atlas de lieux infinis des millier d’ici

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exposition 8 novembre – 29 décembre D e s M I L lI E R S D’ I c I Commissariat, scénographie et production : Encore Heureux Architectes & École Urbaine de Lyon Université de Lyon atlas de lieux infinis

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exposition 8 novembre – 29 décembre

Des MILlIERS

D’IcI Commissariat, scénographie et production :

Encore Heureux Architectes & École Urbaine de Lyon Université de Lyon

atlas de lieux infinis

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Une exposition peut en cacher une autreLieux infinis fut le titre que nous avons donné à l’exposition du pavillon Français, dans le cadre de la seizième édition de la Biennale internationale d’architecture de Venise, Freespace, qui a eu lieu du 26 mai au 25 novembre 2018.

En écho au thème général, nous avons souhaité présenter dix lieux pionniers en France, qui selon nous, explorent et expérimentent des processus collectifs pour habiter le monde et construire des communs : L’hôtel Pasteur à Rennes, le Centquatre et les Grands Voisins à Paris, le Tri Postal à Avignon, le 6B à Saint-Denis, la Convention à Auch, la Friche Belle de Mai à Marseille, les Ateliers Médicis à Clichy-sous-bois-Montfermeil, la Ferme du Bonheur à Nanterre et la Grande Halle à Colombelles.

Cette sélection subjective ne cherchait pas à ériger des modèles mais à révéler plutôt des signaux faibles pour ouvrir des perspectives protéiformes et subversives. Nous voulions montrer des lieux ouverts, possibles, non finis, qui instaurent des espaces de liberté où se cherchent des alternatives.

Pour dresser le portrait de ces lieux inclassables, il a fallu déployer plusieurs stratagèmes. Nous avons recueilli les mots et dessiné les visages de ceux qui les font naître et vivre. Nous avons reconstitué leurs espaces en construisant des maquettes où l’on projetait les films des nombreuses activités qui coexistent. Nous avons accumulé une sélection choisie d’objets emblématiques de chacun des lieux, dans un grand cabinet de curiosités, avec l’espoir de capter la diversité et l’intensité de la vie qui s’y invente.

Enfin, nous avons sollicité les visiteurs de l’exposition pour nous aider à élargir notre propre sélection et agrandir cette liste de lieux infinis. Il semblait donc nécessaire d’en donner une définition pour orienter et aider les contributeurs. Mais cette tentative de clarification s’est soldée plutôt par l’envie d’ouvrir le sens en juxtaposant des phrases plutôt que de le circonscrire en quelques mots choisis. Il en résulta une suite de neuf critères, comme autant de caractéristiques communes et d’états d’esprit propres à ces espèces d’espaces :

un lieu qui réveille un délaisséun lieu inspirant mais non reproductibleun lieu d’accueil, de refuge, de solidaritéun lieu de travail, de vie, de fêtesun lieu qui explore des gouvernances

collectives un lieu qui cultive l’inattenduun lieu sans obligation de consommerun lieu avec de la hauteur sous plafondun lieu fragile et puissant à la fois

Ce principe d’expression libre, comme un appel à manifestation d’intérêt pour ce sujet a fonctionné au-delà de nos espérances, jusqu’à tapisser entièrement l’une des salles de l’exposition. Et comme certains lieux, l’exposition n’avait alors plus de fin.

De la valise à l’archive8 318 ! 8 318 fiches ! 8 318 exemplaires de ces rectangles de papier (15 × 10,5 cm) mis à disposition des visiteurs qui sortaient de l’exposition et sur lesquels ils étaient incités à écrire, tout simplement, les caractéristiques élémentaires d’un cas qui leur paraissait pouvoir rentrer dans cette famille des lieux infinis.

8 318 suggestions, donc, furent collectées, fruits d’une décision libre de chaque spectateur, car il n’existait pas de consigne plus claire que cela et surtout pas d’obligation ; il s’agissait juste d’une incitation pour toute personne le voulant bien, à faire écho, ou rebond ou contrepied, à ce qu’elle venait de voir. Au début, une sorte de jeu imaginé sans trop y songer, ni croire que la sollicitation serait entendue à tel point qu’on se retrouverait avec ces 8 318 feuillets anonymes, des dizaines accrochés chaque jour sur les panneaux prévus à cet effet, ramassés en une cueillette régulière, puis rassemblés en liasse par des élastiques et des ficelles, le tout enfermé dans une banale valise à roulettes et ramené in fine à Paris. Avec désormais une question embarrassante en tête : que faire de ce colis encombrant, assez lourd et à l’utilité non flagrante ?

Le plus simple eût été sans doute de l’oublier quelque part et de n’en plus parler, de laisser ce moment vénitien devenir souvenir qu’on raconterait, ému, tant il avait été riche en travail et intense en émotions. Mais pouvait-on accepter que ces six mois de la biennale demeurassent sans suite, justement parce qu’ils furent si fertiles et forts ? Surtout, pouvait-on, éthiquement, ne faire aucun cas des individus qui prirent le temps de remplir les fiches, montrant ainsi qu’ils voulaient

partager quelque chose avec les autres visiteurs et entrer en interaction, dans une sorte de dialogue à distance, avec les concepteurs ?

Mais que voulaient-ils partager au juste et pour dire quoi ? Devenait dès lors l’interrogation lancinante.

Peu à peu, s’est imposée la seule manière d’en avoir le cœur net : transformer le contenu inconnu et incertain de ce bagage en archive. Oui, une véritable archive, comme si nous étions des historiens (certes des spécialistes d’un passé pas encore tout à fait passé puisqu’on s’employait à envisager la suite de l’événement qui demeurait dans sa fraîcheur) découvrant dans le recoin d’un grenier un matériau brut, de première main, jamais vu ni analysé.

Nous avons inventé une source scientifique en considérant ces dépôts non comme des épiphénomènes mais comme des traces additives – pour reprendre les mots de Tim Ingold –, éloquentes et importantes, procédant d’un geste, d’un acte : celui d’un visiteur mu par la volonté de témoigner de ce qui pour lui pouvait être tenu pour un lieu infini et offrant une addition à un ensemble en cours de constitution.

Chaque fiche fut donc radicalement prise au sérieux afin de la traiter d’abord comme une totalité signifiante, sans négliger qu’elle tait autant qu’elle montre, pour ensuite la mettre en tension et en relation avec toutes les autres – car dans une archive, chaque item fait sens en lui même, en partage avec les autres, en connexion avec ce qui le dépasse, c’est-à-dire ses conditions de possibilité, et en raison d’un schéma interprétatif. Dès le début de ce travail minutieux, nous avons constaté et la quasi

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Carte des lieux infinis

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absence de suggestions purement fantaisistes et la variété des propositions faites par les visiteurs, qui ouvrent des champs que l’exposition n’arpentait pas.

D’où le choix de mettre en place une enquête indiciaire, qui part de la trace pour remonter autant que faire se peut à ce qui la fonde et l’autorise. Pour cela, puisqu’on ne pouvait accéder aux déposants pour leur demander leurs raisons, il fallait au moins tenter de reconstituer une logique de sens qui expliquait qu’une personne ait accroché une fiche avec tel lieu spécifique qui lui semblait participer du genre commun des lieux infinis. Il a fallu pour cela « documenter » chaque lieu suggéré, retrouver ses coordonnées topographiques, comprendre son histoire, sa morphologie et ses fonctions. On décida également de lui attribuer une image photographique, de lui tirer le portrait en quelque sorte, et ainsi d’augmenter la trace en choisissant un visuel, en fonction de nos cadres d’analyse.

Très vite des régularités apparurent et des attracteurs s’imposèrent, permettant de classer la collection par indexation et de concevoir une iconographie inspirée à la fois des principes de l’Atlas géogra-phique et de ceux de l’Atlas Mnémosyne d’Aby Warburg au sens où nous avons voulu jouer sur la fertilité des rapprochements, des appariements, des relations que la mise en parallèle et en série des images permet car elle installe une opération sémiotique toujours puissante et surprenante : placer des formes en regard les unes des autres, même lorsqu’elles expriment des réalités très différentes, autorise de comparer l’incomparable et de mieux comprendre un ensemble iconographique complexe.

La présente exposition met en scène le résultat de nos investiga tions. Nous ne cherchons pas à conclure, mais à poursuivre le chantier ouvert à Venise par cette activité de laboratoire, afin de le partager, de le mettre en discussion et aussi de vous appeler, chers visiteurs, à continuer à enrichir l’archive ; une archive ouverte, donc, tout comme l’œuvre d’interprétation qu’elle lance.

Un panorama de nos attachementsAvec ces 8 318 fiches anonymes, nous n’avons que des conjectures. Est-ce une contribution fidèle au propos de l’exposition ? Ou bien est-ce une interprétation libre des mots Lieu et Infini entendus séparément ?

Littéralement, l’expression Lieux infinis oppose l’ici et l’ailleurs, dans le paradoxe d’un endroit situé qui a la capacité de nous emmener au-delà. Comme titre d’exposition, Lieux infinis évoquait des espaces à l’intérieur desquels tous les possibles pouvaient se réinventer dans le temps au gré des apports de leurs « habitants ». La majorité des contributeurs y a vu tout autre chose. Beaucoup ont exploré d’autres rivages : la beauté naturelle, la trace historique ou la fiction, jusqu’aux extrêmes des expressions personnelles qui ont proposé leur propre chambre ou notre univers tout entier.

Certains ont vu la nature (13 %) specta-culairement belle, exempte de traces habitées. Des montagnes aux parcs classés « naturels », des forêts aux déserts. Mais de la plus vive à la plus glacée, c’est à la nature liquide que revient la palme : océans, mers, plages, cascades, îles, lacs et rivières occupent le devant de la scène. On devine une déclaration d’amour pour la biosphère qui n’est pas si surprenante, à l’heure de la prise de conscience grandis-sante de la beauté fragile de notre planète.

Certains ont vu des ruines (6 %) et du patrimoine (14 %), qui sont nos restes édifiés. C’est l’image d’un passé abandonné ou délaissé, préservé ou magnifié. On peut y lire la fierté et l’attachement à ces symboles de l’inventivité et de la créativité des bâtisseurs. Mais se glisse une tristesse aussi, face à des mondes engloutis – des sites antiques aux

cathédrales industrielles –, et quantité de sites cultuels européens délaissés faute de candidats. On découvre aussi l’existence d’un gisement potentiel d’espaces à réactiver, sans pour autant rajouter à l’empreinte constructive existante.

Beaucoup ont vu les lieux de la quotidienneté : des ensembles de territoires habités (26 %) et les activités qui y sont nées (28 %). De la rue au quartier, du village à la ville dans toutes ses échelles, ces densités habitées sont celles où l’on travaille, l’on s’éduque, l’on commerce, et depuis peu que l’on visite et où l’on s’amuse. Dans cet urbain généralisé, nombre de réponses ont plébiscité l’espace public, comme une figure spatiale symbolique primordiale.

Et bien entendu, de nombreuses propositions ont contribué à enrichir l’atlas de nouveaux lieux infinis (13 %), en résonance avec l’exposition éponyme. Des friches, des squats, des initiatives locales et citoyennes, des jardins partagés, des occupations d’espaces publics. Des expériences temporaires ou pérennes, institutionnalisées ou plus en marge, mais qui réinventent toutes des dynamiques collectives.

Par dessus-tout, à l’heure du virtuel et de la grande toile, ces projets nous parlent de l’importance du lieu, et de nos divers attachements à son endroit. Nous pensons que ces Milliers d’ici disent quelque chose de notre monde urbanisé et des vies que nous y inscrivons – toujours-déjà des vies avec les lieux, qui s’affirment bel et bien comme des prises essentielles de la co- habitation humaine.

De la valise à l’archive (suite)

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les Halles du Faubourg, 10 impasse des Chalets – 69007 Lyonecoleurbainedelyon.universite-lyon.fr

Des Milliers d’IciAtlas de lieux infinisExposition du 8 novembre au 29 décembre 2019

Commissariat, scénographie et productionEncore Heureux ArchitectesÉcole Urbaine de Lyon – Université de Lyon

Encore Heureux ArchitectesJulien Choppin, Nicola Delon, Sébastien Eymard, Sonia Vu, Ben Hoyle

avec les contributions de Geoffrey Airiau, Lucie Bergouhnioux, Mélanie Bouissière, Justine Braun, Olivier Caudal, Clémentine Thenot, Margot Cordier, Cédric Daniel, Manon Dol, Eda Doyduk, Clément Gy, Léa Hobson, Goulven Jaffrès, Maïane Jerafi, Guillaume Jouin-Trémeur,

Romain Léal, Luc Lecorvaisier, Hugo Leprince, Kasi Lesniewska, Morgan Moinet, Lola Paprocki, Nicolas Passemier, Bérénice Prévôt, Anaïs Quintero, Agathe Sicard, Inès Winkler

École Urbaine de Lyon – Université de LyonMichel Lussault, Valérie Disdier, Céline De Mil,

avec les contributions de Jérémy Cheval, Nicolas Daccache, Anne Guinot, Lou Herrmann, Maylis Mazoyer, Adrien Pinon, Loïc Sagnard, Alice Sender, Isabelle Vio

Design graphiquedeValence

CartographieLaboratoire LIRIS, UMR 5205 CNRSGilles Gesquière, Thomas Leysens

VidéoRonan Letourneur

Matériaux de réemploiMinéka

ImpressionsAGG Print

MontageLa Taverne Gutenberg, Sacha Moyal

Nos remerciements vont à Laurent Fachard – LEA, pour ses conseils éclairés ; à One Two Trees et à VAD pour le prêt de mobiliers