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Thème n°4 : Travail, intégration sociale et conflit Chapitre 10) Marché du travail et lutte contre le chômage Partie 1) La gestion de l’emploi et la détermination du salaire Ce que dit le programme : Comment s’articulent marché du travail et gestion de l’emploi ? En se limitant à une présentation graphique simple et en insistant sur les déterminants de l'offre et de la demande, on expliquera l'analyse néo- classique du fonctionnement du marché du travail. Pour rendre compte de la spécificité de la relation salariale, on montrera l'intérêt de relâcher les hypothèses du modèle de base en introduisant principalement les hypothèses d'hétérogénéité du facteur travail et d'asymétrie d'information. À partir de quelques exemples, on montrera que le taux de salaire dépend également du résultat de négociations salariales et de l'intervention de l'État. Notions du programme de terminale : taux de salaire réel, salaire d'efficience, salaire minimum, contrat de travail, conventions collectives, partenaires sociaux, segmentation du marché du travail. Acquis de première : salaire, marché, productivité, offre et demande, prix et quantité d'équilibre, asymétries d'information. Définition des notions du chapitre : Asymétries d’information (NPP) : situation sur un marché où un agent dispose de plus d’information que les autres. Contrat de travail (NPT) : Convention par laquelle une personne (le salarié) s’engage à mettre son activité à disposition d’un employeur sous la subordination duquel il se place, moyennant une rémunération (le salaire). Il précise la rémunération, le contenu du poste et les conditions de travail. Conventions collectives (NPT) : accord signé entre représentants des employeurs et syndicats de salariés résultant d’une négociation collective qui règle le droit applicable en matière de condition de travail (horaires, salaires, classification professionnelle, etc.)

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Thème n°4 : Travail, intégration sociale et conflit

Chapitre 10) Marché du travail et lutte contre le chômage

Partie 1) La gestion de l’emploi et la détermination du salaire

Ce que dit le programme :

Comment s’articulent marché du travail et gestion de l’emploi ?

En se limitant à une présentation graphique simple et en insistant sur les déterminants de l'offre et de la demande, on expliquera l'analyse néo-classique du fonctionnement du marché du travail.

Pour rendre compte de la spécificité de la relation salariale, on montrera l'intérêt de relâcher les hypothèses du modèle de base en introduisant principalement les hypothèses d'hétérogénéité du facteur travail et d'asymétrie d'information.

À partir de quelques exemples, on montrera que le taux de salaire dépend également du résultat de négociations salariales et de l'intervention de l'État.

Notions du programme de terminale : taux de salaire réel, salaire d'efficience, salaire minimum, contrat de travail, conventions collectives, partenaires sociaux, segmentation du marché du travail.

Acquis de première : salaire, marché, productivité, offre et demande, prix et quantité d'équilibre, asymétries d'information.

Définition des notions du chapitre :

Asymétries d’information (NPP) : situation sur un marché où un agent dispose de plus d’information que les autres.

Contrat de travail (NPT) : Convention par laquelle une personne (le salarié) s’engage à mettre son activité à disposition d’un employeur sous la subordination duquel il se place, moyennant une rémunération (le salaire).Il précise la rémunération, le contenu du poste et les conditions de travail.

Conventions collectives (NPT) : accord signé entre représentants des employeurs et syndicats de salariés résultant d’une négociation collective qui règle le droit applicable en matière de condition de travail (horaires, salaires, classification professionnelle, etc.)

Institutionnalisation (NC) : processus par lequel des situations, des pratiques et des relations entre acteurs sont progressivement organisées de façon stable selon les normes largement reconnues par les parties en présence et l’ensemble de la société.

Marché (NPP) : lieu (réel ou fictif) de rencontre entre une offre et une demande qui donne lieu à fixation d’un prix.

Marché du travail (NPT) : lieu fictif de rencontre entre l’offre et la demande de travail qui donne lieu à la fixation d’un prix du travail appelé taux de salaire réel.

Partenaires sociaux (NPT) : Syndicats de salariés et d’employeurs.

Preneur de prix (NPP) : Sur un marché en concurrence parfaite, le prix est fixé par la rencontre de l’offre et de la demande et les agents n’ont aucun pouvoir sur les prix.

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Prix et quantité d’équilibre (NPP) : Prix et quantité qui égalisent l’offre et la demande sur un marché.

Productivité (NPP) : rapport entre une production et les moyens mis en œuvre pour l’obtenir.

Qualification (NPT) : aptitudes requises pour exercer un emploi (qualification de l’emploi). Niveau de formation et expérience (qualification de l’individu).

Risque moral (ou aléa moral) (NC) : situation où un agent, non ou mal informé, ne peut pas contrôler l’action d’un partenaire qui peut en profiter.

Salaire (NPP) : Rémunération du salarié prévue dans le contrat de travail.

Salaire d’efficience (NPT) : salaire supérieur au salaire d’équilibre et permettant d’obtenir qualité du travail, productivité et fidélité de la main-d’œuvre afin de réduire les coûts de recrutement, de formation...

Salaire minimum (NPT) : Le salaire minimum correspond à un salaire horaire en dessous duquel, légalement, aucun salarié ne doit être payé.

Salariat (NPT) : ensemble de personnes ayant le statut de salarié et bénéficiant de ce fait de protections prévues par le droit du travail et les conventions collectives.

Segmentation du marché du travail (NPT) : Séparation du marché du travail en deux segments différents en termes de fixation du salaire, de contrat et de carrière ; le segment primaire est caractérisé par des conditions plus favorables pour les salariés.

Taux de salaire réel (NPT) : Prix d’une heure de travail une fois déduits les effets de l’inflation.

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Introduction

1. La relation salariale est analysée comme une relation purement marchande par le modèle néoclassique du marché du travail

1.1. L’analyse néoclassique en concurrence parfaite

Exercice polycopié n°1 : Les hypothèses de la concurrence parfaite Diapo 1. Animation sur internet présentant les courbes d’offre et de demande et l’équilibre.

http://www.discip.crdp.ac-caen.fr/ses/fichiers/animation_marche/lancement.html Diapos 2 à 4 Exercice polycopié n°2

1.2. Le relâchement des hypothèses du modèle de base : la prise en compte de l’hétérogénéité du facteur travail et des asymétries d’information

1.2.1. L’hétérogénéité du facteur travail entraîne l’existence d’une pluralité de marchés et un salaire fixé en partie par les organisations

Document 1 p.334 Bordas Document polycopié n°1 Les conséquences de la segmentation du marché du travail Théorie insiders/outsiders : voir document 4 p.335

1.2.2. Les asymétries d’information et la théorie du salaire d’efficience : le salaire fixé par les organisations

Document 3 p.335 Bordas

2. Le travail n’est pas une marchandise comme les autres : le salaire encadré par le droit du travail et les conventions collectives

2.1. Le passage d’une relation contractuelle marchande à une relation salariale encadrée par l’Etat

Document polycopié n°2 La relation salariale est fondamentalement asymétrique Document polycopié n°3 Le contrat de travail Document polycopié n°4 Les Trente glorieuses : du travail à l’emploi Document polycopié n°5 Chronologie de l’institutionnalisation de la relation salariale en France Document polycopié n°6 Le travail n’est pas une marchandise

2.2. Les conventions collectives signées par les partenaires sociaux encadrent la fixation du salaire

Document polycopié n°7 Un exemple de convention collective dans le commerce Document polycopié n°8 Les conventions collectives Document polycopié n°9 Les conventions collectives et la fixation du salaire Voir diapo 5

Conclusion/ouverture : la loi Macron, une remise en cause du droit du travail ?

Document polycopié n°10

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Sujets de bac « tombés » sur ce chapitre

Partie 1 de l’EC : Montrez que le salaire n’est pas seulement déterminé par la rencontre entre l’offre et la demande de

travail. Quelle est l’influence du salaire d’efficience sur le fonctionnement du marché du travail ? Comment les partenaires sociaux contribuent-ils à la détermination des salaires ?

Partie 2 de l’EC : Vous présenterez le document, puis vous montrerez les évolutions de l’emploi qu’il met en évidence.

(série chronologique de proportions en %).

Partie 3 de l’EC : Montrez que le salaire ne dépend pas que du marché du travail. Vous présenterez les effets des asymétries d’information et de la segmentation du marché du travail

sur le fonctionnement de ce marché.

Dissertation : Comment peut-on expliquer la fixation des salaires ?

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Introduction

Deux problématiques dans ce chapitre :La gestion de l’emploi est fondée sur le contrat de travail, qui précise la rémunération, le contenu du poste, les conditions de travail et engage le salarié dans une relation de subordination par rapport à l’employeur, reflet du caractère hiérarchique de la relation salariale. Le contrat de travail ayant une dimension marchande, la gestion de l’emploi s’analyse en mobilisant une approche en termes de marché. Cette dimension toutefois n’est pas suffisante car, comme tous les contrats, le contrat de travail est encadré par un ensemble de normes et d’institutions. L’histoire sociale a conduit à donner une importance particulière aux normes en ce qui concerne la gestion des relations de travail et la gestion de l’emploi. Outre les règles d’origine étatique (code du travail en France), les relations de travail sont modelées par des conventions qui résultent d’accords entre partenaires sociaux.D’où la problématique suivante : « Comment s’articulent marché du travail et gestion de l’emploi ? » (programme officiel). En d’autres termes, cette gestion relève-t-elle uniquement d’une logique marchande ? « Le marché du travail est-il un marché comme un autre ? » Nous répondrons à ces questions dans le 1. et le 2.

Dans la partie 2 de ce chapitre, nous aborderons la question des politiques de l’emploi en nous demandant d’abord « comment lutter contre le chômage ? », puis en analysant les conséquences des évolutions de l’emploi sur la capacité du travail à produire de l’intégration sociale.

1. La relation salariale est analysée comme une relation purement marchande par le modèle néoclassique du marché du travail

1.1. L’analyse néoclassique en concurrence parfaite (modèle de base)

Le modèle néo-classique de base repose sur la modélisation du fonctionnement du marché du travail, le travail est appréhendé comme une marchandise comme les autres. Son prix est le taux de salaire réel (salaire horaire une fois déduits les effets de l’inflation). Il se calcule en faisant salaire horaire nominal / indice des prix.

Dans le raisonnement néoclassique, les agents économiques sont rationnels, ils cherchent à maximiser leur utilité (comportement d’homo oeconomicus).

Pour modéliser il est nécessaire et indispensable de simplifier la réalité complexe. Nous allons rappeler dans le premier document les hypothèses néoclassiques permettant cette simplification.

Exercice polycopié n°1 : Les hypothèses de la concurrence parfaiteRemplissez le tableau avec les propositions suivantes :

Tous les agents savent tout sur les quantités offertes et à quels prix. Le travail fourni par quiconque est strictement le même, donc tous les travailleurs ont les mêmes

qualifications et compétences. Quantité très grande d’offreurs et de demandeurs Chaque offreur est libre de choisir de proposer ou non son travail, chaque demandeur peut (ou pas)

demander du travail. Les facteurs qui permettent la production du bien ou service considéré doivent être librement

disponibles et pouvoir se déplacer facilement d’une production à une autre. Tous les emplois et contrats de travail proposés sont connus de tous. Mobilité du capital humain N’importe quel agent peut entrer et sortir du marché. Beaucoup d’employeurs et beaucoup de salariés, dans tous les métiers. Produit unique et uniforme

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Conditions de la concurrence parfaite pour le marché des biens et services

Traduction pour le marché du travail

Atomicité

Homogénéité

Transparence

Libre entrée et sortie

Mobilité des facteurs de production

Conditions de la concurrence parfaite pour le marché des biens et services Traduction pour le marché du travail

Atomicité Quantité très grande d’offreurs et de demandeurs

Beaucoup d’employeurs (demandeurs) et beaucoup de salariés (offreurs), dans tous les métiers.

Homogénéité Produit unique et uniforme

Le travail fourni par quiconque est strictement le même, donc tous les travailleurs ont les mêmes qualifications et compétences.

Transparence Tous les agents savent tout sur les quantités offertes et à quels prix.

Tous les emplois et contrats de travail proposés sont connus de tous.

Libre entrée et sortie N’importe quel agent peut entrer et sortir du marché.

Chaque offreur est libre de choisir de proposer ou non son travail, chaque demandeur peut (ou pas) demander du travail.

Mobilité des facteurs de production

Les facteurs qui permettent la production du bien ou service considéré doivent être librement disponibles et pouvoir se déplacer facilement d’une production à une autre.

Mobilité du capital humain

Sur un marché qui a de telles caractéristiques de concurrence parfaite, les agents économiques sont preneurs de prix (price taker). Cela signifie qu’en raison de la concurrence, ils ne peuvent agir sur les prix qui sont donc des données pour eux. Ils vont en revanche pouvoir décider des quantités qu’ils sont prêts à offrir et demander pour chaque niveau de prix.

Ne pas confondre offre et demande de travail et offre et demande d’emplois (voir diapo 1).

Théorie économique

Sphère médiatique

Les travailleurs… Offre de travail Demande d’emploiLes employeurs… Demande de travail Offre d’emploi

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Animation sur internet présentant les courbes d’offre et de demande et l’équilibre.http://www.discip.crdp.ac-caen.fr/ses/fichiers/animation_marche/lancement.html

L’offre de travail (voir diapo 2): Arbitrage entre travail et loisir. Le travail est considéré comme une désutilité (aversion pour le

travail) car il signifie que l’on se prive de loisir. Mais il apporte un revenu donc permet de consommer ce qui accroît la satisfaction.

Dans l’univers néoclassique, les agents pratiquent un raisonnement à la marge. Ils vont comparer l’utilité que permet le salaire obtenu pour une heure de travail supplémentaire et la désutilité entrainée par le sacrifice d’une heure de loisir. Si l’utilité est supérieure à la désutilité, ils vont décider d’offrir une heure de travail supplémentaire. Dans le cas contraire, ils ne sont pas prêts à sacrifier une heure de loisir supplémentaire.

Cet arbitrage s’opère en fonction du taux de salaire réel. Plus le taux de salaire réel est élevé, plus les agents sont prêts à offrir une quantité importante de travail puisque la consommation s’accroît plus fortement ce qui permet de compenser la désutilité entrainée par la perte d’heures de loisir. L’incitation à travailler est donc d’autant plus forte que le taux de salaire réel est élevé.

La demande de travail (voir diapo 3) : Les néo-classiques pratiquent un raisonnement à la marge (c’est à dire qu’ils étudient les calculs à la

marge auxquels se livrent les individus dans la recherche du maximum de satisfaction ou de profit). L’employeur compare donc le coût marginal du salarié (coût d’une heure de travail supplémentaire dans l'entreprise) avec la productivité marginale du travail (ce que le travailleur produit comme richesse supplémentaire pour une heure de plus dans l'entreprise). Il va continuer d’embaucher tant que le coût marginal est inférieur à la productivité marginale. Il s’arrête d’embaucher lorsque le coût marginal (taux de salaire réel) est égal à la productivité marginale.

Plus le taux de salaire réel est élevé, plus l’incitation à demander du travail est faible puisque le coût marginal du travail s’élève et risque d’être supérieur à la productivité marginale.

Donc la demande de travail est décroissante par rapport au taux de salaire réel.

L’équilibre sur le marché du travail vu par les néoclassiques Si les conditions de la concurrence parfaite sont réunies, le marché du travail revient naturellement à

l’équilibre. On dit qu’il s’autorégule. Le marché retourne automatiquement à l’équilibre à condition que les conditions de la concurrence

parfaite soient respectées et que le taux de salaire réel soit parfaitement flexible. L’équilibre est le point qui égalise l’offre et la demande de travail. Il existe un niveau de taux de salaire

réel qui permet cet équilibre.

Voir diapo 4

L’offre de travail peut varier en raison de facteurs : Démographiques : variation de la population en âge de travailler = immigration, natalité, mortalité aux

âges actifs. Réglementaires : âge légal de début et de fin de la vie active. Sociologiques : durée des études, travail des femmes. Economiques : existence ou pas et niveau des revenus de remplacement (allocation chômage, minimas

sociaux).Une hausse de l’offre de travail conduit à une baisse du taux de salaire réel. La baisse de l’offre de travail conduit à une hausse du taux de salaire réel.

La demande de travail peut varier en raison de :

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La productivité des salariés. Une hausse de la productivité fera augmenter la demande de travail. Le carnet de commandes. Des commandes plus importantes conduisent à augmenter la demande de

travail pour produire plus.L’augmentation de la demande de travail conduit à une hausse du taux de salaire réel. La diminution de la demande de travail conduit à une baisse du taux de salaire réel.

La flexibilité du taux de salaire réel permet d’atteindre un équilibre lorsque l’offre et la demande de travail varient.

Exercice polycopié n°2 Complétez le tableau suivant : Si … Alors…

On se déplace le long de la courbe

le taux de salaire réel diminue , l’offre de travail ………………………le taux de salaire réel augmente , la demande de travail …………………

C’est la courbe qui se déplace l’offre de travail augmente , le taux de salaire réel …………………..la demande de travail diminue , le taux de salaire réel ………………….

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1.2. Le relâchement des hypothèses du modèle de base : la prise en compte de l’hétérogénéité du facteur travail et des asymétries d’information

Les hypothèses de la concurrence parfaite sont apparues trop irréalistes pour décrire convenablement le fonctionnement du marché du travail et notamment la manière dont sont fixés les salaires. Les économistes ont donc relâché certaines hypothèses du modèle pour décrire de manière plus efficace la réalité. Nous allons donc raisonner maintenant en concurrence imparfaite et mettre en avant l’hétérogénéité du facteur travail qui remet en cause l’hypothèse d’homogénéité et les asymétries d’information qui remettent en cause l’hypothèse d’une information parfaite.

Nous verrons également comment le relâchement de ces hypothèses peut permettre d’expliquer les rigidités à la baisse du salaire réel.

1.2.1. L’hétérogénéité du facteur travail entraîne l’existence d’une pluralité de marchés et un salaire fixé en

partie par les organisations

Une première explication insiste sur le rôle des individus qui investissent plus ou moins dans l’acquisition d’une qualification (qui améliore leur capital humain) leur permettant d’obtenir plus tard un salaire plus élevé qui rémunère une productivité plus élevée. Evidemment tous les individus ne font pas les mêmes calculs et différents marchés du travail existent donc qui déterminent des niveaux d’emplois et des salaires différents. Dans ces cas, le rôle du marché reste présent.

Document 1 p.334 Bordas

1. L’hypothèse d’homogénéité du facteur travail est remise en cause car certains travailleurs ont un capital humain plus élevé que d’autres.

2. Le salaire médian net en 2010 des titulaires d’un doctorat, de la génération 2007, est de 2 220 euros alors que pour une personne sans diplôme ce dernier est de 1 140 euros, en France, d’après le CEREQ. La différence de rémunération s’explique par la productivité et le capital humain plus forts du titulaire d’un doctorat, alors que ce salaire médian serait impossible pour une personne sans diplôme car le coût du travail serait trop important par rapport à sa faible productivité.

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3. Dans les pays sous-développés, l’offre de travail qualifié est encore plus rare, ce qui provoque un déséquilibre entre l’offre et la demande de travail qualifié. Cela entraîne une hausse du salaire de ces travailleurs qualifiés pour les attirer, réguler leur rareté et permettre l’allocation optimale des ressources. Ainsi, la différence avec les non-qualifiés est encore plus forte puisque eux n’ont pas eu d’augmentation de salaire.

4. Avec un niveau de qualification plus élevé, l’individu augmente ses compétences et ainsi augmente son efficacité, sa productivité. Or, dans l’analyse libérale, l’employeur compare ce que coûte un travailleur à ce qu’il rapporte, et ainsi il rapporte plus, ce qui incite davantage à embaucher. Donc la demande de travail augmente.

Remarque : ces raisonnements néoclassiques en termes de productivité individuelle sont contestables. D’autres courants avancent au contraire que la productivité n’a de sens que collective et que vouloir isoler des productivités individuelles est une chimère.On pourrait avancer une autre hypothèse : les salariés les plus qualifiés sont plus rares, donc ils ont un pouvoir de négociation plus élevé et obtiennent des salaires supérieurs. Tout serait alors question de rapport de force plutôt que de productivité individuelle.

5. Dans l’analyse néoclassique, le marché du travail est en CPP et le salaire flexible ; ainsi le niveau de salaire se détermine par la libre confrontation entre l’offre et la demande de travail. Or, un capital humain plus élevé est synonyme de plus forte productivité et les entreprises seront alors prêtes à proposer un salaire supérieur au salaire d’équilibre en cours pour les autres niveaux de qualification. Du fait de l’hétérogénéité du facteur travail, il y a donc autant de salaires d’équilibre que de niveaux de qualification, ce qui est facteur de rigidités sur le marché du travail.

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Document polycopié n°1 Les conséquences de la segmentation du marché du travail Un marché du travail interne est défini comme une unité où les mécanismes de détermination des salaires

et d'allocation du travail sont gouvernés par des règles et procédures administrées. Ce marché s'oppose au marché du travail externe dont le fonctionnement dépend avant tout de variables économiques. Au-delà de la diversité de leurs formes, les marchés internes accordent tous des droits et des privilèges à leurs salariés, les règles régissant le rapport salarial et la gestion de la main-d'œuvre ayant une certaine rigidité ou inertie vis-à-vis des conditions économiques externes. On les rencontre surtout dans les grandes entreprises industrielles à main-d'œuvre très majoritairement masculine où la spécificité des compétences, la formation par les pairs, le fonctionnement de collectifs de travail ayant la même socialisation et partageant les mêmes systèmes de valeurs ont permis l'émergence de règles privilégiant l'ancienneté. Leur présence suppose aussi que les directions d'entreprise cherchent ainsi à limiter les coûts de sélection, de recrutement, de formation et de turn-over en favorisant la stabilité et la promotion professionnelles. Le concept de marché interne débouche sur la notion de dualisme. Le marché du travail est divisé en deux segments avec un marché primaire et un marché secondaire. Le premier est constitué de la réunion des marchés internes : les emplois de ce segment offrent une relative sécurité de l’emploi, de bonnes conditions de travail, des possibilités d’avancement codifiées dans des règles, des salaires convenables et des avantages sociaux appréciables. Quant au marché secondaire, il regroupe différents types d’emplois dont les caractéristiques s’opposent point par point à celles du marché primaire : insécurité d’emploi, mauvaises conditions de travail, turn-over élevé, règles de fonctionnement et d’avancement arbitraires…

D’après Nicole Gadrey, A propos des théories de la segmentation, Travail et genre : approches croisées, l’Harmattan, 2001

1) Remplissez le tableau ci-dessous à partir du texte.

Segments du marché du travail Marché primaire Marché secondaireTypes de travailleurs Qualifiés Peu qualifiés

Types de contrats CDI (peu de turn-over) CDD-Intérim (insécurité de l’emploi)Turn-over élevé

Rémunérations Plus élevées Moins élevéesConditions de travail Bonnes, autonomie Mauvaises, peu d’autonomie

Avancement Possibilités de promotions et d’augmentation de salaires Peu de perspectives de carrière

Modes de coordination

Par l’organisation (règles collectivement négociées avec les syndicats, progression à l’ancienneté).Ne dépend pas des conditions économiques sur le marché.

Concurrentielle (par le marché).Loi de l’offre et de la demande

2) En quoi la segmentation du marché du travail remet-elle en cause le modèle néoclassique en concurrence parfaite ?

La segmentation du marché du travail désigne le processus de fractionnement du marché du travail en marchés distincts. Selon les caractéristiques des emplois offerts et des populations, les pratiques de recrutement, les modes de rémunération... diffèrent.

L'hypothèse d'homogénéité du facteur travail n'est donc plus respectée. On parle de dualisme lorsqu'il y a deux marchés, appelés marché primaire et marché secondaire, entre lesquels existe une frontière étanche. Le fonctionnement des deux marchés diffère : le marché primaire repose sur des règles collectivement négociées (salaires, promotions, garanties et avantages sociaux,... négociées avec les syndicats) alors que le marché secondaire connaît un fonctionnement plus concurrentiel.

Ici encore, l’idée d’un salaire d’équilibre unique fixé par les seuls mécanismes marchands est remise en cause par l’imperfection du marché. En effet, sur le marché primaire, ce n’est pas la rencontre d’une offre et d’une demande de travail dans un univers concurrentiel qui détermine le salaire, mais des mécanismes internes à l’entreprise.

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Le sociologue Olivier Godechot a montré que les traders, qui sont en position d’intermédiaires entre la banque qui les emploie, ses clients, ses concurrents, les autres intervenants sur les marchés financiers, peuvent tirer de cette position un pouvoir de négociation leur permettant d’extraire une rente de l’activité collective et d’obtenir une rémunération fixe et variable déconnectée de leur contribution à cette activité collective, qui est de toute façon difficile à estimer.

Principal enseignement à tirer du document polycopié n°2 :La fixation du salaire ne se fait pas uniquement sur un marché concurrentiel (rencontre entre l’offre et la demande de travail). Elle aussi dépendante du fonctionnement interne des organisations.La segmentation du marché du travail entraîne un salaire sur le marché primaire supérieur au salaire d’équilibre en concurrence parfaite.

Théorie insiders/outsiders : voir document 4 p.335

Développée par un économiste suédois, Lindbeck, et un Américain, Snower, mais aussi par les Britanniques Layard et Nickell, elle [la théorie insider-outsider] repose sur le fait que les négociations au sein de l'entreprise, que ce soit sur les salaires ou sur l'emploi, sont réalisées soit par des représentants des salariés de l'entreprise, soit par des salariés permanents. Dans les deux cas, ceux qui négocient sont déjà au sein de l'entreprise – des insiders. Ils ne tiennent pas compte des intérêts des outsiders – ceux qui sont hors de l'entreprise –, c'est-à-dire les chômeurs. Du fait de leur pouvoir de négociation (menace de grève par exemple), les insiders obtiennent des conditions au-delà de ce que le marché devrait accorder, ce qui provoque ou prolonge l'exclusion des outsiders. Ce mécanisme peut alors générer des phénomènes d'hystérèse [...]. L’idée de l'hystérèse, empruntée à la physique, est qu'un choc macroéconomique défavorable ou une mauvaise politique peuvent avoir des effets durables et quasi irréversibles. En effet, même si l'économie repart ou si la politique est corrigée, les insiders vont chercher à accaparer les gains de la nouvelle situation au détriment du retour à l'emploi des outsiders. C'est ce qui semble alors se passer en Grande-Bretagne : malgré l'affaiblissement des syndicats, malgré un très fort chômage, les entreprises continuent d'offrir des salaires croissants.

Philippe ASKENAZY, Les décennies aveugles. Emploi et croissance 1970-2010, Seuil, 2011

Certains auteurs ont mis en avant à partir de cette segmentation du marché du travail une opposition entre les insiders (salariés en poste) et les outsiders (travailleurs cherchant un emploi).Les insiders ont un pouvoir de négociation (menace de grève par exemple) que leur confère leur présence dans l’entreprise et ils peuvent en profiter pour demander des conditions, y compris de rémunération, que le marché ne leur aurait pas accordées. En période de chômage, cette situation freine la baisse des salaires et empêche les outsiders de se faire embaucher à un niveau de salaire faible. Ainsi cette segmentation du marché, cette dualité dans le mode de gestion de la main-d’œuvre crée des rigidités salariales qui peuvent expliquer le chômage dans la perspective néoclassique.

Remarque : Dans une logique de segmentation du marché du travail, on peut aussi évoquer le sort réservé à certaines catégories de population qui subissent des discriminations salariales. Vous pouvez ici réinvestir ce qui a été vu dans le chapitre 4 sur les inégalités liées au genre. Les études économétriques montrent qu’à qualification et statut égal, les femmes ont un salaire inférieur de 6-8% à ceux des hommes.

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1.2.2. Les asymétries d’information et la théorie du salaire d’efficience : le salaire fixé par les organisations

Document 3 p.335 Bordas

1) A l’aide de vos connaissances de première, rappelez les définitions des termes : asymétrie d’information, risque (ou aléa) moral.

1. Asymétrie d’information : situation sur un marché où un agent dispose de plus d’information que les autres.Risque ou aléa moral : situation où un agent, non ou mal informé, ne peut pas contrôler l’action d’un partenaire qui peut en profiter.

2) En quoi consiste la théorie du salaire d’efficience ?3) Pourquoi certaines entreprises sont-elles prêtes à rémunérer les travailleurs au-dessus du salaire d’équilibre ?

2. et 3. La théorie du salaire d’efficience explique que les entreprises ont tendance à rémunérer les travailleurs au-dessus du salaire d’équilibre pour rendre le travail des salariés le plus efficace possible (salaire d’efficience car permettant une forte productivité).

Certaines entreprises sont prêtes à rémunérer les travailleurs au-dessus du salaire d’équilibre pour : limiter le risque d’antisélection : en offrant des salaires élevés, l’entreprise cherche à s’attirer les

meilleurs travailleurs, qui sont difficiles à déceler lors des entretiens d’embauche. Des salaires trop faibles désinciteraient les meilleurs travailleurs à se présenter à l’embauche.

Limiter le risque moral : en raison des asymétries d’information, il est difficile de s’assurer de la fidélité et de l’implication des travailleurs. En offrant des salaires élevés, l’entreprise cherche à limiter ce risque. En effet, pour éviter de perdre cet emploi et le salaire intéressant qui va avec, les travailleurs vont donc tout faire pour satisfaire les demandes de l’employeur et être les plus efficaces possible. C’est aussi une façon d’établir une relation de confiance entre salariés et entreprise propice au total investissement de ceux-ci.

On peut ajouter l’objectif de fidélisation des salariés qui ont un capital humain spécifique lié à l’expérience dans l’entreprise et éviter les rotations trop importantes de la main-d’œuvre qui obligeraient à former de nouveaux salariés, ce qui a un coût.

Même si les autres conditions de la concurrence parfaite étaient réunies, les asymétries d’information conduisent les entreprises auraient intérêt à pratiquer des salaires supérieurs au salaire d’équilibre (salaire d’efficience) pour gagner en productivité. On a là une autre explication des rigidités à la baisse du salaire réel et donc une explication néoclassique au chômage involontaire.

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2. Le travail n’est pas une marchandise comme les autres : le salaire encadré par le droit du travail et les conventions collectives

L’analyse néoclassique du travail est très réductrice car elle fait du travail une simple marchandise et considère que le salaire – comme tous les autres prix – est fixé par la rencontre entre une offre et une demande sur un marché concurrentiel. La prise en compte des imperfections du marché a certes amélioré la portée explicative du modèle, mais nous allons voir à présent que les relations de travail ne sont pas des relations marchandes comme les autres car la relation salariale est fortement institutionnalisée. Outre les règles d’origine étatique (code du travail en France), les relations de travail sont modelées par des conventions qui résultent d’accords entre partenaires sociaux.Etat → droit du travail. + Partenaires sociaux → conventions collectives.

2.1. Le passage d’une relation contractuelle marchande à une relation salariale encadrée par l’Etat

Nous allons voir que si initialement la relation salariale pouvait être considérée comme une relation purement marchande, celle-ci a connu un processus d’institutionnalisation progressive.

Document polycopié n°2 La relation salariale est fondamentalement asymétriqueC’est par l’accord qui se fait habituellement entre ces deux personnes, [l’employeur et le salarié], dont

l’intérêt n’est nullement le même, que se détermine le taux commun des salaires. Les ouvriers désirent gagner le plus possible ; les maîtres, à donner le moins qu’ils peuvent ; les premiers sont disposés à se concerter pour élever les salaires, les seconds pour les abaisser. Il n’est pas difficile de prévoir lequel des deux partis, dans toutes les circonstances ordinaires, doit avoir l’avantage dans le débat, et imposer forcément à l’autre toutes ses conditions. Les maîtres, étant en moindre nombre, peuvent se concerter plus aisément ; et de plus, la loi les autorise à se concerter entre eux, ou au moins ne le leur interdit pas ; tandis qu’elle l’interdit aux ouvriers. Nous n’avons point d’actes du Parlement contre les ligues qui tendent à abaisser le prix du travail ; mais nous en avons beaucoup contre celles qui tendent à le faire hausser. Dans toutes ces luttes, les maîtres sont en état de tenir ferme plus longtemps. Un propriétaire, un fermier, un maître fabricant ou marchand, pourraient en général, sans occuper un seul ouvrier, vivre un an ou deux sur les fonds qu’ils ont déjà amassés. Beaucoup d’ouvriers ne pourraient pas subsister sans travail une semaine, très peu un mois, et à peine un seul une année entière. A la longue, il se peut que le maître ait autant besoin de l’ouvrier, que celui-ci a besoin du maître ; mais le besoin du premier n’est pas si pressant.

A. Smith, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776.

1) En quoi ce texte montre que la relation salariale ne peut être considérée comme un contrat librement consenti entre un acheteur de travail et un vendeur de travail ?

Salariés et employeurs sont dans une position fondamentalement asymétrique lorsqu’il négocie en tête à tête la relation salariale. Pour cette raison, on ne peut considérer le travail comme une marchandise identique à toutes les autres qui pourrait s’échanger sur un marché et dont le prix et les conditions d’exercice seraient fixés par un simple accord contractuel entre un offreur de travail et un demandeur de travail. En effet, cette relation contractuelle engendre des rapports de domination.Cette condition est restée dominante jusqu’à la fin du 19ème siècle où le rapport salarial était un simple rapport individuel entre le patron et le salarié (le salarié est seul face à son patron). Pas de protection. On peut être licencié du jour au lendemain. On vit au jour le jour. La vulnérabilité sociale est la condition majoritaire des salariés. Insécurité sociale permanente : le salarié est à la merci du moindre aléa de la vie (chômage, accident du travail, vieillesse) et peut basculer à tout moment dans la déchéance.C’est pourquoi, comme nous allons le voir, la relation salariale a été peu à peu encadrée par le droit du travail et les conventions collectives. La reconnaissance du principe de subordination salariale a donc pour contrepartie l'instauration d'une protection du travailleur, dont l'État se porte garant. Et cette protection n’a cessé de s’affermir au cours des 19e et 20e siècles.

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Document polycopié n°3 Le contrat de travailSociété Durand, 12 rue Leblanc, 68000 Colmar Entre la société Durand d’une part, et Monsieur Marcel Dupont, né le 20 janvier 1960 à Paris 14ème et habitant 4 rue Violette à Wintzenheim, d’autre part, il a été convenu ce qui suit conformément aux dispositions de la convention collective nationale du commerce de détail et de l’habillement. Monsieur Marcel Dupont est engagé à partir du 1er juin 2009 dans les conditions suivantes : période d’essai : 1 mois ; nature de l’emploi : vendeur hautement qualifié ; capable de faire des étalages ; qualification : catégorie 7 ; horaire : mardi 10h-13h et 14h-18h et du mercredi au samedi 9h30 13h et 14h-18h30 ; salaire mensuel brut : 1 430 euros ; durée du contrat : indéterminée ; congés payés : 5 semaines uniquement aux dates de fermeture de la société ; journées de repos hebdomadaire : dimanche et lundi. Les parties contractantes s’engagent à se conformer aux dispositions du règlement intérieur dont l’intéressé déclare avoir pris connaissance. Fait en double exemplaire à Colmar le 1er juin 2009, signatures des 2 parties précédées de la mention « lu et approuvé ».

1) Relevez les dispositions qui s’imposent à l’employeur et au salarié ? D’où vient cette obligation ?

La période d’essai ne peut pas durer indéfiniment. Qualification précisée dans la convention collective. Les horaires de travail sont aussi encadrés par le droit du travail. Les motifs de rupture du CDI sont précisés par le droit du travail. La durée minimale de congés payés aussi. Le nombre de jours de repos hebdomadaires aussi.

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Document polycopié n°4 Les Trente glorieuses : du travail à l’emploiLe système de protection des emplois tel que nous le connaissons aujourd'hui est l'héritier d'une longue

histoire et notamment d'un ensemble d'innovations conçues dans l'immédiat après-guerre. Un premier jalon est posé, dès mai 1945, avec l'ordonnance dite du « contrôle de l'emploi ». Celle-ci permet à l'administration de superviser et de protéger l'emploi dans les secteurs jugés prioritaires pour la reconstruction de l'économie. [...] Dans les décennies suivantes, elle servira de fondement légal au contrôle des procédures de licenciements collectifs par l'administration et l'inspection du travail.

Autre pièce du puzzle : c'est également à la Libération que la loi instaure des comités d'entreprise dans tous les établissements de plus de cinquante salariés. [...]

Dès 1946, le décor est donc planté, mais c'est à la fin des années 1960 et au début des années 1970 que tout s'accélère et se met définitivement en place. [...]

En 1973, le législateur remplace la vieille notion de « louage de service » par celle de « contrat de travail », contrat qu'il n'est possible de rompre qu'au terme d'une procédure précise.

Un autre élément très important de protection des salariés se met en place dans les années 1950, avec l'instauration du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) indexé sur le coût de la vie. À l'origine, le salaire minimum est conçu pour assurer un minimum vital aux travailleurs et les protéger contre la pauvreté. En 1970, sous le gouvernement Chaban-Delmas, le législateur introduit un nouveau type de salaire minimum, le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), indexé non plus seulement sur l'inflation, mais sur le salaire moyen. L'objectif n'est plus uniquement de protéger les travailleurs contre la pauvreté ; il s'agit aussi de réduire les inégalités entre salariés à l'intérieur des entreprises ou, en tout cas, d'empêcher qu'elles n'augmentent.

Éric Maurin, La Peur du déclassement. Une sociologie des récessions, Éd. du Seuil, coll. « La république des idées », 2009.

1) Pourquoi peut-on dire que l’on est passé du travail à l’emploi comme l’indique le titre du document ?

La relation salariale a peu à peu été encadrée par l’Etat. Le salarié n’est plus seul face à un employeur qui définirait lui-même toutes les caractéristiques contractuelles de l’échange de la « marchandise travail ».La relation salariale est à présent une relation d’emploi avec toutes les protections accordées au salarié par le droit du travail. L’Etat se pose donc en arbitre entre le salarié et l’employeur.

2) Relevez les domaines d’intervention de l’Etat dans la relation salariale qui sont évoqués dans ce document.

Contrôle des procédures de licenciement dont les règles sont inscrites précisément dans le droit du travail. Trois motifs possibles :

o Licenciement individuel pour cause réelle et sérieuse.o Licenciement économique.o Rupture conventionnelle.

Droit syndical et représentation des salariés dans l’entreprise. Contrôle des rémunérations à travers le SMIC.

On pourrait ajouter : Type de contrat de travail : CDI, CDD, intérim. Ces deux derniers ne peuvent être utilisés que sur une

durée limitée et dans des cas bien précis prévus par le droit du travail. mise en place progressive de la protection sociale attachée à l’emploi (voir chapitre 6). Celui-ci garantit

donc des droits sociaux à celui qui l’exerce.

On assiste donc à la mise en place de normes d’emploi qui englobent la mise en œuvre régulée du travail, sa rémunération, les modalités de valorisation des qualifications et la stabilité de l’emploi.

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Document polycopié n°5 Histoire du SMIC

Document polycopié n°6 Le travail est-il une simple marchandise ?Je considère le débat sur le salaire minimum comme fondamental, non pas tant en raison de ses implications sur le coût, mais parce qu'il porte essentiellement sur le statut du travail. Les partisans de la suppression du salaire minimum pensent le travail comme une marchandise. S'il est abondant, il faut, pour qu'il trouve preneur, que son prix baisse librement. Ceux qui y sont opposés ont une autre conception : le travail est un projet individuel d'intégration dans une collectivité, ce qui implique que sa rémunération soit suffisante pour assurer la dignité du travailleur. Lorsque le travail-projet devient travail-marchandise, le lien social se distend - le travail n'est plus facteur d'intégration. Dans cette seconde conception, le marché du travail est beaucoup moins « un marché » que le lieu privilégié du contrat social. Les marchandises n'ont pas besoin de penser leur avenir. Ce sont, à l'inverse, des décennies de luttes sociales qui ont produit les institutions qui régissent aujourd'hui le marché du travail.

Jean-Paul FITOUSSI, Le Débat interdit, Arléa, 1995

1) Quels sont les enjeux politiques du salaire minimum ? Documents polycopiés n°5, 6 et 7.

Le salaire minimum a été instauré par l’Etat pour éviter que les salaires du bas de l’échelle salariale ne soient trop faibles. L’objectif est de réduire les inégalités et de permettre que l’exercice d’un emploi apporte un revenu décent à celui qui l’occupe. Le travail a une fonction fondamentale d’intégration sociale et il ne peut jouer ce rôle que si la fixation du salaire est encadrée par des règles qui permettent à chacun de vivre décemment avec son salaire.

2) Rappelez la différence fondamentale entre SMIC et SMIG. Documents polycopiés n°5 et 6.

SMIG indexé sur l’inflation (simple garantie du pouvoir d’achat) alors que le SMIC est indexé sur la hausse du salaire moyen ouvrier (objectif d’augmentation du pouvoir d’achat).

Si le marché du travail ne fonctionne pas comme les autres marchés, c’est parce que le salaire est une convention (ou norme sociale) et parce que la relation d’emploi est enserrée dans un ensemble d’institutions et de règles qui lui permettent de fonctionner.

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On voit donc que la fixation du salaire est encadrée par des institutions et ne se réduit pas à la simple rencontre d’une offre et d’une demande de travail sur un marché concurrentiel.De même, nous avons vu que d’autres dimensions de la relation salariale sont encadrées par l’Etat.Par exemple, nous avons vu que l’Etat sous la pression du mouvement ouvrier a inscrit progressivement dans la loi des droits syndicaux pour rééquilibrer le rapport de force entre salariés et employeurs. Nous allons donc étudier le rôle des partenaires sociaux dans la fixation du salaire en montrant que leurs relations se caractérisent par deux dimensions : le conflit et la négociation.

Double idée à retenir :1. Les pouvoirs publics interviennent directement dans la fixation des salaires par l’intermédiaire du

salaire minimum.2. L’action des pouvoirs publics a un impact indirect sur la fixation des salaires sur le marché du travail

car :a) le droit du travail encadre les comportements des demandeurs de travail qui ne peuvent faire varier

totalement librement leur demande (règlementation des licenciements, de la durée du travail, des contrats de travail).

b) Le droit du travail prévoit des dispositions obligeant les partenaires sociaux à négocier et à signer des accords collectifs qui encadreront encore une fois la fixation du salaire.

C’est ce dernier point que nous allons approfondir à présent.2.

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2.2. Les conventions collectives signées par les partenaires sociaux encadrent la fixation du salaire

Document polycopié n°7 Un exemple de convention collective dans le secteur du commerceLa branche conventionnelle est marquée par des difficultés de négociation récurrente entre la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) et les syndicats. La FCD regroupe la plupart des grandes enseignes françaises et étrangères au sein de sa commission sociale. Les difficultés de négociation portent principalement sur les rémunérations. L’absence de signature d’accord fait plonger régulièrement les minima de branche en dessous du smic. Après la grève nationale du 1er février 2008 et l’accord signé par FO, la FCTC et la CGC sur des propositions améliorées de la FCD, les minima ont été remontés au-dessus du smic. Les salariés avec une faible ancienneté qui sont le plus souvent au minimum conventionnel (ou au smic) en sont les premiers bénéficiaires. Un autre point de l’accord de 2008 souligne l’importance de la convention collective pour la définition même des temps payés. Il rétablit en effet le forfait pause dans les minima, c’est-a-dire le paiement de trois minutes de pause par heure travaillée. Son intégration dans les minima en 2005 avait permis aux entreprises du secteur de supporter une hausse réelle du smic plus faible de cinq points. Cette disposition étant contraire au droit du travail, en 2007, l’inspection du travail a multiplié les procès-verbaux, rendant difficile son maintien. Son retrait se traduit mécaniquement pour les caissières par une hausse de 5 % de leur rémunération dans plusieurs enseignes.Plus généralement, la convention collective nationale de branche du commerce alimentaire établit des références en matière d’aménagement du temps de travail. La part des salariés à temps partiel a été en hausse continuelle jusqu’à l’année 2000, mais a diminué depuis que l’accord de branche a augmenté le nombre minimal d’heures travaillées de 22 à 26 (sauf pour les étudiants et les salariés qui en font la demande lors de leur embauche), et depuis que la semaine de 35 heures a été instituée. De fait, on ne connait pas en France un fort développement du temps de travail très partiel comparable aux mini-jobs allemands qui concernent jusqu’à un tiers de l’emploi.Actuellement, tous les salariés à temps plein de la distribution alimentaire travaillent officiellement 35 heures par semaine. L’accord collectif de 2001 a établi une référence réglementaire de 1 607 heures travaillées par an ; pour les employeurs, cela signifie qu’ils n’ont pas à payer d’heures supplémentaires, tant que le nombre d’heures travaillées dans une année ne dépasse pas cette limite contractuelle ; comme nous l’avons vu pour le groupe Carrefour, les accords d’entreprise limitent l’étendue de la modulation. L’introduction de la semaine de 35 heures a fourni l’occasion de systématiser de telles pratiques dans le secteur.

Bas salaires et qualité de l’emploi : l’exception française ?, CEPREMAP, Rue d’Ulm, 2009.

1) Qui sont les partenaires sociaux qui négocient et signent ces accords collectifs ?

La FCD, organisation patronale qui regroupe notamment les dirigeants des grandes enseignes.Les syndicats de salariés.

2) Relevez dans le texte les différents domaines qui ont été précisés dans la convention collective.

Le salaire minimum dans la branche. Depuis l’accord de 2008, au-dessus du SMIC fixé par l’Etat. Définition des temps payés (les pauses sont-elles rémunérées ou pas ?) Aménagement du temps de travail : temps partiel minimal, temps annuel au-delà duquel les salariés

doivent être payés en heures-sup.

3) Montrez que la manière dont le modèle néoclassique traite de la fixation du salaire est éloignée de la réalité décrite dans le document.

L’explication de la fixation du salaire par la rencontre d’une offre et d’une demande sur un marché concurrentiel ne peut suffire. Elle est encadrée par des institutions et notamment par la négociation collective, dont l’issue dépend d’un rapport de force entre salariés et employeurs.

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4) Quel est l’intérêt pour les salariés de l’existence de tels accords collectifs ? Pourraient-ils obtenir les mêmes garanties dans une négociation individuelle avec leur employeur ?

Le rapport de force individuel est très défavorable aux salariés. Seule la négociation collective (et la menace d’une action collective) peut leur permettre de peser sur leurs employeurs et d’obtenir des conditions plus favorables de rémunération, de conditions de travail, etc.

Document polycopié n°8 Les conventions collectivesLa convention collective est un accord écrit qui résulte de la négociation entre les employeurs et les

représentants des salariés. Elle traite de l'ensemble des conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle des salariés et de leurs garanties sociales, et peut être conclue au niveau interprofessionnel, d'une branche d'activité ou d'une entreprise. Les conventions collectives sont devenues un instrument de régulation sociale privilégié par les partenaires sociaux et les gouvernements. En effet, ces accords […] ont fait leurs preuves comme moyen de réglementation des conditions d'emploi et de travail des salariés. Ils permettent de compléter et d'adapter la loi aux situations particulières.

La loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale renforce la légitimité des accords collectifs en redéfinissant la représentativité des syndicats au regard de leurs résultats aux élections professionnelles.

Dossiers d'actualité, La Documentation française, sept. 2009.

Document polycopié n°9 Les conventions collectives et la fixation du salaireLes salaires minima fixés par les conventions ou accords collectifs. Outre le salaire minimum déterminé

par la loi, l'employeur doit respecter les salaires minima et autres dispositions relatives au salaire fixé par les conventions ou accords collectifs qui lui sont applicables. Les conventions collectives peuvent ainsi prévoir des primes (prime d'ancienneté, etc.) ou d'autres avantages complémentaires. [...] Fixés par convention ou accords collectifs, les salaires minima s'imposent à l'employeur. Les conventions collectives comportent des grilles de classification [...] : à chaque emploi correspond un salaire minimum mensuel au-dessous duquel un salarié ne peut être rémunéré, eu égard à son classement dans la grille de classification. Les organisations syndicales patronales et salariales qui sont liées par une convention collective de branche se réunissent, au moins une fois par an, pour négocier sur les salaires.

Une négociation au niveau de l'entreprise ou de l'établissementDans les entreprises dans lesquelles sont constituées une ou plusieurs sections syndicales représentatives,

l'employeur est tenu, chaque année, de négocier sur les salaires au niveau de l'entreprise ou de l'établissement ou des groupes d'établissements. [...] La loi [...] prévoit [...] de conditionner le bénéfice de certains allégements de cotisations sociales au respect de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires, lorsque l'entreprise y est assujettie, en raison de la présence d'au moins une section syndicale d'organisation représentative. Le non-respect de cette obligation pour au moins une année civile donnera ainsi lieu à une réduction de 10% du montant des allègements de cotisations patronales.

Direction générale du Travail, Le salaire, La Documentation française, 2011.

1) Quels sont les acteurs qui peuvent négocier une convention collective ?

Partenaires sociaux.La négociation collective se déroule entre une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives et un groupement d'employeurs, ou un ou plusieurs employeurs pris individuellement.

2) Quels sont les différents niveaux auxquels ces négociations s’organisent ?

Au niveau de l’entreprise ou de la branche et même au niveau national.

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3) Quels sont les éléments qui sont précisés dans une convention collective ?

Conditions d’emploi, grilles de rémunération, conditions de travail, formation professionnelle, temps de travail, etc.La convention collective complète et adapte les dispositions du Code du travail aux situations particulières d'un secteur d'activité ou d'une entreprise (elle ne peut être que plus favorable aux salariés que le code du travail). Les conventions collectives contiennent donc toujours des éléments qui accordent une meilleure protection ou plus de droits que le droit du travail. Ainsi, le salaire minimum dans une branche peut être supérieur au S.M.I.C., mais jamais inférieur. Elle a vocation à traiter de l'ensemble des relations collectives entre employeurs et salariés.Les conventions collectives contiennent aussi en général une classification précise des « métiers » de la branche : à chaque métier est associé une qualification, et à chaque qualification un métier, ce qui garantit au salarié une reconnaissance de sa qualification. Cette classification accorde en général une grande importance au diplôme de formation initiale possédé par le salarié.

4) Lorsqu’une convention collective a été signée au niveau d’une branche, une entreprise de cette branche peut-elle ne pas l’appliquer ?

Non. Un ouvrier embauché à titre individuel dans une entreprise qui dépend d’une convention collective bénéficie des dispositions prévues par la convention collective. Les contrats de travail doivent s'y référer en précisant le type d'emploi et le coefficient de rémunération

5) Montrez comment la loi (droit du travail) encourage les négociations collectives.

Obligation légale de négocier dans les entreprises qui ont une section syndicale sous peine de sanctions financières.

6) Quel est l’intérêt pour les salariés de tels accords collectifs par rapport à la signature d’un simple contrat de travail ?

Le contrat de travail pourrait être une simple relation individuelle entre un salarié et un employeur, même encadré par le droit du travail. Conventions collectives : protection collective des salariés. Les conditions de travail d’un salarié sont déjà prévues quand il arrive dans son entreprise, elles ont été négociées collectivement et s’appliquent à tous les salariés. Le salarié prend alors appui sur un ensemble de règles qui ont été précédemment et collectivement négociées et qui sont l’expression d’un compromis entre partenaires sociaux.La négociation collective rééquilibre le rapport de force entre salariés et employeurs. Le salarié n’est plus dans une position individuelle de faiblesse face à son employeur.

Selon les libéraux, ces règles protectrices pour les salariés peuvent induire des rigidités pour les entreprises. Ils prônent donc des règles qui devraient être fixées au niveau de l'entreprise elle-même.Le problème qui se pose alors est le suivant : plus les négociations se font à un niveau proche de l'entreprise moins les salariés ont du poids pour peser dans les négociations et plus les accords risquent de leur être défavorables. Pour conclure, nous allons analyser une récente loi qui cherche à aller dans le sens d’un assouplissement des contraintes pour les entreprises dont une critique sévère est faite dans le document ci-dessous (revue numérique proche du Front de gauche).

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Conclusion/ouverture : la loi Macron, une remise en cause du droit du travail ?

Document polycopié n°10 La loi Macron, ou comment revenir au contrat de travail du XIXe siècle

Ignorant délibérément qu’il ne peut y avoir de "liberté", de "consentement" ou de "volontariat" du salarié face à un employeur en position de force, la loi Macron met en œuvre le rêve du Medef, dans lequel le contrat remplace le droit du travail. (…) Le ministre de l’Économie semble en effet décidé à renvoyer le contrat de travail à ses modalités du début du XIXe siècle, lui qui n’a pourtant que le mot « modernisation » à la bouche... Son projet de loi "pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques", adopté en commission dans la nuit de dimanche, tente en tout cas de faire un pas en ce sens.

"Liberté et "consentement" du travailleur Jusqu’à présent, le contrat de travail se

caractérisait par un « lien de subordination juridique permanent », le salarié étant sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements. C’est précisément pour compenser ce rapport fondamentalement inégalitaire qu’ont été élaborés le Code du travail puis les conventions collectives. Le Code, qui remonte à 1910, n’a cessé de se renforcer depuis, ses lois sociales obligeant l’employeur à payer non seulement l’acte productif, mais aussi le repos, les congés payés, le logement, le transport, la formation, la protection contre le chômage, les accidents du travail, la maladie et la vieillesse.

Des contraintes dont rêve de se débarrasser le Medef, qui se bat depuis 1999 pour passer d’un contrat du travail synallagmatique (supposant un échange d’obligations réciproques) et collectif à un contrat civil individuel négocié de gré à gré. « Nous préconisons une réforme de la Constitution afin de reconnaitre le droit à la négociation, et de permettre aux représentants des employeurs et des salariés de fixer les modalités d’application des principes fondamentaux du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale », expliquait l’ancienne présidente du Medef Laurence Parisot aux Échos en 2006.

Dans ces conditions, le salarié aurait toute "liberté" de "consentir" à travailler le dimanche, la nuit ou soixante heures par semaine, sans être bridé par les "rigidités du code du travail", qui représentent selon le député socialiste Jean-Marie Le Guen « un redoutable tabou national » et « un puissant répulsif de l’emploi ».

Inégalité du rapport de force Le texte d’Emmanuel Macron avance discrètement dans cette

direction, en proposant de modifier l’article 2064 du code civil qui interdit de recourir à une simple convention à l’amiable pour les différends s’élevant à l’occasion d’un contrat de travail soumis aux dispositions du Code du travail (licenciement, harcèlement…). Le code civil estime en effet qu’en raison de l’inégalité du rapport de force, un différend entre un employeur et un salarié ne peut se régler par la même procédure qu’un différend entre deux particuliers. C’est donc sur ce point que veut revenir Macron. Comme l’explique sur son blog Gérard Filoche, membre du bureau national du PS et ancien inspecteur du travail, non seulement le salarié pourrait alors "librement" renoncer aux droits du Code du travail, mais le règlement des litiges issu du nouveau contrat de droit civil ne pourrait plus être confié à la juridiction prud’homale. (…)

Reste que cette volonté d’isoler les salariés et de sortir les rapports de travail du périmètre de la loi pour les abandonner à la "liberté contractuelle" rappelle les mesures les plus socialement dévastatrices des débuts du capitalisme. Dans la foulée de la Révolution française et de la restructuration de la société au profit de la bourgeoisie, la loi Le Chapelier de 1791 avait prétexté de la lutte contre le corporatisme d’ancien régime et de la défense de la "liberté du travail" pour interdire les groupements professionnels et les coalitions ouvrières. Or, comme le dira Karl Marx : « Le travailleur libre, qui se rend sur le marché libre pour y vendre sa peau, doit s’attendre à être tanné. »

http://www.regargs.fr/web/article/la-loi-macron-ou-comment-revenir

1) Quelle était la situation du salarié du 19ème siècle face à son employeur ?

« Liberté contractuelle ». Les situations des deux parties, employeur et salarié, étaient considérées comme symétriques. Elles étaient donc « libres » de négocier les conditions dans lesquelles elles souhaitaient échanger travail contre salaire. Mais comme nous l’avons vu avec le texte d’Adam Smith et ici la citation de Karl Marx, on peut difficilement croire à une égalité dans la négociation entre un employeur et un salarié qui a absolument de travailler (vendre sa force de travail comme disait Marx) pour subvenir à ses besoins.Laisser employeur et salarié librement négocier sans encadrer cette négociation par des institutions revient en fait à laisser toute liberté à l’employeur de définir les conditions du contrat.

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2) Qu’est-ce qui a permis de rééquilibrer en partie le rapport de force ?

Droit du travail + conventions collectives.

3) Pourquoi le MEDEF souhaite-il revenir sur ces évolutions ?

L’argument affiché est que le droit du travail et les accords collectifs constituent des contraintes trop fortes sur le fonctionnement des entreprises qui contraindraient l’investissement et l’embauche.On peut aussi penser que le MEDEF voit un intérêt à des négociations entreprise par entreprise car le rapport de force serait alors beaucoup plus favorable aux employeurs qui limiteraient plus facilement la part des salaires dans la VA.

4) Pourquoi l’auteur considère que la loi Macron constitue un pas vers un retour à la situation du salarié du 19ème siècle ?

Le code civil prévoit actuellement que tout ce qui est soumis au code du travail ne peut relever d’une simple convention à l’amiable comme pourraient le faire deux particuliers. En effet, ce qui relève du code civil suppose l’égalité réelle des contractants. Or, le droit du travail est fondé justement sur la position de subordination du salarié par rapport à son employeur.

La loi Macron supprime cette disposition du code civil qui prévoit la spécificité du droit du travail.En signant une convention avec son employeur, un salarié pourrait alors renoncer volontairement aux droits du code du travail en acceptant par exemple de travailler au-delà de l’horaire légal, d’être payé en-dessous du SMIC, etc. De plus, en cas de litige, le règlement ne pourrait plus être confié à la juridiction prud’homale.

Le contrat de travail devient alors un contrat civil. Fin du code du travail car les entreprises pourront librement s’en affranchir à condition que le salarié soit « d’accord ».

Cette disposition aura des conséquences notamment dans les petites entreprises où la présence syndicale est souvent inexistante.

5) Comment Jean-Marie Le Guen (président du groupe socialiste à l’assemblée) justifie-t-il l’intérêt de la loi ?

Au nom de la lutte contre les rigidités qui permettrait de lutter contre le chômage.