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1 ASBL U.H.P.C. Conférence du 21/12/2004 ASPECTS FISCAUX DE LA REPRISE D’UNE ENTREPRISE OU DU PASSAGE EN SOCIETE QUAND LE PIRE ARRIVE Laurence Deklerck Avocat Professeur associé EPHEC Expert chargé d’enseignement Au CeFIAD (FUCaM)

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ASBL U.H.P.C. Conférence du 21/12/2004

ASPECTS FISCAUX DE LA REPRISE D’UNE ENTREPRISE OU DU PASSAGE EN SOCIETE

QUAND LE PIRE ARRIVE

Laurence Deklerck Avocat Professeur associé EPHEC Expert chargé d’enseignement Au CeFIAD (FUCaM)

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Chapitre 1. Cessation et simulation 1.1. Principes 1.1.1. L’administration a développé, à de nombreuses reprises et parfois avec succès, la théorie de la simulation pour rejeter l’application du régime de taxation au titre de plus values de cessation. Il s’agit souvent d’opérations par lesquelles un contribuable cède ses actifs professionnels à une société dans laquelle il est actionnaire et dirigeant d’entreprise. Lorsque la simulation est démontrée, les sommes encaissées par le cédant sont taxées comme rémunérations de dirigeants d’entreprise. La charge de la preuve de la simulation incombe à l’administration qui l’invoque. Il y a simulation lorsque les parties donnent l’impression d’avoir accompli un acte juridique déterminé, alors qu’elles ont secrètement réglé leurs rapports juridiques de façon totalement différente : la volonté apparente des parties ne concorde pas avec leur volonté réelle. La simulation est prohibée lorsque les parties concluent une convention dont elles n’acceptent pas toutes les conséquences et qui de plus viole la loi. Par contre, il n’y a ni simulation prohibée à l’égard de l’administration fiscale, ni partant, de fraude fiscale, lorsqu’ en vue de bénéficier d’un régime fiscal plus favorable, les parties, usant de la liberté des conventions et sans violer aucune obligation légale, établissent des actes dont elles acceptent toutes les conséquences, même si la forme qu’elles leur donnent n’est pas la plus normale et même si ces actes sont établis dans l’unique intention d’alléger la charge fiscale. 1 Enfin, il y a lieu de se placer au jour de la conclusion d’une convention pour apprécier l’existence éventuelle d’une simulation. La simulation ne peut être déduite d’événements qui n’étaient pas connus à la conclusion du contrat.2 1.2. Simulation prohibée ou non ? 1.2.1 La question s’est posée de savoir si une simple infraction à une loi entraîne automatiquement une simulation prohibée. 1 Cass. , 6 juin 1961, Pas. 1961, I, 1082 confirmé par Cass., 27 février 1987, F.J.F. 87/68 ; Cass., 29 janvier 1988, J.T. 1988, 439 ; Cass., 22 mars 1990, J.D.F., 1990, p.110 2 Bruxelles, 17 septembre 2003, Le Fiscologue, 10 octobre 2003, n° 907, p. 9

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L’absence de dépôt au greffe du tribunal de commerce des rapports du réviseur d’entreprise et du gérant 3 ne constitue pas une infraction qui puisse entraîner l’existence d’une simulation prohibée. 4 Par contre, la Cour d’appel de Bruxelles a décidé que le contribuable a procédé à une simulation prohibée en ne tenant pas compte dans la convention de cession d’une officine de pharmacie du prix maximum admis par l’arrêté royal du 13 avril 1997, étant donné qu’il n’a pas accepté toutes les conséquences que la loi lie à la cession d’une officine de pharmacie. 5 Selon toujours la cour d’appel de Bruxelles, même en l’absence de simulation prohibée, il y a violation d’une réglementation d’ordre public, de telle sorte que les parties n’ont pas la liberté contractuelle pour fixer la valeur d’une pharmacie. Sur le plan fiscal, les clauses de la convention de cession qui ont fixé la valeur de la pharmacie cédée à une valeur trop élevée doivent demeurer dénuées d’effet. La partie du prix de vente qui dépasse les dispositions impératives de l’arrêté royal précité ne peut être opposée à l’administration et doit être considérée dans le chef du cédant comme une rémunération de dirigeant d’entreprise. 6 Cette jurisprudence de la Cour d’appel de Bruxelles a été confirmée par la Cour de cassation. 7 La violation d’une règle légale d’ordre public peut donc conduire à la simulation prohibée. Mais, même en l’absence de simulation prohibée, la violation d’une telle règle entraîne la non opposabilité des conséquences de cette violation. 1.2.2. C’est ce que la jurisprudence a, par ailleurs, confirmé en matière d’amortissement de clientèle. 8 Les principaux éléments de fait examinés par l’administration dans le cadre des opérations de cession d’activité sont l’existence de la clientèle, la détermination du prix et les rémunérations encaissées par le dirigeant dans la nouvelle structure.

3 Par application de l’article 120 quater des lois coordonnées sur les sociétés commerciales devenu l’ article 220 du Code des Sociétés 4 Anvers, 29 février 2000, R.G.F.2000, p.305 5 Bruxelles, 26 janvier 1995, inédit ; Bruxelles, 2 juin 2000 ; 00521109 ; Bruxelles, 2 juin 2000 ; 00521110 6 Bruxelles, 2 juin 2000 ; 00521109 ; Bruxelles, 2 juin 2000 ; 00521110 ; Bruxelles, 8 juin 2000, J.D.F., mars-avril 2001,p.109 7 Cassation, 16 octobre 1997, F.J.F.n° 97/274 8 Anvers, 19 septembre 1995, F.J.F. confirmé par Cass. 5 mars 1999, FJF, 99/93 et RGF 1999, p.236 et note Detroyer

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L’administration a parfois tenté de soutenir que la simulation de la convention découlait de l’inexistence de la clientèle cédée, notamment lorsque cette clientèle était constituée de contrats à courte durée dans le domaine d’activité d’un entrepreneur. Ce grief a été écarté considérant qu’à 55 ans, l’entrepreneur avait certainement pu se constituer une clientèle. 9 Le caractère simulé de la convention de cession a malgré tout été retenu parce que le prix convenu était manifestement exagéré et avait été fixé sans aucun rapport d’évaluation d’un réviseur d’entreprises.10 Lorsque le prix de reprise a non seulement été calculé sur la valeur ou le chiffre d’affaires futures de la clientèle cédée, mais également sur l’ensemble de l’activité future de la société à un taux ( 25% du chiffre d’affaires brut) qui était disproportionné par rapport à la valeur de reprise et aux possibilités de bénéfices nets de la société de par ses activités futures, il y a simulation prohibée car le contribuable a voulu qualifier, de manière artificielle et uniquement dans un but d’éviter la pression fiscale, de plus values de cessation des sommes qui économiquement constituent des rémunérations de dirigeants d’entreprises. 11 L’augmentation du prix de cession par un addenda conclu près d’un an après l’acte de cession a également été jugé comme simulé. 12 Lorsqu’à l’occasion de l’apport d’un commerce à une société, contrôlée par l’apporteur, le prix de cession de la clientèle est fixé à un pourcentage du chiffre d’affaire brut pendant quinze ans, et lorsque l’apporteur qui continue le commerce en tant que dirigeant, se contente d’une rémunération modeste, le juge du fond est en droit de juger qu’il n’y avait pas de volonté réelle de céder le fonds de commerce et que toutes les conséquences de l’acte n’ont pas été acceptées. La cession constitue de la sorte une simulation prohibée et le prix reçu cache en réalité une rémunération. 13 1.2.3. La simulation fut encore retenue dans le cas suivant : un médecin cesse son activité en tant que personne physique et constitue une société de moyens en 1986 ;

9 Bruxelles, 15 juin 2000, 00521086 10 Bruxelles, 15 juin 2000, 00521086 ; Bruxelles, 2 septembre 1999, 99521465 ; Bruxelles, 1er octobre 1999, 99521584 11 Bruxelles, 2 mars 1993, F.J.F. 93/108 confirmé par Cass. 19 mai 1995, R.G.F. 1996, p.21 ; Bruxelles 1er octobre 1999, 99521584 12 Gand, 27 septembre 2000, 00541471 13 Bruxelles, 2 septembre 1999 ; 99521465 ; Bruxelles, 1er octobre 1999 ; 99521584

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En 1991, il modifie l’objet social de celle-ci pour en faire une société professionnelle ; celle-ci a désormais pour objet l’intégralité de l’activité médicale de ses membres conformément à l’article 159 du tout récent nouveau code de déontologie médicale ; En même temps il cède à la SPRL pour un montant de 4.200.000 FB l’ensemble de son organisation administrative comprenant les archives et fichiers des clients, le know-how et autres éléments immatériels, soit « tous les moyens généralement utilisés pour permettre d’asseoir et de développer un cabinet médical de la manière la plus étendue ». L’administration inclut le montant du prix de cession déclaré comme plus-value de cessation parmi les rémunérations d’associé actif du dirigeant. La cour d’appel de Liège décide que le contribuable a voulu profiter a posteriori de ce que certains éléments de son cabinet médical propre non cessibles pour des raisons déontologiques au moment de la constitution de la société le soient finalement devenus, pour tenter d’obtenir une moindre imposition de ses rémunérations futures, c’est-à-dire postérieures à la cession, au sein de la société. Elle reproche au contribuable une valorisation de convenance apparaissant à la fois incontrôlable et artificielle d’éléments incorporels dont il n’est pas établi, si et dans quelle mesure, ils lui seraient restés propres quatre ans après le début de l’activité en société. 14 En conclusion, le contribuable qui cède son activité unipersonnelle à une société doit avoir la certitude que l’existence et la valeur des éléments corporels mais surtout incorporels qu’il transfère sont établies et dûment justifiées. Un rapport sérieux du réviseur d’entreprises, même s’il n’est pas obligatoire, reste une garantie que le contribuable pourra opposer à l’administration pour justifier son opération. 1.2.4. A l’inverse, lorsque les parties posent des actes dont elles acceptent toutes les conséquences, il n’y a pas simulation prohibée même si leur but est de diminuer leur charge fiscale 15 L’absence de simulation a également été confirmée malgré l’absence de convention écrite entre le cédant et le cessionnaire et l’absence de rapport d’expertise sur la valeur de la clientèle reprise. 16 Il ne peut non plus être question de simulation lorsque la rémunération versée par la société à ses dirigeants n’est pas symbolique :

14 Liège, 10 janvier 2001, 01550021 15 Bruxelles, 19 février 1991, R.G.F.1991, p.281 ; Anvers, 9 avril 1996, F.J.F. n° 96/193 ; Anvers, 22 décembre 1998, F.J.F. 99/94 et Anvers, 6 avril 1999, F.J.F.99/186 16 Anvers, 13 mai 1997, F.J.F.,1997, p.415

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notamment, si elle est inférieure aux bénéfices imposables déclarés par le cédant au cours de la dernière année d’activité précédant la cession, mais qu’ elle est toutefois supérieure à la moyenne des bénéfices nets déclarés au cours des trois années précédant la cession. Elle n’est donc pas anormale ou disproportionnée. Est anormale une rémunération pour laquelle le contribuable refuserait de livrer les prestations pour un tiers. En l’espèce, il n’est pas établi avec certitude par l’administration que le prix de cession était disproportionné et représentait, en fait, en tout ou en partie, une rémunération d’associé. La simulation s’apprécie au jour de la conclusion et, au moment de cette conclusion, la seule chose qui était certaine était que le prix de cession avait un caractère aléatoire comportant un risque de gain ou de perte. On ne peut faire un raisonnement sur la simulation d’une convention a posteriori, à la lumière d’événements non connus lors de la conclusion du contrat 17 1.3.Taxation de la partie anormale du prix de cession en rémunération de dirigeants en l’absence de simulation 1.3.1. Il ressort d’une note interne de l’administration centrale des contributions directes que la taxation en rémunération de dirigeant d’entreprise pourrait intervenir même en l’absence de simulation. L’administration propose de fixer la valeur maximale de l’actif cédé sur base des formules de l’Institut des Réviseurs d’Entreprise ou en prenant en compte quatre fois le bénéfice net moyen des trois derniers exercices d’exploitation. Lorsque les sommes payées excèdent ce calcul, le surplus serait une attribution imposable dans le chef du bénéficiaire à l’impôt des personnes physiques au taux plein en tant que rémunération de dirigeant d’entreprise, 18 ceci par l’effet du principe d’attraction propre aux dirigeants d’entreprises. 19 Il faut évidemment que le cédant soit dirigeant dans la société repreneuse. La Cour d’appel de Bruxelles a admis que l’administration détermine le prix réel de la cession d’un fonds de commerce en faisant application de la formule précitée dans le cadre de la preuve par présomptions de l’article 340

17 Bruxelles, 17 septembre 2003, Fisconet arrêt B 03/25, n° de rôle 1991/FR/456 ; voir dans le même sens : Bruxelles, 8 avril 2004, Les éditions électroniques « Do Fiscum » ; 18 C Mattelin, note sous Anvers, 13 mai 1997, R.G.F.1997, p.287 19 Bruxelles, 2 septembre 1999, 99521465 ; Bruxelles, 2 juin 2000, 00521109 ; Bruxelles, 8 juin 2000, 00521100

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du Code des impôts sur les revenus. L’administration s’était basée sur des faits connus, à savoir le bénéfice brut admis dans le chef du contribuable durant les trois années précédant la cession du fonds de commerce, et, à défaut de données plus précises permettant de déterminer la valeur réelle du fonds de commerce cédé, y a appliqué la méthode du bénéfice brut moyen retenue par les réviseurs d’entreprise qui évalue le goodwill à 150% du bénéfice brut moyen des trois années d’exploitation qui précèdent la cession. 20 Par contre, la Cour d’appel de Gand a décidé que la présomption de l’homme tirée de la formule précitée n’est pas suffisamment précise et ne permet donc pas d’en déduire que le prix de cession de la clientèle est anormalement élevé. 21 Chapitre 2 : les plus values sur des biens affectés à l’exercice de l’activité professionnelle à l’occasion de la cessation de cette activité 2.1. Introduction 2.1.1. Les plus values obtenues ou constatées à l’occasion de la cessation complète et définitive d’une activité professionnelle exercée en nom personnel subissent un régime de taxation particulier. L’article 28, alinéa 1er , 1° du Code des impôts sur les revenus dispose que sont taxables comme bénéfices ou profits d’une activité antérieure ceux « qui sont obtenus ou constatés en raison ou à l’occasion de la cessation complète et définitive de l’entreprise ou de l’exercice d’une profession libérale, charge, office ou occupation lucrative et qui proviennent de plus-values sur des éléments de l’actif affectés à l’activité professionnelle ». Ces plus-values de cessation seront taxées au taux plein ou aux taux réduits de 16.5 % ou 33% selon les circonstances et les catégories d’immobilisations sur lesquelles elles sont obtenues ou constatées. 2.1.2. Par application de l’article 46 du Code des Impôts sur les revenus, ces plus values de cessation peuvent toutefois être entièrement mais temporairement exonérées : 20 Bruxelles, 2 septembre 1999, 99521465 ; Bruxelles, 1er octobre 1999, 99521584 21 Gand, 17 juin 1999, 99541119

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- lorsque soit l’exploitation, soit l’activité professionnelle, soit une ou

plusieurs branches d’activité sont continuées par le conjoint ou par un ou plusieurs héritiers ou successibles en ligne directe de la personne qui a cessé l’exploitation, l’activité professionnelle ou la branche d’activité ; ( alinéa 1er, 1°)

- lorsqu’elles sont obtenues ou constatées à l’occasion de l’apport d’une

ou de plusieurs branche d’activité ou d’une universalité de biens à une société moyennant la remise d’actions ou parts représentatives du capital social de cette société ; ( alinéa 1er, 2°)

Ces exonérations ne seront pas examinées dans le présent texte. Notons toutefois que la Commission de Ruling – sous l’ ancienne procédure - avait rendu un avis négatif dans deux demandes d’apport de l’universalité des biens d’entreprise individuelle à une société. Un courtier indépendant souhaitait apporter l’universalité des biens de son entreprise à une société anonyme à constituer en vue de séparer les risques de son patrimoine professionnel de son patrimoine privé et de donner une meilleure image financière de son activité par le statut d’une société anonyme publiant ses comptes annuels chaque année. La Commission n’a pas suivi cette demande aux motifs que :

- les données chiffrées ne démontrent aucune évolution significative des

recettes et des charges d’exploitation futures ; - on ne peut nullement conclure que la situation financière ou économique

de l’activité serait améliorée de manière sensible suite à la constitution d’une société ;

- les arguments invoqués par le requérant selon lesquels il s’impose d’une part, d’opérer une séparation entre les patrimoines professionnel et privé et d’autre part, de donner une meilleure image financière de son activité, sont communs à la grande majorité des entreprises unipersonnelles qui aspirent à adopter la forme sociétaire, mais ne démontrent pas pour autant que l’opération envisagée serait de nature à répondre adéquatement à des besoins légitimes de caractère financier ou économique.22

L’apport de l’universalité des biens d’un géomètre expert indépendant à une nouvelle société nécessité, selon ce dernier, par une extension de son

22 Décision n° Ci.Com/103 CDB du 18.10.1994, Bull. Contr. 812/2.2001, p.536

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bureau, de ses collaborations avec d’autres spécialistes de l’expertise, d’investissements neufs en informatique n’a pas convaincu non plus la Commission car : - « la société sera constituée en fait par le requérant, actionnaire unique, par apport de sa

clientèle évaluée à 5.500.000 BEF et du numéraire pour un montant de 500.000 BEF ; - les personnes qui travailleront pour la société seront les mêmes que celles qui collaborent

déjà, sous le statut d’indépendant, avec le requérant ; - les autres motifs qui n’ont pas été étoffés utilement par les renseignements transmis, ne

sont pas de nature à emporter la conviction de la Commission que l’opération d’apport projetée réponde réellement à des besoins légitimes de caractère financier ou économique. » 23

La Cour d’appel de Bruxelles a toutefois décidé dans un arrêt du 26 septembre 2003 que l’apport en société d’une activité de dessinateur industriel répond aux besoins légitimes de caractère financier ou économique lorsque le contribuable justifie avoir besoin d’une structure de société anonyme à la mesure nationale et internationale des agences de publicité avec lesquelles il traite, qui présente une comptabilité plus rigoureuse et une publicité des comptes plus fiable, et qui permet l’octroi plus facile de crédits bancaires sans exigence de garanties personnelles. La Cour confirme encore que l’intérêt légitime de l’indépendant de séparer ses patrimoines privé et professionnel, justifie à lui seul l’opération. Cet arrêt ouvre donc de nouvelles perspectives aux contribuables. 2.2. Le régime de taxation des plus values de cessation : 2.2.1. Principes : 2.2.1.1. Les plus values de cessation sont susceptibles d’être imposées dès qu’elles sont obtenues ou constatées dans le chef d’un contribuable en raison ou à l’occasion de la cessation complète et définitive de l’activité professionnelle sur des actifs affectés à l’exercice de l’activité professionnelle. Seul le contribuable qui exerçait l’activité professionnelle cessée est susceptible d’être imposé sur les actifs qu’il avait affectés à son activité professionnelle. Si un époux est propriétaire en propre d’un immeuble dans lequel son conjoint a exercé puis cessé son activité professionnelle, l’Administration ne

23 Décision n° Ci.COM/243 CDB du 7.4.1997, Bull. Contr. 812/2.2001, p.537

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peut imposer la plus value réalisée au moment de la vente de celui ci, au titre de plus value de cessation, ni dans le chef de l’un, ni dans le chef de l’autre conjoint. En effet, le conjoint qui était propriétaire n’a jamais exercé aucune activité professionnelle dans l’immeuble et le conjoint exploitant n’était pas propriétaire. 24 De même, si un seul conjoint est propriétaire et donc vendeur d’un fonds commerce, le montant total de la plus value doit être imposé dans son chef, et ce malgré le fait que l’autre conjoint ait le statut de conjoint aidant et qu’une partie du prix lui revienne en vertu de la convention au titre de modalité de paiement. 25 2.2.2. Notion d’actifs affectés à l’exercice de l’activité professionnelle 2.2.2.1. Il s’agit de la notion définie à l’article 41 du Code des impôts sur les revenus. Se pose toutefois la question de savoir à partir de quand un bien affecté à l’exercice de l’activité professionnelle sur pied de l’article 41 du Code des impôts sur les revenus est susceptible de retomber dans le patrimoine privé. Le simple fait qu’un laps de temps important se soit écoulé entre la cessation de l’activité professionnelle et la vente du bien ne permet pas au contribuable de soutenir que le bien est entré durant cette période dans son patrimoine privé et que la plus value échappe au régime de taxation afférent aux cessations d’activité professionnelle. 26 Il faut que le bien ait été effectivement désaffecté professionnellement pour être utilisé exclusivement de manière non professionnelle, notamment par l’inoccupation du bien pendant plusieurs années puis par sa location à un tiers dont le produit a été déclaré en revenus immobiliers sans contestation de la part de l’administration après que des aménagements aient été réalisés sans déduction de TVA ou de charges professionnelles. 27 Le fait de donner à bail un bien qui est affecté par le locataire à son usage professionnel n’entraîne pas ipso facto que cette location aurait également un caractère professionnel dans le chef de propriétaires non marchands de biens, même s’il s’agit d’anciens indépendants ;

24 Anvers, 14 octobre 1997, Act. Fisc.1997, 40/7 25 Anvers, 16 avril 1996, F.J.F 1996, p.73 26 Cass. 21 juin 1990, Courr.Fisc.1990, 90/440 ; Liège, 2 décembre 1998, F.J.F., 99/100 27 Liège, 13 décembre 2000, J.D.F., 2001, p.63

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Ce qui importe c’est la désaffectation du bien relativement à ces activités clôturées, même en cas d’absence de travaux d’aménagement le rendant propre à un usage privé.28 Le Tribunal de Première Instance de Hasselt confirme ce point de vue à propos d’un grossiste en produits laitiers qui, quatre ans après la cessation de son activité en nom personnel, faisait apport de ses entrepôts et de ses installations frigorifiques à une société de patrimoine dont il était gérant ; Selon le Tribunal, c’est à tort que l’administration exige, pour qu’une immobilisation soit affectée durablement à des fins privées, que ces biens doivent faire l’objet de travaux d’adaptation qui les rendent appropriés à une utilisation à des fins privées ; cette condition ne se trouve pas dans la loi ; Le Tribunal constate que, durant la période qui sépare la cessation de l’activité personnelle et l’apport des immeubles, le contribuable a donné ces immeubles en location et a déclaré comme revenus immobiliers les loyers qu’il a perçus ; cette location constitue une affectation à des fins non professionnelle de telle sorte qu’il peut être admis que les immeubles ont acquis un caractère privé.29 La Cour d’appel de Mons confirme également ce point de vue pour une plus-value réalisée sur un immeuble près de six ans après la cessation d’activité : le contribuable n’a opéré durant la période de location aucune déduction de charges, amortissements ou autres frais relatifs à cet immeuble ; au contraire, il a recueilli dans son patrimoine privé des loyers qui ont été taxés comme revenus immobiliers ; Le fait que le tiers locataire a exercé une activité professionnelle dans l’immeuble concerné est sans incidence sur la nature des revenus que le contribuable a tiré de la location ; enfin, il n’est pas établi que cette location a eu lieu dans le cadre des activités professionnelles du propriétaire. Dès lors, la cour décide que l’administration ne démontre pas que la plus-value est apparue en raison ou à l’occasion de la cessation d’activité 30 Mais tout dépend essentiellement des circonstances de fait ; La cour d’appel d’Anvers a du statuer sur le cas d’un contribuable qui avait mis fin à son activité de garagiste en 1981 et qui pendant dix ans donnait le garage en location à des tiers qui y exerçaient l’activité de garagiste ; il déclarait les loyers comme des revenus immobiliers ;

28 Liège, 13 décembre 2000, JDF, 2001, p.63 29 Civ. Hasselt, 11 septembre 2002 ; FJF, n° 2002/279 ; Courrier fiscal, 2002, 568 ; voir dans le même sens : Civ. Hasselt, 21 avril 2004, n° de rôle 99/1765/A, www.fiscalnetfr.be; 30 Mons, 24 janvier 2003, Les éditions électroniques « Do Fiscum » ;

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En 1991 – soit dix ans plus tard -, il décide de vendre à une société d’une part l’immeuble (le garage) et d’autre part le fonds de commerce qui était exploité dans la propriété vendue. La cour décide que le bien employé comme garage a été vendu par le contribuable uniquement parce qu’il a arrêté définitivement l’exploitation de son fonds de commerce par le transfert de l’immeuble à l’acheteur ; dès lors, la plus-value a bien été réalisée en raison ou à l’occasion de la cessation et demeure taxable comme plus-value de cessation 31 . 2.2.3. Notion de plus-values obtenues ou constatées en raison ou à l’occasion de la cessation complète et définitive de l’activité professionnelle. Plus-value « obtenue » et plus value « constatée » 2.2.3.1. Le terme « obtenu » a la même signification que le terme « réalisé » plus communément utilisé lorsqu’il s’agit de plus-values qu’un contribuable réalise en cours d’exploitation. Sont en fait visées, les plus values résultant d’ aliénations d’un bien faisant partie du patrimoine professionnel d’un contribuable moyennant une contre valeur en argent ou en nature (vente, apport de société, échange,…). La taxation interviendra dès que la créance a un caractère certain soit, notamment : - en cas de vente au moment du transfert des risques ;32 - ou dès le moment ou la convention est conclue même si elle est

assortie d’un terme suspensif quant à son exécution. 33 Nous examinerons ci après le moment ou l’imposition de la plus value de cessation interviendra selon les modalités prévues au contrat de cession. 2.2.3.2. Le terme « constaté » vise les plus-values qui, tout en n’étant pas comme telles réalisées, sont cependant révélées ou constatées dans un acte quelconque établi lors ou à l’occasion de la cessation de l’activité professionnelle (par exemple une déclaration de succession, un acte de partage, de donation, une promesse de vente, un contrat de location-vente, etc …). 34

31 Anvers, 4 novembre 2003 , n° de rôle 1996/FR/12, www.fiscalnetfr.be; 32 Bruxelles, 16 janvier 1998, F.J.F. 98/246 ; voyez contra Gand 15 mai 1977, F.J.F., 1997, p. 349 qui considère la créance certaine dès la levée de l’option 33 Gand, 15 février 1996, FJF, 1996, p.242 ; Liège, 28 mars 1997, FJF 1997, p.435 34 Comm. I.R. 28/22

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Il s’agit simplement d’une plus-value exprimée mais qui subira la taxation en cas de cessation d’activité professionnelle. C’est ainsi qu’un contribuable qui, après avoir cessé définitivement l’exploitation d’un hôtel, a donné l’immeuble en location à une société avec une option d’achat pour un montant représentant la valeur vénale de l’immeuble, a été imposée sur la plus-value de cessation jugée comme « constatée » au moment de la conclusion du contrat de bail contenant l’option d’achat. 35 Dans le même sens, la Cour de Cassation 36 a cassé un arrêt de la Cour d’appel de Mons 37 qui avait décidé qu’eu égard à l’effet rétroactif de la résolution de la cession d’un fonds de commerce, ce dernier était censé n’avoir jamais quitté le patrimoine du cédant, de telle sorte qu’il n’a jamais été réalisé et n’a donc jamais pu être l’objet d’une plus-value ni réalisée, ni même exprimée. Selon la Cour de Cassation, par l’emploi des termes « obtenus » ou « constatés », le législateur a visé respectivement les plus-values qui sont réalisées et celles qui ne le sont pas. 38 Lorsque la cession d’un fonds de commerce a révélé l’existence de telles plus-values, l’administration est en droit de les taxer pour l’exercice au cours duquel la cession a été conclue. Le caractère imposable prendra en effet naissance à la date de l’acte qui en a révélé l’existence. La résolution de la convention de cession de fonds de commerce ne saurait avoir pour effet ni d’effacer la constatation par l’administration de l’existence des plus-values, ni d’empêcher que celles-ci et non le prix de la cession servent de base à l’impôt.39 De même, lorsque la cession a finalement été réalisée pour une somme moindre que celle stipulée dans une première convention, il n’en reste pas moins que cette première convention a révélé l’existence de plus-values de cessation que l’administration est en droit de taxer pour l’exercice au cours duquel la cession a été conclue.40

35 Gand, 22 juin 1972, JPDF 1972, 348, confirmé par Cassation, 23 novembre 1973, Bull. Contr., n° 523, p. 2186. 36 Cassation 11 février 1983, Bull. Contr., 1994, n° 735, p.334, voy. aussi Liège, 21 janvier 1987, RGF, 1987, 188 37 Mons, 5 mai 1992, FJF, n° 92/195 38 Cass. 11 février 1993, Bull. Contr., 1994, n° 735, p.334 ; Bruxelles, 18 novembre 1998, 98521637 39 Voyez également Liège, 15 novembre 2000, F.J.F. 2001/41 40 Liège, 15 novembre 2000, FJF 2001/41

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Il y a encore constatation d’une plus-value lorsque celle-ci ressort de manière définitive du rapport du réviseur déterminant la valeur du quasi apport ; cette plus-value devient taxable pour l’exercice au cours duquel le rapport du réviseur a été déposé.41 « en raison » ou « à l’occasion de » : 2.2.3.3. Les termes « en raison » visent plus spécialement les plus values forcées résultant d’évènements dommageables qui constituent la raison directe de la cessation, même si l’indemnité y afférente a été perçue avant la cessation réelle. 42 Les termes « à l’occasion de » impliquent que doivent également être traitées comme des plus-values de cessation, les plus-values sur des éléments d’actif, résultant d’un acte qui, bien qu’intervenu avant ou après la cessation effective et définitive, a été effectué en vue de cette cessation ou a eu naturellement pour conséquence ladite cessation. Ainsi, les termes « à l’occasion » veulent simplement dire que l’acte intervient dans le cadre de la cessation. L’administration ne peut donc exiger qu’il y ait concordance ou coïncidence parfaite dans le temps entre la perception de la plus-value et la cessation complète et définitive de l’activité professionnelle, car ce serait aller à l’encontre des termes mêmes de la loi. Une telle exigence méconnaîtrait par ailleurs, l’inévitable complexité des tractations, des discussions et des formalités que comporte la cession. 43 Il importe donc peu que la plus value ait été réalisée ultérieurement à la cessation de l’activité du contribuable. Le laps de temps qui s’est écoulé entre la cessation de l’exploitation et la vente ne fait pas obstacle à la qualification des plus-values réalisées comme plus-values de cessation. 44 cessation « complète » et «définitive » : 2.2.3.4. Pour bénéficier du régime spécifique de la taxation des plus-values de cessation – et donc des taux réduits de taxation - le contribuable doit cesser de manière complète et définitive son activité en nom personnel. En

41 Bruxelles, 20 septembre 2002 ; 02521850 42 Salien V., Le régime des plus values à l’impôt des personnes physiques, Bull. Contr. 578, p. 1943, n°3/331 43 Liège, 14 avril 1995, FJF, n° 96/38 44 Bruxelles, 26 avril 1988, FJF, n° 88/114, confirmé par Cassation, 21 juin 1990 ; FJF, n° 90/220 ; Liège, 2 décembre 1998, FJF, n° 99/100 ;

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effet, la plus-value résultant d’une cessation partielle et / ou temporaire serait taxée comme un bénéfice ordinaire. Il n’y a pas cessation d’activité lorsque l’activité est interrompue par exemple en raison d’un déménagement 45 Le simple fait de rayer son immatriculation au registre de commerce ou à la TVA n’est pas nécessairement non plus la preuve d’une cessation complète et définitive. 46 Il y a par contre cessation complète et définitive, par exemple, lorsqu’un contribuable qui exerce deux ou plusieurs activités professionnelles indépendantes distinctes l’une de l’autre cesse complètement et définitivement l’une d’entre elles. 47 La cessation « complète et définitive » ne requière pas que l’entreprise, en tant qu’unité technique et juridique autonome, appartienne entièrement et exclusivement au redevable, ni, lorsque l’entreprise est exploitée comme une société de fait, que la société soit dissoute et liquidée et que tous les associés cessent définitivement leur activité professionnelle. 48 Mais peut-on prétendre que l’on a cessé toute activité professionnelle en nom personnel alors qu’une même activité se poursuit au travers de l’activité d’une société commerciale (S.A., S.P.R.L, etc…) ou, à plus forte raison, d’une S.P.R.L. unipersonnelle ? C’est toujours la même personne physique, en effet, qui recevra les clients, donnera les conseils, etc …. D’un point de vue juridique, il s’agit de deux êtres juridiques distincts. D’un point de vue fiscal, il y aura changement de catégorie de revenus. En effet, lorsque la personne physique exerçait son activité en nom personnel, ses revenus étaient taxés comme des bénéfices d’une exploitation commerciale,… ou comme profits, alors qu’en tant qu’administrateur ou gérant de la société, la personne physique verra les revenus qu’elle tire de la société, taxés comme des rémunérations de dirigeants d’entreprise. Du fait de la création de la société, la personne physique aura cessé complètement et définitivement d’être taxée dans la catégorie des exploitations commerciales ou des profits pour entrer dans une nouvelle catégorie, celle des dirigeants d’entreprise.

45 Comm.I.R.28/4 46 Comm.I.R.28/5 47 Salien V., op.cit., p.1940, n°3/21 48 Cass., 28 octobre 1988, Bull. Contr. 1989, p.1725

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La condition sine qua non pour que le régime de taxation des plus-values de cessation soit applicable, à savoir la cessation complète et définitive de l’activité, doit s’apprécier en fait. 2.2.3.5. Il n’y a pas de cessation complète et définitive lorsqu’après la cession de son activité à une société, un ingénieur conseil continue à facturer personnellement des prestations dans le cadre de contrats de longue durée conclus grâce à des relations personnelles et professionnelles ; dans ces conditions, il importe peu que les prestations relatives à ces facturations aient été réalisées par la société et que les montants en cause aient été rétrocédés à celle-ci. La propre attitude de la personne physique démontre d’une part que la cession de ces contrats à la société n’est pas effective vis-à-vis des cocontractants en cause et que, d’autre part, en continuant à fonctionner comme l’interlocuteur de ceux-ci, le contribuable n’a pas cessé complètement et définitivement ses activités d’ingénieur-conseil, auteur de projets. C’est dès lors à bon droit que l’administration refuse le bénéfice des taux réduits à ce contribuable. 49 2.2.4. Moment de l’imposition de la plus-value de cessation obtenue ou constatée selon les modalités de la convention Cession moyennant un prix immédiatement déterminé ou déterminable 2.2.4.1. Si le prix est déterminé ou déterminable, la plus-value de cessation devient imposable pour l’année au cours de laquelle la créance du cédant devient certaine et liquide. Si des intérêts sont stipulés, ceux-ci constituent pour le vendeur des revenus mobiliers imposables. Le cessionnaire doit retenir le précompte mobilier au taux de 15 % au moment de la mise en paiement. Le précompte retenu est libératoire pour le vendeur. 50 Le moment où le prix sera perçu est sans incidence sur le moment de la taxation 51 . L’Administration est en droit de taxer les plus-values pour l’année au cours de laquelle la cession a été conclue. 52 Exemple :

49 Liège, 11 septembre 1988, R.G.F. 1998, p.433 50 Article 313 du Code des impôts sur les revenus 51 Civ. Gand, 18 septembre 2003, n° de rôle 02/438/A, www.fiscalnetfr.be; 52 Cassation, 11 février 1993, Bull. Contr., 1994, n° 735, p.334 ; Bruxelles, 10 février 1969, Bull. Contr., n° 470, p. 77; Liège, 22 février 1971, Bull. Contr., n° 494, p. 423 ; Liège, 22 novembre 1974 , Bull.Contr., n° 536, p.136 ; Gand, 22 octobre 1991 , Bull. Contr., 1993, n° 723, p. 94 ; Gand, 15 février 1996 , FJF, n° 96/114 ; Bruxelles, 20 octobre 1999, 99521796 ; Liège, 6 juin 2001, 0155872

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Un contrat de cession est signé le 15 décembre 2001. Le prix de cession est payé par l’acquéreur le 15 janvier 2002. La plus-value est certaine et liquide en 2001 et sera soumise à l’impôt comme un revenu de l’année 2001. 2.2.4.2. Le contrat de cession peut prévoir, pour le paiement du prix de vente, des délais de paiement, voire éventuellement un fractionnement de celui-ci en plusieurs versements. Cette modalité du contrat n’a pas d’incidence sur le moment de la taxation des plus-values de cessation réalisées par le vendeur. Dans la mesure où le prix est déterminé, le vendeur a sur l’acheteur une créance certaine et liquide et les plus-values sont à tout le moins « constatées » ce qui suffit à fonder la taxation. 53 L’existence d’une clause de non concurrence prévoyant à titre de sanction le non-paiement du prix ne constitue pas une condition suspensive qui suspendrait l’existence de la créance mais bien une « clause pénale ».54 Exemple : Un contribuable personne physique cède un actif incorporel le 31 décembre 2001 pour un montant total de 500.000 euros payable en 5 tranches annuelles de 100.000 euros en 2001, 2002, 2003, 2004, 2005. Au 31 décembre 2001, le cédant dispose d’une créance certaine et liquide d’un montant de 500.000 euros. A supposer que la valeur résiduelle de cet actif soit dans son chef égale à zéro – l’actif ayant été constitué par l’activité professionnelle du cédant ou ayant été entièrement amorti en cas d’acquisition auprès d’une tierce personne – la plus-value de 500.000 euros est imposable pour sa totalité pour l’année de revenus 2001. Les modalités de paiement consenties à l’acquéreur sont sans importance à cet égard. 2.2.4.3. Le non-paiement du prix ne constitue donc pas un obstacle à la taxation immédiate de la plus-value, ce qui oblige le vendeur à financer l’impôt. Pour éviter qu’il soit ainsi confronté à un problème de financement, il suffit de prévoir qu’un paiement au moins égal à l’impôt sur les plus-values devra lui être versé, compte tenu du délai d’enrôlement de l’impôt, avant le moment où cet impôt lui sera réclamé. L’octroi de délais de paiement lors de la vente d’un fonds de commerce comporte donc un inconvénient majeur pour le vendeur, au cas où l’acheteur ne serait pas en mesure de payer le prix convenu. Le fait que tout ou partie du prix n’ait jamais été reçu, par exemple en raison de la faillite ou de la déconfiture du cessionnaire, n’empêche pas que l’impôt sur les plus-values soit dû. 55

53 Liège, 11 mars 1977 , Bull. Contr, n° 564, p. 1152 ; Anvers, 15 juin 1982, FJF, n° 83/63 ; Anvers, 2 décembre 1997 , Fiscoservice 97511439 ; Gand, 26 septembre 2000, 00541466 54 Trib. Louvain, 5 octobre 2001, inédit

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En outre, selon la jurisprudence de la Cour de Cassation, la perte subie par le vendeur sur la créance – qui a donné lieu à la taxation – n’est pas, dans ce cas, une perte professionnelle susceptible d’être déduite des autres revenus professionnels du cédant : la créance provenant de la cession d’un fonds de commerce relève nécessairement du patrimoine privé du vendeur, vu que l’activité commerciale de ce dernier prend fin avec la cession du fonds de commerce. La perte qui en découle aurait donc un caractère privé. 56 Certains arrêts récents s’écartent cependant de cette jurisprudence traditionnelle en décidant que doit être considérée comme perte professionnelle la perte encourue suite à l’impossibilité d’encaisser les bénéfices constatés à l’occasion de la cessation complète et définitive de l’activité professionnelle du cédant. 57 Par un arrêt du 21 juin 2000 la Cour d’arbitrage a décidé que le rejet par l’administration de la déduction des dépenses ou charges nées de l’exercice d’une activité professionnelle mais supportées postérieurement à la cessation de celle ci constitue une violation du principe constitutionnel d’égalité. 58 La Cour ne peut accepter que l’administration taxe les revenus professionnels liés à une activité antérieure et obtenus après la cessation de cette activité mais rejette toutes les dépenses liées à cette activité antérieure parce qu’elles sont supportées après la cessation de cette activité. Face à cette décision, la thèse développée par les dernières jurisprudences dissidentes – et critiquée par la Cour de Cassation- est bien adoptée par la jurisprudence récente.59 Cession dont le prix correspond à un pourcentage des bénéfices, des commissions ou du chiffre d’affaires réalisés dans le futur par le cessionnaire pendant un certain temps.

55 Bruxelles, 10 février 1969, Bull. Contr., n° 470, p. 77 ; Liège, 22 novembre 1974, Bull. Contr., n° 536, p. 136 ; Liège, 11 mars 1977, Bull. Contr., n° 564, p. 1152 ; Anvers, 15 juin 1982, FJF, n° 83/63 ; Anvers, 18 juin 1985, FJF, n° 86/73 ; Liège, 21 février 1987, RGF, 1987, 188 ; Gand, 14 mars 1989, Bull. Contr., 1990, n° 696, p. 1885 ; Bruxelles, 20 octobre 1999, 99521796 ; Gand, 21 juin 2000, 00541227 56 Cassation, 17 avril 1986, RGF, 1987, p. 186 confirmant Mons, 28 juin 1984, F.J.F. n° 85/27 ; J.D.F., 1985, p. 231 ; Liège, 3 février 1993, F.J.F. n° 93/208 ; Liège, 23 février 1994, FJF n° 95/205, Cassation, 6 mai 1999, 9953999 cassant Bruxelles, 18 septembre 1998, 98521332 57 Bruxelles, 25 février 1993, FJF n° 94/10 ; Anvers, 2 décembre 1997, Fiscoservice 97511439 ; Bruxelles, 18 septembre 1998, 98521332 cassé par Cassation, 6 mai 1999, 9953999 58 Cour d’Arbitrage, 21 juin 2000, J.L.M.B, 2000, p.1456 59 Bruxelles, 1er février 2002, 0252161, Liège, 20 mars 2002, 0255475

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2.2.4.4. Dans cette hypothèse, le prix de la cession ne constitue pas une créance certaine et liquide au moment de la conclusion du contrat car il dépend d’un élément futur à savoir les bénéfices, les commissions ou le chiffre d’affaires réalisé par le cessionnaire durant un certain nombre d’années à venir. Cette formule permet de différer le moment de la taxation de la plus value de cessation réalisée par le vendeur et évite à ce dernier de devoir financer l’impôt sur ladite plus value. Exemple : Le prix de cession est fixé à 20 % des bénéfices que le cessionnaire encaissera pendant les cinq années qui suivent la cession. Lorsque les parties à la convention auront opté pour cette formule, l’acquéreur devra tenir compte de ce que l’administration n’acceptera les annuités d’amortissement qu’à concurrence de la tranche annuelle payée au fur et à mesure ou apparaît le prix définitif. Dans l’exemple visé ci dessus et s’agissant d’un actif amorti, par hypothèse, sur sept ans, la jurisprudence décidait que chaque tranche annuelle serait amortie en sept ans ce qui porte la durée totale de l’amortissement du bien à 11 ans.60 Un arrêt de la Cour d’appel de Liège du 2 juin 2004 s’écarte toutefois de cette jurisprudence en fixant la période sur laquelle l’amortissement doit être admis sans exiger que cette période s’applique à chaque tranche. 2.2.4.5. Afin d’éviter que la convention de cession soit considérée comme simulée (voyez supra ) par l’administration, il y a lieu de limiter la rémunération aux bénéfices futurs qui portent sur les actifs cédés et ce, sans tenir compte des bénéfices futurs se rapportant aux activités constituées par le cessionnaire lui-même après la cession. 61 Quand le prix est fixé sous la forme d’un pourcentage des commissions, des bénéfices ou du chiffre d’affaires futur du cessionnaire pendant un certain temps, les plus-values deviennent seulement imposables à partir du moment où, suite à la réalisation des commissions, du bénéfice ou du chiffre d’affaires du cessionnaire, le prix devient connu et excède la valeur fiscale nette des éléments d’actifs cédés. 62 L’Administration s’est ralliée à cette jurisprudence. 63 60 Liège, 26 septembre 2001, extranet.fiscalnet.be ; Gand, 13 février 1997, FJF, 97/130 ; Gand, 4 mars 1999, inédit ; Gand, 13 avril 1999, inédit ; Gand, 4 mai 1999, inédit 61 Bruxelles, 2 mars 1993, FJF, n° 93/108 62 Bruxelles, 7 avril 1971, JPDF, 1971, 227 ; Liège, 30 mars 1988, JDF, 1988, 359 ; Bruxelles, 19 février 1991, RGF, 1991, 281 ; Gand, 15 janvier 2003, n° de rôle 1987/FR/2797, www.fiscalnetfr.be; 63 Quest. Parl. du Sénateur de Sény du 18 mars 1991, Bull. Contr., 1991, n° 709, p. 2316 ; Circ. Du 14 novembre 1991, Bull. Contr. 1991, n°711, p.2826, n° I/656-657 ; Quest. parl. du Repr. de Clippele du 13 septembre 1993, Bull. Contr. 1994, n° 734, p. 196, Cour. Fisc., 1993, 662

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Si la créance est certaine parce que le prix de cession est déterminable, elle ne devient toutefois liquide qu’après l’arrêt annuel des comptes du cessionnaire qui permet de connaître la valeur du pourcentage du chiffre d’affaires réalisé pendant l’exercice. 64 Si le prix de cession est lié aux bénéfices futurs du cessionnaire et si ce dernier est une société qui possède le personnalité juridique, le caractère imposable de la quotité des bénéfices revenant au cédant naît donc à la date d’approbation des comptes annuels de cette société. 65 La circonstance que, conventionnellement, le prix de cession global et / ou la quotité à verser annuellement au cédant sont assortis d’une limite maximale ne remet pas en cause les principes rappelés ci avant 66. Cession contre paiement d’une rente viagère au vendeur. 2.2.4.6. La cession contre paiement d’une rente viagère a l’avantage d’assurer au cédant une rentrée annuelle jusqu’à la fin de ses jours. Dans ce cas, les plus-values de cessation réalisées par le vendeur sont imposables dès l’année de la vente et non pas au fur et à mesure du paiement des rentes. 67 Lorsque le contrat prévoit un prix et que celui-ci est ensuite converti en une rente, il suffit de se référer au prix figurant dans la convention pour déterminer le montant éventuel des plus-values taxables. Si le contrat mentionne seulement le montant de la rente, le prix de cession doit être déterminé en multipliant le montant annuel de la rente par la durée de vie probable du vendeur telle qu’elle résulte de l’article 47 du Code des droits d’enregistrement. 68 Par ailleurs, la rente est censée comprendre un intérêt taxable comme revenu mobilier par application de l’article 17, § 1er, 4° du Code des impôts sur les revenus. L’intérêt censé compris dans ladite rente est déterminé forfaitairement à 3 % du capital abandonné. Ce montant est taxable au taux distinct de 15 %. Aucun précompte mobilier ne doit être retenu sur l’intérêt compris dans la rente de telle sorte qu’il doit être déclaré à l’impôt des personnes physiques.

64 Liège, 30 mars 1988, JDF, 1988, 359 65 Civ. Anvers, 23 avril 2003, n° de rôle 01/4631/A, www.fiscalnetfr.be; Quest. parl. du Repr. de Clippele du 13 septembre 1993, Bull. Contr., 1994, n° 734, p. 196 66 Bruxelles, 7 avril 1971, JPDF, 1971, 227 ; Quest. parl. du Repr. de Clippele du 13 septembre 1993, Bull. Contr., 1994, n° 734, p. 196 67 Cassation, 3 mai 1973, JPDF, 1973, 21 68 Cassation, 3 mai 1973, JPDF, 1973, 219 ; Quest. parl. du Repr. Vansteenkiste du 3 septembre 1976 , Bull. Contr., 1977, n° 546, p. 2402

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Exemple : Le cédant à 58 ans au moment de la cession et la rente annuelle s’élève à 50.000 euros par an, le prix de cession s’élève à 50.000 euros x 11 = 550.000 euros. L’intérêt taxable annuellement à 15 % s’élève à 16.500 euros. Cession sous condition suspensive 2.2.4.7. Pour les actes soumis à condition suspensive, il faudra tenir compte de la date de réalisation de cette condition qui dépend d’un événement futur et incertain ou d’un événement arrivé mais encore inconnu des parties. 69 La créance n’acquière donc un caractère certain et liquide qu’au moment où la condition suspensive se réalise. 70 Il n’en va cependant pas de même lorsque la cession est assortie d’un terme suspensif, vu que dans ce cas, seule l’exécution de l’acte est dépendante d’un événement futur et ultérieur. La créance sera donc certaine dès la conclusion de l’acte de cession. 71 2.5. Détermination du montant de la plus value : 2.5.1. Le montant des plus values de cessation imposable se calcule comme pour les plus values réalisées en cours d'exercice de l’activité professionnelles par application de l’article 43 du Code des impôts sur les revenus. En cas de cessation d’activité, le bénéfice de cession comprend également les sommes obtenues en contrepartie de l’engagement de ne plus se réinstaller ( engagement de non concurrence). Avant l’entrée en vigueur de la loi du 22 décembre 1989, était également une plus-value de cessation, et non un profit obtenu ou constaté postérieurement à la cessation (article 31, 2° du Code des impôts sur les revenus) comme le soutenait l’administration, la plus-value sur l’encours net d’honoraires afférent aux états d’honoraires non encore payés apporté par un contribuable personne physique à une société ; 72 Toutefois, les créances d’honoraires n’étant pas des immobilisations incorporelles mais bien des avoirs incorporels, les taux réduits applicables aux plus-values sur immobilisations incorporelles ne pouvaient s’appliquer. 69 Article 1181, al.1er, du Code Civil 70 Bruxelles, 8 avril 1986, FJF, n° 87/73 ; Liège, 12 mai 1993 , FJF, n° 94/100 71 Gand, 15 février 1996, FJF, n° 96/114 ; Gand, 26 septembre 2000, 00541466 72 Bruxelles, 24 septembre 1998, TFR 1998, n°163, p. 32 ; Anvers, 29 septembre 1998, FJF 99/60 ; TFR, 1998, n° 163, p.30 ; note d’obs. J. Van Besien sous Anvers, 29 septembre 1998 ; TFR, 1998, n° 163, p.30 et suiv.

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La plus-value était imposable au taux progressif. 73 Depuis la modification du texte de l’article 28 du CIR/92 par la loi du 22 décembre 1989, les créances représentant des honoraires non encaissés ne sont plus des éléments de l’actif visés à l’article 28, al. 1er, 1° du CIR/92. L’administration précise dans son commentaire que lorsqu’un titulaire de profession libérale cède, à l’occasion de la cessation complète et définitive de son activité professionnelle, ses créances à une société qui poursuit l’activité, le prix est à considérer comme un revenu au sens de l’article 28, al. 1er, 2° du CIR/92.74 L’administration est donc décidée à taxer au taux moyen afférent à l’ensemble des revenus imposables de la dernière année antérieure pendant laquelle le contribuable a eu une activité normale, les créances d’honoraires transmises par le cédant au cessionnaire. Cette position de l’administration est fondée sur l’article 171, 1° et 4° du CIR/92 qui réserve les taux réduits de 33 et de 16,5% aux seules plus-values sur immobilisations corporelles, incorporelles et financières. Or les créances, dans la terminologie comptable, ne sont pas des immobilisations mais des actifs circulants.75 2.5.2. Si, pour un élément de l’actif déterminé, la valeur de réalisation ou l’indemnité perçue ont été influencées, entre la date de cessation et celle de la fixation de la valeur de réalisation ou de l’indemnité, par une hausse de prix survenue entre ces deux dates, la quotité de la valeur ou de l’indemnité qui résulte de cette circonstance doit être négligée.76 Par contre, il n’y a pas lieu de déduire un escompte sur la quotité non encore exigible de la créance pour la partie non payée du prix de la cession.77 Lorsque l’actif cédé est un actif incorporel ( dénomination commerciale, marque de fabrique, clientèle, fonds de commerce,…) qui a été constitué par l’activité professionnelle du cédant, il n’est pas comptabilisé, de telle sorte qu’au moment de sa cession, c’est le prix de cession entier qui constitue la plus-value imposable.

73 Massard et R. Rosoux, déclaration à l’impôt des personnes physiques exercice d’imposition 2001, Ephec Formation, Partie II, p.454 74 Com. I.R. 28/49 75 Voy. Fiscologue n°315 du 26 novembre 1990 ; P. Seutin et M.H. Deprez, Fiscalité et comptabilité de l’avocat exerçant en personne physique, ASBL Editions du Jeune Barreau de Liège, 1991, n° 139, p.139 76 Comm.I.R. 28/25 77 Cass., 2 décembre 1999, F.J.F. 2000, p.290

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Si par contre, l’actif cédé a été acquis à titre onéreux par le cédant, la plus-value de cessation sera égale à la différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition diminué des amortissements admis au point de vue fiscal. Exemple : Un portefeuille d’assurances acquis en 1999 pour 100.000 euros, amorti à concurrence de 60.000 euros, est cédé en 2002 pour le prix de 150.000 euros. La plus-value imposable s’élève à : 150.000- ( 100.000 – 60.000) = 110.000 euros 2.6. Les taux d’imposition des plus-values de cessation. Principes 2.6.1 Les plus-values réalisées sur les immobilisations corporelles ou financières et sur d’autres actions ou parts qui ont la nature de placements de trésorerie, affectées à l’exercice de l’activité professionnelle sont taxées distinctement au taux de 16,5 %, à moins que leur globalisation avec les autres revenus du contribuable ne soit plus avantageuse. 78 Les plus-values sur les stocks sont toujours taxées au taux progressif de l’impôt des personnes physiques. Pour les plus values de cessation sur immobilisations incorporelles, plusieurs régimes de taxation peuvent s’appliquer selon les circonstances. - Les plus-values de cessation sur immobilisations incorporelles (portefeuille, clientèle, etc …) en cas de cessation d’activité à partir du 1er janvier 1990 par des personnes physiques sont taxées : - au taux de 33 %, depuis le 6 avril 1992, jusqu’à concurrence du

montant plafonné basé sur les bénéfices ou profits nets des quatre dernières années,

- au taux progressif de l’impôt des personnes physiques pour la partie du prix de cession qui dépasse les bénéfices ou profits nets de la période de référence des quatre dernières années.

- Par contre pour les cessations survenues à partir du 6 avril 1992, - soit à l’occasion de la cessation d’activité à partir de l’âge de 60 ans ; - soit à la suite du décès ; - soit à l’occasion d’une cessation définitive forcée.

78 Art. 171, 4°, a du CIR

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La taxation distincte au taux de 16,5 % des plus-values de cessation sur immobilisations incorporelles obtenues ou constatées pourra toujours s’appliquer mais dans les limites du plafond susvisé (période de référence). La taxation distincte des plus values sur immobilisations incorporelles au taux de 33 % (article 171, 1°, c, al. 1er du Code des impôts sur les revenus). 2.6.2. Dans le régime ordinaire, la taxation distincte s’opère au taux de 33 % dans la mesure bien entendu où, envisagées globalement, les plus-values de cessation sur immobilisations incorporelles n’excèdent pas le revenu de référence à savoir les bénéfices ou profits nets des quatre dernières années ; Les bénéfices ou profits nets à prendre en considération sont ceux de la période de référence taxés globalement et donc à l’exclusion des revenus réellement imposés distinctement en application des articles 171 à 174 du Code des impôts sur les revenus. 79 La période de référence coïncide en principe avec les quatre dernières années précédant la période imposable considérée. L’année de la cessation en tant que telle doit donc être négligée même si la cessation est intervenue le 31 décembre. Par contre, il est indifférent que, pour la première année de la période de référence, le contribuable n’ait pas eu une année complète d’activité professionnelle( idem, I/909). Enfin, si la période de référence ne comporte pas quatre ans, l’on doit avoir égard à la situation réelle, c’est à dire envisager la période de référence de trois ans, deux ans ou un an selon le cas, en considérant que les bénéfices au profit de l’année ou des années au cours de laquelle ou desquelles l’activité n’était pas exercée sont égaux à zéro. 80 Exemple : Début de l’activité indépendante en mars 1999. Cessation de cette activité le 30.6.2001. La période de référence couvre les années 1999 et 2000 (2ans). ( Ibidem, I/ 913) L’application de ce régime n’est soumise à aucune autre condition. La taxation distincte des plus values sur immobilisations incorporelles au taux de 16,5 % (art. 171, 4°, b, Code des impôts sur les revenus)

79 Pour plus de détails, voyez Circ. n° Ci.D.19/444.905 du 11 octobre 1993, Bull. Contr. 732, I/ 919 à 925 80 Cass. 9 avril 2001, inédit

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2.6.3. Dans certains cas, limitativement repris dans la loi, la taxation distincte des plus-values de cessation sur immobilisations incorporelles s’effectue au taux de 16,5 % et non au taux de 33 %. Les cas dans lesquels ce régime préférentiel est accordé sont les suivants : - cessation de l’activité professionnelle survenant à partir de l’âge de 60

ans ; - décès ; - cessation définitive forcée. Il suffit qu’une seule des conditions énumérées ci avant soit remplie pour que le taux de 16,5 % soit applicable. Ainsi, par exemple, le régime préférentiel sera accordé en cas de décès du contribuable même si ce dernier n’a pas encore atteint l’âge de 60 ans. 81 Bien entendu, la taxation au taux de 16,5 % est réservée à la quotité des plus-values qui ne dépasse pas le revenu de référence. Les notions de revenu de référence et de période de référence sont identiques que pour l’application du taux de 33%. 2.6.3.1. Cessation à partir de l’âge de 60 ans : Le régime de taxation préférentiel à 16,5% peut en principe être accordé lorsque les plus-values en cause sont constatées à l’occasion de la cessation définitive de l’activité professionnelle, pour autant que ladite cessation soit intervenue au plus tôt le jour où le contribuable a atteint l’âge de 60 ans. Pour un contribuable né le 10 février 1933, le taux de 16,5 % ne peut dès lors être accordé que si l’intéressé cesse son activité au plus tôt le 10 février 1993. Si le contribuable cesse son activité à une époque où son conjoint qui l’aide dans l’exercice de celle-ci, a déjà atteint l’âge de 60 ans mais lui pas, le régime préférentiel ne peut être accordé. Seul compte ici l’âge du contribuable lui-même. 2.6.3.2. Décès : Le texte légal ne stipule pas expressément quelle est la personne dont le décès donne droit au taux de 16,5 %. 82 Néanmoins, il ressort d’une déclaration du Ministre des Finances que « les plus-values de cessation doivent être taxées au taux réduit de 16,5 % lorsque le 81 Doc. Parl., Chambre, S.E. 1991-1992, n° 444/9, p. 148 82 Art. 171, 4°, b, al. 1er du Code des impôts sur les revenus

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contribuable lui-même ou son conjoint aidant, voire un enfant qui est indispensable à l’exercice de l’activité, décède ». 83 L’Administration souligne toutefois, dans sa circulaire du 11 octobre 1993, que le décès du conjoint aidant ne rend pas le taux de 16, 5 % automatiquement applicable même s’il donne lieu à la cessation : il faut que ledit conjoint ait prêté de manière régulière et jusqu’à une date qui ne soit pas trop éloignée de celle de son décès, une aide effective au contribuable, en d’autres termes, il faut que le conjoint se soit trouvé dans les conditions justifiant l’octroi d’une attribution non négligeable au conjoint aidant. 84 Il appartient au contribuable d’établir que le conjoint décédé lui apportait une aide effective dans l’exercice de son activité et que son décès a conduit à la cessation définitive de l’activité commune. Le taux de 16,5 % peut également s’appliquer lorsque la cessation est la conséquence du décès d’un « enfant aidant ». Par « enfant aidant », il faut entendre un descendant au premier degré du contribuable et / ou de son conjoint ou encore un enfant d’adoption de l’un d’entre eux ou des deux, pour autant que ledit enfant ait été indispensable à l’exercice de l’activité professionnelle du contribuable et lui ait prêté une collaboration effective et importante jusqu’à une date qui ne soit pas trop éloignée de celle de son décès. Ici aussi, le contribuable doit apporter la preuve que l’enfant en cause était indispensable à la poursuite de son activité professionnelle. 2.6.3.3.Cessation définitive forcée ou handicap grave : La troisième circonstance qui justifie encore l’application du taux réduit de 16,5 % est celle d’une « cessation définitive forcée ». L’article 171, 4°, b, al. 2 du Code des impôts sur les revenus, précise que par cessation définitive forcée, on entend la cessation définitive qui est la conséquence d’un sinistre, (par exemple, un incendie), d’une expropriation, d’une réquisition en propriété ou d’un autre événement analogue. Il s’agit donc des mêmes événements que ceux qui s’inscrivent dans le cadre des « plus-values forcées » visées à l’article. 47 du Code des impôts sur les revenus. 85 Au cours des débats parlementaires, le Ministre des Finances a également précisé que par « autre événement analogue », on entend nécessairement un événement qui survient indépendamment de la volonté de l’intéressé. 86

83 Doc. Parl. ; Chambre, S.E., 1991-1992, n° 444/9, p.150 84 Op. cit, I/932 85 Comm. IR 35/2 et 3 86 Doc. Parl., Chambre, S.E., 1991-1992, n° 444/9, p.150

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En matière de plus-values forcées, la jurisprudence précise que le législateur n’a visé que les événements que le bénéficiaire des indemnités n’a pas seulement subis à son corps défendant, mais qui doivent nécessairement aussi être le fait d’une autorité (expropriation, réquisition en propriété) ou avoir le caractère brutal, rapide et imprévisible d’un sinistre. 87 la taxation des plus values sur immobilisations incorporelles au taux progressif 2.6.4. Dans tous les cas, la partie de la plus value sur immobilisations incorporelles qui excède les bénéfices ou profits nets des quatre dernières années sera imposée au taux progressif de l’impôt des personnes physiques. Conclusions : La diversité des taux applicables aux plus-values de cessation (taux progressif, taux moyen, taux de 16,5 %, taux de 33%) rend généralement nécessaire une ventilation pro fisco du prix de cession, dans le cas où plusieurs éléments sont cédés contre un prix global. Il appartient au contribuable d’effectuer cette ventilation de façon probante, sous le contrôle de l’administration, sur base des documents en sa possession (correspondances avec l’acheteur, inventaires dressés, estimations faites, rapports d’expertise, etc...). 88 Chapitre 3 : Taxation des créances : 3.1. Les titulaires de professions libérales ne sont taxables que sur leurs recettes, à savoir sur les honoraires effectivement perçus alors que les sociétés sont imposables sur les montants simplement facturés même s’il n’a pas encore été procédé à l’encaissement. Si ultérieurement, il apparaît que la créance est devenue irrécouvrable, une perte devra être actée pour l’exercice au cours duquel la société peut démontrer que la créance est définitivement perdue. Chapitre 4 : Régime fiscal de la location d’un fonds de commerce, d’une clientèle ou d’une patientèle 4.1. Principes 87 Voy. par exemple Liège, 24.04.1965, Bull. Contr., 1966, n° 429, p. 506 ; Liège, 14..01.1974, JDF, 1974, 48 ; Gand, 23.12.1986, Bull. Contr. ; 1989, n° 686, p. 1729 ; Liège, 10.01.1990, FJF, n° 90/56. 88 X. Parent, La transmission de l’entreprise (ou d’une division de l’entreprise) et le droit fiscal, Actualités du droit, 1995, 93-94;

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La location d’un fonds de commerce demeure soumise à une certaine insécurité juridique, la jurisprudence rendant en cette matière des arrêts en sens divers. L’intérêt d’une location de fonds de commerce repose sur la taxation des loyers comme revenus mobiliers au taux de taxation distinct de l’IPP de 15%. L’article 17, §1er, 3° du CIR/92 prévoit en effet que sont en principe taxables tous les revenus produits par la location, l’affermage, l’usage ou la concession à titre onéreux de biens mobiliers. L’expression « biens mobiliers » qui n’a pas été autrement définie, couvre tous les biens corporels et incorporels, y compris les redevances pour le droit d’exploiter le fonds de commerce. Le montant imposable correspond au revenu net du bien mobilier corporel ou incorporel, c’est-à-dire au revenu brut, déduction faite des frais exposés, en vue d’acquérir ou de conserver ces revenus (article 22, §3 du CIR/92). C’est en raison du caractère extrêmement favorable de ce régime de taxation que l’administration est très suspicieuse et qu’elle tentera de transformer le revenu mobilier de location en revenus professionnels taxables au taux progressif de l’IPP.

4.1.1. Position de l’administration Bien que sur le plan des principes, les conventions de location de fonds de commerce soient totalement licites, l’administration est très peu encline à en accepter les effets surtout lorsque le loyer est déclaré comme revenu mobilier. Tel que le reconnaît le Ministre des Finances, la qualification des sommes qui résultent de la location d’un fonds de commerce doit s’apprécier compte tenu des éléments de fait et de droit qui caractérisent l’opération en cause Etant donné que ces éléments peuvent varier sensiblement d’un cas à l’autre, il n’est pas possible d’adopter un point de vue uniforme en la matière 89. Il y a lieu de constater que, face à ce type de convention, l’administration oppose généralement trois arguments :

1. la simulation ; 89 Quest. Parl. Du Repr. Dupré du 20 avril 1994; BQR, Chambre, session ordinaire 1993-1994, n° 110 du 20 juin 1994; Quest. Parl. Du Repr. Hatry du 3 août 1998 ;

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2. l’article 37 du CIR/92 ; 3. l’exploitation professionnelle par le propriétaire.

4.1.2. La jurisprudence A la lumière de la jurisprudence, on peut donner raison au Ministre lorsqu’il affirme qu’il n’est pas possible d’adopter un point de vue uniforme en la matière étant donné que les éléments de pur fait qui entourent ces « locations » de fonds de commerce peuvent varier sensiblement d’un cas à l’autre. Les litiges sont nombreux à propos des contrats de locations de clientèle ou de patientèle contractés par des pharmaciens et des médecins.

4.1.2.1. Location du fonds de commerce d’une pharmacie à une société ou à une autre personne physique.

De nombreuses décisions de jurisprudence concernent la location par un pharmacien personne physique du fonds de commerce de leur pharmacie à la société coopérative « Pharmaciens Unis ». A. Taxation des loyers ou redevance comme revenus professionnels 1. La Cour d’appel de Liège a qualifié des loyers perçus par un pharmacien comme revenus professionnels dans le cas suivant 90 : Le pharmacien , qui avait 60 ans, décidait de cesser ses activités professionnelles consistant en l’exploitation de son officine de pharmacie ; la valeur de remise escomptée par lui était de 4.500.000 BEF. Aucun amateur ne pouvait être trouvé pour cette somme ; un pharmacien était cependant d’accord de lui racheter son stock et de louer le fonds de commerce à raison de 54.000 F par mois avec option d’achat au terme d’un contrat de deux ans. Cette convention a été acceptée et exécutée jusqu’au décès du locataire peu avant l’échéance du délai de deux ans.

90 Liège, 15 mai 1991; Bull. Contr., n° 726, p. 809 ;

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La pension du pharmacien prenant cours , son épouse a repris l’exploitation de la pharmacie pendant deux mois, le temps d’assurer la remise de celle-ci en mains d’une tierce personne avec plus-value déclarée de 3.411.000 F. Il n’est pas contesté qu’au cours des deux années litigieuses, le pharmacien prestait quelques services dans la pharmacie afin d’aider son locataire à conserver la clientèle. La cour déduit des éléments de fait que le pharmacien est resté, pendant toute la durée du bail, propriétaire du fonds de commerce qu’il avait constitué et que ce dernier représentait un bien affecté à l’exercice de son activité professionnelle, même s’il était donné en location à un tiers. La cour décide que la courte durée de la convention (2 ans) et les efforts déployés tant avant qu’après le décès du locataire montrent bien l’intention de préserver la valeur d’une source de revenus professionnels en vue de la cession de celle-ci ; même s’il n’y a là aucune simulation de la part du contribuable, il faut considérer que la mise en location constituait une simple péripétie dans le processus de remise de l’officine : faute d’avoir trouvé un repreneur aux conditions globales souhaitées, ce problème était mis en veilleuse pendant deux ans en attendant d’être résolu soit par le locataire entre-temps installé dans les lieux avec option d’achat, soit par un nouvel amateur à trouver. En bref, les revenus de cette location doivent être considérés non pas comme des revenus mobiliers, mais bien comme des revenus professionnels car la mise en location temporaire d’un bien qui était jusque là affecté à l’exercice d’une activité professionnelle ne démontre pas sa désaffectation. 2. Dans un autre cas d’espèce, le pharmacien prétendait qu’il n’avait plus travaillé à la pharmacie ni exercé aucune activité professionnelle depuis la cession en août 1991. La cour d’appel de Liège rétorque qu’il est néanmoins essentiel de constater que, quoiqu’un acompte ait été versé, cette cession n’était pas établie à ce moment puisque le texte de la convention est équivoque en ce qu’il acte une cession à la date du 31 août 2000 « au plus tard ». De même la cour constate qu’il n’est pas démontré que le stock de médicaments a été payé au 31 août 1991 puisqu’au contraire une convention de prêt de consommation faisait état de produits vendables prêtés. Le pharmacien conteste avoir continué à exploiter la pharmacie depuis 1991 ; néanmoins le droit de regard qu’il possédait sur la comptabilité montre bien en l’espèce l’intention de préserver la valeur d’une source de revenus professionnels en vue de la cession de celle-ci (comparer Liège 15 mai 1991 résumé ci-dessus).

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Selon la cour, même si le pharmacien ne prestait plus de services dans la pharmacie, il y a lieu de considérer dans les circonstances de la cause que son exploitation intéressée à l’entreprise n’avait pas pris fin dès lors que, outre ce qui a été dit du stock et du droit de regard qu’il conservait, il faut constater que la clientèle qui se créait postérieurement aux conventions profitait non seulement à la société mais encore au pharmacien lui-même puisqu’elle entrait en compte par le biais des bénéfices réalisés dans un prix de cession non encore fixé auquel devait s’ajouter la valeur du matériel et du mobilier. Ces éléments ne correspondent pas à une simple mise en location des biens mais témoignent d’une affectation de ceux-ci à l’exploitation maintenue dans le chef du bailleur de sorte que c’est à bon droit que l’administration a qualifié ses revenus de professionnels 91. La cour de cassation a confirmé ce dernier arrêt en considérant que le juge de fond apprécie en fait si le contribuable a ou non cessé son activité professionnelle. Dès lors que la cour d’appel considère que le demandeur n’avait pas cessé d’exploiter son officine, elle pouvait légalement décider que les revenus tirés par le demandeur de la location de celle-ci constituaient des revenus professionnels 92. 3. La cour d’appel de Liège statua encore dans le même sens dans un autre litige où elle se posa la question de savoir qui a continué l’exploitation de la pharmacie du pharmacien après que celui-ci ait donné en location son immeuble et le fonds de commerce à la société coopérative « Pharmaciens Unis » dont il est par ailleurs associé actif.

Alors que le pharmacien soutenait que même s’il continuait parfois à être physiquement à l’oeuvre dans l’officine, l’exploitation était juridiquement exercée par la S.C. dont question, la cour relève que l’administration a relevé un certain nombre d’anomalies relatives aux conventions qui aboutissent nécessairement à la déduction que les parties n’ont pas accepté toutes les conséquences juridiques de celles-ci, ce qui est le fondement même des situations juridiquement simulées. C’est ainsi que :

1) le bail prenait cours le 1/1/1991 et le loyer devait être payé le premier jour de chaque trimestre ou de chaque mois, selon les termes de la convention. Or, un loyer avait déjà été versé le 24/12/1990 ;

2) le bail n’a été enregistré que le 19/1/1994 et, de surcroît, un mois après la réception d’un avis de rectification qui en faisait le grief

91 Liège, 13 septembre 2000 ; FJF, n° 2001/127, Les éditions électroniques « Do Fiscum » ; 92 Cassation, 4 janvier 2002, n° de rôle F.00.0110.F, Les éditions électroniques « Do Fiscum » ;

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au pharmacien ; la cour estime que le fisc a raison de considérer ce comportement comme étant anormal ;

3) le bail porte sur la totalité de l’immeuble , alors qu’une partie de celui-ci sert en réalité à l’habitation privée du bailleur ; la cour n’est pas du tout convaincue qu’il s’agit-là d’une erreur purement formelle des parties au contrat, comme le soutient le contribuable ;

4) quant au stock de médicaments, son sort n’a été réglé que plusieurs mois après la convention de location ; l’explication du pharmacien selon laquelle ce laps de temps s’explique par la nécessité de l’inventorier et de le valoriser n’est pas convaincante aux yeux de la cour ; à l’inverse, elle y voit un indice supplémentaire de la confusion qui existait dans la gestion de l’officine, faussant le système prétendument mis en place par les conventions.

Selon la cour, le pharmacien ne peut être cru lorsqu’il allègue qu’il n’a pas affecté de biens à l’exercice d’une activité indépendante au sens de l’article 37 du CIR/92 et qu’il a cessé l’exploitation de son officine ; en réalité, la S.C. et lui-même , par un ensemble d’opérations suffisamment fréquentes, analogues et liées entre elles, exploitaient conjointement l’officine soumise aux risques de leurs activités professionnelles sans appliquer les conventions de location prétendument établies entre eux. Il est donc artificiel pour le pharmacien de soutenir qu’il n’avait pas un droit à tout ou partie des bénéfices générés par l’exploitation de l’officine puisque de tels bénéfices tombaient en réalité dans son escarcelle sous forme de loyers. En réalité, selon la cour, il s’agissait bien là de la continuation de son exploitation exercée en vue de préserver la valeur d’une source de revenus professionnels sous le couvert d’une mise en location non respectée par les parties elles-mêmes . Il en résulte que c’est à bon droit que l’administration a fait application de l’article 37 du CIR/92 93 . La Cour de cassation a débouté le contribuable en estimant que les indices concrets sont laissés à l’appréciation du juge du fond et que celui-ci n’avait pas déduit des faits constatés par lui des conséquences qui ne sont susceptibles, sur leur fondement, d’aucune justification 94. B. Taxation des loyers ou redevances comme revenus mobiliers 1. Dans plusieurs cas d’espèce, le pharmacien donnait en location son fonds de commerce et en même temps l’immeuble où est exploitée l’officine ; un contrat de gérance fût signé entre ces parties aux termes duquel le pharmacien se voyait garantir effectivement, comme pharmacien titulaire ou 93 Liège, 3 juin 1998, n° de rôle 11.804 et 83/96, Les éditions électroniques « Do Fiscum » ; 94 Cassation, 28 janvier 1999, Les éditions électroniques « Do Fiscum » ;

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comme pharmacien adjoint, un emploi subordonné – comme salarié - dans cette officine . Pour le fisc, ce montage n’est qu’une simulation : le pharmacien, toujours propriétaire de son fonds de commerce, a seulement changé le mode d’exploitation de son officine sans jamais cesser véritablement cette exploitation. Selon l’administration, il s’agit, en réalité, de revenus professionnels et il faut leur appliquer l’article 37 du CIR/92. La cour d’appel de Liège ne partage pas cet avis : elle relève que la location du fonds de commerce est définie comme « la convention par laquelle le propriétaire du fonds en confère la jouissance à un locataire qui l’exploite lui-même ; le locataire et non le bailleur devient commerçant en raison de cette exploitation » (Van Rijn et Heenen, Principes de droit commercial, T.I, p. 409). Par ailleurs, la cour relève que le pharmacien percevait une rémunération fixe quels que soient les résultats de l’exploitation. Selon la cour, en l’espèce, en l’absence de simulation, force est de constater que le pharmacien a cessé son exploitation personnelle en dépit des modalités dont il a été question et le fait de conserver la propriété du fonds de pharmacie n’a pu avoir pour effet de transformer les loyers en revenus professionnels affectés à l’exercice d’une activité indépendante dans le chef du bénéficiaire des dits revenus. Il en résulte que l’article 37 du CIR/92 ne peut trouver application dans les circonstances de la cause 95 . Par rapport à l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt de la cour d’appel de Liège du 13 septembre 2000 , il est essentiel de constater que le contribuable faisait état d’une façon contestable d’une cession. Le droit de regard sur la comptabilité de l’officine peut s’expliquer ici par un souci du bailleur de préserver une source de revenus locatifs, même si le pharmacien s’est réservé le droit de mettre fin aux conventions précitées. Les considérations que l’administration tire des rapports entre les loyers perçus et les choses louées de même que de la présence du pharmacien dans la pharmacie sont compatibles avec lesdites conventions et ne démontrent pas à suffisance en l’espèce qu’il aurait poursuivi sa propre exploitation. Ainsi l’espèce présente diffère de celle tranchée par la cour d’appel de Liège le 15 mai 1991 développée ci-dessus 96.

95 Liège, 17 décembre 1997; FJF, n° 98/68; Liège, 8 novembre 2000, n° de rôle 1997/FI/33, JDF, 2001, 268 Les éditions électroniques « Do Fiscum »; Liège, 8 novembre 2000, n° de rôle 1997/FI/186, Les éditions électroniques « Do Fiscum » ; 96 Liège, 8 novembre 2000 (2 arrêts), 00551842 et 00551846);

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2. La cour d’appel de Gand considère les loyers comme des revenus mobiliers dans le cas suivant : le contribuable qui était pharmacien , était locataire d’une pharmacie appartenant à la veuve d’un ancien pharmacien, le bail se rapportant tant à l’immeuble qu’au fonds de commerce. Il acheta le fonds de commerce pour 5.000.000 F. Au début, il exploitait l’officine en son propre nom, mais quatre mois plus tard il la céda à la société dont il devient associé actif . Au moment de la constitution de la société, il acheta l’immeuble dans lequel la pharmacie était exploitée à la veuve et l’apporta immédiatement à la société de même que le stock ; simultanément, il contracta avec la société un contrat de bail par lequel il mettait la pharmacie à disposition de la société « pour exploitation » moyennant un loyer de 50.000 F par mois. La cour constate que la location ne concerne pas seulement le mobilier et les appareils de la pharmacie, mais aussi et surtout le fonds de commerce ; en contrepartie de l’obtention de l’exploitation de la pharmacie, la société-locataire s’engage en cas de résiliation à ne pas exploiter de pharmacie dans un rayon de 5 km. La cour relève qu’ainsi la pharmacie est exploitée par une personne morale distincte du contribuable, personne morale qui devient aussi propriétaire du stock et de l’immeuble par le biais d’un apport en société ; elle relève encore que le loyer fût réellement payé par la société au contribuable. Selon la cour, tous ces éléments ainsi que le fait qu’il est normal que le contribuable ne mette pas gratuitement à disposition de la société, le fonds de commerce qu’il avait acquis quelques mois plus tôt pour 5.000.000 F, permettent de conclure que dans le cas d’espèce un loyer fût stipulé pour l’exploitation du fonds de commerce et cela indépendamment des prestations que le contribuable accomplissait comme associé actif au nom et pour compte de la société, prestations pour lesquelles il recevait de la société une rémunération ; il est sans intérêt à cet égard qu’une personne morale n’est pas autorisée à exploiter la pharmacie sans la présence d’une personne physique habilitée à exercer l’activité de pharmacien 97.

4.1.2.2. Location de patientèle par des médecins

1. L’arrêt de la cour d’appel d’Anvers du 22 mai 2001 98

97 Gand, 21 novembre 2001; 01541954; 98 Anvers, 22 mai 2001, n° de rôle 1998/FR/377 ;

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Un neuropsychiatre donne en location à la société dont il devient gérant, son cabinet et sa clientèle, sans cependant produire de contrat de bail écrit ni de factures. La cour d’appel d’ Anvers décide que le contribuable a continué à exercer sa profession de psychiatre dans le cadre de la société et que son cabinet a été constitué par le contribuable lui-même au cours des années précédentes. La cour relève que tant le cabinet que la clientèle sont nécessaires en vue de pouvoir continuer à exercer la profession de neuropsychiatre. Le lien entre le contribuable (médecin) et sa fonction au sein de la société (la poursuite de sa profession de médecin) est indéniable. Les éléments d’actif constitués par le contribuable au cours des années précédentes ont continué à avoir un caractère professionnel. C’est dès lors à bon droit que l’administration a jugé que la location doit être considérée comme professionnelle et que les revenus tirés de cette location doivent être taxés comme revenus professionnels 99.

2. Les jugements du tribunal de première instance de Mons du 6 septembre et 7 novembre 2001 100

Un docteur en médecine, chirurgie et accouchements a constitué une SPRL à objet civil ; son objet social est « l’exercice de la médecine par son ou ses organe(s) médecins, eux-mêmes tous associés, légalement habilités à exercer la profession de médecin en Belgique et spécialisés en médecine générale ou dans toute discipline apparentée… ». Le capital de la société est souscrit entièrement par le contribuable.

Il loue sa patientèle à la société, ainsi que son équipement mobilier. L’administration soutient que le prix conventionnel stipulé dans le contrat de concession de clientèle est peu sérieux et exagéré et dès lors a une autre cause que la simple mise à disposition d’une clientèle et d’éléments d’actifs corporels ; la convention de location mobilière n’aurait d’autre but que de simuler un autre contrat justifiant l’octroi d’une rémunération complémentaire déguisée à l’ associé actif, justifiant ainsi l’imposition des ces revenus au taux marginal d’imposition. Le tribunal de première instance de Mons arrive à la constatation que les redevances de location représentent près de 50% du chiffre d’affaires de la société.

99 Anvers, 22 mai 2001; 0151837; 100 Civ. Mons, 6 septembre 2001 et 7 novembre 2001, Les éditions électroniques « Do Fiscum » ;

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Un contrat de location de patientèle conclu entre deux agents économiques juridiquement et économiquement indépendants n’aurait jamais prévu le versement d’une redevance locative annuelle égale à 50% du chiffre d’affaires brut réalisé, avant déduction des charges d’exploitation et des impôts. C’est dès lors à bon droit que l’administration soutient que le prix conventionnel stipulé dans le contrat de concession de clientèle est exagéré et a une autre cause que la simple mise à disposition d’une clientèle et d’éléments d’actifs corporels. La convention de location mobilière n’a d’autre but que de simuler un autre contrat (de donation) justifiant l’octroi d’une rémunération complémentaire déguisée au docteur – associé actif de la société et justifiant ainsi l’imposition des loyers au taux marginal d’imposition et non au taux séparé. La simulation porte bien en l’espèce sur la cause du paiement et, partant, sur la qualification de l’acte, eu égard au caractère exagéré du prix conventionnel. 3. Jugement du tribunal de première instance de Mons du 2 mai 2002 101 et du 2 janvier 2003 102 Le tribunal décide que la location de clientèle réalisée par le médecin à une société dans laquelle il détient des parts pour un montant mensuel fixé initialement à 176.988 BEF, est simulée pour les motifs suivants : - le médecin génère lui-même les recettes obtenues par la société

lesquelles permettent à cette dernière de lui payer les loyers dus pour la location de clientèle qu’il lui a donnée en bail ; en effet, les actes médicaux générateurs de recettes sont posés matériellement et intellectuellement par le médecin ;

- le médecin renonce aux honoraires, en tant que tel, devant

normalement lui revenir en qualité d’associé actif, pour les consultations qu’il dispense aux patients, ceci au profit apparent de la société ;

- le médecin récupère cependant ce manque à gagner par le biais

des loyers que lui verse la société pour la prise en location de sa clientèle.

101 Civ. Mons, 2 mai 2002, Les éditions électroniques « Do Fiscum » ; 102 Civ. Mons, 2 janvier 2003, Les éditions électroniques « Do Fiscum » ;

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Pour être concret, le tribunal relève que le médecin a contribué directement au chiffre d’affaires de la société, par les consultations qu’il a données, à concurrence de +/- 5.500.000 BEF et a obtenu des rémunérations d’associé actif dans la société pour seulement 1.434.077 BEF.

Or, les loyers obtenus de ladite société pour la location de sa clientèle ont cependant valu au médecin le paiement d’une somme supplémentaire de 2.123.856 BEF.

Il en résulte que par le mécanisme mis en place, 2.123.856 BEF d’honoraires nets directement générés par le contribuable par son activité de médecin ont été transformés en revenus mobiliers avec le régime préférentiel qui s’y attache.

L’objet de l’exploitation qui se trouve au centre du litige consiste dans la pratique de la médecine. Cette dernière pratique médicale est effectuée non par la société mais bien par le médecin personnellement.

Ainsi, il apparaît que le médecin a conservé personnellement l’usage et la jouissance de sa clientèle nonobstant la convention de location. Il est en effet le seul à pouvoir se servir de ladite clientèle et à la valoriser économiquement.

Dans l’exploitation de cette clientèle, la société ne dispose d’aucun pouvoir sur le plan de la décision de fournir des prestations ou non, et quant à leur nature.

L’intervention de la société se limite ainsi strictement à retirer le fruit financier des prestations médicales réalisées par le médecin, ceci de la manière dont celui-ci le décide souverainement.

Strictement parlant la société ne peut se servir de la clientèle. Ainsi, des caractères spécifiques de la convention de bail font défaut en l’espèce. L’analyse du montage mis sur pied se trouve, sur ce point précis, en opposition avec l’institution de la location qui implique que le preneur acquiert l’usage temporaire du bien objet du bail. La société ne dispose que du droit de facturer les prestations résultant de l’usage que le médecin décide seul de faire de la clientèle. Plus concrètement encore, il ne se conçoit pas dans le cadre d’un bail, que le bailleur d’un moyen de production utilise ce même moyen de production

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qu’il donne en location pour procurer ainsi, lui-même, au preneur, des revenus qui permettront à ce dernier de lui payer le loyer. Un tel montage est antinomique avec l’économie du bail. Ainsi les éléments qui servent de fondement au montage mis en place procèdent d’un mécanisme de simulation évident. La convention de location de clientèle ne correspond pas à la réalité de ce qui a été voulu par les parties. Les loyers obtenus pour cette location prétendue constituent des rémunérations déguisées. De même, les décisions d’attribuer des revenus d’associé actif sont simulées du point de vue de la sous-estimation du montant devant revenir au médecin pour son travail accompli au sein de la société. Le médecin a en réalité convenu avec la société que, pour des raisons exclusivement fiscales tenant à sa situation personnelle, ses rémunérations d’associé actif dues pour les prestations qu’il effectue lui seraient, en partie, versées sous la forme de loyers pour une prétendue location de sa clientèle. Les loyers perçus par le médecin pour la location de sa clientèle, constituent des rémunérations d’associé actif. 4. Le jugement du tribunal de première instance de Mons du 14 octobre 2003 103 Le contribuable a exercé la profession de médecin spécialiste en médecine interne et rhumatologie et a cessé son activité pour devenir associé actif d’une SPRL. Il n’a pas souhaité vendre à la société la clientèle qu’il avait développée en qualité de médecin car, selon lui, il ignorait l’évolution des affaires et en raison du fait qu’à l’époque, le statut déontologique de la clientèle cédée à une société de médecin n’était pas clairement défini par les autorités ordinales. Afin de permettre à la société d’exercer une activité professionnelle normale, il lui donne en location la patientèle qu’il avait constituée tout au long de son activité indépendante. Le tribunal constate que les profits nets déclarés par le médecin dans le cadre de son activité professionnelle indépendante s’élevaient à +/- 2.500.000 BEF.

103 Civ. Mons, 14 octobre 2003, n° de rôle 01/1804/A, Les éditions électroniques « Do Fiscum » ;

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Postérieurement à la convention de location, les revenus de dirigeant d’entreprise se sont élevés à des montants annuels allant de 200.000 à 800.000 BEF. Parallèlement, des loyers annuels de +/- 2.300.000 BEF ont été versés annuellement au médecin en application de la convention de la location de la patientèle. Le tribunal décide qu’il résulte de la comparaison de ces chiffres que l’intention réelle des parties en concluant le contrat de location de clientèle a été de permettre la disqualification des revenus professionnels perçus par le médecin en revenus mobiliers. Nonobstant la convention, le médecin a conservé personnellement l’usage et la jouissance de sa clientèle. Les loyers représentent clairement la rémunération du travail du contribuable au profit de la société et doivent dès lors être considérés et imposés comme des revenus professionnels d’associé actif. La situation ainsi créée par le médecin ne correspond nullement à la réalité et il y a dès lors lieu de considérer que le contrat de location de clientèle est simulé dans la mesure où le paiement des loyers a une autre cause, à savoir l’intention d’octroyer à l’intéressé une rémunération déguisée. Le tribunal ne manque pas d’observer que pareille altération de la vérité, se présentant à un stade antérieur aux rapports avec le fisc, dans la convention de location de patientèle, constitue une fraude aggravée qui doit être sanctionnée d’une peine plus sévère que la fraude simple. 5. Les arrêts de la cour d’appel de Mons du 19 septembre 2003 104 , du 17 octobre 2003 105 et du 31 mars 2004 106 Un docteur en médecine constitue une SPRL dont il est l’associé unique ; il cède à la société son matériel et ses installations à usage professionnel pour le prix de 1 franc belge ; le même jour, il conclut avec elle un « contrat de redevance » aux termes duquel la société s’engage à lui verser une redevance égale à 8% des recettes brutes « pour l’exploitation de la clientèle ». L’administration soutient que les redevances doivent être imposées globalement au titre de revenus d’associé actif. 104 Mons, 19 septembre 2003, n° de rôle 1998/FR/84, Les éditions électroniques « Do Fiscum » ; 105 Mons, 17 octobre 2003, n° de rôle 1998/FI/14, Les éditions électroniques « Do Fiscum » ; 106 Mons, 31 mars 2004, n° de rôle 2001/RG/942, Les éditions électroniques « Do Fiscum » ;

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La cour relève que par le « contrat de redevance », le docteur a concédé à sa société l’exploitation de la clientèle qu’il s’est constituée en exerçant en personne physique son activité de médecin, ainsi que son expérience et sa pratique médicale. Il est constant que le contribuable a continué à exercer sa profession de médecin dans le cadre de la société. Par l’activité exclusive, effective et permanente qui était la sienne au sein de la société qu’il a constituée et dont il est le gérant ainsi que l’unique souscripteur et détenteur du capital, il est bien un associé actif puisqu’il participe de manière essentielle et nécessaire à l’activité économique de ladite société et à sa prospérité. Les « redevances » qui lui étaient contractuellement allouées - fixées forfaitairement à 8 % du montant des recettes brutes annuelles – représentent des revenus professionnels qui rémunèrent l’activité médicale du médecin au profit de la société.

4.1.2.3. Location de clientèle dans le cadre d’autres professions indépendantes.

1. La Cour d’appel de Gand qualifie de revenus mobiliers les revenus pour la cession de l’exploitation d’un portefeuille d’assurances par un courtier à une SPRLU constituée un an plus tôt, dont il était l’unique gérant, moyennant une indemnité égale à 25% des commissions perçues avec un minimum mensuel de 62.500 F 107.

La cour déduit du contrat que :

- le produit du portefeuille d’assurance revient intégralement à la société à laquelle le contribuable a cédé le droit d’exploitation ;

- aucun transfert de propriété du portefeuille n’est convenu de

telle sorte que le portefeuille d’assurance continue à faire partie du patrimoine privé du contribuable ;

- la rémunération constitue incontestablement le revenu d’un bien

meuble incorporel. Selon la cour, il n’apparaît pas de ces données que le contribuable ait affecté son portefeuille d’assurance à l’exercice d’une activité

107 Gand, 28 septembre 2000; FJF, n° 2001/36;

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professionnelle de telle sorte que les indemnités ne peuvent être considérées comme des bénéfices. Ces indemnités relèvent de l’article 20 du CIR(revenus mobiliers) eu égard au fait qu’il n’y a pas de transfert de propriété et que, dans le cadre d’une bonne gestion de son patrimoine privé, il a confié l’exploitation de son portefeuille d’assurance à une société ; Etant donné que depuis sa mise à la retraite il n’a plus exercé aucune activité professionnelle, l’indemnité perçue constitue un revenu mobilier.

2. Un contribuable a entamé avec son associé une activité de courtiers indépendants en services financiers, sous forme d’une association de fait ; ils ont été agents bancaires et courtiers d’assurances. Neuf ans plus tard, ils constituent une S.A. ayant pour objet social le courtage, la représentation de toutes assurances et la gestion de tous portefeuilles d’assurances ainsi que la représentation de toutes institutions financières ou bancaires.

Deux mois plus tard, l’association de fait a donné son portefeuille d’assurances en location à la société.

La cour d’appel de Bruxelles arrive à la conclusion qu’à aucun moment le portefeuille d’assurances n’a cessé d’être affecté à l’exercice de l’activité professionnelle du contribuable 108 . Le contribuable admet que le portefeuille est donné en location par son propriétaire, l’association de fait, durant la période d’interruption d’activités de courtage par cette association, dans l’attente d’une possible reprise de cette activité. Il considère aussi qu’il est évident qu’il sera taxé lorsque le contrat de location aura pris fin et qu’il cédera son activité personnelle de courtier.

La location du portefeuille à la société n’a pas eu pour conséquence de faire entrer ce portefeuille dans le patrimoine privé du contribuable.

Selon la cour, la location a été consentie non par le contribuable en tant que « bon père de famille » mais par l’association de fait qui est une association professionnelle. Le portefeuille d’assurance est resté la propriété de cette association de fait durant les années litigieuses ; il fait partie du « fonds de commerce » de cette association sans personnalité morale et donc du « fonds de commerce » des deux associés.

108 Bruxelles, 8 juin 2001; 01521059;

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Les conditions d’application de l’article 37 du CIR/92 sont par conséquent bien remplies en l’espèce et les loyers doivent être considérés comme des revenus professionnels.

4.1.2.4. La taxation des revenus de la location de matériel ou de mobilier

Les mêmes problèmes sont susceptibles de se présenter en matière de location de matériel ou de mobilier.

1. Médecins : l’arrêt de la cour d’appel de Liège du 13 septembre 2000 109

Deux époux médecins cèdent leur clientèle, savoir-faire, connaissance de l’art de guérir, notoriété,...... à une société qu’ils ont constituée ensemble ; par ailleurs ils donnent en location à cette société du matériel médical qui leur appartient pour 100.000 F par mois. La cour d’appel de Liège décide qu’ils prétendent vainement que ces revenus ne pourraient être taxables que comme revenus mobiliers. Ces revenus doivent cependant être tenus pour des revenus professionnels en vertu des articles 23 et 37 du CIR/92, les contribuables n’ayant en fait pas cessé d’affecter les biens utilisés par la société où ils exercent leur pratique, à l’activité professionnelle de médecin. Selon la cour , il est symptomatique que la cession de biens à la société n’a porté que sur des valeurs incorporelles, à l’exclusion des biens d’investissement et notamment du matériel médical .

2. Médecins : l’arrêt de la cour d’appel de Liège du 8 mai 2002 110 Un autre médecin a constitué une société à laquelle il prétend avoir remis son activité et à laquelle lui et son épouse ont prétendu donner en location des éléments mobiliers et immobiliers qui leur appartiennent. Les deux cabinets sont censés avoir été donné en location pour le premier cabinet médical pour 5.000 F par mois pour le mobilier et le matériel et pour 10.000 F par mois pour la mise à la disposition de l’immeuble, pour le second cabinet pour 35.000 F par mois pour le matériel et 30.000 F par mois pour la mise à disposition de l’immeuble, la location (80.000 F par mois sans compter le véhicule) devant faire l’objet d’une inscription en compte courant des propriétaires bailleurs. Au surplus le véhicule du gérant est donné en location à la société pour 30.000 F par mois en vertu du même document.

109 Liège, 13 septembre 2000, n° de rôle 1996/FI/376 et 1997/FI/389, Les éditions électroniques « Do Fiscum » ; 110 Liège, 8 mai 2002, inédit, n° de rôle 1997/FI/407 ;

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Selon la cour d’appel de Liège, l’axiome du choix de la voie la moins imposée ne peut priver l’administration de tout contrôle sur l’existence réelle de la location soi disant conclue. Il n’apparaît pas de manière certaine des documents que le contribuable aurait définitivement cédé la totalité de son activité médicale à la société constituée. Si l’on prend en compte la totalité des soi disant locations consenties par les deux époux à la société qu’ils maîtrisent, l’on observe que la location s’élève à pas moins de 110.000 francs par mois ; la cour relève encore que d’après les tableaux d’amortissements, il ressort que la valeur des immobilisations nettes en matériel après amortissement était de 376.866 francs et de 366.876 francs pour le véhicule. La cour décide que les documents fournis ne permettent pas d’estimer que les parties ont accepté in concreto toutes les conséquences de leurs actes et notamment de retenir que les loyers auraient été effectivement payés alors qu’ils n’auraient pas été souscrits dans de telles conditions par un bailleur et un preneur indépendant .

3. Avocats : l’arrêt de la cour d’appel de Liège du 18 septembre 2002 111

Des avocats ont cédé leur clientèle à une SPRL et donné en location à celle-ci le matériel, l’équipement de bureau et les véhicules qui leur appartenaient ; l’administration de la TVA les a assujetti d’office à la TVA pour cette location de biens meubles et les avocats ont marqué leur accord sur cette régularisation. La cour d’appel de Liège relève qu’il ne peut être fait un amalgame entre d’une part l’assujettissement (dont on peut se demander en l’espèce s’il était justifié) à la TVA qui est possible aussitôt que quelqu’un effectue, dans l’exercice d’une activité économique, d’une manière habituelle et indépendante, une prestation de services et d’autre part l’article 37 du CIR/92 qui postule de manière bien plus restrictive pour la requalification en revenus professionnels que les avoirs concernés par la prestation de services (location) soient affectés à l’exercice de l’activité professionnelle des bénéficiaires desdits revenus. Selon la cour, rien ne permet non plus en l’espèce d’affirmer que les contribuables auraient exercé une activité professionnelle consistant

111 Liège, 18 septembre 2002 ; FJF, n° 2003/39 ; Courrier fiscal, 2002/537, Les éditions électroniques « Do Fiscum » ;

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dans la location de biens meubles ou auraient continué d’exercer leur activité professionnelle d’avocat en personne physique. Au même titre, aucune simulation n’est établie en l’espèce, la régularisation acceptée en matière de TVA trouvant précisément son origine dans le fait que l’administration de la TVA a entendu soumettre les contribuables à la logique qu’ils avaient eux-mêmes créée et n’impliquant nullement que ceux-ci n’auraient pas accepté toutes les conséquences des actes posés, à savoir la constitution de leur société, la cession à celle-ci de leur clientèle et la location des biens meubles. Enfin, à défaut de simulation, aucune conséquence ne peut être tirée du fait que « de facto » les mêmes avocats utilisent le même matériel, sous peine de méconnaître à la fois l’existence de la SPRL en tant que personne juridique et de méconnaître l’existence des actes juridiques intervenus entre les contribuables et cette dernière. Les loyers constituent donc bien des revenus mobiliers.

4. Imprimerie : le jugement du tribunal de première instance de Bruges du 13 mai 2003 112

Un imprimeur indépendant cède son activité d’imprimerie à une SPRL et reçoit pour son mandat de gérant une rémunération de 120.000 BEF par an.

Il demeurait cependant propriétaire du matériel et de l’outillage de l’imprimerie, qu’il donna en location à la société pour un loyer annuel de 880.000 BEF. A cette fin, il garda son numéro d’immatriculation à la TVA. Il déclarait ces loyers comme des revenus mobiliers.

L’administration décide que par application de l’article 37 du CIR/92, ces loyers sont taxables comme revenus d’une activité professionnelle, les biens mobiliers étant utilisés pour l’exercice d’une activité professionnelle.

Le tribunal décide que pour pouvoir parler de revenus provenant de biens mobiliers qui sont utilisés pour l’exercice de l’activité professionnelle, il doit être question d’un ensemble d’opérations suffisamment fréquentes et liées entre elles pour constituer une occupation continue et habituelle qui excède la gestion normale du patrimoine privé, ce qui donne un caractère professionnel à cette activité.

112 Civ. Bruges, 13 mai 2003 ; TFR, n° 2003/n87 ; Courrier fiscal, 2003/615 ; Fisconet – jugement BR1 03/4 ;

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Le contribuable avait pris sa retraite et exerçait encore une activité sporadique au sein de la société, qui lui procurait une rémunération annuelle de 120.000 BEF, de telle sorte qu’il ne peut en être déduit qu’il exerçait une activité professionnelle.

Par ailleurs, il ne peut être déduit de la location desdits biens mobiliers que le contribuable faisait autre chose que l’établissement d’une facture une fois par an ; le contribuable n’a plus rien acheté et utilisait son numéro d’immatriculation à la TVA une seule fois par an.

Enfin, il est indifférent que les biens mobiliers donnés en location étaient affectés par le locataire à des fins professionnelles ; il ne s’agissait plus d’éléments d’actif professionnels dans le chef du contribuable-propriétaire.

Le tribunal déduit de ces circonstances de fait que les loyers sont taxables comme revenus mobiliers. 5.Imprimerie : le jugement du tribunal de première instance d’Anvers du 19 décembre 2003 113 Le contribuable exploitait une imprimerie et décida de constituer une SPRL dont il devient gérant, et d’apporter l’exploitation individuelle à la société, à l’exception des machines, du matériel roulant et de l’immeuble. Dans le cadre d’un bail verbal, le contribuable donnait l’immeuble en location à la société pour un loyer annuel de 300.000 BEF et les machines et le matériel roulant pour un loyer annuel de 240.000 BEF. Le contribuable déclare les loyers relatifs à l’immeuble comme revenus immobiliers ; il déclare les revenus locatifs produits par les machines et le matériel roulant comme des bénéfices, dont il déduit des frais professionnels qui donnent naissance à une perte. L’administration soutenait dans l’avis de rectification que la location de matériel ne constitue pas une activité professionnelle et que les loyers doivent être considérés comme des revenus mobiliers. Le tribunal décide qu’après la cessation de l’ activité indépendante d’imprimeur, la location de machines, de matériel roulant et de l’immeuble à la société ne peut être considérée comme une activité professionnelle, sauf s’il s’avérait que cette location soit accompagnée d’autres prestations. Les loyers relatifs aux biens mobiliers sont donc taxables comme revenus mobiliers.

113 Civ. Anvers, 19 décembre 2003, n° de rôle 00/4069/A, www.fiscalnetfr.be;

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6. Entreprise familiale spécialisée dans la rénovation du bâtiment : le jugement du tribunal de première instance de Mons du 27 janvier 2004 114 Le couple de gérants d’une SPRL achète du matériel professionnel (compresseur, nettoyeur à haute pression et camion) qu’ils donnent en location à la SPRL afin de lui permettre de réorienter ses activités dans le domaine du ravalement de façades. Ils déclarent chaque année le produit de la location au titre de revenus à caractère mobilier. L’administration considère que les loyers perçus par les contribuables pour la location des machines doivent être qualifiés de bénéfices d’exploitation commerciale. Le tribunal constate que les loyers payés par la société varient de 733.000 à 1.070.000 BEF par an, alors que l’investissement total était de +/- 1.330.000 BEF et relève que ces loyers annuels sont particulièrement élevés au vu de la valeur d’acquisition du matériel. Il relève encore que la location du matériel s’est poursuivie depuis plus de dix ans. Il y a clairement eu de la part des contribuables affectation d’un ensemble d’éléments d’actif à l’exercice d’une activité lucrative nécessitant une certaine organisation liée au calcul et à la facturation des loyers, au décompte des frais d’entretien des machines et au renouvellement périodique du matériel. Par ailleurs, la location du matériel – à l’exception du camion – faisait l’objet d’une comptabilité précise puisqu’elle faisait l’objet d’une comptabilité précise puisqu’elle était calculée « sur base des jours où les ouvriers ont pu travailler ». Selon le tribunal, il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’activité des contribuables, consistant à avoir acheté du matériel professionnel dans le seul but de le donner en location à la société dont ils étaient les gérants moyennant des loyers annuels importants équivalent quasiment à la valeur d’investissement des biens, constitue bien une activité professionnelle répondant aux critères de fréquence, de continuité et d’enrichissement. Chapitre 5 : Amortissement dans le chef du cessionnaire : 5.1. Les amortissements d’immobilisations corporelles ou incorporelles utilisées pour l’exercice de l’activité professionnelle ne sont admis que dans la mesure où une dépréciation est survenue au cours de la période imposable.

114 Civ. Mons, 27 janvier 2004, n° de rôle 01/2483/A, Les éditions électroniques « Do Fiscum » ;

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Le contribuable devra donc, par exemple, prouver la dépréciation de la clientèle de son cabinet d’avocat pour pratiquer un tel amortissement (Cassation, 22 mars 1991, FJF, 91/130). La Cour d’Appel d’Anvers a toutefois considéré qu’au cours d’une année, la clientèle qu’un kinésithérapeute avait apportée en société diminuait nécessairement et indéniablement en raison notamment du déménagement de clients, de décès etc. …. Elle a également relevé que la clientèle d’un kinésithérapeute se dépréciait plus rapidement que celle d’autres professions médicales comme les dentistes ou les médecins par ce qu’ils effectuent bien souvent des séries de prestations uniques. La Cour d’Appel d’Anvers en a conclu que l’amortissement du goodwill pouvait être raisonnablement étalé sur une période de 5 ans. (Anvers, 21 avril 1994, F.J.F. 94/242 et 27 février 1995, F.J.F. 95/108). La Même Cour d’Appel d’Anvers a retenu également une période de 5 ans pour l’amortissement de la clientèle d’un cabinet d’avocats qui avait été cédé à une SPRL. La Cour relève qu’il n’apparaît pas que la clientèle de la SPRL était rattachée à un des avocats par une relation durable. La plupart des avocats fournissant des prestations uniques et la clientèle étant entièrement libre d’opter pour un autre avocat ultérieurement ou même pendant le traitement de l’affaire en cours, elle en a décidé que la clientèle est assez éphémère et subissait une importante rotation. (Anvers, 24 juin 1997, Courr. Fisc. 1997, p.446). Par contre, la Cour d’appel de Liège dans un arrêt du 5 avril 2000 ( F.J.F 2000/138) a considéré que la requérante qui avait amorti une clientèle médicale sur une période de 5 ans ne justifiait pas la dépréciation effective de la valeur de la clientèle à suffisance de droit. La Cour d’appel de Liège confirme le redressement de la période de 5 ans à 10 ans telle que pratiquée par l’administration. La même Cour a accepté que l’administration modifie la période d’amortissement de la clientèle d’un gynécologue la faisant passer de 7 à 10 ans ( Liège, 22 décembre 2000)

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C’est encore la Cour d’appel de Liège qui, dans un arrêt du 15 octobre 2003115 , a rejeté l’amortissement sur cinq ans de la clientèle d’une officine de pharmacie au motif que la clientèle était une clientèle de passage, l’officine se trouvant sur une artère très fréquentée. La clientèle étant en constant renouvellement, la Cour estime qu’elle se déprécie moins rapidement que la clientèle d’une officine de village qui comporte un grand nombre de personnes âgées qui décèdent ou partent dans des homes… 5.2. Quid lorsque le goodwill n’a pas été déterminé au moment de la cession et que sa valeur correspondra à un pourcentage soit du bénéfice soit de la marge brute, soit du chiffre d’affaires réalisé ultérieurement par la société ? L’administration rejette l’amortissement à 100 % de la tranche annuelle de goodwill ou sa prise en charge en une fois pour l’année même. Elle soutient que chaque tranche doit être amortie sur la durée d’amortissement applicable ce qui entraîne, par exemple, un amortissement sur 9 ans pour un bien amortissable en cinq ans. Dans son avis 126/10, la Commission des normes comptables indique expressément que « quant à l’amortissement des immobilisations acquises pour un prix variable, il convient de rappeler que l’article 12, § 1er de l’article 28 de l’Arrêté Royal du 8 octobre 1976 impose la prise en charge du coût des investissements à durée d’utilisation limitée, répartit selon un plan approprié, sur la durée d’utilisation probable du bien en cause. Ces dispositions jointes au principe que les actifs sont portés dans les comptes à leur valeur d’acquisition, s’oppose à une prise en charge entière du coût de ces investissements au fur et à mesure qu’ils acquièrent un caractère certain ». La Cour d’Appel de Liège, dans un arrêt du 26 septembre 2001, confirme cette position en relevant qu’il est patent que, si sur le plan juridique, la cession de la clientèle a été opérée au moment de la signature de la convention, la valeur de l’investissement n’est réalisée que d’année en année au fur et à mesure du paiement de la redevance. Il ne peut donc être légalement admis un amortissement de 100 % de la redevance au moment où celle-ci est exposée, procédé qui consiste à nier le concept même d’amortissement des valeurs d’actifs et plus spécialement d’un actif incorporel.

115 Actualités fiscales n° 15/2004, p.1

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La Cour d’Appel de Liège se fonde à cet égard sur l’avis de la Commission des normes comptables précitée. Plus récemment, la Cour d’appel de Liège par un arrêt du 2 juin 2004 et le tribunal de Louvain, par un jugement du 28 février 2003, ont confirmé l’application de l’avis de la Commission des Normes Comptables et la déduction d’un amortissement dégressif pour chaque tranche payée. Si le bien est amortissable en 10 ans, la première tranche sera amortie sur 10 ans, la deuxième sur 9 ans, la troisième sur 8 ans, …

TABLE DES MATIERES Chapitre I : Cessation et simulation P.2 I.1. : Principes P.2 I.2 : Simulation prohibée ou non ? P.2 I.3 : Taxation de la partie anormale du prix de cession P.6 Chapitre II : Les plus-values sur des biens affectés à l’exercice de l’activité professionnelle à l’occasion de la cessation de l’activité P.7 II.1 : Introduction P.7 II.2 : Régime de taxation des plus-values de cessation P.9 II.2.1 : Principes P.9 II.2.2 : Notion d’actifs affectés à l’exercice de l’activité professionnelle P.9 II.2.3 : Notion de plus-values obtenues ou constatées en raison ou à l’occasion de la cessation complète et définitive P.11 II.2.4 : Moment de l’imposition de la plus-value de cessation obtenue ou constatée selon les modalités de la convention P.15 - cession moyennant un prix immédiatement déterminé ou déterminable P.15 - cession dont le prix correspond à un pourcentage des bénéfices … P.17 - cession contre paiement d’une rente viagère au vendeur P.18 - cession sous conditions suspensives P.19 II.2.5 : Détermination du montant de la plus-value P.20 II.2.6 : Les taux d’imposition des plus-values de cessation P.21 II.2.6.1 : Principes P.21 II.2.6.2 : La taxation distincte des plus-values sur immobilisations incorporelles au taux de 33 % P.22 II.2.6.3 : La taxation distincte des plus-values sur immobilisations incorporelles Au taux de 16,5 % P.23 II.2.6.4 : La taxation des plus-values sur immobilisations incorporelles au taux progressif P.25 Conclusions P.25 Chapitre III : Taxation des créances P.26

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Chapitre IV : Régime fiscal de la location d’un fonds de commerce d’une clientèle ou d’une patientèle P.28 IV.1 : Principes P.28 IV.1.1 : Position de l’administration P.28 IV.1.2 : La jurisprudence P.29 IV.1.2.1 : Location d’un fonds de commerce, d’une pharmacie à une société ou à une autre personne physique P.29 A. Taxation des loyers ou redevances comme revenus professionnels P.29 B. Taxation des loyers ou redevances comme revenus mobiliers P.32 IV.1.2.2 : Location de patientèle par des médecins P.34 IV.1.2.3 : Location de clientèle dans le cadre d’autres professions indépendantes P.39 IV.1.2.4 : Taxation des revenus de la location de matériel ou de mobilier P.41 Chapitre V : Amortissement dans le chef du cessionnaire P.44