au fil des collections de tiepolo à degas · réunissant plus d'une centaine de pièces,...

20
1 DOSSIER PÉ DAGOGIQUE Sommaire Présentation de l’exposition p. 2 Plan de l’accrochage p. 3 Pistes pédagogiques pp. 4-18 Informations pratiques p. 19 Animations pour les écoles p. 20 Renseignements Fondation de l’Hermitage Dominique Hoeltschi 2, route du Signal, Case postale 38 Activités pédagogiques / réalisation du dossier CH - 1000 LAUSANNE 8 Bellevaux [email protected] Tél. +41/21/320 50 01 Fax. +41/21/320 50 71 Donation Famille Bugnion Fondation de l’Hermitage Au fil des collections de Tiepolo à Degas

Upload: others

Post on 27-Sep-2020

7 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Au fil des collections de Tiepolo à Degas · Réunissant plus d'une centaine de pièces, l'exposition Au fil des collections, de Tiepolo à Degas propose un nouveau regard sur les

1

D O S S I E R P É D A G O G I Q U E

Sommaire Présentation de l’exposition p. 2 Plan de l’accrochage p. 3 Pistes pédagogiques pp. 4-18 Informations pratiques p. 19 Animations pour les écoles p. 20 Renseignements Fondation de l’Hermitage Dominique Hoeltschi 2, route du Signal, Case postale 38 Activités pédagogiques / réalisation du dossier CH - 1000 LAUSANNE 8 Bellevaux [email protected] Tél. +41/21/320 50 01 Fax. +41/21/320 50 71

Donation Famille Bugnion Fondation de l’Hermitage

Au fil des collectionsde Tiepolo à Degas

François Bocion, La promenade devant Chillon, 1868, huile sur panneau, 29,5 x 45 cmLausanne, Fondation de soutien à l’Hermitage, don du Dr Michel Bugnion, 2000photo Arnaud Conne, Lausannegraphisme Laurent Cocchi, photolithographie Images 3, impression Imprivite

Page 2: Au fil des collections de Tiepolo à Degas · Réunissant plus d'une centaine de pièces, l'exposition Au fil des collections, de Tiepolo à Degas propose un nouveau regard sur les

2

PRÉSENTATION DE L’EXPOSITION

Au fil des collections, de Tiepolo à Degas DU 27 JANVIER AU 20 MAI 2012

Réunissant plus d'une centaine d'œuvres, l'exposition Au fil des collections, de Tiepolo à Degas propose un nouveau regard sur la collection – rarement montrée – de la Fondation de l'Hermitage. Articulée autour des chefs-d’œuvre du musée (Tiepolo, Bocion, Sisley, Degas, Vuillard, Vallotton, Valadon, Braque, Magritte, etc.), cette présentation les confronte avec d'autres joyaux, souvent inédits, des collections suisses, publiques et privées, en un dialogue original et novateur.

Le parcours s’ouvre avec les Tiepolo, artistes majeurs du XVIIIe siècle vénitien, à qui une salle entière est consacrée. Les dessins appartenant à l’Hermitage y côtoient des feuilles issues d’autres collections, mettant en lumière le génie graphique de cette illustre famille de créateurs. François Bocion, l'un des peintres importants de la collection de la Fondation, est représenté dans l’exposition par une riche sélection de vues vénitiennes et de parties de plaisir sur le Léman. Le thème de la promenade sur le lac, cher à l'artiste, est particulièrement mis à l'honneur dans l'un des grands salons de la demeure, grâce un accrochage panoramique de tableaux qui, au fil de l’eau, emmènent le visiteur de Chillon à Lausanne. Le pastel Danseuses d'Edgar Degas, reçu en legs en 1998, est un autre chef-d’œuvre de l’Hermitage. Réunie autour de ce somptueux dessin, une sélection d’œuvres de l’artiste illustre le thème de la danse et permet de comprendre toute la modernité de ses compositions. L'impressionnisme occupe naturellement une place privilégiée au cœur de l'exposition. Le musée est en effet intimement lié à ce courant novateur depuis son exposition inaugurale, en 1984, L'impressionnisme dans les collections romandes. C’est d’ailleurs un lumineux paysage réalisé par Alfred Sisley qui fut la première œuvre à intégrer la collection. S’accordant particulièrement bien aux modèles et à l’atmosphère impressionnistes, l’admirable demeure du XIXe siècle offre un écrin à plusieurs tableaux réalisés par des grands maîtres de cette période, tels Gustave Caillebotte ou Henri Fantin-Latour. Associé au mouvement Nabi, Félix Vallotton poursuit quant à lui une voie personnelle et originale. Ami intime d'Edouard Vuillard, il peint souvent en sa compagnie, notamment à Romanel-sur-Lausanne, où tous deux séjournent en 1900. Présentés côte à côte dans l’exposition, les tableaux des deux artistes sont accompagnés d'un ensemble de paysages de Vallotton illustrant le thème du chemin, récurrent dans l'œuvre tardif du peintre.

Dans les combles du musée se trouvent rassemblées des peintures d’artistes vaudois actifs dans les premières décennies du XXe siècle, de René Auberjonois à Louis Soutter, permettant de saisir les nouvelles tendances de l'art en Suisse à cette période charnière. Une autre section de l'exposition est consacrée à René Magritte et déploie un ensemble de dessins, gouaches et huiles autour de sa correspondance avec le poète Gui Rosey, dont les archives ont été acquises par la Fondation en 1989. La présentation se clôt avec un remarquable ensemble de tableaux et dessins de Suzanne Valadon, donnés à l’Hermitage en 2007, dont les couleurs vibrantes sont articulées dans des compositions simples et fortes. En point d’orgue de la visite, de nombreuses vues prises depuis le Signal et la campagne de l’Hermitage viennent rappeler que le site fut de tout temps prisé par les artistes, tel Camille Corot. Commissariat : Sylvie Wuhrmann, directrice de la Fondation de l’Hermitage

Catalogue : publié en coédition avec les Editions 5 Continents à Milan. Préfacé par Sylvie Wuhrmann et reproduisant en couleur la majorité des œuvres exposées, le catalogue réunit les contributions de Béatrice Aubert-Miéville, Antoine Baudin, Aurélie Couvreur, Jill DeVonyar et Richard Kendall, Florence Friedrich, Dominique Hoeltschi, Dave Lüthi, Katia Poletti et Nathalie Strasser. L’exposition et le catalogue bénéficient du généreux soutien de

et de la Fondation pour l’art et la culture.

Page 3: Au fil des collections de Tiepolo à Degas · Réunissant plus d'une centaine de pièces, l'exposition Au fil des collections, de Tiepolo à Degas propose un nouveau regard sur les

3

PLAN DE L’ACCROCHAGE

REZ salle 1 : Bocion : vues de Venise salle 2 : Bocion : vues du Léman salle 3 : Tiepolo 1er ETAGE salle 1 : Degas salle 2 : Sisley et l’impressionnisme salle 3 : Vallotton / Vuillard salle 4 : L’Hermitage / Corot salle 5 : Salon bleu / La Famille Bugnion 2ème ETAGE couloir : Braque salle 1 : Soutter salle 2 : L’art vaudois

SOUS-SOL salle 1 : Magritte et le fonds Rosey salle 2 : Valadon / Marquet

Page 4: Au fil des collections de Tiepolo à Degas · Réunissant plus d'une centaine de pièces, l'exposition Au fil des collections, de Tiepolo à Degas propose un nouveau regard sur les

4

PISTES PÉDAGOGIQUES

Contexte de l’exposition

Réunissant plus d'une centaine de pièces, l'exposition Au fil des collections, de Tiepolo à Degas propose un nouveau regard sur les trésors que conserve la Fondation de l'Hermitage, en les confrontant avec d'autres joyaux, souvent inédits, des collections suisses, publiques et privées. Dans un dialogue original et novateur, plusieurs noyaux monographiques ou thématiques sont ainsi créés, au fil d'un parcours jalonné par les œuvres-phare de la Fondation, qui mène le visiteur du XVIIIe au XXe siècle. Depuis sa création, la Fondation de l’Hermitage est placée sous le signe de la générosité, à commencer par celle de la famille Bugnion qui, en 1976, donna à la Ville de Lausanne le splendide domaine de l’Hermitage. De même, la collection de l’Hermitage n’aurait pu voir le jour ni s’étoffer sans le soutien précieux de multiples partenaires et mécènes. Constituée pour l’essentiel de dons, legs et dépôts, elle s’est épanouie à partir d’un tableau, La Seine à Saint-Cloud de Sisley (1879), légué en 1984. Vingt ans après ce magnifique point d’ancrage dans l’impressionnisme, l’Hermitage a reçu un fonds exceptionnel composé d’œuvres de Tiepolo, Fantin-Latour, Degas, Vuillard, Braque. Depuis lors, de nombreuses œuvres importantes sont venues enrichir ce corpus en plein essor, grâce à d’autres donations, mais aussi par des dépôts prestigieux et des actions de mécénat remarquables, comme celui qui a récemment permis l’acquisition d’un spectaculaire paysage panoramique de Bocion. Options et déroulement de la visite Cette exposition donne aux élèves l’occasion de découvrir un artiste, un thème spécifique, un motif, ou d’approfondir l’étude d’une technique (le pastel). Le parcours proposé se déclinant sur plusieurs niveaux, il est conseillé de constituer des petits groupes d’élèves qui orienteront leur visite selon une approche monographique, thématique ou comparative. L’enseignant est ainsi libre de définir les sujets qui l’intéressent et d’établir préalablement le parcours de la visite avec ses élèves. Afin d’interpeller les étudiants, plusieurs formules peuvent être adoptées dans le cadre et au terme de la visite : questionnaire orienté, étude monographique ou comparative, analyse d’une technique spécifique, rédaction d’un texte libre en rapport avec une œuvre, réflexion sur l’accrochage ou enfin commentaire personnel. Le dossier comprend une présentation des salles principales, des commentaires d’œuvres, ainsi que des axes de recherches permettant de cibler les divers enjeux de l’exposition. Les pistes pédagogiques s’organisent selon le parcours suivant : I. François Bocion : vues du Léman II. François Bocion : vues de Venise III. Giambattista, Domenico et Lorenzo Tiepolo IV. Edgar Degas V. Alfred Sisley VI. Félix Vallotton et Edouard Vuillard VII. Louis Soutter VIII. Marius Borgeaud IX. René Magritte et Gui Rosey X. Suzanne Valadon

Page 5: Au fil des collections de Tiepolo à Degas · Réunissant plus d'une centaine de pièces, l'exposition Au fil des collections, de Tiepolo à Degas propose un nouveau regard sur les

5

I. François Bocion : vues du Léman REZ, salle 2 Formé à Vevey, Lausanne et Paris – où il est marqué par l’enseignement de Gleyre –, le peintre lausannois François Bocion (1828-1890) participe au vaste mouvement européen de renouvellement du paysage initié par Corot. Installé dans sa région natale durant toute sa carrière, il y trouve l’essentiel de son inspiration. Au seuil de l’impressionnisme, cet artiste fécond alterne la pratique en atelier et la peinture sur le motif, cette dernière ayant sa préférence. Au bord du Léman, Bocion compose sur le vif, directement à l’huile, des pochades au style enlevé, marqué par la juxtaposition de taches de couleur aux tonalités subtiles et par une touche légèrement empâtée. Ses œuvres qu’il recompose à l’atelier laissent transparaître la fraîcheur et la liberté de geste acquises en plein air.

1. François Bocion, La promenade devant Chillon, 1868 huile sur panneau, 29,5 x 45 cm, Lausanne, Fondation de soutien à l’Hermitage, don du Dr Michel Bugnion, 2000

2. François Bocion, La famille Bocion sur le lac, 1871 huile sur toile, 34,5 x 60,5 cm, collection privée

1. Commentaire d’œuvre : Entre la scène de genre et le paysage, Bocion incorpore à ses marines lémaniques le spectacle des loisirs de la bourgeoisie. Ici, les deux barques qui glissent doucement au large de Chillon par une belle journée d’automne lui fournissent un prétexte pour déployer son art subtil du contrepoint. Ainsi, le châle rouge répond au drapeau bleu, tandis que les sillages des barques, les mouvements des rames, les personnages et leur reflet forment un jeu de contrastes et d’échos. 2. Commentaire d’œuvre : Dans les trois promenades au coucher du soleil exposées sur le panneau central, Bocion déploie tout le brio de sa maturité. Avec finesse, il restitue l’atmosphère mordorée d’une soirée de fin d’été sur le Léman. Dans cette lumière presque irréelle, il illustre des personnages élégants en excursion sur un canot – loisir très en vogue à l’époque. Vues à contre-jour, comme si elles étaient peintes depuis une barque voisine, les silhouettes sont traitées comme une guirlande animée, à laquelle répondent les reflets des promeneurs et les bords du dais dentelé sous lequel ils se tiennent.

• Observer et décrire ces scènes sur le Léman. => A l’instar de son contemporain Boudin pour la Normandie (voir p. 6), Bocion cherche à transcrire les variations de lumière sur le Léman, les effets atmosphériques fugaces et les miroitements de la surface de l’eau. Le lac devient un véritable sujet. Dans ce cadre naturel majestueux et atemporel, Bocion décrit aussi les activités humaines de son époque : plaisanciers canotant en famille, bateliers du lac en plein effort, jeunes filles en promenade dans un parc…

• Quel est le format le plus utilisé par Bocion ? => Le format panoramique.

• Peut-on parler d’une variation sur un même thème ? Analyser cela en fonction du style, du

cadrage, des couleurs et de la temporalité privilégiée (moments de la journée).

Page 6: Au fil des collections de Tiepolo à Degas · Réunissant plus d'une centaine de pièces, l'exposition Au fil des collections, de Tiepolo à Degas propose un nouveau regard sur les

6

Commentaire d’œuvre : Célèbre pour ses paysages de la côte normande, ses marines et ses scènes de plages, Boudin (1824 – 1898) a joué un rôle capital dans la nouvelle appréciation du paysage au XIXe siècle, et dans la naissance de l'impressionnisme. Conscient de l'importance du travail sur le motif, il consacre ses journées à peindre en plein air, notamment dans sa petite ville natale, Honfleur. Sensible aux recherches sur la lumière de Corot, le peintre déploie ici un écran de ciel limpide pour mettre en valeur le jeu subtil des fumées, et émaille la foule d'une constellation de taches bleues. Le vapeur qui se trouve à quai, Le Français, assurait la liaison avec Le Havre. Le père de Boudin y était matelot.

REZ, couloir

Eugène Boudin, Honfleur. La jetée, vers 1854-1857 huile sur panneau, 25,1 x 37,6 cm Lausanne, Fondation de soutien à l'Hermitage, fonds Renée et François Daulte, achat, 2000

• Quelle est la différence de point de vue entre Bocion et Boudin ? => Boudin est un peintre du rivage (il quitte rarement la jetée), alors que Bocion est le peintre de la promenade sur l’eau (il donne l’impression d’être au milieu du lac).

II. François Bocion : vues de Venise REZ, salle 1 En 1874 et en 1881, Bocion délaisse les rives du lac Léman pour celles de la lagune vénitienne. Dans cette ambiance urbaine, il se révèle être aussi un fin observateur de l’architecture, rendant à merveille les lumières nacrées des façades et le scintillement des canaux. Il crée autant des compositions structurées que des vues plus fugitives.

1. François Bocion, La sortie du Grand Canal et l'église Santa Maria della Salute, 1879, huile sur toile, 50 x 81 cm Lausanne, Fondation de l’Hermitage, don de Madame Antoine Bettschart-Demartines, 1989

2. Giovanni Antonio Canal (Canaletto), Entrée du Grand Canal, à l’ouest, avec l'église Santa Maria della Salute, vers 1729, huile sur toile, 49,5 x 73,7 cm The Museum of Fine Arts, Houston, The Robert Lee Blaffer Memorial Collection, don de Sarah Campbell Blaffer

• Comparer cette vue vénitienne de Bocion avec les vedute classiques d’Antonio Canal, dit Canaletto (1697-1768), peintre du XVIIIe siècle célèbre pour ses panoramas vénitiens. => A Venise comme sur les bords du Léman, Bocion s’intéresse à toutes les activités, tous les métiers et toutes les embarcations qui animent la lagune. Il croque autant les gondoliers en plein effort que les bateaux chargés de passagers. Tout en dépeignant la majestuosité des monuments vénitiens, Bocion offre une vision intimiste et spontanée de la vie quotidienne dans la cité des Doges. L’atmosphère vaporeuse de ce tableau contraste avec les vues de Canaletto qui se distinguent par leur netteté et leur précision topographique.

Page 7: Au fil des collections de Tiepolo à Degas · Réunissant plus d'une centaine de pièces, l'exposition Au fil des collections, de Tiepolo à Degas propose un nouveau regard sur les

7

III. Giambattista, Domenico et Lorenzo Tiepolo REZ, salle 3 Famille de peintres, dessinateurs et graveurs vénitiens, les Tiepolo – Giambattista le père (1696-1770), Domenico (1727-1804) et Lorenzo (1736-1776) les fils – ont acquis leur notoriété en exécutant des fresques étourdissantes, de somptueux tableaux religieux et des estampes énigmatiques et pittoresques. Les dix dessins exposés dans cette salle témoignent du génie graphique de ces trois virtuoses. Il revient à Giambattista Tiepolo d’avoir élaboré un langage stylistique brillant, subtil et inventif, auquel ses fils demeureront fidèles. Privilégiant la plume et l’encre brune relevée de lavis, il est l’auteur de grandes scènes historiques où déambulent de multiples acteurs et spectateurs, aux costumes et aux poses soigneusement étudiées. Dans ses œuvres religieuses, l’originalité des compositions tranche avec l’iconographie de la fin du XVIIIe siècle. Commentaire d’œuvre : Dans ce dessin réalisé à la plume et à l’encre relevée de lavis – une de ses techniques privilégiées –, Giambattista Tiepolo donne toute la mesure de son talent et de son originalité. Alors que l’iconographie de l’époque représente conventionnellement saint Antoine assailli de l’extérieur par des démons aux formes variées, Tiepolo choisit de montrer la dimension personnelle et intérieure de la tentation : Antoine ne fait qu’un avec les deux démons qui semblent surgir de lui, signalés discrètement par les petites cornes qu’arbore l’un d’eux.

Giambattista Tiepolo, La Tentation de saint Antoine, 1730-1735, plume, encre brune et lavis brun, mise en place au graphite, filet à la plume et encre brune, sur papier vergé crème, Vevey, Musée Jenisch Vevey – Centre national du dessin, dépôt d'un particulier

Intégrant complètement le langage paternel, l’œuvre dessiné de Domenico Tiepolo en exacerbe la séduction et les tensions. Artiste prolifique, il compose de nombreuses suites, riches de centaines de dessins. Sous sa plume volontiers ironique, se déploient des scènes pittoresques de la vie vénitienne, des épisodes carnavalesques ou des cycles bibliques, à la narration souvent mystérieuse.

Domenico Tiepolo, La cueillette ou La dispute des polichinelles, vers 1797, plume et encre brune, lavis d'encre brune, sur traces de pierre noire; trait d'encadrement à l'encre brune, Genève, collection Jean Bonna

Domenico Tiepolo, Salomé recevant la tête de saint Jean-Baptiste, vers 1785, plume et lavis d'encre bistre sur traces de pierre noire, Lausanne, Fondation de l'Hermitage, legs de Lucie Schmidheiny, 1998

Page 8: Au fil des collections de Tiepolo à Degas · Réunissant plus d'une centaine de pièces, l'exposition Au fil des collections, de Tiepolo à Degas propose un nouveau regard sur les

8

1. Commentaire d’œuvre : Cette planche animée fait partie d’une série de cent quatre dessins intitulée Divertimento per li ragazzi (Divertissement pour les jeunes), formidable testament graphique rédigé par Domenico Tiepolo à la toute fin du XVIIIe siècle. Peuplées d’une multitude de Polichinelles, personnages grotesques de la commedia dell’arte, ces pages brillantes et savamment composées firent sa renommée. D’une très grande clarté stylistique, elles conservent un voile de mystère, la narration étant volontairement brouillée par la répétition d’épisodes identiques et par l’absence de fil narratif entre les planches. 2. Commentaire d’œuvre : Salomé, qui a exécuté pour son oncle Hérode Antipas une danse envoûtante, a le choix de sa récompense. Sur l’instigation de sa mère Hérodiade, elle demande la tête de saint Jean-Baptiste. L’épisode représenté — celui où l’on apporte la tête dans une coupe d’argent — se situe donc après la danse. La figure centrale de la jeune femme constitue une autocitation du Menuet, tel que Domenico l’a développé dans son œuvre pictural et dessiné dès le milieu des années 1750. Ironie macabre, le menuet vénitien sert à « fuggir tristezza e duolo » (fuir la tristesse et le deuil), comme précise une gravure de 1765 qui a popularisé l’invention de Domenico. Salomé a revêtu la robe de bal de Colombine ; la femme en contre-jour qui nous tourne le dos est visuellement dans le rôle du cavalier.

• Dans cette salle, observez les éléments incongrus (mélange des genres et des époques) qui entourent les personnages de Domenico Tiepolo. => Les polichinelles sont masqués et représentés en abondance dans un vaste carnaval qui traduit sa vision cynique du monde ; Les personnages orientaux sont confrontés à une Salomé vêtue à la mode du XVIIIe siècle, alors qu’il s’agit d’un épisode biblique.

• La plupart des figures chez Giambattista et Domenico sont représentées de dos.

A quoi sert ce procédé? => Ces personnages sont utilisés comme une figure de repoussoir afin de marquer la profondeur de l’image. En outre, cela invite le spectateur à entrer dans la scène représentée.

Elève et collaborateur de son père et de son frère aîné, Lorenzo Tiepolo développe un style personnel, particulièrement délicat. On lui doit notamment de saisissants portraits rehaussés de pastel, débordants de vie. Commentaire d’œuvre : Comme le portrait de vieillard à la loupe présenté dans cette salle, cette tête fabuleuse et méditative d’un personnage enturbanné ouvre sur un univers mystérieux : celui de la sagesse ancestrale, de la philosophie, de la magie, de la nécromancie. Lorenzo Tiepolo réalisa de très nombreux portraits de « philosophes » comme ceux-ci, dans le style tendre et sensible qui le caractérise. Il entreprit de reproduire une soixantaine de ces dessins par la gravure dans sa Raccolta di Teste (Recueil de Têtes), publiée en 1770, ouvrage qui connut un important succès.

Lorenzo Tiepolo, Tête de vieillard avec livre (Le philosophe) vers 1770, fusain rehaussé de pastel, 40 x 30 cm La Chaux-de-Fonds, Musée des Beaux-Arts, collection René et Madeleine Junod

• Observer la variété des techniques et analyser le cadrage utilisé. => Lorenzo Tiepolo utilise du fusain qu’il rehausse subtilement de pastel (cette technique est présente dans toute l’exposition, de Degas jusqu’à Valadon).Il choisit de représenter la tête dans tout l’espace de la feuille, en plan rapproché. Ce qui confère force et monumentalité à cette œuvre.

Page 9: Au fil des collections de Tiepolo à Degas · Réunissant plus d'une centaine de pièces, l'exposition Au fil des collections, de Tiepolo à Degas propose un nouveau regard sur les

9

IV. Edgar Degas 1ER ETAGE, salle 1 La fascination de Degas (1834-1917) pour le thème de la danse apparaît dès les années 1870. En chroniqueur de la vie moderne, l’artiste assiste à des dizaines de ballets à l’Opéra de Paris et observe attentivement les danseuses pendant les répétitions. Il se passionne pour les mouvements des ballerines et leurs exercices quotidiens, qu’il reproduit dans de nombreuses études préparatoires. Se livrant à d’intenses expérimentations, Degas combine le pastel – matériau de prédilection de la maturité – avec l’estampe, le fusain, la gouache ou la tempera, afin de varier à l’infini les effets de texture. Sa technique hétéroclite alterne hachures vigoureuses, effets poudrés ou estompages veloutés. Le dessin d’après modèle vivant a toujours fait partie intégrante du cheminement créatif de Degas, et reste un trait essentiel de son attachement pour la danse et ses mouvements. Il travaille souvent dans son atelier avec des ballerines qui, sur ses indications, prennent des poses inspirées par leurs gestes de danseuses ou par leurs moments de détente. Comme Degas l’exprime à Vollard peu avant sa mort : « On m’appelle le peintre des danseuses, on ne comprend pas que la danseuse a été pour moi un prétexte à peindre de jolies étoffes et à rendre des mouvements. »

Edgar Degas, Danseuses au repos, vers 1898 pastel sur cinq feuilles de papier réunies, 83 x 72 cm Lausanne, Fondation de l'Hermitage, legs de Lucie Schmidheiny, 1998

Commentaire d’œuvre : Multipliant les hachures et les pointillés, ce pastel à la palette contrastée et au trait vigoureux est un acte de bravoure. Ses tourbillons de couleurs qui brouillent la lisière entre les tutus et le sol sont interrompus par la blancheur saisissante des chairs. Les membres anguleux des danseuses semblent pivoter autour de la chevelure rousse de la figure, tels les fragments d’un kaléidoscope. Cette œuvre tardive marque le brillant retour du maître à un motif remontant à plusieurs dizaines d’années : un petit groupe de danseuses au repos dans les coulisses.

• Quelle représentation des danseuses Degas favorise-t-il ? => Vers 1890, les modèles sont représentés le plus souvent au repos, dans les coulisses, étirant leurs muscles avant ou après leur passage sur scène. Comme dans le flamboyant pastel des Danseuses de l’Hermitage, l’artiste délaisse la description détaillée du spectacle au profit d’une approche plus schématique des figures. Les positions et les mouvements des danseuses sont au centre de sa recherche. En outre, Degas ne porte qu’un intérêt limité au rendu des visages.

Page 10: Au fil des collections de Tiepolo à Degas · Réunissant plus d'une centaine de pièces, l'exposition Au fil des collections, de Tiepolo à Degas propose un nouveau regard sur les

10

Commentaire d’œuvre : Ce pas de deux* s’inspire probablement d’un spectacle que Degas a vu à l’Opéra de Paris dans les années 1870. Debout au bord de la scène, la ballerine tient gracieusement son jupon en préparant son pas. Son geste espiègle s’adresse à son partenaire, à genoux et presque entièrement caché par le tutu doré et par la volute d’une contrebasse. Le monotype (estampe à tirage unique) sous-jacent est décelable par endroits : la ligne imprimée dessinant le creux du coude droit de la danseuse est encore visible, de même que les traces du chiffon utilisé pour essuyer l’encre dans le haut de la planche.

Edgar Degas, Danseuse, sans date pastel sur monotype, sur carton, 21,3 x 17,8 cm collection privée

* En danse, un pas de deux fait référence au nombre d’interprètes exécutant ensemble une séquence d’un ballet ou d’une chorégraphie.

• Quelle est la technique favorite de Degas ? => Le pastel : il s’agit de bâtonnets de couleur constitués de poudre agglomérée. Cette technique délicate permet de travailler par couches successives et de varier les effets de matières. Le pastel fut beaucoup employé au XVIIIe siècle avant de tomber progressivement dans l’oubli. Au XIXe siècle, Pissarro, Manet, Redon ou encore Degas font renaître l’engouement pour cette technique. Un affaiblissement de la vue conduit Degas à centrer ses recherches sur ce médium. On décompte plus de sept cents œuvres de l’artiste exécutées au pastel.

Degas et la sculpture 1ER ETAGE, couloir est Les danseuses nues, guère présentes dans les peintures et dessins de Degas avant les années 1890, constituent en revanche le sujet le plus fréquent de ses sculptures. Réalisées en terre ou en cire, ses modelages, qui n’étaient pas destinés à être montrés, furent trouvés dans l’atelier de Degas. A la mort de l’artiste, plusieurs de ses sculptures furent fondues en bronze.

Edgar Degas, Danseuse regardant la plante de son pied droit (troisième étude), 1896-1911 bronze, 49 x 23 x 31 cm Suisse, collection privée

Commentaire d’œuvre : En équilibre sur la jambe gauche, cette jeune fille se penche et tient son talon droit dans la main. Elle semble figée dans l’instant où elle se retourne pour examiner la semelle d’un chausson invisible. Sa pose, pourtant incommode, est merveilleusement dynamique et participe aux recherches de l’artiste sur la torsion, le caractère instable du corps. Le sujet de cette sculpture évoque le Spinario, statue greco-romaine représentant un adolescent en train d’ôter une épine de son pied. Degas s’inspire ainsi du classicisme de la statuaire antique, en lui insufflant un réalisme audacieux.

Page 11: Au fil des collections de Tiepolo à Degas · Réunissant plus d'une centaine de pièces, l'exposition Au fil des collections, de Tiepolo à Degas propose un nouveau regard sur les

11

V. Alfred Sisley 1ER ETAGE, salle 2 D'origine anglaise, Alfred Sisley (1839-1899) étudie au début des années 1860 dans l'atelier de Gleyre, où il rencontre Renoir et Monet. Contrairement à ses contemporains, il demeure fidèle tout au long de sa carrière à l'idée fondatrice de l'impressionnisme : capter l'éphémère des effets de la lumière sur la nature. A force de contemplation et grâce à sa technique maîtrisée, allant de l'empâtement au simple glacis, il parvient à rendre toutes les nuances liées aux reflets de la lumière. Concentrant inlassablement ses recherches sur le paysage, il cherche aussi à traduire les émotions que provoque l’observation de la nature.

1. Alfred Sisley 2. Alfred Sisley 3. Alfred Sisley La Seine à Saint-Cloud, 1879 La prairie, 1880 Prairie inondée, 1879 huile sur toile, 50 x 65 cm huile sur toile, 50 x 73 cm huile sur toile, 49,5 x 73 cm Lausanne, Fondation de l'Hermitage, collection privée collection privée, courtesy Galerie Artvera's legs d'Antonia Chavan, 1979 1. Commentaire d’œuvre : Légué en 1984 à la Fondation de l’Hermitage, La Seine à Saint-Cloud est le premier tableau impressionniste à entrer dans la collection. Il a été peint en plein air sur les bords de la Seine, à l’ouest de Paris. Ce tableau est un condensé de touches vibrantes qui génère une sensation de mouvement et une impression profondément vivante. En effet, l’artiste fait rarement des dessins préparatoires et peint directement sur le motif. Pour Sisley, l’une des tâches fondamentale du peintre est « l’animation de la toile ».

• Observer et comparer les trois œuvres de Sisley accrochées côte à côte. Quel genre choisit-il de représenter ? => le paysage.

• Quels sont les points communs et les différences entre ces trois œuvres ? (perspective, chromatisme, touche picturale) => Le peintre varie les perspectives. Il opte pour une ligne d’horizon située au premier tiers du tableau ce qui confère une place significative au ciel. Ces compositions sont particulièrement structurées. Le peintre construit la profondeur avec la courbure du fleuve (La Seine à Saint-Cloud) ou le tracé d’un chemin (La prairie), alors qu’une colline ou une ligne de peupliers viennent souvent fermer l’espace. Bien que ces œuvres soient classiques, Sisley fait preuve d’une certaine audace lorsqu’il recourt à une palette raffinée de tons violacés, visible dans la Prairie inondée. A l’aide de touches juxtaposées, il rend à merveille l’aspect fugitif des reflets dans l’eau. La critique lui reprochait d’ailleurs de peindre dans une gamme artificielle lilas.

• Observez la configuration de l’espace et décrire le traitement du ciel.

=> Sisley commence toujours ces compositions par le ciel, dont il excelle à rendre les infinies nuances. Celui-ci joue un rôle primordial dans ses compositions, puisqu’il occupe souvent les deux tiers de la composition, conférant une certaine monumentalité au tableau. L’artiste connaissait d’ailleurs l’étude sur les nuages du peintre anglais John Constable (1776-1837).

Page 12: Au fil des collections de Tiepolo à Degas · Réunissant plus d'une centaine de pièces, l'exposition Au fil des collections, de Tiepolo à Degas propose un nouveau regard sur les

12

VI. Félix Vallotton et Edouard Vuillard 1ER ETAGE, salle 3 Ayant quitté Lausanne pour Paris en 1882, le jeune Vallotton (1865-1925) se forme à l’Académie Julian – où il côtoie notamment son compatriote Ernest Biéler – et débute une carrière de portraitiste. Dans les années 1890, tandis qu’il explore et renouvelle fondamentalement la gravure sur bois, il rejoint le groupe des nabis. Très influencé par l’estampe japonaise, l’art des nabis s’affranchit de tout réalisme et revendique une approche décorative ; la surface plane et l’arabesque prennent le pas sur le modelé et la perspective.

Félix Vallotton, Les Alpes, 1900 huile sur carton, 24 x 39 cm collection privée

Commentaire d’œuvre : Devenu un ami intime du jeune nabi Edouard Vuillard (1868-1940), Vallotton vient peindre en sa compagnie à Romanel-sur-Lausanne en 1900. Certains tableaux créés lors de ce fructueux séjour sont présentés ici. Marqués par de grands aplats de couleurs et une gamme chromatique subtile, ces vues lémaniques font partie des derniers paysages que Vallotton compose d’après nature. Par la suite, c’est dans son atelier, d’après croquis, qu’il produit un nombre considérable de paysages, souvent exempts de présence humaine.

Edouard Vuillard, Fenêtre sur le lac Léman, 1900 huile sur carton, 62 x 49 cm Zurich, Walter Feilchenfeldt

Commentaire d’œuvre : A la fin de sa période nabie, alors qu’il s’était jusque là surtout intéressé aux scènes d’intérieur, Vuillard peint des paysages lors de séjours à la campagne. Réalisée à Romanel-sur-Lausanne où il rejoint Vallotton en 1900, cette vue sur le Léman est prise depuis une fenêtre, comme en témoignent le volet sur la gauche et les toits en contrebas. Selon un procédé cher à Vuillard, la peinture se compose d’un délicat camaïeu de tons vert-gris, traités par aplats, qui laisse apparent le fond du support et donne naissance à jeu subtil de cloisonnement entre les surfaces colorées.

Page 13: Au fil des collections de Tiepolo à Degas · Réunissant plus d'une centaine de pièces, l'exposition Au fil des collections, de Tiepolo à Degas propose un nouveau regard sur les

13

• En quoi les artistes s’inspirent-ils des estampes japonaises ? => Ils adoptent souvent dans leurs œuvres un point de vue en surplomb. C’est aussi de l’art extrême-oriental qu’ils s’inspirent dans le traitement des éléments dans une surface plane.

A partir de 1920, Vallotton passe ses hivers dans le Sud de la France, à Cagnes. Là, dans les ruelles tortueuses de ce village fortifié et sous la violente lumière du Midi, il donne naissance à ses paysages les plus aboutis, empreints de silence et d’immobilité.

Félix Vallotton, La rue ensoleillée, 1922

huile sur toile, 65 x 54 cm collection privée

Commentaire d’œuvre : Marqués par un regain d’énergie créatrice, les séjours de Vallotton à Cagnes se distinguent par une intense production, en particulier de paysages. Dans cette composition, il s’attache à peindre les effets du soleil qui s’insinue à l’intérieur du village et qui marque les murs d’ombres colorées très contrastées. Par un cadrage original, il utilise cette ruelle étroite pour canaliser le regard vers le sommet d’un arbre en fleurs et les pointes d’un agave. Seuls deux chats déambulant dans l’ombre viennent troubler l’immobilité de cet univers très minéral.

• Pourquoi parle-t-on de « paysages composés » chez Vallotton ?

=> Vallotton recompose souvent ses tableaux en atelier, où il reconstitue mentalement ses paysages à partir de ses carnets de croquis. Les formes sont stylisées et compactes, et les couleurs souvent irréelles. L’artiste crée une interprétation du réel. Par leur caractère synthétique et leurs vastes surfaces planes, ses tableaux conservent la vigueur expressive des xylographies (gravures sur bois) qui firent la renommée de l’artiste.

Page 14: Au fil des collections de Tiepolo à Degas · Réunissant plus d'une centaine de pièces, l'exposition Au fil des collections, de Tiepolo à Degas propose un nouveau regard sur les

14

VII. Louis Soutter 2ème ETAGE, salle 1 Né à Morges, Soutter (1871-1942) entreprend des études d’architecture, avant de se consacrer au violon et au dessin qu’il enseigne aux Etats-Unis dès 1896. A son retour en Suisse en 1904, il refuse toute activité et sera interné par sa famille en 1923 dans un asile à Ballaigues, dans le Jura vaudois. C’est dans ce cadre que Soutter produit la quasi-totalité de son œuvre foisonnante et énigmatique. Ses sujets, qu’ils soient réels ou imaginaires, abordent souvent la misère humaine ou les thèmes chrétiens. Privilégiant le crayon, l’huile ou l’encre de Chine, il élabore des scènes grouillant de personnages, dans un style nerveux et rythmé. Faute de moyens, Soutter couvre d’abord des cahiers d’écoliers (1923-1930) d’une écriture frénétique, faite de hachures, comme dans la double page Y aura-t-il un juste là ? et Vierge aux chérubins, présentée ici. Pendant sa période maniériste (1930-1937), l’artiste exécute des dessins à la plume très élaborés, constitués de réseaux de lignes enchevêtrées, à l’instar de Guitare et mandoline. De 1937 à 1942, il élargit son trait et réalise une série de peintures au doigt. Créant de puissants contrastes et jouant savamment sur les vides et les pleins, il aborde ici des thèmes liés à la Crucifixion. De ses figures tourmentées émane une force existentielle omniprésente dans la production de l’artiste.

Commentaire d’œuvre : Lorsqu’il adopte la technique de la peinture au doigt, en 1937, Soutter choisit de plus grands formats. Ces changements sont dus à sa vue affaiblie, qui le contraint à renoncer à la plume et au crayon à mine de plomb. De l’impulsion gestuelle de l’artiste naît ainsi une danse de silhouettes tourmentées, rythmée par un jeu de pleins et de vides.

Louis Soutter, Une descente de croix, 1939 peinture au doigt, encre noire, gouache, 65 x 52 cm collection privée

• Décrire la facture de cette œuvre. Quelle est la technique adoptée ? => La peinture au doigt. Cette technique supprime tout intermédiaire entre l’artiste et l’œuvre. Soutter applique directement, avec le doigt, de l’encre de Chine – mais aussi parfois des vernis de carrosserie et du cirage à chaussures – sur le papier posé à même le sol.

• En quoi cette œuvre est-elle tourmentée et dramatique? => Le quadrillage généré par l’enchevêtrement des croix ; les personnages sont décharnés et tronqués par le bord de la feuille ; les gestes des figures sont désarticulés ; la silhouette du Christ est complétement arquée ; le contraste entre les valeurs noir/blanc et les taches rouges et bleues.

• Etudier l'œuvre de Soutter dans le contexte de l’art brut.

Page 15: Au fil des collections de Tiepolo à Degas · Réunissant plus d'une centaine de pièces, l'exposition Au fil des collections, de Tiepolo à Degas propose un nouveau regard sur les

15

VIII. Marius Borgeaud 2ème ETAGE, salle 2 Un florilège d’artistes vaudois actifs dans les premières décennies du XXe siècle, tels que Marius Borgeaud, René Auberjonois, ou encore Rodolphe Théophile Bosshard, témoigne de la force et de la diversité créatrices de l’art suisse à cette époque.

1. Marius Borgeaud 2. Marius Borgeaud Le grand blessé, scène de café, 1921 Intérieur d'auberge, 1911 huile sur toile, 65 x 81 cm huile sur toile, 60 x 73 cm Lausanne, Fondation pour l'art et la culture, collection privée en dépôt à la Fondation de l'Hermitage

1-2. Commentaire d’œuvre : Marius Borgeaud (1861-1924) est l’auteur d’une cinquantaine de scènes d’intérieur de bistrot. Loin de rechercher des effets anecdotiques comme les peintres du XVIIe siècle, il représente un monde où le temps semble suspendu et les personnages figés dans une immobilité silencieuse. Plantant son chevalet dans les salles à boire, il se plaît à varier les perspectives, en se rapprochant ou en prenant du recul, ou bien en adoptant une vue légèrement plongeante. Dans cet univers clos, il privilégie les forts contrastes de lumière, jouant entre une pièce plongée dans la pénombre et une autre baignée de soleil.

• Analyser les personnages et l’action en cours. => Borgeaud crée des mises en scène de la vie quotidienne, tout en maintenant l’action en suspens. Traités en aplats et de manière synthétique, ses personnages se caractérisent par leur raideur et leur immobilité. De plus, l’artiste dispose souvent un chien dans ses compositions, protagoniste observant la scène.

• Décrire la scène du Grand blessé, scène de café. Où se situe-t-elle? => Cette peinture représente un blessé de la Première Guerre mondiale attablé dans un café. Elle a probablement lieu en Bretagne, terre de prédilection de Borgeaud qui s’y rend fréquemment depuis Paris. Ceci se vérifie par le costume traditionnel breton que porte la femme assise.

• Observer le décor, en quoi peut-on parler d’un tableau dans le tableau ?

=> Le tableau dans le tableau est une thématique récurrente dans l’œuvre de Borgeaud. Ce dernier décrit ce qu’il voit dans les intérieurs d’auberges ou de maisons. Les tableaux accrochés au mur que l’on distingue dans ses compositions sont inspirés des nombreuses reproductions – de figures mythiques, de saints ou d’images populaires – que l’artiste possédait et conservait dans un cartable. De surcroît, il varie les effets en jouant sur la géométrie des cadres (tableaux, fenêtres) et insère à maintes reprises le motif du miroir, générant une rupture spatiale et chromatique.

Page 16: Au fil des collections de Tiepolo à Degas · Réunissant plus d'une centaine de pièces, l'exposition Au fil des collections, de Tiepolo à Degas propose un nouveau regard sur les

16

IX. René Magritte et Gui Rosey SOUS-SOL, salle 1 Depuis 1989, la Fondation de l’Hermitage conserve les archives du poète surréaliste français Gui Rosey (de son vrai nom Charles Rosenthal), décédé à Yverdon en 1981. Outre des documents privés, le fonds Rosey contient la correspondance que ce poète entretient, entre 1965 et 1967, avec le fameux peintre belge René Magritte (1898-1967). Initiés par une collaboration artistique – Rosey demanda à Magritte d’illustrer un de ses recueils de poèmes –, ces échanges épistolaires sont révélateurs des échanges artistiques étroits qui marquèrent le mouvement surréaliste dans son ensemble. La complicité de Magritte avec le monde littéraire est une dimension fondamentale de son œuvre. Immédiatement reconnaissables, ses œuvres d’une grande clarté formelle restent volontairement cryptées. L’étrangeté des thèmes et de leur combinaison provoque parfois le malaise. Derrière cette perfection formelle se cache une intense réflexion théorique, et une préoccupation constante pour ce que montre et ce que cache une image.

1. René Magritte, Le paysage de Baucis, 1966 2. René Magritte, Le thérapeute, 1937 stylo à bille bleu sur traces de crayon, sur papier, 23,6 x 18 cm gouache sur papier, 33 x 27 cm Lausanne, Fondation de l'Hermitage, achat, 1989 Suisse, collection privée 1. Commentaire d’œuvre : La représentation du vide fait partie des préoccupations constantes de Magritte. Comme il l’écrit au poète Gui Rosey quand il lui envoie ce dessin : « Le tableau s’appelle ‘Paysage de Baucis’, il montre un chapeau et un vêtement et le vide entre le chapeau et le vêtement […]. Afin d’éviter le fantastique […] et pour que le vide soit évident, il y a des yeux, un nez et une bouche entre le chapeau et le vêtement ». Magritte fit également une version féminine de cette image, un chapeau féminin surplombant une robe. 2. Commentaire d’œuvre : Sous son titre évoquant la psychanalyse, cette gouache colorée met littéralement en scène – entre des manches rouges évoquant des rideaux – la métaphore de la cage thoracique libérant, tels des oiseaux, le souffle qu’elle retient. A plusieurs reprises, Magritte peint ce dérangeant personnage sans visage, au corps creux et aux allures de vagabond. Comme souvent, sa composition initiale varie légèrement et intègre d’autres éléments de son répertoire iconographique. Ainsi, sur une photographie de 1937, il incarne cette figure, mais le vide signifié par la cage est remplacé par un tableau.

• Analyser les titres des œuvres de Magritte. En quoi sont-ils incongrus ? => Les titres de ses peintures, souvent choisis après des remue-méninges épistolaires avec ses amis écrivains, constituent un élément-clé du décalage poétique qu’il cherche à introduire au sein même de ses images. A ses yeux, la poésie et la peinture procèdent d’ailleurs de la même démarche de transcription, voire de falsification de la réalité.

• Comparer ces deux images et retrouver les éléments iconographiques récurrents. => La notion de vide ; l’anonymat de la figure ; l’absence de corps (transformé en scène de théâtre) ; le chapeau ; l’importance du costume.

Page 17: Au fil des collections de Tiepolo à Degas · Réunissant plus d'une centaine de pièces, l'exposition Au fil des collections, de Tiepolo à Degas propose un nouveau regard sur les

17

X. Suzanne Valadon SOUS-SOL, salle 2 Un prestigieux don du Dr John D. et de Françoise Geiser, constitué d’une quinzaine d’œuvres de Suzanne Valadon (1865-1938), est venu enrichir en 2007 la collection de l’Hermitage. Couvrant la période de 1892 à 1931, cet ensemble de dessins et peintures représente une synthèse éclairante des sujets privilégiés par l’artiste. Suzanne Valadon a été élevée dans la pauvreté par sa mère à Montmartre. D’abord acrobate dans un cirque, elle pose ensuite comme modèle pour de nombreux peintres des années 1880 comme Puvis de Chavannes, Renoir ou encore Toulouse-Lautrec. Mère de Maurice Utrillo, elle devient rapidement la muse des artistes de Montmartre, avant d'entamer avec succès sa carrière artistique. Profondément ancrée dans le réel, Valadon puise ses sujets dans son univers familier et s’oriente aussi bien vers les genres du portrait ou du paysage que de la nature morte. C’est essentiellement pour ses dessins de nus aux formes sensuelles qu’elle est reconnue. Ses croquis de femmes à la toilette enthousiasment Edgar Degas, qui sera son fidèle conseiller.

Suzanne Valadon, Nu couché tourné à gauche 1913-1914, fusain sur papier, 39 x 61 cm Lausanne, Fondation de soutien à l’Hermitage, don du Dr John D. et de Françoise Geiser, 2007

Commentaire d’œuvre : « J’ai dessiné follement pour que quand je n’aurai plus d’yeux, j’en aie au bout des doigts ». De la passion graphique de Valadon naît une écriture ferme et puissante, magnifiée par le fusain, le crayon gras, la sanguine ou le pastel. Caractérisées par leur lisibilité et leur économie de moyens, ses esquisses présentent une ligne souple, cloisonnée à l’infini, dont l’inspiration provient notamment d’Ingres et de Degas. Ceci est particulièrement visible dans ce dessin, qui se concentre sur les courbes de la figure contorsionnée, marquée d’un cerne incisif.

• Que remarquez-vous dans le traitement académique du corps ? => On remarque une certaine maladresse dans les proportions et le rendu du corps. Le bras droit et la jambe droite sont traités avec un audacieux raccourci. De plus, les jambes sont exécutées de face alors que le buste est de profil.

Commentaire d’œuvre : Prétexte au déploiement d’une luxuriance décorative, le nu aux draperies est un motif récurrent chez Valadon. L’artiste a en effet un goût certain pour l’ornement, les volutes, l’arabesque, qu’elle déploie autour de ses sujets. Ici, la figure cohabite harmonieusement avec l’arrière-plan : les deux espaces s’imbriquent en un tout indissociable, le décor végétal semblant être le prolongement des motifs du tissu. Le charme sculptural de ce corps se rapproche, par sa robustesse, du primitivisme cher à Gauguin, avec qui Valadon partage l’expressivité chromatique et l’espace cloisonné.

Suzanne Valadon, Nu assis au châle, vers 1921 huile sur toile, 73 x 54 cm Lausanne, Fondation de soutien à l’Hermitage, don du Dr John D. et de Françoise Geiser, 2007

Page 18: Au fil des collections de Tiepolo à Degas · Réunissant plus d'une centaine de pièces, l'exposition Au fil des collections, de Tiepolo à Degas propose un nouveau regard sur les

18

• Quel est le trait distinctif de la majorité des œuvres de Valadon ? => Le cerne. Le style de Valadon, caractérisé par un vigoureux trait noir qui cerne les figures, dénote l’influence de l’École de Pont-Aven et notamment de Gauguin dont elle s’inspire pour la force sculpturale du trait. De même, sa palette dense, aux tons chauds et purs, souvent mêlée à des motifs décoratifs, se rapproche de l’expressivité des peintres fauves.

1. Suzanne Valadon Le château de Saint-Bernard, 1931 huile sur toile, 92 x 73 cm Lausanne, Fondation de soutien à l’Hermitage, don du Dr John D. et de Françoise Geiser, 2007

2. Suzanne Valadon Nature morte au lapin et à la perdrix,1930 huile sur toile, 73 x 100 cm Lausanne, Fondation de soutien à l’Hermitage, don du Dr John D. et de Françoise Geiser, 2007

3. Suzanne Valadon Nature morte au poisson, 1926 huile sur toile, 33 x 46 cm Lausanne, Fondation de soutien à l’Hermitage, don du Dr John D. et de Françoise Geiser, 2007

1. Commentaire d’œuvre : En 1923, Valadon mène une vie aisée et achète avec son mari André Utter le château fort de Saint-Bernard, situé sur les bords de la Saône, près de Lyon. Avec le peintre Maurice Utrillo, fils de Valadon et ami d’Utter, le couple forme ce que les critiques ont appelé la « Trinité maudite », en référence à leurs relations tumultueuses. Dans cette peinture d’une étonnante fraîcheur de coloris, les formes massives du château de Saint-Bernard qui apparaissent entre les troncs dénudés évoquent les volumes chers à Cézanne. Le cerne sert cette fois à encercler les arbres en un réseau de lignes enchevêtrées. 2-3. Commentaire d’œuvres : Dans l’environnement de Saint-Bernard, propice à la chasse, Valadon trouve de nouvelles sources d’inspiration. Cette chatoyante nature morte mélange fleurs, fruits et gibier, dans la tradition de la peinture hollandaise du XVIIe siècle. Une certaine rusticité transparaît dans le choix des objets – table en bois, carrelage, vase en terre cuite –, prétexte à un jeu de textures. Dans cette œuvre tardive, Valadon établit un contraste entre l’inertie du gibier et la volupté des fleurs et des fruits, à la manière d’une Vanité. A cette période, l’artiste opte souvent pour des cadrages en surplomb, comme dans Nature morte au poisson.

• De quel genre pictural s’agit-il ? => La nature morte.

• Comparer ces deux natures mortes, tant au niveau formel que structurel. Observer les couleurs, l’agencement des objets et le cadrage. => Ces œuvres ont des couleurs vives et contrastées. L’artiste a privilégié une représentation d’une table de biais, qui dynamise la composition. Les deux natures mortes adoptent en outre un point de vue en surplomb, offrant la vision d’un fragment d’une composition plus vaste, tel un zoom.

Page 19: Au fil des collections de Tiepolo à Degas · Réunissant plus d'une centaine de pièces, l'exposition Au fil des collections, de Tiepolo à Degas propose un nouveau regard sur les

19

INFORMATIONS PRATIQUES

Titre de l'exposition Au fil des collections, de Tiepolo à Degas

Lieu Fondation de l’Hermitage 2, route du Signal CH – 1000 Lausanne 8 Bellevaux tél. +41 (0)21 320 50 01 www.fondation-hermitage.ch [email protected] Direction Sylvie Wuhrmann Dates 27 janvier – 20 mai 2012 Horaires du mardi au dimanche de 10h à 18h, le jeudi jusqu'à 21h, fermé le lundi

ouvert le lundi de Pâques de 10h à 18h Prix adultes : CHF 16.- retraités : CHF 13.- étudiants et apprentis dès 19 ans, chômeurs : CHF 5.-

handicapés (avec carte AI) : CHF 13.- tarif réduit pour groupes dès 10 personnes

jeunes jusqu’à 18 ans : gratuit possibilité de payer en euros Nombre d'œuvres 150 Commissariat général Sylvie Wuhrmann Catalogue 192 pages, 24 x 29 cm, 100 illustrations pleine page couleur Editeurs Fondation de l’Hermitage, en coédition avec 5 Continents Editions, Milan Animations visites commentées soirées Art & Gastronomie dimanches Art & Brunch conférence, concert et visite de la maison Pour les enfants visites-ateliers pour enfants, visites-ateliers enfants & adultes, parcours- et les écoles jeux, dossier pédagogique et visite commentée spéciale pour les

enseignants Café-restaurant L’esquisse +41 (0)21 320 50 07 ou www.lesquisse.ch Accès en bus bus nos 3, 8, 22 ou 60 : arrêt Motte, ou bus n° 16 : arrêt Hermitage Accès en voiture suivre les panneaux après les sorties d’autoroute Lausanne-Blécherette

(n° 9) ou Lausanne-Vennes (n° 10), parking Place des Fêtes de Sauvabelin Prochaine exposition Asger Jorn (1914-1973), un artiste libre 22 juin - 21 octobre 2012

Page 20: Au fil des collections de Tiepolo à Degas · Réunissant plus d'une centaine de pièces, l'exposition Au fil des collections, de Tiepolo à Degas propose un nouveau regard sur les

20

ANIMATIONS POUR LES ÉCOLES

VISITE COMMENTÉE POUR LES ENSEIGNANTS Une visite guidée gratuite de l’exposition est organisée spécialement pour les enseignants, le mercredi 1er février 2012 à 14h afin de leur permettre de préparer la visite de l’exposition avec leurs élèves. Inscription obligatoire au +41 (0)21 320 50 01 ou sur [email protected] VISITES LIBRES �La Fondation de l’Hermitage accueille les classes sur réservation préalable. Afin de faciliter la préparation des enseignants, elle offre l’entrée gratuite à tout enseignant désirant venir individuellement préparer sa visite. VISITES COMMENTÉES Il est possible d’organiser des visites commentées interactives d’une heure, adaptées à l’âge des enfants (prix: CHF 130.- par conférencière). � �Le nombre de participants est limité à 25 écoliers. Sur inscription préalable au +41 (0)21 320 50 01 � ATELIERS POUR LES CLASSES Sur le modèle des activités organisées pour les enfants de 6 à 12 ans, les classes peuvent réserver une visite-découverte de l’exposition suivie d’un atelier de peinture inspiré par les chefs-d’œuvre de l’exposition en compagnie d’une animatrice. Prix : CHF 8.- par écolier, comprenant la visite de l’exposition et le matériel pour la peinture. Le nombre de participants est limité à 25 écoliers. � Inscription obligatoire au +41 (0)21 320 50 01 Durée : 2 heures PARCOURS-JEU Visite ludique et didactique de l’exposition pour les enfants de 6 à 12 ans, à l’aide d’une brochure gratuite, sur demande à l’accueil. L’entrée est gratuite jusqu’à 18 ans. Pour tout renseignement, vous pouvez prendre contact par email: [email protected] ou par téléphone au +41 21 320 50 01 Informations pratiques sur www.fondation-hermitage.ch