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* Ce travail rend compte des résultats des fouilles me- nées en 2003 et 2004. Pour les campagnes postérieures (2005 à 2007), voir le bilan présenté sur le site internet de la fouille : www.mourirapompei.net. Le programme «Les rites et la mort à Pompéi» fait partie des programmes d’é- tude de l’École française de Rome en collaboration avec la Soprintendenza Archeologica di Pompei, le CNRS et l’U- niversité de Picardie. Il nous est agréable de remercier ici M. Gras et S. Verger de l’École française de Rome ainsi que P. G. Guzzo et A. d’Ambrosio de la Soprintendenza Archeo- logica di Pompei sans qui ce projet ne pourrait exister. 1 Et la participation de H. Bernier, M. Derreumaux, S. De Larminat, E. Rosso, A. Adam, F. Forest. 2 Scheid 1984. 3 Les résultats préliminaires des deux premières cam- pagnes sont énoncés dans Van Andringa, 2004a et b, 2005. 4 Les fouilles de 1954-1956 ont été publiées par D’Am- brosio, De Caro 1984. SÉBASTIEN LEPETZ ET WILLIAM VAN ANDRINGA ARCHÉOLOGIE DU RITUEL MÉTHODE APPLIQUÉE À L’ÉTUDE DE LA NÉCROPOLE DE PORTA NOCERA À POMPÉI* avec la collaboration 1 de Henri DUDAY (CNRS), Antoine GAILLIOT (Université de Paris 1), Dominique JOLY (Maison de l’Archéologie de Chartres), Tuija LIND (Université de Technologie de Helsinki), Véronique MATTERNE (INRAP), Marie TUFFREAU-LIBRE (CNRS), Sylvie COUBRAY (INRAP) L’examen des sources littéraires et épi- graphiques de l’époque romaine montre que la tombe est beaucoup plus qu’un lieu destiné à cultiver le souvenir d’un défunt ou qu’un lieu de représentation sociale. Dans la société ro- maine, le tombeau est avant tout un lieu de culte consacré aux dieux mânes, divinités col- lectives qui représentaient les défunts une fois leurs restes déposés et ensevelis 2 . Tenant compte de ce constat, l’objectif du programme de recherche sur la mort à Pompéi est de fouil- ler quelques tombes de la nécropole de Porta Nocera comme des lieux de culte, en adaptant la stratégie à la recherche des rituels célébrés dans et autour de la tombe 3 . La nature des rites funéraires – quelques gestes, des offrandes de fruits ou d’encens, des fumigations, des libations d’huile parfu- mée ou de vin, la consommation de mets sur la tombe – explique que les traces laissées par ces actes sont fugaces et que leur mise en évidence nécessite une collecte adaptée et un bon état de conservation des vestiges. Le choix de la zone d’étude s’est donc porté sur la nécropole de Porta Nocera dégagée en 1954 des matériaux volcaniques qui la recou- vraient. L’éruption de 79 ap. J.-C. a en effet permis la préservation des tombes dans leur état précédent la catastrophe, sans oublier que l’arrêt brusque de l’utilisation de la né- cropole a limité les perturbations habituelle- ment observées dans les nécropoles fréquen- tées sur la longue durée 4 . Le caractère particulier des vestiges recher- chés a impliqué, dès la première campagne, une fouille fine des niveaux archéologiques. Ont été mis en œuvre une stratégie de collecte systématique avec un relevé en trois dimen- sions du matériel archéologique (galets et blocs de pierre inclus) ainsi qu’un enregistrement in- formatique établi à partir d’une base de don- nées intégrant la totalité des informations ré-

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* Ce travail rend compte des résultats des fouilles me-nées en 2003 et 2004. Pour les campagnes postérieures(2005 à 2007), voir le bilan présenté sur le site internet de lafouille : www.mourirapompei.net. Le programme «Lesrites et la mort à Pompéi» fait partie des programmes d’é-tude de l’École française de Rome en collaboration avec laSoprintendenza Archeologica di Pompei, le CNRS et l’U-niversité de Picardie. Il nous est agréable de remercier iciM. Gras et S. Verger de l’École française de Rome ainsi que

P. G. Guzzo et A. d’Ambrosio de la Soprintendenza Archeo-logica di Pompei sans qui ce projet ne pourrait exister.

1 Et la participation de H. Bernier, M. Derreumaux,S. De Larminat, E. Rosso, A. Adam, F. Forest.

2 Scheid 1984.3 Les résultats préliminaires des deux premières cam-

pagnes sont énoncés dans Van Andringa, 2004a et b, 2005.4 Les fouilles de 1954-1956 ont été publiées par D’Am-

brosio, De Caro 1984.

SÉBASTIEN LEPETZ ET WILLIAM VAN ANDRINGA

ARCHÉOLOGIE DU RITUEL

MÉTHODE APPLIQUÉE À L’ÉTUDE DE LA NÉCROPOLE DE PORTA NOCERA À POMPÉI*

avec la collaboration1 de Henri DUDAY (CNRS), Antoine GAILLIOT (Université de Paris 1), Dominique JOLY

(Maison de l’Archéologie de Chartres), Tuija LIND (Université de Technologie de Helsinki), Véronique MATTERNE (INRAP),Marie TUFFREAU-LIBRE (CNRS), Sylvie COUBRAY (INRAP)

L’examen des sources littéraires et épi-graphiques de l’époque romaine montre que latombe est beaucoup plus qu’un lieu destiné àcultiver le souvenir d’un défunt ou qu’un lieude représentation sociale. Dans la société ro-maine, le tombeau est avant tout un lieu deculte consacré aux dieux mânes, divinités col-lectives qui représentaient les défunts une foisleurs restes déposés et ensevelis2. Tenantcompte de ce constat, l’objectif du programmede recherche sur la mort à Pompéi est de fouil-ler quelques tombes de la nécropole de PortaNocera comme des lieux de culte, en adaptantla stratégie à la recherche des rituels célébrésdans et autour de la tombe3.

La nature des rites funéraires – quelquesgestes, des offrandes de fruits ou d’encens,des fumigations, des libations d’huile parfu-mée ou de vin, la consommation de mets surla tombe – explique que les traces laisséespar ces actes sont fugaces et que leur mise

en évidence nécessite une collecte adaptée etun bon état de conservation des vestiges. Lechoix de la zone d’étude s’est donc porté surla nécropole de Porta Nocera dégagée en1954 des matériaux volcaniques qui la recou-vraient. L’éruption de 79 ap. J.-C. a en effetpermis la préservation des tombes dans leurétat précédent la catastrophe, sans oublierque l’arrêt brusque de l’utilisation de la né-cropole a limité les perturbations habituelle-ment observées dans les nécropoles fréquen-tées sur la longue durée4.

Le caractère particulier des vestiges recher-chés a impliqué, dès la première campagne,une fouille fine des niveaux archéologiques.Ont été mis en œuvre une stratégie de collectesystématique avec un relevé en trois dimen-sions du matériel archéologique (galets et blocsde pierre inclus) ainsi qu’un enregistrement in-formatique établi à partir d’une base de don-nées intégrant la totalité des informations ré-

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106 SÉBASTIEN LEPETZ ET WILLIAM VAN ANDRINGA

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Fig. 1 – Les rites et la mort à Pompéi : schéma synthétique de l’approche méthodologique.

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107LA NÉCROPOLE DE PORTA NOCERA À POMPÉI

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108 SÉBASTIEN LEPETZ ET WILLIAM VAN ANDRINGA

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5 Cf. la présentation de la base de données par D. Jolydans cet ouvrage.

6 Le dossier épigraphique de la tombe a été présenté enjanvier 2005 lors d’une séance de la Société Française d’E-

pigraphie Romaine. Cette présentation tient compte desremarques du public qu’il nous est agréable de remercierici, en particulier N. Belayche et J.-L. Ferrary.

coltées sur le terrain et des analyses menées enparallèle5. La qualité de la collecte et de l’enre-gistrement des données est en effet une étapeessentielle dans la caractérisation des rituelsétudiés. Elle relève aussi d’une méthode inter-disciplinaire faisant intervenir dès la phase defouille les différentes disciplines de l’archéolo-gie qui sont ainsi susceptibles d’aborder aumieux la diversité des vestiges issus de la fré-quentation de l’espace funéraire (ossementshumains et animaux, céramiques, restes végé-taux, résidus organiques, pollens). Cela a étéparticulièrement utile dans la stratégie adoptéepour l’échantillonnage et le tamisage des sédi-ments prélevés : la totalité de la terre destombes et une partie des niveaux d’occupationet de remblais ont été passées à l’eau sur des ta-mis de 1.5 mm et 0.5 mm. Ce type de traite-ment a permis la récolte des vestiges carpolo-giques, de l’ensemble des charbons de bois etdes rares petits os (notamment de poissons) quin’avaient pas été vus lors de la fouille.

Un autre objectif de la méthode utilisée estd’entreprendre l’étude archéologique dans uncontexte historique maîtrisé. Ainsi, l’existencea-t-elle été déterminante, dans le choix de lazone fouillée, d’un dossier épigraphique nousrenseignant sur les titulaires de la concessionfunéraire et sur les modalités de sa mise enplace. Enfin, relevons qu’à Pompéi, le ques-tionnement archéologique peut faire inter-venir les sources littéraires documentant lamort à l’époque romaine : en effet, la nécro-pole étudiée est celle d’une colonie romainefondée en 80 av. J.-C., ce qui permet d’élargirles perspectives de la recherche pour aborderdes phénomènes aussi essentiels que le statutdu défunt, les comportements liés à la mort oula définition du tombeau propres à la sociétéromaine (fig. 1 et 2).

Au total, la méthode a pour objectifs princi-paux :

1 – de caractériser les différentes séquencesrituelles qui accompagnaient d’une part la pu-rification des vivants souillés par la mort,

d’autre part la transformation du cadavresouillure en défunt susceptible de recevoir unculte funéraire,

2 – de reconnaître les étapes de cette trans-formation, de l’incinération du mort sur le bû-cher à la mise au tombeau de ses restes et à lacélébration du culte funéraire,

3 – de cerner la signification, l’importanceet la richesse des rituels mis en évidence, sacri-fices, offrandes, libations, gestes et dépôts di-vers.

4 – de préciser éventuellement la variété etla nature des phénomènes observés d’unetombe à l’autre, en fonction du statut des dé-funts : âge, sexe, rang social, etc.

1. UN CONTEXTE MAÎTRISÉ : ÉPIGRAPHIE

ET HISTOIRE DE L’ENCLOS 23 OSDE LA NÉCROPOLE DE PORTA NOCERA

L’analyse des inscriptions encore en placesur le site a donné un certain nombre d’infor-mations concernant l’histoire de l’aire funé-raire6. Ces indications complétées par la dé-couverte de nouveaux textes sont prises encompte dans le questionnement archéologiqueet autorisent au final un enrichissement subs-tantiel du champ d’étude.

La tombe de Vesonius et les tombeaux mitoyens

La zone étudiée est composée d’une sériede tombeaux alignés sur la route de Noceraqui longe la muraille pour rejoindre la porte deStabies. La fouille est pour l’instant centréesur l’enclos funéraire 23 OS. Construit en opusincertum et haut de 1.5 m en moyenne, celui-ciest de forme irrégulière et délimite un espaced’environ 40 m2 à l’intérieur duquel sont ali-gnées 21 stèles anthropomorphes répertoriéesà ce jour (fig. 3 et 4). Ces dernières constituentle marquage des tombes et se dressent au pieddu mur à une distance variant de 10 à 50 cm.Dans la partie nord de l’enclos et face à laroute fut construit un monument funéraire

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Fig. 3 – L’enclos 23 OS vu de la route.

Fig. 4 – Plan de l’enclos; situation des stèles et limites de la fouille au 31 juillet 2004. La tombe 23 OS de Vesonius Philerosest encadrée de deux tombes appartenant à d’autres affranchis de femme.

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110 SÉBASTIEN LEPETZ ET WILLIAM VAN ANDRINGA

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7 Cf. D’Ambrosio, De Caro 1984, fiche 21 OS et 25a OS.8 Précisons que la fouille est en cours et que donc les ré-

sultats présentés dans cet article n’ont de valeur que mé-thodologique. Il est en effet nécessaire d’attendre la fin de

la fouille qui confirmera ou non les hypothèses de travailénoncées.

9 D’Ambrosio, De Caro 1984, fiche 23 OS et AE 1986,166 (lecture fautive).

Fig. 5 – Façade du monument. Les trois statues funérairessont à l’aplomb de la dédicace du tombeau qui détaille lenom et les qualités du titulaire et des personnes admises àrésider dans l’enclos. La table de défixion est placée

en dessous.

formé d’un haut podium surmonté d’un édi-cule à fronton dont la partie haute a été restau-rée après 1954. Dans le podium fut aménagéeune niche voûtée, tournée vers l’intérieur del’enclos. La stèle épigraphe confirme que cetespace ménagé sous le podium était destiné àrecevoir les restes du titulaire de l’enclos, Pu-blius Vesonius Phileros. La dédicace du tom-beau précise enfin que celui-ci est un affranchid’une certaine Vesonia dont les restes inciné-rés furent déposés dans le même enclos(fig. 5). La concession fondée par Phileros apris place au sein d’une zone funéraire biendocumentée par l’épigraphie. Il est ainsi pos-sible d’établir que les tombeaux mitoyens 21OS et 25a OS accueillent également des affran-chis de Gaia on trouve dans l’enclos 21 latombe de Stallia Haphe, affranchie de Gaiaalors que la dédicace de la tombe 25a indiqueque la propriétaire était Castricia Prisca, elleaussi affranchie de Gaia, décédée à 25 ans7. Laformulation est ici générique, indiquant qu’ils’agit chaque fois d’affranchis de femme. Lesgentilices des titulaires des tombes 21 OS et25a OS montrent en effet qu’il s’agit de fa-milles différentes8.

L’identité des défunts accueillis dans l’enclos23 OS

Tourné vers la route, le monument funé-raire construit par Publius Vesonius conserveencore sa dédicace. Celle-ci est inscrite sur unegrande plaque en marbre blanc et se développesur trois colonnes9 :

P(ublius) Vesonius, G(aiae) l(ibertus), / Phileros,augustalis / vivos monument(um) / fecit sibi et suis; /Vesoniae, P(ublii) f(iliae), / patronae et / M(arco) Or-fellio, M(arci) l(iberto), / Fausto, amico.

La dédicace permet d’identifier le titulairede l’enclos, mais également les groupes de dé-funts admis à y résider. Le tombeau a étéconstruit par P. Vesonius Phileros, un affran-chi, de son vivant, pour lui et pour deux autrespersonnages, sa patronne, une citoyenne, Ve-

sonia et son ami, un certain M. Orfellius Faus-tus. A chaque personne correspond une statuefunéraire disposée à l’aplomb du nom, dansl’édicule. La mention et suis fut ajoutée a pos-teriori indiquant que les membres de la famillede Phileros furent dans un deuxième temps ac-cueillis dans la concession funéraire (l’ajout dumot suis à la quatrième ligne a été fait sur unesurface surcreusée par le lapicide pour effacerune première gravure : on distingue encore leslettres meis du premier essai). Deux groupesdistincts de défunts étaient par conséquent ad-mis dans l’enceinte funéraire, d’une part la fa-mille du titulaire du tombeau (le sibi et suis de

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10 Cf. De Visscher 1964 et réf. dans Elefante 1985, 432.

Fig. 6 – Situation et attribution des stèles localisées au pied du monument.

l’inscription), d’autre part des hôtes parti-culiers dont le lien officiel avec Phileros estprécisé : il s’agit de la patrona et de l’amicus.Une telle situation est conforme au droit sé-pulcral romain qui prévoyait la possibilitéd’associer des tiers (amis, clients ou patrons) àl’utilisation d’un tombeau, moyennant un actede vente ou de donation10 : ce sont ici les quali-

tés de patrona et d’amicus qui justifient l’ad-mission de Vesonia et de Faustus dans laconcession.

Une autre question posée par le dossier épi-graphique est par conséquent celle de la ges-tion de l’espace funéraire et de l’emplacementaccordé dans l’enclos à ces deux familles dedéfunts (fig. 6). Concernant les membres de la

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11 L’inscription est mentionnée sans localisation précisepar D’Ambrosio, De Caro 1984, fiche 23 OS.

12 Sur la tombe de Faustus, voir le résultat des fouillesrécentes sur www.mourirapompei.net.

13 D’Ambrosio, De Caro 1984, fiche 23 OS et com-

mentaires d’Elefante 1985.14 Voir en premier lieu Graf 1994. Ce document comme

l’ensemble de la documentation épigraphique seront étu-diés en détail dans la publication de la fouille.

15 Pompei oltre la vita, 100-101.

famille de Phileros, la stèle d’un P(ublius) Ve-sonius Proculus11, mort à 13 ans, trouvée de-vant le monument semble montrer que ceux-ciont pris place devant le monument funéraireou alors devant les tombes du premier encloscomme l’indique l’emplacement de la tombe15, bien datée de la période postérieure à 62 etlocalisée devant les tombes 16 et 22. Quant à lapatronne de Phileros, une stèle inscrite permetde localiser sa tombe (tombe 2) à une place dechoix, devant le monument funéraire, parmiles membres de la famille de Phileros. Aucuneinscription ne permet en revanche et pourl’instant de localiser l’incinération d’OrfelliusFaustus, mais il est bien possible que la sépul-ture de ce dernier ait été prévue à l’intérieur dela niche (tombe 23). En effet, la stèle de Phile-ros est sans raison apparente décalée vers ladroite. Or, à gauche, fut découvert lors de ladernière campagne ce qui semble être la based’une stèle en pierre de lave : cette stèle a étéarasée dans l’Antiquité et correspond peut-êtreau marquage de la tombe de Faustus, ce quenous saurons lorsque nous fouillerons lachambre funéraire de Phileros12.

Rituel de défixion et procédure d’exclusion dutombeau

Le sort donné à la sépulture de Faustuss’inscrit dans un contexte bien particulier, re-laté par une deuxième inscription gravée surune plaque insérée dans la façade du monu-ment, juste au-dessous de la dédicace du tom-beau (fig. 5). Cinq tenons en fer permettent demaintenir la plaque en calcaire simplementencastrée dans l’épaisseur de l’enduit (dim.38,8 × 80,3 cm). L’inscription se développe sur8 lignes et raconte une mésaventure subie parle titulaire du tombeau, Phileros, qui fut traînédevant les tribunaux par «celui qu’il avait es-péré être un ami»13 :

Hospes paullisper morare/si non est molestum etquid euites/cognosce amicum hunc quem/sperave-

ram mi esse ab eo mihi accusato/res subiecti et iudi-cia instaurata; deis/gratias ago et meae innocentiaeomni/molestia liberatus sum; qui nostrum mentitur/eum nec di Penates nec Inferi recipiant

Comme l’a montré M. Elefante, on peut re-connaître dans ce document une table de dé-fixion. Ce type de procédure permettait d’invo-quer la justice divine pour des motifs divers14 :une déception amoureuse, un vol, une compéti-tion, une affaire commerciale ou juridique. Phi-leros, victime d’une accusation publique, en ap-pelle aux Pénates et aux dieux d’en bas, cela surson tombeau destiné à accueillir les deux prota-gonistes de l’affaire : «que celui de nous qui amenti, ni les Pénates, ni les Enfers ne l’ac-cueillent». Le caractère solennel de la prièreadressée aux passants et aux dieux est symboli-sé par un clou fiché au centre de la plaque trèsexactement entre meae et innocentiae. Ce clou,prévu dans l’ordinatio comme l’indique un sur-creusement de la pierre ménagé à cet endroit, seréfère à une pratique magique qui permettait defixer pour toujours la valeur de la parole pro-noncée : ici, c’est l’innocence de Phileros qui esten jeu. Cela renvoie à une pratique magiquebien attestée sur les plaquettes de défixion, ain-si par exemple sur des exemplaires retrouvésdans la nécropole du Fondo Iozzini à Pompéi15.Sans rentrer dans les détails et d’un point de vuestrictement méthodologique, la présence d’untel document a des implications précises sur lastratégie de fouille. On peut en effet penser quela procédure en question a motivé des prières,des sacrifices ou d’autres gestes à destinationdes dieux évoqués, les Pénates et les Enfers etces pratiques ont pu laisser des traces archéo-logiquement détectables dans les tombes d’Or-fellius Faustus et de Vesonius Phileros. Les ritesen jeux sont d’autant plus importants à mettreen évidence que l’admission de Faustus dansl’enclos funéraire a été validée par la dédicace.Manifestement, la pratique de la défixion quirenvoyait à la justice divine, évitait de rompre lecontrat juridique de concession, ce qui ex-

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113LA NÉCROPOLE DE PORTA NOCERA À POMPÉI

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16 Castren 1975, 238.

pliquerait pourquoi la dédicace a conservé lenom de Faustus. L’étude de cet enclos est parconséquent susceptible de nous renseigner surd’autres types de rituels que funéraires, concer-nant une procédure d’exclusion du tombeau.

Le statut du titulaire de l’enclos 23 et la placedes affranchis dans la cité

Publius Vesonius Phileros est désormaismieux connu grâce à la découverte de nou-velles inscriptions. On savait, grâce à la dédi-cace, qu’il était le titulaire de l’enclos. Un ra-jout sur l’inscription précise en outre qu’il aété augustal après la constitution du tombeau,autrement dit sous Néron ou Vespasien. Cettecharge indique que Vesonius faisait partie dugroupe des affranchis les plus en vue de la cité,le rang étant confirmé par l’emplacement de latombe, situé à peu de distance de la Porte deNocera, dans un alignement de monumentsconsacrés à des membres de l’élite de Pompéi.Le nom de Phileros figure également sur lastèle signalant sa sépulture : P(ublius) Veso-nius / Pileros (sic). On sait désormais, grâce àla fouille, qu’il tenait particulièrement à mon-trer qu’il était le propriétaire de l’enclos. En ef-fet, la campagne de 2004 a révélé deux nou-velles inscriptions mentionnant son nom : lapremière est réalisée avec des barrettes depierre de couleur noire qui étaient inséréesdans l’enduit frais scellant sa tombe. La partiedroite de l’inscription a été détruite lors desfouilles de 1954. Il est probable que le cogno-men était inscrit sur une deuxième lignecomplètement disparue : P(ublius) Ve[sonius /Phileros]. La seconde apparaît sur une pierrede lave utilisée comme crapaudine à l’entréede l’enclos : P(ublius) Vesoni(us) / Phileros.

Avec ces derniers documents, les pièces dupuzzle s’agencent peu à peu, l’information ap-portée par l’épigraphie complétant utilementles données archéologiques et le questionne-ment appliqué sur la fouille. En l’état du dos-sier, l’histoire de la concession funéraire peutêtre restituée ainsi : affranchi par Vesonia, re-présentante d’une famille importante de Pom-

péi qui a donné un duumvir et un candidat auduumvirat à l’époque impériale16, Phileros estdevenu riche et a construit le monument deson vivant au milieu du premier siècleap. J.-C., cela peut-être sur un domaine funé-raire appartenant aux Vesonii. Le monumentde Phileros fut inauguré par une dédicace enbonne et due forme qui précise l’admission desmembres de sa famille ainsi que de Vesonia etde Faustus aux titres de patrona et d’amicus.Or, l’ami en question a traîné Phileros devantles tribunaux. Ce dernier a réussi à se défairedes accusations dont il était l’objet. L’amicusne fut pas exclu juridiquement de la conces-sion, mais Phileros recourut à la pratique ma-gique de la défixion en appelant les dieux à nepas accueillir l’individu en question dans letombeau. Que s’est-il passé alors très exacte-ment? La fouille permettra peut-être de le dire.Alors que Phileros avait obtenu le titre d’au-gustal qui le rangeait parmi les affranchis lesplus influents de Pompéi, celui-ci est mort,sous Néron ou Vespasien. Sa tombe fut doncaménagée sous le monument funéraire, mar-quée par une stèle épigraphe en marbre blanc.Un sol en enduit reçut également le nom dudéfunt, de façon à montrer que l’emprise de latombe s’étendait désormais à l’ensemble de laniche et occupait peut-être le territoire d’unedeuxième tombe signalée par une stèle arasée.

Outre ces raisons circonstancielles, la répé-tition du nom de Phileros était surtout destinéeà affirmer que l’enclos avait changé de titulaire.Il s’agissait d’indiquer un changement de pro-priétaire, cela dans un lieu prééminent de la né-cropole, près de la porte de la ville, dans le voi-sinage de tombeaux monumentaux abritantdes magistrats de la première génération de lacolonie et l’une des familles les plus en vue de lacité, les Eumachii. Dans ce cas précis, l’archéo-logie funéraire nous amène de toute évidencesur le terrain de l’histoire sociale, la fouille per-mettant de documenter l’émergence d’une fa-mille d’affranchis et son intégration dans la so-ciété pompéienne des années 50-79 ap. J.-C. Cetémoignage n’est pas isolé; il est conforté pard’autres tombeaux retrouvés dans la même né-cropole et dans celle de la porte d’Herculanum

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114 SÉBASTIEN LEPETZ ET WILLIAM VAN ANDRINGA

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17 Cf. Los 1996.18 Scheid 1984.19 Depuis l’écriture de l’article, deux aires de crémation

ont été fouillées derrière les enclos 21 et 25a OS.20 D’Ambrosio, De Caro, 1987.21 De Caro 1979.

Fig. 7 – Enclos C Nord, fouille D’Ambrosio et De Caro;on distingue à gauche un monticule de cendres et decharbons de bois correspondant aux restes du bûcher,

d’après D’Ambrosio et De Caro 1987, pl. 31 d.

qui indiquent l’importance sociale revendiquéeet prise par les affranchis dans la dernière géné-ration de Pompéi17.

2. FUNÉRAILLES, MISE AU TOMBEAU

ET COMMÉMORATION DES MORTS :LES TRACES DE RITUELS

Divers gestes et activités intervenaient lorsde la crémation du corps et de la mise au tom-beau des restes incinérés ainsi que lors des cé-rémonies célébrées en l’honneur des défunts. Àchaque étape étaient impliqués des fruits, desgraines, de la viande, de la vaisselle, des balsa-maires, des lampes et d’autres matières qu’ilfaut encore déterminer (de la résine a été iden-tifiée sur des tessons de céramique). Si lesgestes qui ont conduit à l’usage ou au rejet desvestiges en question sont bien distincts dans ledéroulement des rites, leurs successions dansle temps, la circulation sur les sols et les rema-niements des niveaux archéologiques peuventêtre à l’origine d’une imbrication de ces traces.Un des enjeux de la méthode employéeconsiste justement à démêler l’écheveau afinde bien différencier chacun des fils.

Les bûchers

Des données textuelles, on retient d’abordqu’une série de pratiques décisives intervenaitlors de la crémation du cadavre, pratiques des-tinées à marquer la séparation du mort et desvivants18. Aucune trace de bûcher n’a été en-core localisée dans l’aire funéraire fouillée19,mais ceux-ci ont été signalés par d’autresfouilles menées dans la même nécropole, sousla forme de restes composés de charbons debois et de cendre rassemblés dans l’enclospour former un petit tertre. Ainsi, dans le tron-çon dégagé en 1983, A. D’Ambrosio et S. DeCaro signalent-ils, dans l’enclos C nord, unmonticule de cendres et de charbons à l’em-placement de l’ustrinum20 (fig. 7). Un autremonticule présentant les mêmes caractéris-

tiques est également répertorié dans l’enclos Enord qui abrite une famille d’affranchis. Undeuxième cas de figure est attesté à Pompéi,celui du dépôt des restes du bûcher à l’inté-rieur de la tombe, dans la fosse accueillantl’urne. C’est le cas par exemple de la tombed’Obellius Firmus provenant de la nécropolede la Porte de Nola21 : un tertre composé decharbons de bois, de cendres et de fragmentsd’ossements ouvragés à moitié consumés ap-partenant au lit funéraire, fut placé dans latombe et recouvert de tuiles disposées en bâ-tière. C’est également le cas de la tombe 21 del’enclos 23 OS : les restes du bûcher furent dé-posés au pied de l’urne contenant les os inciné-rés du défunt. La poursuite de la fouille devraessayer de préciser les modalités de ramas-sage, de nettoyage, de déplacement et de dépôtdes vestiges des bûchers, autant de phéno-mènes qui entrent de toute évidence dans ladéfinition des tombeaux, mais qui ne sont pasdocumentés par les sources textuelles.

La présence de tombes bûchers à l’inté-rieur des enclos funéraires est également at-testée à Pompéi, notamment par les fouillespratiquées en 1996/97 dans la nécropole de la

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22 A. Lagi et G. Stefani, in : Pompei oltre la vita, p. 61 sq.23 G. Stefani, Le sepolture della tomba dei Barbidii (15

ES), dans : Pompei oltre la vita, 63-70.24 Sur l’offrande de munera funèbres, Ovide, Tristes, 3,

3, 81. Toutefois, chez Pline, Ep. 4, 2; Virgile, Aen. 6, 224-225 et Apulée, Flor. 19, ces présents sont disposés avant oupendant l’incinération.

25 Cic. De leg., 2, 22.26 A. Lagi, La tomba di Eumachia, in : Pompei oltre la

vita, p. 76-81. Sur l’autel funéraire, D’Ambrosio, De Caro,1984, fiche 11 OS, no 19.

27 Fabre, Pernaud et Thiébault 2003.28 Etude inédite de S. Coubray.

Fig. 8 – Proportions relatives des essences de boisreconnues dans l’enclos (niveaux d’occupation – Étude

inédite de S. Coubray).

Porte de Nocera par A. Lagi et de G. Stefani22.La tombe 15 E/S de Barbidius Communis –un affranchi de rang important puisqu’il a étémagister pagi – a ainsi livré les vestiges d’unetombe bûcher (bustum) aménagée au centrede l’enclos23. La fosse présentait des traces im-portantes de combustion et six tuiles en bâ-tière furent disposées sur le corps incinéré :les ossements calcinés ont en effet été retro-uvés en position anatomique sur un lit dontles traces de la structure en bois étaient vi-sibles. Sur les cendres, une fois le bûcheréteint, fut dispersé du petit mobilier : des ob-jets en os, en céramique, en cristal, en corna-line, en ambre, en verre, en argent ainsi quetrois monnaies et trois coquillages. Une struc-ture analogue a été reconnue, aménagée dansla terrasse précédant le mausolée d’Eumachia.De la même façon, des objets précieux furentdisposés sur l’incinération, peut-être celled’Eumachia selon A. Lagi, incinération qui futensuite protégée par un toit en bâtière. Il s’a-git ici de toute évidence des munera (présents)offerts au défunt24, non pas pendant l’inciné-ration, mais une fois le bûcher éteint et lecorps incinéré. Il est possible qu’il faillemettre ces offrandes en relation avec la fer-meture de la tombe. Du moins, de tels ritessemblent-ils entériner la transformation ducadavre en défunt, la constitution du tombeau(effectif lorsque les restes du défunt étaientensevelis) et du respect religieux qui l’envi-ronne, pour reprendre un commentaire de Ci-céron25. Significative d’ailleurs est l’étape sui-vante puisqu’il semble que l’on dressa surl’emplacement du bustum d’Eumachia un au-tel funéraire dont les vestiges furent retrouvésà proximité26.

Bien que ne provenant pas directement dubûcher, de nombreux vestiges prélevés dansl’enclos de Vesonius Phileros peuvent être misen relation avec la crémation du corps. Des

fragments de balsamaires fondus indiquentque la zone de crémation n’est pas très éloi-gnée et que des contenants en verre pouvaientêtre déposés dans le brasier. Les charbons debois sont une autre catégorie d’artefacts parti-culièrement intéressants à étudier. L’objectifde l’analyse serait de définir des choix dansl’utilisation des essences et des modules debranches et de rondins. Des travaux récents27

ont montré, pour la Gaule romaine, que la ré-colte des bois n’était pas de type opportuniste,répondant à des critères précis de combustibi-lité, de facilité d’approvisionnement voire desélection symbolique. Le croisement avec desdonnées provenant d’autres tombes et de l’es-pace urbain permettra de dire si de tels cri-tères intervenaient dans l’alimentation des bû-chers de la nécropole de Porta Nocera. Lespremiers résultats issus principalement desniveaux d’occupation de l’enclos font mentiond’une forte présence du noyer et du chênevert28 (fig. 8).

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29 Voir l’exemple développé par H. Duday dans ce vo-lume.

Fig. 9 – Coffre en tegulae dans la tombe 21.

Fig. 10 – Niveau de circulation et tombes de la partie sudde l’enclos.

Les tombes de l’enclos 23 OS

Aspect et marquage des tombes

À l’exception de quelques inhumations dejeunes enfants29, les tombes se présentent sousla forme d’une fosse accueillant un récipientcontenant les restes incinérés du défunt.L’urne déposée peut être une amphore ou unvase culinaire; une tombe en cours de fouillerévèle par ailleurs la présence d’un coffre entegulae (fig. 9). Dans la majorité des cas, latombe est ensuite scellée par une dalle en laveou en marbre placée devant la stèle (voirfig. 6). Dans le cas des tombes 17 et 18 dépour-vues de plaque de scellement, l’espace devantles stèles est occupé par une succession de pe-tits blocs de lave ou de calcaire disposés en arcde cercle qui appartenaient peut-être auxcontours d’un petit tertre (fig. 10). La fouille amontré que certaines tombes étaient très pro-fondes. Leur creusement a par conséquent en-traîné l’extraction de grandes quantités deterre. Cela a eu comme incidences majeuresl’exhaussement continu du niveau de l’encloset le scellement régulier des vestiges d’occupa-tion si bien qu’il a été nécessaire pour lestombes 17 et 27 de redélimiter l’emprise destombes au fur et à mesure de leur recouvre-

ment, manifestement de façon à pouvoir per-pétuer les rites.

Les dispositifs à libation et l’honneur renduaux défunts

Le caractère essentiel des rituels célébréspour les morts est confirmé par le soin donnéà l’aménagement des conduits à libation. Sur17 tombes dont les dispositifs de fermeturesont conservés, 10 présentent un orifice pourles libations, indiquant clairement l’impor-tance donnée à ce geste.

Le conduit peut être constitué d’un tubeen céramique disposé verticalement (tombe20; fig. 11), parfois accompagné d’un enton-noir (tombe 21) ou peut être aménagé dansle récipient lui-même, comme c’est le casdans la sépulture 15 : le fond de la panse del’amphore a été sectionné et placé vers lehaut. Un bouchon constitué d’un pied d’am-phore fermait l’ouverture, mais restait amo-vible.

Les dispositifs fouillés dans les tombes 19et 21 indiquent que tout était mis en œuvrepour rendre fonctionnels de tels aménage-ments. Ainsi, dans la tombe 19, une encochesemi-circulaire était ménagée dans le bloc defermeture aboutissant à un déversoir placé de

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30 C’est aussi le cas de la tombe d’Obellius Firmus situéedans la nécropole de Porta di Nola, De Caro 1979.

Fig. 11 – Tube à libation de la tombe 20.

Fig. 12 – Tombe 19 après enlèvement de la plaquede scellement. On remarque le déversoir placé sur le conduit

qui rattrape le décalage avec l’encoche de la plaque.

Fig. 13 – Balsamaires brisés autour de la stèle de la tombe17. Dans les niveaux inférieurs, les balsamaires en verre

sont remplacés par des balsamaires en terre cuite.

manière à rattraper le décalage avec le col del’amphore qui servait de conduit (fig. 12). Dansla tombe 21, l’embout d’un entonnoir renverséétait raccordé au col de l’urne grâce à un tubeprélevé sur un col d’amphore. Ainsi, le liquidedes libations pouvait être, comme pour latombe 19, versé directement sur les restes desdéfunts. Une telle observation est conforme àla prescription testamentaire de CominiusAbascantus formulée sur une inscription de

Misène. Le texte recommande en effet que l’onverse du nard sur ses restes (super reliquiasmeas). Des nombreux fragments de balsa-maires en verre ou en terre cuite retrouvésdans les niveaux d’occupation de l’enclos, ondéduit que c’est bien de l’huile parfumée quel’on utilisait en priorité pour honorer lesmorts. Sur le sens précis du rituel, il faudra at-tendre la fouille de l’ensemble des dispositifsen question. En effet, d’autres aménagements(tombes 2 et 6) indiquent que les libationspouvaient aussi aboutir dans le fond de lafosse, près de l’urne30 : dans ce cas, c’est latombe dans son ensemble, domaine desombres et des dieux mânes, qui recevait le li-quide.

La pratique est également attestée par laquantité importante de fragments de balsa-maires et de gobelets jonchant le sol autourdes stèles 15, 16, 17 et 19 (fig. 13). On peut pen-ser que les balsamaires, une fois vidés et brisésétaient jetés près de la stèle. Un deuxième typede rite paraît intervenir, que l’on peut déduirede la présence de nombreux débris de coupeset de gobelets à paroi fine pouvant contenir unproduit autre que du parfum (vin? lait?miel?....), autant d’offrandes connues par les

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31 Scheid 1984.32 Cic. De leg., 2, 22; Virg. Aen. 3, 66-68.

Fig. 14 – Fiole retrouvée intacte dans le comblement de lafosse de la tombe 27.

textes. La fragmentation du matériel s’ex-plique par le passage et le piétinement dus à lafréquentation de l’enclos : ces niveaux corres-pondent de toute évidence à des niveaux decirculation. Il est aussi probable que ces ob-jets, une fois utilisés, étaient systématique-ment brisés : tous les récipients en verre retro-uvés sont en effet cassés, même ceux rejetésderrière les stèles, donc dans des endroits apriori mieux protégés.

La place des rituels dans la définition destombes

La fouille des tombes indique que des pra-tiques rituelles intervenaient également lorsde la mise en terre des restes des défunts.Pouvoir cerner autant que possible la placedes rites dans la constitution du tombeau im-plique une fouille minutieuse des remplis-sages des tombes. La documentation précisedes différentes séquences de l’aménagementdes tombes montre par exemple que certainespièces de mobilier sont beaucoup plus que desimples offrandes déposées dans la fosse : lafiole à parfum de la tombe 27 a ainsi été re-trouvée renversée et intacte (fig. 14). Son em-placement fait penser que son contenu a étérépandu lors du comblement de la sépulture;elle n’est pas une offrande, mais le contenantd’un liquide utilisé lors de la mise au tom-beau des restes de la défunte. La fouille desautres tombes permettra de dire si la positionrenversée de la fiole est accidentelle ou non :on sait en effet que les rituels respectaientune symbolique d’inversion, bien mise en évi-dence par J. Scheid, destinée à une sépara-tion en bonne et due forme du mort et des vi-vants31.

De quelques passages de Cicéron ou de Vir-gile, peu clairs au demeurant, on infère que lesrituels célébrés lors de la mise au tombeaujouaient un rôle dans la définition des tombeset le respect religieux qui les environnait; ilsmettaient un terme au deuil d’une famillesouillée par la mort32. Certes, on ne recherche-ra pas forcément à Pompéi la truie sacrifiée

dont fait état Cicéron, mais ces textes per-mettent clairement de poser la question de ladestination des libations faites lors de laconstitution de la tombe : dernier arrosage desrestes osseux avant la mise en terre ou consti-tution du tombeau comme lieu de culte funé-raire?

Fréquentation de l’enclos et célébration des ri-tuels

Les vestiges animaux et végétaux

Les restes alimentaires peuvent être impli-qués de diverses manières lors de la célébra-tion des funérailles ou des fêtes des morts,

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33 Cf. chapitre de V. Matterne, même volume; voir aussiMarinval 2004; Bouby et Marinval 2004.

34 Festus, p. 296-297 L; Virgile, Aen. 3, 66-68; voirScheid 1984.

Fig. 15 – Figue carbonisée récoltée sur les niveaux d’occupation (en position et nettoyée).

mais leur place a souvent été mal appréciée.Le terme d’offrande alimentaire regroupedans la littérature archéologique une grandevariété de situations sans que soient distin-gués les produits consommables ou pas : unedemi-tête de porc, un jambon, des trains decôtes, des figues (fig. 15) ou des olives entièresn’auront pas la même valeur que des os d’es-pèces animales frappées d’interdits alimen-taires, comme le cheval ou le chien, des mor-ceaux désossés et ne portant plus de viande,des fragments de noisettes consommées oudes noyaux d’olives brûlés. On voit que leterme même d’offrande n’est pas toujoursadéquat dans le cas du dépôt d’objets ou debiens ayant appartenu au défunt. Par ailleursl’ambiguïté demeure sur le destinataire del’offrande; offrande aux divinités ou offrandeau défunt. Ce flou sémantique tire sans doute

son origine de l’imprécision des textes à ce su-jet comme de l’extrême difficulté à distinguerles différents cas dans les assemblages ar-chéologiques.

Dans le cadre de l’étude des restes ali-mentaires, la viande, les fruits et les grainesprésentent de grandes similitudes de cas. Ilspourraient par conséquent être abordés en-semble. Cependant, pour des raisons decommodité, l’analyse carpologique a fait l’ob-jet d’une présentation séparée33.

Pour ce qui concerne les animaux, les textesfont mention de la pratique de sacrifices de-vant la tombe. Le sacrifice d’une truie, la porcapraesentanea, avait comme objectif de purifierla famille et d’enfermer l’âme du défunt dans letombeau alors qu’une part de l’offrande étaitconsacrée à Cérès34. Les auteurs anciens nous

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35 Varron, Meleagri 303; Apulée, Flor. 19; Donat, ad Tert.Ad 587.

36 Lepetz, Van Andringa 2004.

Fig. 16 – Triclinium d’un enclos funéraire de la nécropole de la Porte d’Herculanum (gravure de F. Mazois).

apprennent également que la famille ou les re-présentants du mort prenaient part à un repas,partagé symboliquement avec le défunt, àproximité du bûcher35. Plus tard, au même en-droit, lorsque l’on fêtait la mémoire des dé-funts, d’autres sacrifices aux dieux mânesavaient lieu, d’autres offrandes étaient effec-tuées et d’autres repas étaient organisés(fig. 16). Loin de nourrir le défunt au-delà de lamort, ces dépôts alimentaires étaient destinés àmarquer la séparation avec les vivants et, dansle culte célébré pour ses mânes, à lui rendrehommage36. De la nourriture et des boissonsétaient donc partagées lors de ces cérémonies.Tous ces gestes concernaient des moments dif-férents et n’ont à l’évidence pas la même signi-

fication : l’un des objectifs de la fouille de laPorta Nocera est ainsi de mettre en relation lestraces archéologiques avec les différentesétapes de la pratique rituelle, des funérailles auculte des morts : offrandes alimentaires dépo-sées sur le bûcher ou dans la tombe, restes derepas pris sur le lieu de l’ensevelissement, of-frandes et repas célébrés lors de la fête desmorts. En fonction de leur implication dansces différentes phases, les ossements animauxseront alors retrouvés, soit mis en pièce oucomplets, soit brûlés ou non, soit en bon étatde conservation ou au contraire dégradés.

Si elle a d’ores et déjà permis d’avancer effi-cacement dans la connaissance d’une partie deces gestes, la fouille n’est pas suffisamment

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Fig. 17 – Décompte des restes osseux animaux découverts dans l’enclos (tous niveaux confondus).

avancée et ne concerne pas assez de tombespour autoriser autre chose qu’une première ap-proche. Il est tout de même intéressant deconstater que plusieurs cas de figures ont étérencontrés et il appartiendra aux travaux fu-turs de jauger la pertinence des constatationset des quelques hypothèses qui sont présentées.

Les 313 os récoltés n’ont pas pu tous êtredéterminés. Ainsi, moins de la moitié (soit 143os) a-t-elle pu être attribuée spécifiquement outout au moins au rang du genre (fig. 17). Il se-ra nécessaire de préciser les déterminationsd’un reste d’oiseau sauvage et du poisson. Lesvestiges non reconnus sont en général de trèspetits fragments, parfois longs de quelquesmillimètres seulement; ces derniers ne sontpas pour autant dépourvus d’intérêt dans lamesure où ils proviennent obligatoirement dela préparation et de la consommation de mor-ceaux de viande. Cette fragmentation résultede différents phénomènes de dégradation dontil est difficile d’apprécier les rôles respectifs. Ilest sûr que la finesse de la fouille et le tami-sage engendrent par ailleurs une impressionde fragmentation plus importante qu’ailleurs,lorsque la fouille est plus rapide et que le ra-massage ne se fait qu’à vue. Ajoutons qu’enmarge des fracturations d’origine bouchère ouculinaire (des traces de découpe ont en effet

été observées), la crémation a pu détruire unepartie non négligeable des ossements; quel-ques petits os d’animaux brûlés l’attestent.Quoi qu’il en soit, le facteur taphonomiqueprédominant demeure celui du piétinement etde l’intempérisation. En effet, une large partdes vestiges porte des traces d’usure, de polis,de dégradation, caractéristiques d’un séjourprolongé sur le sol. Ces stigmates, tout en gê-nant l’étude, aident à interpréter les niveauxcomme des niveaux de sol et de circulation.On sent par ailleurs, même s’il est délicat de leprouver, qu’une partie des os peut provenir deniveaux remaniés, issus par exemple des creu-sements successifs des tombes. Cela seraitconfirmé par la fragmentation des os et l’ab-sence d’élément de connexion. Si l’on a pu re-connaître des fragments importants de céra-miques écrasées sur place, ou si des remon-tages ont pu être effectués entre des tessons oudes fragments de verres dans un même niveauou entre différentes couches, aucun ensembleosseux, sur le sol ou dans la tombe 15, n’a, enrevanche, autorisé de recollage.

Il reste enfin le cas des os dont la présenceest délicate à interpréter. Pour ceux-là, il fautremettre l’enclos dans son contexte topo-graphique et garder à l’esprit que la tombe

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37 Voir les travaux synthétiques d’A. King dans Jas-hemski et Meyer 2001.

38 Étude H. Duday, inédit.

Fig. 18 – Côte de capriné calcinée découvertesur les niveaux d’occupation.

jouxte une voie de circulation où hommes etanimaux se croisent. On peut alors penser, enattendant une autre explication, que la pré-sence d’os de chien (une scapula, une mandi-bule et un métapode) est issue de la dispersionnaturelle, dans le suburbium, de cadavres d’a-nimaux. Cette interprétation pose il est vraiquestion dans la mesure où l’on ne conçoit pasbien la présence de ce type de déchets dans unenclos funéraire; mais ces os sont relativementplats et pouvaient à l’époque se confondre avecle mobilier qui jonchait le sol.

L’assemblage faunique est largement domi-né par le porc qui a livré 42% des os (n = 60) etpar les caprinés (le mouton et la chèvre quin’ont pu être distingués) légèrement moinsbien représentés (37,8%, 54 os). Le bœuf a li-vré douze os, le coq domestique quatre os.Cinq restes de poisson ont par ailleurs été re-connus dans les refus de tamis. Il n’y a pas desurprise à rencontrer ces espèces tant ellessont habituelles sur les sites d’habitat de Cam-panie et de Pompéi37. On les rencontre aussibien sur les représentations figurées desscènes sacrificielles que dans les lots osseuxd’habitats ou de sanctuaires étudiés.

L’un des objectifs de l’approche archéo-zoologique est de tenter de distinguer les dé-pôts effectués au moment des funérailles sur lebûcher ou, après la crémation du corps, dansla tombe elle-même. La tombe 15 est unetombe double ayant reçu dans un premiertemps les restes d’une jeune femme puis d’unadulte d’âge assez avancé38. À l’extérieur del’amphore, mais mêlés aux os de l’individu B(le premier enseveli), un fragment de méta-tarse de capriné et un autre morceau prove-nant d’une extrémité proximale de radius decapriné ont été découverts. Ces os sont passéssur un bûcher, sans doute celui de l’individuB. Trois autres os, non brûlés proviennent dela même US : un fragment de tibiotarse decoq, un autre d’un os long de gros bétail(bœuf?) et un troisième qui n’a pu être déter-miné. Ces trois éléments portent des traces

d’usure semblant indiquer leur origine rési-duelle. Les niveaux de circulation ont livré en-viron 20% d’ossements animaux brûlés(fig. 18). De couleur noire (lorsque l’action dufoyer a été modérée) ou le plus souvent blan-châtre (lorsque la chaleur a été intense), les ossont souvent fragmentés voire très fragmentéset difficiles à reconnaître.

L’autre question est de savoir dans quellemesure les ossements découverts sur les ni-veaux de circulation (dont les 80% d’os nonbrûlés) peuvent être mis en relation avec desrituels alimentaires pratiqués lors des funé-railles ou lors du culte rendu aux morts. Destraces de découpe ont pu être observées surquelques éléments. Les vestiges n’ont pas subil’action du feu et on ne peut établir aucune re-lation directe entre leur emplacement sur lesol et la position des stèles. Les ossements desespèces principales (porc, caprinés, bœuf) sontpour la moitié des restes de crâne, avec uneforte proportion de dents. Les os des membresdes bas de pattes étant présents à hauteurd’environ 25% chacun, très peu de côtes ouvertèbres ont été déterminées. Ces donnéespourraient confirmer l’idée d’une sélection desvestiges en fonction de leur résistance (lesdents sont plus solides que les côtes) et doncd’une dégradation ayant comme origine un sé-jour prolongé sur le sol. Il reste donc à savoird’où proviennent ces reliefs de repas : de rejetsdomestiques erratiques ou de restes de repasfunéraires? Néanmoins, l’analogie possibleavec les autres types de matériel (balsamaires,fruits carbonisés) oriente l’interprétation versle champ du rituel.

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39 Étude M. Tuffreau-Libre, inédit.40 Cf. Tuffreau-Libre 2001; Polfer 2004.41 La détermination de ces restes est en cours. Etude

Ph. Walter, Centre de recherche et de restauration des Mu-sées de France.

42 Girard 1986 a et b; Bui Thi et Girard 2003; Girard etMaley 1999.

43 Bel 2002 –Analyse pollinique par M. Bui Thi etM. Girard 2003, p. 515-517; Girard 1996.

La vaisselle

Le matériel céramique récolté sur les ni-veaux d’occupation de la zone sud de l’enclosest très homogène39. Il comporte de la vaissellede table et plus particulièrement des coupes etdes gobelets à pâte claire ou orange en paroifine, de production locale ou régionale, égale-ment des tasses à anse. La vaisselle culinaireest plus rare et comprend quelques tessons depots à provision et de couvercles. Associés àces vestiges, les fragments de lampe à huilesont nombreux. Les niveaux supérieurs ont li-vré de multiples débris de balsamaires en verreà col long de couleur bleu vert. Les niveaux unpeu plus anciens fournissent des balsamairesen terre cuite; la vaisselle de table et de cuisiney est un peu plus abondante. Cet assemblagedemeure très particulier au regard du mobilierprovenant des maisons pompéiennes. Il se ca-ractérise clairement par de la vaisselle utiliséedans des rituels d’offrande. On trouve égale-ment de la céramique culinaire, parfois por-tant des traces de suie et assez fractionnée, serapportant à des repas sans doute pris au seinde l’enclos. Il est alors essentiel de déterminerles caractéristiques fonctionnelles de ces ves-tiges afin de pouvoir associer le mobilier retro-uvé aux différentes étapes du rituel40.

Des vestiges très discrets

La perception de certains gestes demandeque soient mises en œuvre des recherches spé-cifiques, faites souvent à partir de restes trèsdiscrets et – précisons-le – rarement récoltés.La pratique de fumigation semble ainsi être at-testée sur le site grâce à la découverte de tracesprobables de résidus organiques41, présents surplusieurs fragments de céramique ou de tuileretournées sur les niveaux d’occupation(fig. 19), cela parfois à proximité des stèles. Ilrestera à déterminer la nature de ces subs-tances (résine). Les analyses préliminaires ont

déjà montré qu’elles ne contiennent pas degraisse. Ces traces ne pourront donc pas êtreconfondues avec des restes carbonisés de den-rées alimentaires. La découverte de cônes decyprès carbonisés pose par ailleurs la questionde l’utilisation sur le bûcher ou lors des céré-monies d’autres substances odoriférantes queles résines.

Les analyses polliniques constituent uneautre voie de recherche pour qui souhaiteaborder la question des restes végétaux nonbrûlés et des aménagements liés aux tombes :des bouquets, des coussins, des litières, des of-frandes de miel, des mets préparés ou des dé-coctions peuvent être trouvés dans les tombesd’époque romaine42 même si les incinérationsdemeurent un cas un peu particulier et diffi-cile à exploiter43. C’est la raison pour laquellenous avons souhaité effectuer des prélève-ments dans les niveaux d’utilisation de l’encloset au fond des fosses.

En définitive, la mise en évidence des dif-férentes traces de rituels funéraires permet dedresser un premier bilan. Des plats, des gobe-lets, des balsamaires, des fruits et de la viandesemblent bien impliqués lors des cérémonies.La présence de fruits et d’os carbonisés et mê-lés aux cendres des défunts indique que desaliments ont été déposés sur le bûcher lors desfunérailles. Certains de ces fruits avaient préa-lablement été mangés (noisettes, olives). Enrevanche, il n’y a aucun dépôt alimentaire fraisattesté dans l’urne ou à l’intérieur de latombe : certes, le dépôt de fruits par exemplene laisse pas de trace, mais aucune associationd’os provenant d’un quartier de viande n’a étémise au jour. Ajoutons qu’aucun plat n’a étépour l’instant découvert dans les tombes. Desrituels faisant intervenir des contenants (de li-quides), des fruits et sans doute de la viandeont également été identifiés sur les niveaux decirculation autour des sépultures. Il semble

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Fig. 19 – Tuile contenant du charbon de bois à proximité de la stèle 18.

que ces éléments participent différemmentaux rituels. La question se pose de savoir si lesvestiges disséminés sur les niveaux (quelquesos humains brûlés, fragments de balsamairesfondu et de céramique carbonisée) sont deséléments échappés du bûcher, non récupérés àla suite de la crémation, ou provenant detombes anciennes perturbées lors de l’en-fouissement d’urnes plus récentes. En re-vanche, la fréquence élevée de restes végétauxcarbonisés à proximité des stèles paraît bienindiquer que des fruits ont été brûlés entierslors des cérémonies commémoratives.

Dans tous les cas, les restes organiques ontété déplacés, comme l’attestent leur frag-mentation et leur usure. S’ils ont pu resterdans un premier temps à proximité des stèlesconcernées par ces rites, il est clair qu’ils ontbougé et qu’ils ont participé à la mise en placedes niveaux de circulation de l’enclos. La céra-mique semble pour partie avoir subi un sort si-milaire et les remontages de fragments il-lustrent cette dispersion. Les balsamaires,

quant à eux, sont parfois restés en place. Ilsont en effet été découverts principalement au-tour des stèles. De toute évidence, les officiantsont souhaité laisser ces objets sur le lieu de lacérémonie, le bris systématique des conte-nants étant sans doute volontaire.

Conclusion

Répétons que la fouille est en cours et qu’ilest encore trop tôt pour tirer des conclusionsdéfinitives. Quoi qu’il en soit, les travaux effec-tués ont d’ores et déjà apporté des éléments es-sentiels concernant l’histoire de l’aire funé-raire 23 OS, permettant ainsi de situer les don-nées archéologiques dans un contexte social ethistorique précis. La fouille des niveaux de fré-quentation de l’enclos et de plusieurs tombes alivré des vestiges issus des rituels célébrés surles tombes, lors des fêtes destinées à honorerles défunts, et dans les tombes, lors de la miseau tombeau. Des systèmes de libation élaborésont été révélés, donnant des indications sur

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125LA NÉCROPOLE DE PORTA NOCERA À POMPÉI

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l’importance des visites faites aux morts; la re-constitution des gestes accompagnant le dépôtdes restes du défunt dans la tombe confirmeque les rituels jouaient un rôle précis dans ladéfinition des tombeaux et le respect religieuxqui les entourait, mettant ainsi un terme défi-nitif au deuil d’une famille souillée par lamort. Il reste désormais à préciser les phéno-

mènes mis en évidence, à les compléter surl’ensemble de l’aire funéraire et de la périoderomaine, de la fondation de la colonie à la dis-parition de la cité. De toute évidence, la re-cherche des rituels funéraires nous amène pro-gressivement à établir la définition de ce qu’é-tait une tombe romaine.

Sébastien LEPETZ

William VAN ANDRINGA

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126 SÉBASTIEN LEPETZ ET WILLIAM VAN ANDRINGA

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Van Andringa W. et Lepetz S. 2005 – «Archéologiedu rituel : fouille de l’enclos 23 de la nécropolede Porta Nocera à Pompéi (Campagne 2004)»(Chronique des Activités archéologiques de l’É-cole française de Rome, année 2004), dans ME-FRA, 117, 2005-1, p. 339-346.

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COLLECTION DE L’ÉCOLE FRANÇAISE DE ROME - 407

POUR UNE ARCHÉOLOGIE DU RITENOUVELLES PERSPECTIVES DE L’ARCHÉOLOGIE FUNÉRAIREÉtudes réunies par John SCHEID

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RÉSUMÉS DES ARTICLES

Stefanie MARTIN-KILCHER, Römische Gräber – Spiegelder Bestattungs – und Grabsitten, p. 9-27.

Untersucht werden anhand von Brandbestat-tungen aus den römischen Westprovinzen Gesten imUmgang mit dem „rite de passage“ Tod, in deren Zen-trum das verstorbene Mitglied der Gemeinschaftstand. Quellen sind die archäologischen Befunde,wobei Gräberforschung heute ein interdisziplinäresTeamwork von Archäologie, Anthropologie und Natur-wissenschaften darstellt, mit historischem und kultur-geschichtlichem Ziel.

Es werden Abläufe vom Tod bis zur Erinnerungs-feier diskutiert, die aufgrund archäologischer Spurenim Boden fassbar werden oder zu rekonstruieren sind,mit den wichtigsten Etappen der Exposition (Toten-bett und Sarg), Prozession (Leichenzug), Kremation(Scheiterhaufen), Bestattung (Grabplatz), demSchliessen des Grabes, dessen Markierung undschliesslich die Erinnerung, die memoria, für derenarchäologischer Nachweis allerdings die Erhaltung derantiken Oberfläche Voraussetzung ist.

John PEARCE, Burial evidence from Roman Britain : theun-numbered dead, p. 29-42.

This paper argues that although the study ofRoman period burial practice has become more me-thodologically advanced, it has not yet sufficientlyassessed the character of the sample available for anal-ysis. In particular, the degree to which that sample isrepresentative of ancient populations must be furtherproblematised. Using a case study of Roman Britain, itmaps the distribution of available evidence by region,date and site type, and considers the implications ofthe biases which can be noted. Although at first sightrelatively abundant, burial data from Britain areshown to derive disproportionately from late Romanurban cemeteries in the south of the province. Themajority of the population (90% +) are considered tohave lived in the countryside, but excavated rural buri-als are much rarer. Any inference of social and culturalchange using burial evidence is therefore intrinsically

limited, but this is not only an artefact of excavationbias. In parts of central and southern England whererural settlements have been very extensively excavatedin advance of development and where conditions forpreservation of human bone are good, formal burial isnot documented until the late Roman period. Eventhen numbers of burials recorded are often small. Acase can therefore be made for substantial continuityof the ‘invisible’ burial traditions of the Iron Age intothe Roman period.

Maria Romana PICUTI, Il contributo dell’epigrafia latinaallo scavo delle necropoli antiche, p. 43-58.

Lo studio dell’epigrafia funeraria e lo scavo dellenecropoli offrono un punto di vista privilegiato sullasocietà romana. La documentazione epigrafica, oltre lenotizie riguardanti il defunto, fornisce infatti notiziesui riti funerari, sulla tipologia dei monumenti e deiloro annessi, sulla normativa giuridica e sull’organiz-zazione dei servizi (leges Libitinariae); in taluni casi,poi, il suo apporto appare insostituibile, perché testi-mone di realtà non sempre rintracciabili sul terreno,come nel caso di antichi toponimi, vie sepolcrali,ampiezza dei lotti di terreno, usi comuni, ma anchestrutture in materiale deperibile o essenze arboree(luci, pergolati, ecc.) –. Dal canto suo, un approcciotutto nuovo allo scavo delle aree funerarie ha permessonegli ultimi anni di arricchire il quadro documentario,grazie anche all’impiego di tecnologie innovative e al-la multidisciplinarietà delle équipes coinvolte nel-le indagini, consentendo di trovare riscontro a quantoin precedenza noto esclusivamente dai documentiiscritti.

Anna BUCCELLATO, Paola CATALANO, Stefano MUSCO,Alcuni aspetti rituali evidenziati nel corso delloscavo della necropoli collatina (Roma), p. 59-88.

Lo studio di una delle più vaste necropoli ritrovatea Roma, afferente alla antica via Collatina, ha per-messo di acquisire dati di fondamentale importanza

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352 RÉSUMÉS DES ARTICLES

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sulle condizioni di vita nel periodo imperiale e sullediverse pratiche rituali al momento della sepoltura. Diparticolare interesse i ritrovamenti all’interno di duemausolei : il primo contenente tutti gli individui affettida patologie molto gravi, mentre il secondo presenta,misti agli umani, un’elevatissima frequenza di canidi.Infine la presenza di ossa combuste di Sus scrofa,all’interno di olle cinerarie, ha fatto supporre che l’ani-male sia stato bruciato con il defunto, secondo la cre-denza per cui la sua uccisione in onore di Cerere «inpresenza» del morto ne assicurava la definitiva collo-cazione nell’oltretomba, purificandone al tempo stessola famiglia contaminata dal lutto.

Cristina LEONI, Maria Grazia MAIOLI, Giovanna MON-TEVECCHI, Scavi in aree umide : le necropoli diClasse, Ravenna, p. 89-104

Gli abitanti di Ravenna hanno sempre convissutocon una presenza che ha profondamente influenzato lavita e l’attività urbana, una realtà geografica rilevanteda tenere sotto controllo e da sfruttare al meglio : leacque. Anche le aree di necropoli, esterne al centro abi-tato, si sviluppavano lungo cordoni sabbiosi ed eranocircondate da acque perlopiù salmastre.

Nel testo si esamina uno scavo in area umida (lanecropoli del Sottopassaggio Ferroviario in via deiPoggi) i cui rinvenimenti si datano ai primi tre secolidell’età imperiale. Oltre alla situazione morfologicae idraulica, si analizzano diverse inumazioni chehanno conservato bare di legno : queste casse permet-tono di cogliere aspetti relativi all’esecuzione, al tipo dilegno utilizzato e alle caratteristiche tridimensionali.

Le considerazioni, anche dal punto di vista delleproblematiche legate allo scavo archeologico, possonorisultare utili in ambienti naturali analoghi, in cui i ter-reni umidi siano stati sigillati da coperture argilloseformatesi in tempi abbastanza rapidi e seguenti il loroabbandono.

Sébastien LEPETZ et William VAN ANDRINGA, Archéo-logie du rituel : méthode appliquée à l’étude de lanécropole de Porta Nocera à Pompéi, p. 105-126.

La fouille d’un quartier funéraire de la nécropolede Porta Nocera a donné lieu à la mise en place d’uneméthode appliquée à la recherche des rituels pratiquésdans une aire funéraire. L’analyse interdisciplinairedes niveaux de fréquentation de l’enclos et de plusieurstombes a concerné des vestiges issus des rituels célé-brés sur les tombes, lors des fêtes destinées à honorerles défunts, et dans les tombes, lors de la mise au tom-beau. Des systèmes de libation élaborés ont été révélés,donnant des indications sur l’importance des visitesfaites aux morts; la reconstitution des gestes accompa-gnant le dépôt des restes du défunt dans la tombeconfirme que les rituels jouaient un rôle précis dans ladéfinition des tombeaux et le respect religieux qui lesentourait, mettant ainsi un terme définitif au deuil

d’une famille souillée par la mort. L’objectif d’un teltravail est par ailleurs de situer les données archéo-logiques dans un contexte social et historique précis.

Paul BOOTH and Angela BOYLE, The archaeology ofRoman burials in England. Frameworks andmethods : a perspective from Oxford archaeology,p. 127-136.

Most excavation of Roman burials in Britain nowa-days is carried out by contracting companies in thecontext of development-related archaeological work.The historical and legal backgrounds to this situationare summarised, together with issues that relate to themaintenance and improvement of standards in thiswork. The importance of recent developments in siteand osteological recording methodologies for dealingwith Roman burials is highlighted. A variety of pos-sible approaches to Roman-British cemetery sites isdiscussed using examples from projects carried out byOxford Archaeology in a development context.

Jacopo ORTALLI, Scavo stratigrafico e contesti sepol-crali : una questione aperta, p. 137-159.

Nello studio del culto funerario romano è moltoimportante la ricostruzione del contesto fisico e spa-ziale nel quale si attuavano i rituali di seppellimento edi devozione verso i defunti. Ciò non riguarda solo glielementi più vistosi, come i monumenti o le singoletombe, ma anche i piani di calpestio sui quali, nelgiorno del funerale e in altre ricorrenze, i vivi sosta-vano per onorare i loro morti. Il riconoscimento diquesti suoli non è però facile ed immediato; occorreinfatti adottare particolari metodologie di scavo strati-grafico e di documentazione dei reperti dispersi suipiani delle necropoli. Alcune sperimentazioni, in talsenso, sono state condotte in Emilia Romagna : a Sar-sina e più recentemente a Classe (Ravenna), dove ungruppo di ricerca internazionale collabora con laSoprintendenza Archeologica. I risultati raggiuntidimostrano l’utilità di questo tipo di indagine, che per-mette di evidenziare le tracce di azioni rituali e diofferte esterne legate alla religiosità sepolcrale.

Catherine GAENG et Jeannot METZLER, Observer lesabords des sépultures pour comprendre le rituelfunéraire, p. 161-170.

Lors de la fouille d’une sépulture, il convient deporter une attention toute particulière à des tracesapparemment anodines, extérieures à la tombe et à sonmobilier proprement dit. Dans le cas de la chambrefunéraire de Clemency et de la nécropole aristocra-tique de Goeblange-Nospelt (Grand-duché de Luxem-bourg), ce sont ces traces qui ont permis decomprendre le déroulement des funérailles (expositiondu défunt avant sa crémation, destruction rituelle des

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353RÉSUMÉS DES ARTICLES

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amphores et de la vaisselle utilisées au cours du ban-quet funéraire). C’est également grâce à elles que l’on apu prouver l’existence d’un rite à la mémoire desancêtres (aménagement d’un dispositif à libations surle plafond des chambres funéraires, présence dans lestumulus ou leurs abords, de petites fosses contenantdes offrandes animales brûlées) dont on ne soup-çonnait pas l’existence chez les Gaulois, faute detémoignages écrits.

Marion WITTEYER, Spurensuche – mikrotopografischeBefundbeobachtungen an Gräbern aus Mainz undUmgebung, p. 171-195.

Die Erforschung römischer Gräberfelder widmetsich verstärkt der Rekonstruktion von Bestattungsritenanhand archäologischer Grabungsbefunde. ExakteDetailbeobachtungen gut erhaltener Befunde ermögli-chen, Abläufe eines komplexen Handlungsgefüges zuerkennen, die nicht zum Inhalt literarischer oder bild-licher Darstellungen gehören. Beispiele aus Mogon-tiacum/Mainz und dem Hinterland zeigen Varianz inder Gestaltung des Kremationsplatzes und im Umgangmit den Scheiterhaufenrückständen. Regelmäßigließen sich Manipulationen an den Brandresten nach-weisen, die in Zusammenhang mit dem ossilegiumstehen und der Beisetzung des Leichenbrandes aneinem anderen Ort. Mehrfach fanden sich Hinweiseauf eine Aufteilung der Knochen eines Individuumsund deren getrennte Deponierung an verschiedenenStellen. Für die Beurteilung der Beigabenausstattungist die genaue Lage der Objekte von Bedeutung;dadurch können funktionale Vorgänge, wie das Aus-schütten von Duftstoffen oder das Werfen vonMünzen, nachvollzogen werden.

Henri DUDAY et Coralie DEMANGEOT, La tombe 77 de lanécropole romaine de Classe à Ravenne : la restitu-tion de l’appareil funéraire, et l’archéothanatologieen quête de ses références, p. 197-210.

Une tombe d’époque augustéenne mise au jourdans la nécropole de Classe à Ravenne fait l’objet d’uneréflexion méthodologique et taphonomique. L’analysedétaillée de la disposition des os et l’utilisation systé-matique des cotes de profondeur permettent deconclure à la présence d’un coffrage de bois plutôt qued’un cercueil, le fond de la tombe étant constitué par lesable naturel dans lequel le cadavre s’est en partieenfoncé. Cette sépulture fournit également des infor-mations précieuses sur l’ordre dans lequel surviennentles dislocations au cours de la décomposition ducadavre, et plus particulièrement sur la chronologierelative du lâchage des cartilages de croissance et desligaments articulaires. Il s’agit là de données essen-tielles dans le discours archéothanatologique, qui,pour des raisons d’éthique, ne peuvent être fondées surl’expérimentation.

Henri DUDAY, Une inhumation d’enfant dans la nécro-pole de Porta Nocera à Pompéi (enclos 23, sépul-ture 24) : taphonomie et archéologie funéraire,p. 211-221.

L’étude porte sur la sépulture d’un nourrissoninhumé dans une amphore découpée dans l’enclos desVesonii à Pompéi. L’analyse détaillée de l’agencementdes pièces osseuses amène à une réflexion sur les inter-actions entre trois processus majeurs de la tapho-nomie : la décomposition du cadavre (destruction descontentions articulaires), le comblement du volumeextracorporel, enfin le colmatage par le sédiment desvolumes libérés par la disparition des parties orga-niques. Ce discours croisé, qui conduit ici à démontrerla présence d’un coussin surélevant la tête, l’épaule etle membre supérieur droits, illustre la manière dontl’archéothanatologie peut contribuer à la restitution del’appareil funéraire.

Isabelle BÉRAUD et Chérine GÉBARA, Nouvelle réflexionsur des fouilles anciennes : les enseignements de lafouille expérimentale de Classe (Ravenne) appliquésaux nécropoles de Fréjus, p. 223-231.

Entre 1982 et 1987, deux importantes nécropolesgallo-romaines ont été fouillées à Fréjus (Var, France).Cet ensemble de sépultures, placées en pleine terre oudans des enclos, des mausolées ou des édicules, nousont permis d’appréhender sur la durée de nombreuxaspects touchant au domaine funéraire (formation etstructuration des nécropoles, évolution des rites, typo-chronologie des tombes et de leur contenu, étude despopulations...). L’étude anthropologique a démontréque dans les deux nécropoles on avait affaire à desdépôts secondaires dans lesquels une partie substan-tielle des os brûlés avait été prélevée sur les bûchers etdéposés dans les urnes funéraires.

La présence d’incinérations en place (sépulturesprimaires ou busta) était extrêmement rare jusqu’àprésent à Fréjus. Quatre cas seulement ont été relevés,trois dans la nécropole de Saint-Lambert et un seuldans la nécropole du Pauvadou. Deux d’entre elles(tombe 20 de Saint-Lambert et tombe 121 du Pau-vadou) étaient bien conservées. L’étude de ces deuxtombes a été reprise à la lumière de la fouille expéri-mentale de Classe (Ravenne), 20 ans plus tard, où unsecteur entier avait été réservé à ce type d’incinérationet où la fouille a pu se dérouler dans de meilleursconditions.

Valérie BEL, Frédérique BLAIZOT, Henri DUDAY, Bûcheren fosse et tombe bûcher : problématiques etméthodes de fouille, p. 233-247.

Les bûchers en fosse sont très répandus dans lesensembles funéraires de la partie occidentale de l’Em-pire à l’époque romaine. Comment les identifier, quepeuvent-ils nous apprendre sur les modalités et les rites

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354 RÉSUMÉS DES ARTICLES

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de la crémation et quel est leur statut? À partird’exemples issus de fouilles récentes en France et enItalie, cet article se propose de faire le point sur lesméthodes de fouille et sur les études archéologiques etostéologiques susceptibles d’apporter des réponses à cesquestions.

Angelika ABEGG-WIGG, Die Aschengruben im Kontextder provinzialrömischen Bestattungszeremonien :Problematik und Analysemöglichkeite, p. 243-257.

In zahlreichen provinzialrömischen Brandgräber-feldern finden sich neben Verbrennungsplätzen undGräbern auch Gruben ohne Verziegelungsspuren, diekeinen oder nur sehr geringe Reste von Leichenbrandaufweisen und daher weder Gräber noch Verbren-nungsgruben sein können. Sie werden als Aschen-gruben bezeichnet und enthalten neben Asche undHolzkohlestücken vielfach verbrannte Keramik-scherben sowie Glas – und Metallfragmente, vereinzeltauch kalzinierte Tierknochen und verkohlte pflanz-liche Reste. Anhand von Beispielen aus den Nordwest-provinzen wird der archäologische Befund und dieFunktion der Aschengruben diskutiert.

Patrice MÉNIEL, La fouille et l’étude des offrandes ani-males, p. 259-268.

L’archéozoologie des pratiques funéraires béné-ficie parfois de circonstances très favorables, duesnotamment à un enfouissement rapide dans une fosse.Ces conditions favorisent l’acquisition des informa-tions nécessaires à la restitution des aspects matérielsdu traitement des animaux, compensant des quantitésde restes souvent assez restreintes.

La démarche consiste à restituer les modalités dupassage de l’animal au dépôt, entre une point de départconstitué par l’inventaire des sujets impliqués, et unpoint d’arrivée qui nous apparaît, lors de la fouille,comme le dépôt d’ossements dans la tombe, aprèsquelques siècles d’enfouissement. La restitution despratiques funéraires consiste à établir des liens entreles structures anatomiques et archéologiques.

Cette présentation comporte donc deux grandesparties, la première consacrée aux méthodes defouilles, de relevé et de démontage, la seconde auxmodalités de l’étude en laboratoire.

Véronique MATTERNE, Les restes carpologiques issus decontextes funéraires : protocole d’échantillonnage etpotentiel d’étude, p. 269-280.

Les restes végétaux carbonisés découverts dans lestombes à incinération romaines et gallo-romainesnous informent directement sur les dépôts accompa-gnant la crémation des corps et les offrandes effectuéesen hommage au défunt lors de rites commémoratifs. Ilest important de les prendre en compte, si l’on sou-

haite enquêter sur les rituels funéraires antiques leplus complètement possible, de manière à restituercertains aspect du culte. À partir de trois sites, d’Italieet de Gaule, offrant des conditions de préservationcontrastées, cet article aborde différentes questions-relatives à l’acquisition des données carpologiques etau traitement des résultats.

Dominique JOLY, L’enregistrement des données defouille sur le site de la Porta Nocera à Pompéi,p. 281-295.

L’enregistrement des données de fouille sur le sitede la Porta Nocera a été effectué dans une base infor-matisée dénommée SysDA (créateur DominiqueJOLY). Utilisé à Chartres depuis 1988, ce systèmedocumentaire est à la fois un support de gestion admi-nistrative (dossiers de sites, courriers, personnels, bud-gets), une base de données permettant l’accès à ladocumentation scientifique (enregistrements et mobi-lier), une aide à la recherche (modélisation des don-nées à l’échelle du territoire, aide à la rédaction enligne), et un outil de normalisation pour l’édition desrapports (support actuel FileMaker 6 – migration encours vers FileMaker 9).

Giovanna MONTEVECCHI, Esperienze di documentazioneinformatizzata. Le necropoli di Classe, Ravenna,p. 297-303.

In occasione delle indagini archeologiche effettuatia Classe (Ravenna) nella necropoli del podere Minghetti,è stato organizzato un database funzionale sia alla regi-strazione sul campo dei dati archeologici, sia ad un’ela-borazione scientifica delle informazioni nelle fasi suc-cessive di studio dello scavo. L’archivio informatizzatofa uso del programma File Maker Pro 5.0, utilizzabile inambiente Macintosh e in ambiente Windows, e prevedetre schede fra loro correlate : Scheda Struttura Fune-raria, Scheda Unità Stratigrafica e Scheda Oggetto.

Le correlazioni fra schede permettono di passareagevolmente da una all’altra. Nella Scheda Unità Strati-grafica e nella Scheda Struttura Funeraria sono attiviportali con l’elenco degli oggetti reperiti rispettivamentenelle diverse Unità Stratigrafiche dello scavo, utile allaricostruzione dei piani di frequentazione della necro-poli e degli oggetti rinvenuti nelle tombe, per la ricostru-zione del rito funerario. Le schede dispongono di un col-legamento automatico con gli archivi di foto e disegni.

Marina ANGELINI, Giovanna BANDINI, Olimpia COLA-CICCHI, Jarmila POLAKOVA, Ida Anna RAPINESI, Ilrecupero di oggetti mobili da ambiti funerari di etàromano-imperiale, p. 305-336.

Il contributo analizza sinteticamente le problema-tiche inerenti il recupero da scavo di oggetti mobili e,lungi dall’essere esaustivo, vuole costituire un primoapproccio ed un ausilio di agevole consultazione per

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quanti in questo campo operano a vario titolo – sianoessi archeologi, antropologi, collaboratori ecc. – for-nendo inoltre una bibliografia specifica per l’approfon-dimento delle tematiche affrontate.

A tale scopo le proprietà ed il deterioramento deimateriali, nonché le raccomandazioni ed i principi perun corretto recupero, sono state riassunte ed espostesotto forma di tabelle, ognuna relativa alle varie cate-gorie dei materiali rinvenibili su uno scavo.

Simona MINOZZI e Federica ZABOTTI, Elaborazione dimetodiche comuni : una banca dati archeologica edantropologica per la gestione dei dati di scavo,p. 337-349.

Uno dei settori di attività dell’Antropologiariguarda lo studio sistematico dei resti umani di inte-

resse storico provenienti da ricerche archeologiche.Questa attività inizia sul campo durante lo scavo deiresti scheletrici, attraverso l’applicazione di tecniche direcupero che consentono di individuare gli eventi tafo-nomici che hanno agito sul cadavere e di ricollocare ilcorpo nella posizione originaria di deposizione, rico-struendo così i gesti funerari. All’«Anthropologie deterrain» segue l’esame dei resti in laboratorio, attra-verso metodologie che prevedono l’analisi delloscheltro dal punto di vista metrico, morfologico e pato-logico. In questo modo è possibile caratterizzare dalpunto di vista bio-demografico e fisico la popolazionea cui i resti appartengo e possono essere ottenuteinformazioni sulle le condizioni di vita, di salute elavorative. In sintesi, il contributo dell’antropologia èquello di fornire una risposta biologica alla domandastorico-archeologica.

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TABLE DES MATIÈRES

Pages

Paola CATALANO et Stéphane VERGER, Présentation .................................................... 1-3

John SCHEID, En guise de prologue : de l’utilisation correcte des sources écrites dansl’étude des rites funéraires ....................................................................................... 5-8

Stefanie MARTIN-KILCHER, Römische Gräber – Spiegel der Bestattungs- und Grabsitten 9-27

John PEARCE, Burial evidence from Roman Britain : the un-numbered dead ............... 29-42

Maria Romana PICUTI, Il contributo dell’epigrafia latina allo scavo delle necropoli anti-che ......................................................................................................................... 43-58

Anna BUCCELLATO, Paola CATALANO, Stefano MUSCO, Alcuni aspetti rituali evidenziatinel corso dello scavo della necropoli Collatina (Roma) ........................................... 59-88

Cristina LEONI, Maria Grazia MAIOLI, Giovanna MONTEVECCHI, Scavi in aree umide : lenecropoli di Classe, Ravenna .................................................................................. 89-104

Sébastien LEPETZ et William VAN ANDRINGA, Archéologie du rituel : méthode appliquéeà l’étude de la nécropole de Porta Nocera à Pompéi ................................................ 105-126

Paul BOOTH and Angela BOYLE, The archaeology of Roman burials in England. Frame-works and methods : a perspective from Oxford archaeology .................................. 127-136

Jacopo ORTALLI, Scavo stratigrafico e contesti sepolcrali : una questione aperta .......... 137-159

Catherine GAENG et Jeannot METZLER, Observer les abords des sépultures pourcomprendre le rituel funéraire ................................................................................. 161-170

Marion WITTEYER, Spurensuche – mikrotopografische Befundbeobachtungen an Grä-bern aus Mainz und Umgebung .............................................................................. 171-195

Henri DUDAY et Coralie DEMANGEOT, La tombe 77 de la nécropole romaine de Classe àRavenne : la restitution de l’appareil funéraire et l’archéothanatologie en quête de sesréférences ................................................................................................................ 197-210

Henri DUDAY, Une inhumation d’enfant dans la nécropole de Porta Nocera à Pompéi(enclos 23, sépulture 24) : taphonomie et archéologie funéraire .............................. 211-221

Isabelle BÉRAUD et Chérine GEBARA, Nouvelle réflexion sur des fouilles anciennes : lesenseignements de la fouille expérimentale de Classe (Ravenne) appliqués aux nécro-poles de Fréjus ........................................................................................................ 223-231

Valérie BEL, Frédérique BLAIZOT, Henri DUDAY, Bûchers en fosses et tombes bûcher :problématiques et méthodes de fouille ..................................................................... 233-247

Page 30: Article Lepetz Et Van Andringa CEF

358 TABLE DES MATIÈRES

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Pages

Angelika ABEGG-WIGG, Die Aschengruben im Kontext der provinzialrömischen Bestat-tungszeremonien : Problematik und Analysemöglichkeiten ...................................... 243-257

Patrice MÉNIEL, La fouille et l’étude des offrandes animales ........................................ 259-268

Véronique ZECH-MATTERNE, Les restes carpologiques issus de contextes funéraires :protocole d’échantillonnage et potentiel d’étude ....................................................... 269-280

Dominique JOLY, L’enregistrement des données de fouille sur le site de la Porta Nocera àPompéi ................................................................................................................... 281-295

Giovanna MONTEVECCHI, Esperienze di documentazione informatizzata : le necropoli diClasse, Ravenna ..................................................................................................... 297-303

Marina ANGELINI, Giovanna BANDINI, Olimpia COLACICCHI, Jarmila POLAKOVA, Ida An-na RAPINESI, Il recupero di oggetti mobili da ambiti funerari di età romano-impe-riale ........................................................................................................................ 305-336

Simona MINOZZI e Federica ZABOTTI, Elaborazione di metodiche comuni : una bancadati archeologica ed antropologica per la gestione dei dati di scavo ........................ 337-349

Résumés des articles ................................................................................................... 351-355

Table des matières ...................................................................................................... 357-358