banc d’essai par benoÎt navarret - photos : didier … · un beau placage en palissandre des...

1
Guitare d’étude ? Ce genre de guitare est typique des instruments dont la qualité vient à questionner la pertinence de l’appellation « guitare d’étude » : celle-ci se doit d’être ici comprise comme « une guitare d’entrée de gamme J. Castelluccia », et non comme « une guitare de facture sommaire ». Cette gui- tare est d’abord un bel objet, ancré dans la tradition (en ce sens, elle n’a rien de révolution- naire sur le plan visuel), qui bénéficie d’une somme de petites at- tentions de finition principalement, un sens du détail parti- culièrement valori- sant pour le modèle. Les essences de bois sont belles à regarder (les éclisses et le fond sont en palissandre des #71 Guitare classique 31 BANC D’ESSAI 30 Guitare classique #71 J. CASTELLUCCIA SÉRIE E MODÈLE E1 PAR BENOÎT NAVARRET - PHOTOS : DIDIER PORTAL FICHE TECHNIQUE • Tables : cèdre massif (ou épicéa massif ) avec barrage de type Bouchet à 7 brins • Fond et éclisses : laminé, palissandre des Indes • Manche : cèdre, renfort en fibres de carbone • Touche : ébène, 19 barrettes • Chevalet : palissandre des Indes • Filets : multiplis sur la table, simples sur les éclisses et fond • Rosace : filets de bois • Verni : polyuréthane brillant • Diapason : 650 mm • Largeur au sillet de tête : 52 mm • Largeur à la 12 e case : 62 mm • Masse : 1600 g • Mécaniques : dorées • Prix : 700 euros TTC • Délais de fabrication : environ 6 semaines • Site Web : www.castelluccia.fr Indes, non massif sur le modèle E1) avec un pa- lissandre aux veines larges, une table en cèdre de belle teinte et aux veines serrées, une rosace co- lorée, un beau coordonné des couleurs entre le chevalet, la touche d’une part, la caisse et le pla- cage de tête d’autre part. La pose de la filèterie est soignée, avec un filet double de bois clair sur la table, simple sur le fond et les éclisses, un double placage sur la tête ainsi qu’une belle dé- coration sur le chevalet. La rosace est large, plutôt dense, joliment constituée de sept motifs concen- triques parfaitement assemblés et incrustés, sans éclats de bois. La table du modèle testé est en cèdre mais une version avec table en épicéa est également disponible. Trois exemplaires ont pu être joués en magasin. Tous ont présenté des caractéristiques de confort et de jouabilité simi- laires, un réglage identique de l’action de cordes, un poids de 1600 g et le même soin dans la qua- lité de fabrication. Les frettes sont suffisamment bien finies. Certes, les mécaniques sont conven- tionnelles mais proposées en finition dorée. La pose du vernis, en polyuréthane, ne présence aucun défaut d’aspect. Un travail très appliqué. Une lutherie surclassée En terme de facture instrumentale, le barrage de table de la E1 est constituée de sept brins en éven- tail et d’un brin additionnel de renfort transversal (« la barre d’harmonie »), placé sous le chevalet, perpendiculairement au sens des fibres du bois. Popularisé par les prestigieux luthiers Hermann Hauser et Robert Bouchet, ce procédé vise à rigidifier cette zone de la table pour contrôler l’amplitude des attaques, éviter l’effet « staccato » observé sur les guitares Torres. On obtient donc une réponse moins « explosive », qui laisse émerger la résonance du son et facilite ainsi la perception de la durée des notes. La barre d’harmonie, de par la contrainte mécanique que sa pose implique, peut aussi consolider la table et la prémunir de modifications structurelles non désirées. Une autre spécificité de lutherie réside dans le renfort du manche par des fibres de carbone, pour une plus grande rigidité et une bonne résistance à la déformation (torsion, concavité ou convexité du manche), ce qui est un gage de stabilité. de marque Schaller avec bouton ébène. Les mo- dèles d’étude E2 et E3 bénéficient d’éclisses en palissandre massif. Le barrage de type Bouchet de la E2 comprend cinq brins, et celui de la E3, sept brins (comme le modèle E1). Le modèle d’entrée de gamme E1 est le reflet d’un grand savoir-faire qui a permis de donner naissance à des guitares aux prestations éton- nantes, pour un tarif très raisonnable compte tenu de la qualité de fabrication et du suivi cher à cette maison de tradition. La E1 est vendue en France à 700 euros, la E2 à 900 euros et la E3 à 990 euros. Une entrée de gamme aux allures de grande La maison J. Castelluccia fabrique artisanalement des guitares classiques, flamenca et manouches depuis 70 ans. Trois générations de luthiers, passionnés et soucieux de donner à tout musicien des instruments procurant un véritable plaisir de jeu. Aujourd’hui installée à Paris, à deux pas de la rue de Rome, leur boutique/atelier lance une série de trois modèles de guitares classiques d’étude. La E1 est la petite première de la gamme. Un beau placage en palissandre des Indes offrant un beau coordonné avec les éclisses et le fond de la caisse. Une belle rosace richement décorée. Des essences de bois très esthétiques. Une guitare qui sonne Certes, cette guitare n’offre pas les possibilités de restitution sonore d’une guitare de concert. Mais là n’est pas sa finalité. Elle a été conçue comme un instrument capable d’encourager le guitariste dans son apprentissage, lui donner l’envie de jouer et lui permettre de progresser sans percevoir, jusqu’à un certain niveau, d’éven- tuelles limitations expressives de la guitare. Les fondamentaux d’un bon instrument sont donc réunis. La sonorité globale se révèle équilibrée dans le sens où aucun registre de l’instrument ne s’avère trop prépondérant ou, au contraire, en retrait. Les basses ont une vraie profondeur, avec une bonne ouverture des médiums. Elles offrent de belles résonances et ne sont pas trop envahis- santes. Les aigus sont définis, avec du corps et une présence suffisante pour aider à l’émergence des lignes mélodiques, sans être masqués par les basses. Les accords sont faciles à faire sonner grâce à une bonne clarté polyphonique. La so- norité s’avère relativement homogène sur tout le manche, ce qui est très appréciable pour l’étude du geste et arriver à produire un son de qualité sur toute la tessiture de l’instrument. La réponse dynamique et la qualité des attaques contribuent grandement au confort de jeu et d’écoute de l’ins- trument. Les sensations sont plaisantes, le ressenti vibratoire sur le corps agréable. L’instrument a ainsi des qualités musicales cohérentes avec les exigences que l’on peut attendre d’un instrument de cette gamme de prix. Les autres modèles de la série Trois options sont disponibles : sans surcoût, table en cèdre (au lieu de l’épicéa) et version pour guitariste gaucher ; pour 50 euros, des mécaniques

Upload: others

Post on 02-Aug-2020

1 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: BANC D’ESSAI PAR BENOÎT NAVARRET - PHOTOS : DIDIER … · Un beau placage en palissandre des Indes offrant un beau coordonné avec les éclisses et le fond de la caisse. Une belle

Guitare d’étude ?Ce genre de guitare est typique des instrumentsdont la qualité vient à questionner la pertinencede l’appellation « guitare d’étude » : celle-ci se doitd’être ici comprise comme « une guitare d’entréede gamme J. Castelluccia », et non comme « une

guitare de facture sommaire ». Cette gui-tare est d’abord un bel objet, ancré

dans la tradition (en ce sens,elle n’a rien de révolution-

naire sur le plan visuel),qui bénéficie d’unesomme de petites at-tentions de finitionprincipalement, unsens du détail parti-culièrement valori-sant pour le modèle.Les essences de bois

sont belles à regarder(les éclisses et le fond

sont en palissandre des

#71Guitare classique • 31

BANC D’ESSAI

30 • Guitare classique #71

J. CASTELLUCCIA SÉRIE E MODÈLE E1

PAR BENOÎT NAVARRET - PHOTOS : DIDIER PORTAL

FICHE TECHNIQUE

• Tables : cèdre massif (ou épicéa massif ) avec barrage de type Bouchet à 7 brins

• Fond et éclisses : laminé, palissandre des Indes

• Manche : cèdre, renfort en fibres de carbone• Touche : ébène, 19 barrettes• Chevalet : palissandre des Indes• Filets : multiplis sur la table,

simples sur les éclisses et fond• Rosace : filets de bois• Verni : polyuréthane brillant• Diapason : 650 mm• Largeur au sillet de tête : 52 mm• Largeur à la 12e case : 62 mm• Masse : 1600 g • Mécaniques : dorées• Prix : 700 euros TTC• Délais de fabrication : environ 6 semaines• Site Web : www.castelluccia.fr

Indes, non massif sur le modèle E1) avec un pa-lissandre aux veines larges, une table en cèdre debelle teinte et aux veines serrées, une rosace co-lorée, un beau coordonné des couleurs entre lechevalet, la touche d’une part, la caisse et le pla-cage de tête d’autre part. La pose de la filèterieest soignée, avec un filet double de bois clair surla table, simple sur le fond et les éclisses, undouble placage sur la tête ainsi qu’une belle dé-coration sur le chevalet. La rosace est large, plutôtdense, joliment constituée de sept motifs concen-triques parfaitement assemblés et incrustés, sanséclats de bois. La table du modèle testé est encèdre mais une version avec table en épicéa estégalement disponible. Trois exemplaires ont pu être joués en magasin. Tous ont présenté descaractéristiques de confort et de jouabilité simi-laires, un réglage identique de l’action de cordes,un poids de 1600g et le même soin dans la qua-lité de fabrication. Les frettes sont suffisammentbien finies. Certes, les mécaniques sont conven-tionnelles mais proposées en finition dorée. Lapose du vernis, en polyuréthane, ne présence aucundéfaut d’aspect. Un travail très appliqué.

Une lutherie surclasséeEn terme de facture instrumentale, le barrage detable de la E1 est constituée de sept brins en éven-tail et d’un brin additionnel de renfort transversal(« la barre d’harmonie »), placé sous le chevalet,perpendiculairement au sens des fibres du bois.Popularisé par les prestigieux luthiers HermannHauser et Robert Bouchet, ce procédé vise à rigidifier cette zone de la table pour contrôlerl’amplitude des attaques, éviter l’effet « staccato »observé sur les guitares Torres. On obtient doncune réponse moins « explosive », qui laisse émergerla résonance du son et facilite ainsi la perceptionde la durée des notes. La barre d’harmonie, depar la contrainte mécanique que sa pose implique,peut aussi consolider la table et la prémunir demodifications structurelles non désirées. Uneautre spécificité de lutherie réside dans le renfortdu manche par des fibres de carbone, pour uneplus grande rigidité et une bonne résistance à ladéformation (torsion, concavité ou convexité dumanche), ce qui est un gage de stabilité.

de marque Schaller avec bouton ébène. Les mo-dèles d’étude E2 et E3 bénéficient d’éclisses enpalissandre massif. Le barrage de type Bouchetde la E2 comprend cinq brins, et celui de la E3,sept brins (comme le modèle E1).

Le modèle d’entrée de gamme E1 est le refletd’un grand savoir-faire qui a permis de donnernaissance à des guitares aux prestations éton-nantes, pour un tarif très raisonnable comptetenu de la qualité de fabrication et du suivi cherà cette maison de tradition. La E1 est vendue enFrance à 700 euros, la E2 à 900 euros et la E3à 990 euros.

Une entrée de gammeaux allures de grande

La maison J. Castelluccia fabrique artisanalement des guitares classiques,flamenca et manouches depuis 70 ans. Trois générations de luthiers, passionnéset soucieux de donner à tout musicien des instruments procurant un véritableplaisir de jeu. Aujourd’hui installée à Paris, à deux pas de la rue de Rome, leurboutique/atelier lance une série de trois modèles de guitares classiques d’étude.La E1 est la petite première de la gamme.

Un beau placage en palissandre des Indes offrant un beaucoordonné avec les éclisses et le fond de la caisse.

Une belle rosace richement décorée.

Des essences de bois très esthétiques.

Une guitare qui sonneCertes, cette guitare n’offre pas les possibilitésde restitution sonore d’une guitare de concert.Mais là n’est pas sa finalité. Elle a été conçuecomme un instrument capable d’encourager leguitariste dans son apprentissage, lui donner l’envie de jouer et lui permettre de progressersans percevoir, jusqu’à un certain niveau, d’éven-tuelles limitations expressives de la guitare. Lesfondamentaux d’un bon instrument sont doncréunis. La sonorité globale se révèle équilibréedans le sens où aucun registre de l’instrument nes’avère trop prépondérant ou, au contraire, en retrait. Les basses ont une vraie profondeur, avecune bonne ouverture des médiums. Elles offrentde belles résonances et ne sont pas trop envahis-santes. Les aigus sont définis, avec du corps etune présence suffisante pour aider à l’émergencedes lignes mélodiques, sans être masqués par lesbasses. Les accords sont faciles à faire sonnergrâce à une bonne clarté polyphonique. La so-norité s’avère relativement homogène sur tout lemanche, ce qui est très appréciable pour l’étudedu geste et arriver à produire un son de qualitésur toute la tessiture de l’instrument. La réponsedynamique et la qualité des attaques contribuentgrandement au confort de jeu et d’écoute de l’ins-trument. Les sensations sont plaisantes, le ressentivibratoire sur le corps agréable. L’instrument aainsi des qualités musicales cohérentes avec lesexigences que l’on peut attendre d’un instrumentde cette gamme de prix.

Les autres modèles de la sérieTrois options sont disponibles : sans surcoût,table en cèdre (au lieu de l’épicéa) et version pourguitariste gaucher ; pour 50 euros, des mécaniques