autour des romans de michel henry

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LUMIÈRE DE LA CLANDESTINITÉ Michel Henry Grégory Dominé « PHÉNOMÉNOLOGIE ET ŒUVRE LITTÉRAIRE » COLLOQUE INTERNATIONAL ORGANISÉ PAR JÉRÔME DE GRAMONT INSTITUT CATHOLIQUE DE PARIS 16-17 FÉVRIER 2012 LUMIÈRE DE LA CLANDESTINITÉ TEXTE DE LA CONFÉRENCE AUTOUR DES ROMANS DE MICHEL HENRY

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  • LUMIRE DE LA CLANDESTINIT

    Michel Henry

    Grgory Domin

    PHNOMNOLOGIE ET UVRE LITTRAIRE

    COLLOQUE INTERNATIONAL ORGANIS PAR JRME DE GRAMONT INSTITUT CATHOLIQUE DE PARIS

    16-17 FVRIER 2012

    LUMIRE DE LA CLANDESTINIT TEXTE DE LA CONFRENCE

    AUTOUR DES ROMANS DE MICHEL HENRY

  • 2

    LUMIRE DE LA

    CLANDESTINIT

    Le jeune officier, Gallimard, 1954.

    LAmour les yeux ferms, Gallimard, 1976, Prix Renaudot. Le fils du Roi, Gallimard, 1981.

    Le cadavre indiscret, Albin Michel, 1996.

    ne vivons-nous pas dans un perptuel prsent ? Sommes-nous jamais sortis de ce-

    lui-ci ? Comment le faire si nous sommes des

    vivants, invinciblement joints eux-mmes

    dans la Vie qui ne cesse de se joindre soi

    de sprouver soi-mme dans la jouissance de

    son vivre, dans la chair indchirable de son

    Affectivit originaire , tissant inexorable-

    ment la trame sans faille dun ternel pr-

    sent ? Lternel prsent vivant de la Vie, la

    Demeure quelle sest assigne elle-mme

    la Demeure de la Vie en laquelle tout est

    vie, hors de laquelle aucune vie nest possible

    , cest donc aussi la ntre, celle de tous les

    vivants. Cest la raison pour laquelle il y a

    tant de places dans cette Demeure 1.

    i chaque roman de Michel Henry raconte lhistoire de la vie 2 , cette

    histoire nest pas et ne peut tre anonyme : de mme en effet que la vie

    nest telle qutant celle de chacun, vivant auquel se voit confi une

    place unique, royale, que la vie abreuve dabsolu concret, appelle du

    nom dindividu, et la fois re-lie du lien dessence commun chacun qui est

    dtre reu en la Vie, le personnage porte le rcit romanesque. Il sagira donc en

    outre de voir que lhistoire de la vie chappe la totalit quest la dialectique

    1 Michel Henry, Incarnation. Une philosophie de la chair, Seuil, 2000, 91. 2 Ce que je raconte en effet est lhistoire de la vie [ ]. (Ibid., Narrer le pathos , entretien avec

    Mireille Calle-Gruber, 1991. Rd. Phnomnologie de la vie III, PUF, 2004, 311.)

    S

  • 3

    gnrale, factuelle pourtant de lHistoire du Monde. Ntant rien de dialectique,

    soustraite la synchronie du temps, lhistoire de la vie sera pathtique. Aussi le

    roman devra selon Henry narrer le pathos , porter tmoignage () de la

    Passion quest la Vie, sans exclure le martyrologe. Histoire sera donc la trame

    daffectivit comme tapisserie, tissu ou texte enchevtr au palimpseste de la

    chair. Chair de la corporit subjective qui nest pas le versant obscur dun corps-

    objet premier ouvert la reprsentation. Ainsi ce que dveloppe limaginaire ro-

    manesque y reste envelopp, touche, pouse, exprime directement comme la musi-

    que ou la peinture ce que la spculation nvoque quau prisme dun langage

    reflt au miroir du monde. Nest-ce alors dfier lapparatre octroy ce monde

    que de raconter lHistoire de la Vie lpreuve de la parole de la Vie, rvler non

    seulement que lapparatre reste au monde irrductible, mais contester ce que

    lon nomme communment monde toute ralit que de relater le textile de la

    Passion que le jour nexhibe quau revers du ngatif ? Nest-ce crire le Je dun

    cogito antrieur au premier cart de la diffrence, regagner le commencement

    perdu de lapparatre quobnubile, accapare lapparence, ramener toute prten-

    tion de ce qui apparat au simulacre de la rvlation ? Si Descartes peut tre tenu

    pour le vritable fondateur de la phnomnologie 3, cest encore parce que le

    suspens quil est difficile de continuer dappeler radical 4 de la tradition

    que souhaite accomplir la mthode enraye la conception occidentale de lappara-

    tre, prise la commune entente de la parole captive du jour paru. La rduction

    pochale de la structure de la parution, dessence apophantique reprsentation

    courante devenue, restitue la rvlation au Je a-mondain. Aussi la persistance

    ontologique la difficile autant que nouvelle attitude requise par la rduction a

    prcisment trait la modalit tout autre dapparatre. En cela le geste de haute

    exigence auquel engage la phnomnologie matrielle, dprise de la phnomno-

    logie hyltique, sera rvolutionnaire, toffe de feu, lequel te au langage accord

    au dsastre de la parution, vou au jour lev, le pouvoir daccaparer la rvlation.

    Le textile de la Passion de lHistoire de la Vie chappe la structuration apophan-

    tique de la d-claration, laquelle porte la crise, dcisive donc, de la civilisation

    occidentale, et qui nest autre que la participation platonicienne tablie au partage

    entre onoma & rhma. Affrente au trac littral autant que linaire de la gram-

    3 Cf. Ibid., Phnomnologie de la vie IV, PUF, 2004, 97 : Le christianisme : une approche ph-

    nomnologique ? Henry rappelle encore lcoute vigilante du procd rvolutionnaire quexige

    la mthode, suspens radical, altration de ce que Husserl appelle attitude naturelle face au

    monde : A-t-on prt suffisamment attention au fait [ ] que le COGITO ne saccomplit quavec

    lPOCH du monde, avec la mise hors jeu non seulement de tout ce qui est mais de la phnomna-

    lit du monde comme tel, savoir le Dimensional extatique auquel la pense emprunte sa possibi-

    lit et saccorde depuis la Grce ? (Ibid., Gnalogie de la psychanalyse. Le commencement per-

    du, PUF, 1985, 6.) 4 Dpouser la plnitude dabme, la rduction rcuse par consquent toute radicalit affrente un

    sol ontologique, prcisment auxiliaire, lequel porte par ailleurs la confusion originaire de la rv-

    lation une confusion ordinaire.

  • 4

    maire de la participation, la dlimitation spculative de la dialectique au cr-

    puscule dAristote, circonscrite au possible du langage comme nonc du monde,

    dlimite le possible mme de la philosophie.

    Du prestige octroy ce que Descartes y verra de fable conscutive lalluvion

    bimillnaire du monde au miroir de son langage, la nuit sera donc la rplique, lin-

    visible mme comme in-dicible, la transcendance dune -vidence naturelle. Au

    point que la dessaisie ou d-ception du assign au soir venu de la struc-

    turation apophantique, laquelle reporte lInvisible comme lessence de la mani-

    festation, absolu auquel nest plus oppos le seuil rflexif dun visible originaire

    dont lin-visible serait au mieux la rplique, et lin-dicible le revers dun langage

    de toute ostension, engage la patiente rduction du sdiment fig de la tradition 5.

    Impression sans rfraction, tel est le secret de tout acte drob la dualit de la

    parole du monde captive du visible :

    Quil sagisse du jene, de la prire, de laction bonne ou mauvaise, ces diverses

    activits chappent au monde visible, saccomplissant l o elles demeurent inconnues

    des autres : dans le secret 6.

    En le secret nest-il donc aucune csure de lacte avec la contemplation :

    La vie est donc praxis, elle est par essence la vie active. [ ] La vie contemplative

    nest en soi pas moins praxis que la vie active, elle est donc le Mme 7.

    Que le tissu de tout acte brle au secret de la crypte, dont aucun langage dapo-

    cryphicit ne saurait tmoigner, devant pour ce faire quitter ltreinte dont il aurait

    scruter le souvenir, rappelle la phnomnalit paradoxale du hros, celle de

    Dionysos donc, comme du simple ou du fianc de la Parousie pous la nuit,

    retranch de la clart sans faveur du jour qui nest autre que la diffrence gnrale

    au fronton de la cit superbe. La gnralit de la diffrence du jour lev par lequel

    5 Je rappelle telle proposition fondamentale : toute vie est invisible, linvisible est lessence de la

    vie. (Ibid., Lessence de la manifestation, PUF, 1963, 50. Rd. 2011, 556.) Prcisment par-

    ce quil nest pas le concept antithtique de la phnomnalit, linvisible nest pas non plus celui

    du visible. (Ibid., 51, op. cit., 557.) 6 Ibid., Paroles du christ, Seuil, 2002, 25. Cf. Ibid., Phnomnologie de la vie III, op. cit. 159-160 :

    La vie et la Rpublique . [ ] [ ] : [ ] dans le secret [ ]. (Matthieu 6 4.) [ ]

    [ ]. [ ] et votre vie est cache avec le Christ en

    Dieu. (Colossiens 3 3.) Jadopte par dfaut, pour la seconde alliance, et pour men tenir aux limi-

    tes de la prsente communication, la TOB. La question de la traduction et de la rception de

    lvangile grec (comme passage du texte au codex autant que calque de loriginal fantme hbreu,

    de mme que la traduction vulgate) engage linfini du commentaire : cest un livre. 7 Michel Henry, Phnomnologie de la vie IV, op. cit., 29 : La question de la vie et de la cultu-

    re . Ainsi, cest dans la parfaite intriorit de Dieu que consiste lAction, la perfection de

    lacte. (Ibid., Le bonheur de Spinoza, PUF, 2004, 109.) Lcoulement de lme en Dieu est un

    acte. (Jeanne M. Guyon, La vie par elle-mme 3 [14], Honor Champion, 2001.)

  • 5

    dbute la tragdie assigne au visible le prestige de lapparatre, comme toute rali-

    t : la diffrence sourd au soleil de gloire dtach de la plage vide dvnement

    quest la nappe unitaire de laube, dploie le jour analogique au bien. Or le secret

    en lequel rside le hros dvoile que le monde, simulacre de rvlation, prsuppo-

    se limmdiation sans mmoire dune donation antrieure toute origine, en la-

    quelle ruisselle tout acte prouv comme tel, subjectivement 8.

    Lapparatre pr-originaire tout vestige nest donc rien dun premier cart :

    lInvisible nest pas la transcendance du visible, la rplique analogique dun

    original au revers de la paroi ; lInvisible est la rvlation, la nuit sans distance de

    ltreinte, le penser tragique de plnitude.

    Reprenons et prcisons : la dtresse relative la facture apo-phantique de

    lnonc discursif rapport ce quil prtend rfrer, tenu pour la seule forme de

    langage au prjudice de toute autre forme possible 9, conjecture la diffrence,

    talon de vrit assimil au jour lev de la cit. La dis-location quest la di-

    frence, la clart neutre, tierce du de Platon 10, pralable la vision

    du royaume ddoubl au trac de la ligne, est donc -vidence : diaphanit de la

    diffrence, laquelle prside au partage de la facult de voir avec le visible 11.

    Aussi la structure de la proposition dclarative nest autre que celle de la clart du

    jour comme diffrence : lostensivit de la diffrence correspond la substitutivit

    de la d-claration, laquelle suppose ce quelle dsigne. Distincte de ce quelle

    laisse voir comme de tout jugement vrai ou faux, la dhiscence de la diffrence est

    8 Et de nouveau nest-ce que le prestige accord lextriorit de la diffrence rsulte de la consti-

    tution mme de la grammaire de la participation, fluence verbale ayant pntr la saturation vo-

    catoire du substantif ? la frontire entre onoma & rhma se tient donc le participe prsent sub-

    stantiv, station de lin-stant comme tant : . La nouaison du point chute au participe voue le

    flux de la temporalit au premier cran dextriorit, ouvre au temps comme monde. Or nest-ce de

    la fracture dyadique subsquente au trac de la ligne platonicien, lequel va ddoubler le royaume

    de la manifestation entre le visible () et lIntelligible (), de laquelle rsulte le presti-

    ge accord lextriorit dune clart sans faveur et le logocentrisme comme apophanticit ,

    ft-elle analogique au Bien ? En toute probit hermneutique, la fuite de la ligne du temps, trac

    dhorizon au langage doxique, frange versatile dcume la surface ocane, divise lUnit de la

    foudre dHraclite. cet gard en dpit bien entendu de la rigueur comme de laudace dune

    mthode, et des chemins particuliers quelle aura emprunts , la phnomnologie historique na

    peut-tre pas suffisamment dsenchant le halo de dtresse rverbr du soir grec, quil sagisse de

    lintentionalit husserlienne ou du dimensional extatique heideggrien. Michel Henry cherchera

    donc lucider, au fil de la dconstruction de la phnomnologie historique, la carence phno-

    mnologique de la pense occidentale, laquelle, en fait de phnomnalit, ne connat que lappara-

    tre ek-statique du monde. (Michel Henry, Phnomnologie de la vie III, op. cit., 158 : La vie et

    la Rpublique .) Jappelle philosophie occidentale celle dont le logos est la phnomnalit du

    monde et repose sur elle. (Ibid., Phnomnologie matrielle, PUF, 1990, 130.) 9 . Quand il y a dis-

    cours, ce doit tre un discours qui porte sur quelque chose ; un discours qui ne porte sur aucune

    chose est impossible. (Platon, Le Sophiste 262 e, trad. Nestor L. Cordero, Flammarion, 1993.) 10 Ibid., La Rpublique VI 507 e. 11 [ ] [ ]. (Ibid.)

  • 6

    la vrit comme vrit aperte : a-prit veut dire ouverture, horizon ou claircie.

    Indiffrence de la diffrence quant la totalit possible ou pensable, tout fait con-

    tingent, tranget du jour lev quant ce quil claire, par lequel, en outre, den-

    gager le diffr de la prdication, commence la possibilit de la feinte : la diapha-

    nit du tiers ordre de la di-frence ouvre sans gard la duplicit.

    Or ce dont le jour est la diffrence, cest ce quil escompte et ajourne, savoir

    la passivit im-mdiate de la rvlation, que le roman a vocation dexprimer.

    Immdiate veut dire : antrieure tout penser envisag au mdian r-flexif de la

    reprsentation, im-mdiation reconnue en ltreinte sans distance de lImmmo-

    rial, qui par l-mme est lInoubliable. La rvlation est donc la donation, que

    signe le dlaissement pour le don reu en plnitude.

    Aucune donation quest lapparatre nadvient par consquent de la diffrence

    du jour ni nentre en relation avec elle, toute perception de la forme, couleur,

    chaleur, douleur ou clameur. Et cest la phnomnologie que revient la tche de

    dsensorceler le crdit port la gloire du soleil 12, dlucider limpuissance de la

    diffrence lpreuve de la donation, laquelle, antrieure la reprsentation

    comme la ngativit de la conscience, poids qui nest que poids damour, consa-

    cre la Personne : a-mnistie de lInamissible en la chair invisible davant tout veil,

    assutude au prsent sans aura.

    Le prsent confr est donc consubstantiel qui le reoit : telle est la condition

    filiale de lHomme, hritier dune royaut sans empire, dindfectible treinte re-

    vtu, que Michel Henry approfondit la mditation de la christologie johannique.

    Aussi la difficile conomie de la gnration du Fils consubstantiel au verbe divin,

    laquelle souhaite rpondre de lantriorit an-archique de la susception contem-

    poraine absolument de lantriorit, porte au grec contre le grec la dramaturgie

    rvolutionnaire du prsent : le prsent demeure tranger la ponctualit, au gra-

    phe assch au point sur la ligne, et que figure lin-stant traditionnel la reprsen-

    tation. Il est donc dcisif dtablir la distinction de la plnitude de la rptition,

    avant comme avent sans vent gal au seul rel du prsent confr au Je, davec

    la reprsentation courante du prsent comme prsant assimil au seuil ou au deuil

    de lin-stant chu de futur pass. Autre figure essentielle de la fable dAliahova,

    Ossip dira donc Sahli, Nadejda et Deborah :

    Cest pourquoi linstant nest pas non plus quelque chose de fugitif, quoi il fau-

    drait sagripper. travers son clat brille la puissance qui le pose et ne cesse de le po-

    ser 13.

    12 Un corps peut-il penser ? Une tendue en longueur, largeur et profondeur peut-elle raisonner,

    dsirer, sentir ? Non sans doute : car toutes ces manires dtre ne consistent que dans des rapports

    de distance ; et il est vident que ces rapports ne sont point des perceptions, des raisonnements, des

    plaisirs, des dsirs, des sentiments, en un mot des penses. (N. Malebranche, Entretiens sur la

    Mtaphysique et la Religion I 1.) 13 Michel Henry, LAmour les yeux ferms, Gallimard, 1976. Rd. ROMANS, Encre Marine ,

    2009, 226. La rvocation dun prsent rduit au point chute de lin-stant, laquelle engage llucida-

  • 7

    Le prsent de la donation consubstantiel au donataire quest le Je est donc

    lIpsit, lection comme sujtion sauve de toute emprise du ngatif 14.

    Aussi la lecture henryenne de la passivit virginale de la naissance, reprise au

    prologue vanglique johannique comme Eckhart, rapporte la dichotomie de la

    rvlation quest lapparatre avec le simulacre dapparatre du monde. La prc-

    dence de la rvlation scripturaire sur ce que le natre de la nature porte dclo-

    sion, la naissance du vivant de la Vie la Vie conteste la naissance biologique

    toute recevabilit 15.

    Ainsi ce que subjugue la fable du monde nest autre que la naissance au verbe

    royal, pr-cdence damour du prsent. La naissance amoureuse, i. e. acosmique,

    i. e. an-archique au verbe divin dsigne la naissance du Je : notre naissance est

    une naissance au Livre, il nen est pas dautre. Ipsit de la naissance Dieu que

    Jean va entendre, reprendre de la parole au soir commenc de la Passion : -

    16.

    La recollection passionnelle du Je pouse donc la donation, laquelle nest et ne

    peut tre autre que lui : oubli de lInoubli quoffusque tout projet intr-ess de

    ltre conjectural au don. De sorte que de loubli de loubli perce la nature de

    lgosme, gicide du pur ego de Fils pour le soin vou au monde 17.

    Le commandement du Je au commencement davant tout commencement,

    commandement damour, entend donc la pr-destination comme pr-dilection :

    tion de la passivit de la rptition comme donation de la puissance faite au Je de lAffectivit,

    Henry en trouvera notamment la formulation chez Kierkegaard. Cf. Ibid., Lessence de la mani-

    festation, op. cit., 70. 14 De la susception torrentielle du prsent quest le Je tmoigne ce quil serait peut-tre convenu

    dappeler la parole phnomnologique la plus ancienne et nanmoins toujours venir, la parole

    de pit juive du Shir Ha-Shirim ou du Sefer Tehilim, laquelle fond la rvlation de Dieu

    ltreinte indfectible du Je : (.[Psaume 42 [7) . 15 De la gnration passive de lIpsit irrductible toute venue dans le monde, antrieure la

    nature, retiendra-t-on le soliloque liminaire du fils du Roi : De la haute range de peupliers qui

    limite la pelouse, une feuille se dtache et descend lentement, tournant sur elle-mme jusquau

    gazon o elle se pose sans bruit. Les arbres frmissent, une autre feuille tombe, le vent dautan les

    arrachera toutes. Et puis le printemps reviendra, blondira les branches, les bourgeons exploseront

    et tout recommencera. La nature est ternelle, mais moi je le sais et je suis plus ancien quelle. Une

    joie sans limites menvahit. (Michel Henry, Le fils du Roi, Gallimard, 1981. Rd. ROMANS, op.

    cit., 365.) Natre, ce nest pas venir dans le monde. Natre, cest venir dans la vie. (Ibid., Cest

    Moi la Vrit, Seuil, 1996, 79.) 16 tu mas aim avant la fondation du monde. (Jean 17 24 ; trad. lgrement modifie.)

    Parole adjointe la pr-cdence de lIpsit sur lengendrement abrahamique : : avant quAbraham ft, Je Suis. (Ibid. 8 58.) De lantriorit immdiate de

    la naissance au Prsent consubstantielle au verbe divin tutoy, rapprochera-t-on encore la parole

    du christ du psaume : Tu es mon fils bien-aim ; aujourdhui je tai :

    engendr. (Psaume 2 7.) Cf. PAROLES DU CHRIST, op. cit., 149. 17 En rsum souci escamote oubli : Dans le Souci, loubli par lhomme de sa condition de fils

    revt sa forme extrme. (Michel Henry, Cest Moi la Vrit, op. cit., 185.)

  • 8

    lamour, ou bien encore lexigence thique de notre sjour, est ce qui commande,

    et nest pas une consquence. Aussi la rvlation johannique de la subjectivit

    consubstantielle Dieu va engager, tel le fil dor pareil au filigrane secret de la

    tradition, insue delle, sinon delle honnie jusqu vouer Hallj ou Porete au

    supplice, la forme neuve de toute parole autre quapophantique : confession

    dAugustin, sermon dEckhart, immdiation cartsienne du penser 18, torrent de

    Madame Guyon, comme ce que Mallarm retrouva de la symbolique des lois de

    lhospitalit dlaissant la cosmologie de lexplication mtaphysique, ou ce que la

    partie crite, apophatique du trait wittgensteinien, dvolue la clture de la pro-

    position dclarative, laissera affleurer dune partie tacite, abme du Je a-mondain

    in-dicible la surface de la phrase 19.

    La prcdente digression contribue en outre faire voir que la donation imm-

    diate, intrieure quest le prsent du Je, carte toute effectivit la mta-phore 20.

    Or quest la dissipation de la mta-phore sinon leu-charistie, action de grces

    comme gratitude, partage de symbole au soir venu de tout acte, dfaite de la csu-

    re de la thorie avec la pratique au jour entre-tenue. La topologie henryenne

    affectionne la recollection crpusculaire :

    Jai toujours aim ce moment o les derniers rayons du soleil deviennent horizon-

    taux et illuminent soudain tous les obstacles quils rencontrent, les entourant dune au-

    role de clart et dor 21.

    Du secret eu-charistique de tout acte, lequel co-mmore le prsent de la passion

    la rptition dun signe soustrait au dehors, le soir sera donc le trne privilgi.

    La brillance vesprale restaure ce que le jour a disloqu. La conscration eucha-

    ristique, laquelle rvoque la similitude rciproque la disjonction primordiale

    18 Par le mot de penser, jentends tout ce qui se fait en nous de telle sorte que nous lapercevons

    immdiatement par nous-mme ; cest pourquoi non seulement entendre, vouloir, imaginer, mais

    aussi sentir, est la mme chose ici que penser. . Cogitationis nomine, intelligo illa omnia, qu

    nobis consciis in nobis siunt, quatens eorum in nobis conscientia est. Atque ita non modo intelli-

    gere, velle, imaginari, sed etiam sentire, idem est hc quod cogitare. (R. Descartes, Principes de

    la philosophie I 9. AT IX [2] 28 & VIII 7.) 19 Das Ich, das Ich ist das tief Geheimnisvolle ! Le Je, le Je, voil le profond mystre !

    (L.Wittgenstein, Tagebcher 5.8.1916. Cf. LW WERKAUSGABE BAND 1, Suhrkamp, 1984. Trad. G.-

    G. Granger, Carnets 1914-1916, Gallimard, 1971.) Das Subjekt gehrt nicht zur Welt, sondern

    es ist eine Grenze der Welt. (Ibid., Tractatus logico-philosophicus 5.632.) Le sujet nappartient

    pas au monde, mais il constitue une limite du monde. (Trad. P. Klossowski, Gallimard, 1961.) 20 Ce quexprime avec bonheur la formule suivante dAugustin, secret de la joie toute de rjouis-

    sance au dme seigneurial, dominical de plnitude, symbolique du sjour sans mta-phore : [ ]

    requies Dei requiem significat eorum qui requiescunt in Deo, sicut laetitia domus laetitiam signifi-

    cat eorum, qui laetantur in domo [ ]. [ ] le repos de Dieu, cest le repos de ceux qui se reposent

    en Dieu ; comme la joie de la maison est la joie de ceux qui se rjouissent dans la maison. (S.

    Augustin, De Civitate Dei XI 8, trad. L. Moreau, Seuil, 1994.) 21 Michel Henry, Le jeune officier, Gallimard, 1954. Rd. ROMANS, op. cit., 114.

  • 9

    quengage toute ressemblance, brise le seuil de la vision co-gnitive, ordonne,

    institue la liturgie du vrai sang 22.

    Aussi la dramaturgie de lImmanence, la rptition de leu-charistie noue

    lAnnonciation la rsurrection, la perptuelle re-naissance virginale la pr-

    dilection du prsent ternel concret :

    En arrire des choses se tient la puissance qui les produit. Chaque homme au plus

    profond de lui-mme cache une source secrte. Je descendais lentement lescalier aux

    marches luisantes qui conduit jusqu elle. Immerg dans leau pure de la force et

    port par elle, tendant les bras et mtirant de tout mon long, je ne fus plus quelle, elle

    dferlait travers moi, ruisselait le long des lignes de mon corps, emplissant tout mon

    tre de son vacarme torrentiel 23.

    Si le prsent veut dire la contemporanit, la contemporanit nest telle, a-t-on

    pu observer, quen la consubstantialit de la rvlation quoffuque la diffrence

    gale au temps du monde. Le prsent nest donc pas lactuel, mais lImmmorial

    a-donn sans mdiation, et comme tel lInoubliable. La donation reste dpourvue

    daucun pouvoir dcarter ce quelle donne sans rserve, i. e. de verser au moyen

    du monde. Or justement le roman de la subjectivit clandestine sera le roman de

    la communaut, de toute communaut possible, que le pome du monde, le m-

    dian ou le milieu de la diffrence voue la parade : toute communaut vritable,

    im-mdiate la contemporanit consubstantielle au prsent, unique toffe de tout

    tre, re-ligieuse donc, sera donc invisible 24, a-cosmique. Le fil tnu dune gna-

    logie paradoxale la retrouve, comme de continuit apostolique, anachronique,

    dissminante toute synchronie, aux syrtes de Nysse ou Milan, Neubourg ou Gra-

    teloup, Silvaplana, Skjolden ou Aliahova, vibrante au citoyen venu de loin, Denis,

    Ossip ou Sahli, mancip de la pesanteur de la tradition, ayant le Livre pour com-

    pagnon dexil.

    La communaut nest donc rien dextatique, pas davantage que la subjectivit :

    la vacuit absolue de ce que la spcularit henryenne appelle lEk-stase

    rpond la plnitude sans quittance de la donation, invisible, le regard confidentiel

    de lamour, le royaume amondain du Je 25.

    Ainsi donc ce qui arrive lindividu nest rien de ce qui arrive (ou narrive pas)

    dans le monde, auquel, prcisment, rien ne saurait arriver 26. La nuit a-mondaine

    22 Et de rappeler du corps transsubstanti la proposition fondamentale du second concile

    nicen de 787 : Il ne leur a pas dit : Prenez, mangez limage de mon corps ; mais : Prenez et

    mangez : ceci est mon corps. Cf. Matthieu 26 26 & 28. Cf. Luc 22 19 & 20. 23 Michel Henry, Le fils du Roi. Rd. ROMANS, op. cit., 468. 24 Cf. Ibid., Incarnation. Une philosophie de la chair, op. cit., 349. 25 . Ma royaut nest pas de ce monde.

    (Jean 18 36.) 26 Henry dclare : [ ] le salut de lindividu ne peut lui venir du monde . (Entretiens, Sulliver,

    2005, 14.) Sahli dira encore celle quil aime, Deborah, la fille du Grand Chancelier, alors que le

  • 10

    de la rvlation a revtu le Je avant le lever du jour : tel est le don sans tendard

    de la royaut, la joie consubstantielle lapparatre, dindfectible treinte ant-

    rieure toute cause, comme de terrible douceur :

    Tandis que le monde scroulait autour de moi et que les fils qui munissaient lui

    venaient lun aprs lautre se rompre, il me semblait reconnatre au fond de moi-

    mme, aussi indiffrente aux vnements qui matteignaient quau flchissement de

    mon courage, la mme puissance sans nom qui me poussait en avant vers quelque

    chose que jignorais et qui ntait sans doute rien que livresse de son treinte 27.

    Le seuil infrangible du monde reporte lantriorit du donn. Aussi la magni-

    ficence de la joie sans vnement, parousie de laquelle nul nest exclu, la donation

    tant elle-mme dpourvue de tout pouvoir sur le don quelle donne, a-donn

    davance, assigne au tragique de lhypotypose, dvorante et rnovante la fois,

    quexprime de la sorte le personnage henryen : [ ] il est impossible de prendre le

    moindre recul par rapport elle, parce quelle vous submerge totalement 28 .

    Le cong donn du monde reporte au secret a-donn de la rvlation. La rvla-

    tion est rvlation heureuse, pure preuve intrieure de la donation davant toute

    extriorit possible, treinte sans possible dlation du bonheur tranger au jour

    lev de la diffrence, drob la clart neutre de la cit. Assurment la nuit de la

    Rsistance a t dcisive llucidation henryenne de la rvlation : rduction de

    la clart sans faveur accomplie au danger du maquis, dichotomie sans conciliation

    de la subjectivit de la rvlation avec le mythe du monde. La clandestinit sera

    donc la condition de la subjectivit 29. Une telle preuve atteste encore quil nest

    feu dvore la cit dAliahova : [ ] le destin de lindividu nest pas celui du monde. (Ibid.,

    LAmour les yeux ferms. Rd. ROMANS, op. cit., 356.) 27 Ibid. Rd. ROMANS, op. cit., 151. Et de rappeller la formulation cardinale : Mais la joie na

    rien au sujet de quoi elle puisse tre joyeuse. Loin de venir aprs la venue de ltre et de smer-

    veiller devant lui, elle lui est consubstantielle, le fonde et le constitue. (Ibid., Lessence de la

    manifestation, op. cit., 70, 831.) 28 Ibid., Le fils du Roi. Rd. ROMANS, op. cit., 389. 29 Jai pris le maquis. Et l, une exprience fondamentale mattendait, celle de la clandestinit

    qui, dailleurs, a marqu de faon profonde LAmour les yeux ferms. Elle ny figure pas titre de

    souvenir biographique ou historique, mais comme rvlateur dun tat de choses tout fait anor-

    mal. Pourquoi la vie doit-elle, dans ce quelle a de plus personnel, se cacher ? Car la condition de

    la clandestinit [ ] permet de faire surgir la beaut de la vie, ce quelle a de prcieux et de boule-

    versant. Je me suis servi en contrepoint de la menace qui pse sur elle pour rendre manifeste sa

    magnificence, mme dans les actes les plus simples. Marcher dans la rue librement, parler

    quelquun sans avoir peur dtre dnonc, ces comportements quotidiens revtent soudain une

    valeur infinie. [ ] Il y a dans la clandestinit une intensification des relations humaines et, ce titre,

    on peut dire quelle constitue une situation romanesque. (Ibid., Une politique du vivant , en-

    tretien avec J. Le Thor, Montpellier 1976. Rd. Auto-donation, Beauchesne 2004, 223-4.) Lex-

    prience de la rsistance et du maquis a eu en effet une profonde influence sur ma conception de la

    vie. La clandestinit ma donn quotidiennement et de manire aigu le sens de lincognito. [ ] Du

    mme coup cependant, le mythe de la socit de la Cit grecque o chacun trouve laccom-

    plissement de son tre en recevait une atteinte irrparable. Cet espace lumineux o nous som-

  • 11

    aucune biographie empirique quobjective le dehors factuel : il nest quune vie

    intrieure. Recouvrer le baiser de la parole de bn-diction antrieure tout

    constat rappelle la joie de tout acte tiss au livre, la splendeur de la simplicit

    offerte 30.

    Par consquent nest-il de monde au sens du lustre autocrate de la nature : il

    nest quune thophanie de la parole divine comme regard, laquelle suscite, rno-

    ve le revtu en la pr-cdence de lamour, sans oprer aucune csure. Tout acte

    sera donc oraison, loquence sans syllabe. Intriorit du remerciement, remise

    dabsolu par-don, commmoration de la grce.

    La joie consubstantielle au don de la vie, abme du verbe chair devenu, treinte

    sans distance, nest donc pas l-merveillement philosophique du face

    la splendeur du monde ; la simplicit assomptive de la joie demeure sans occur-

    rence, libre dvnement. Ainsi submerge-t-elle autant le rprouv asilaire retran-

    ch de tout spectacle : cette joie qui faisait irruption sans rien devoir aucun

    vnement heureux il ne sen produisait justement jamais 31 .

    Prcisons, de nouveau et approfondissons. La spcularit henryenne spare,

    comme la tradition mystique, la parole de la vie de celle du monde 32 : autrement

    dit la duplicit originaire de la rvlation pouse celle de la parole, celle de la v-

    rit. Or la double entente de la parole souligne un antagonisme dorigine grecque,

    du entendu comme discours, nonc apo-phantique, phrase que Platon

    arrte comme 33 , et que le prologue de lvangile johanni-

    que va enrayer, assertion du verbe divin chair devenu, annonc comme

    34. Le colloque de la parole divine nest donc rien de dialogique ; lloquen-

    ce du verbe nest rien du langage articul. Le verbe damour donn lan-archie

    du commencement reste tranger toute procdure catgorielle, priv de toute

    mes tous ensemble, qui doit constituer notre vritable demeure et que navons plus fuir dans un

    Ciel imaginaire, ctait celui de la violence des armes, de la dlation, du march noir, de la torture,

    dune mort atroce pour beaucoup, de la peur pour tous. (Ibid., Michel Henry. Lpreuve de la

    vie : Indications biographiques : Entretien , Actes du colloque Michel Henry, Cerizy, 1996,

    Cerf, 2000. Rd. Michel Henry, Entretiens, op. cit., 13-4 : Un philosophe parle de sa vie ,

    entretien avec Roland Vaschalde.) 30 Lair tait lger, les teintes et les parfums dune subtile dlicatesse ; jprouvais, comme il ar-

    rive quelquefois, lextraordinaire joie qui se lie aux actions les plus simples, quil y a, par exemple,

    marcher. (Ibid., LAmour les yeux ferms. Rd. ROMANS, op. cit., 181.) 31 Ibid., Le fils du Roi. Rd. ROMANS, op. cit., 421. 32 un abme spare la Parole de la Vie de celle du monde... (Ibid., Phnomnologie de la vie

    IV, op. cit., 198 : Parole et religion : La parole de Dieu. ) Il va de soi que la conception dune

    ralit quelconque se trouve modifie du tout au tout selon que le support phnomnologique assi-

    gn cette ralit est lapparatre ek-statique du monde ou lautorvlation pathtique de la vie.

    (Ibid., 156 : Lexprience dautrui : phnomnologie et thologie .) Mais cest dabord la d-

    couverte de la corporit subjective biranienne que Michel Henry a pu lucider la dichotomie ri-

    goureuse de la rvlation. 33 Platon, Le Sophiste 262 e. 34 Jean 1 14.

  • 12

    aptitude dmontrer ou contester. Feu secret de tout acte antrieur au trac de la

    ligne, le verbe divin nest en rien et ne peut tre diffrent en rien de ce quil

    donne. Aucune rencontre nest donc possible de la parole de Dieu avec celle du

    monde. Le martyre, tmoin de la vrit de la parole divine, reste ainsi sans voix

    face la parole daccusation :

    Jai rendu tmoignage de la vrit.

    Quest-ce que la vrit ? [ ]

    Mais notre Matre se tut nouveau et ne rpondit rien 35.

    la reconduction de la reprsentation duelle de la vision quouvre le tiers ordre

    de la clart de la diffrence au regard damour pous, appos, adonn ce quil

    regarde, peut-on dire que la symbolique trinitaire consubstantielle, souhaite dpo-

    ser, confondre la tripartition dialectique du syllogisme. Lorsque la proposition

    constate le prodige mme la diffrence originaire, laquelle demeure pour jamais

    incapable de crer ou aimer rien, la bn-diction le suscite directement, comme

    elle avec elle 36. Au retard constatatoire de la diffrence, ltranget de la diffren-

    ce quant ce quelle claire, rpond la thophanie, clart de Dieu au gnitif sub-

    jectif (et par consquent le textile de la fondation tant tranger toute opposi-

    tion dialectique au double emploi du gnitif comme abrogation de la gnitivi-

    t). La consubstantialit du regard damour ce quil regarde, toute de compn-

    tration prochortique, renverse lentente co-gnitive de la vision : immdiation du

    regard re-ligieux.

    Il est donc plus juste de dire quil nest ni de-dans ni de-hors : il nest quune

    tapisserie. Tel sera le renversement de la phnomnologie, dobdience apophan-

    tique 37 : ntant en rien entretenue par une opposition dialectique, la relation de la

    transcendance lImmanence sera donc re-ligieuse . La transcendance y de-

    meure astreinte sans orbe, distance ou parution. Cela revient dire que lImma-

    35 Michel Henry, LAmour les yeux ferms. Rd. ROMANS, op. cit., 343. Cf. Matthieu 27 12-14.

    Marc 15 5. Luc 23 9. Jean 19 9. Et de rappeler la parole de Jean :

    .

    . Eux, ils sont du

    monde ; aussi parlent-ils le langage du monde, et le monde les coute. Nous, nous sommes de

    Dieu. Celui qui souvre la connaissance de Dieu nous coute. Celui qui nest pas de Dieu ne nous

    coute pas. (1 Jean 4 5.) La violence de la controverse doctrinaire relative la dfinition de la

    nature de la Personne a sans doute port au comble la division grecque de la parole : la dis-

    jonction originaire la similitude, laquelle engage la rciprocit ou la subordination du Fils unique

    Dieu, la spcularit conciliaire substituera la consubstantialit, anathmisera la Gnose au prix du

    seul retranch : / . (Cf. Symb. Nice-Const. : [ ]

    [ ].) 36 Cf. Psaume 33 [9]. 37 Cf. Michel Henry, Incarnation. Une philosophie de la chair : Le renversement de la phnom-

    nologie , op. cit.

  • 13

    nence fonde la transcendance 38. Tel sera encore le renversement de la ressem-

    blance opr par le roman policier, lequel reporte dnigme en intrigue au revers

    du trac de la ligne, exsude le visage noy au reflet de silence dune vitrine,

    dchiffre, dcrypte le suaire de la Passion.

    En effet la d-ception progressive de la dialectique de la participation, laquelle

    dvoile la facticit de la structure diaphane, dissipe par l-mme toute nigme, la

    reporte au seuil de reprsentation du monde : antrieure toute nigme gt lintri-

    gue pr-originaire, lempreinte de la chair de souffrance. Investigation filigrane

    comme dissipation progressive, rsolution comme dissolution de la vanit de

    lnigme, reconduction du reflet au suaire, la trame du roman policier, laquelle

    collecte, exhume tout vestige au fil de lenqute, adopte la dmarche propre la

    rduction dessence phnomnologique. Le dernier roman publi de Michel Henry

    dissimule cet gard, sous la banalit de lenqute, la souffrance prise au linge de

    la vronique, le visage de la vrit drob la vrit quexhibe la preuve, indice

    ou reflet nigmatique de la facticit gnrale du jour. Au point que seul le regard

    de femme saura dvoiler ou dtacher la vrit perdue de tout visage la csure du

    voir ob-jectiv, pntrer sous le jour opaque la parousie du visage :

    Le regard des femmes [ ] na fait que prendre un appui provisoire sur votre visage,

    avant de se prcipiter vers ce qui na pas de visage. Au fond de sa Nuit, il y a Dieu 39.

    Le visage nu de la vrit rvl au filigrane du calotype, offusqu de publique

    ostension, force le signe, le seing de la rptition au secret :

    Ainsi, vous allez reprendre lenqute ? Vous allez vous faire tuer !

    Je la poursuis secrtement.

    Cela ne servira rien si, au bout du compte, vous ne pouvez dire la vrit que

    vous aurez dcouverte.

    Il suffira quelle soit consigne quelque part 40.

    38 Cf. Ibid., Lessence de la manifestation, op. cit., 32 & 33. 39 Ibid., Le cadavre indiscret, Albin Michel, 1996, 234. Cf. INCARNATION, op. cit., 373. Talis est

    quisque, qualis eius dilectio est. En lamour sommes-nous devenus ce que nous aimons. (S.

    Augustin, In Epist. Joh. ad Parth. II 2 14 ; je traduis.) Daz ouge, d inne ich got sihe, daz ist daz

    selbe ouge, d inne mich got sihet ; mn ouge und gotes ouge daz ist ein ouge und ein gesiht und

    ein bekennen und ein minnen. Lil dans lequel je vois Dieu est le mme il dans lequel Dieu

    me voit. Mon il et lil de Dieu sont un seul et mme il, une seule et mme vision, une seule et

    mme connaissance, un seul et mme amour. (Eckhart, Sermon N 12, Traits et sermons, trad.

    A. de Libera, Flammarion, 1993.) Lil par lequel nous voyons les choses [ ] nest autre que

    lil par lequel Dieu nous voit. Celui qui voit cet il voit Dieu lui-mme. (Michel Henry, Le fils

    du Roi. Rd. ROMANS, op. cit., 516.) 40 Ibid., Le cadavre indiscret, op. cit., 138. Peut-on vivre en tournant le dos la vrit ? En lou-

    bliant compltement ? Nest-elle pas mle notre souffle, de telle sorte quil deviendrait impossi-

    ble de respirer si elle nous quittait pour de bon ? (Ibid., 222.) Cf. Ibid., 62.

  • 14

    La rsolution de lnigme, laquelle dissipe donc lillusion transcendantale, re-

    noue lintrigue, le textile de la Passion. Or renouer la structure de lintrigue, cela

    signifie reconduire la participation grammaticale au palimpseste de la trame du

    mythe, que la grammaire de la participation a dsourdie 41, ayant discern onoma

    de rhma. En revenir la description de la tapisserie, dessaisir ou d-cevoir

    lexplication, rtrocder la Mtaphysique de la synopticit, voire la pntration

    dsinentielle, syllabique, i. e. syncopale de la parole au reflet de la diffrence, tel

    est aussi le soin phnomnologique. Or est-ce lunion de la parole tragique, foudre

    davant la fracture dyadique de la ligne ayant gar le philosophe comme le dtec-

    tive 42, avec le tissu de la chair seigneuriale, que la tapisserie romanesque hen-

    ryenne engage dchiffrer ? En la-mnistie regarde la donation sans advenue de

    ltreinte, sans distance. Le renversement de la phnomnologie nest autre que le

    celui de lapo-phanticit de la participation grammaticale, -vidence diaphane de

    la diaphore.

    Sil nest aucune csure effective de la dualit, il nest donc que la rptition eu-

    charistique du prsent de Gethsman : comme sur la colline pierreuse, comme

    devant lolivier, toutes choses nous furent donnes dun coup. Nous ne savions

    pas que cet instant pouvait se rpter, cette plnitude tait toujours l et, vrai

    dire, ne nous quitte jamais 43.

    Il nest donc que le prsent. Ainsi peut-on dire que de mort nest-il, quil nest

    rien davantage que la fable du monde qui la reprsente, tant donn que le pr-

    sent demeure congdi au seuil de la reprsentation : au reflet jamais infrangible

    brle sans y pouvoir verser ltreinte sans distance du Je. Il nest que le verbe

    adonn la chair dabsolu dsir. La vie est plnitude, toffe sans extase : en la

    plnitude quest la vie nest-il et ne peut-il y avoir de place aucune pour le nant.

    Nous vivons dans un ternel prsent que nous ne quittons jamais. Ce qui se tient hors

    de lui est spar de nous par un abme. Et cela parce que le temps est un milieu

    dirralit absolue 44.

    41 Cf. Platon, Le Sophiste 262 bd. Cf. Ibid., Le politique 281 a b. 42 En effet, la ligne nest-elle pas devenue labyrinthe, sdimentation onto-thio-logique sur la-

    quelle Jorge L. Borges sacrifiera le dtective comme le philosophe ? Yo s de un laberinto griego

    que es una lnea nica, recta. En esa lnea se han perdido tantos filsofos que bien puede perderse

    un mero detective. Je connais un labyrinthe grec qui est une ligne unique, droite. Sur cette li-

    gne, tant de philosophes se sont gars quun pur dtective peut bien sy perdre. (Jorge L. Bor-

    ges, La mort et la boussole , Fictions, trad. P. Verdevoye, Ibarra et Roger Caillois, Gallimard,

    1957 & 1965.) Michel Henry fera dire au priv Joans Michel : Vous nallez tout de mme pas

    soutenir que Platon, le fondateur de la pense occidentale, qui est la vtre aussi bien que la mien-

    ne, avait perdu la raison ! (Le cadavre indiscret, op. cit., 159-160.) 43 Ibid., Le fils du Roi. Rd. ROMANS, op. cit., 384. Et encore : ctait l, nos yeux, le signe de

    la vie : quelle se rpte et renaisse chaque fois semblable elle-mme, et que tout soit comme la

    premire fois. (Ibid., LAmour les yeux ferms. Rd. ROMANS, op. cit., 248.) 44 Ibid., Entretiens, op. cit., 12. There is not room for Death. Michel Henry citera souvent ce

    vers dEmily Bront, tir du pome No coward soul is mine , tout autant joyau de rduction

  • 15

    La plnitude de la rptition au seul rel du prsent sera donc rsurrection,

    rptition virginale de la susception sauve de toute dchirure extatique relative au

    temps du monde. De la descente de lescalier au plongeon ocanien, le crmonial

    communiel de rnovation baptismale, rserv au temple, ayant donc exclu tout

    acte thmatis, dnud, dvtu, rappelle au plrme :

    Cest ainsi que cette mtropole prestigieuse comptait autrefois de nombreux bti-

    ments de forme octogonale dune grande beaut, appels baptistres, et dans lesquels

    liniti entirement dvtu descendait dans un bassin situ au centre de la construc-

    tion, afin de recevoir ce qui demeure quand on sest dpouill de tout : la plnitude

    sans limites de la vie 45.

    Immdiation de la rvlation, donc. Immmorial du prsent, re-ligion sans ob-

    dience, antrieure toute thologie (devenue thiologie au premier rai de la

    parution). Immdiation de la donation, consubstantielle au Je comme au Tu

    communaut bue la grce de la solitude, que tout moyen offusque. Immdiation

    de la communaut par consquent, preuve du secret de lAutre abreuv sans

    distance au verbe tutoy du christ, source unique 46, communaut sans prdicat de

    la passion vivante.

    La rvocation de lapparatre de la diffrence gale au jour paru engage la rvo-

    cation de la communaut entendue au prisme dun inter-mdiaire ontologique,

    tout tre-avec. Or sil nest de phnomnologie que de la vie, si la vie nest rien

    que phnomnologique, sil nest rien que ntant rien la mort atteigne, sil nest

    phnomnologique. Cf. LE BONHEUR DE SPINOZA, op. cit., 106. Cf. AUTO-DONATION, op. cit., 232.

    Proximit, encore, de Michel Henry avec Wittgenstein : Fr das Leben in der Gegenwart gibt es

    keine Tod. (L. Wittgenstein, Tagebcher 8.7.1916. Cf. LW WERKAUSGABE, op. cit.) Pour la vie

    dans le prsent il nest pas de mort. (Trad. op. cit.) Cf. Ibid., Tractatus logico-philosophicus 6.43

    & 6.4311. Wittgenstein a lu Schopenhauer comme Henry : Die Zeit, da ich nicht seyn werde,

    wird objektiv kommen ; aber subjektiv kann sie nie kommen. (A. Schopenhauer, Die Welt als

    Wille und Vorstellung Suppl. IV XLI.) [ ] le temps o je ne serai pas arrivera objectivement ;

    mais subjectivement il ne pourra jamais venir. (Le monde comme volont et comme reprsenta-

    tion, trad. A. Burdeau, PUF, 1966.) 45 Michel Henry, LAmour les yeux ferms. Rd. ROMANS, op. cit., 297-8. Qui a eu la chance de

    voir un jour la mer dAliahova et de se plonger en elle, comprend pourquoi depuis toujours cet

    acte fut considr comme sacr par ceux qui laccomplirent. Celui qui est immerg na pas seule-

    ment congdi le monde et les multiples objets entre lesquels son regard se disperse ; tandis quil

    ferme les yeux et se livre la force immense qui le soutient, llment nouveau se donne sentir

    en chaque point de son corps, il nest aucune partie de son tre qui ne lprouve et ne soit touche

    par lui, la plnitude laquelle se confie lenveloppe entirement. (Ibid., 141.) Cf. Ibid., Lessence

    de la manifestation, op. cit., 37, 359-60. 46 [ ] : [ ] moi en eux comme toi en moi. (Jean 17 23.) Cf. Ibid.

    17 10 : : et je suis glorifi en eux. [ ] nous buvons les uns et les

    autres la mme fontaine de vie, qui nest autre que la vrit ternelle [ ]. (Jacques B. Bossuet,

    Sermon sur les Anges Gardiens, Payot & Rivage, 2005, 52.)

  • 16

    quune communaut de vivants abreuvs sans rserve ni condition la source

    unique quest la source invisible de Vie, la communaut des vivants garde encore

    celle des dfunts, endormis ou disparus desquels la crypte affleure, vibre ou monte

    sans cran en la visitation de la Parousie. Le spectre revient au seul rel du pr-

    sent. Mnes et Larves dElpnor ou dEuryale, cendre que ravive la flamme sur le

    pr asphodlique de justice, recollection sans travail du revenant quaucune mta-

    phore nloigne du vivant travers. De la phnomnalit occidentale originaire

    quaccompagne la phantasmagorie, de ce que Jacques Derrida a dcel de la cor-

    rlation lancinante du au peut-on dire quil nest de place

    aucune pour lob-jectivit du monde au seuil duquel le tr-pas est figur : il nest

    que la vie (ou la vie ), laquelle naccorde la mort (ou la mort ) recondui-

    te la reprsentation dajour ni de place. Les morts sont les morts des vivants,

    lesquels affleurent, montent, vibrent, respirent en nous, viennent en nous-mmes

    comme nous venons nous-mmes, passivement. De la contemporanit au vivant

    comme au dfunt, reconnue au seul rel du prsent sans tendue, Sahli prononce

    la sentence :

    Oui, on peut tre trs loin de ce qui nous entoure, tout prs de ce qui nest plus tel

    est ltrange espace de lunivers spirituel ! Oui, on peut se faire le contemporain de

    ceux qui nous ont quitts depuis longtemps 47.

    Invisible communaut, communion re-ligieuse dprise de toute appartenance

    entretenue au prisme de la clart quest la diaphanit de la diffrence, contempo-

    ranit consubstantielle lim-mdiation sans inter-mdiaire de la donation, pn-

    tration sans ange. Aussi la conscration eucharistique de tout acte rpt com-

    mmore lInamissible, don sans possible mmoire, sans possible oubliance de la

    vie 48, rception passive de la royaut antrieure tout vouloir mondain 49.

    Ainsi ltreinte de Dieu, laquelle ruisselle en labandon de Dieu, est treinte du

    Je 50, pro-nom antrieur toute ostension, toute supplance par le nom, sceau de

    lAgneau davant la venue gnsique. Le pronom Je est donc le seul pr-nom,

    47 Michel Henry, LAmour les yeux ferms. Rd. ROMANS, op. cit., 269. Si le monde moderne

    limine autant quil le peut toute forme de communaut avec les morts [ ], nest-ce point aussi

    parce que ltre en commun avec les morts rside dans cette subjectivit radicalement immanente,

    acosmique et pathtique que nous sommes ? (Ibid., Phnomnologie matrielle, op. cit., 155.) 48 Si la vie chappe toute mmoire lors mme quelle ne nous quitte jamais, cest quune m-

    moire sans mmoire nous a unis elle depuis toujours et pour toujours. (Ibid., Incarnation. Une

    philosophie de la chair, op. cit., 267.) Cf. S. Augustin, Confessions X 18 : Si praeter memoriam

    te invenio, inmemor tui sum. Et quomodo iam inveniam te, si memor non sum tui ? Si je vous

    trouve, mon Dieu, hors de ma mmoire, il faut donc que je vous aie oubli. Et comment vous puis-

    je trouver si je ne me souviens pas de vous ? (Trad. Arnauld dAndilly, Gallimard, 1993.) 49 Cf. Jean 8 28. Non ego vita mea s[u]m. Je ne suis pas moi-mme la vie dont je vis. (S.

    Augustin, Confessions XII 10 ; je traduis.) 50 Hie ist gotes grunt mn grunt und mn grunt gotes grunt. Ici le fond de Dieu est mon fond

    et mon fond le fond de Dieu. (Eckhart, Sermon N 5 b, op. cit.)

  • 17

    comme le pronom Tu, secret dune alliance toujours entendue, reconnue du sujet

    tiss la tapisserie du secret du Livre, la profondit de lHistoire romanesque de

    la Vie. La continuit de tout acte tiss au texte quest le prsent du Livre dfie la

    dialectique : lhistoire du Livre nest pas celle du Monde ; elle est lcoulement

    continuel, tout intrieur de lHistoire sainte la justice immanente.

    Aussi la perptuation eucharistique de tout acte fonde le roman au travers du

    personnage, rptition de la souffrance christique : narrer le pathos, ce sera crire

    le roman de la Passion. De la dposition de la Personne du christ au tombeau ma-

    ne le personnage prototypique du roman, Yosseph de Ramatam : dposition de la

    Personne, rptition de la dposition travers le personnage, tel est le roman

    dorigine courtoise, la qute du graal de Chrtien de Troyes et Robert de Boron.

    Nul doute que la virginit de la rsurrection au cnotaphe traverse Ossip, Denis,

    Sahli, Deborah, Nadejda, comme Jos, le fils du Roi, accompagn de la cohorte

    asilaire sublime, envahie de charit, tout rprouv de gloire, Lucile, le dtective

    Joans Michel, engag travers le secret de la vrit, filigrane au jour factuel,

    ainsi que le jeune officier, premier personnage henryen, ce fils de lAbsolu que

    touche limmrit du don.

    Le tissu de tout acte enchevtr labsolu est donc tout autant abme, sceau

    dune alliance soustraite lactuel quest le vain reflet du monde, lequel accapare

    la donation. Immdiation de la communication, vtement abyssal du colloque sans

    possible dsunion, tranger au temps du monde gal la reprsentation, telle est

    lAffectivit, la dramaturgie de la Passion comme a-mnistie, don doubliance

    comme par-don 51.

    En ce sens formulera-t-on la rduction la mesure de la plthore : ltreinte,

    sans distance lunivers, sans distance . Le cristal de la cit sainte dAliahova,

    comme le vaisseau dapocalypse, la tapisserie sans dchirure de la tesselle de

    Ravenne, le cinabre de la chapelle de Houston que gagne la tnbre, la nuit de

    Coltrane touche la rptition de la passion vivante : mandylion sans typologie,

    acte recouvr de la cration sans obdience, darchitecture commune la littratu-

    re comme la musique ou la peinture, expression de la source unique que la n-

    cessit-intrieure de laquelle mane toute forme aura dsensevelie de la ptrifi-

    cation dogmatique de la forme au monde consentie. Ft-il daltissime ontologie, le

    parler de lAnge dconcerte la simplicit virginale de la recollection sans exercice

    au verbe divin 52. Au livre chaque penser a t rdig, sourire, repas ou jene,

    51 Ici la spiritualit brullienne, guyonienne, fnelonienne, laquelle porte lenseignement de tout

    acte doraison habituelle, prend place en la cohrence henryenne de la parole au rvl : nonc jo-

    hannique de lIpsit consubstantielle Dieu davant toute naissance au monde, abandon spirituel

    dEckhart, susception acosmique du pur ego cartsien de la rduction comme videre videor, aper-

    ception biranienne, pathos comme praxis de la subjectivit, thorisation marxienne du travail vi-

    vant duquel mane le double fantasmatique, lquivalent objectiv de lconomie marchande. 52 Cf. Luc 1 29.

  • 18

    dsert, rivage ou jardin, cit sans soir, feuillage dautomne reflt au miroir de la

    vasque, matin printanier salu par la monodie de la msange.

    En le secret de leucharistie sjourne tout acte, remmor 53. De ce rivage

    dispers par la mta-phore, pass le trac de la ligne du jour, Aristote, dernier

    penseur de lHesprie, entendra le murmure du simple de la parole subjugu au

    pluriel de la phrase. Aussi la trame du roman henryen, tel le cuivre de Rembrandt,

    pouse le secret de la plnitude, la rvlation clandestine du prsent que chacun

    hrite sans mrite, provision ou condition, et qui nest autre que le verbe damour

    chair devenu : 54.

    Grgory Domin Paris

    16 fvrier 2012

    En prparation :

    Anarchie. Amnistie. De la phnomnologie contemporaine au sujet du livre.

    53 Et de rappeler que la rptition sigillaire de la tradition, laquelle exige la ncessit de la rompre

    au partage de symbole, comme lAgneau brise le sceau du Livre, est rptition eu-charistique de

    lternit, re-merciement comme renversement quengage daccomplir la passivit de la rception

    au don sans rserve. De quel terme qualifier alors la drliction de la chancellerie de tout acte, la

    surdit la donation dabyssale a-mnistie ? Quallait-il advenir quand les hommes ne pourraient

    plus rpter ni comprendre ce qui porte le sceau de lternit ? / Cest trs simple, dit Deborah.

    Cela sappelle la barbarie. (Michel Henry, LAmour les yeux ferms. Rd. ROMANS, op. cit.,

    169.) La pr-dilection de lapparatre est dailleurs ce que prsuppose la clart de la r-publique, le

    tiers ordre politique du jour paru. Attribuer par consquent la rvlation au jour lev de la cit,

    pourvoir ou crditer la diaphanit de la di-frence du seul rel quest le prsent revient y assimi-

    ler le simulacre : apparence escamote apparatre. Or de mme quil nest de jour en tant que tel

    nest-il dtat en tant que tel, nest-il de socit quau seul rel de la rptition du prsent quest

    lindividu ; il nappartient qu lindividu dapparatre, verbe chair devenu. Nest-ce encore que la

    question de lapparatre comme question de lindividu par laquelle dbute le drame par excellence

    de Shakespeare ne puisse advenir que du fond de la nuit, tre mise par la voix dune sentinelle

    dabord invisible ? Aussi le prologue johannique pose que la lumire nest en rien du monde, qui

    nonce quelle y vient. Bien entendu le prestige accord la posture thorique naturelle a trait au

    mode sans fond de la donation, laquelle, oubliante assutude, disparat en le don. 54 Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas. (Jean 1 26.)