b1 overney pauline

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Née en Angleterre, l‘art-thérapie si elle tend à être connue en Belgique peine à être reconnue. Cette « médecine alternative » prône une guérison par création artistique. Les spécialistes se montrent prudents tout en pointant ses bienfaits. D ’après la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé, « art » est « quelque chose » et « thérapie » signifie « qui fait soin ». L’art-thérapie s’est développée dans les années 1940 en Angleterre. Adrian Hill, un artiste, est hospitali- sé pour une tuberculose. Et il peint, tout le temps. Ses méde- cins décèlent chez lui un état général de bien-être intérieur. Le patient a continué l’expé- rience avec d’autres malades. Les résultats se sont révélés plu- tôt bons. La fièvre « art-théra- pie » a alors envahi le Canada, les États-Unis puis la France. En Belgique, cette « méde- cine alternative » est encore peu connue. « On n’est jamais engagé en tant qu’art-thérapeute. On peut être embauché en tant qu’ergothé- rapeute, en tant qu’artiste. C’est un métier qui n’est pas reconnu en Belgique », explique Amanda Couturier, danse-thérapeute. Et pour cause : il n’existe aucun consensus quant à la défini- tion de l’art-thérapie. Une asso- ciation belge des art-théra- peutes a quand même vu le jour l’an dernier : «  C’est un indi- cateur. Il y a un désir d’obtenir un statut  », souligne Helyett Wardavoir, directrice de la for- mation en art et thérapie à la Haute école libre de Bruxelles. « Nos projets ont pour vocation de participer au développement de l'art-thérapie et d’encourager sa reconnaissance par les collectivi- tés locales et auprès des différentes instances dirigeantes », indique Gwendoline Häusermann, administratrice de l’association. A ce stade, l’ASBL est incapable de recenser le nombre exact d’art-thérapeutes en Belgique. Révéler les « non-dits » « L’art-thérapie est une tech- nique de développement personnel et une méthode de soins psychiques non-médicale » selon Amanda Couturier. Attention à ne pas la confondre avec une psychothéra- pie à médiation artistique. L’art- thérapie inscrit le patient dans une œuvre. La danse, par exemple, est le média qui lui permet d’aller mieux. La psychothérapie à média- tion artistique utilise l’art pour faire un travail psychologique. Or, un art-thérapeute n’interprétera jamais les œuvres de ses patients. « La finalité, pour aller vers une guérison, restera la notion de plaisir dans la création », affirme Helyett Wardavoir. Cette discipline se pra- tique dans tous les arts. Elle révèle les « non-dits » : les douleurs que l’on ne peut exprimer par la parole. Ses effets principaux : retrouver une confiance en soi, l’aptitude à dépasser les jugements d’autrui et la maîtrise de ses émotions. La fragilité de l’art-thérapie Dans le courant de l’art-thérapie, il y a la spécialisation en « danse- thérapie ». Une branche encore moins représentée en Belgique. En cause : un rapport au corps qui est de plus en plus difficile dans notre société. Pourtant, les bénéfi- ciaires ne doivent pas être danseurs professionnels. Benoît Lesage, médecin et docteur en sciences humaines a théorisé la danse-thé- rapie dans son ouvrage « La danse dans le processus thérapeutique ». Il confie avoir travaillé avec des enfants autistes : « Leur corps est disloqué, ils ne parviennent pas à le coordonner. La danse leur permet de se sentir dans l’espace, de s’appuyer sur terre alors que, spontanément, ils sont sur la pointe des pieds. » Il dénonce la fragilité de l’art-thé- rapie. « Beaucoup d’art-thérapeutes utilisent la danse comme moyen intuitif. C’est dangereux. Pour les anorexiques par exemple, il faut faire attention à ne pas leur demander de se mettre par terre, on peut faire des catastrophes. » La plupart des art-thérapeutes mettent effective- ment en garde contre les dérives de cette nouvelle discipline : l’art peut faire du bien comme du mal. PAULINE OVERNEY Le Soir mai 2014 1 REPORTAGE 5 Atelier de danse-thérapie animé par Ketty Ramos-Grusovin. Thème : « Expression primitive », ARTEC Montpellier, 2011 © Susanne Klein/flickr L’art-thérapie : entre alternative et fragilité L’avis de l’expert, Philippe Wulleman Psychiatre phénoménologue et art-théra- peute, Professeur invité à l’HELB L’art-thérapie s’inscrit-elle dans un processus psychiatrique ? Normalement non. Dans les ateliers de danse-thérapie, c’est le pro- cessus de création qui compte et non la psychologie du patient. La danse-thérapie est une discipline qui s’intéresse au corps : pas en tant qu’objet mais en tant que corps habité. Les danse-thérapeutes se positionnent d’ailleurs en observateurs du travail accompli et non en interprètes. Un psychiatre peut participer à un atelier de danse-thé- rapie pour soutenir le thérapeute avec des pathologies plus lourdes, mais il n’intervient jamais. La danse-thérapie, ça « fonctionne » vraiment ? Je ne peux pas certifier que ça guérit. Je pense que cela peut fonc- tionner avec des patients qui sont réceptifs à la démarche. C’est un peu comme l’hypnose : si vous n’y croyez pas, impossible de vous endormir. Ces ateliers s’adressent à toutes personnes inscrites dans un processus thérapeutique et qui souhaitent compléter leur chemi- nement par une approche plus corporelle. Les patients doivent-ils suivre les ateliers toute leur vie ? Les patients se rendent vite compte si ça les aide ou non. Beaucoup de bénéficiaires continuent d’avoir un suivi psychiatrique en complé- ment. Mais ce n’est pas le genre d’atelier que l’on suit toute sa vie. Une fois que l’on a repris confiance en soi, en son corps, on peut stopper le processus. Et reprendre à tout moment en cas de rechute. C’est une bonne alternative à la médecine traditionnelle. Le docteur Philippe Wulleman, professeur invité à l'HELB. © Ph. Wulleman SANTÉ Utiliser les arts pour guérir ses maux Danser pour oublier la souffrance U n vendredi soir, vers 19h30 à la Hulpe. Quelques fidèles se retrouvent à la Maison de la Création, Place Favresse 26. Au premier étage, Valérie André, danse-thérapeute, attend les bénéficiaires pour commencer l’atelier. Dans le studio, l’atmosphère est paisible. La lumière orangée est tamisée, le diffuseur d’huiles essentielles parfume la pièce. La salle fait penser à un petit théâtre, niché sous des combles. Le rideau rouge de velours est séparé en deux pour laisser entrer les participants dans l’atelier. Comme des acteurs qui entrent en scène. Ce soir-là, quatre femmes, plus ou moins jeunes, rejoignent le cours de danse- thérapie. Le psychiatre Phlippe Wulleman arrive à son tour. Il sera présent pour épauler Valérie André. Les ateliers coûtent 150 à 300 euros pour une dizaine de séances, souvent non remboursés par la sécurité sociale. L’échauffement commence  : «   Il faut éveiller chaque parcelle de notre corps avant de danser, pour ressentir les émotions du lobes des oreilles jusqu’aux petits orteils », explique la danse-thérapeute. Une musique indienne envahit la pièce. Les participantes laissent leur corps s’exprimer timidement. « L’improvisation est l’élément essentiel lors des séances », précise Valérie André. « Il ne faut pas contraindre le bénéficiaire mais l’amener là où il veut aller. » Danser sur « Happy » Les exercices se suivent mais ne se ressemblent pas. La danse- thérapeute alterne musiques actuelles et musiques anciennes, rythmées ou lentes. Les bénéficiaires ont alors l’occasion de danser sur «  Happy » de Pharrel Williams, en duo. « J’apprécie ces exercices à deux car on retrouve conf iance en soi mais aussi en l ’autre. Le duo, c’est de la sincérité, c’est du partage », confie Marie*, une participante. Après une heure et demie de danse, les quatre femmes ont l’air épuisé. Un exercice de relaxation conclue l’atelier. Avant de partir, Valérie André tient à recueillir le ressenti de ses « élèves ». Louise, souffre de douleurs chroniques. Elle est très émue : « Pendant l’atelier, je me sentais bien, j’ai oublié la souffrance. Mais elle revient très vite. » Claire, de son côté, n’est « pas satisfaite de son travail ». La jeune fille souffre d’anxiété sociale et n’arrive pas à s’ouvrir. Malgré quelques larmes et un peu de déception, les participantes sont reconnaissantes envers Valérie André. Un autre cours est prévu deux semaines plus tard. Toujours avec ce dessein : se sentir mieux grâce à la danse. * Les prénoms ont été changés PAULINE OVERNEY Deux fois par mois, Valérie André anime un atelier de danse-thérapie. Depuis deux ans, elle aide des personnes malades à atténuer leurs dou- leurs. Ou à diminuer leur anxiété. Objectif : trouver un « mieux-être » à travers la danse.

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  • Ne en Angleterre, lart-thrapie si elle tend tre connue en Belgique peine tre reconnue. Cette mdecine alternative prne une gurison par cration artistique. Les spcialistes se montrent prudents tout en pointant ses bienfaits.

    Daprs la dfinition de lOrganisation Mondiale de la Sant, art est quelque chose et thrapie signifie qui fait soin . Lart-thrapie sest dveloppe dans les annes 1940 en Angleterre. Adrian Hill, un artiste, est hospitali-s pour une tuberculose. Et il peint, tout le temps. Ses mde-cins dclent chez lui un tat gnral de bien-tre intrieur. Le patient a continu lexp-rience avec dautres malades. Les rsultats se sont rvls plu-tt bons. La fivre art-thra-pie a alors envahi le Canada, les tats-Unis puis la France. En Belgique, cette mde-cine alternative est encore peu connue. On nest jamais engag en tant quart-thrapeute. On peut tre embauch en tant quergoth-rapeute, en tant quartiste. Cest un mtier qui nest pas reconnu en Belgique , explique Amanda Couturier, danse-thrapeute. Et pour cause : il nexiste aucun consensus quant la dfini-tion de lart-thrapie. Une asso-ciation belge des art-thra-peutes a quand mme vu le jour lan dernier : Cest un indi-cateur. Il y a un dsir dobtenir un statut , souligne Helyett Wardavoir, directrice de la for-mation en art et thrapie la

    Haute cole libre de Bruxelles. Nos projets ont pour vocation de participer au dveloppement de l'art-thrapie et d encourager sa reconnaissance par les collectivi-ts locales et auprs des diffrentes instances dirigeantes , indique Gwendoline Husermann, administratrice de lassociation. A ce stade, lASBL est incapable de recenser le nombre exact dart-thrapeutes en Belgique. Rvler les non-dits

    Lart-thrapie est une tech-nique de dveloppement personnel et une mthode de soins psychiques non-mdicale selon Amanda Couturier. Attention ne pas la confondre avec une psychothra-pie mdiation artistique. Lart-thrapie inscrit le patient dans une uvre. La danse, par exemple, est le mdia qui lui permet daller mieux. La psychothrapie mdia-tion artistique utilise lart pour faire un travail psychologique. Or,

    un art-thrapeute ninterprtera jamais les uvres de ses patients. La f inalit, pour aller vers une gurison, restera la notion de plaisir dans la cration , affirme Helyett Wardavoir. Cette discipline se pra-tique dans tous les arts. Elle rvle les non-dits : les douleurs que lon ne peut exprimer par la parole. Ses effets principaux : retrouver une confiance en soi, laptitude dpasser les jugements dautrui et la matrise de ses motions. La fragilit de lart-thrapie

    Dans le courant de lart-thrapie, il y a la spcialisation en danse-thrapie . Une branche encore moins reprsente en Belgique. En cause : un rapport au corps qui est de plus en plus difficile dans notre socit. Pourtant, les bnfi-ciaires ne doivent pas tre danseurs professionnels. Benot Lesage, mdecin et docteur en sciences humaines a thoris la danse-th-rapie dans son ouvrage La danse

    dans le processus thrapeutique . Il confie avoir travaill avec des enfants autistes : Leur corps est disloqu, ils ne parviennent pas le coordonner. La danse leur permet de se sentir dans l espace, de sappuyer sur terre alors que, spontanment, ils sont sur la pointe des pieds. Il dnonce la fragilit de lart-th-rapie. Beaucoup dart-thrapeutes utilisent la danse comme moyen intuitif. Cest dangereux. Pour les anorexiques par exemple, il faut faire attention ne pas leur demander de se mettre par terre, on peut faire des catastrophes. La plupart des art-thrapeutes mettent effective-ment en garde contre les drives de cette nouvelle discipline : lart peut faire du bien comme du mal.

    PAULINE OVERNEY

    Le Soir mai 20141 reportage

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    Atelier de danse-thrapie anim par Ketty Ramos-Grusovin. Thme : Expression primitive , ARTEC Montpellier, 2011 Susanne Klein/flickr

    Lart-thrapie : entre alternative et fragilit Lavis de lexpert, Philippe Wulleman Psychiatre phnomnologue et art-thra-peute, Professeur invit lHELB

    Lart-thrapie sinscrit-elle dans un processus psychiatrique ?

    Normalement non. Dans les ateliers de danse-thrapie, cest le pro-cessus de cration qui compte et non la psychologie du patient. La danse-thrapie est une discipline qui sintresse au corps : pas en tant quobjet mais en tant que corps habit. Les danse-thrapeutes se positionnent dailleurs en observateurs du travail accompli et non en interprtes. Un psychiatre peut participer un atelier de danse-th-rapie pour soutenir le thrapeute avec des pathologies plus lourdes, mais il nintervient jamais. La danse-thrapie, a fonctionne vraiment ?

    Je ne peux pas certifier que a gurit. Je pense que cela peut fonc-tionner avec des patients qui sont rceptifs la dmarche. Cest un peu comme lhypnose : si vous ny croyez pas, impossible de vous endormir. Ces ateliers sadressent toutes personnes inscrites dans un processus thrapeutique et qui souhaitent complter leur chemi-nement par une approche plus corporelle. Les patients doivent-ils suivre les ateliers toute leur vie ?

    Les patients se rendent vite compte si a les aide ou non. Beaucoup de bnficiaires continuent davoir un suivi psychiatrique en compl-ment. Mais ce nest pas le genre datelier que lon suit toute sa vie. Une fois que lon a repris confiance en soi, en son corps, on peut stopper le processus. Et reprendre tout moment en cas de rechute. Cest une bonne alternative la mdecine traditionnelle.

    Le docteur Philippe Wulleman, professeur invit l'HELB. Ph. Wulleman

    SANT Utiliser les arts pour gurir ses maux

    Danser pour oublier la souffrance

    Un vendredi soir, vers 19h30 la Hulpe. Quelques fidles se retrouvent la Maison de la Cration, Place Favresse 26. Au premier tage, Valrie Andr, danse-thrapeute, attend les bnficiaires pour commencer latelier. Dans le studio, latmosphre est paisible. La lumire orange est tamise, le diffuseur dhuiles essentielles parfume la pice. La salle fait penser un petit thtre, nich sous des combles. Le rideau rouge de velours est spar en deux pour laisser entrer les participants dans latelier. Comme des acteurs qui entrent en scne. Ce soir-l, quatre femmes, plus ou moins jeunes, rejoignent le cours de danse-thrapie. Le psychiatre Phlippe Wulleman arrive son tour. Il sera prsent pour pauler Valrie Andr. Les ateliers cotent 150 300 euros pour une dizaine de sances, souvent non rembourss par la scurit sociale.

    Lchauffement commence : Il faut veiller chaque parcelle de notre corps avant de danser, pour ressentir les motions du lobes des oreilles jusquaux petits orteils ,

    explique la danse-thrapeute. Une musique indienne envahit la pice. Les participantes laissent leur corps sexprimer timidement. Limprovisation est l lment essentiel lors des sances , prcise Valrie Andr. Il ne faut pas contraindre le bnf iciaire mais l amener l o il veut aller. Danser sur Happy

    Les exercices se suivent mais ne se ressemblent pas. La danse-thrapeute alterne musiques actuelles et musiques anciennes, rythmes ou lentes. Les bnficiaires ont alors loccasion de danser sur Happy de Pharrel Williams, en duo. Japprcie ces exercices deux car on retrouve confiance en soi mais aussi en l autre. Le duo, cest de la sincrit, cest du partage , confie Marie*, une participante.

    Aprs une heure et demie de danse, les quatre femmes ont lair puis. Un exercice de relaxation conclue latelier. Avant de partir, Valrie Andr tient recueillir le ressenti de ses lves . Louise, souffre de douleurs chroniques.

    Elle est trs mue : Pendant l atelier, je me sentais bien, jai oubli la souffrance. Mais elle revient trs vite. Claire, de son ct, nest pas satisfaite de son travail . La jeune fille souffre danxit sociale et narrive pas souvrir. Malgr quelques larmes et un peu de dception, les participantes sont reconnaissantes envers Valrie Andr. Un autre cours est prvu deux semaines plus tard. Toujours avec ce dessein : se sentir mieux grce la danse.

    * Les prnoms ont t changs

    PAULINE OVERNEY

    Deux fois par mois, Valrie Andr anime un atelier de danse-thrapie. Depuis deux ans, elle aide des personnes malades attnuer leurs dou-leurs. Ou diminuer leur anxit. Objectif : trouver un mieux-tre travers la danse.

  • Le Soir mai 2014

    reportage 2

    Vocation : art-thrapeuteLa formation en art et thrapie la Haute cole libre de Bruxelles (HELB) est unique en son genre. Seul ce diplme est reconnu par la Fdration Wallonie-Bruxel les. Depuis 2008, une vingtaine d tu-diants se succdent chaque anne pour devenir des a r t - th r apeute s . He l ye t t Wardavoir, directrice de la formation explique que le recrutement est trs slectif . Les candidats doivent avoir un bachelier et doivent rpondre d une exprience artistique. Si les postulants nont pas de casquette artistique, ils ne peuvent pas suivre la forma-tion car on ne leur apprend pas tre artistes mais se per fec-tionner dans leur art , ajoute la directrice. Les futurs art-thrapeutes viennent de tout horizon : sciences de l duca-tion, sciences sociales, tudes paramdicales Ils sont aus-si peintres, danseurs, plasti-ciens Le cursus spcialis

    de la HELB dpend du minis-tre de lEnseignement et du ministre de la Sant : On a des comptes rendre sur les contenus de la formation, sur les approches pdagogiques , pr-cise Helyett Wardavoir.

    Mettre son art au service du patient

    Cette spcialisation en art et thrapie dveloppe les com-ptences ncessaires la mise en uvre dun projet artistique

    dans des milieux daccueil, d'aide et de soin (MAAS). Ici, il ne sagit pas de recruter de par-faits psychologues. Llve doit avoir des notions d animation de groupe et mettre son art au service du patient , souligne Helyett Wardavoir. Les professionnels de lart-thrapie remarquent quil est plus difficile de trouver des danse-thrapeutes : Le rapport au corps chez une personne psycho-logiquement malade est trs com-pliqu. Peu d tudiants osent abor-der cette complexit.

    Les institutions mdicales ont de plus en plus confiance dans une approche thrapeu-tique par l art. Dailleurs, la formation semble sduire davantage les tudiants malgr le manque de reconnaissance professionnelle. Ils voient dans lart-thrapie la mdecine de demain.

    PAULINE OVERNEY

    Logo de la Haut cole Libre de Bruxelles. L o les tudiants peuvent suivre le cursus d'art et thrapie. HELB

    tudiantes lHELB, elles ont choisi la danse-thrapie

    Sabrina Cavaglia, 33 ans, Italie

    Je fais de la danse-contacte

    Jtais restauratrice duvre darts en Italie depuis 13 ans. Je voulais travailler avec des gens car il ny avait aucune socialit dans mon mtier. Avec une formation aux

    beaux-arts et mon dsir daider les gens : je me suis tourne vers lart-thrapie. Je suis venue en Belgique car la formation en Italie dure 3 ans : cest beaucoup trop long et trop cher. A la HELB, il y a une bonne ambiance, cest trs familial. Pour linstant, je fais de la danse-contacte : pour cas-ser les prjugs physiques. Il faut savoir que lon na pas peur de toucher lautre et de se faire tou-cher. En a, je pense que la danse peut tre un nouveau moyen pour moi dexplorer autre chose. Je veux travailler la confiance et le respect dans la danse-thrapie. Jai dj rencontr des personnes atteintes dAlzheimer. Jaimerais recommencer un atelier dart-th-rapie avec ce public-l.

    Sachiyo Honda, 51 ans, Japon

    Je travaille d'abord le Buto

    Jai tudi luniversit de Tokyo en section peinture. Je suis deve-nue dessinatrice de sacs. Je suis venue en Belgique avec mon ex-mari lpoque. Au moment de

    mon divorce, je ne me sentais pas bien, jtais dprime et jai com-menc la danse avec un atelier de Buto (danse du corps obscur en japonais). Jai aussi appris la musique en improvisation. Dans la peinture, je ne me sentais plus ma place. Et jai aussi quitt mon travail de dessinatrice. Jai t surprise de me retrouver dans la danse et la musique. Cest en dansant que jai lch prise. Mais le travail du Buto tait trop artis-tique, je voulais explorer un travail thrapeutique. Comme je navais pas de formation, jai postul lHELB. Ce cursus me permet dexplorer la danse-thrapie avec toutes les techniques que jai dj emmagasines.

    Amandine Lonard, 25 ans, Belgique

    J'aimerais travail-ler dans le milieu car-

    cral Jai fait des tudes de scnogra-phie pendant 3 ans. Je suis ren-tre dans lart 19 ans. Jai com-menc avec le collectif Zinneke

    Parade avec des artistes. Le but est de mlanger les publics et de les rassembler dans la cration. Ce projet est all trop vite pour moi et jai fait un burn-out. Je me suis enferme dans la cration. Jai pris quelques mois pour me recons-truire et jai postul la forma-tion en art et thrapie. Ctait vraiment ce que je recherchais, jai vu la ncessit de se mouvoir phy-siquement : cest source de trans-formation. Au niveau de la danse-thrapie, je commence un chemin. Je suis au dbut dun apprentis-sage. Par le corps il peut se pas-ser beaucoup de choses, les exp-riences sancrent dans le corps. Il faut tre connect avec son corps et analyser ce quil se passe. Mon objectif est daller travailler dans le milieu carcral, a peut tre passionnant.

    P. O P. O P. O

    Je sens que lart a un pouvoir incroyable THRAPIE Amanda Couturier est danse-thrapeute depuis 6 ans. Cette belge dadoption a cr en 2010 Art-T, une formation en arts de scne avec un cursus art-thrapie , une mthode qui permet de soigner par le mouvement .ENTRETIEN

    Quel est votre parcours profes-sionnel ?

    A la base, je suis danseuse clas-sique et jazz. Jai poursuivi en contemporain au CNDC (centre national de danse contemporaine) dAngers en France. Aprs, je suis venue en Belgique o jai entrepris des tudes dergothrapie. Javais le dsir dapprocher lart-thrapie. Je suis donc rentre la Haute cole libre de Bruxelles en 2008 o jai suivi la formation en art et th-rapie. Mon diplme en poche, jai travaill dans des centres en tant quergothrapeute et jai fond las-sociation Art-T. Pouvez-vous nous en dire plus sur Art-T ?

    Jai co-fond Art-T en 2010 avec Christophe Vander qui est aussi art-thrapeute. Cest un centre de formation en arts de scne o je donne des ateliers en danse-th-rapie. Notre but : crer une struc-ture professionnalisante en art-thrapie. On trouvait que cette discipline ntait pas assez bien reprsente en Belgique. Cette

    formation rpond notre dfi-nition de lart-thrapie. On met au centre le processus cratif et non le travail psychologique sur les patients. Cest pour cette rai-son que lon a mont Art-T au sein dune cole dart et non dun hpital. Finalement, quest ce quun bon danse-thrapeute ?

    Cest avant tout un artiste. Sil nest pas artiste, il nest pas art-thra-peute car il ne connat pas le pro-cessus artistique. Et cest ce pro-cessus artistique qui est la nourri-ture (ou pas) de la gurison.

    Pendant ma carrire, jai rencon-tr beaucoup de thrapeutes qui avaient envie dutiliser le mdia - lart - dans leur profession. Mais cela sappelle une activit thra-peutique mdiation artistique. Lart-thrapie, cest un autre pro-cessus et on le redfinit dans notre association.Pourquoi y-a-t-il moins de danse-thrapeutes que dart-thra-peutes ?

    Je ne lexplique pas. Il y a surement une facilit dans lart plastique.

    La danse demande une exigence, de la rigueur. Cest trs dur dtre autodidacte dans ce genre de dis-cipline car le corps est dsinvesti et a fait peur. Les gens ne sexpri-

    ment plus avec leurs corps. Cest dailleurs pour cela que jai appel mon atelier osez la danse-thra-pie . Forcment, il sera plus diffi-cile pour un anorexique de se tour-

    ner vers la danse plutt que vers la peinture car la personne a peur de savoir ce que son corps a lui direTout le monde est susceptible de gurir par lart thrapie ? Oui. Jai travaill avec beaucoup de publics (autistes, nvross, mon-sieur et madame tout le monde , handicaps) et a fonctionne avec tout le monde. Par contre, il faut une demande en face. On noblige jamais quelquun entrer dans un processus de gurison par art-thrapie si la personne nen a pas envie ou ny croit pas. Lobjectif de lart-thrapie est daller vers un mieux-tre . Et pour la danse thrapie, limportant est de danser avec le patient et non de le regar-der danser.On se tourne vers lart-thrapie quand on a tout essay ?

    Je pense que ce sont des gens qui ont envie dessayer de se trouver autrement quen passant par la gurison par la parole ou pas les mdicaments. Il y a des patients qui viennent chercher lart-thra-pie et dautres qui viennent sim-plement chercher de lart. Mais

    je crois que cest surtout un choix personnel du patient qui corres-pond mieux ce dont il a besoin.

    Avez-vous un souvenir mar-quant ?

    Jai travaill dans une institution pdopsychiatrique qui accueille des enfants autistes. Jai explor le mouvement en petits groupes. Ctait une approche diffrente car lautisme se penche aussi sur la relation : comment on arrive communiquer autrement par le mouvement et se rencontrer dans la corporalit. Ctait une exp-rience trs constructive et trs dure car il fallait se contenter des rsultats sur le moment prsent. Le lendemain, les enfants pou-vaient ragir dune toute autre faon. Mais je peux certifier : lart-thrapie a fonctionn avec eux. On a pu ressentir des choses, entrer en relation dans la crati-vit.

    Propos recueillis par PAULINE OVERNEY

    Amanda Couturier a toujours voulu tre danse-thrapeute. Mais elle nou-blie pas de se faire plaisir en tant aussi artiste-chorgraphe. Christophe Vander/Art-T