a.s info général

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LE « SOCIAL » DANS LA GRANDE MARMITE DE L’AUDIT Georges EGG Auditeur social. Introduction L’audit social a-t-il une spécificité réelle comparé à ses grands frères ? Est-ce même un audit ? Ces questions se posent au moment où un marché de l’audit de RSE 1 se profile. Pour tenter d’y répondre, il nous faut d’abord replacer l’audit social « historique » au sein de l’ensemble des audits pratiqués. Pour cela nous retracerons d’abord le développement qualitatif de l’audit en général, nous chercherons à caractériser ses différentes formes avant de décrire à grand traits les principales variétés d’audit pratiquées. Nous aborderons ensuite sur cette base la question de l’existence d’un audit social, de sa spécificité et de ses limites. 1. L’expansion de l’audit Ceux qui ont connu la période de création de l’audit social 2 par l’IAS sont bien perplexes, voire désemparés, face à la situation actuelle. A l’époque, au tout début des années 80, il s’agissait de développer dans le champ social une méthode d’investigation analogue à celle qui existait depuis fort longtemps en matière comptable et financière, et dans la gestion interne des entreprises, plus récemment. Dans « audit social » le mot « social » désignait essentiellement les méthodes de gestion du personnel et, par extension, le fonctionnement social interne 3 . Le périmètre était celui des frontières de l’entreprise. La démarche était d’une grande modestie : adoption sans restriction de la méthode de l’audit supposée unifiée à l’époque. Et d’une grande ambition : le champ social est autrement plus étendu et complexe que ceux de la comptabilité et de la finance 4 . Pendant une vingtaine d’années, le petit audit social a coexisté avec les audits techniques traditionnels des entreprises. Dans une ignorance réciproque totale. Tout les séparait à part – semblait-il – la méthode. Les audits comptables et financiers étaient et restent indispensables et obligatoires, très fortement encadrés non seulement par des normes techniques mais encore par des réglementations nationales et internationales. Ils étaient la chasse gardée des grands cabinets d’audit et des cabinets plus modestes d’expertise comptable. Le petit audit social, lui, était et continue d’être demandé par un petit nombre d’organisations plus hardies que les 1 Responsabilité sociale de l’entreprise 2 Du moins le développement de sa pratique car l’idée avait déjà été avancée par H.R Bowen en 1953 et John Humble en 1973 (cf. article de J. IGALENS). 3 Le mot « social » accolé à « audit » est progressivement apparu trop connoté et restrictif. Une assemblée de l’IAS a décidé dans les années 90 que l’IAS s’appellerait désormais : Institut international de l’Audit Social et des organisations. 4 On ne s’était peut-être pas rendu compte que l’on transposait une méthode appliquée à des techniques formalisées dans le champ mouvant des fonctionnements. Ou l’on n’en avait pas perçu les conséquences méthodologiques. 1

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  • LE SOCIAL DANS LA GRANDE MARMITE DE LAUDIT Georges EGG Auditeur social.

    Introduction Laudit social a-t-il une spcificit relle compar ses grands frres ? Est-ce mme un audit ? Ces questions se posent au moment o un march de laudit de RSE1 se profile. Pour tenter dy rpondre, il nous faut dabord replacer laudit social historique au sein de lensemble des audits pratiqus. Pour cela nous retracerons dabord le dveloppement qualitatif de laudit en gnral, nous chercherons caractriser ses diffrentes formes avant de dcrire grand traits les principales varits daudit pratiques. Nous aborderons ensuite sur cette base la question de lexistence dun audit social, de sa spcificit et de ses limites.

    1. Lexpansion de laudit Ceux qui ont connu la priode de cration de laudit social2 par lIAS sont bien perplexes, voire dsempars, face la situation actuelle. A lpoque, au tout dbut des annes 80, il sagissait de dvelopper dans le champ social une mthode dinvestigation analogue celle qui existait depuis fort longtemps en matire comptable et financire, et dans la gestion interne des entreprises, plus rcemment. Dans audit social le mot social dsignait essentiellement les mthodes de gestion du personnel et, par extension, le fonctionnement social interne3. Le primtre tait celui des frontires de lentreprise. La dmarche tait dune grande modestie : adoption sans restriction de la mthode de laudit suppose unifie lpoque. Et dune grande ambition : le champ social est autrement plus tendu et complexe que ceux de la comptabilit et de la finance4. Pendant une vingtaine dannes, le petit audit social a coexist avec les audits techniques traditionnels des entreprises. Dans une ignorance rciproque totale. Tout les sparait part semblait-il la mthode. Les audits comptables et financiers taient et restent indispensables et obligatoires, trs fortement encadrs non seulement par des normes techniques mais encore par des rglementations nationales et internationales. Ils taient la chasse garde des grands cabinets daudit et des cabinets plus modestes dexpertise comptable. Le petit audit social, lui, tait et continue dtre demand par un petit nombre dorganisations plus hardies que les

    1 Responsabilit sociale de lentreprise 2 Du moins le dveloppement de sa pratique car lide avait dj t avance par H.R Bowen en 1953 et John Humble en 1973 (cf. article de J. IGALENS). 3 Le mot social accol audit est progressivement apparu trop connot et restrictif. Une assemble de lIAS a dcid dans les annes 90 que lIAS sappellerait dsormais : Institut international de lAudit Social et des organisations. 4 On ne stait peut-tre pas rendu compte que lon transposait une mthode applique des techniques formalises dans le champ mouvant des fonctionnements. Ou lon nen avait pas peru les consquences mthodologiques.

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  • autres, et men librement par quelques petits cabinets de consultants de culture et dexprience RH. Lapparition des normes internationales, et dabord ISO 9000 en 1988, ne changea pas la situation. Un nouveau champ tait ouvert laudit, couvert par un nouveau profil dauditeurs. Laudit Qualit tait n, ct des autres, et dans le mme aveuglement partag5. La sortie des normes ISO 14000 sur lenvironnement, en 1994, suscita quelques interrogations de courte dure chez les auditeurs sociaux. On se demanda si lenvironnement navait pas quelque chose voir avec le social. Pour conclure que ctait une affaire de techniciens spcialiss. Et laudit denvironnement pris une place lombre de son grand frre de la Qualit. A la mme poque apparaissent des pratiques dinvestigation de la chane des fournisseurs. Elles faisaient suite aux scandales mdiatiss affectant certaines marques de vtements de sport et aux boycotts qui sensuivirent. Les missions mandates visent vrifier que les fournisseurs des grandes marques et enseignes respectent un SMIG en matire de droits de lhomme et du travailleur. Elles sont appeles social audit en anglais. Aujourdhui encore, elles sont peu connues et constituent un univers professionnel distinct. Last but not least, arrive la responsabilit sociale des entreprises (RSE). Promue par la Commission europenne dans son Livre vert de juin 2001, aprs les premires dlocalisations massives en Europe, la RSE est : lintgration volontaire par les entreprises de proccupations sociales et environnementales leurs activits commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes. La commission ajoute : tre socialement responsable signifie non seulement satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables, mais aussi aller au-del et investir davantage dans le capital humain, lenvironnement et les relations avec les parties prenantes . La RSE doit naturellement saccompagner dune valuation de sa mise en uvre et de ses rsultats. Le Livre vert fait alors natre un audit social et le dfinit par son sujet dinvestigation : audit des impacts des dcisions des entreprises sur leurs parties prenantes6 et leur environnement interne et externe. Notons enfin que la publication de rapports de dveloppement durable, impose par la loi en France et en Belgique, recommande ailleurs, suscite des interrogations sur la bonne faon dvaluer leur qualit : audit, vrification ou simple avis ? Et lapparition du mtier danalyste non financier, au sein des agences de notation, vient encore complexifier lunivers de linvestigation, de la vrification et de lvaluation. La pratique de laudit stend donc rapidement de nouveaux territoires. Les auditeurs semblent y employer la mme mthode. Tout semble identique, sauf le terrain. Est-ce si sr ? Sagit-il toujours daudit ? Et dailleurs quest-ce que laudit ? Chaque professionnel pense en dtenir le sens vritable et croit tre bien compris de tous ses collgues quand il utilise ce mot pour

    5 Il na pas t possible de faire participer des auditeurs Qualit aux travaux de rdaction des versions successives des Mots de laudit (Editions Liaisons), au sein dune commission mixte IAS-IFACI. 6 Personne, communaut ou organisation influant sur les oprations dune entreprise ou concernes par celles-ci. Les parties prenantes peuvent tre internes (salaris par exemple) ou externes (clients, fournisseurs, actionnaires, financiers, communaut locale, etc. .

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  • rsumer sa pratique. Il faut constater que ce nest pas le cas et que nous parlons de choses diffrentes. Quil ny a peut-tre pas un, mais plusieurs audits. Ils ont lvidence des points communs au-del de diffrences manifestes. Lesquels ?

    2. Un ou plusieurs audits ?

    2.1. Les confusions et abus de langage Eliminons tout dabord les confusions dun champ dj suffisamment opaque. Parmi elles vient en premier le mot contrle , nom donn une dmarche visant distinguer le conforme du non conforme, le normal de lanormal, le rgulier du fautif. Elle compare pour cela les caractristiques dun objet ou dun lieu, la situation dune personne ou ses rsultats ce quils devraient tre. Elle dispose donc dune ou plusieurs rfrences. Comme laudit. Mais lanalogie sarrte l. Car le contrle sapplique des individualits (la pice dont on contrle les caractristiques physiques, la personne dont on vrifie lidentit, la machine dont sassure du fonctionnement). Et non au systme qui fabrique les pices, lorganisation qui dlivre les passeports, la fonction dentretien des machines. Ou alors ce nest plus un simple contrle ponctuel et rptable linfini ; et cest autre chose, peut-tre un audit. Ex aequo arrive le conseil. Contrairement laudit, le conseil ne dispose pas dun rfrentiel formalis, accessible, connu. Ou plutt celui-ci est enfoui dans le cerveau du conseiller. Celui-ci donne son avis en fonction de son exprience. Elle constitue sa rfrence, quil serait bien en peine de formaliser. De plus, le conseiller met des prescriptions, la diffrence de lauditeur qui formule des avis. Il doit prendre parti, orienter, faire des choix pour son client, ce qui nest pas du tout le rle de lauditeur et lui est mme fortement dconseill. Dautres exemples dusage abusif nous sont fournis par les audits de la France qui paraissent dans les 15 jours suivants une lection, laudit de la personne, ou les enqutes dnues de tout rfrentiel etc. Nous ne nous attarderons pas davantage sur ces emplois abusifs et trompeurs.

    2.2. Les caractristiques communes essentielles Au sein de toutes les pratiques professionnelles daudit en usage se retrouvent des lments communs :

    Comparaison : lauditeur raisonne par comparaison, jamais dans labsolu. Rfrence : il effectue ses comparaisons par rapport une ou plusieurs rfrences

    qui lui sont extrieures ; Induction : il part dobservations, en extrait des constats avrs et en tire des

    conclusions. Il ne part pas dhypothses vrifier, da priori prouver. Dmarche : lauditeur conduit sa mission de faon mthodique et systmatique,

    depuis la dfinition des objectifs jusquau traitement des informations et aux conclusions, en passant par ltablissement du rfrentiel et la construction du guide

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  • daudit. Les diffrentes tapes sont mises en cohrence et troitement relies entre elles.

    Validation : toutes les informations crites ou recueillies oralement sont valides. Les constats ainsi obtenus sont la base des conclusions de lauditeur.

    Dontologie : lauditeur respecte une dontologie contraignante dont un des lments principaux est sa relle indpendance.

    2.3. Les dterminants essentiels de laudit

    Au-del de ce qui constitue le noyau unificateur de laudit, on trouve de nombreux et importants lments de diffrenciation. On peut en citer six :

    A. La nature du domaine audit ; B. Le rsultat recherch par le commanditaire ; C. Le rfrentiel daudit ; D. Le sujet de laudit ; E. Le secteur dintervention ; F. Le type daudit.

    Les cinq premiers relvent de la pratique. Le sixime touche la nature de laudit. Ils dterminent entirement les missions et les rendre trangres les unes aux autres.

    A. - La nature du domaine audit Les domaines dapplication de laudit sont trs nombreux et varis. Il nest pas ncessaire dinsister sur le fait que les missions ne requirent pas les mmes comptences et les mmes outils dans le domaine comptable et dans celui de lenvironnement, dans le domaine social et dans celui de la qualit.

    B. - Le but vis par le commanditaire Ce peut tre :

    La certification des comptes de son entreprise ; La certification de son entreprise selon une norme dtermine ; Un certain niveau dassurance quant la conformit de tel ou tel aspect de ses activits ; La dtection de pistes de progrs ou la rsolution de difficults internes ou externes.

    Chacun de ces buts require des sources dinformation, des mthodes dinvestigation et de dmonstration trs diffrentes les unes des autres.

    C. Les rfrences (critres) daudit Les rfrences daudit sont innombrables. Dans les seuls domaines comptable et financier, on dnombre une cinquantaine de normes europennes IAS7 (auxquelles sajoutent les IAS+ pour les spcificits nationales) et une quarantaine de normes IFRS8. Dans le domaine du management de la qualit, par contre, une poigne de norme suffit.

    7 International Accounting Standard 8 International Financial Reporting Standard

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  • Leur nature est galement trs varie : lgale, rglementaire, contractuelle, normative, politique, procdurale, dengagement. Tout comme celle de leurs metteurs publics ou privs : institutions internationales ou nationales, groupements professionnels, ONG, entreprises etc. Mais ce nest pas cette profusion qui cre vritablement les distinctions entre audits. Le plus important est le sujet de leurs prescriptions. Ce peut tre :

    Des conditions remplir, des rsultats obtenir, des interdictions (travail des enfants, niveau de bruit dans les ateliers, dpenses de formation etc.) ;

    Des modles de fonctionnement (systmes de management de la qualit, de lenvironnement, de la sant et la scurit, des relations avec les parties prenantes etc.)9.

    L encore, ni les mthodes de recueil des informations, ni les sources, ni le type davis donn en conclusion ne sont pas les mmes dans lun et lautre cas.

    D. Le sujet audit Cest ce sur quoi porte linvestigation. En pratique, et notamment quand linvestigation porte sur un processus, les missions concernent les types de sujet suivants :

    a) Les politiques, stratgies, objectifs ; b) Les systmes spcialiss de management y compris dinformation ; c) La mise en uvre proprement dite et le fonctionnement ; d) Les rsultats obtenus quantitatifs et qualitatifs ; e) Lutilisation des rsultats.

    Mais il peut sagir aussi : f) Dun tat, dune situation, dun fonctionnement.

    Le type de sujet audit dtermine directement le rfrentiel pertinent mais aussi lorganisation densemble de la mission, les investigations mener, les lments de preuve fournir et le type davis mettre.

    E. Le secteur professionnel Les audits de conformit sur norme de systme de management ou les audits comptables et financiers sont rputs tout terrain . Lauditeur est cens passer sans difficult du secteur de la sant celui de la grande distribution, de laronautique lindustrie du logiciel, de la banque lagriculture. En pratique, il lui faut ncessairement acqurir pralablement les fondamentaux conomiques, techniques et sociaux du secteur. Cest ce quont bien compris les grands cabinets, qui spcialisent leurs auditeurs. La connaissance voire lexprience du secteur est encore plus ncessaire dans les autres types daudit, notamment dans le domaine social.

    9 Certaines rfrences relvent des deux catgories la fois. Et une mme mission peut tre fonde sur des rfrences appartenant aux deux catgories.

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  • F. Le type daudit Les buts viss et les rsultats attendus par le commanditaire dterminent le type daudit : conformit ou efficacit, parfois les deux. Si le commanditaire recherche une certification de son entreprise ou de ses comptes, ou une vrification de conformit sur un thme donn, la ou les rfrences utilises sont intouchables. Lauditeur recherche et pointe les carts, et donne un avis sur leur importance lissue dun audit de conformit. Cest le seul type daudit possible. Si le commanditaire cherche essentiellement progresser ou voir clair dans des difficults quil ne matrise pas, laudit doit non seulement mettre un avis sur le respect des rgles mais galement sur leur pertinence. La rgle nest plus intouchable ds lors quelle agit sur la performance. Il sagit l dun audit defficacit. Laudit defficacit peut comporter un diagnostic permettant de remonter aux causes des symptmes observs, ce qui est frquent en audit social. Ce nest jamais le cas en audit de conformit. Les deux types daudit peuvent bien entendu tre utiliss dans les missions lorsque les rfrences ne sont pas impratives. Chaque mission daudit semble donc devoir tre une combinaison spcifiques des dterminants que nous venons dnumrer. La grande varit de ces combinaisons pourrait faire oublier le cur commun de mthode qui les runit. Quelles sont les combinaisons pratiques que nous pouvons identifier ? Elles apparaissent lobservation des grands types de mission.

    3. Des pratiques que leurs praticiens cherchent exporter hors de leur territoire dorigine

    3.1. Les audits du chiffre, titulaires de lappellation dorigine

    Les commissaires aux comptes et les experts comptables mnent depuis fort longtemps des audits comptables et financiers. Les premiers dans le cadre dune mission dordre public, les seconds en excution dun contrat. Le rsultat de la mission est un avis sur les comptes donn son client par lexpert comptable, port la connaissance de la communaut conomique par le commissaire aux comptes, du fait de lobligation de publication. Les auditeurs se rfrent dans leurs investigations des normes comptables et des normes daudit dictes au plan international. Ils procdent des contrles exhaustifs ou par sondage, des vrifications directes, des questionnements de fournisseurs ou de clients, dans le souci de fiabiliser les informations recueillies. La dure des missions est trs variable. Lexamen du systme comptable existant nest pas un objectif en soi mais seulement un lment de jugement sur les comptes. Les commissaires aux comptes ont dsormais les auditeurs internes comme partenaires sur le sujet du contrle interne10. Il sagit l dun sujet qui devrait terme intresser les auditeurs de systmes de management. Les commissaires aux comptes examinent par ailleurs le rapport annuel sur le dveloppement durable que les prsidents des socits cotes doivent

    10 La loi NRE du 15 mai 2001fait obligation au prsident du conseil dadministration de rendre compte dans un rapport annuel des procdures de contrle interne mises en place par la socit. Ce rapport doit tre vis par le commissaire aux comptes. La vrification de lefficacit du contrle interne est galement dsormais une des missions essentielles des auditeurs internes.

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  • obligatoirement prsenter leur assemble. Mais ils ne le certifient pas. Les experts-comptables, par contre, ont largi leur champ dintervention laudit ( ?) ou la vrification de ce rapport.

    3.2. Les audits internes Les auditeurs internes observent et valuent les pratiques de gestion par rfrence aux procdures et consignes de leur entreprise, jamais sur la base de normes internationales de certification de systmes. Leur champ dintervention en matire de gestion est trs large puisquils doivent dsormais veiller la qualit du contrle interne. Ils ninterviennent pas dans le champ social et assez peu dans la gestion du personnel domaine gnralement rserv du DRH. Ils forment leurs constats partir de dossiers et denqutes. Mettant en vidence les carts entre la pratique et la rgle, ils mnent essentiellement des audits de type conformit. Cependant, les nouvelles normes professionnelles de lIIA11 confrent galement lauditeur interne un rle de conseiller de la direction dans le domaine de la gestion et de la protection des actifs. Le champ dintrt des auditeurs internes commence slargir la gestion des ressources humaines.

    3.3. Les audits sur normes de systme de management Les auditeurs de la qualit, de lenvironnement, de la sant et la scurit oprent sur la base de normes internationales fondes sur un modle unique management (ISO 9000) et spcifiques dun domaine particulier (ISO 14000, OHSAS 18001 ). Les auditeurs effectuent des missions visant tablir la conformit du systme de management particulier aux exigences de la norme de rfrence. Sur la base dinformations documentaires pour lessentiel, recueillies auprs des directions, ils mettent en vidence des carts quils hirarchisent. Les missions sont courtes (quelques jours). La certification de lentreprise est le but assign laudit. Elle permettra au commanditaire de mettre en valeur la reconnaissance obtenue dans un domaine particulier. Elle dpend du nombre et de la gravit des carts identifis. Schmatiquement : Il sagit daudits de conformit, de courte dure, pratiqus dans un cadre formalis et standardis. La norme ISO 9000 :2000 consacre plusieurs articles la gestion du personnel et des ressources humaines, thme qui entre de plus en plus dans les missions que mnent les auditeurs Qualit. Les auditeurs de systmes de management souhaiteraient que lISO dveloppe une norme en matire de systme de RSE, ce qui se heurte actuellement de fortes rsistances.

    3.4. Les audits de filires dapprovisionnement Les auditeurs de filire sillonnent le monde de lExtrme-Orient aux Indes, de lAmrique centrale et du Sud aux Pays de lEst. Ils mnent des missions annonces ou impromptues sur mandat des entreprises de la grande distribution, en rfrence des codes professionnels de conduite (CCC, ETI ) ou des normes prives (SA 8000, FLA ). Ces rfrentiels peuvent tre mixtes, additionnant des exigences portant sur des rsultats12 qualitatifs (pour lessentiel) 11 International Internal Auditors Association 12 Par exemple : interdiction du travail des enfants, libert dassociation etc.

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  • et des exigences relatives au systme de management. Tous se rfrent aux conventions OIT portant sur les droits fondamentaux des travailleurs. En une deux journes, aids par des interprtes locaux, ils rassemblent linformation requise par leur guide daudit et obtenue dans les documents fournis et les entretiens raliss. Le contrle des informations fournies est videmment difficile et certaines missions relvent davantage du recueil de dclarations non contrlables que de ltablissement de constats. In fine, les rapports adresss aux commanditaires et aux organismes certificateurs ont pour rle dclairer la dcision de poursuite ou dinterruption de la relation commerciale avec le fournisseur.

    3.5. Les audits sociaux

    3.5.1. Les audits sociaux historiques Laudit social au sens premier de lIAS ne repose pas sur une norme unique. Il rpond en effet des demandes trs diverses relatives aux risques sociaux, aux fonctionnements non conformes, inefficaces ou conflictuels, aux systmes inadapts. Chaque demande relve de rfrences particulires, de nature varie (lois, rglementations, normes, conventions, modles techniques etc.). Chacune ncessite la constitution dun rfrentiel spcifique et, au-del, dun guide daudit particulier. Les informations issues du terrain , aprs validation et croisement avec les donnes documentaires, tiennent une part trs importante dans la mise plat de la situation. Laudit social nest pas une tude en chambre et ceci le diffrencie nettement des audits comptables et de systmes de management. Lauditeur social est charg, selon les cas, dexaminer la conformit dun dispositif social, dvaluer la qualit dun fonctionnement et la pertinence des rgles qui sy appliquent, de clarifier des situations complexes et de trouver les causes des dysfonctionnements. Ses missions sont le plus souvent de moyenne ou longue dure. Pour les auditeurs sociaux, les audits de RSE font partie de laudit social. Le concept de parties prenantes , qui semble nouveau, est dj prsent dans laudit social interne. Les syndicats, le personnel, la hirarchie, la direction ainsi que les diverses administrations sociales ont toujours t considrs comme des parties prenantes de la situation audite. La RSE ne fait qulargir le nombre des protagonistes. Llargissement du champ hors des frontires de lentreprise leur apparat comme lgitime et ne pas poser de problme particulier.

    3.5.2. Les audits de RSE Laudit de RSE balbutie encore. Essentiellement parce que le champ de son intervention nest pas encore clairement dfini. Son sujet - ce sur quoi il porte - est diversement dfini. Sa nature - conformit ou efficacit - fait lobjet de dbats. Cette situation nest pas tonnante tant la confusion est grande concernant la RSE elle-mme. Une tude rcente13 mene avec le soutien de la Commission europenne rvle la grande diversit voire lopposition des points de vue sur son champ, ses buts et son valuation.

    13 Projet de certification europenne des auditeurs de RSE. Colloque de travail, mai 2005 Paris.

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  • Pour certains acteurs, la RSE inclue toutes les actions charitables que lentreprise dcide de mener volontairement. Dautres limitent son champ quelques thmes majeurs relevant de la responsabilit de lentreprise. Dautres, enfin, pensent quil doit tre dfini dans un dialogue responsable avec les parties prenantes. De plus, les entreprises nattendent pas la mme chose de leurs actions en matire de RSE. Certaines entreprises y voient dabord un moyen de se protger contre les critiques et une occasion de promouvoir limage de la firme. Elles font tout naturellement des rapports de RSE le centre de leur proccupation. Dautres ont mieux compris que la RSE allait devenir un lment stratgique du management. Elles dveloppent des programmes dintgration de la RSE tous les niveaux de leurs systmes de management et nattachent quune importance relative la production de rapports sduisants. Les analyses qui prcdent devraient tre compltes dindications sur le nombre des missions. Nous ne disposons pas dlments prcis mais des ordres de grandeur approximatifs : les audits comptables et financiers se comptent annuellement en centaines de milliers dans le monde, les audits qualit en dizaines de milliers, les audits environnement en milliers de mme que les audits sociaux si on y inclue les audits de filire. Plusieurs constats ressortent de ce qui prcde :

    Tous les audits ou presque sont de type conformit et aucun, lexception

    de laudit social, ne recherche les causes des symptmes observs ; Les sujets daudit sont gnralement spcifiques de laudit considr (les

    systmes pour les audits de management sur norme, la conformit dlaboration du rsultat dans le cas de laudit comptable et financier) la diffrence de laudit social qui peut tre utilis sur lensemble des sujets ;

    Partout, les professionnels sefforcent dlargir leur champ daction traditionnel des champs existants ou nouveaux et dy importer leurs mthodes et leurs faons de penser. Cest ainsi quil existe un risque de financiarisation des approches et de rduction des analyses la seule prise en compte des systmes.

    4. Dans ce contexte, quelle place pour laudit social ? A la question pralable est-ce un audit, une valuation ou un conseil, la rponse est : cest et cela doit rester un audit. Laudit social pratiqu depuis 1980 rpond en tous points aux caractristiques communes nonces plus haut. Lauditeur social, comme un commissaire aux comptes, met un avis pas une prescription. Et ne fournit pas un conseil ou une assistance opratoire. Certes un changement dappellation aurait pour avantage de dissiper des ambiguts en laissant le nom aux seules investigations de conformit. Mais il aurait le grave inconvnient de marginaliser la dimension efficacit dans laudit, et le diagnostic qui pourrait exister dans un audit de conformit sauf considrations conomiques. Le changement de nom, crant une barrire entre les auditeurs de la conformit et les autres ouvrirait la voie la financiarisation et au rductionnisme des valuations du

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  • champ social. Pour lex audit social, il y aurait risque daffadissement des mthodes et de forte subjectivit dans les avis donns. Laudit social a-t-il une spcificit ? Quel est son intrt ? La valeur ajoute par laudit social tient, nous lavons vu, dans la production dun diagnostic sans lequel il nest pas possible de trouver la bonne faon de traiter des dysfonctionnements complexes. Elle tient galement la libert accorde lauditeur de porter un jugement sur les rfrences non rglementaires ou lgales lorsquil mne un audit defficacit. Lentreprise peut alors amliorer lefficacit du cadre rglant le fonctionnement de ses activits et pas seulement le fonctionnement lui-mme. A la diffrence des autres audits, il est seul prendre en compte et faire participer lensemble des parties prenantes. Cest, et ce devra tre de plus en plus, un support du dialogue social. Il permet aux parties prenantes, externes et/ou internes, douvrir des rflexions et des ngociations sur une base factuelle, inconteste, de faon sereine. Quelles limites pour laudit social ? Ce sont celles au-del desquelles prvalent les techniques, lconomie et la gestion. En de de ces limites, laudit social doit tre contributif partout ou les dcisions et le comportement des hommes contribuent pour lessentiel la situation ou au rsultat observs. Quelle place pour laudit social ? Elle existe, bien quelle soit restreinte. Elle pourrait tre plus importante. Ltude europenne que nous avons cite plus haut a montr que des entreprises allemandes, espagnoles, franaises taient intresses par le concept et prtes des oprations exprimentales. In fine laudit social ne se dveloppera que sil dmontre sa capacit faire progresser les entreprises et les organisations. Et la place quil occupera sera la mesure de sa valeur ajoute. Sa pertinence et son originalit ny suffiront pas elles seules. Il faudra certainement y ajouter des actions de promotion centres non sur le mot mais sur les bnfices attendre ; et de nombreuses formations orientes vers les spcificits de ce type daudit. Nous devrons galement dvelopper des changes et collaborer de faon plus systmatique avec les auditeurs des autres spcialits, au plan europen.

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