d’un établissement.

Séance de questions-réponses2

Noémie GILLIOTTELa première question est adressée à Didier Charlanne : « Évaluations internes et externes, bonnes intentions et usine à gaz chronophage, à quand une simplification des procédures et contraintes administratives afin de ne pas s’éloigner de notre cœur de métier ? Ira-t-on dans ce sens ou cela va-t-il s’empirer ? »

Didier CHARLANNE Nous réaliserons une évaluation du système d’évaluation lui-même et des résultats que nous en tirons. Ce n’est pas une usine à gaz, car il vous est demandé de gérer votre cœur de métier. Lorsqu’un fait de maltraitance se produit, une évaluation des conditions dans lesquelles il est survenu est engagée. C’est une réponse aux attentes des personnes. Ce qui vous est demandé est simple : rendre compte, tous les cinq ans, de vos réalisations, des mesures que vous allez engager, et de celles que vous n’avez pu mettre en œuvre. Cette évaluation doit être restituée aux conseils d’administration, aux organismes gestionnaires et aux autorités. C’est un outil de transparence et de débat. Vous pouvez penser qu’il s’agit d’une usine à gaz, mais elle a été mise en place par le législateur en contrepartie de l’autorisation de fonctionnement donnée aux établissements.

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Noémie GILLIOTTENous avons une autre question : « Qu’est-ce qu’une responsabilité collective ? »

Alice CASAGRANDE C’est justement la question. Nous sommes habitués à dire « c’est moi, ce n’est pas moi, c’est lui qui a failli, etc. », et à réfléchir en termes de territoire.

À mon sens, la bientraitance est une question de « nous », mais ce « nous » reste à inventer. Ce « nous » serait bancal et faillible, comme la démocratie, mais ce ne serait pas si mal. C’est une fiction intéressante.

Applaudissements

Noémie GILLIOTTEJe vous lis une autre question : « Une infirmière de nuit pour plusieurs établissements, qui fait gagner des hospitalisations : concrètement comment cela fonctionne-t-il et pourquoi ? »

Didier CHARLANNE Le rapport de l’enquête conduite avec l’Observatoire national de la fin de vie est en ligne. Les organisations parties prenantes de l’étude ont constaté que la présence d’une infirmière de nuit limitait les hospitalisations d’urgence. Une deuxième étude sera consacrée aux caractéristiques des 15 000 personnes qui ont fait l’objet de l’enquête.

Noémie GILLIOTTEUn médecin coordonnateur demande à Xavier Marsollier : « Où trouver les outils (fiches d’alerte, procédures simplifiées de signalement…) pour les utiliser chez nous ? »

Xavier MARSOLLIER Nous bénéficions du soutien de l’Union nationale ADMR, qui a beaucoup travaillé sur les procédures et fiches d’alerte, ainsi que sur les documents remis aux salariés, notamment sur le guide délivré lors du recrutement, intitulé De la maltraitance à la bientraitance. Nous mettrons ces documents à votre disposition. L’essentiel est qu’ils correspondent à la réalité des structures, afin qu’ils demeurent véritablement pratiques et prennent sens.

Noémie GILLIOTTENous avons plusieurs questions, que je vais énoncer en une fois pour ne pas empiéter sur le temps de la troisième table ronde : « Pourquoi n’existe-t-il pas une sorte de conseil des Prud’hommes pour juger des manquements au Code de l’action sociale des familles, comme pour le Code du travail ? Quelles garanties entre certification de service à la personne et bientraitance à domicile pour les personnes âgées ? Mieux vaut-il développer le rôle des conseils généraux dans le contrôle des prestations des services à la personne en faveur de la bientraitance ? Au-delà des simples approches éthiques et conceptuelles, quelle place pour le respect le plus élémentaire du cadre légal ? Théorie/pratique, le fossé :

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comment évaluer la pertinence d’une contention journalière ? Comment recueillir le consentement systématique alors que la démence guette ? »

Didier CHARLANNE Je rappelle que la contention relève d’une prescription médicale. La pertinence de la continence journalière relève donc de l’évaluation par le médecin prescripteur. Je ne parle pas des formes de contention qui consistent à pousser des chaises contre le lit pour empêcher une personne de se lever. Ce genre de pratique devrait être soumis à une évaluation médicale. À défaut, il s’agit d’une forme de maltraitance, car la personne est empêchée de circuler librement.

Alice CASAGRANDE S’agissant du gouffre entre théorie et pratique, qui dira le droit ? Nous avons tous la conviction de connaître le droit, mais le droit vit aussi par ceux qui le font appliquer, c’est-à-dire n’importe quel citoyen, proche ou aidant. Assigner à la personne vulnérable le rôle de faire appliquer le droit est culotté car cette personne a besoin d’aide. Comment pourrait-elle être assez forte pour exiger le mieux pour elle-même ? Par ailleurs, comment faire défendre le droit lorsque les regards sont rares ? Il est évident qu’il existe un écart entre théorie et pratique, mais il est tout aussi évident qu’il ne faut pas user de démagogie. Parfois, les pratiques sont merveilleuses et précèdent le droit. Quelquefois, elles

sont d’une pauvreté patente et un rappel au droit est essentiel. Tout est complexe.

Noémie GILLIOTTELa transition est toute trouvée avec la table ronde suivante. Merci à tous.

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Troisième table rondeComment concilier les droits des personnes âgées, la bientraitance et la prise de risque pour l’établissement ou le service à domicile ?

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Annie DE VIVIE Bonjour à tous. J’ai créé le site agevillage.com il y a treize ans. Il s’agit d’un magazine d’information destiné au grand public et aux professionnels de la gérontologie. Nous travaillons en parallèle sur un colloque consacré aux formations professionnelles pour accompagner la bientraitance au quotidien. Je salue les équipes de Massy-Vilmorin et des Magnolias, qui se sont associées à nous pour créer le label « Humanitude » destiné aux établissements d’accueil des personnes âgées. Vous pourrez venir nous en parler vous-mêmes, car nous n’aurons pas le temps d’aborder ce sujet au cours de la table ronde.

Les CVS ont été évoqués tout à l’heure et nous avons la chance d’accueillir Madame Leyris, Présidente du CVS de l’EHPAD ACPPA Péan (13e arrondissement de Paris). Nous recevons également Madame Lyazid, Adjointe au Défenseur des droits, qui nous précisera le rôle de celui-ci. Madame Muscatelli, Secrétaire générale du Contrôleur des lieux de privation de liberté, n’est pas encore parmi nous. Nous accueillons aussi le Dr Maubourguet, qui représente les médecins coordonnateurs, Monsieur Champvert, représentant des directeurs d’établissement de services à domicile, Madame Kass-Danno, Juge des tutelles, et Monsieur Pellissier, représentant de l’Observatoire de l’âgisme.

Madame Leyris, je souhaite vous donner la parole en premier. Les études montrent que le consentement à l’entrée en établissement est loin d’être majoritaire. Vous allez nous apporter votre témoignage et nous raconter la grande bataille que vous avez livrée au sein de votre établissement.

Participent à cette table ronde :

Maryvonne LYAZID, Adjointe au Défenseur des droits ;

Pascal CHAMPVERT, Président de l’AD-PA ;

Dr Nathalie MAUBOURGUET, Présidente de la Fédération française des associations de médecins coordonnateurs (FFAMCO) ;

Stéphanie KASS-DANNO, Juge des tutelles à Courbevoie ;

Jérôme PELLISSIER, Écrivain, docteur en psychologie et Vice-président de l’Observatoire de l’âgisme ;

Josette LEYRIS, Présidente du Conseil de la vie sociale de l’EHPAD ACPPA Péan ;

Aude MUSCATELLI, Secrétaire générale du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Cette table ronde est animée par Annie DE VIVIE, Rédactrice en chef de agevillage.com

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Josette LEYRIS« Bataille » est un bien grand terme. J’ai décidé moi-même que j’entrerai en maison de retraite lorsque je ne pourrai plus rester seule. Il y a trois ans, j’ai fait des recherches sur les établissements et j’ai formulé une demande auprès de l’EHPAD Péan, après avoir visité les locaux. J’ai été acceptée très rapidement. Je me représente moi-même car mon état de santé mentale me permet tout à fait de le faire. Mes médecins sont extérieurs à l’établissement.

Annie DE VIVIEVous m’avez dit, lors de la préparation de la table ronde, que vous avez toujours été autonome chez vous et avez toujours géré vos traitements vous-même.

Josette LEYRISEn effet.

Annie DE VIVIE Que s’est-il passé lors de votre entrée en maison de retraite ?

Josette LEYRISJ’ai fait remplir mon dossier d’entrée par mon médecin référent. Puisque personne ne m’a posé de questions à ce sujet, il ne m’est pas venu à l’esprit de confier la gestion de ma santé

à l’établissement, d’autant que mes médecins me connaissent depuis longtemps et me conviennent parfaitement. Ceux-ci m’avaient en outre assuré que je pouvais les conserver et gérer mes médicaments moi-même. Je connais assez bien ces questions car je me suis occupée pendant trente ans de ma tante et de ma mère lorsqu’elles étaient en maison de retraite. J’étais tout à fait capable, d’après les médecins, de gérer mes traitements.

Un an et demi après mon entrée, la nouvelle directrice de Péan m’a demandé de bien vouloir me faire soigner dans l’établissement. J’ai refusé, après avoir consulté mes médecins. S’est ensuite posé le problème des médicaments.

Annie DE VIVIEVous aviez l’habitude de gérer vos traitements et l’établissement, parce qu’il doit respecter certaines contraintes, vous a dit qu’il prendrait en charge les médicaments.

Josette LEYRISNon, c’est un an et demi après mon entrée que la directrice m’a soumis cette demande. Si j’avais su que je ne pourrais pas gérer mes traitements, je ne serais pas entrée en établissement.

Annie DE VIVIE Quelle est la situation aujourd’hui ?

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Josette LEYRISRien n’a changé pour le moment. J’ai, avec quelques difficultés, conservé mes médecins.

J’ai l’autorisation de sortir et les médecins m’ont jugée apte à conduire – j’ai passé des tests, car je ne tiens pas à causer un accident.

Annie DE VIVIEMerci pour votre témoignage.

Applaudissements

Madame Lyazid, quelles sont les principales plaintes reçues par le Défenseur des droits ? Quelles études avez-vous réalisées dans les établissements et les services d’aide à domicile ?

Maryvonne LYAZIDMadame Leyris a dit l’essentiel. Les droits fondamentaux des individus doivent-ils être réinterprétés à cause de l’avancée en âge ? Existe-t-il un régime de droits particuliers au sein des EHPAD ? Le droit à la santé en EHPAD peut-il se traduire par le fait de ne pas choisir ses médecins et de ne pas gérer ses médicaments ?

Luc Broussy, dans le chapitre 9 de son rapport (« Droits, discriminations, représentations : changer de regard sur la vieillesse »), écrit qu’ « il n’y a pas de droits particuliers de la personne âgée. Il y a en revanche des droits du citoyen, du locataire, du consommateur... qui vont parfois s’émousser

avec l’avancée en âge ou faire l’objet d’interprétations discriminantes. Il faut prévenir d’abord, combattre ensuite ces évolutions ». C’est là le cœur de la mission du Défenseur des droits.

Créé en 2008, le Défenseur des droits est en France la seule autorité de rang constitutionnel indépendante. La loi organique du 29 mars 2011 lui a donné comme périmètre d’action celui de l’ancien Médiateur de la République, c’est-à-dire la relation des citoyens avec les services publics, la défense des enfants, le respect des codes de déontologie par les forces de sécurité publiques et privées, et la lutte contre toutes les formes de discriminations (soit la reprise du périmètre de la HALDE). Je suis l’adjointe du Défenseur des droits en ce qui concerne la lutte contre la discrimination. Le droit français reconnaît 19 critères de discrimination, dont l’âge.

Les saisines concernant la question de l’âge représentent 6 % des saisines, c’est-à-dire qu’elles constituent le troisième motif derrière la discrimination en raison d’un handicap ou d’un état de santé et les discriminations relatives aux origines. Par ailleurs, nous avons également à connaître les questions de l’avancée en âge en ce qui concerne d’autres missions du Défenseur des droits, par exemple la relation des citoyens avec les services publics (retraites, prestations sociales, etc.).

Pour en revenir à la discrimination liée à l’âge, les personnes saisissent le Défenseur des droits dès l’âge de 45 ans, particulièrement pour des phénomènes de discrimination dans le domaine de l’emploi et de la formation (50 % des saisines).

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Deux Inspections générales des affaires sociales (IGAS) ont récemment rendu un rapport sur le recrutement des seniors, proposant que le Défenseur des droits joue un rôle spécifique en la matière, car la discrimination dans l’emploi est l’un des problèmes majeurs de la société française.

Madame Leyris nous a dit qu’elle conduisait encore, ce qui me donne l’occasion de signaler que, demain, je mettrai en place un groupe de travail avec des représentants du monde de l’assurance et des mutuelles, car les saisines concernant des refus d’assurance ou d’octroi de crédits en raison de l’âge sont de plus en plus nombreuses. Un important travail d’argumentation est à mener dans ce domaine. Je ne veux distinguer ni « bons » ni « méchants », mais, ainsi que le souligne Luc Broussy, notre société n’est pas préparée à l’avancée en âge.

Enfin, nous sommes saisis de manière croissante au sujet des droits fondamentaux des personnes accueillies dans des établissements médico-sociaux. La vie quotidienne des résidents est souvent abordée au travers du prisme de réglementations particulières, telles que le droit des usagers ou le droit des patients. Or, il convient de repartir de la base des droits fondamentaux de la personne (droit d’aller et venir, droit à l’intimité, droit relatif au logement, etc.) pour réexaminer les questions de la vie quotidienne.

Annie DE VIVIE La charte évoquée par Michèle Delaunay ce matin serait donc davantage une charte d’exploitation et de précision des droits plutôt qu’une charte de droits dédiés aux personnes âgées.

Maryvonne LYAZIDMonsieur Baudis et moi-même ne réfléchissons absolument pas à des droits dédiés mais à l’émoussement des droits fondamentaux inscrits dans les textes internationaux, européens et français. La commission consultative des droits de l’Homme a rendu récemment un avis qui va dans le même sens : partons des droits fondamentaux et examinons comment ils peuvent être transgressés avec l’avancée en âge et la vulnérabilité, parfois même sans en avoir conscience.

Annie DE VIVIEComment le Défenseur des droits peut-il être saisi ?

Maryvonne LYAZIDTout d’abord, pour les personnes qui souhaiteraient mieux nous connaître, je signale que nous avons un site Internet. Les décisions prises par le Défenseur des droits y figurent, de manière anonyme, de même que des fiches thématiques.

La défense des droits s’exerce dans la vie quotidienne. Je vais vous exposer trois exemples de décisions.

• Un couple de personnes âgées de 72 et 74 ans s’est intéressé à un logement. Le bailleur lui a répondu favorablement, mais la SCI propriétaire a refusé de lui louer le logement car la précédente loi de 1989 relative aux relations entre bailleurs et locataires – elle est actuellement en discussion à l’Assemblée nationale – accordait une protection aux personnes âgées de plus de 70 ans

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disposant de revenus inférieurs à un SMIC et demi. Nous avons constaté, via les saisines que nous recevons, qu’un certain nombre de propriétaires pensent qu’ils ne pourront plus disposer de leur bien en le louant à des personnes âgées de plus de 70 ans. Le couple a été accompagné par des juristes du Défenseur des droits. Ces derniers ont conduit une transaction civile et obtenu une indemnité de 21 000 euros.

• Une personne de 82 ans a acheté une automobile et a procédé à un comparatif des assurances. Elle a été refusée par l’assurance qu’elle avait choisie en raison de son âge. Nous l’avons accompagnée devant les tribunaux et elle a eu gain de cause.

• Le Défenseur des droits a souhaité s’autosaisir lorsque la dignité d’une personne est mise en danger. Par exemple, une personne âgée a été raccompagnée à son domicile car son fils n’avait pas payé le forfait d’hébergement. Dans un autre établissement, des photographies dégradantes avaient été prises.

Nous avons conduit une réflexion avec plusieurs EHPAD, de laquelle sont issues, le 11 avril 2013, des recommandations figurant sur le site du Défenseur des droits. Ces recommandations soulignent que les situations de rupture menacent le respect des droits fondamentaux de la personne. En octobre, nous consacrerons deux tables rondes aux problématiques de consentement et de contrat de séjour. En début d’année prochaine, nous organiserons un colloque plus large sur l’avancée en âge et les droits fondamentaux.

Le Défenseur des droits peut être l’interlocuteur de la personne au travers de délégués territoriaux présents dans chaque département, et l’accompagner dans des règlements amiables, ou bien, avec l’accord des procureurs, dans des transactions civiles ou pénales auprès des juridictions.

Annie DE VIVIEVous avez donc un site Internet, un numéro de téléphone et des délégués dans chaque département.

Maryvonne LYAZIDNous avons plus de 400 délégués territoriaux, dont les coordonnées figurent sur le site Internet. Au sein du Comité national pour la bientraitance, le groupe de travail d’Alice Casagrande réfléchit sur la place des délégués territoriaux et le pôle Santé du Défenseur des droits, pour ce qui concerne les problématiques de soins rencontrées dans les EHPAD. Nous devrions aboutir à des organisations de travail au niveau territorial, relayées au niveau national par le service juridique du Défenseur des droits.

Annie DE VIVIEMerci pour cet éclairage sur les missions et actions du Défenseur des droits.

Avant de donner la parole aux professionnels de terrain, nous accueillons à présent Madame Muscatelli, secrétaire générale du Contrôleur des lieux de privation de liberté. L’année

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dernière, ce dernier a jeté un pavé dans la mare en estimant que les contrôles qu’il mène pourraient apporter un éclairage sur les EHPAD, lieux dans lesquels la question de la liberté est interrogée. Madame Muscatelli, en quoi consiste le travail du Contrôleur et quels enseignements souhaitez-vous partager avec le monde des EHPAD – qui ne sont pas des prisons ?

Aude MUSCATELLI Bonjour à tous. Je m’exprime au nom de Monsieur Delarue, Contrôleur des lieux de privation de liberté, qui n’a pu être présent parmi nous aujourd’hui. Je souligne d’entrée que Monsieur Delarue n’est pas uniquement le contrôleur des prisons. Notre institution procède en effet à des visites de tous les lieux de privation de liberté, tant publics que privés, tels que les hôpitaux psychiatriques - nous avons visité un tiers de ceux-ci. Nous visitons également les patients en hospitalisation libre, qui devraient théoriquement pouvoir sortir mais n’en ont parfois pas la possibilité réelle.

Les visites sont le plus souvent inopinées. S’agissant des gros établissements, dans lesquels il est impossible de changer une organisation rapidement, nous prévenons les directeurs de notre arrivée. En effet, leurs structures sont complexes et nous avons besoin qu’ils nous les présentent.

La loi d’octobre 2007 donne compétence au Contrôleur des lieux de privation de liberté sur l’ensemble de ce qui passe dans un établissement sous l’angle des droits fondamentaux. Au début de son mandat, le Contrôleur a dû définir ces derniers,

en s’appuyant sur les principes définis par le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme.

752 établissements ont été visités par une quarantaine de collaborateurs de notre institution, ce qui représente huit années passées dans les établissements. Nous nous intéressons à la prise en charge concrète des personnes et à leur vie quotidienne. Par exemple, dans les établissements psychiatriques, nous nous intéressons particulièrement à la liberté de circulation interne et externe, à l’accueil des familles, à la confidentialité du courrier, et à l’usage du téléphone portable (dans un hôpital psychiatrique, les patients internés sont parfois privés de tout moyen de communication avec l’extérieur pendant 48 heures, ce qui peut nuire au droit de la défense en empêchant de contacter un avocat).

Nous menons des entretiens avec des personnes privées de liberté et celles qui les prennent en charge, afin de croiser les discours.

Déclarer que nous pourrions visiter les maisons de retraite comme nous visitons les prisons a pu choquer une partie des professionnels. Cependant, ce propos n’avait pas pour objectif d’assimiler les premières aux secondes. Les deux établissements n’accueillent pas le même public et ne sont pas soumis aux mêmes règles. Il s’agissait simplement de poser la question du respect des droits fondamentaux des personnes âgées, soulevée du reste par de nombreux acteurs, et de dire qu’une autorité légitime telle que celle du Contrôleur des lieux de privation de liberté pouvait également recueillir sur le terrain

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la parole des résidents quant à leurs droits fondamentaux. Nous recevons plus de 4 000 courriers par an relatifs au fonctionnement des établissements, notamment psychiatriques, dont les sujets sont très concrets : des personnes disent qu’elles ne mangent pas à leur faim, dorment à même le sol, etc.

Annie DE VIVIEPubliez-vous des recommandations ?

Aude MUSCATELLINous établissons des rapports de constat sur nos observations et les soumettons aux directeurs des établissements visités. Lorsque ces derniers y ont apporté une réponse, ces rapports deviennent des rapports de visite intégrant des recommandations. Celles-ci sont ensuite généralisées et publiées sous forme de recommandations officielles dans le Journal officiel. Ces recommandations pourraient tout à fait s’étendre, pour peu que nous ayons accès aux établissements pour personnes âgées, au respect de la vie privée, du courrier, etc.

Annie DE VIVIEVos recommandations ont-elles entraîné des changements concrets dans les établissements ?

Aude MUSCATELLIIl est difficile de les quantifier, car notre institution n’a pas de pouvoir de sanction. Cependant, nous constatons que

les personnels soignants sont beaucoup plus à l’écoute que l’administration pénitentiaire, de laquelle il est très difficile de nous faire entendre en matière de droit des personnes. Ils sont en outre dans une logique de remise en cause perpétuelle de leurs pratiques professionnelles. Après notre visite, ils modifient un certain nombre d’éléments, par exemple en ce qui concerne le consentement et la traçabilité de la mise à l’isolement.

Annie DE VIVIEMonsieur Champvert, vous êtes président d’une association de directeurs d’établissement pour personnes âgées. Comment aviez-vous réagi à la proposition de Monsieur Delarue ?

Pascal CHAMPVERTJe vais répondre dans un instant à votre question. Je voulais avant tout faire le point sur quelques éléments de cadrage, afin que les professionnels qui assistent au colloque ne rentrent pas inquiets chez eux ce soir.

Il convient premièrement de rappeler qu’un rapport de la Cour des comptes de 2005 établit que, en France, les besoins des personnes âgées sont couverts à moitié, tant à domicile qu’en établissement. La raison fondamentale de la maltraitance réside dans cette insuffisance de personnel. Les maltraitances pratiquées par les personnes stupides, cupides, perverses se repèrent assez facilement dans les équipes, et le travail initié depuis plusieurs années sur la bientraitance a permis de faire en

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sorte qu’un certain nombre d’événements inacceptables ne soient plus « couverts ». Ils se produiront toujours, mais le management les dénonce de manière croissante, afin qu’ils soient condamnés en justice.

Deuxièmement, il semble inutile de débattre des mesures à mettre en place sans disposer des moyens financiers nécessaires. La question des moyens est fondamentale. Le débat sur les infirmières de nuit est très intéressant, mais tous les professionnels présents dans cette salle se sont certainement dit : si nous faisons travailler une infirmière la nuit, nous l’enlevons le matin ou l’après-midi, ce qui n’a pas de sens.

Enfin, nous devons commencer par bien nous traiter nous-mêmes si nous voulons bien traiter les autres. Or, je pense, et je ne développerai pas sur ce point car chacun comprendra mon propos, que nous ne sommes pas très bien traités par les pouvoirs publics. Je n’ai pas la possibilité de changer la manière dont ces derniers me traitent, mais je suis en mesure de leur dire ce que j’en pense, et je ne m’en prive pas. La seule personne que je peux changer est moi-même. J’invite tous les professionnels à ne plus se faire du mal avec les moyens dont ils ne disposent pas aujourd’hui.

Je suis d’accord avec Maryvonne Lyazid. L’affaire de Chaville est une grande maladresse. La ministre a dit, à juste titre qu’il y avait des dysfonctionnements. Nous avons cependant fait remarquer que les enfants de la vieille dame expulsée de sa maison de retraite ne payaient pas l’établissement depuis un an et demi. Aux journalistes de Canal+ qui estimaient cette

expulsion scandaleuse, j’ai demandé ce qu’ils feraient si un client ne payait pas son abonnement à la chaîne pendant un an et demi. Nous avons signalé à l’État qu’il existait un vrai problème, à savoir que, dans certaines situations, nous ne pouvons pas obliger les personnes à payer. Nous avons interrogé le groupe de travail ministériel sur ce point. Une réunion a eu lieu mais, depuis, rien n’a avancé. Bien évidemment, le respect des droits de la vieille dame est fondamental, mais se pose également un problème économique. Traiter la question des droits sans traiter celle de l’économie et des moyens peut donner lieu à des avancées lyriques – et je soutiens toutes les démarches de citoyenneté –, mais pose une difficulté majeure.

S’agissant du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, le problème est autre. Monsieur Delarue a rencontré les organisations professionnelles, dont la FFAMCO, et nous avons tenu de nombreux débats avec lui. Nous ne nions pas qu’il existe des privations de liberté dans les établissements – et nous sommes prêts à en discuter –, mais nous soulignons qu’elles se manifestent également à domicile, car certaines personnes sont enfermées chez elles.

L’établissement n’est que l’une des faces visibles de la situation des personnes fragiles. Il faut également résoudre les problèmes cachés. Cependant, nous ne pouvons accepter des contrôles supplémentaires, car nous ne sommes pas du tout dans la même situation que les prisons et les hôpitaux psychiatriques. Dans les prisons et les hôpitaux psychiatriques, l’État a défini les conditions dans lesquelles des hommes et des femmes sont privés

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de liberté, ainsi que des voies de recours. Le Contrôleur vérifie donc leur application. En revanche, dans les établissements pour personnes âgées, la discrimination liée à l’âge fait que celles-ci n’ont pas été protégées juridiquement par la puissance publique. Je vous rappelle que des milliers de personnes âgées sont enfermées à leur domicile ou en établissement en dehors de tout texte. Seule existe une circulaire relative aux UHR (Unités d’hébergement renforcées), qui impose de fermer ces unités, texte qui n’a aucune valeur pour ce qui nous concerne.

Je suis d’accord pour le contrôle des professionnels, mais l’État n’a pas fait son travail. Il n’a pas déterminé les conditions dans lesquelles des personnes âgées peuvent être privées de leur liberté en raison de leur fragilité. Les professionnels sont donc renvoyés à leurs seules responsabilités.

Toutefois, nous devons également nous interroger en tant que professionnels. En ce qui nous concerne, le droit au risque, la bientraitance et les droits de la personne sont intimement liés. Notre problème concerne la sécurité. Les professionnels et les pouvoirs publics devraient, à chaque fois qu’une règle est édictée en faveur de la sécurité, s’interroger sur son rapport avec la liberté, qui est nécessairement restreinte. Je ne crois pas plus à la sécurité absolue qu’à la liberté absolue, mais nous devons toujours nous interroger sur le continuum liberté-sécurité.

Pour conclure, lorsqu’une ARS sollicitée au sujet d’une problématique par un directeur d’établissement répond à celui-ci que, conformément au Code de l’action sociale et des familles, il est intégralement responsable de la sécurité des personnes

de sa structure, l’Agence est complètement du côté de la sécurité et de la responsabilité individuelle. Elle donne donc le plus mauvais signal possible sur les questions que nous sommes en train de traiter.

Nous sommes favorables à davantage de libertés et de droits, mais il faut interroger, à un moment donné, les questions de sécurité et de droit au risque.

Applaudissements

Annie DE VIVIENous reviendrons certainement tout à l’heure sur le grand écart entre les valeurs affichées et produites, les recommandations et les moyens.

Aude MUSCATELLIJe voulais rapidement réagir aux propos de Monsieur Champvert sur le respect des textes. Nous sommes au-delà du respect des textes, car notre institution ne travaille pas pour déterminer si telle ou telle loi est formellement respectée dans un établissement. Par ailleurs, un établissement peut tout à fait respecter scrupuleusement les textes et atteindre aux droits fondamentaux. La question est dans le détail des pratiques et la manière dont les curseurs sont placés du côté des droits ou de la sécurité.

Un manque de moyens peut entraîner une maltraitance. Cependant, tout n’est pas qu’une question de moyens.

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Dans certains établissements, la philosophie de la prise en charge ou la gestion difficile du quotidien empêchent de mettre en place des solutions respectant les droits. Les professionnels ne doivent pas être laissés seuls face aux questions d’arbitrages qu’ils se posent quotidiennement, ni face aux responsabilités qui sont clairement établies dans les textes.

Bénéficier d’un regard extérieur peut être bénéfique pour les établissements qui sont trop plongés dans le quotidien de la gestion. Par ailleurs, un consensus social peut s’établir sur la priorité de la gestion du risque au détriment du respect des droits. Les professionnels ne sont peut-être pas les mieux placés pour orienter ce consensus vers plus de prise de risque et de droits, car la prise de risque est trop importante pour eux au niveau individuel. En revanche, si des institutions légitimes reconnaissent que la sécurité est certes importante, mais énoncent les raisons qui vont du côté des droits, les familles peuvent tout à fait comprendre qu’il y a d’autres solutions, pas nécessairement plus coûteuses, que d’enfermer ou attacher les personnes.

Je ne prétends évidemment pas que tout est possible sans moyens, mais je pense qu’une réflexion collective peut contribuer à déplacer les curseurs et que cette responsabilité ne doit pas être laissée uniquement aux professionnels.

Applaudissements

Pascal CHAMPVERT Réflexion oui, contrôle non. Nous sommes ouverts à toutes les réflexions.

Annie DE VIVIEL’un des représentants des contre-pouvoirs est à cette table, en la personne de Madame Leyris, présidente de son CVS.

La salle a des questions sur les CVS, que nous n’aurons malheureusement pas le temps de traiter. Néanmoins, nous avons essayé de monter, en collaboration avec la FNAPAEF (Fédération nationale des associations de personnes âgées et de leurs familles) et des professionnels, une boîte à outils des CVS sur agevillage.com. Nous sommes au commencement d’un processus, car, jusqu’à présent, les études menées par la FNAPAEF sur les CVS présentent des résultats assez catastrophistes.

Une question de la salle porte sur les moyens et la convergence des droits des personnes âgées et des personnes handicapées. Selon mes calculs, il faudrait investir 7 à 8 milliards d’euros dans les établissements médico-sociaux. Nous en sommes loin. Sans doute des arbitrages collectifs devront-ils être opérés.

Nous allons à présent donner la parole aux professionnels de terrain. Josette Leyris a tout à l’heure abordé le problème de l’intervention des médecins libéraux en établissement et à domicile. Madame Maubourguet, comment traiter cette problématique qui peut dériver vers de la maltraitance ?

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Dr Nathalie MAUBOURGUETLe médecin généraliste demeurant le pivot du parcours de soin, il est tout à fait logique qu’il accompagne ses patients en EHPAD. Du reste, en général, les personnes conservent leur médecin généraliste en entrant en EHPAD.

Médecin coordonnateur dans quatre EHPAD en Gironde, la question de la conciliation entre les recommandations de bonnes pratiques de toute nature (ANESM, HAS, etc.) et le respect des libertés ne se pose que lorsque le potentiel de jugement d’une personne est amoindri, par exemple au début de la maladie d’Alzheimer. C’est pourquoi nous pratiquons différents tests pour rédiger ensuite un projet de vie individualisé. Malheureusement, huit personnes sur dix sont atteintes, à différents stades, par la maladie d’Alzheimer en EHPAD, ce qui conduit à privilégier la sécurité. Les ARS encouragent la sécurisation du circuit du médicament. Il s’agit in fine de s’assurer que la personne prendra le bon médicament à la bonne heure.

Madame Leyris, votre cas est assez exceptionnel. Vous avez choisi votre entrée en établissement et l’établissement en question, tandis que la plupart des résidents y entrent à des âges avancés parce que les familles ou les conjoints cherchent une solution. Tout est formalisé dans le contrat de séjour, mais l’entrée en établissement est un tel moment d’émotion pour les familles que tout n’est peut-être pas calé. Le petit délai d’un an est

important pour le résident qui s’intègre dans une structure, ainsi que pour les équipes qui le reçoivent.

Il faut en outre savoir que l’EHPAD n’est véritablement défini que depuis 2006. D’importants progrès ont été réalisés en matière de professionnalisation et d’application de bonnes pratiques et de recommandations dans ce secteur « mal vu ». Les travaux sur la filière gériatrique doivent se poursuivre, car il reste difficile de trouver un hébergement pour une personne âgée de plus de 85 ans sans passer par les urgences. Par exemple, une personne a fait une tentative de suicide à 99 ans et n’a pas été prise au sérieux en raison de son âge, bien que toutes les études montrent que le suicide des sujets âgés est un suicide réussi. C’est pourquoi les professionnels auraient dû donner encore plus de crédit à ce geste. Cependant, sous prétexte que la personne avait 99 ans, il était difficile de trouver une place pour l’aider.

L’âge fait l’objet de préjugés, mais tout n’est pas question d’âge. Par exemple, dans le Bordelais, une femme de 57 ans est, hélas, au dernier stade de la maladie d’Alzheimer. Or, le problème de la prise en charge des personnes âgées de moins de 60 ans est le drame du plan Alzheimer.

Annie DE VIVIEQuelle est la bonne pratique que vous rappelez le plus souvent aux équipes ? Je pensais notamment à la contention.

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Dr Nathalie MAUBOURGUETLorsque nous, médecins coordonnateurs, avons rencontré Monsieur Delarue, nous lui avons dit qu’il existe des privations de liberté d’aller et venir dans les unités Alzheimer, et c’est pourquoi nous sommes favorables aux visites du Contrôleur des lieux de privation de liberté.

La contention requiert d’être réévaluée toutes les douze heures et le patient doit être surveillé toutes les heures, ce qui mobilise une infirmière à plein temps. Je pense que c’est fait exprès pour limiter cette pratique. Il est plus contraignant de prescrire une contention que d’avoir recours à des alternatives. Je travaille dans quatre établissements, tant privés associatifs que privés à but lucratif, et plus aucun d’entre eux n’utilise la contention depuis dix ans. J’ai « contenu » mon équipe, car, en matière de contention, nous avons peur de nos peurs. En outre, la contention n’est pas au programme de la faculté de médecine, ni des autres écoles médicales. Mettre des barrières autour du lit d’un enfant n’a rien à voir avec la contention. Les personnes âgées savent ce qu’est une barrière, la considèrent comme un obstacle, et tomberont d’encore plus haut si elles la franchissent.

La contention nécessite une démarche clinique pour évaluer toutes ses alternatives (fauteuil confortable, occuper la personne, etc.) et mettre en pratique les recommandations. Le médecin coordonnateur doit être formé à ces alternatives. S’il n’est pas convaincu de leur utilité, il y a fort peu de chances que l’équipe

le soit. Nous assumons le fait de laisser les patients libres. Des chutes se produisent, certes, mais les chutes graves sont peu nombreuses. En revanche, lorsqu’une personne âgée est attachée pendant un mois, elle n’est plus capable de marcher sans rééducation. Par ailleurs, plutôt que de transporter une personne à la salle à manger dans un fauteuil roulant, il faudrait l’accompagner en marchant. Cependant, c’est plus long, et nous en revenons donc au problème du manque de personnel. Les aides-soignants étant occupés, il est demandé aux ASH de les remplacer. Or, les ASH ne sont censés consacrer que 30 % de leur temps de travail à la perte d’autonomie. En outre, ils ne sont pas suffisamment formés pour soutenir les aides-soignants. Les institutions ont besoin de bras. Plus les conseils généraux nous donneront d’aides-soignants, plus nous serons ravis.

Applaudissements

Par ailleurs, il faut tenir compte de la polypathologie, de l’extrême fragilité des personnes accueillies en établissement. Assez souvent, l’établissement offre de meilleures conditions de vie que le domicile, car celui-ci n’est plus adapté, les repas n’arrivent pas, il est difficile de se laver, et personne ne peut vous répondre 24h/24. Pascal Champvert a souligné que se focaliser sur les établissements est un peu facile, ce que j’ai apprécié, mais je comprends qu’il soit plus difficile d’étudier la situation des domiciles. Il est vrai cependant que, pour autant que les personnes aient le choix et que leur domicile le permette, elles ne sont jamais mieux que chez elles.

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Annie DE VIVIEJ’aimerais que nous insistions sur le besoin d’outils et de repères concrets dans le quotidien des soins, faute de quoi les équipes sont « lâchées » dans des conditions épouvantables. Madame Kass-Danno, vous êtes juge des tutelles et vous vous occupez de personnes qui doivent être protégées. Pouvez-vous nous expliquer votre métier ?

Stéphanie KASS-DANNOLe juge des tutelles est saisi pour mettre en place des mesures de protection - tutelle, curatelle et sauvegarde de justice - destinées à des personnes qui présentent des altérations de leurs facultés personnelles, soit physiques, soit mentales, qui les empêchent d’exprimer leur volonté. Ces altérations ne leur permettent plus de pourvoir seules à leurs intérêts, et donc de participer à la vie civile. Dans ce cas, une personne est désignée pour les représenter et les assister dans la prise de décisions. Le juge des tutelles peut être saisi par les familles, par une personne qui constate elle-même qu’elle ne peut gérer ses affaires seule, ou par le Procureur de la République. Dans des affaires telles que celle de Chaville, lorsqu’une personne présente une altération de ses facultés et que ses enfants détournent son patrimoine et/ou ne payent pas ses factures alors qu’ils disposent d’une procuration, toute personne peut saisir le Procureur de la République pour lui signaler que la personne n’est plus en mesure de pourvoir à ses intérêts. Le Procureur de la République fait alors constater l’état médical de la personne

par un médecin et saisit le juge des tutelles afin qu’il mette en place des mesures de protection des intérêts de la personne.

J’ai été confrontée à ce cas très récemment. Le fils d’une dame âgée ne payait plus les loyers de celle-ci et refusait de s’expliquer sur la manière dont il gérait les finances de sa mère. Les assistantes sociales ont rédigé un rapport et j’ai été saisie par le Procureur de la République. Le fils sera privé de la possibilité de gérer les affaires de sa mère et je désignerai un professionnel qui s’en chargera, afin de régulariser la situation de la dame et d’éviter qu’elle ne subisse une expulsion.

Annie DE VIVIEQuand nous entendons « juge des tutelles », nous pensons à des privations de droits. C’est pourquoi vous teniez à nous expliquer, lors de cette table ronde, à quel point la notion de protection était au cœur de votre mission.

Stéphanie KASS-DANNOLes mesures de protection juridique sont mises en place lorsqu’une personne n’est plus capable de pourvoir seule à ses intérêts. Elles représentent une atteinte aux libertés individuelles, puisqu’elles limitent la capacité juridique d’une personne et qu’un tiers est désigné pour l’assister ou intervenir à sa place. Néanmoins, les mesures de protection juridique n’ont pas pour effet de permettre à ce tiers de prendre n’importe quelle décision à la place de la personne protégée et de lui imposer un mode de vie différent de celui qu’elle avait auparavant. Le tuteur

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ou le curateur doit faire en sorte de respecter les choix de vie de la personne. En matière de logement par exemple, le tuteur doit maintenir la personne le plus longtemps possible à son domicile sans répondre nécessairement aux attentes de tiers qui voudraient qu’elle intègre une maison de retraite. Le juge des tutelles a un réel pouvoir de surveillance dans ce domaine, car il veille à ce que la mesure de protection soit exercée dans le respect de la dignité de la personne et en favorisant son autonomie. Le législateur a réaffirmé fortement ces principes.

Annie DE VIVIEEn avez-vous le temps ?

Stéphanie KASS-DANNOÀ titre personnel, j’ai la chance d’avoir le temps de me consacrer à mes dossiers et de déceler les anomalies. Je gère un peu plus de 1 600 mesures de protection juridique, ce qui représente 80 % de mon temps de travail. Certains de mes collègues s’occupent de 3 000 mesures, mais celles-ci représentent 50 % de leur temps de travail. Selon les statistiques, les 800 000 mesures de protection juridique qui existent en France sont suivies par 80 Équivalents temps plein (ETP) de magistrats. Ce sont de très faibles moyens pour vérifier concrètement leur application.

Les personnes mises sous tutelle ignorent souvent qu’elles peuvent nous écrire pour se plaindre et/ou contester les décisions qui sont prises pour elles. Lorsqu’elles s’adressent à nous, nous pouvons procéder à des vérifications.

Annie DE VIVIEÊtes-vous satisfaite du niveau d’accompagnement ?

Stéphanie KASS-DANNOJe n’accompagne pas moi-même les personnes. Lorsque c’est possible, je confie la curatelle ou la tutelle à des proches et je veille à ce qu’ils comprennent qu’ils doivent agir dans le respect des choix de la personne. À défaut de proches, je désigne des professionnels qui m’apportent satisfaction et dont je sais qu’ils feront en sorte que les personnes ne se sentiront pas injustement limitées dans leurs droits.

Annie DE VIVIEComment repérez-vous les maltraitances ?

Stéphanie KASS-DANNOJe reçois parfois des signalements établis par des professionnels lorsque les personnes sont hébergées en établissement et que les factures ne sont plus payées. Je rencontre alors le tuteur et lui demande des explications. J’essaye également de savoir s’il visite régulièrement la personne. Je reçois également des signalements de proches. Une personne m’a écrit pour me dire que sa tante ne bénéficiait pas du minimum vital dans son établissement. La mandataire professionnelle qui gérait la mesure de protection depuis plusieurs années en avait été informée mais ne lui apportait ni produits de toilette ni vêtements,

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et la dame était vêtue avec les habits des défunts. Lorsque cette situation m’a été signalée, j’ai réagi très rapidement et déchargé la professionnelle de sa mission. Il ne faut donc pas hésiter à informer le magistrat des anomalies constatées dans la gestion des mesures de protection.

Annie DE VIVIEIl faut avoir la chance de s’adresser à un juge des tutelles qui réagisse rapidement.

Stéphanie KASS-DANNOQuand bien même, les personnes ont des moyens d’agir et ne doivent pas baisser les bras. Elles peuvent écrire au Procureur et au juge des tutelles afin que l’un ou l’autre intervienne, car il s’agit de l’une de leurs missions légales.

Par ailleurs, je reçois assez fréquemment des demandes de protection émanant de personnes qui souhaitent placer un proche en établissement contre son gré. Ces personnes sont conseillées par des professionnels qui leur affirment qu’il suffit d’être désigné tuteur pour signer un contrat d’hébergement et faire admettre leur proche en établissement sans difficulté. C’est faux. Le Code civil prévoit que la personne placée sous mesure de protection choisit seule son lieu de résidence. Si elle souhaite demeurer à son domicile, il appartient à son tuteur de faire en sorte qu’elle y reste. Si la personne est en danger chez elle, qu’elle n’accepte pas qu’un professionnel intervienne pour lui faire prendre ses repas ou ses médicaments, ou qu’elle

n’a pas les moyens de payer un service à domicile 24h/24, le juge peut alors être saisi et décidera s’il y a lieu d’entraver les libertés de la personne et de lui imposer éventuellement une admission en maison de retraite.

Il est important de rappeler que c’est une liberté fondamentale que de choisir son lieu de vie, et que seule l’autorité judiciaire peut y porter atteinte.

Applaudissements

Annie DE VIVIEMerci de nous avoir rappelé les missions du juge des tutelles. Nous allons conclure cette table ronde en donnant la parole à Jérôme Pellissier, Vice-président de l’Observatoire de l’âgisme. Quel est votre point de vue sur les interventions précédentes ?

Jérôme PELLISSIERJ’ai noté de très nombreux éléments.

Premièrement, j’ai souvent l’impression d’un gouffre entre les principes et les pratiques, voire d’une schizophrénie. Pascal Champvert a souligné que l’État demande le respect des droits mais que la puissance publique est en retard sur certains plans et/ou ne donne pas aux professionnels les moyens nécessaires. Je savais que les juges des tutelles étaient débordés, mais pas à ce point : 80 magistrats pour surveiller 800 000 mesures ! C’est surréaliste. Je ne conçois pas que les magistrats puissent se montrer vigilants dans de telles conditions.

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Deuxièmement, le droit est en retard à plusieurs niveaux, par exemple sur la question de la responsabilité, du domicile, de l’utilisation des gérontechnologies, etc. Demain, pour dix représentants qui vendront des technologies de surveillance des personnes âgées, l’État paiera deux juristes pour réfléchir à l’utilisation respectueuse des droits de ces technologies. Les moyens de réfléchir au respect des droits manquent cruellement.

Troisièmement, les droits ne s’émoussent pas avec l’âge, c’est une bêtise que de dire cela. C’est le respect des droits qui s’émousse. Plus une personne prend de l’âge, plus la société a du mal à respecter ses droits.

Quatrièmement, l’État est garant du principe d’égalité. Pourtant, à handicap égal, les malades sont « sous-aidés » et sous-soignés après 60 ans. Sept à huit milliards d’euros devraient être investis, soit à peu près le montant des impôts qu’Amazon, Apple ou François Pinault ne payent pas en France chaque année. Toutefois, ce n’est pas un problème d’argent, mais de société. Si elle concernait toute autre catégorie de la population, la sous-citoyenneté dont sont victimes les personnes âgées ou handicapées serait un scandale. Or, l’État n’en a que faire. Nous baignons dans une culture qui dit qu’une partie de la population est sous-traitée.

Cinquièmement, la culture du « prendre soin » n’est pas qu’une question de moyens, j’insiste sur ce point. Certains CHU très bien dotés sur le plan financier « grabatisent » les vieux, bien plus que les maisons de retraite. Je pense que ce qui a choqué

dans l’affaire de Chaville n’est pas qu’un établissement privé à but lucratif se plaigne de n’être pas payé, mais qu’il ait traité une vieille dame comme un décodeur Canal+.

La question est la suivante : comment aider les professionnels soumis au discours qui leur prescrit d’être « bientraitants » et qui ne reçoivent pas les moyens (formation, réflexion, personnel) de l’être complètement ? Selon moi, une partie de la solution repose sur une forme de combat. Certains établissements ont autant de difficultés que les autres en termes de moyens, mais leurs équipes ne se résignent pas et luttent au service des personnes les plus fragiles. Ce combat implique de dépasser la culture ambiante, qui nous dit en permanence que les vieux sont des sous-citoyens.

Annie DE VIVIEVous nous demandez d’être militants, comme Jérôme Guedj dans son Plaidoyer pour les vieux. Je vais laisser la parole à Paulette Guinchard pour conclure cette journée, qui, je le sais, a été militante. Merci à vous.

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Conclusion de la journée

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Paulette GUINCHARDAncienne ministre, Présidente de la Fondation nationale de gérontologie

Il est vraiment difficile de conclure une telle journée. Je voulais tout d’abord souligner que, bien que le manque de moyens soit patent, les progrès accomplis depuis dix ans en matière d’accompagnement des personnes âgées sont immenses. Lorsque j’étais Secrétaire d’État aux personnes âgées en 2001, j’aurais tellement aimé que la réflexion soit du même niveau qu’aujourd’hui. Hélas, rien n’était réalisé en la matière. Une ministre a même déclaré que ce n’était « vraiment pas bandant d’être nommée Secrétaire d’État aux personnes âgées », et je suis bien persuadée que tous mes collègues partageaient cette opinion. S’occuper des personnes âgées n’était pas considéré comme une mission intéressante, mais comme une tâche mineure. Appréhender autrement la manière de considérer l’allongement de la vie et la vieillesse peut changer profondément la société et le « vivre ensemble ». Jérôme Guedj a éminemment raison de dire qu’il s’agit d’un combat politique. Vous êtes en train d’y participer, soyez-en fiers.

Applaudissements

Je suis infirmière en psychiatrie de formation et, avant d’être responsable politique, je faisais des formations sur la relation à la personne âgée dans les maisons de retraite et les associations de maintien à domicile. Je vais tirer mes exemples de mes expériences familiales et professionnelles, en commençant

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par une histoire qui concerne ma mère. Celle-ci m’a dit un jour qu’elle ne voulait plus que ma sœur l’accompagne faire les courses, car cette dernière ne voulait pas qu’elle achète du foie de veau et achetait à la place du foie de génisse, moins cher. Ma mère se sentait atteinte dans son droit à choisir sa nourriture. Cette histoire vécue se retrouve dans de nombreuses familles. La perte d’autonomie commence là, lorsque vous prenez la liste de courses d’un proche et que vous décidez à sa place des produits à acheter. Je n’ai encore jamais trouvé le moyen de discuter avec ma sœur au sujet de ce foie de génisse.

Rires

Ma deuxième histoire s’est passée en face de chez moi. Il y a quinze jours, une vieille dame a fait une chute. Elle a essayé de contacter plusieurs personnes, dont sa fille et moi-même, mais nous étions tous absents. Elle est restée huit heures par terre. Elle nous a expliqué qu’elle n’avait pas pressé son alarme « parce qu’elle ne voulait pas déranger et, par-dessus tout, qu’elle ne voulait pas se retrouver aux urgences ». C’est un exemple très significatif, qui montre que les vieux se voient comme des gêneurs qui n’ont plus leur place dans la société.

Ma troisième histoire est ancienne. J’ai travaillé pendant dix ans à l’hôpital de Cluny, qui avait ouvert un service de soins à domicile et proposé, pour ce faire, que le personnel passe du secteur institutionnel au secteur ouvert. Les personnes qui se rendaient au domicile des personnes âgées me disaient qu’elles avaient appris le respect de celles-ci, et que plus jamais elles ne décideraient à leur place de la manière de faire leur

toilette, par exemple. Aller à domicile rend extrêmement attentif aux besoins de la personne.

Mon quatrième exemple n’est pas une histoire, car il a trait au film Amour, de Michael Haneke, qui m’a énormément choquée et scandalisée. Il nous montre l’enfermement et un homme qui a si peu confiance en l’extérieur qu’il empêche sa femme de voir un jeune homme qu’elle a formé, et jusqu’à sa propre fille. Ce film a été porté aux nues bien qu’il soit l’exemple même de la destruction – la vieille dame est tuée par son mari – à laquelle peuvent conduire ce que nous pensons être de l’amour ou des bons traitements. Amour est techniquement un très beau film, mais j’aurais aimé que les professionnels de l’accompagnement analysent le caractère dangereux de ces comportements d’enfermement. Amour n’est pas de l’amour. Je suis moi-même confrontée à un certain nombre de difficultés, et je constate à quel point la bonne volonté des autres peut être dangereuse.

Enfin, je souhaitais partager quelques réflexions avec vous, et je profite pour ce faire de la présence de Madame la Juge des tutelles. Depuis quelques années, des lieux fermés pour les personnes âgées ouvrent de manière croissante partout en France, en dehors de tout dispositif légal. La notion du risque à prendre devient très confuse. À Montreux (Suisse), j’ai visité une maison de retraite accueillant de nombreuses personnes âgées souffrant d’altérations intellectuelles. Pourtant, la maison n’était pas fermée. Au contraire, elle était ouverte sur une rue très passante. Les familles devaient simplement signer un

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document attestant qu’elles acceptaient de prendre le risque que leur parent sorte et se retrouve en position difficile – au moment où j’ai visité cet établissement, aucun incident grave ne s’était produit. Cet exemple me conforte dans l’idée que la notion du risque à vivre ou à prendre devrait être essentielle lorsque nous parlons de bientraitance.

Je vais vous parler à nouveau de ma mère. Elle a 90 ans et a été hospitalisée en janvier dernier. Nous étions alors persuadés qu’elle ne serait plus en mesure de vivre seule. Le médecin gériatre, mes frères et sœurs et moi-même passions notre temps à essayer de la convaincre d’accepter d’aller dans une maison de retraite. Ma mère a usé de tous les arguments possibles pour refuser. Nous ne souhaitions pas la placer de force alors je lui ai dit : « C’est un risque à prendre. Tu prends le risque de rentrer chez toi, de tomber, d’avoir un problème cardiaque, de mourir ». Dès que je lui ai parlé de risque, ma mère a déclaré qu’elle l’assumait. Je lui ai alors dit qu’elle prenait également le risque d’épuiser les personnes qui s’occuperaient d’elle, mais mes frères et sœurs ont également accepté ce risque.

Je suis intimement persuadée que l’enjeu essentiel réside dans la formation de tous les personnels du champ médico-social. Au-delà, je pense que tous les métiers sont concernés par le vieillissement. Je suis certaine qu’il existe, dans toutes les professions, des ressources qui permettraient aux personnes âgées de continuer à vivre et à faire.

Je pense également que Luc Broussy s’est trompé en parlant d’ « émoussement » des droits. C’est la perception des droits

qui est en cause. Je vous invite à écouter les témoignages des aides à domicile sur ce sujet. Les personnes âgées se perçoivent elles-mêmes comme des inutiles et ne se sentent pas incluses dans la société, ou même dans leur propre famille. Il n’y a qu’à regarder la manière dont, bien souvent, elles se tiennent silencieuses en bout de table.

La prise de parole des personnes âgées est fondamentale, y compris au sein de leur famille. Le toucher est également un échange. Je suis très impressionnée par le travail réalisé par l’EHPAD Mélavie. La Fondation nationale de gérontologie (FNG) offre depuis plusieurs années aux personnes âgées la possibilité d’écrire des lettres. Celles-ci témoignent de la capacité de rêve, de création, de colère, de leurs auteurs. Les conseils généraux, les professionnels, les associations ont pour mission de faire en sorte que cette parole soit entendue.

Pendant longtemps, les personnes âgées ont été assimilées à des enfants, ce qui me mettait très en colère. L’essentiel était qu’elles mangent et qu’elles soient propres. Progressivement, l’épaisseur de la vie vieillissante commence à être reconnue. De plus en plus de personnes âgées s’exprimeront, ainsi que Madame Leyris l’a fait tout à l’heure. L’enjeu, c’est la vie. Ne laissons pas la vieillesse uniquement à la médecine. La première table ronde, qui évoquait nombre de dispositifs, m’a fait peur.

Applaudissements

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Cela étant, j’ai commis aussi cette bêtise, car j’ai créé les CLIC.

Rires

La société est incapable de prendre en compte la question du vieillissement et médicalise la vieillesse. C’est là que nous faisons de la maltraitance, ce qui ne signifie pas que les médecins maltraitent les personnes âgées. Je veux simplement dire que la vieillesse n’est pas un problème à médicaliser. Notre regard sur les vieux et le regard des vieux sur eux-mêmes doit changer. Je suis ravie lorsque ma mère houspille son petit-fils pour qu’il participe aux manifestations. C’est un exemple de vie. Une phrase était souvent citée dans les services de soins palliatifs : « Quelle que soit la longueur de la bougie, la flamme est toujours la même ». J’ai repris cette phrase lorsque j’ai présenté l’APA (Allocation personnalisée d’autonomie) à l’Assemblée nationale. Un vieux qui n’a plus sa tête est en vie. Nous, les vieux, servons à montrer aux jeunes que la vie a un début et une fin, mais également que la vie continue. Quel plus beau message que la vie une personne âgée peut-elle porter ? La vieillisse montre la chaîne de l’humanité. Je rêve que la philosophie s’empare de cette réflexion.

J’ai été très intéressée par votre propos sur le « nous », Madame Casagrande. Il nous revient de construire la réflexion sur les risques et la bientraitance, et de trouver des réponses collectives. Je vais parler à mes frères et sœurs en rentrant.

Rires

Notre société est profondément marquée par la performance

et la réussite individuelle, ce qui exclut en fait tout le monde. Ce n’est pas la réussite qui fait l’homme, c’est la fragilité et la vulnérabilité. Nous sommes ou serons tous fragiles et vulnérables. Lorsque j’ai dû me servir d’un déambulateur, j’ai ressenti une profonde honte, même si j’ai pensé que ma difficulté à marcher ne m’empêchait pas d’avoir des choses à dire. Si nous ne voulons pas que les personnes aient honte de leur fragilité, il est essentiel d’envisager l’accompagnement de l’allongement de la vie de manière humaine, et peut-être les malades d’Alzheimer seront-ils moins nombreux.

Je conclus en m’adressant au Président du Conseil général. Les conseils généraux ont de multiples responsabilités dans le champ de la vulnérabilité et de l’exclusion. J’aimerais qu’ils prennent à bras le corps la formation-action et engagent des travaux de fond, car nous n’avons pas le droit de négliger les personnes âgées, les personnes fragiles et les professionnels.

Naturellement, ma sœur rachètera du foie de veau à ma mère.

Rires

Applaudissements

Jérôme GUEDJQue dire après Paulette ? Merci pour cette vitalité et cette force de convictions qui me sert de modèle et qui inspire les militants du quotidien.

Je veux vous exprimer tout le plaisir que nous avons eu à organiser cette journée et à écouter les échanges.

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Je remercie tous les intervenants qui se sont succédé à cette tribune, le conseil scientifique qui a présidé la préparation du colloque, les associations partenaires, AGE, HABEO et ALMA, et toutes les personnes qui ont contribué à organiser cette journée ; je pense particulièrement à Murielle Jamot et David Cassinari. J’espère que ces quelques heures passées en Essonne vous permettront de repartir outillés et armés, avec énergie et enthousiasme, dans la militance de l’âge dont parlait ce matin Michèle Delaunay. Merci à tous.

Applaudissements

Composition du conseil scientifique

Bernard DUPORTET, Président de AGE 91 et de HABEO Robert MOULIAS, Président d’ALMAFrançoise TOURSIÈRE, FNADEPARomain GIZOLME, AD-PASylvain DENIS, CNRPAAdeline LEBERCHE, FEHPAPClémence LACOUR, FNAQPAElodie HÉMERY, FHFFlorence ARNAIZ MAUME et Antoine FRAYSSE, SYNERPADominique TERRASSON, DGCSMaud COLLOMB, ADMRDominique GASTONRAOUL, petits frères des PauvresDominique CIAVATTI, ministère de la justiceAlain VILLEZ, UNIOPSSYves VÉROLET et Rémi MANGIN, UNAAlice CASAGRANDE, Croix RougeJean-Pierre HARDY, ADF Fabien VERDIER, Cabinet de Michèle Delaunay, Ministre déléguée aux personnes âgées et à l’autonomieDavid CASSINARI, Cabinet du Président du Conseil général de l’EssonneMurielle JAMOT, Cabinet du Président du Conseil général de l’Essonne

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Document rédigé par la société Ubiqus – Tél. : 01 44 14 15 16 – www.ubiqus.fr – [email protected]

Edité par le Conseil général de l’Essonne - Boulevard de France - 91012 Evry CedexImprimé en France par Imprimerie Grenier - 115 / 117 avenue Raspail - 94250 Gentilly

Conception graphique et mise en page : • 9441Date d’achèvement du tirage : novembre 2013

ISBN : 978-2-9507082-6-7Exemplaire offert par le Conseil général de l’Essonne

Dépôt légal : novembre 2013