atteintes osseuses dans le myélome

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Atteintes osseuses dans le myélome L Pittet-Barbier M Coulomb Résumé. Le myélome est une affection maligne du système hématopoïétique due à la prolifération anormale d’un clone de plasmocyte. On distingue une forme multiple et une forme solitaire ou plasmocytome. Le diagnostic repose sur des éléments biologiques et radiologiques selon la classification de Salmon et Durie. La radiographie reste la principale méthode d’exploration de cette maladie avec un intérêt diagnostique, pronostique et évolutif. On distingue diverses formes de lésions. La scintigraphie est très peu utilisée en raison d’une faible sensibilité et de la présence de nombreux faux négatifs. L’ostéodensitométrie peut être envisagée dans le cadre du suivi évolutif. La tomodensitométrie n’est pas systématiquement réalisée au cours d’un myélome sauf éventuellement pour l’exploration de régions difficiles d’accès aux radiographies standards, mais il faut savoir que l’imagerie par résonance magnétique (IRM) est plus indiquée. En effet, celle-ci prend une part de plus en plus importante dans le diagnostic et le pronostic du myélome. On distingue des lésions focales et des envahissements diffus, soit homogène, soit hétérogène, mais l’IRM peut aussi être normale. Elle trouve aussi sa place dans l’évaluation de la réponse au traitement. Elle permet un suivi des gammapathies monoclonales dans les cas douteux ou discordants avec la clinique ou la biologie. Dans le diagnostic du plasmocytome, on retrouve certaines images caractéristiques de ce diagnostic. © 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : myélome, appareil locomoteur, imagerie, IRM Introduction Le myélome est dû à la prolifération maligne d’un clone de plasmocytes qui synthétisent une immunoglobuline monoclonale. Il fait partie des syndromes lymphoprolifératifs. On distingue le myélome multiple (ou maladie de Kahler) et le plasmocytome osseux solitaire. L’appréciation de la masse tumorale qui conditionne le diagnostic, le pronostic et le traitement est fondée à la fois sur des critères biologiques, cytohistologiques, mais aussi sur l’existence d’une atteinte osseuse. La radiographie standard reste la principale méthode d’exploration du myélome, tant dans le but diagnostique que pronostique et évolutif. La scintigraphie a peu de place en raison d’une faible sensibilité et de la présence de nombreux faux négatifs. Certaines équipes utilisent l’ostéodensitométrie dans le suivi évolutif. La tomodensitométrie (TDM) permettra l’exploration de régions difficiles d’accès aux radiographies standards. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) tient actuellement une grande place dans le bilan de myélome comme dans celui des plasmocytomes en raison de sa grande sensibilité pour l’étude de la moelle osseuse. On décrit des lésions focales et des envahissements diffus. Actuellement, l’IRM n’a pas sa place dans la classification de Salmon et Durie mais cet examen est de plus en plus pratiqué dans le bilan des myélomes aussi bien à visée diagnostique que pronostique, mais aussi dans le suivi évolutif. Myélome multiple DONNÉES GÉNÉRALES [2, 9] Le diagnostic, le pronostic et la conduite thérapeutique sont conditionnés par l’appréciation de la masse tumorale, elle-même fondée sur des critères biologiques, cytohistologiques et aussi sur l’existence de lésions osseuses. Cette évaluation se fait selon la classification de Salmon et Durie [9] (tableau I). Sur le plan épidémiologique, le myélome représente 10 à 15 % des hémopathies malignes. Sa fréquence est de 2 à 3 pour 100 000 habi- tants. Le pic de fréquence se situe entre 60 et 70 ans avec une prédilection masculine. Sur le plan physiopathogénique, il s’agit d’une prolifération de cellules plasmocytaires avec une atteinte initiale de la moelle osseuse du squelette axial et des os plats. Cette prolifération anormale aboutit à des lésions ostéolytiques par production de substances ostéoclastiques et d’inhibiteurs de l’activité des ostéoblastes. Au niveau du squelette appendiculaire, la moelle osseuse graisseuse se transforme en moelle rouge hématopoïétique, mais la plasmocytose peut aussi envahir la périphérie. Cette hyperactivité cellulaire entraîne des destructions osseuses et une hypercalcémie qui est due à une mobilisation des réserves à partir des zones ostéolytiques. SIGNES CLINIQUES Les douleurs osseuses dominent le tableau. Elles siègent préférentiellement sur le rachis, le bassin et les côtes. Il s’agit de douleurs de type inflammatoire, insomniantes et rebelles aux thérapeutiques, elles sont plus rarement de type mécanique. Laurence Pittet-Barbier : Praticien hospitalier. Max Coulomb : Chef de service. Centre hospitalier universitaire de Grenoble, service central de radiologie et imagerie médicale (Pr M Coulomb), BP 217, 38043 Grenoble cedex 09, France. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 31-192-D-10 31-192-D-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Pittet-Barbier L et Coulomb M. Atteintes osseuses dans le myélome. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Radiodiagnostic – Neuroradiologie-Appareil locomoteur, 31-192-D-10, 2003, 14 p.

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Atteintes osseuses dans le myélomeL Pittet-BarbierM Coulomb

Résumé. – Le myélome est une affection maligne du système hématopoïétique due à la proliférationanormale d’un clone de plasmocyte. On distingue une forme multiple et une forme solitaire ou plasmocytome.Le diagnostic repose sur des éléments biologiques et radiologiques selon la classification de Salmon et Durie.La radiographie reste la principale méthode d’exploration de cette maladie avec un intérêt diagnostique,pronostique et évolutif. On distingue diverses formes de lésions. La scintigraphie est très peu utilisée en raisond’une faible sensibilité et de la présence de nombreux faux négatifs. L’ostéodensitométrie peut être envisagéedans le cadre du suivi évolutif. La tomodensitométrie n’est pas systématiquement réalisée au cours d’unmyélome sauf éventuellement pour l’exploration de régions difficiles d’accès aux radiographies standards,mais il faut savoir que l’imagerie par résonance magnétique (IRM) est plus indiquée. En effet, celle-ci prendune part de plus en plus importante dans le diagnostic et le pronostic du myélome. On distingue des lésionsfocales et des envahissements diffus, soit homogène, soit hétérogène, mais l’IRM peut aussi être normale. Elletrouve aussi sa place dans l’évaluation de la réponse au traitement. Elle permet un suivi des gammapathiesmonoclonales dans les cas douteux ou discordants avec la clinique ou la biologie. Dans le diagnostic duplasmocytome, on retrouve certaines images caractéristiques de ce diagnostic.© 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : myélome, appareil locomoteur, imagerie, IRM

IntroductionLe myélome est dû à la prolifération maligne d’un clone deplasmocytes qui synthétisent une immunoglobuline monoclonale. Ilfait partie des syndromes lymphoprolifératifs. On distingue lemyélome multiple (ou maladie de Kahler) et le plasmocytomeosseux solitaire. L’appréciation de la masse tumorale quiconditionne le diagnostic, le pronostic et le traitement est fondée àla fois sur des critères biologiques, cytohistologiques, mais aussi surl’existence d’une atteinte osseuse.La radiographie standard reste la principale méthode d’explorationdu myélome, tant dans le but diagnostique que pronostique etévolutif. La scintigraphie a peu de place en raison d’une faiblesensibilité et de la présence de nombreux faux négatifs. Certaineséquipes utilisent l’ostéodensitométrie dans le suivi évolutif. Latomodensitométrie (TDM) permettra l’exploration de régionsdifficiles d’accès aux radiographies standards. L’imagerie parrésonance magnétique (IRM) tient actuellement une grande placedans le bilan de myélome comme dans celui des plasmocytomes enraison de sa grande sensibilité pour l’étude de la moelle osseuse. Ondécrit des lésions focales et des envahissements diffus. Actuellement,l’IRM n’a pas sa place dans la classification de Salmon et Durie maiscet examen est de plus en plus pratiqué dans le bilan des myélomesaussi bien à visée diagnostique que pronostique, mais aussi dans lesuivi évolutif.

Myélome multiple

DONNÉES GÉNÉRALES [2, 9]

Le diagnostic, le pronostic et la conduite thérapeutique sontconditionnés par l’appréciation de la masse tumorale, elle-mêmefondée sur des critères biologiques, cytohistologiques et aussi surl’existence de lésions osseuses. Cette évaluation se fait selon laclassification de Salmon et Durie [9] (tableau I).Sur le plan épidémiologique, le myélome représente 10 à 15 % deshémopathies malignes. Sa fréquence est de 2 à 3 pour 100 000 habi-tants. Le pic de fréquence se situe entre 60 et 70 ans avec uneprédilection masculine.Sur le plan physiopathogénique, il s’agit d’une prolifération decellules plasmocytaires avec une atteinte initiale de la moelle osseusedu squelette axial et des os plats. Cette prolifération anormaleaboutit à des lésions ostéolytiques par production de substancesostéoclastiques et d’inhibiteurs de l’activité des ostéoblastes. Auniveau du squelette appendiculaire, la moelle osseuse graisseuse setransforme en moelle rouge hématopoïétique, mais la plasmocytosepeut aussi envahir la périphérie.Cette hyperactivité cellulaire entraîne des destructions osseuses etune hypercalcémie qui est due à une mobilisation des réserves àpartir des zones ostéolytiques.

SIGNES CLINIQUES

Les douleurs osseuses dominent le tableau. Elles siègentpréférentiellement sur le rachis, le bassin et les côtes. Il s’agit dedouleurs de type inflammatoire, insomniantes et rebelles auxthérapeutiques, elles sont plus rarement de type mécanique.

Laurence Pittet-Barbier : Praticien hospitalier.Max Coulomb : Chef de service.Centre hospitalier universitaire de Grenoble, service central de radiologie et imagerie médicale(Pr M Coulomb), BP 217, 38043 Grenoble cedex 09, France.

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Toute référence à cet article doit porter la mention : Pittet-Barbier L et Coulomb M. Atteintes osseuses dans le myélome. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés),Radiodiagnostic – Neuroradiologie-Appareil locomoteur, 31-192-D-10, 2003, 14 p.

Une compression médullaire ou des radiculalgies peuvent se voir.Elles sont en rapport avec des tassements vertébraux ou descompressions tumorales. On peut aussi rencontrer des tuméfactionslocalisées. Une fracture pathologique peut être révélatrice.Une altération de l’état général avec asthénie, anorexie,amaigrissement, pâleur, et état subfébrile complète le tableau.

SIGNES BIOLOGIQUES

Au niveau sanguin, on note une hyperprotidémie avec un picmonoclonal le plus souvent de type immunoglobuline G (IgG), maisaussi IgA ou IgD. Dans les formes à chaînes légères, il s’agit du typekappa ou plus rarement lambda. Enfin, certains myélomes sont nonsécrétants (le diagnostic est fait sur le myélogramme et le pronosticest meilleur).Au niveau urinaire, on retrouve une protéinurie de Bence-Jones dans40 à 60 % des cas.D’autres signes non spécifiques sont aussi retrouvés : une anémie,une accélération de la vitesse de sédimentation (VS), unehypercalcémie, parfois une hyperuricémie et une insuffisance rénale.Le diagnostic revient au myélogramme qui retrouve uneplasmocytose généralement comprise entre 5 et 100 %.Une biopsie médullaire n’est nécessaire qu’en cas de myélogrammenégatif.

IMAGERIE

L’imagerie repose essentiellement sur les radiographies standards.La tomodensitométrie permet d’explorer les zones d’accès difficile,telles que le bassin, le rachis et les os plats.L’IRM prend une part de plus en plus importante dans le bilan dumyélome.

¶ Radiographies standards [2]

L’imagerie standard reste la principale méthode d’exploration dumyélome. Elle a un triple intérêt : diagnostique, pronostique(permettant de classer le patient en trois stades) et évolutif (enassociation aux données biologiques).Les radiographies standards sont pathologiques dans 75 à 85 % descas. Il s’agit le plus souvent de lésions ostéolytiques, beaucoup plus

rarement condensantes (3 % des cas). Les lésions prédominent sur lesquelette axial, c’est pourquoi le bilan habituel d’un myélomecomporte l’exploration du crâne, du rachis dans son ensemble, dubassin, des côtes, des humérus et des fémurs.On distingue cinq aspects radiologiques : multilacunaires (13 %),ostéopéniques diffus (6 %), avec lésions focales ostéolytiqueséventuellement associées à des fractures (22 %), association des troispremières formes (57 %) ou aspect normal (21 %).

Formes multilacunaires

Il s’agit de lésions ostéolytiques multiples arrondies ou ovalaires, àlimites nettes, habituellement sans sclérose périphérique, dites àl’emporte-pièce (fig 1) (cf fig 3A).Leur taille varie de quelques millimètres à quelques centimètres. Detrès petite taille et en grand nombre, elles peuvent donner à l’os unaspect mité, vermoulu ou moucheté (fig 2). Il n’y a ni condensation,ni réaction périostée.Au niveau des os longs, on peut observer une érosion du bordendostal de la corticale donnant à celle-ci des contours ondulés(fig 3).

Formes ostéopéniques diffuses

Il s’agit d’une déminéralisation qui touche le squelette axial maisprédomine sur les corps vertébraux, donnant un aspect de « vertèbrede verre ». Des tassements vertébraux d’aspect biconcave oucunéiforme avec respect des disques peuvent survenir. Cettedéminéralisation peut ressembler à une ostéoporose banale mais elleest plus évocatrice si elle prend un aspect microgéodique hétérogène(fig 4). Lorsqu’elle est isolée, cette ostéopénie réalise la myélomatosedécalcifiante diffuse de Weissenbach et Lièvre (fig 5).

Lésions focales ostéolytiques

Sur les os longs, on peut noter les encoches de la surface endostéaledes corticales. Il peut aussi s’agir de masse tumorale expansivesoufflant la corticale, à contours polylobés, éventuellement associéeà une extension des parties molles (fig 6).Parfois, il s’agit d’ostéolyse à contours flous et gommés.Les fractures pathologiques peuvent être révélatrices de la maladie,qu’il s’agisse de fracture d’un os long ou de tassements vertébraux,parfois accompagnés de compression médullaire (fig 7).

Association des trois premières formes

Le plus souvent, on met en évidence au cours du bilan d’unmyélome l’association d’une déminéralisation osseuse diffuse à deslésions ostéolytiques focales et microlacunaires.

Aspect normal

Le premier bilan radiologique devant la découverte d’un myélomepeut être normal. C’est dans ces formes que l’IRM prend toute sonimportance.

Formes ostéocondensantes [8]

Elles sont rares (3 %) et posent alors de gros problèmes de diagnosticdifférentiel (fig 8) avec en particulier les métastases condensantes etles lymphomes.Ces lésions condensantes peuvent être uniques ou multiples, parfoisassociées à des images lacunaires.Certaines d’entre elles entrent dans le cadre d’un syndrome POEMS.Il s’agit de l’association d’une plasmocytose avec condensationosseuse multifocale ou diffuse, d’une polyradiculonéphriteprogressive (P), une organomégalie (O) portant sur le foie et la rate,des troubles endocriniens (E), une immunoglobuline monoclonale leplus souvent de type IgM (M) et des lésions cutanées à type depigmentation, d’épaississement cutané, d’hirsutisme, de trouble dela perméabilité capillaire (S pour skin) : il s’agit d’un syndrome plusfréquemment retrouvé chez l’homme jeune.

Tableau I. – Classification de Salmon et Durie.

Stade IMyélome de faible masse tumorale (< 0,6 × 1012 cellules/m2)Tous les critères sont présents :1. Hb > 10 g/dL2. Calcémie < 120 mg/L (3 mmol/L)3. Absence de lésion osseuse ou lésion unique sur les radiographies standards4. Taux d’immunoglobuline monoclonale faible :

IgG < 50 g/LIgA < 30 g/L

5. Protéinurie de Bence-Jones < 4 g/24 h

Stade IIMyélome de masse tumorale intermédiaire (entre 0,6 et 1,2 × 1012 cellules/m2)Absence de l’un des critères du stade I, mais aucun critère du stade III

Stade IIIMyélome de forte masse tumorale (> 1,2 × 1012 cellules/m2)Présence d’au moins un des critères suivants :1. Hb < 8,5 g/dL2. Calcémie > 120 mg/L (3 mmol/L)3. Lésions osseuses multiples sur les radiographiques standards4. Taux élevé d’immunoglobuline monoclonale :

IgG > 70 g/LIgA > 50 g/L

5. Protéinurie de Bence-Jones > 12 g/24 h

Sous-classificationStade A : fonction rénale normale (créatininémie < 20 mg/L, soit 160 µmol/L)Stade B : insuffisance rénale (créatininémie > 20 mg/L, soit > 160 µmol/L)

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Enfin, des lésions ostéocondensantes peuvent être retrouvées dansles suites d’un traitement par radio- ou chimiothérapie ou dans lecadre de la consolidation d’une fracture.Au total, la radiographie standard est un élément fondamental dubilan de myélome puisque l’atteinte osseuse radiologique fait partiedes éléments du diagnostic et du pronostic selon la classification deSalmon et Durie. Rappelons qu’elle intervient aussi dans lasurveillance sous traitement.

¶ Scintigraphie [1, 27]

Elle est très peu utilisée dans le diagnostic et le suivi des myélomesen raison d’une très faible sensibilité. En effet, il existe de nombreuxfaux négatifs liés à la petite taille des lésions ostéolytiques. Enrevanche, la scintigraphie au technétium 99m-MIBI semble plussensible pour détecter les lésions du myélome mais aussi pour lesuivi sous traitement : en effet, on observe une normalisation enphase de rémission.

¶ Ostéodensitométrie [29]

Certaines équipes l’utilisent dans le suivi évolutif. Sous l’effet dutraitement, notamment le clodronate associé à la chimiothérapie, onpeut observer une augmentation de la densité osseuse qui apparaîtcorrélée à la diminution de la masse tumorale.

¶ Tomodensitométrie [2, 3]

La tomodensitométrie ne doit pas être systématiquement réalisée aucours d’un myélome. Son intérêt réside dans l’exploration de régions

difficiles d’accès aux radiographies standards, comme le bassin(fig 9) ou les os plats (fig 10), ou en cas de doute diagnostique(fig 11) (cependant, dans ce dernier cas, l’IRM tend à remplacer latomodensitométrie).Par ailleurs, la tomodensitométrie permet un bilan de l’extensionéventuelle dans les parties molles au contact d’une lésion osseuseou extraosseuse primitive (fig 12). Elle a aussi un intérêt dansl’évaluation du risque fracturaire en cas de lésion ostéolytique envisualisant particulièrement bien les corticales osseuses et lesdéplacements éventuels. La tomodensitométrie peut permettre aussiun repérage avant une biopsie à visée diagnostique. Associé au bilanIRM, le prélèvement peut permettre de rechercher des anomaliescytogénétiques de façon plus précise que par un prélèvement encrête iliaque.Elle voit cependant son intérêt diminuer depuis l’avènement del’IRM.

¶ IRM [4, 6, 11, 12, 17, 18, 19, 20, 22, 23, 24, 25, 30, 31]

Sa grande sensibilité en fait l’examen de choix pour l’étude de lamoelle osseuse. Elle a sa place dans le diagnostic, le pronostic et lesuivi évolutif du myélome.

L’examen peut comporter l’étude systématique du rachis dorso-lombo-sacré et du bassin et/ou être centré sur un site douloureux.

L’étude de l’axe pelvirachidien permet la détection de lésionscliniquement muettes susceptibles de menacer l’axe médullaire, maisaussi des anomalies de signal pour certaines assez caractéristiques.

1 Aspect microlacunaire très typique au niveau du crâne(A). Au niveau des humérus et du bassin les lésions sontmoins nombreuses mais apparaissent à l’emporte-pièce (B,C, D).

*A *B *C

*D

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Séquences [11, 23]

La séquence en spin-écho T1 est la séquence de base pourl’exploration de la moelle osseuse de l’adulte puisque celle-ci est detype graisseux. Dans certains cas, cependant, la moelle osseuse esthétérogène ce qui peut rendre le diagnostic d’infiltration focaledifficile.Les séquences en pondération T2 écho de gradient ou fast turbo spin-écho, ainsi que celles en saturation de graisse augmentent lecontraste entre moelle osseuse normale et moelle osseusepathologique. Elles augmentent la sensibilité diagnostique desnodules.

2 Aspect vermoulu de la trame osseusede la partie moyenne de l’humérus.

3 Lacunes beaucoup plus volumineuses auniveau du crâne (A). Au niveau de l’huméruson note une érosion du bord endostal de la cor-ticale (B).

*A

*B

4 Tassements vertébraux étagés d’allure biconcave ou cunéiforme (A, B). Aspect mi-crogéodique hétérogène de l’ensemble de la trame osseuse.

*A

*B

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Les séquences en inversion récupération (STIR) qui permettentd’annuler sélectivement le signal de la graisse sont de trèsbonnes séquences de dépistage, mais ne présentent aucunespécificité.

Les séquences en spin-écho T1 après injection ne permettent pasd’augmenter de façon notable la sensibilité de l’examen mais ellessemblent avoir un intérêt pour le suivi sous traitement.

D’autres séquences utilisant le déplacement chimique (Dixon,Chopper...) accentuent le contraste moelle normale/moellepathologique. L’injection de gadolinium majore encore ce contraste.

Au total, le bilan minimal doit comporter des séquences T1 et T2dans le plan sagittal au niveau rachidien ainsi qu’au niveau dubassin et de l’extrémité supérieure des deux fémurs dans le planfrontal.

5 Myélomatose décalcifiante de Weissenbach et Lièvre avec déminéralisation osseuse diffuse (A, B, C).

*A *B

*C

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5

Résultats [6, 17, 18, 20, 23, 24, 30]

La sémiologie IRM des lésions du myélome comporte plusieursaspects, certains d’entre eux étant tout à fait non spécifiques,d’autres pouvant être retrouvés dans d’autres pathologieshématologiques comme les leucémies ou les lymphomes.On distingue les lésions focales et les envahissements diffus.

– Les lésions focales : il s’agit d’images en hyposignal T1,hypersignal T2 et se rehaussant après injection. Elles sont arrondies,de taille et nombre variables. Elles peuvent être nodulaires et ne pasentraîner de déformation des contours vertébraux (fig 13) ; àl’inverse il peut s’agir de masse soufflante volumineuse (fig 14).

– Les envahissements diffus : ils sont de deux types :

– on peut observer un hyposignal diffus homogène enpondération T1 (fig 15) (on retient comme hyposignal de la moelleosseuse un signal inférieur à celui des disques intervertébraux).En pondération T2 et après injection, le signal se rehaussegénéralement. Cet aspect intéresse la totalité des vertèbresexplorées ;

6 Présence d’une lésionsoufflante de la brancheischiopubienne droite quis’est fracturée. L’ostéosyn-thèse du fémur droit a étéréalisée en raison d’uneautre lésion soufflante de lapartie supérieure de ladiaphyse.

7 A. Tassement du corps vertébral de L2. L’ensemble desvertèbres explorées apparaît déminéralisé.B. Tassements vertébraux de la région dorsolombaireétagée révélant la maladie myélomateuse.

*A *B

8 Mise en évidence d’une lésion condensante de l’aile iliaque droite à contours irré-guliers.

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– on peut aussi observer un envahissement diffus hétérogènecomposé de multiples lésions de petite taille, c’est l’aspect dit« poivre et sel » dû à la juxtaposition de multiples petits nodules

en hyposignal correspondant au tissu tumoral et en hypersignalcorrespondant au signal graisseux normal (fig 16). En T1 commeen T2, l’aspect apparaît très hétérogène et peut être difficile àdifférencier de l’hétérogénéité normale de la moelle osseusefréquente chez les sujets âgés. Ce type d’image peut être associé àdes lésions focales (fig 17).

Enfin, l’IRM peut être normale dans 14 à 48 % des cas selon lesauteurs.Aucun de ces signes n’est spécifique même si l’IRM est l’examen leplus sensible pour la détection des lésions osseuses intramédullaires.L’IRM prend tout son intérêt dans un myélome associé à descompressions médullaires ou radiculaires. Elle remplaceavantageusement le scanner et le myéloscanner. Elle permet delocaliser des lésions tumorales vertébrales sur lesquelles uneradiothérapie ou un traitement chirurgical peut être envisagé(fig 18).Dans l’estimation de la masse tumorale [16, 20], certains auteurs ontmis au point un index de masse tumorale basé sur le nombre et la

9 Lésion ostéolytique de l’aile iliaque droite (A). L’exploration en fenêtre parenchy-mateuse (B) met en évidence l’extension aux parties molles (flèches) en avant et en ar-rière de la structure osseuse.

*A

*B

12 Lésions ostéolytiques de l’hémicorps vertébral gauche deT11 (A) s’étendant au pédicule homolatéral ainsi qu’aux par-ties molles antérolatérales (B). On ne retrouve pas d’extensionintracanalaire.

*A *B

10 Lésion ostéolytique au niveau de la première côte gauche. On note par ailleurs unaspect microgéodique de la vertèbre située en regard.

11 Chez ce patient dont les radiographies standards montraient une importantedéminéralisation, la tomodensitométrie met en évidence l’aspect microlacunaire carac-téristique du myélome.

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taille des lésions focales ou la présence d’une infiltration diffuse. Cetindex est corrélé au stade de la maladie, à la calcémie, au taux deb2-microglobuline et à la survie ; un index bas correspondant à unesurvie prolongée. Cependant, ce type d’index, complexe à calculeret non standardisé, est actuellement peu utilisé. D’autres auteurs ontanalysé en IRM la microcirculation de la moelle osseuse pourévaluer les myélomes et les suivre sous traitement.

Place de l’IRM dans l’évaluation de la réponse au traitement [14, 17, 21,

24, 26]

Actuellement, l’efficacité du traitement est appréciée sur des critèresclinicobiologiques tels que le taux d’immunoglobuline monoclonalesérique et urinaire ainsi que sur la plasmocytose médullaire.Certains auteurs ont cependant montré une corrélation entre laréponse biologique au traitement et les modifications IRM. Leslésions nodulaires actives ne répondant pas au traitement gardentun hypersignal T2 et un rehaussement après injection peu modifié

par rapport à ce qu’il était avant traitement. En revanche, les lésionsnodulaires répondant bien au traitement se présentent sans prise decontraste ou avec un aspect en anneau témoignant d’une prise decontraste périphérique.

Si la normalisation est rarement obtenue lors de lésions focales, ellepeut s’observer en cas d’infiltration diffuse mais on ne saitactuellement s’il s’agit là d’un signe de bon pronostic. Les formesd’infiltration diffuse peuvent aussi évoluer en formes focales ou eninfiltration diffuse hétérogène chez les patients répondant bien autraitement (fig 19).Il apparaît que les patients qui présentent une IRM normale ont unemeilleure réponse au traitement que ceux dont l’atteinte est focaleou diffuse [17]. De même, il apparaît que les patients présentant uneIRM normale ont un taux de survie plus élevé que ceux dontl’atteinte est diffuse ou focale sans que l’on puisse mettre enévidence de différence significative entre ces deux derniers types delésions.

Des études plus récentes ont étudié la réponse au traitement pargreffe de moelle osseuse. Ces auteurs [14] ont proposé l’appréciationd’un index basé sur le nombre des lésions, leur taille, la prise decontraste après injection intraveineuse et l’aspect de la moelleosseuse adjacente. Cet index est coté entre 0 et 8. Il est mesuré avantet après greffe de moelle osseuse. Il semble que l’étude de cet indexsoit corrélée à la survie des patients. En effet, des anomaliesrésiduelles peuvent être mises en évidence après traitement etcelles-ci ne sont pas nécessairement de mauvais pronostic. Cet indexn’est cependant pas standardisé, ni de réalisation très simple etdemande donc à être validé.

Au total, si l’on peut mettre en évidence qu’une IRM normale laisseprésager une meilleure réponse au traitement et une survie pluslongue, à l’opposé des lésions diffuses associées à un bilanbiologique perturbé laissent augurer d’une mauvaise réponse etd’une survie plus courte. Il apparaît donc que l’IRM dans le suivithérapeutique reste actuellement relativement limitée mais peut toutà fait se concevoir lorsque la clinique et la biologie sont discordantes,quand se constitue un tassement vertébral en cours de traitementou encore dans les myélomes non sécrétants au cours desquels iln’est pas possible de suivre un pic monoclonal.

Problèmes des tassements vertébraux au cours des myélomes [15, 16]

L’étude des tassements au cours des myélomes a permis de mettreen évidence que 67 % d’entre eux sont de type ostéoporotique, laplupart survenant entre T6 et L4 (87 %). À l’opposé, 33 % seulementsont de type malin et 4 % d’entre eux surviennent sur le rachisthoracique haut (fig 20).Il s’avère en effet que les patients porteurs de myélome ont uncertain nombre de raisons de développer une ostéoporose : onobserve lors de cette maladie une augmentation de la résorption

13 IRM en pondération T1 : présence de lésions nodulaires siégeant au niveau T8-T9-T10 et L1. S’y associe un aspect « poivre et sel » de l’ensemble de la moelle osseuseexplorée.

14 IRM en pondération T1 de la charnière lombosacréesagittale (A) et transversale (B). Masse soufflante de S1, enhyposignal s’étendant à la partie supérieure de S2. Cette lésionétait responsable d’un syndrome de la queue-de-cheval qui aété révélateur du myélome.

*A *B

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ostéoclastique (fig 21). On note, par ailleurs, une diffusion descellules plasmocytaires qui synthétisent des facteurs activateurs desostéoclastes. Par ailleurs, l’étude histologique des tassementsd’allure bénigne au cours des myélomes révèle la présence d’uneinfiltration myélomateuse ainsi que la destruction des travées de l’ostrabéculaire alors que l’aspect était normal en IRM.

Une autre étude [15] a permis de mettre en évidence que 67 % destassements survenaient sur une moelle osseuse à IRM normale et37 % seulement sur des lésions préexistantes : la taille des lésionsapparaît donc insuffisante pour expliquer les tassements, ce quicorrobore la présence de facteurs activateurs des ostéoclastes aucours du myélome.Ainsi, devant des tassements bénins étagés, il apparaît impossibled’exclure le diagnostic de myélome. Par ailleurs, l’IRM réalisée aumoment du diagnostic ne permet pas de prédire de façon trèsprécise la survenue de tassement, toutefois, les patients présentantune moelle osseuse normale ou moins de 10 lésions focales

15 IRM en pondération T1 : on note un hy-posignal diffus et homogène de l’ensemble desvertèbres explorées (A). À noter un tassementau niveau T10 (B, flèche).

*A *B

16 IRM du rachis en pondération T2 (A) : envahisse-ment diffus de type « poivre et sel » de l’ensemble des ver-tèbres explorées (B, C). Le même aspect est retrouvé auniveau du bassin en pondération T1.*A

*B

*C

17 IRM en pondérationT1 du rachis lombosacré :on note l’association d’uneinfiltration diffuse de type« poivre et sel » avec deslésions nodulaires focales,ainsi qu’un tassement ver-tébral en T9.

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19 IRM en pondération T2 : myélome sous traitement(chimiothérapie puis autogreffe). On note une évolutionvers un aspect hétérogène de la moelle osseuse qui perd sonaspect « poivre et sel ».

18 Radiographie standard (A) : ostéolyse du pédicule gauche de T8 (flèche) et mau-vaise visualisation du pédicule droit. On note par ailleurs un tassement modéré ducorps vertébral. En IRM en pondération T1 (B, C) comme en pondération T2 (D), onnote un aspect de type « poivre et sel » de la moelle osseuse des vertèbres explorées ainsiqu’une lésion nodulaire du pédicule gauche et une atteinte épidurale bien visualisée surles deux séquences.

*A

*B

*C *D

20 IRM en pondération T1 du rachis dorsolombaire. Mise en évidence d’untassement d’aspect malin avec bombement du mur postérieur en T7 et hyposignal del’ensemble de la vertèbre (A). En L1 et L2, on note des tassements de type ostéo-porotique avec bande d’hyposignal au contact du plateau inférieur. On retrouve parailleurs des lésions nodulaires disséminées notamment en T11, L1, L2, L3, L4 et S1(B, C).

*A *B *C

21 IRM à j0 (A) : on note au niveau L4 et L5 des tassements d’allure bénigne avechyposignal en bande au contact du plateau supérieur (à noter par ailleurs une lésion enS1). À j+4 mois (B) la moelle osseuse de L4 apparaît normale, alors qu’en L5 l’hyposi-gnal en bande au contact du plateau supérieur a disparu mais on note l’apparitiond’une lésion du coin antéro-inférieur.

*A

*B

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présentent un risque moindre de faire un tassement que ceux quiprésentent plus de 10 lésions focales ou une infiltration diffuse.Les tassements peuvent donc s’expliquer de la façon suivante :l’augmentation de la résorption osseuse liée au myélome, ainsi quel’activation des facteurs ostéclastiques mènent à l’ostéoporose, et l’onpeut ainsi retenir plus une cause biomécanique dans la survenuedes tassements qu’une cause hématologique liée à une atteinte focaleou diffuse des vertèbres.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL

¶ Gammapathie monoclonale bénigne [4]

Elle est caractérisée par la présence d’une immunoglobulinemonoclonale en excès sans signe clinique ou biologique évocateurde myélome. Les critères diagnostiques sont rappelés dans letableau II. Dans une gammapathie monoclonale il n’y a pasd’envahissement médullaire macroscopique mais on connaît lamauvaise sensibilité des radiographies standards pour faire cediagnostic. Ainsi, dans des cas douteux avec discordance entreclinique, biologie et radiographie, une IRM peut être indiquée ensachant qu’un aspect normal n’élimine pas formellement lediagnostic de myélome. En effet 11 à 24 % des gammapathiesmonoclonales se transforment en myélome sur un court délai (3 à5 ans), d’où l’intérêt de l’IRM au moindre évènement clinique oubiologique nouveau faisant redouter le myélome. Par ailleurs,certains auteurs ont décrit des lésions focales en hyposignal T1 et T2qui correspondraient à des conglomérats de chaînes légères. Il fautcependant noter que le même aspect peut se voir dans la maladie deWaldenström et l’amyloïdose.

¶ Autres hémopathies

Les leucémies et les lymphomes peuvent présenter un aspectsimilaire et c’est le contexte clinique, biologique et éventuellementune biopsie osseuse qui permettront le diagnostic.

¶ Métastases osseuses

La présence de lésions osseuses lytiques chez des patientsrelativement âgés fait discuter le diagnostic de métastase osseuse.Le contexte clinique et les résultats biologiques permettront detrancher.

¶ Maladie de Waldenström [7]

Les lésions osseuses sont les mêmes que celles du myélome, mais ilexiste là, à l’immunoélectrophorèse, un pic IgM et dans la moelleosseuse une prolifération lymphocytaire. Par ailleurs, les lésionsosseuses se voient beaucoup plus rarement.

¶ Amylose

Ce diagnostic pose d’autant plus de problèmes que l’amylose peutêtre associée au myélome.Cliniquement, on note des polyarthralgies, des nodules sous-cutanéspériarticulaires avec en radiographie standard des érosionspériarticulaires, des géodes sous-chondrales sans pincement del’interligne ni déminéralisation. L’atteinte est souvent bilatérale,plutôt symétrique. Le diagnostic revient à l’histologie.

¶ Autres diagnostics différentiels

D’autres affections peuvent entraîner des lésions lytiques multiples :l’histiocytose X, l’hyperparathyroïdie, la dysplasie fibreuse, certainesinfections comme la tuberculose ou les mycoses.

Plasmocytome [10, 12, 13, 28]

Il s’agit d’une tumeur plasmocytaire isolée de siège osseux ouextraosseux caractérisée par une lésion unique. Elle est rare. L’âgede survenue est d’environ 50 ans.Sur le plan clinique, le plasmocytome se manifeste le plus souventpar des douleurs osseuses, des signes neurologiques à type deradiculalgie ou paraplégie, parfois il s’agit d’une fracturepathologique ou d’une tuméfaction.Les localisations osseuses les plus courantes sont le rachis,notamment en dorsolombaire, et le bassin, mais on décrit égalementdes localisations au niveau du crâne, des côtes, du sternum, desomoplates, des clavicules et des os longs. Les localisationsextraosseuses touchent surtout le nasopharynx. Des localisationsviscérales, abdominales ou thoraciques sont plus rares.Sur le plan biologique, le plasmocytome peut être sécrétant ou non.On ne note pas d’envahissement plasmocytaire sur le myélogrammeet souvent seule la biopsie du site touché permet de faire lediagnostic.

IMAGERIE

¶ Radiographie standard

L’aspect le plus typique et le plus évocateur est celui d’une ostéolyseà point de départ médullaire ; on note un respect relatif de lacorticale osseuse qui peut être soufflée ou amincie ; destrabéculations parfois grossières peuvent être associées (fig 22) ; unerupture de la corticale s’accompagne d’une extension importantedans les parties molles.Au niveau du rachis, on peut retrouver un aspect là aussi évocateurde destruction étendue de l’os spongieux du corps vertébralréalisant le signe de la « vertèbre évidée » : la prolifération tumoraleresponsable de la destruction osseuse est à l’origine de ce signe(fig 23) ; le même aspect peut être retrouvé au niveau du pédicule etl’on parle alors de « pédicule évidé » ; là aussi, on peut noter desextensions paravertébrales ou discales. L’aspect évidé peutcontraster avec la préservation ou l’épaississement de certainestravées osseuses. Les atteintes vertébrales peuvent entraîner untassement.Des lésions moins typiques peuvent être retrouvées à type delacunes à l’emporte-pièce ou de lésions osseuses condensantes.

¶ Tomodensitométrie

Le scanner permet de mieux apprécier l’état des corticales et celuide l’os spongieux, notamment dans les régions anatomiquesdifficiles à explorer par les radiographies standards comme le rachisou le pelvis (fig 24, 25). Un aspect assez caractéristique est celui ducontraste entre l’évidement osseux et l’épaississement de certainestravées intralésionnelles ou de la corticale donnant une alluremultikystique à la lésion. Il permet par ailleurs la mise en évidenced’éventuelles localisations extramédullaires ou d’autres localisationsosseuses infraradiologiques. De même, la tomodensitométrie peutpermettre de guider une biopsie à visée diagnostique.

¶ IRM

Sur les séquences pondérées en T1, on note un hyposignal trèshomogène ; cette homogénéité persiste après injection et enséquences pondérées en T2 mais ne présente aucune spécificité.Un aspect quasi pathognomonique du plasmocytome a été décrit enIRM dans les localisations vertébrales. Comme en tomodensi-

Tableau II. – Critères diagnostiques de la gammapathie monoclonalebénigne.

Concentration sérique de la protéine monoclonale < 2 g/LTaux normal de l’albumine sérique et des globulines polyclonalesAbsence de protéinurie de Bence-JonesPlasmocytose médullaire < 5 % et/ou de type polyclonal à l’étude immunohistochi-miqueAbsence de lésion osseuseAbsence d’anémieAbsence d’évolutivité sur une période d’observation supérieure à 3 ans

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tométrie, on peut retrouver la présence de structures curvilignesliées à l’hypertrophie ou la préservation des travées restantes, enhyposignal sur toutes les séquences et/ou l’irrégularité de lacorticale. Ces aspects sont particulièrement nets en coupes axiales.Ces images ne sont pas retrouvées dans d’autres pathologies,notamment au cours des métastases.Dans certains cas, on retrouve une atteinte multifocale infra-radiologique qui correspond à une évolution du plasmocytome versle myélome. Ces aspects se voient dans un quart à un tiers des cas.

¶ Diagnostic différentiel

Le principal d’entre eux est celui de métastase.

Un hémangiome peut être évoqué mais l’aspect des travées osseusesainsi qu’un hypersignal T1 peuvent permettre d’orienter lediagnostic.

Dans les formes pseudokystiques, on peut évoquer le diagnostic dekyste anévrismal.

22 Plasmocytome. Radiographie standard : au niveau de l’acromion (A) comme auniveau de L5 (B), on note une ostéolyse soufflant la corticale associée à des trabécula-tions.

*A

*B

23 Plasmocytome. Radiographie standard (A) : aspect de vertèbre évidée qui semble avoir disparu sur les radiogra-phies standards. En tomodensitométrie (B, C) on note une masse tissulaire occupant la totalité du corps vertébral ainsique les pédicules et responsable d’une lyse de l’ensemble du corps vertébral.

*A

*B *C

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Traitement

Il repose actuellement sur les alkylants (melphalan ou cyclo-phosphamide) associés à la corticothérapie ; d’autres protocolescomme la polychimiothérapie, voire la chimiothérapie lourde suivied’allogreffe ou d’autogreffe de moelle osseuse (ceci chez le sujet

jeune) peuvent être proposés. L’interféron prescrit dans lesmyélomes en phase de plateau allonge la durée de la réponse.

La médiane de survie est de 30 mois et n’a guère progressé depuis20 ans (date de l’utilisation des alkylants).

Dans les atteintes vertébrales qui présentent un risque médullaire,la vertébroplastie percutanée par injection de méthylméthacrylate aun effet antalgique très efficace mais doit toujours être pratiquée encentre neurochirurgical ou orthopédique car cette technique n’estpas sans risque de complication. Dans les compressions médullaires,on peut aussi avoir recours à la radiothérapie, voire à la chirurgie.

Conclusion

Le diagnostic de myélome repose sur un faisceau d’arguments cliniques,biologiques et radiographiques selon la classification de Salmon etDurie. L’IRM prend une part de plus en plus importante à ce bilanpour le diagnostic et le pronostic mais aussi pour le suivi évolutif despatients atteints de myélome, de plasmocytome solitaire ou degammapathie monoclonale dite bénigne. Cependant, l’indication del’IRM ne peut être actuellement systématique et dépend notamment desoptions thérapeutiques choisies : extension plus précise d’un myélome,détection de tassements vertébraux et d’éventuelles épidurites quipourraient présenter un risque pour la moelle, évaluation de la réponseau traitement ou encore recherche d’une atteinte disséminée en cas deplasmocytome ou de gammapathie monoclonale présentant unediscordance entre clinique biologique et imagerie.

24 Plasmocytome localisé à l’aile iliaque droite. Les radiographies standards mettenten évidence une ostéolyse de l’aile iliaque droite d’appréciation difficile en raison de lasuperposition de structures gazeuses (A). La tomodensitométrie (B, C) montre l’aspectsoufflé et même rompu de la corticale osseuse ainsi que l’extension aux parties mollesadjacentes.

*A

*B

*C

25 Plasmocytome de L5 avec trabéculations hypertrophiées. Cet aspect peut êtreaussi retrouvé sur les séquences IRM réalisées dans le plan axial et apparaît relative-ment spécifique du plasmocytome.

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