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Mis de Segonzac. Au coeur de l'Atlas, mission au Maroc, 1904-1905. Prfaces de M. Eugne tienne,... et du gnral [...]Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France

Segonzac, Ren de (Mis). Mis de Segonzac. Au coeur de l'Atlas, mission au Maroc, 1904-1905. Prfaces de M. Eugne tienne,... et du gnral Lyautey,... Note de gologie et de gographie physique, par M. Louis Gentil.... 1910.

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MLIME

1-084

MARQUIS

DR

SEGONZAC

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l'Atlah .,

MISSION 1904

Air, -1905)

MAROi ..;:', l|

PARIS ? ?.. V EMILE LAROS Libraire-Editeur

1 -Mu Cur j de l'Atlas

DU MEME

AUTEUR

Voyage dans le Sous (1899). Challamel. Paris, 1900 (puis). Voyages au Maroc. Itinraires et Profils. Henri Barrre. Paris, 1903. Voyages au Maroc (1899-1901) A. Colin. Paris, 1903. L'ensemble de ces travaux a t couronn par l'Acadmie franaise : (Prix Furtado) 1903 couronn par l'Acadmie des Sciences (Prix Delalande-Gurineau, 1910) et honor de la mdaille d'or de la Socit de gographie (Prix Ducros-Aubert),1908; de la mdaille d'or del Socit de gographie commerciale (mdaille Caill) 1903: de la mdaille d'or de la Socit de gographie de Marseille. 1903. Il a t publi, en mme temps que le prsent volume, une pochette de cartes au 1/250.000donnant les dtails et le profil de l'itinraire suivi par la Mission Segonzac 1904-1905 de sous le titre: Itinraires au Maroc, 1904-1905. H. Barrre. Paris, 1910.

MARQUIS

DE

SEGONZAC

Jlu

x--r-

Cur

de

l'Atlas

MISSION

AU 1904-I9o5

MAROC

PRFACES de M. EUGNE ETIENNE, Vice-prsicfent de la Chambre des dputs et du Gnral LYAUTEY, Commandant la division d'Oran Note de Gologie et de Gographie physique PAR Matre de confrences la Facult des Sciences de Paris

M. Louis GENTIL,

177 reproductionsphotographiques, i5 cartes dans le texte et hors texte et une carte en couleurs

PARIS MILE LIBRAIRE-DITEUR LAROSE, 11, Rue Victor-Cousin, 11 191O

MISSION

DE

SEGONZAC

Notre mission a t organise et subventionne par les socits suivantes: Comit du Maroc. Socit de gographie de Paris. Socit de gographie commerciale (Paris). Socitde gographie def Afrique du Nord (Alger). Socit normande de gographie (Rouen). Association franaise pour r Avancement des Sciences. Socit gologique de France. EcoledJ Anthropologie de Paris. Socit de secours aux blesss militaires. m * La mission se composait de : D M. LE MARQUIS ESEGONZAC, officierde cavalerie, chef de la mission; M. Louis GENTIL, octeur s sciences, Matre de Confrences la Sord bonne (1) ; M. R. DE FLOTTE-ROQUEVAIRE, du service cartographique du chef Gouvernement gnral de l'Algrie (2) ; Si SAD BOULIFA, Rptiteur de Kabyle l'Ecole Suprieur des Lettres d'Alger (3); SI ABD EL-Aziz ZENAGUl, ptiteur d'Arabe l'Ecole des Langues R Orientales. Nous tenons rendre ici un suprme hommage deux savants prmaturment enlevs aux tudes marocaines dont le concours nous fut, en maintes circonstances, infinimentprcieux : de M. GASTONUCHET, B Chargdemission du Ministre l'Instructionpublique. C SI ALLAL AEDI, hancelierdu consulat de France Mogador. (1) Les rsultatsdes observationsde M.LouisGentilont t publisen plusieurs notes et ouvrages dont-on trouvera la liste la page 771. - -,. : ont t publis sousle titre Cinq (2) Les travaux de M. de Flotte-Roquevaire mois de Triangulation au Maroc. Jourdan. Alger, 1909. : (3) Les tudes linguistiquesde Si Sad Boulifaont paru sous le titre Textes Berbres, en dialecte de l'Atlas marocain. Ernest Leroux. Paris, 1909.

^aFACES

donLe livre qu'on va lire a la discrtion de ne chercher ner nulle part l'impression du courage des actions qu'il raconte. bien franaise de vouloir que M. DE SEGONZAC la coquetterie a La simsa bravoure se dissimule sous une aisance souriante. plicit et la bonne humeur du rcit ne laisseront pas deviner au lecteur ignorant des choses marocaines que le voyageur qui raconte son voyage est un digne successeur du vicomte DE FouCAULD. C'est la quatrime fois qu'il affronte l'inconnu marocain. en se En 1899 il s'exerait une premire fois le pntrer entre Mogador, Agadir, Tiznit et Taroudant dans promenant les rgions encore mal pntres de l'ouest du Grand Atlas. En 1901-1902 il parcourait tout le nord du Maroc, le Rif et surtout les pays beraber, jusque-l du Moyen Atlas. Il les inexplors, franchissait pour aller faire l'ascension, dans la grande chane, du gant des montagnes le Ari Aach, dont il marocaines, redescendait, loula. C'est vers comme les eaux, en suivant la valle de la Mou-

ce point extrme de ce dernier itinraire que le a marquis DE SEGONZAC pris la -route, la fin de 1904, pour la mission que lui avait confie le Comit du Maroc. Il devait suivre au nord le Grand Atlas, de Mogador aux sources de la Mouloua, c'est--dire reconnatre la zone de contact entre le Moyen et le Grand Atlas, puis, au lieu de continuer vers le nord-est, en suivant des chemins dj parcourus par lui, gagner le versant *

Il saharien,

PRFACE E M. TIENNE D

reconnatre le haut bassin de l'oued Draa et pousser jusqu' l'oued Noun. Toute la partie capitale de ce voyage a t effectue. L'explorateur a reconnu que, conformment la figuration gnrale des montagnes marocaines, le Moyen et le Grand Atlas sont spars par une dpression trs nette, de mme que la troue de l'oued Inaouen spare nettement le Moyen Atlas des monts du Rif. Les valles opposes de la Mouloua et de l'oued el Abid, tributaire de l'Oum er Rebia, se continuent sans que le seuil qui s'lve entre elles prsente un srieux obstacle. Il existe donc l, entre la plaine de Merakech et l'Algrie un passage qu'une voie commerciale pourrait utiliser plus tard. En attendant ce jour, sans doute encore loign, un des problmes les plus intressants de l'orographie marocaine se trouve rsolu. Sur tout le reste de sa route le voyageur a runi les observations les plus intressantes. La dangereuse msaventure qui l'empcha de pousser jusqu' l'oued Noun, mais sans le dcider prfrer la route directe de Taroudant au retour par le Glaoui, lui a peut-tre plus appris que tout le reste sur les murs berbres. Prisonnier de hobereaux chleuh, vivant moiti de pillage et moiti du produit de leurs jardins cultivs par des russit se faire tolrer, puis esclaves, le marquis DE SEGONZAC presque adopter, au point qu'il eut quelque peine viter de devenir le gendre de son hte gelier. Mais je ne saurais rien dire sur ce sjour trange Anzour, dans le manoir des Ben Tabia, qui puisse avoir, mme de loin, la saveur du rcit. Jamais le sentiment ml que le chrtien, le roumi, inspire aux Marocains des coins reculs du Bled Siba ne s'est plus ingnument manifest. L'infidle est maudit et doublement bon tuer parce que chrtien et tranger suspect aux Rerbres, il est un sorcier malfaisant, qu'on se hterait de faire disparatre si on ne pensait pas qu'il est aussi un enchanteur capable de dcouvrir les trsors et les sources. Les trsors, pourquoi n'en dcouvrirait-il pas puisqu'il descend de ces roumis qui en laissrent, cachs de la manire la plus artificieuse, sous toutes les vieilles du pays? Et en voyant comment les ben Tabia invipierres

DE PRFACE M. TIENNE

III

taient leur prisonnier vaincre les gnies gardiens de ces Eldorados enfouis sous les vieilles tours et dans les citernes, on comprend toutes les caches de Jules Csar ou de Ganelon faisaient imaginer notre moyen ge. Le que les lgendes chez les chleuh de l'Anti rcit de la captivit de M. DESEGONZAC Atlas montre bien ce qu'il faut penser du fanatisme marocain. Il y entre autant d'admiration que de crainte pour le roumi le voyageur jug capable de faire des merveilles, captif fut contraint d'exercer la mdecine dans tout le voisimme dt-il la vie la bote de pharmacie nage, peut-tre saisie dans ses bagages. Une fois le contact pris avec ces primiramen vers vite. M. DESEGONZAC tifs, les relations s'amliorent le Glaoui par les chefs des Zenaga se vit sollicit plus d'une soitape d'envoyer dans le pays des Franais qui pourraient que laisse gner les malades et amnager les eaux. L'impression la lecture des pages mme les plus mouvantes et dramatiques de ce beau livre vient confirmer de ceux qui l'optimisme croient que c'est surtout notre manque de volont qui retarde la pntration franaise au moins dans les rgions mridionales du Maroc. L'oeuvre que publie M. DESEGONZAC considrable. est Il n'aurait lui seul. Il n'est pu en runir et en coordonner les matriaux M. Louis que juste de rendre hommage ses collaborateurs, GENTIL,qui parcourut le Haut Atlas et Djebel Siroua et dont on trouvera la belle tude gologique la fin de ce livre, M. DE FLOTTE ROQUE DE des pays accesVAIRE qui tablit la cartographie sibles qui s'tendent au nord du Grand Atlas, MM. SADBOULIFA et ABDEL Aziz ZENAGUJ, doctes algriens qui ont runi une grande sur les murs et coutumes berbres partie des renseignements dans la seconde partie de ce livre. A M. ZENAGUI n o publis doit mme un chapitre singulirement c'est celui pittoresque ; o il relate son voyage de Mogador Taroudant, o il allait et pour ngocier de plus prs la libration de M. DESEGONZAC o il se trouva tout prs d'tre massacr comme chrtien. La langue de ce rcit a une saveur orientale, presque biblique, dont le lecteur ne manquera pas de goter l'agrment. La seconde partie du volume rsumant les rsultats des mis-

IV

PRFACE E M. TIENNE D

sions du marquis DE SEGONZAC en tous points, digne de la est, dont je viens de parler, elle premire. Outre les renseignements sur les donne, avec de petites cartes, de brves indications des groupes, les centres, les puits, les influences religieuses rgions traverses. Enfin l'tude gologique de M. Louis GENTIL qui couvre aussi bien les itinraires du Maroc septentrional que ceux du dernier voyage au Grand Atlas et au Djebel Siroua lui donne une annexe du plus haut prix. Lorsque l'on songe aux conditions dans lesquelles a voyag le marquis DE SEGONZAC, se sent encore plus de respect pour on son uvre. DE FOUCAULD le Bled Siba sous le dguiparcourut sement d'un juif, M. DESEGONZAC a fait son dernier voyage comme suivant d'un petit chrif qui se fit passer pour parent du fameux Ma el Anin. C'est sous la constante menace d'une trahison motive par les disputes ou le zle des serviteurs engags un peu au basard que les lments de cet ouvrage si complet ont t runis. Il fallait une remarquable conscience pour travailler dans de telles conditions. Il fallait cette belle crnerie, insouciante en apparence mais applique et srieuse, qui caractrise les meilleurs des Franais et les rend si incomprhensibles pour les peuples qui ne conoivent pas la valeur sans une sorte de gravit pdante. C'est en vrai Franais que M. DE a comme DE FOUCAULD, donn, autant qu'il dpendait SEGONZAC, de lui, par l'exploration mthodique, les meilleurs titres cette prtention une situation spciale au Maroc, que notre pays a revendique, qui s'impose peu peu, ou plutt qu'un groupe la de patriotes clairvoyants a peu peu impose aU,\l\.,Oride, -iL et des Franais masse imprvoyante ~-; EUG. ETIEV^E, eux-mme&^c^ Y de la Vice-prsident Chamji^^{^|i^ul8 n rF-

MON|CHER AMI.

Merci de m'avoir donn la primeur de votre livre. Vous me procurez ainsi la grande satisfaction de pouvoir vous apporter mon tmoignage. notre J'voque nos causeries de 1904 alors qu'accompagnant patron tous, M. ETIENNE,vous veniez dans l'Extrme-Sud Oranais reconnatre par l'Est les abords des rgions o vous alliez vous enfoncer par l'Ouest. J'ai vu l combien vous tiez solidement, srieusement prpar et document pour la mission que vous vous proposiez de votre collaborateur, le remplir. Depuis, notre ami commun, professeur Louis GENTIL,m'a dit et redit quelle somme d'nergie, de labeur, d'exactitude scientifique vous aviez apporte sa ralisation. Au cours des missions que j'ai remplies sur la cte occidentale du Maroc en 1907 et 1908, Rabat et Casaunanimes sur la porte et blanca, j'ai recueilli les tmoignages de l'uvre travers l'importance que vous aviez accomplie tant de difficults et de prils. Vous avez hautement acquis le droit d'crire, avec un lgitime orgueil, en tte de l'inestimable document que vous nous donnez aujourd hui : Ceci est un livre de bonne foi! Il appartiendra de plus autoriss que moi d'en faire ressortir la valeur scientifique, gographique et sociologique. Mais, ct de vos titres d'explorateur, qu'il me soit permis de rappeler discrtement que vous en avez d'autres la gratitude de vos concitoyens. Je vous revois Rabat, en 1907, alors

VI

PRFACE U GNRALYAUTEY D L

que l'entre en scne de Moulay Hafid introduisait une nouvelle inconnue dans cette question marocaine dj si confuse et complexe. Je me souviens des prcieux renseignements que nous apportait votre documentation sur votre ancien hte de Merakech, de vos angoisses patriotiques et de votre dsir de mettre au service du pays les relations que vous aviez gardes avec les gens du Sud. A ce moment encore, vous n'avez pas pargn votre peine. Disserter sur ce qui aurait pu tre fait ou vit m'entranerait hors de la rserve qui m'est impose et serait d'ailleurs oiseux. C'est le pass. Hier est mort et il n'y a d'intressant que demain. Si justifis que soient les regrets que vous laissez deviner la premire page de votre livre, nous avons le droit et le devoir de rester optimistes. Ce n'est pas en vain que le sang a t rpandu, que tant de bonnes volonts ont t dpenses, que tant d'efforts dsintresss ont t prodigus. On ne saurait mconnatre que bien des malentendus ont t dissips, que les points les plus obscurs se sont claircis. Nul ne doute nos engagements ; de notre loyaut remplir aujourd'hui a prouv que le rle tutlaire et pacificateur assil'exprience gn par l'histoire et la gographie notre pays sur cette terre marocaine, n'est ni exclusif, ni prohibitif, que tous les intrts peuvent y trouver satisfaction l'abri de la paix que nous y instaurons et que chacun doit bnficier de la lutte que nous y soutenons contre l'anarchie et l'arbitraire. sont l pour attesLa Chaouia, les confins algro-marocains ter de la grandeur et de la noblesse de l'uvre que nous ralisons. Ce sont des portes ouvertes, o il est loisible tous de venir voir et d'entrer. Enfin et ce n'est pas le rsultat le moins apprciable des luttes soutenues en commun il rgne entre tous les agents qui forment l'quipe marocaine , Casablanca, Tanger, sur les confins algriens, une cohsion et une entente qui, sous au et tenace de notre reprsentant la direction clairvoyante Maroc, ne sauraient rester striles. dissiper, des prjuCertes, il y a encore des malentendus gs dtruire, des inerties vaincre, mais ceux qui sont pied

PRFACE GNRALYAUTEY DU L

J--:.Vit

d'uvre, et qui ont trop connu les jours d'angoisse et de doute, n'ont plus le droit de dsesprer de l'uvre dpjifJSttes^tes un des plus vaillants ouvriers. Oran, le 15 juin 1910. , la G Gnral

AVANT-PROPOS

: je Au seuil de ce livre j'accluitte mes dettes de gratitude remercie, d'abord, ceux qui m'ont fait l'honneur de 111econfier frande la premire le commandement mission d'exploration les dnombrer aise envoye au Maroc, et, faute de pouvoir tous, j'inscris au frontispice de cet ouvrage les noms des socits nos travaux. Entre savantes qui ont patronn et subventionn de nommer, avec une particulire toutes on me permettra le Comit du Maroc, dont le concours nous fut reconnaissance, si prcieux. moralement et matriellement le tmoignage public J'apporte, ensuite, mes collaborateurs, de mon admiration pour la patience et le courage avec lesquels ils ont surmont les obstacles qui hrissaient leur tache. Je dois expliquer aussi pourquoi cet ouvrage ne parait que si longtemps aprs notre retour. Notre mission devait tre le prlude d'une campagne de pntration scientifique, conomique et politique au Maroc. Nous tions une avant-garde ce champ nouveau charge d'explorer que personne, en ce temps-l, ne contestait la France. On sait comment tourna l' Affaire marocaine ; comment le problme africain, si simplement soluble avec les moyens et les mthodes dont nous disposions, devint un problme international irritant, insoluble. Il parut inopportun de publier pendant cette crise les documents que nous avions recueillis. s'est fait, et nous versons aujourd'hui Depuis lors l'apaisement dans le domaine public, avec des scrupules et des regrets que 1

2

AU COEUR E L'ATLAS D que nous

l'on comprendra, cette moisson de renseignements avions glane pour notre seul pays!. **

d'action dcoulait logiquement de mes programme prcdents voyages (1) : J'avais visit, en 1899, le Sud-Ouest du Maroc (2) (Sous et Tazeroualt) ; en 1900, le Nord (Rifet Djebala) ; en 1901, l'Est (Braber). Il me restait, pour boucler mes itinraires, explorer le Sud et le Sud-Est du Maroc. Ce fut le but de nos travaux. La rgion que nous nous proposions d'tudier s'tend sur 5 degrs en longitude, et 2 degrs en latitude. Elle fut partage en trois secteurs : M. de Flotte-Roquevaire fut charg de couvrir d'un rseau de triangulation expdie la zne Mogador-Demnat-Saii, appuye, d'un ct l'Ocan, de l'autre la chane du Hauten Gentil, au centre, parcourait le Haut-Atlas, s'efforant d'en pntrer les parties encore inconnues, notamment l'extrmit occidentale et le versant mridional ; de l'extrmit orientale du Je me rservais l'exploration du bassin de l'Oued Dra et de l'Anti-Atlas. Haut-Atlas, MM. Boulifa et Zenagui m'accompagneraient pendant une partie du voyage pour recueillir sur place les lments ncessaires leurs travaux d'ethnologie et de linguistique. * ** Notre mission prend pied sur le sol marocain le 28 juillet 1904. Dure singuliLa priode de gestation a dur deux ans. rement brve si l'on songe tous les concours qu'il fallut solliciter, toutes les rsistances dont il fallut triompher. Durant (I) Voirla carte d'ensemble. (2) Voyages au Maroc, Armand Colin,1903. Atlas ; M. Louis

Notre

AVANT-PROPOS

3

ces deux annes le Comit du Maroc fut cr; l'opinion publique prpare ; une souscription ouverte, dont le rsultat dpassa nos esprances et nos besoins. magnifiquement On recrute des De juillet novembre la mission s'organise. le matriel ; on achte des mules; on confectionne serviteurs ; et, surtout, on cherche un guide. Car j'ai l'intention d'employer, ce jour, cette fois encore, la mthode qui m'a russi jusqu' de muletier musulman, dans de voyager sous le dguisement l'escorte d'un grand personnage religieux. infinies. Et Une pareille organisation exige des prcautions doive tre secrte, sous peine d'abord on comprend qu'elle cette Les hommes qui composent d'entraner une catastrophe. caravane simule doivent tre braves, discrets et dvous. Le doit tre conforme aux matriel, pour ne pas attirer l'attention, doivent tre dissimuls. Il traditions locales. Les instruments n'est pas jusqu'aux mules qui ne doivent tre trs exactement cette 1 harnaches et ferres la mode marocaine, encore que mode soit archaque et barbare. ne nous viennent pas D'ailleurs les difficults d'organisation de que du Maroc, et je ne puis rsister au plaisir, dpourvu toute acrimonie, de conter la gense de notre armement. de la (iuerre, dfrant la demande du Comit du Maroc, avait bien voulu, aprs enqute du Ministre de nous prter un lot de carabines et nous donner des l'Intrieur, munitions. Mais le Ministre des Affaires Etrangres, soucieux de voir confrer ainsi une sorte d'estampille officielle cette mission destine oprer sur le territoire d'un souverain voisin et alli (!), exigea que les armes prtes fussent maquilles. Le directeur bines !. me parut de l'artillerie fut donc requis de dmatriculer les caraNous tions la veille de notre dpart, et l'opration si complique que je courus acheter un lot d'armes et de cartouches dans une grande manufacture franaise. Le malheur voulut que ce colis d'armes manqut le paquebot Il prit le bateau suivant et vint, navequi nous emportait. ment, se prsenter la douane de Sa Majest Chrifienne, au Tanger. Ceci se passait avant la Confrence d'Algsiras, o la contrebande d'armes florissait sur les temps heureux Le Ministre

4

AU CURDE L'ATLAS

ctes marocaines, o des ballots de fusils passaient quotidiennement, peine dguiss, sous les yeux discrtement clos des Oumana. On juge de l'indignation que souleva chez ces vertueux fonctionnaires l'arrive d'une caisse d'armes loyalement dclare !. On l'imagine, mais nul n'en a jamais rien su; personne ne revit aucune de nos armes; personne ne fut avis de leur venue, ni de leur disparition. Pendant un mois et demi nous vnmes les rclamer l'arrive de chaque bateau, et les Oumana accueillaient nos dolances avec des mines merveilles et commisratrices. Un beau jour, las d'attendre, nous nous mimes en route, aprs avoir raccol des armes que quelques Europens complaisants voulurent bien nous vendre ou nous prter. Et voil comment notre mission, obligeamment arme par le Ministre de la Guerre, munie par surcroit d'un arsenal coteux et perfectionn acquis l'industrie prive, fit le tour du Maroc avec des carabines Mauser, empruntes au Consul d'Allemagne, et des commerants franais et allemands de Mogador! Pour utiliser les loisirs que ces laborieux prparatifs nous crent, nous tudions le Nord du Maroc. Un jeune et minent savant, M. Gaston Buchet, charg de missions scientifiques par le Ministre de l'Instruction publique, veut bien nous prter son Ensemble nous parconcours dans ces travaux prparatoires. courons la rgion Tanger-Ouezzan-Larache, juchant notre thodolite sur les principaux sommets. Un peu plus tard, M. Louis Gentil et M. Gaston Buchet explorent, dans le massif de l'Andjera, le triangle Tanger-TetouanCeuta. Enfin M. de Flotte-Roquevaire mesure, sur le littoral de Mogador, une base qui servira de point de dpart ses travaux godsiques.

CHAPITRE

PREMIER

DE MOGADOR DEMNAT A

24 dcembre mon journal de route au matin de notre dpart de devanc : Gentil a pris la Mogador. Mes collaborateurs m'ont route du Sud de Flotte celle du Nord. Je vais me diriger droit ; dans l'Est, vers Merrakech. Il a plu toute la nuit; sur la montagne il a neig, et la chane J'ouvre de l'Atlas se dresse toute blanche dans sa majestueuse splendeur. La mise en route de notre caravane est pnible. Les tentes les charges, les pistes sont glissantes ; mouilles alourdissent notre camp a pris racines pendant ces quelques semaines de vie sdentaire. A neuf heures, enfin, notre convoi s'branle, et nous voici, pour bien des mois, devenus nomades. D'une crte chauve j'aperois, par del les dunes qui lui font une ceinture de dsolation, Mogador, la ville blanche, coquettement entasse dans ses remparts crnels, et la mer, la mer s'il que nous ne reverrons ! plat Dieu qu'aprs un trs long et trs lointain voyage. Une courte halte; un dernier adieu aux amis qui nous accomun dernier souvenir tout ce que nous laissons en pagnent; arrire, et. en route! En route pour cette belle existence d'exsi pleine d'motions intenses et splendides, ploration, toujours tendue vers un but, anime par une lutte, enchante par un rve.

6

AU CURDE L'ATLAS

Notre caravane n'a pas grande mine, elle a bonne apparence. Nos mules sont un peu grasses; leurs harnachements sont trop neufs. Ce sont dfauts qu'une semaine de marche corriils portent leurs gera. Mes hommes ont joyeuses figures; armes avec une ostentation enfantine. Tout le monde est pied. Rien ne nous distingue de nos muletiers : Boulifa, Zenagui et moi portons le costume berbre, ayant pareillement sacrifi, chez le barbier musulman, nos cheveux, nos barbes et nos moustaches. Notre Figaro arabe m'a dclar, avec un sourire assez nigmatique : Allah lui-mme ne te reconnatrait a pas ! La piste que nous suivons est celle de Merrakech. Elle serpente travers les champs fertiles des Ida ou Guerd, fraction extrme-ouest de la province de Haha (1). Le sol est rougetre, argileux; par endroits la crote calcaire, qui forme l'ossature de cette rgion, affleure, tale en dalles ou rompue en pierrailles. L'horizon est court; les collines rondes limitent la vue. La fort d'arganiers, tantt dense, tantt clair-seme emplit les vallons, escalade les pentes. Sous ses beaux arbres chargs de fruits paissent de grands troupeaux de chvres, sur qui veillent d'invisibles ptres. Ces troupeaux rentrent le soir dans les cours des maisons, ou l'enceinte des douars gavs des fruits d'argan brouts pendant le jour, et, le matin, les femmes et les filles trient le fumier, en retirent les noyaux d'argan que la digestion a dcortiqus, les cassent entre deux pierres, avec une merveilleuse vlocit, pour en extraire l'amande dont le broyage donnera l'huile. Cette huile possde en propre un got pre et fort et la science ne Ils prtendent, que les Berbres apprcient. contredit pas leur opinion, que l'huile d'argan jouit d'admiraDans tout le Sous on fait la cuibles proprits reconstituantes. sine, on s'claire avec l'huile d'argan. Les matrones ont un procd simple et utile connatre pour ter cette huile l'arme de l'argan et le got de rance. Elles mettent une galette de mie de pain au fond d'un polon plein d'huile qu'elles font longuement bouillir. : (1) Voir Renseignements.

Page bis 6

Planche 1

Fig. 1. Merrakech. La Koutonbia (page 15).

Fig. 2. Valle de l'Oued Tensift. Un arganier. Territoire de Kourimat (page 7).

DE MOGADOR DEMNAT A

7

Vers midi nous sortons de la province de Haha (1) pour pnde Chiadma (2) dont les champs fertiles trer sur le territoire sont sems de bouquets d'oliviers. Nous marchons d'abord en plaine pendant deux heures, puis nous rentrons dans la fort d'arganiers pour y demeurer jusqu' Sidi abd Allah ou Ouasmin, o nous campons 3 h. 30. Dans cette fort s'opre notre jonction avec les deux cheurfa que j'ai choisis pour guides. Ils sont venus par une autre route, d'un enfant discrtement, accompagns d'untaleb, prudemment, de quinze ans beau-fils de l'un deux, et de deux serviteurs. Au total six hommes et quatre mules. Cette tape de cinq heures a paru rude aux gens et aux btes, galement peu entrans. La cuisine est sommaire, les prires sont brves, et, dans cette nuit de Nol, je suis seul veiller, attendant l'occultaauprs de ma grande lunette astronomique, tion de l'toile 55 Piazzi, et rvant aux joies familiales si douces, si lointaines. 25 dcembre Trois heures d'tape seulement dans un pays tout pareil hier. Les champs cultivs alternent celui que nous parcourmes avec les bois d'arganiers, la terre rouge avec les dalles calcaires. Aprs le territoire des Oulad Sad nous traversons celui de Kourimat. Des maisons fortifies, portant tourelles et crneaux, commandent les valles. Ce luxe d'ouvrages dfensifs dit assez que le pays n'est pas sr. La fort de Guechtoula, que nous longeons un instant, est un repaire de brigands, dont les caravanes se garent soigneusement. Nous campons ct de la maison d'el-Hadj Regragui, ami de nos deux cheurfa. Cette journe de route m'a permis de faire plus ample connaissance avec ces pieux personnages qui vont devenir nos compagnons et nos guides. Tous deux sont issus de la tribu saharienne des Oulad Be-ba. Le plus jeune, Mouley el-Hassen, parat 35 ans. Il a bien le type du Saharien, souple, un peu : (1) Voir Renseignements. : (2) Voir Renseignements.

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AU COEUR L'ATLAS DE grand air de longs pas, en du dsert. Il un lger pin-

commue au moral, avec un fuyant, au physique distinction. Sa dmarche trs caractristique, balanant les paules, rvle de suite l'homme est trs noir; son visage allong se termine par ceau de barbe frise ; ses yeux sont trs beaux, ombrag

par de grands cils recourbs, la plus frquente de cette agrable physionomie L'expression est un sourire ironique. Il est assez lettr, sans nulle affectation ; un peu verbeux; trs poli, sans obsquiosit. Enfin, l'entreprise dans laquelle il s'engage ma suite, et certaines aventures de son pass, attestent qu'il n'a pas peur. Son cousin, Mouley Abd Allah, est le type du vieux chrif roublard et sournois. Sa tribu d'origine est aussi celle des Ou/ad Be-ha, mais il est d'une fraction migre depuis plus d'un sicl dans la plaine de Merrakech. Toute sa vie s'est passe dans les camps du Maghzen. Il a 60 ans sonns, son visage trs blanc est encadr d'un collier de barbe blanche. Rien en lui n'attire figure ronde, peu expressive, o s'ouvre une large bouche aux lvres trs minces; petits yeux noirs dont le des pauregard dur et fixe n'est tempr par aucun battement pires ; taille moyenne, embonpoint replet, allure alerte et dcide ; beaucoup d'autorit dans les manires et dans la voix qui est nette et tranchante. Mouley el-Hassen devient le chef spirituel de notre caravane ; Mouley Abd Allah en sera le chef temporel. Tous deux chede serijas rouges. Derrire eux vauchent des mules harnaches suivent l'attention :

leur regard, est timide et dfiant.

de moindre importance : Zenagui qui trois personnages joue le rle de feqih, et deux tolbas dont l'un n'a que quinze ans. Plus loin viennent sept serviteurs poussant ou montant autant de mules. Et enfin je ferme la marche, en compagnie de Boulifa, levant l'itinraire, glanant des chantillons de toutes sortes et prenant, la drobe, des photograpour nos collections, - phies et des renseignements. 26 dcembre Un matin radieux succde la nuit pluvieuse. La bue monte calme et lgre et s'vapore dans la lumire. L'air est si limpide

Fugu 0 m

Fig. 3.-

Valle de l'Oued Tensift. Halte sous un jujubier, dans les retems.

Fig. 4. Valle de l'Oued Tensift. HalVs

un arganier, dans les palmiers nains.

A DE MOGADOR DEMNAT

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nettement les que l'Atlas semble tout proche. On distingue et les ravins creuss roches qui hrissent ses parois neigeuses Sa muraille splendide barre notre horizon par les avalanches. avec un air de dfi. Franchir le Haut-Atlas est en tous temps une difficile entreprise. J'ai conserv mauvais souvenir des cols de Goundafi. et de Bibaoun traverss en automne. Il s'agit cette fois de longer de pntrer entre elle et le Moyen-Atlas la chane principale ; sans mme savoir s'il existe une route possible; de traverser ensuite le massif central du Haut-Atlas, au voisinage de son dans la rgion la plus mystrieuse, la plus point culminant, et cela en hiver ! sauvage. La plaine dsole et pierreuse des Oulad Be-ba, et la intermaigre fort de retem de Chiadma, o nous cheminons font un piteux contraste minablement, nique et fascinante de l'Atlas. Chemin avec cette barrire faisant titanous ctoyons le o les fractions de la tribu de

champ de bataille de Talfettecht, Chiadma s'entrgorgrent lors de la mort du Sultan Mouley elHassen. Cinq cents guerriers y prirent, et, comme la coutume ne permet d'inhumer les victimes qu'aprs de leur vengeance un affreux charnier o mort, cette plaine demeura longtemps des bandes en plein jour de terribles combats, et dont nul voyageur n'osait affronter l'horreur. Nous faisons tape quelques kilomtres de la Zaouia de Sidi el-Mokhtar, chez le gendre de notre guide Mouley Abd Allah. Iii dcembre Des Oulad Bec ba au pays de Ahmar (1) la route se droule au milieu d'une rgion dsole que peuuniforme, monotone, buissons de cedra, quelques plent de loin en loin quelques touffes d'armoise et d'asphodle, de belles iris mauves et des colchiques. En Ahmar le pays devient plus accident. : (I) Voir Renseignements. Les collines rondes de chacals se livraient

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AUCOEUR L'ATLAS DE

sont spares par un rseau de valles d'rosion aux parois desles assises rompues de leur ossature calquelles apparaissent caire. Nous faisons halte la Zaouat Hdil, petite agglomration de cinq maisons et d'une vingtaine de huttes, groupe autour du tombeau d'un pieux marabout local dont la vertu opre encore des miracles. La zaoua n'a d'ailleurs aucun but enseignant ni politique, aucune affiliation spciale; elle n'est qu'un lieu de plerinage o, moyennant une obole, on trouve une hospitalit assez misrable que rehaussent d'infinies bndictions. Ici, comme chaque tape de notre route, les gens viennent causer, s'enqurir des nouvelles, nous conter leurs dolances, leur misre, leurs griefs contre le gouvernement, contre ce maghzen impitoyable, tyrannique, concussionnaire, prvaricateur. La rancune n'en remonte pas jusqu au Sultan: il est trop loin, trop haut. Mais on englobe dans une haine commune les qads, leurs khalifas, leurs moghazni, auteurs et excuteurs de toutes les exactions. Partout on se plaint, il n'est maison ni tente o l'on n'entende des lamentations, des histoires de spoliations arbitraires, d'emprisonnements injustes. Ce beau pays si richement combl par la nature, agonise sous une iniquit sans appel, et qui parat sans remde. Le peuple souffre, se rsigne, se laisse pressurer et torturer, jusqu'au jour o, la mesure tant il se lve dans un accs de comble et la patience puise, colre, gorge ses bourreaux, dtruit leurs forteresses, saccage leurs domaines. Le calme revient ensuite, par lassitude; l'quilibre naturel des choses se rtablit ; un qad pire succde au la rpression dpasse la rvolte en horreur; qad mauvais; ct de la qaba ruine se dressent les ruines du village, la misre s'aggrave, sans issue, sans espoir. Quelle illusion chimrique est celle de nos diplomaties qui se rorganiser le maghzen, et, par lui, rtablir l'ordre et figurent la prosprit. 28 dcembre autour de La mme plaine inculte s'tale interminablement dcor nous, tandis qu'au Sud YAtlas neigeux sem ble un immense que l'on droulerait lentement.

Page 1Ubus-

fiancne LU

rig. 5. Valle de l'Oued Tensift. Fil niaivh en plaine.

Fig. 6. L'Oued T^sij; et sa l'alaise.

A DEMOGADOR DEMNAT

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l'oued ChiDs le dpart, vers 9 heures, nous franchissons chaoua (1), qui porte dans sa haute valle le nom d'oued Seqsa valle troite saoua. Les jardins et les olivettes emplissent et fertile. Plus tard, vers t heure 30, nous traversons l'Oued Rekhas o Ce n'est qu'un ruisseau de 2 mtres notre caravane s'abreuve. de large roulant sur un lit de cailloux tapiss de mousses, dfleurir. encombr de lauriers-rose qui commencent les pistes s'y La route que nous suivons semble frquente, cette plaine d'el-Mai'der est creusent et s'y croisent. Cependant On n'y rencontre que des douars ou redoute des voyageurs. Les nomades nouals. Les gazelles, les livres y abondent. avec des sloudes, qui sont grands chasseurs, les poursuivent des faucons pour voler ghis. Mme quelques chefs possdent et l'outarde. le perdreau Nous campons en rase campagne, prs d'un puits, non loin nous resserdes nouals des Oulad Hammadi et, prudemment, rons notre camp en douar autour de nos mules, et nous plaons de vigilance. des gardes avec force recommandations 29 dcembre d'une viopar le vacarme lente discussion. Notre cuisinier marocain et l'un de nos Draoua son se sont pris de querelle ; l'un s'est arm de sa koumia, l'autre du merkhtaf, cette terrible faucille poignard recourb, Nous sommes rveills ce matin d'un bton court dont les gens de l'Oued Dra se servent pour l'lagage de leurs palmiers et le rglement de leurs comptes. On les spare, non sans peine, mais notre cuisinier, peu rassur dj par nos projets de voyage dans YAtlas, me dclare qu'il me quittera en arrivant Merrakech. C'est la premire dfection. Les dbuts d'un voyage sont toujours pnibles ; nous avons deux hommes malades et cinq mules blesses. La plaine change au voisinage de Y Oued Nefis. d'aspect D'aride elle devient fertile ; elle se couvre de fermes, d'azibs, : (1) Voir Renseignements. enmanche

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AU CURDE L'ATLAS

de qoubbas blanches. Quelques sguias, drives de la rivire, suffisent transformer cette rgion inculte en un merveilleux jardin. Nous campons dans un de ces abris que le maghzen entretient sur les routes frquentes. Nzalat el-lhoudi se compose d'une enceinte de branchages pineux dans l'angle de laquelle s'lve la hutte d'un gardien. Le sol est un fumier, comme celui de toutes les nzala. Notre camp s'y installe, ct d'une caravane d'niers et de chameliers venus hier de Mogadur, au milieu d'un enchevtrement de tentes et d'animaux, la lueur des grands feux de cedra. Zenagui et Mouley el-Hassen poussent jusqu' Merrakech afin d'y prparer notre logement, d'y acheter trois nes pour renforcer notre convoi, et un cheval avec une selle de parade, luxe indispensable, au personnage parat-il, que notre chrif va jouer. 30 dcembre Une tape de quatre heures nous conduit Merrakrch, travers une plaine rougetre irrigue par de jolies sguias dont les eaux froides et limpides courent entre des berges couvertes de joncs et de roseaux. De loin en loin une chane de monticules rgulirement espacs dnonce la prsence d'une conduite d'eau souterraine, une foggara. Ces foggaras sont constitues par une ligne de puits relis entre eux par des tranches creuses mme dans le sol, sans aucun coffrage. On juge du travail gigantesque et fragile, et de l'entretien que reprsente de longueur dont les puits, une foggara de 20 kilomtres espacs de 50 en 50 mtres, atteignent au terminus 15 mtres Des gnrations se sont puises ce labeur de profondeur. ingrat. Il suffirait de simplifier cet archaque systme d'irrigation, des conduites d'eau, des pompes des canalisations, d'installer pour apporter cette immense plaine de Merrakech les eaux de l'Atlas qui se perdent sans profit dans les couches permables au brlant soleil d't. Ce sera l'uvre du sol ou s'vaporent

A DE MOGADOR DEMNAT de demain. mais qui reviendra l'honneur de

13 l'accom-

plir ?.. 31 dcembre Nous campons sur un tertre, prs de l'une des portes de Mervakech. Bah rmat, ct du sanctuaire de Sidi Ious-"ef ben Ali, l'un des sept patrons de la ville, ces sebatou rigelsur qui se constitue le prologue, font les serments, et dont le plerinage de tout voyage vers l'intrieur. indispensable Cinq annes sont passes depuis mon dernier sjour Merrakech. Alors, le Sultan habitait son Aguedal; le Dar el-Maghzen tait bruyant comme une ruche, peupl comme une fourmilBa Hamed, le Richelieu marocain, lire. Le fameux grand-vizir les murs de la Jema el-Fna aux destines du Maroc ; prsidait taient copieusement orns de ttes coupes; le pays tait calme et soumis du Rif au Sous, du Tafileit l'Ocan, et les tribus payaient l'impt. Le dcor n'a pas chang. La grle silhouette de la Koutoubia, cette sur marocaine de la Giralda svillane, domine toules palmeraies, la ceinture des remparts jours la campagne, crnels, les terrasses des maisons roses et la fort des jardins d'o mergent les peupliers et les ifs. Mais la situation politique la ruche est aux trois quarts modifie; profondment vide; les vastes places du Dar el-Maghzen sont dsertes; la cour est Fez; le Sultan n'a plus de prestige, son khalifa, Mouley el-Hafid, n'a plus ni troupes, ni argent. Nous l'avons aperu assis sous une porte de son palais, causant avec un soldat, et regardant mlancoliquement tomber la pluie. Ba Hamed est mort; la forteresse qu'il venait d'achever, de son orgueil et de sa terreur, est suprme expression mure. Mure aussi la jolie maison de l'ex-ministre de la Guerre, le jeune et si sduisant Sid el-Mahdi el-Menebhi, banni s'est Tanger. Le maghzen cupide a fouill la demeure du mort et celle du proscrit ; il a vendu tout ce qui avait une valeur marchande : femmes, esclaves, chevaux, mules, mobilier et matriel. Sa vengeance s'acharne encore contre les jardins. Derrire les hauts murs de pis on aperoit, des terrasses voisines, les

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jardins en friche que la ronce envahit, des buissons de roses qui meurent et s'effeuillent sur leurs tiges, des arbres couverts de fruits qui ne mrissent que pour la joie des abeilles et des oiseaux. 2 janvier 1905

Nous campons ce soir ct d'un azib d'Abd el-Hamid, qad des Rehamna, assassin l'an dernier par son propre neveu. Ce drame familial me fournit l'occasion de souligner le peu d'importance que les Marocains attachent aux liens du sang. Les les fratricides, sont crimes si communs qu'il est parricides, naturel de leur chercher, non pas une excuse, mais une explication. Ces meurtres sont des consquences de la polygamie. Les jalousies des femmes se perptuent dans les haines entre enfants d'un mme pre et de diffrents lits. Les frres consanguins sont presque toujours des frres ennemis. Les frres utrins le deviennent souvent dans les familles puissantes, quand la mort , du chef suscite les comptitions de ses hritiers. Aussi est-il de tradition qu'un sultan signale son avnement par le massacre ou de ses frres et de ses oncles. l'emprisonnement Notre caravane est dfinitivement constitue l'effectif de 14 hommes, 11 mules, 3 nes. Avant le dpart, Mouley el-Hassen a runi tous nos serviteurs sous la qoubba, il a ouvert le Coran, et chacun, tour de rle, a prt serment de fidlit et d'obissance. Ce fut une crmonie toute simple mais trs mouvante. Dsormais nous sommes complices de la mme entreprise hasardeuse et passionnante. L'tape s'est droule d'abord dans les jardins de Merrakech, entre les murs de pis qui morcellent l'infini l'immense palmeraie. Peu peu les palmiers s'espacent, et bientt le paysage reprend, comme l'Ouest de la capitale, son ampleur et sa de l'Atlas, qui, par excepmonotonie. Nous nous rapprochons tion, n'a encore que peu de neiges cette anne. Le Djebilet s'apdans le Nord-Est pour laisser passer l'oued Taaout elplatit Fouqia. Nos htes, les Reharnna, sont peu fidles au Sultan. Ils nous content avec orgueil, pour nous effrayer peut-tre, qu'ils ont

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Planche IV

Fig. 7. Valle de l'Oued Tcnsift. La zaouia de Sidi Hehal (page 15)

Fig. 8. Maison du khalifa Ji^h^jfLs de t% F.?-,

Deinnat (page 18).

A DE MOGADOR DEMNAT la place brl vifs, rcemment,'sur tre malheureux qui se dclaraient que cette atrocit ne me parat pas commise, avoir eu d'autres motifs

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mme o nous campons, quaOutre partisans du maghzen. certaine, elle peut, si elle fut que la seule haine politique. des Marocains. Ils La forfanterie est un dfaut caractristique et pires qu'ils ne sont. Leur grande bravoure se font meilleurs est une lgende, et leur cruaut une fable. Mais cette perpdans une de frocit place le voyageur tuelle fanfaronade fcheuse alternative de prudence excessive ou de tmrit.

3 janvier Nous continuons nous lever dans l'Est, en montant vers travers les territoires de de la plaine Merrakech, l'extrmit Mesfioua, de Zemran. de Douggana, et nous voici, ce soir, en pays Chleuh, camps au pied de la zaouia de Sidi-Rehal. L'Atlas nous est cach par les collines rouges qui bordent sa chane. La plaine est admirablement dfriche, irrigue et cultive. Les oliviers de Sidi-Rehal masquent une grosse bourgade, bien campe au flanc d'un coteau, l'issue des gorges par o l'Oued Rdat sort de la montagne. La maison du qad, toute blanche sous son suaire de chaux, surplombe l'amas des maisons grises brches et croulantes. Plus haut, la zaouia encadre une qoubba carre, surmonte d'un toit de tuiles vertes, et une tour blanche, d'un monastre fodal qui donnent ce saint lieu l'apparence ayant clocher et donjon. Les visites se sont succd tout le Jour dans notre camp. Ce fut d'abord un personnage quelconque, sans mandat officiel, qui vint, comme par hasard, s'asseoir sous latente de nos serviteurs, de notre pour causer. Il s'enquit, avec force circonlocutions, provenance et du but de notre voyage. du qad que ses affaires retiennent Puis, en l'absence Merrakech, deux notables vinrent obsquieusement s'informer des raisons pour lesquelles nous les avions privs de l'honneur de nous recevoir. . Aprs bien des discours courtois et dilatoires ils osrent poser la question qui leur brlait les lvres : O allez-vous ?

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Question grave, car du bon vouloir de ces fonctionnaires peut dpendre l'avenir de notre voyage. Sortir du Bled el-Maghzen est une entreprise dlicate qui veille toujours des soupons ou des craintes. Notre rponse, ds longtemps prpare, fut que nous allions Demnat d'abord, puis, de l, Fez par la province fidle de Chaouia. Mouley el-Hassen vtu de khount bleu, le visage demi cach par le litham saharien est, dsormais, l'un des fils du clbre marabout et sorcier soudanais Ma-I-Anin ech-Chenguiti. Il raconte qu'il a reu de son pre la mission de nouer des relations avec les principaux personnages politiques et religieux du Maroc, et de visiter les sanctuaires rputs. Cette fable, que l'apparence de notre chrif justifie et accrdite, semble naturelle ; elle explique bien l'organisation de notre caravane, et satisfait la curiosit de nos visiteurs ; mais notre proj et d'aller Demnat soulve leurs objections : La route n'est les Srarna et les Zemran vont se battre. une harka pas sre. chrifienne campe ct de la maison du qad Bel-Moudden Il vous faudra des gardes cette nuit. une pour le protger. escorte demain!

4 janvier En dpit des sages conseils de nos htes nous avons dcamp 9 heures. Un seul soldat nous servait d'escorte, encore nous a-t-il quitts au tiers de la route. On se bat dans la plaine, la frontire de Srarna, et de temps autre on entend crpiter la chose si commune au Maroc que nul ne s'en fusillade ; c'est inquite. Le meilleur indice que la scurit des routes n'est pas trouble est la rencontre que nous faisons d'une caravane de juifs, sordides, affreux sous leurs chchias noires et luisantes de crasse d'o mergent les longues mches frises, les nouader, qui les caractrisent. Nous touchons la fin de la plaine de Merrakech. Le Djebilet s'loigne dans le Nord-Est et s'abaisse; YAtlas se rapproche et grandit. Il porte deux brches: de l'une sort l'oued Rdat qui ouvre le col du Glaoai; de l'autre sort l'oued Taqout. La bour-

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gade de Tazcrt groupe autour de la qaba du qad du Glaoui, une campagne accroche aux pentes des collines, commande cultive. Nous sommes au temps des labours, et admirablement dans un seul champ nous comptons jusqu' vingt charrues atteles de bufs, de chevaux, de mules et d'nes. Cette plaine de renomme pour sa fertilit. Elle est couBadda est d'ailleurs verte de fermes, d'azibs, fconde par 6 seguias drives de la Taaout, et partage et Srarna. entre les trois qadats de Glaoui, Zemran

Le soir, vers i heures, nous atteignons la Taaout. C'est une rivire de 30 mtres de large sur 80 centimtres de profondeur ; elle est claire, froide et rapide. Son lit, encaiss entre des berges d'une quarantaine de mtres de hauteur, est encombr de pierres roules et d'normes blocs qui attestent la violence des crues hivernales. Cette valle de la Taaout constitue une singularit curieuse. La rivire traverse, sans s'y dverser, la orographique et nglige la plaine partie suprieure du bassin de Y oued Tensi/l, de Merrakech pour porter le tribu de ses eaux l'Omn er-Hebea. Les habitants ont corrig de leur mieux cette omission en Bar/da. pratiquant des saignes qui vont irriguer la plaine de Peut-tre serait-il un jour possible d'amener toute la J'aaolft au de Merrakech la fertilit Tensift, et de rendre l'immense plaine et la splendeur qu 'elle eut dans un ge gologique antrieur. Nous campons sur la rive de la Taaout, dans la zaouia de Taglaoua, dirige par des Oulad Sidi Ahmed ben Naceur, et peuple de Draoua. Un village bti de terre rouge et (le chaume entoure pittoresquement la zaouia. Taglaoua est une htellerie ngre ouverte tous les habitants du Dra qui vont au Maroc ou en reviennent. Tout y a un air de joyeuse prosprit, les figures sont noires et riantes, les chansons et les danses ont un rythme puril et sautillant naises. qui voque le souvenir des bamboulas souda-

De Taglaoua Demnat on met 5 heures, doucement. L'tape est moins monotone que les prcdentes. Du seuil de la zaouia on aperoit les belles olivettes de Tidili et les 2

5 janvier en marchant

18 maisons parses taires de cette

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au milieu des jardins. Les deux gros propririche rgion sont le qad du Glaoui et la La ligne des collines se recourbe vers le zaouia de Taglaoua. formant un cirque sans issue qu'emplissent les Nord-Nord-Est, oliviers de SrarnJ, On voit croitre vers le Nord les collines d' Entifa et le Moyen-Atlas, et fuir dans l'Est la triple crte du HautAtlas. Existe-t-il une route qui suive la bissectrice de cet angle? Nos renseignements le nient mais tout me porte le croire. La direction de la valle de Y oued el-Abid me fait supposer que cette rivire est oppose par son sommet la Mlouya dont j'ai explor la valle suprieure en 1901. De Tidili nous gagnons Dra. Les olivettes ombreuses boisent les collines rouges. Les maisons sont cubiques et massives; leurs murs en tabia rose sont cribls des trous rguliers des chafaudages et des caisses mortier; les toits plats sont faits de branchages recouverts de terre battue. Tout autre sont les qabas seigneuriales imprieuses et hautaines aux remparts flanqus de tours d'angles effiles et crneles. L'une des plus caractristique est celle du khalifa Jakir. Sur les hauteurs, au Nord, on voit la maison du qad bel-Moudden laquelle les Srarna sont en train de donner l'assaut. Nous entendons distinctement les coups de fusil, et c'est un singulier contraste de voir les Glaoua labourer et ensemencer paisiblement leurs champs si prs de la bataille. Des caravanes d'niers passent sur notre route, portant Merrakech de belles dalles de sel blanc ou un peu ros, provenant de la mine de Kettab dans les collines triasiques du Dra. Un peu plus loin nous rencontrons une troupe de Derqaoua coiffs du turban vert, et portant au cou l'norme chapelet aux grains d'olivier; ils vont, srieux et sordides, chantant sur leur Il n'est de Dieu que Dieu! mode grave: la ila illa Allah!. De ravin en ravin, toujours montant, nous atteignons les jardins de Demnat jardins merveilleux o l'on chemine dans des ; sentiers couverts, travers les oliviers, les caroubiers entrelade ronces, de lianes, de vignes, cs, sous un enchevtrement o ruissellent mille ruisseaux tapageurs et presss qui courent l'oued Amhac., au fond du ravin encaiss.

; ; Fig. 9 - Terminaison de la plaine de Merrakech. A gauche, Serarnn au rentre, Demnat au fond, collines d'Entifa (page 18).

; Il "4 10. tO. - Territoire d'EntifS^^Dfrichage Fig. "-

l'eu (pAge6). (page 20). par pal. le 1'('.11

DE MOGADOR DEMNAT A

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Demnat est une ville forte. Ses remparts sont trs dmantels, de cette place mais leurs dbris attestent encore l'importance extrme de l'Empire chrifien, qui incombe la lourde mission de l'Atlas central. Nous de gouverner les tribus montagnardes l'avons traverse de part en part. Elle est accidente. Le mellah forme un quartier spcial, il occupe la partie basse, il est clos par une porte solide donnant sur une large rue o flane tout un peuple de mendiants et d'oisifs Le commerce parat actif; les boutiques nes et achalandes de clients bavards du th l'ombre de leurs auvents de que notre vue bahit. sont bien approvisionqui causent et boivent bois. On nous avertit 1 la Qaba, 1 Ifettan,

de bains: qu'il existe 4 tablissements 2 Rhib. La place publique tant trop petite pour notre camp, nous nous installons au dehors, prs de la porte Bab Ifettan. Les trois autres portes de la ville sont: Bab Taht es-Souq, par o nous sommes entrs, Bab Igadan et Bab el-Id. Le qad, auquel nous avons annonc notre arrive, nous fait souhaiter la bienvenue. Il nous envoie la mouna et une garde, en nous recommandant de nous mfier au moins autant de nos gardiens que des voleurs.

CHAPITHE

II

DUDONAT L'OUKI) MLOIJYA A

6 janvier Demncit n'chappe comme toutes les pas la loi commune; villes du Maroc elle n'est qu'un amas de dcombres. De sa splendeur passe, de son importance stratgique et commerciale il ne reste que le souvenir, encore s'efface-t-il au point que nul n'a pu nous dire quand et par qui la parmi nos informateurs ville fut fonde. Au temps de Mouley el-Hassen elle tait encore ric he et puissante. Telle la vit de Foucauld en 1884. La crise de folie fratricide et de vandalisme qui bouleversa le Maroc la mort du vieux Sultan svit f)t>Jnnat comme partout ailleurs. Les tribus se rurent l'assaut de la forteresse du qad el-Hadj Jilali ed-Demnati. Le malheureux tait en prire; un coup de baonEnsuite nette le cloua contre terre dans sa pieuse prosternation. on dtruisit sa maison. Les Srarna pillrent les souqs, massales riches pour leur arracher le crrent les juifs, torturrent secret de leurs cac hettes et de leurs silos. On jeta bas des ma isons, des pans du rempart, et jusqu' des mosques. Puis l'ordre se rtablit, tout naturellement, par lassitude. On se reprit cultiver les champs, irriguer les jardins. Quand la prosprit fut revenue, un nouveau qad prit possession de la qaba ; il se de toute allusion au pass on laissa dor; garda discrtement mir en paix les coupables et les morts. Seuls les juifs tirrent un mellah une morale pratique de cette leon. Ils construisirent solide, ceint d'un rempart spcial o ne s'ouvre qu'une seule porte.

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Planche VI

Fig. 11. - Porte du )Iellnh,: Demnat (page 20).

Porte r * l'ig. 12. d^^nnat

(page 19).

A DE DEMNAT L'OUEDMLOUYA

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de son Quant au qad, rendu dfiant par la msaventure un poste de cinquante en permanence devancier, il entretient soldats l'entre de son bordj, et, lorsqu'il prie, quatre-vingts cinq hommes veillent sur sa prire, fusil au poing. Nous partirons demain matin pour la Zaouia Ahanal. Un qu'on y parjuif qui prtend connatre le pays nous apprend vient en quatre jours, et que la route est aussi dangereuse que mauvaise. 7 janvier Il fallut, ce matin, avant le dpart, faire au qad de Demnat une visite de digestion. Lui-mme nous en avait pri, s'excusant de n'avoir pu se rendre sous nos tentes la veille, son fils ain tant dcd le matin mme. L'accueil Abellakh fut cordial. el-Kerouli Le qad el-Hadj Mohammed Abd Allah il a cinest un Berbre des At-Keroul,

quante ans environ, l'air actif et dcid. Son histoire tmoigne de son esprit d'initiative. Il se trouvait Demnat le jour o son prdcesseur fut assassin. Aussitt il runit les gens de sa fraction pars dans la ville, fit fermer les portes et occupa la qaba du maghzen. Puis il fit acte petit petit, mesure que la scurit renaissait, d'autorit, tant et si bien que sa situation tait acquise quand l'ordre fut revenu. Le sultan ratifia son intronisation, reut son et fit bon accueil ses prsents qui pourtant paruhommage, rent assez maigres. En homme avis le qad n'a rien modifi l'apparence de sa De l'extrieur forteresse. elle semble une ruine; l'intrieur, au en est spacieux, solide et richement Les amnag. ouvrent sur un beau jardin qui forme cour intappartements rieure. Pendant qu'on nous sert du th et des sfenjs, sorte de imbibs de beurre rance fondu et de pains ronds, spongieux, miel, on entend les rires des hommes de garde, le cliquetis de leurs armes, et la rumeur monotone d'une petite cole o les enfants de notre hte apprennent le Coran. Le qad a connu Rabat le cheikh Ma-l-Anin, le pseudo-pre de notre chrif; il s'enquiert de nos projets, et longuement contraire,

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tmoigne de son attachement et de sa foi en faisant remettre Mouley el-Hassen une poigne d'argent. Il nous donne ensuite un guide qui nous accompagnera jusqu' l'extrme limite de son gouvernement, et nous recommande de camper toujours prs des habitations car, dans la montagne, en cette saison, la neige pourrait nous surprendre et nous bloquer. Nous sommes partis onze heures, faisant mille crochets, au gr des sentiers capricieux qui desservent les jardins de Demnat, traversant sur le territoire d'Oultana (1) les fractions d'At Ouqoudanous puis de Kettioua, dont une partie est aux A Machil ten, et l'autre aux Art Blal. Notre itinraire coupe les premires pentes du Moyen-Atlas leur direction gnrale. Les ravins y sont perpendiculairement creux, les artes en sont vives. De grosses roches mergent des argiles rouges ou blancs. Les champs escaladent les pentes. Les maisons fortifies, les tirremt, nombreuses d'abord, vont s'espaant de plus en plus, et, bientt, le sentier que nous suivons, mi-pente des ravins rocheux, se perd dans les collines boises de arrars, de chnes, de lentisques et de taquiout. Notre tape s'achve la Zaouia At Mhamed. Il nous faut l'oued Taaout Fouqania qui, en ce franchir pour l'atteindre point, au sortir des montagnes, est dj une belle rivire torrentueuse, de 30 mtres de large, sur 1 mtre de profondeur. Son eau limpide et glaciale roule sur un lit de cailloux, entre des berges boises et escarpes, le long desquelles les maisons se pressent, et qui les champs cultivs font un cadre continu diffide l'oued rend l'irrigation mais troit car l'encaissement cile. La Zaouia est tenue par des serviteurs des Oulad ben Nacer. Elle a trois sicles d'existence. Mhamed, l'anctre ponyme, n'en fut pas le fondateur. Elle fut cre par son pre, et gre, pendant la minorit de Mhamed, fils posthume du fondateur, par sa La famille du santon compte mre. Elle est grande et peuple. dix feux ses serviteurs et clients en comptent une vingtaine. ; Vue de la rive gauche, elle prsente un entassement assez dcora(t) Voit Renseignements.

Fig. 13. Valle de l'Oued Taaout. Le Haut-Atlas vu du plateau qui domine la zaouia At Mhamed (page 24).

~: Fig. U. Territoire d'Entifa Plaine pier^i^.de

Tamchegdan (.\l Taguclla) (page 26).

AL'OUED MLOUYA DE DEMNAT

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De prs ce n'est qu'un tif de toits, de terrasses et de tourelles. amas informe de maisons en pis rouge. Nous sommes en pays Chleuh. Les lettrs seuls comprennent l'Arabe. Notre chrif lisait tout l'heure l'un des feqihs de la du Cheikh Ma-1-Anin. Le feqih medersa un pome en l'honneur on dodelinait de la tte et scandait du pied d'un air entendu. dcouvrit dans la soire qu'il n'avait pas compris un mot. Les At Kroul qui peuplent la rive droite, en amont de la .Zaouia, tiennent demain une assemble, dans un village voisin, tous de cavaliers et nous voyons passer berbres, quantit de laine crue tombant juspareils, tte nue, le long burnous qu' la cheville, monts sur des chevaux de haute taille bien de l'arrbls. Ils ont grand air, et vont vite, portant entravers on leurs longs fusils pierre ou piston frts de bagues d'aret court pied en les accompagne gent cisel. Un serviteur tenant l'trier du matre. 8 janvier Il n'est pas facile de s'arracher l'hospitalit des Chleuhs. Quand le ciel leur envoie un hte d'lection ils le traitent, sinon avec magnificence, du moins avec une abondance excessive. Ce de keskous effroyablement fut hier soir un dfil ininterrompu de bouillie rustiques, miel. Tous les gens de ger avec nous les plats la mdersa nous furent de bl arrose la Zaouia de beurre rance et de vinrent, selon l'usage, partaLes douze lves de

qu'ils apportaient. amens par leurs deux matres dont l'un la jurisprudence enseigne le droit selon Ibn' Acem,l'autre d'aprs Sidi Khlil, et la grammaire dans l'Alfia d'Ibn Malek. Cet enseide commentaires en gnement donn en arabe est accompagn langue tamazirt. Ce matin le dfil culinaire a repris ds huit heures, aussi peu vari qu'hier mais plus abondant encore, et nous n'avons pu lever notre camp qu'aprs le troisime djeuner, vers midi et demi! Ibn Khaldonn dclare que les Berbres mangent salement. Les usages n'ont gure chang depuis son temps ; il faut avoir un bel apptit et un estomac robuste pour pouvoir prendre part l'abominable triturage qui constitue un repas de fte.

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Nousquit ons la Zaouia en escaladant un ravin perpendiculaire l'oued Taaout. La monte est raide, le sentier troit; un de nos mulets s'abat et roule dans le ravin. Il faut le dbter, remonter la bte et sa charge, puis recharger. Ces oprations se sont faites sans autre accident qu'un poignet foul et quelques au contusions, mais elles m'inspirent quelque apprhension sujet des aptitudes montagnardes de notre caravane. Notre ravin nous amne enfin au bord d'un plateau d'o l'on dcouvre le Haut-Atlas depuis la falaise rocheuse qui couronne la montagne des AU Bou Ouli (les gens aux brebis) et la brche du col de Demnat jusqu'aux deux gants, le Djebel Anremer et le Djebel Bon Ourioul qui encadrent le col de Glaoui. Le plateau o nous venons d'atteindre est bord du ct de la plaine de Merrakech par le bourrelet des hauteurs d'Eiilifa leves de 200 (en berbre : Intifen), collines arrondies, 500 mtres au-dessus du niveau du plateau, couvertes de maisons de pierres rouges, solides mais inlgantes, et dont la robustesse fait regretter la grce fragile des tirremts de pis. , Ce plateau, qui de loin semblait uni, est extrmement accident. Il est d'abord assez aride et dsert, puis il se couvre de moissons blondes et de beaux vergers d'un vert profond, dont avec le rouge violent du les tons alternent harmonieusement sol. Nous faisons halte auprs de la Zaouia Bou Antar sur le territoire de Guettioua (1). Ce titre de Zaouia est bien platonique car la maison n'a gure d'importance et le maghzen a si peu de considration pour elle qu'il la dtruisit deux fois en dix annes et qu'il lui fait payer l'impt. Mais les habitants professent un culte trs fervent pour les trois agourram, les trois marabouts, sous le patronage de qui la Zaouia est place: Sidi S'd ou Abd Allah, Sidi'Ali ouMhamd, et Sidi S'id ou Mhamd. A chaque ins: tant reviennent dans leurs discours les mots Tout est Dieu et nos Cheurfa descendants de son Prophte. Bou Antar se singularise par trois coutumes traditionnelles, dont l'omission entranerait les pires catastrophes : L'usage : (d) Voir Renseignements.

A DE DEMINAT L'OUEDJJLOUTA

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du bendir, du tambourin, y est interdit ; aucun fonctionnaire sa horma, son asile, est du maghzen n'y doit commander; inviolable. trente trente-cinq maisons. Un L'agglomration comprend taleb dirige une petite cole coranique de huit lves. Le maun quart tre est pay par ses lves: les uns lui remettent de la dme; d'autres lui consacrent une partie de leur rcolte. Bon Anlar ne tolre pas de juifs sur son territoire.

9 janvier Dpart midi aprs de trop copieuses agapes. Une dizaine de notables nous accompagnent jusqu' la limite de leur territoire ; miun seul cavalier nous escorte au-del. Nous rencontrons que tape le courrier qui est all prvenir les At Taguella nous camperons ce soir chez eux Tamchegdan. Les nouvelles les At Messat se battent; qu'il rapporte sont peu rassurantes : Entifa (1) s'est insurg contre son qad Ould si Abd Allah ez-Zenagui (2) qui s'est sauv et en a lu un autre, nomm Aberrh, que le maghzen a pu faire arrter. du maghzen dans les affaires intrieures Cette intervention des tribus du Bled es-Siba nous fait toucher du doigt la soudu gouvernement plesse et le machiavlisme chrifien, dont Faction s'tend bien au-del des limites o ses fonctionnaires Cette action n'est le plus souvent qu'une peuvent atteindre. action dsorganisatrice, elle se borne entretenir ou fomenter des querelles, prcipiter le fort contre le faible puis unir et armer les vaincus contre le vainqueur. La plaine d'Entifa, ou nous cheminons en nous rapprochant des collines qui la bordent l'Ouest, est trs affouille par les eaux. Les sources y abondent, les ruisseaux sillonnent les valles; l'un d'eux Youed Ta'auit, nat sur notre route au puits d Arbalou Tazrout, il spare Gettioua d'Entifa. L'utilisation de

: (1) Voir Renseignements. (2) Voir : Documents.

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ses eaux est la cause des discordes qui divisent constamment ces deux tribus. L'extrmit orientale de la plaine d'Entifa est trs unie, assez peuple et bien cultive. Les sommets des collines sont couverts de chnes (bellout), et les terres en friche de palmiers-nains auxquels on met le feu quand on veut labourer. bien insuffisant o le soc de fer, guid par des Labourage hommes insouciants, et mme parfois par des enfants, corche peine le sol; o l'attelage, toujours disparate, nes, mules, chevaux, bufs, vaches, et quelquefois esclaves ou fe-umes, contourne les moindres touffes, s'arrte la plus petite rsisson imperceptible et tance, et trace, d'une allure indolente, capricieux sillon. Derrire vient le semeur parcimonieux, dont le geste triqu mesure la terre la semence mle d'ivraie. Et pourtant la moisson sera belle, les pis clairs-sems seront hauts jusqu' frler le genou des cavaliers, dit le proverbe, et si lourds qu'un moissonneur coupera dans sa journe de quoi remplir sa huche pour l'anne entire ! Un autre labeur, plus rude celui-l, qui exige de la force, et des jujubiers demeure l'apanage de l'homme, est l'lagage dont les branches formeront les haies des maisons et des douars. se fait l'aide d'une sorte de faucille emmanche L'abattage au bout d'un long bton, et d'une hachette fer troit. On ces broussailles sur de grosses fourches, on les transporte entasse sur des animaux, et quelquefois sur le dos des hommes. Rien n'est plus singulier que la vue de ces immenses buissons marchants dans lesquels le porteur, ne ou homme, disparait compltement. Le jujubier, s'il est prcieux pour le sdentaire, est une plaie pour les voyageurs. Ses branches dchirent, arrachent tout ce qui les frle, tapis, chouaris, vtements; ses pines demeurent indfiniment incrustes dans les toffes et dans les chairs. o nous plantons notre camp, La valle de Tamchegdn, abrite plusieurs tirremts en terre battue rouge. L'accueil qui nous est fait est au premier abord assez peu cordial. Les hommes sont presque tous absents. On s'est disput au march du jeudi de la semaine passe, on s'est mme battu coups de pierres ;

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Planche VIII

Fig. 15. Cavaliers At Messat (page 27).

Fig. 16. - Territoire deasyt^essat (page

27).

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nos htes ont eu 17 blesss ; aussi se sont-ils rendus en armes au march d'aujourd'hui qui se tient chez leurs agresseurs. et de de type, de vtements, Ces Chleuhs sont semblables Comme eux ils ont la coutumes aux Braber du Moyen-Atlas. tte ronde, l'ossature massive, l'air dfiant et farouche ; ils sont leurs longs burnous prolixes et simples dans leurs discours ; ffrangs sont sordides. Il faut les entendre apprcier l'adminisDu temps de et la conduite du Sultan. tration du maghzen Mouley el-Hassen YEntifa payait l'impt. Sous Mouley Abd elune redevance Aziz le qad de Demnat verse, au contraire, reste dans sa tribu pour 'qu'elle aux chefs de cette turbulente montagne. 10 janvier de midi 4 heures travers une suite de cuvettes bordes de collines. Les eaux se sont fray des routes profondes dans ces calcaires rouges ou gris. Les collines d'Enlifa prennent le nom de collines des At Ali ou Meghrad puis des Ait bou Zid elles vont croissant jusqu'au ; Djebel loukhnein dont on aperoit le sommet dans le lointain et Nous nous dit-on, le bourg de Ouaouizert et le qui surplomba, confluent de Y oued Ahanal et de Y oued el-Abid. Nous pntrons dans la fort d'Afraoun sur le territoire des At Messat. Les chnes bellout, les arrars, les lentisques y sont des sangliers, des panthres grles et trs espacs. L'abondance et surtout des brigands vaut cette fort tiennent Les At Messat aujourd'hui auprs des tirremts des At lkltlett dont notre tape. Les cavaliers et les pitons un fcheux renom. un grand conciliabule la Zaouia est le but de marchons

sont vtus du kheidous sorte de burnous tiss de laine brune ou noire, qui, sombre, relev sur la longue chemise de coton blanc, leur donne un air martial et tragique. L'un des traits saillants du caractre berbre est la crdulit. Un vieillard barbe de neige, l'il vif est venu demander au chrif une amulette pour avoir un fils. Mouley el-Hassen a confectionn magiques, de sa main auxquels six petits papiers, sorte d'abraxas Tu j'ai d joindre six pilules quelconques.

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auras un fils, a dit le Chrif, si tu avales chaque soir, une heure aprs le lever de la lune, une pilule et une amulette. Tu le nommeras Ma-1-Anin et. tu nous donneras une brebis !

11 janvier Les At Mesaat, nos htes, sont en guerre avec leurs voisins du ct de l'Est, les Ait Mhamd et les Ait lah; et, selon l'usage invariable, ils nous font de leurs ennemis un portrait Si terrifiant, pour nous dtourner de passer sur leur territoire. accoutums que nous soyions ces procds, nous suivons sagement leur conseil qui pourtant nous carte de notre direction chez les At gnrale, et nous entrane vers le Nord-Nord-Est, bou Zid. Les chefs de la Zaouia RAt lkhlel nous accompagnent, ils nous font traverser la fort de chnes d'Ifekhden o les arbres sont plus denses et plus beaux que dans la fort d Afraoun. Les brigands n'y sont ni moins nombreux ni moins hardis. Tu n'as rien craindre d'eux nous dit en souriant notre guide puisqu'ils te font escorte! On rencontre dans cette rgion plusieurs sortes de maisons. La tirremt d'abord, cette forteresse tantt cubique et trapue qu'un toit plat et dbordant ferme comme un couvercle, tantt avec lgante, ajoure dans sa partie suprieure, crnele, embrasures en forme de trfle, et coffres flanquants surplombant les abords et battant le pied des remparts. Autour de ces chteaux les villages groupent leurs maisons basses, surmontes d'un hangar soutenu par des piliers de bois, semblables aux maisons kabyles. Enfin, dans les bois, ou dans les rgions on rencontre des maisons isoles ou groupes par dsertes, deux ou trois, d'une forme particulire. L'une des faces, celle o s'ouvre le portail, est constitue par un mur en pierres sches de deux mtres de hauteur environ. Tout le reste de la maison est enterr. Le toit, fait de branchages recouverts d'argile, se confond avec le sol. La cour intrieure, sur laquelle ouvrent les pices qui servent d'habitation, est en contre-bas, et ciel-ouvert. Ces demeures mis-

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Planche IX

Fig. 17. Inguert. Maison du qad Haddou n'Ait Ichchou (page 29)

1 1 V3; Fig. 18. - Maison (li^^f^Mcssal (page 28).

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servent d'abri aux bergers et aux labourables et primitives reurs pendant les saisons des pturages et des moissons. on dcouvre une Du sommet dnud de la colline d'Ifekhden fois encore la chane splendide du Haut-Atlas, continue, tranchante, abrupte, avec ses sommets coiffs de neige et couron quelque immense vague ptrifie ns de nuages, semblable en brumes. Les monts de dont la crte cumeuse s'parpillerait Boa Gemmez, qui se dressent devant nous, ont la rectitude d'une falaise; on y voit une brche, c'est le col d'Ahanal qui franil chit la chane sur le territoire des A Abdi et dbouche dans la valle de Thodra. Un norme piton domine ce col et porte ici le nom de Djebel Wqrour. L'ensemble du massif est dsign d'AdTm' n Deren qui signifie la Montagne des par l'appellation chnes. Il ne pleut jamais ces altitudes leves, mais quand la neige tombe, les valles et les cols deviennent impraticables. Ils sont obstrus pendant un mois ou deux. Les habitants maset des troncs d'arbres les quent alors avec des broussailles ouvertures de leurs demeures, et se terrent jusqu'au dgel, vivant de viande fume, de glands schs et de farine d'orge. Ils portent, pendant l'hivernage, de longs pantalons qui descendent jusqu'aux des jambires de laine et des chevilles, chaussures semelle de peau dont l'empeigne est faite en fibres de palmier nain tresses ou en tellis. Ces bon riksen berbres rappellent les bou mentel algriens. Nous campons ce soir Inguert, dans un dcor splendide, au sommet d'une gorge profonde, sur une aire inculte qui forme place d'armes entre deux tirremts. A peine y sommes-nous installs que notre hte, le qad Haddou n'At Ichchou, nous fait prier de dcamper en hte et de planter nos tentes contre son rempart. Les deux forteresses sont en guerre. Une haine, dont nul ne sait plus l'origine, spare les habitants, et tout rcemment un drame affreux en a raviv l'acharnement. Le fils du qad s'tait pris de la fille de son ennemi. On profita de sa passion et le tuer. Les gens du qad pour l'attirer dans un guet-apens le vengrent en gorgeant son amante. Depuis ce jour de part et d'autre on se guette, on se fusille, sans trve, sans merci.

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Pendant notre dmnagement une que nous procdons vive fusillade clate dans le fond du ravin, 1.500 mtres de nous. Les At Atta et les AU bou Zid se battent pour une question d'eau. Et toute la soire les coups de feu crpitent, tantt tranants, tantt en raffale, pour ne cesser qu'avec le jour. On nous apprend que cette querelle dure depuis une semaine, que les Art bou Zid ont eu cinq hommes tus ce soir. Il n'y a pas de raison pour que la bataille cesse, et, naturellement, les routes sont coupes. Le ciel se couvre de gros nuages menaants. La guerre et la neige. graves obstacles ! 12 janvier Ce n'est pas chose facile que de cheminer dans VAtlas. Les habitants ignorent les routes, ou, s'ils les connaissent, refusent de s'y aventurer ; le pays est puis et difficile; on se bat partout. Les tribus de cette rgion sont groupes en deux partis, en deux tells, de force peu prs gale. La moindre querelle se propage comme une trane de poudre. Ds qu'un coup de feu veille les chos sonores de la montagne chacun saisit son fusil, ou sa poudrire en sautoir, et court la jette sa cartouchire rescousse ou l'assaut. Nous, qui voulons passer du territoire des Ait boit Zid sur un celui des At Atta, nous ne pouvons trouver, aucun. PFXI zettat qui consente nous faire franchir la frontire de poudre. On nous assure pourtant qu'une fraction voisine du Souq elJema entretient encore quelques relations avec les At Atta, et nous partons pour y chercher un guide. Rude tape, encore que trs courte. On descend d'abord, par des ravins difficiles, dans la valle de l'oued el-Abid. Ce ne sont autour de nous que pentes escarpes, que falaises abruptes, que gorges au fond desquelles se tordent de capricieux ruisseaux : l'oued Assemdil, plus loin l'oued Ahanal, encaiss, rapide et clair, large de 30 mtres, qui se jette devant nous dans l'oued el-Abid, plus large et coulant plus sagement sur son lit de vase. La cuvette, au fond de laquelle les deux rivires con-

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Planche X

Fig. 19 L'oued EI-Ahid, au confluent de l'Oued Ahanal (page 30).

Fig. 20. - Valle de l'oued Ahanal (page 31).

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une qu'elle emprunte fluent, porte le nom de Ouaouizert, localit voisine o de Foucauld sjourna en 1883. Nous en escaladons le bord Ouest pour aller demander l'hospitalit aux AU Ali ou Mohcmd, fraction des AU bou Zid. Un tait permise au sujet de l'accueil qui nous peu d'apprhension serait fait. Tout le pays est en moi les hommes ont pris part ; au combat d'hier soir et, dans la tirremt prs de laquelle nous campons, un jeune homme, presqu'un enfant, a reu un coup de il est mort dans la nuit. koummia qui a perfor le poumon; Tout d'abord personne ne voulait nous hberger, mais le qad, s'est un vieillard affable, pris d'une crainte superstitieuse, ravis, et nous a pri de nous installer dans ses olivettes qui s'tagent en terrasse au flanc rougetre d'un coteau. dans ces paraLe titre de qad qui se rencontre frquemment ges est tout honorifique ; c'est un surnom plutt qu'une qualit. tablie par le sulIl constitue une survivance de l'organisation tan Mouley el-Hassen lors de la campagne duTafilelt qui termina son glorieux rgne (1894). Notre hte nous donne deux documents curieux o se rvle l'volution politique du Bled es-Siba en ces dernires annes. L'un est une lettre de Mouley el-Hassen (1) exigeant l'impt ; l'autre une lettre de Mouley Abd el-Aziz (2) le demandant au nom de la loi coranique. Nos At bou Zid ont deux particularits originales. Ils ne man; gent jamais de viande de buf, de vache ni de veau elle est considre comme un aliment immonde, l'instar de la chair du porc et du chien. Ils dansent accoupls: homme et femme ne se tiennent pas mais se frlent, paule contre paule. Le sultan Mouley el- Hassen fit excuter cette danse bizarre devant sa tente; elle d'hommes et porte le nom de obbal ou Rihiya (chaussures chaussures de femmes) ! 13 janvier Journe assez dramatique. Les Berbres sont d'admirables metteurs en scne; ils nous ont donn deux reprsentations trs thtrales et mouvantes. : (1) Voir Document nO2. : (2) Voir Document n 1.

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La soire d'hier avait t inquitante. Personne n'tait venu nous visiter, il avait fallu faire notre hte l'affront d'acheter de l'orge pour parfaire la ration de nos animaux. Quant nous on nous avait apport seulement un peu de beurre rance fondu et quelques pains. Nos chleuhs avaient en tte d'autres soucis la guerre les absorbait. que celui de nous hberger ; Ce matin ils nous dclarrent tout net que nous n'irions pas faudrait rebrousser chemin. Sans faire d'inutiles plus loin, qu'il objections nous abattons nos tentes, nous btons nos mules et, de la faon la plus tranquille du monde, nous continuons notre route vers l'Est, Interpellations, clameurs, discussion. Les hommes accourent, on nous arrte: Etes-vous fous? Pensez-vous que les AU Atta vont vous laisser pntrer ainsi sur leur territoire ? L'accueil des At Atta ne saurait tre pire que le vtre; que la responsabilit en retombe sur vous et vos enfants! De tous les reproches que l'on peut faire un Berbre celui est le plus grave. Nos htes, profondment humid'inhospitalit lis, sentent si bien la justesse de nos griefs que toutes leurs objections tombent. Ils se runissent en cercle, accroupis, la crosse terre le fusil vertical, et palabrent un court instant, puis quatre hommes se lvent, paulent et tirent ensemble. Cette salve est un signal d'appel. De toutes les tirremts, de toutes les maisons,de derrire chaque rocher,chaque bouquet d'arbres, des guerriers surgissent, accourent, tous semblables, en longs bur, en sautoir. nous blancs ou noirs, fusil en main, cartouchire Tout ce monde nous fait escorte. On se remet en route, pruUne avant-garde nous claire au loin, demment, militairement. progressant par bonds, d'obstacle en obstacle; deux flancs-gardes battent l'estrade, porte de fusil, et nous gagnons ainsi la frontire redoute. On s'arrte, on concerte le mode d'opration. Devant nous s'tale la large valle de l'oued el-Abid que nous surplombons du haut de sa berge droite. Un gros tertre rocheux fait saillie dans la plaine, un kilomtre de nous, et l'on aperoit au-del une tirremt trapue, d'aspect paisible, que couronne un panache de fume. C'est le premier bourg des Ait une garnison l'occupe et surveille la valle par des Atta; patrouilles et des sentinelles, comme ferait une grand-garde.

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trs ostensibleQuatre At bou Zid sans armes s'avancent, le seuil de roches ment, en chantant tue-tte, et escaladent au sommet ils s'arrtent, qui s'rige devant nous. Parvenus de leurs ttes les pans de leurs burnous, en agitent au-dessus hlant les AU Atta. Un colloque s'engage longue distance ; le dure environ vent nous en apporte les clats. La ngociation t trois quarts d'heure pendant lesquels nos A bon Zid restent en l'entretien arrt, l'oreille tendue, l'il aux aguets, observant et dont nous sommes dlicat que leurs mandataires poursuivent, dvalent en se fait, les ngociateurs Enfin l'accord l'enjeu. courant de leur rocher; notre chrif rcite une dernire Fatiha pour appeler la bndiction divine sur nos htes, et nous nous remettons en route, sous l'escorte vers la tirremt ennemie. de deux hommes seulement,

Sept At Atta, perchs sur un mle calcaire, assis en demi cercle, le fusil haut, la main abritant les yeux, nous regardent venir, immobiles comme des statues, et muets. Le chrif se dirige vers eux; quand il est tout prs ils surgissent rsolument d'un et viennent mouvement lui baiser la main, gravement et l'interropuis ils se rassoient aux places qu'ils occupaient D'o venez-vous ? o allez-vous ? que vougatoire commence: lez-vous ?.. Nous allons chez votre rpond Mouley el-Hassen , vnr chrif, notre cousin, Sid Ali Ahanal dont la Zaouia est proche. seul par notre apparence pacifique les Art Atta nous offrent de nous piloter jusqu' la Zaouia. On convient que l'un d'eux nous servira de zettat, moyennant une somme de trois douros paye en arrivant au but. Dix minutes plus tard nous repartions vers la valle de Youed el-Abid. Notre feqih, le faible et poltron Si el-Mahjoub, qui, pendant toute la dure de cette scne, rcitait haute voix la prire des agonisants, plaisante maintenant avec notre nouveau de batailles, guide, il s'enquiert si, dans ce pays de dpravation, de rapines et de meurtres, les femmes At Atta suffisent tisser les kheidouz de leurs amants et les linceuls de leurs poux.. Un seuil d'une trentaine de mtres de hauteur nous spare du 3 Rassurs

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lit de l'oued. Nous le descendons pic, travers les champs rouges et fertiles sur qui ondule dj le gazon verdoyant des -moissons nouvelles. Le sol de cette valle est profondment rod par les eaux. Les dalles calcaires rompues jonchent les pentes escarpes par o le plateau se raccorde la rivire. L'oued el-Abid la berge adverse franchi, nous remontons qui se recourbe en lacets; nos par un sentier tortueux, mulets trbuchent et heurtent leurs charges aux asprits des parois, et nous nous levons ainsi jusqu' la crte de la premire chane de collines qui encadre la valle, sur le territoire des At Mazir. Quelle n'est pas notre surprise, en atteignant le sommet, de voir que cette crte est aigu et tranchante comme l'arte d'un toit et que le ravin nouveau que nous dominons cache un village o toute une arme se trouve rassemble. Cevillage se nomme Tifarioul, et ces guerriers, sont les At Iah (1) qui tiennent un conseil de guerre et discutent le plan de l'assaut qu'on livrera demain au qar des AU bou Zid o nous avons camp la nuit dernire. Tout le temps que dure notre descente. difficile parmi les schistes et les pierres roulantes pas un geste, pas un mot de cette foule, immobile et muette, ne trahit l'impression que lui produit notre venue, ni l'accueil qu'elle nous rserve. Il faut connatre l'aspect farouche et nigmatique de ces Chleuhs, leur abord glacial, voir le dcor tragique que forme cette cuvette sans issue, avoir t rebattu des lgendes terribles qui vantent et exagrent la frocit sans merci de ces tribus pild'une telle lardes, pour comprendre l'angoisse et l'incertitude arrive. Notre zettat nous devance de quelques pas. Il va s'accroupir au milieu du groupe principal et, pendant que nous faisons cordes halte, que nous commenons lentement dnouer les qui btent nos mules,, il explique voix haute qui nous sommes Un des AuIah se lve alors, et vient baiser et o-nousallons. le genou de notre chrif. Ce geste rompt le charme; l'arme v entire tient : hnorer l descendant du Prophte, les femmes mmes et les enfants accourent nous, et, pendant un quart : (1) Voir Renseignements.

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l'Iiincho

XI

h'iir. "2\. l/iici'iicil les AlAlla(|>iiv.rr;{)

~;: ,::J Fi-, ti. Al bonZid nonsl'ont csrorlo (|aixo 32). Les

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on nous presse, on nous treint, avec une vnration d'heure, insatiable. Puis les Au lah forment un vaste cercle au milieu duquel il faut planter nos tentes, taler nos bagages. Je n'ai pas besoin de dire que, sous cette curiosit dfiante et attentive, notre camsuccinte. On ne monta pement fut rapide et notre installation nous nous entassmes, et, que deux tentes sous lesquelles le chuchottejusqu' une heure avance de la nuit, j'entendis nient de notre pauvre feqih apeur qui de nouveau rcitait la prire des agonisants. 14 janvier des Ait Iah, tribu des AU Messat (1) sont assis en demi cercle sur les gradins o les AU lssoumour cachent rocheux du ravin de Tifarioul le coup d'il leurs tirremts. La scne est trange ; est magnifique. On a tendu un hak terre, les notables l'entourent, des guerriers vient, tour de rle, y jeter son obole Salut au prophte ! en criant : Slah en-Nebi! Le produit de cette collecte constitue la ziara, l'offrande des A Iah notre it a pour but d'invoquer chrif, et cette crmonie propitiatoire notre intercession pour obtenir de Dieu la victoire dans le combat qui va se livrer. avec la majestueuse Pendant simque ce rite s'accomplit toutes les pratiques plicit dont les musulmans accompagnent de leur culte, nous avons le loisir d'observer nos htes. Le type n'est pas beau; les At Iah ont la tte ronde, le teint fonc, la face large, les lvres paisses et presque compltement rases, la barbe rare. A part quelques ils exceptions sont bruns; dix ngres. je n'ai vu que quatre blonds, et je n'ai compt que et chacun Tous les hommes valides de la fraction

Inutile de dire que tous les hommes sont arms. Le fusil pierre de fabrication indigne domine; je vois pourtant quelques fusils gras. Je me suis efforc de prendre des quelques photographies : (4) Voir Renseignements.

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AU CURDE L'ATLAS

acteurs de cette scne. Ce n'est pas chose facile que d'oprer sous le regard de quatre cents paires d'yeux indiscrets et dfiants. La photographie pratique dans ces conditions devient une prestidigitation hasardeuse. Pour ne pas attirer l'attention j'ai d arrimer mon appareil dans un des larges triers de la mule du chrif que je promne en main autour du camp. La collecte acheve, on en a vers le produit dans l'escarcelle de Mouley el-Hassen, qui a rcit une solennelle Fatiha, laquelle les Chleuhs se sont associs debout, les mains tendues et jointes pour figurer le Coran ouvert sa premire sourate. Ils accompagnent d'un murmure confus l'intercession du chrif, et acclament les vux qu'il formule d'un Amin 1 sonore. Aprs quoi les At lah se sont groups par village autour de leurs cheikhs, ont escalad la crte d'o nous sommes descendus hier, et s'en sont alls la bataille. Leurs cris aigus rpondent aux adieux et aux youlements des femmes qui, juches sur les terrasses, assistent ce dpart. Des coups de feu clatent dans tous les sens, et, comme nous nous merveillons de ce tapage rvlateur, on nous explique qu'il faut bien essayer sa poudre et dgorger la lumire de son fusil. Une demi heure plus tard nous nous mettions en route longeant les contreforts du Djebel Abbadin. Ce cheminement parallle l'axe de la montagne nous oblige franchir tous les ravins La route est donc pnible, elle se droule qui en descendent. au milieu d'une fort de chnes bellouts et de chnes zens o nous ne rencontrons aucun tre vivant. De temps autres nos l'oreille contre terre, pour couter si deux zettats s'arrtent, l'on se bat, ou bien ils escaladent une roche de la falaise et l'immense panorama que nous dominons. scrutent attentivement On n'y voit que les fumes des signaux qui montent droites dans la lumineuse et sereine splendeur de ce beau jour d'hiver. L'oued el-Abid, dont nous remontons la valle en l'accompagnant de loin, coule au fond d'une vritable gorge; un sentier muletier en suit le fond. on nous signale une du Djebel Taguendart A la hauteur ancienne mine de fer, jadis exploite, ainsi que l'attestent quelconte: 'les ques scories. L'ordinaire lgende nous est aussitt

Prigo 3( bis

PlancheXII

Fig. 23. Les At lah avant le combat (page 35).

Fig. 24. Un passage difficile. Ro^gj^t Boulman Tanoudfi (page 44).

DE DEMNAT L'OUEDMLOUYA chrtiens

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On voit encore, extrayaient d'ici de l'or et de l'argent. et les fourneaux dont ils dans une grotte voisine, les ustensiles se servaient. et encaiss o coule Vers l'Est, par de l le foss profond Y oued el-Abid, les montagnes des At Atta et des At Soukhman se prolongent sans interruption, portant deux sommets d'altitude et le Djele Djebel loukhnein qui domine Ouaouizert bel Sgat aux Ait Sad ou lchou. Vers 4 heures nous faisons halte Tabaroucht, au centre d'une douzaine de tirre