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  • Les Cahiers de l'Actif - N276/277 17

    thique et Dontologie : implications pour les professionnels

    I. DE QUOI PARLE-T-ON LORSQUELON PARLE DE MORALE, DTHIQUE,

    DE DONTOLOGIE OU DE DROIT ?

    Ces trois mots ont en commun de faire rfrence ce quil faut faire ou pasfaire. Bref, des rgles de conduite, au permis et au dfendu, une certainenotion du bien et du mal.

    Ltymologie nous est de peu de secours : morale vient du latin mores (lacoutume), thique du grec the ethe (les murs).La tradition catholique prfrait parler de morale ; la tradition protestantedthique. Dans le langage actuel, la morale ayant pris un petit got devieux, on prfre parler dthique, mot qui fait plus moderne, mme sildate dAristote. On accepte mal quon nous fasse la morale ; on comprendmieux que lon rappelle des exigences thiques.

    Morale, thique,dontologie et droit

    PierreVerdier*Fondation

    La Vie au Grand Air

    *Pierre Verdier est ancien membre du Conseil Suprieur de l'Adoption et Prsidentdu Conseil de Famille des Pupilles de l'tat de Paris, Prsident de la CADCO :Coordination des Actions pour le Droit la Connaissance des Origines ; depuis1990 Directeur gnral de la Fandation La Vie au Grand Air.

    Aprs avoir dfini les concepts de morale, d'thique et dedontologie, l'auteur analyse les motivations d'une demanded'thique toujours plus accrue en travail social et sur les basesncessaires l'mergence d'une thique sociale commune.

  • Dossier

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    On emploie mme ce mot toutes les sauces :n on oppose thique de conviction thique de comptence ;n on disserte sur une thique de lincertain qui traverserait le champ

    ducatif et qui rencontrerait une thique de la responsabilit ;n on avance des concepts tels quthique de conviction, de responsabi-

    lit, de discussion ;n dautres (je cite ici Boris Libois, dans thique de linformation) dis-

    tinguent les thiques descriptives, les thiques stratgiques, lthiquenormative et lthique rflexive ;

    n la biothique, ne en Amrique, il y a maintenant plus de vingt ans, aeu son re de succs, il suffit de recenser les publications qui syrfrent ;

    n on comprend qu Etchegoyen ait pu crire un livre intitul La valsedes thiques.

    Pour ma part, jemploierai donc ces termes en des sens trs prcis que jesouhaite clarifier ds le dpart :n la morale peut tre dfinie comme lensemble des rgles de con-

    duite socialement considres comme bonnes ;n lthique, cest lensemble des principes qui sont la base de la

    conduite de chacun .

    Lthique est plus thorique que la morale ; elle se veut davantage tournevers une rflexion sur les fondements de la morale. Elle sefforce dedconstruire les rgles de conduite qui forment la morale, les jugements debien et de mal qui se rassemblent au sein de cette dernire.

    La morale est un ensemble de rgles propres une culture ; elle simpose lindividu de lextrieur, mme si elle est ensuite intriorise : tu ne voleraspas le bien dautrui, tu ne mentiras pas. Ces rgles varient dune culture lautre. On peut parler de morale chrtienne, de morale bourgeoise ; la rusetait une valeur chez les grecs anciens, elle est inaccepte dans dautrescultures. Platon lgitime leuthanasie et leugnisme :

    Tu tabliras une discipline et une jurisprudence se bornant don-ner des soins aux citoyens qui seront bien constitus de corps et dme.Quand ceux qui ne sont pas sains de corps, on les laissera mourir(La Rpublique). Que llite des hommes ait commerce avec llitedes femmes et au contraire le rebut avec le rebut ; que les rejetons despremiers soient levs et non les seconds.

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    thique et Dontologie : implications pour les professionnels

    Lthique est une mtamorale ; elle interroge les jugements qui se ras-semblent au sein de cette dernire. Elle est uvre de dconstruction et derefondation. Elle concerne la thorie et la fondation, les bases mme desprescriptions ou des jugements moraux.Bien sr, il y a aussi un lan crateur dans toute morale ; mais trs vite cetlan se solidifie en prescriptions que lthique interroge, souponne et met distance.1

    Vous voyez se dessiner la difficile mission assigne aux divers Comitsdthique : tre une interrogation, un questionnement des pratiques. Maisun questionnement par rapport quoi ? Non plus par rapport la loi, celacest le rle des Tribunaux ; non pas par rapport aux rgles de dontologie

    ou de morale, qui relvent dautres instances. Alors par rap-port quoi ? Par rapport des valeurs. Mais, nous y revien-drons, il ny a pas de valeur en soi, les valeurs sont toujoursrelatives. Cest moi qui attache de la valeur ceci ou cela.Quest-ce qui permet aujourdhui de dire quune loi est justeou ne lest pas ? Nous lignorons. A dfaut nous nous fions,mais jusqu un certain point seulement, un consensus. Estbien, ce que tout le monde, aprs dbat, estime aujourdhuibien. Mais nous sentons bien que ce nest pas tout fait satis-faisant.

    La dontologie, cest lensemble des rgles de bonne conduite dont uneprofession se dote pour rgir son fonctionnement au regard de sa mission .

    Ces rgles ne sont pas seulement morales ; elles peuvent tre techniques oujuridiques.Ces rgles de dontologie peuvent tre dictes par le gouvernement, sousforme de dcret : tel est le cas du code de dontologie mdicale, dont ladernire version rsulte du dcret du 6 septembre 1995, de celui des infir-miers, des sages femmes, etc.

    Ou bien il sagit dun consensus lintrieur dune profession, mais dans cecas il ne simpose pas : par exemple lANAS a labor un code de donto-logie pour les assistants sociaux, le syndicat des psychologues un code dedontologie pour les psychologues.

    1. Jacqueline Russ, La pense thique contemporaine, Que sais-je 1995.

    Lthique

    est une

    mtamorale

  • Dossier

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    En matire de travail social, il ny a pas de code valeur rglementaire, maislANCE, sous la conduite dynamique de Jean-Pierre Rosenczveig a adopten mai 1996 un document appel Des rfrences dontologiques pourlaction sociale .

    Et puis, il y a lordre de la loi. Jappelle loi, dans cet expos, la loi juridique ;cest dire pas la loi symbolique qui est immuable, indiscutable,intransgressible ; mais la loi juridique qui se caractrise par trois lments :

    1. cest un texte,2. vot en termes analogues par lAssemble nationale et par le Snat,3. et qui simpose tous.

    Cest dire que la loi se dfinit par trois caractres :1. un caractre objectif : la loi (du latin legere lire) a se lit ; cest ce qui

    est crit ;2. un caractre lgitime : ce nest pas nimporte qui, qui

    fait la loi ;3. un caractre gnral : elle est la mme pour tous.

    En dehors de cela, on nest pas dans des rapports de loi,mais dans larbitraire, la force ou la violence. Le droit, cestce qui protge de la violence.

    La loi labore dmocratiquement dtermine les rapportsentre les hommes en dfinissant lespace des droits et desdevoirs.

    Ainsi le code pnal a pos que les atteintes sexuelles dun majeur sur unmineur de 15 ans, mme sans violence, contrainte, menace ou surprisetaient un dlit et que celui-ci tait aggrav sil tait d un parent ou unepersonne ayant autorit. Ce faisant la loi dfinit la place de lenfant, la placede ladulte, la place des parents, la place de lducateur ou de lenseignant.

    Si on nest pas dans des rapports de droit, on est dans la toute puissance, dansle plaisir et dans des rapports de force ; cest seulement la loi du plus fort.

    Or la loi, labore dmocratiquement, nous dit quelle est la place de chacunet quel est le cadre dans lequel nous devons inventer nos pratiques. Contrai-rement ce que lon pourrait craindre, elle est facteur de libert, puisquedans un cadre ngoci et connu on peut agir librement : connatre le code dela route nest pas une gne pour conduire, cest au contraire un facteur descurit.

    thique, morale,

    dontologie sont

    soumis la loi

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    thique et Dontologie : implications pour les professionnels

    thique, morale, dontologie sont soumis la loi, et il ny a que dans des castrs exceptionnels que lon peut en conscience violer la loi. En acceptantdtre sanctionn en consquence par le mme systme lgal.

    II. POURQUOI UNE DEMANDE DTHIQUEACCRUE EN TRAVAIL SOCIAL ?

    Je pointerai, pour ma part, et toujours dans le domaine de laction sociale,quatre raisons :

    1. la fin des certitudes,2. la monte de lindividualisme,3. larrive des technologies nouvelles, notamment dans le traitement

    de linformation, mais aussi dans les sciences de la vie,4. un besoin dassurance accru et une crainte de responsabilits accrus.

    2.1 La fin des certitudesNous avons dj mentionn la perte des repres traditionnels. Je crois pou-voir dire quil y a besoin accru de dontologie parce quil y a perte desrgles de morale.

    Par exemple, pendant longtemps on savait ce que ctaient que des parents :un homme et une femme qui ont des enfants et qui les lvent. Et cela nousaidait drlement lorsque nous tions appels tudier une demande dagr-ment pour une assistante maternelle ou des personnes qui dsiraient adop-ter un enfant.

    Aujourdhui, on a des couples homosexuels - deux hommes ou deux fem-mes - qui font une demande dagrment et veulent adopter des enfants.Bien sr quils ne peuvent tre gniteurs, mais peuvent-ils ou ne peuvent-ilspas tre parents ? Personne ne peut le dire. Les bases font dfaut. La seulerponse est de chercher ensemble.

    2.2 La monte de lindividualismeLindividualisme, cest lattitude qui privilgie lindividu par rapport lacollectivit. Quand se dissolvent les idologies, les systmes explicatifs to-talisants, alors naissent les formes contemporaines de lindividualisme, pro-pices lapparition de nouvelles rgles de conduite. Je veux dire par l quelon recherche aujourdhui davantage laccomplissement de la personneplutt que le respect de rgles ou de contraintes diverses. Peut-on accepter

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    quun homme meure pour sauver un peuple (cest ce quon invoquait pourjustifier la torture) : on en est de moins en moins sr.Do un appel lthique et des assurances dontologiques chaque fois quilpeut y avoir conflit entre les intrts et les besoins de lindividu et ceux delordre social : par exemple larticle 2 du Code de dontologie mdicale, nousdit que le mdecin est au service de lindividu et de la sant publique .

    Que faire lorsquil parat y avoir opposition entre les deux :n une personne sropositive qui ninforme pas son partenaire ;n les choix imposs par la ncessit de matriser les dpenses de sant

    et les soins aux personnes que lon sait perdues, ou trs ges ;n tout ce qui touche la mdecine prdictive : peut-on laisser natre un

    enfant infirme, voire sans cerveau comme cela sest prsent rcem-ment en Italie ?

    n la ranimation nonatale : jusquo ne pas aller trop loin ?Et ce problme de choix entre lintrt individuel et lintrt collectif nestpas exclusif aux mdecins : il se retrouve pour les journalistes, les cher-cheurs, les industriels....

    Se rattachent cette monte de la valeur attache la personne beaucoup detextes contemporains : linterruption volontaire de grossesse qui veut que laprise en considration de la dtresse de la femme lemporte sur la vie duftus, la raffirmation du secret professionnel dans le nouveau code pnal,qui cde devant lassistance personne en pril, toutes les dispositions rela-tives la protection des liberts...

    2.3 Larrive des technologies nouvellesCest dans le domaine des techniques que les progrs ont t le plus rapideset les plus dstabilisants et o apparaissent des menaces et des dangersdivers.

    Il a fallu quelques annes, assez rcentes, puisque cela date du XXmesicle, pour concevoir que les richesses naturelles, le ptrole, leau, lair,ntaient pas inpuisables.

    Il a fallu quelques annes pour sapercevoir que les moteurs pouvaient pol-luer dangereusement la cit. Le temps du monde fini a commenc.

    Et pour en venir des domaines qui touchent le travail social, je citerai deuxpoints sur lesquels les progrs nous interpellent :

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    thique et Dontologie : implications pour les professionnels

    1. le traitement de linformation,2. les techniques des sciences de la vie.

    Mais il y en a dautres, bien videmment.

    Linformation est bien sr pouvoir. Ds linvention de limprimerie les pou-voirs politiques ou religieux se sont mfis de ce moyen de diffusion rapide etdifficilement contrlable des ides. Avec linformatique la circulation et luti-lisation des informations personnelles devient encore plus rapide et facile.

    2.4 Un besoin dassurance et une craintedes responsabilits accrus

    tre responsable, tymologiquement, cest tre en capacit de rpondre deses actes.

    Le travailleur social a-t-il des comptes rendre ? Biensr comme tout citoyen et comme tout salari.

    Cependant cest une ide rcente que ceux qui se vouentou se dvouent pour lintrt gnral aient des comptes rendre :n il ny a gure que 100 ans, depuis larrt Blanco(1873) que la responsabilit de ltat peut tre recher-che pour les dommages causs aux particuliers par lefait des personnes quil emploie, et encore cet arrt dis-pose quelle ne peut tre rgie par les principes qui sont

    tablis par le code civil pour les rapports de particulier particulier etquil y aura un rgime et des tribunaux particuliers ;

    n jusquau milieu du XIXme sicle on pouvait plaider que le mde-cin dans lexercice de sa profession, nest soumis pour ses prescrip-tions, ordonnances, oprations de son art aucune responsabilitsauf si, oubliant quil est mdecin et se livrant aux passions, auxvices, aux imprudences de lhomme, il occasionne par un fait rpr-hensible, un prjudice rel au malade...2 On sait comment les cho-ses ont volu vers la notion dobligations de moyens, et aussi vers larecherche dindemnisation mme sans faute des alas thrapeutiques,suite, notamment, aux affaires du sang contamin par le virus duSIDA ;

    2. Plaidoirie de Matre Mrieux sous Cass. req. 18 juin 1835, cite par DominiqueThouvenin in, La responsabilit mdicale, Flammarion 1995.

    Comme tout

    citoyen et salari,

    le travailleur social

    a des comptes

    rendre

  • Dossier

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    n en ce qui concerne la justice, lirresponsabilit de ltat va durer en-core plus longtemps que pour les autres secteurs de la fonction publi-que : Ce nest quavec la loi du 7 fvrier 1933 que ltat se voitdclar civilement responsable de ses juges et ce nest quun sicleaprs larrt Blanco que le lgislateur (loi du 5 juillet 1972) traite dufonctionnement dfectueux des services de justice.3

    n de mme la mise en cause de la responsabilit des travailleurs so-ciaux du fait de leur profession est-elle assez rcente.

    On constate de plus en plus aujourdhui, une gnralisation de la responsa-bilit : par soucis dquit, par refus du fatalisme, par volont dindemnisation des victimes, en raison de la gnralisation des systmes dassurances aussi,

    Il nest donc pas tonnant que les services sociaux et ducatifs - polyvalencede secteur, AEMO, tablissements, assistantes sociales...- aient de plus enplus frquemment des comptes rendre devant la socit (responsabilitpolitique ou pnale), devant leur employeur (responsabilit professionnelleou disciplinaire) devant la victime (responsabilit civile ou administrativesuivant le lieu de travail).Il est certain quil y a dans les demandes de comits et surtout dans celles derfrences dontologiques, un important besoin de protection. Ce nest paspar hasard que lon entend si souvent ce lapsus on est protg par le secretprofessionnel, alors quil nest pas une protection mais une obligation.Certains se disent quil vaut mieux faire la police entre soi, afin dviterdavoir des comptes rendre la socit. Cest une sorte dapproche corpo-ratiste. Par exemple, les garagistes disent les juges ne peuvent pas nousjuger, jugeons-nous nous-mme, ou le mdecins disent que peuvent en-tendre les juges la mdecine ?Il y a un peu lide de se dire dotons nous de nos propres rgles, pourviter quon vienne nous chercher des noises. Il est en partie lgitimequune profession sauto-organise et sautorgule ; mais jusqu un certainpoint seulement, seulement dans le cadre de la loi.

    3. Starck, Roland et Boyer, Obligations, Litec 1991, p. 489.

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    thique et Dontologie : implications pour les professionnels

    III. QUELLES BASES POURUNE THIQUE SOCIALE COMMUNE ?

    Une difficult pour fonder une rflexion thique et pour dvelopper ce quonappelle des thiques appliques : biothique, thique de linformation, thi-que de lenvironnement, thique des affaires, thique sociale, cest que lesrepres traditionnels se sont estomps. Les bases habituelles, ontologiques,mtaphysiques, religieuses, ont disparu. La crise des fondements affecteaussi lthique. Mais cest bien pour cela que simpose une rflexion thi-que, comme dconstruction et refondation.

    Il semble cependant quil y ait des points de convergence.

    3.1 La rintroduction de la personnedans laction sociale.Sans doute est-ce li la place que lon accorde lavaleur de la personne.

    Cest rattacher ce quon appelle parfois dun termeun peu inadapt la monte de lindividualisme. Celaveut dire que le but de laction sociale ce nest pas seule-ment la dfense de la paix sociale, mais cest dabord lerespect de celui quon appelle lusager, disons mieux, lapersonne, de son autonomie, de son histoire. Cela on leretrouve dans tous les textes sur la dontologie, rfren-

    ces de lANCE, ou code de lANAS, comme dans la Convention Interna-tionale des droits de lenfant qui pose lintrt suprieur de lenfant commecritre premier.

    Par exemple il peut tre intressant dinventorier comment on dsigne leclient dans les textes de lois. Je prendrai pour exemple les textes sur laprotection de lenfance :1. Les premiers textes sur lassistance lenfance dsignaient lenfant sous

    le terme gnral dorphelin et appelaient les tablissements daccueildes orphelinats. La mission assigne aux services tait alors claire : ilfallait remplacer des parents absents, morts ou inconnus. Il convenaitdorganiser des placements (terme lui-mme significatif !) de substitu-tion. Plus tard, lorsque le mot orphelin paratra inadapt on parlera de

    Le but de laction

    sociale, cest

    dabord le respect

    de la personne

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    Les Cahiers de l'Actif - N276/27726

    Pupilles et assimils , ce qui, par rapport la place assigne aux pa-rents, signifie la mme chose. Pupilles et assimils, trois mots assas-sins dira un jour un pdopsychiatre, le docteur Jean-Claude Delaporte.Assassins, parce queffectivement ils tuaient symboliquement les pa-rents.

    2. La loi de 1889, permettra pour la premire fois un tribunal de pronon-cer la dchance de la puissance paternelle contre des parents soitmaltraitants, soit pernicieux. Elle va introduire une nouvelle population.Elle dsignera les enfants par le terme de moralement abandonns . Ilne sagira plus alors seulement de remplacer, mais bien de protger lesenfants contre leurs parents, jugs dangereux.

    3. Aprs la logique de la substitution, cest sous cette logique de la protec-tion que lon va fonctionner jusque vers les annes 1970. A ce momentl, plusieurs groupes de rflexion montreront que les rsultats de ce typede prise en charge ntaient pas la hauteur des investissements humainset financiers engags. Le Ministre de lpoque (Robert Boulin) confiera Antoine Dupont-Fauville la mission dtudier les rsultats de laidesociale lenfance et de faire des propositions. Les rapporteurs vontnoncer que la rponse au cas social comme on disait lpoque, nepouvait pas tre seulement sociale. Que lenfant spar est un enfantbless ; quil ne sagit pas de remplacer, de protger, mais de soigner. Del date la mise en place de nouveaux professionnels, la constitution dqui-pes pluridisciplinaires et un mode de travail diffrent sur le modle m-dical prdominant lpoque (on parle de soin et non dducation, oncompte les capacits des tablissements en lits et non en places, on abusedu terme approche clinique sans sinquiter du sens rel de ce mot...).On ne parlera plus dorphelin ou de pupille, mais d' enfant en diffi-cult quil faut prendre en charge. Quand aux parents objets desoins, ils sont un peu considrs comme des malades, en tous cas dfi-cients. Souvent on dit dans les grilles statistiques parents carencs .

    4. Dix ans plus tard, en 1980, le rapport Bianco-Lamy viendra introduireune logique nouvelle : il mettra en vidence que jusquici les servicespublics et privs ont fait beaucoup pour les enfants et les familles endifficults, mais ont insuffisamment permis aux enfants et leurs parentsdtre les acteurs de leur histoire.Ds sa premire page, le rapport souligne le poids du pass, la compti-tion des pouvoirs et limportance des absents. Et les grands absents desservices de laide sociale lenfance, ce sont, dit le rapport Bianco-Lamy,les parents, les enfants et les familles daccueil. Non absents physique-ment, bien sr, mais en capacit dexprimer leur avis ou de le voir pren-dre en compte. Chacun de nous a pu entendre mille fois, cette poque :On ma plac et dplac mais on ne ma jamais demand mon avis.

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    thique et Dontologie : implications pour les professionnels

    Lhypothse du rapport Bianco-Lamy et des lois qui vont sen suivre(6 juin 1984 essentiellement) cest que, certes, il y a des familles d-faillantes, mais que ce nest pas en les remplaant, en agissant leurplace quon rsoudra durablement leur situation ; cest au contraire enleur reconnaissant des droits et en leur donnant les moyens dexercerleurs droits quon les fera sortir de leur dfaillance. Cest un retourne-ment de perspective : on passe de lintrt pour lenfant aux droits delenfant.On entre donc dans une nouvelle priode o on ne parlera plus dorphe-lin, de pupille, denfant en difficult, mais dusager. Le mot usagerentre pour la premire fois dans le droit social par une loi de 1985 sur lesconseils dtablissements qui prvoit que dans les institutions socialesvises par la loi de 75, les usagers, les familles et les salaris sont associsau fonctionnement de ltablissement par la biais notamment de con-seils dtablissement .Le terme de contrat ou de dmarche contractuelle se rpand deplus en plus et va devenir une pratique sociale gnrale aprs la rforme ltude de la loi de 1975..

    Comme il apparat dans ce rappel de terminologie, limage que lon a desparents a aussi volu : on est pass du pre absent, au pre dchu puis auxparents dfaillants pour en tre aujourdhui aux usagers du service avec quinous sommes engags dans une mission de coducation .

    La mission assigne aux services se modifie en consquence : il fallait dabordremplacer les parents absents ou gomms, puis protger lenfant contreses parents rputs dangereux, puis soigner le lien dfectueux et aujourdhuisoutenir. Soutenir, cest se tenir dessous pour faire tenir debout.

    Mais il faut bien relever que, dans cet difice, aucune tape nannule laprcdente, mais la complte : cest un peu comme des couches de pein-ture, toutes ncessaires.

    3.2 La responsabilitPeut-tre face la fragilisation et la prcarisation du monde, le principe deresponsabilit est raffirm.

    Deux applications :n dabord, pour reprendre les motifs de qute dontologique que nous

    avons noncs plus haut, cest dire : parce que les rgles de conduite deviennent floues, parce que le monde volue vite et nous bouscule,

  • Dossier

    Les Cahiers de l'Actif - N276/27728

    parce que nos responsabilits peuvent tre engages devant lestribunaux,

    parce que lusager a pris une nouvelle place,il y a de plus en plus un devoir de comptence. Se former, travailler, faitpartie de notre responsabilit, et cela tous les codes de dontologie le rel-vent.

    n Ensuite, nous sommes de plus en plus conscients de notre responsa-bilit pour lavenir. Nous savons maintenant que nous sommes res-ponsables du monde que nous laisserons nos enfants. Ceci a desincidences pour tout ce qui touche la biothique, la recherche, lesmanipulations gntiques, mais aussi le type de famille que nouspermettons, les jeunes que nous formons ou aidons, et aussi pour toutce qui touche la conservation de linformation. tre responsable,cest avoir conscience quon nest pas seul au monde.

    3.3 La rgulationBien sr les options thiques sont personnelles. Lorsquon parle dthiqueapplique, ou dthique de service, on est proche de la dontologie.

    Mais pour peser tous les aspects dun problme, pour soutenir cette remiseen cause, ce questionnement permanent, il est important de prvoir deslieux de rgulation.

    Le lgislateur et beaucoup de professions en ont mis en place : citons laCOB (commission de lorganisation bancaire), la CNIL, le CSA, le Comitnational dthique pour les sciences de la vie et de la sant cr par un dcretde 1983, les nombreux comits locaux, rgionaux, hospitaliers, de spciali-ts, comme les comits de lAssistance publique de Paris crs en 1981,non prvus par la loi.

    Il est important que les professions sociales aient aussi ces lieux de rgula-tion. LANCE pour sa part, a mis en place un Comit des avis dontologi-ques que lon peut solliciter pour avis.

    Travail social et thique, travail social et responsabilit, travail social et en-gagement, travail social et citoyennet doivent selon nous avoir partie lie.Dans tous les cas il sagit du respect et de la promotion de lAutre. DelAutre un et indivisible.

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    thique et Dontologie : implications pour les professionnels

    RFRENCES BIBLIOGRAPHIE

    Pierre Verdier est l'auteur de :

    L'autorit parentale, le droit en plus, Bayard ditions, Paris, 1993.

    L'enfant en miettes, Dunod diteur, Paris, 1997 (5me dition).

    L'adoption aujourd'hui, Bayard ditions, Paris, 1994 (5me dition).

    On m'a jamais demand mon avis, (avec Marieke AUCANTE), ditionsRobert Laffont, Collection "Rponses", 1990.

    Le guide de l'Aide Sociale l'Enfance, Bayard ditions, Paris, 1995(4me dition).

    Enfant de personne, (avec Genevive DELAISI), ditions Odile Jacob,Paris, 1994.

    Face au secret de ses origines. Le droit d'accs au dossier des en-fants abandonns, (avec Martine DUBROC), Dunod, 1996.

    Le secret professionnel en travail social, (avec J.P. ROSENCZVEIG),Codition Dunod et Jeunesse et Droit, 1996.

    Ces enfants dont personne ne veut, (avec Marieke AUCANTE), Dunodditeur, 1997, (L'adoption des enfants dits inadoptables).

    Le Droit la connaissance de son origine : un droit de l'homme,(avec Nathalie MARGIOTTA), Jeunesse et Droit, 1998.