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FMC ISSN 0769-0819 N°386 – NOVEMBRE 2015 www.lecardiologue.com APPROCHES MODERNES EN CARDIOLOGIE À PARTIR DE CAS CLINIQUES Coordination : Jean-Louis Gayet INFARCTUS MYOCARDIQUE ET PRÉVENTION DE L’ISCHÉMIE DE REPERFUSION C. DE SAINT-ETIENNE, D. ANGOULVANT (TOURS) RÉPARATION ENDOVASCULAIRE D’UN ANÉVRYSME DE L’AORTE ABDOMINALE PH. CHATELARD (LYON) REMPLACEMENT VALVULAIRE MITRAL PERCUTANÉ D. HIMBERT (PARIS) cardiologue presse

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FMCISSN 0769-0819N°386 – NOVEMBRE 2015

www.lecardiologue.com

APPROCHES MODERNES EN CARDIOLOGIE

À PARTIR DE CAS CLINIQUESCoordination : Jean-Louis Gayet

INFARCTUS MYOCARDIQUE ET PRÉVENTION DE L’ISCHÉMIE DE REPERFUSIONC. DE SAINT-ETIENNE, D. ANGOULVANT (TOURS)

RÉPARATION ENDOVASCULAIRE D’UN ANÉVRYSME DE L’AORTE ABDOMINALEPH. CHATELARD (LYON)

REMPLACEMENT VALVULAIRE MITRAL PERCUTANÉD. HIMBERT (PARIS)

cardiologuepresse

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En association avec l’acide acétylsalicylique (AAS), dans la prévention des évènements athéro-thrombotiques chez les patients adultes ayant un syndrome coronaire aigu (angor instable, infarctus du myocarde sans sus-décalage du segment ST [AI/NSTEMI] ou infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST [STEMI]), incluant les patients traités médicalement et ceux traités par une intervention coronaire percutanée (ICP) ou un pontage aorto-coronaire (PAC).

Les mentions légales sont disponibles à l’adresse suivante : http://base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr

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Le Cardiologue 386 – Novembre 2015 III

■■ Jean-Louis Gayet

EDITORIAL

DE PETITS CAS CLINIQUESET DE GRANDS PAS

POUR LA CARDIOLOGIELa finalité de la présentation de cas cliniques a considérablement évolué au fil des ans. Cette forme rédactionnelle s’est surtout développée à partir de l’entre-deux-guerres. Les cas de l’époque étaient souvent des raccourcis entre un tableau clinique mystérieux, souvent réduit à des descriptions sémio-logiques détaillées, faute d’examens complémentaires adaptés et fiables, et des données histopatholo-giques qui n’apportaient pas toujours la solution. Ces cas cliniques représentaient alors une contribution importante à la diffusion de la connaissance des maladies. Le cas clinique a souvent, par la suite, permis de décrire des pathologies rares ou des modes de présentation inhabituels (« moutons à 5 pattes »), de ceux auxquels on risque souvent de ne pas penser spontanément. Certains y ont trouvé des sujets de thèse ou l’opportunité de voir leur nom apparaître, comme auteur, dans des revues plus ou moins prestigieuses…Si ces aspects de la présentation de cas cliniques perdurent encore un peu, ils sont surtout devenus aujourd’hui, sur des bases plus scientifiques et élaborées, de remarquables outils de formation et, désor-mais, de contrôle des connaissances. Les trois cas cliniques présentés dans ce numéro en sont une bonne illustration et le mérite de leurs auteurs doit être souligné. Le cas d’un syndrome coronaire aigu, présenté par C. Saint-Etienne, illustre à la fois les nouvelles possibilités techniques des cardiologues interventionnels (ici l’OCT) et l’importance du traitement médical qui est, dans certains cas, une alternative à une mauvaise indication de traitement interventionnel. L’approche de P. Chatelard illustre bien, pour un anévrysme de l’aorte abdominale, la nécessité d’anticiper les difficultés spécifiques auxquelles expose le traitement endovasculaire. Enfin, si certaines procédures interventionnelles comme le remplacement valvulaire percutané semblent entrer dans la routine, D. Himbert nous montre parfaitement les difficultés de cette procédure dans d’autres contextes que celui du traitement du RA dégénératif.Il y a longtemps que le réflexe « oculo-sténo-dilatateur » a cessé de ternir l’image des cardiologues inter-ventionnels et nous avons la preuve ici qu’un pas encore plus grand est en train d’être franchi.

N°386 – NOVEMBRE 2015

Prévention de l’accident vasculaire cérébral (AVC) et de l’embolie systémique (ES) chez les patients adultes atteints de fibrillation atriale non valvulaire (FANV) et présentant un ou plusieurs facteur(s) de risque tels que : antécédent d’AVC ou d’accident ischémique transitoire (AIT) ; âge ≥ 75 ans, insuffisance cardiaque (classe NYHA ≥ II), diabète, hypertension artérielle. Compte tenu de l’absence d’antidote et en l’absence de possibilité de mesure du degré d’anticoagulation en pratique courante, la prescription des anticoagulants oraux non AVK n’est préconisée qu’en 2ème intention, à savoir dans les cas suivants :- chez les patients sous AVK, mais pour lesquels le maintien de l’INR dans la zone cible (entre 2 et 3) n’est pas habituellement assuré

malgré une observance correcte ;- chez les patients pour lesquels les AVK sont contre-indiqués ou mal tolérés, qui ne peuvent pas les prendre ou qui acceptent mal

les contraintes liées à la surveillance de l’INR (1).

ALLER AU THÉÂTRE

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MARIAGE DE MON FILS

Une protection démontrée

LA CONFIANCE VIENT DE

L’EXPÉRIENCE

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Les mentions légales sont accessibles sur la base de données publique des médicaments http://base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr ou scannez le code ci-contre.

1- HAS. Commission de la Transparence. Avis. 17 décembre 2014. www.has-sante.fr.

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Le Cardiologue 386 – Novembre 2015 V

SOMMAIRE

cardiologuepresse

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CARDIOLOGUE PRESSE 13 rue Niepce – 75014 ParisTél. : 01.45.43.70.76 – Fax : 01.45.43.08.10Email : [email protected] web : www.lecardiologue.com

Coordination de la rédaction : Renaud SamakhPublicité : François BonduCCC – 32 rue de Paradis – 75010 ParisTél. : 01.45.23.96.00 – Fax : 01.45.23.96.08

Directeur artistique : Pascal Wolff

RÉDACTIONPrésident et directeur de la publication : Dr Christian Aviérinos Directeur adjoint : Dr Serge Rabenou Rédacteur en chef : Dr Christian Aviérinos Comité scientifique : Pr Victor Aboyans Pr Jean-Paul Bounhoure Dr Thierry Denolle Dr François Diévart Dr Jean-Louis Gayet Dr Robert HaïatPr Daniel Herpin Pr Christophe LeclercqPr Jacques Machecourt Dr Marie-Christine Malergue Dr François Philippe Dr Bernard Swynghedauw Comité de lecture : Dr Frédéric FossatiDr Gérard JullienDr Eric Perchicot

IMPRESSION KMC Graphic11 rue Denis Papin - ZI des 50 Arpents77680 Roissy-en-Brie

TARIF 20151 an, 10 numérosFrance : 160 eCEE (hors France) : 180 eTout autre pays : 275 ePrix « Spécial adhérent » au syndicat, à jour de cotisation : 80 e Prix unitaire : 20 e

Adhérent au Cessim et au SPEPSMensuel réservé au corps médical

Commission paritaire : 0119 G 81182 Dépôt légal : à parution

Les articles publiés dans la revue Le Cardiologue le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction, d’adaptation et de tra-duction par tous procédés réservés pour tous pays. Le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992 interdit expressément la photocopie à usage collectif sans autorisation des ayants droit. En appli-cation de la loi du 11 mars 1993, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement la pré-sente publication sans autorisation de l’éditeur ou droits de reproduction versés à celui-ci.

N°386 – NOVEMBRE 2015

APPROCHES MODERNES EN CARDIOLOGIEÀ PARTIR DE CAS CLINIQUES

Coordination : Jean-Louis Gayet

cardiologuepresse

VI INFARCTUS MYOCARDIQUE ET PRÉVENTION DE L’ISCHÉMIE DE REPERFUSIONC. de Saint-Etienne, D. Angoulvant. Tours

XI TRAITEMENT ENDOVASCULAIRE DES AAA : UN EXERCICE D’ANTICIPATIONPh. Chatelard. Lyon

XVI A TOUTE CHOSE, MALHEUR EST BON !D. Himbert. Paris

EDITORIAL IV DE PETITS CAS CLINIQUES ET DE GRANDS PAS

POUR LA CARDIOLOGIEJean-Louis Gayet

Prévention de l’accident vasculaire cérébral (AVC) et de l’embolie systémique (ES) chez les patients adultes atteints de fibrillation atriale non valvulaire (FANV) et présentant un ou plusieurs facteur(s) de risque tels que : antécédent d’AVC ou d’accident ischémique transitoire (AIT) ; âge ≥ 75 ans, insuffisance cardiaque (classe NYHA ≥ II), diabète, hypertension artérielle. Compte tenu de l’absence d’antidote et en l’absence de possibilité de mesure du degré d’anticoagulation en pratique courante, la prescription des anticoagulants oraux non AVK n’est préconisée qu’en 2ème intention, à savoir dans les cas suivants :- chez les patients sous AVK, mais pour lesquels le maintien de l’INR dans la zone cible (entre 2 et 3) n’est pas habituellement assuré

malgré une observance correcte ;- chez les patients pour lesquels les AVK sont contre-indiqués ou mal tolérés, qui ne peuvent pas les prendre ou qui acceptent mal

les contraintes liées à la surveillance de l’INR (1).

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L’EXPÉRIENCE

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2015

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Les mentions légales sont accessibles sur la base de données publique des médicaments http://base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr ou scannez le code ci-contre.

1- HAS. Commission de la Transparence. Avis. 17 décembre 2014. www.has-sante.fr.

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VI Le Cardiologue 386 – Novembre 2015

DE PETITS CAS CLINIQUES ET DE GRANDS PAS POUR LA CARDIOLOGIE

L’ETT montre une FEVG conservée à 60 % avec une discrète hypo-kinésie antéro-septo-basale. Il n’y a pas de valvulopathie signi-

ficative. Les cavités droites ne sont pas dilatées avec une bonne fonction systolique VD. Le reste du bilan montre une élévation de la troponine à 0,18 mg/L avec une créatininémie à 78 mmol/L.

QUESTION 1. Vous disposez sur site d’un plateau technique avec salle de cathétérisme cardiaque. Pensez-vous qu’il existe une indi-cation à réaliser une coronarographie ? Si oui, dans quel délai ?

Selon les recommandations de l’ESC 2015, [1] la prise en charge des

patients admis pour SCA ST- doit comporter une évaluation du pro-nostic par le score de GRACE et GRACE 2. Le score de GRACE est calculé à 66 et le score GRACE 2 estime la mortalité à 1 an à 0,6 %. Il s’agit donc d’un risque individuel bas (figure 2). Il existe une indication à la réalisation d’une coronarographie compte tenu d’une douleur thoracique suspecte chez une homme de 37 ans avec élévation enzymatique, celle-ci doit être réalisée dans les 72 h (figure 3). Dans le cas clinique présent, le patient ayant consulté un samedi, la coronarographie a été réalisée le lundi matin soit à 48 h de la douleur.

INFARCTUS MYOCARDIQUE ET PRÉVENTION DE L’ISCHÉMIE DE REPERFUSIONC. de Saint-Etienne, D. Angoulvant. Tours

PARTIE

1

MONSIEUR H., ÂGÉ DE 37 ANS, A POUR FACTEURS DE RISQUE CARDIOVASCULAIRES UN TABAGISME ACTIF ET UNE HÉRÉDITÉ CORONARIENNE. IL N’A PAS D’ANTÉCÉDENT CARDIOVASCULAIRE NOTABLE.Le 22 février 2014 à midi, il présente une douleur rétrosternale irradiant dans les deux bras et cédant spontanément en quelques minutes. Il décide de consulter de lui-même aux urgences générales vers 16h00. A l’admission, la douleur a complètement disparu, la fréquence cardiaque est régulière à 50/min, la tension artérielle est à 130/70 mmHg. Il n’y a pas de signe d’insuffisance cardiaque. L’ECG est disponible en Figure 1.

FIGURE 1ECG à l’admission

Le Cardiologue 386 – Novembre 2015 VII

FIGURE 2Calcul du score GRACE 2 chez ce patient à partir du site www.gracescore.org. Le tableau de droite montre les taux de mortalité hospitalière, à 6 mois, 1 an et 3 ans et le taux de mortalité/infarctus du myocarde à 1 an. Le graphique de gauche place le risque de décès à 1 an chez ce patient par rapport à une population GRACE. Un taux de O,6 % correspond donc à un risque faible.

DeathTime % risk (score) HistogramsIn hospital 0,2 Not available6 months 0,6-0,7 (43) Not available1 year 0,6-0,7 Graph3 years 1,1 Graph

Death/MITime % risk (score) Histograms1 year 3,0 Graph

Area plot: distribution (log scale) of risk based on the entire GRACE population of 102 341 patients.

Line: risk of death or death/MI

Vertical bar: individual risk of death of death/MI. • low – • intermediate – • high

Ther

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Ris

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ion Very high

High

Intermediate

ImmediateInvasive(< 2 hr)

EarlyInvasive(< 24 hr)

Invasive(< 72 hr)

Non-Invasivetesting if

appropriate

Immediate transfer to PCI center

Same-day transfer

Transfer

Transferoptical

PCI center EMS or Non-PCI center

Very high

High

Intermediate

LowLow

Symptoms Onset

First medical contact NSTE-ACS diagnosis

EMS = emergency medical services

PCI = percutaneous coronary intervention

FIGURE 3D’après les recommandations de l’ESC 2015. Stratégie de traitement et des délais des patients présentant un SCA sans élévation du segment ST selon la stratification du risque.

Distribution of risk in GRACE population

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Risk

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VIII Le Cardiologue 386 – Novembre 2015

DE PETITS CAS CLINIQUES ET DE GRANDS PAS POUR LA CARDIOLOGIE

QUESTION 2. Voici une image extraite de cet examen (figure 4).

FIGURE 4Coronarographie en incidence caudale.

Comment l’interprétez-vous ? Quelle prise en charge proposez-vous ? Le segment proximal de l’IVA (flèche) est le siège d’une lésion hété-rogène possiblement thrombotique. Il existe aussi un doute sur une dissection associée avec une image ressemblant à un flap intimal. A ce stade 2 prises en charge sont possibles : ■■ angioplastie avec thromboaspiration et mise en place d’un

stent pour le traitement de la dissection éventuelle. Cette prise en charge est cependant à risque emboligène important vu la taille du thrombus ;■■ traitement médical par anticoagulation efficace et double anti-ag-

grégation plaquettaire. Cependant en cas de dissection coronaire, cette prise en charge est à risque d’occlusion coronaire. Dans le contexte une imagerie endocoronaire peut aider pour le choix entre ces deux attitudes.

QUESTION 3. Une imagerie endovasculaire par technique OCT a été réalisée. Comment interprétez-vous cette image (figures 5 et 6) ?

L’imagerie OCT est en faveur d’un large thrombus plaquettaire occu-pant au moins 50 % de la lumière de l’IVA proximale et s’étendant sur environ 4 cm jusque dans l’IVA moyenne. Par ailleurs, la paroi de

l’IVA visible ne semble pas atteinte d’athérome. Bien que la place de l’OCT notamment dans la coronarographie en urgence reste encore à définir, [3] ce cas clinique illustre bien son apport en montrant l’ab-sence de dissection et le risque emboligène important compte tenu d’un thrombus s’étendant jusque dans l’IVA moyenne ce qui n’était pas visible en angiographie.Vu le résultat de l’imagerie OCT, il est décidé, dans un premier temps, d’une prise en charge médicale avec un traitement asso-ciant prasugrel, aspirine, enoxaparine curative, atorvastatine et atenolol.

FIGURE 5Coupe OCT au niveau de l’IVA moyenne

FIGURE 6Coupe OCT au niveau de l’IVA proximale

Le Cardiologue 386 – Novembre 2015 IX

QUESTION 4. Un contrôle coronarographique est réalisé une semaine plus tard avec une vérification par OCT. Comment interprétez-vous ces images (figures 7, 8 et 9) ?

La coronarographie en figure 7 montre une diminution de l’image en demi-teinte du segment proximale de l’IVA.

Le contrôle OCT (figures 8 et 9) montre la persistance d’un thrombus ayant nettement diminué en 7 jours. La figure 9 au niveau de l’ostium de l’IVA montre une possible érosion de plaque (flèche) au sein d’une plaque lipidique avec la présence d’un petit thrombus.

QUESTION 5. Pensez-vous qu’un traitement par angioplastie ± stenting aurait dû être réalisé à la phase aiguë ou lors du contrôle à 7 jours ?

Bien que peu de données soient disponibles sur l’évolution à moyen/long terme du traitement médical de ce type de lésion, le choix de notre équipe, vu la bonne évolution au contrôle OCT, a été de pour-suivre le traitement médical. Cette attitude est soutenue par des travaux de recherche récents comme l’étude de N. Amabile et al. [3] montrant la non-dangerosité des OCT dans le contexte de phase aiguë et la régression du throm-bus au contrôle OCT du 4e jour. De la même manière, l’étude française SUPER MIMI évalue l’inté-rêt d’un traitement différé de la période aigue prothrombotique des

patients ayant un SCA. Dans cette cohorte de 115 patients environ un tiers de ceux qui ont reçu un traitement médical ont vu la régres-sion complète des lésions. Les résultats définitifs de cette étude sont à paraître prochainement.Concernant le patient de ce cas clinique, l’évolution a été favorable avec un pic de troponine à 6,27 mg/L et une normalisation des troubles de cinétique.

INFARCTUS MYOCARDIQUE ET PRÉVENTION DE L’ISCHÉMIE DE REPERFUSION

FIGURE 8Coupe OCT au niveau de l’IVA moyenne

FIGURE 9Coupe OCT au niveau de l’IVA ostiale.

FIGURE 7Contrôle coronarographique à J7

X Le Cardiologue 386 – Novembre 2015

DE PETITS CAS CLINIQUES ET DE GRANDS PAS POUR LA CARDIOLOGIE

QUESTION 6. Un nouveau contrôle coronarographique a été réa-lisé à 6 semaines dont voici l’imagerie OCT. Comment analysez-vous cette imagerie ? Quelle prise en charge proposez-vous ?

Les figures 10 et 11 montrent une régression complète du thrombus et une cicatrisation de la plaque responsable du SCA sans sténose résiduelle. La figure 11 se situe au niveau de la bifurcation IVA-Cir-

conflexe, on peut voir au centre de la lumière un artefact de flux lié à un défaut d’opacification par le produit de contraste de l’ensemble de la lumière artérielle. L’endothélium de l’IVA visible apparaît sain. Le traitement médical a donc été poursuivi. Au 12e mois le prasugrel a été interrompu. Actuellement nous sommes à 20 mois de suivi et aucun événement cardiovasculaire n’est survenu.

CONCLUSION■ La question du traitement du SCA après rétablissement ou en présence d’un flux TIMI 3 et d’une charge thrombotique importante est débattue. Dans tous les cas une attitude au cas par cas éventuellement aidée par de l’imagerie OCT est une alternative possible à une angio-plastie systématique. Dans le cas clinique présent une angioplastie à la phase aiguë de l’IVA proximale était à risque emboligène important sans compter que la rupture de plaque se situait au niveau de l’ostium de l’IVA et donc difficile à couvrir par un stent sans déborder dans la lumière du tronc commun. Pour ses raisons, le traitement médical semblait donc moins risqué qu’une angioplastie à la phase aiguë. Les résultats de l’étude SUPER MIMI permettront d’apporter des éléments de réponses. A suivre…

FIGURE 10Coupe OCT au niveau de l’IVA moyenne montrant une régression complète du thrombus coronaire

FIGURE 11Coupe OCT au niveau de la bifurcation IVA-CX. Disparition de l’image d’érosion de plaque visible en figure 9 page précédente.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES [1] Authors/Task Force Members, Roffi M, Patrono C, Collet J-P, Mueller C, Valgimigli M, et al. 2015 ESC Guidelines for the management of acute coronary syndromes in patients presenting without persistent ST-segment elevation: Task Force for the Management of Acute Coronary Syndromes in Patients Presenting without Persistent ST-Segment Eleva-tion of the European Society of Cardiology (ESC). Eur Heart J. The Oxford University Press; 2015 Aug 29;ehv320.

[2] Authors/Task Force Members, Windecker S, Kolh P, Alfonso F, Collet J-P, Cremer J, et al. 2014 ESC/EACTS Guidelines on myocardial revascularization: The Task Force on Myo-

cardial Revascularization of the European Society of Cardiology (ESC) and the European Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS)Developed with the special contribution of the European Association of Percutaneous Cardiovascular Interventions (EAPCI). Eur Heart J. 2014 oct 1;35(37):2541-619.

[3] Amabile N, Hammas S, Fradi S, Souteyrand G, Veugeois A, Belle L, et al. Intra-co-ronary thrombus evolution during acute coronary syndrome: regression assessment by serial optical coherence tomography analyses. Eur Heart J Cardiovasc Imaging. The Oxford University Press; 2015 Apr;16(4):433-40.

Le Cardiologue 386 – Novembre 2015 XI

La surveillance régulière montre une croissance lente de l’AAA qui reste asymptomatique, mais dont la dimension échographique

est désormais de 53 mm de diamètre maximal avec anévrysmes des artères iliaques communes (37 mm et 33 mm) (figure 1).

QUESTION 1. La surveillance de l’AAA vous semble–t-elle rétrospectivement justifiée ?

L’aorte abdominale est considérée comme anévrysmale lorsque son diamètre est augmenté de 50 % et atteint ainsi plus de 30 mm dans l’un de ses diamètres (sagittal ou frontal). [1]

Si les taux de prévalence varient selon l’âge, le sexe et l’origine géo-graphique, les facteurs de risque le plus souvent associés sont le sexe masculin, le tabagisme et les antécédents familiaux d’AAA. [1,2] Si de nombreuses variations sont rapportées, il est habituellement conve-nu de retenir une croissance moyenne annuelle de 2 mm à 3 mm pour des AAA compris entre 30 et 55 mm de diamètre. A diamètre plus important, la croissance devient plus rapide (Loi de Laplace), le diabète pouvant avoir un rôle plutôt « protecteur » (Ca ++ ?) et le tabac un rôle aggravant. [1,2]

La rupture constitue le risque essentiel et létal de l’AAA. Si le dia-mètre maximal de l’AAA constitue un facteur de risque indépendant de rupture, il existe d’autres facteurs de risque comme le tabac, le sexe féminin, l’HTA, la rapidité de croissance (> 5 mm par an) et l’aspect sacciforme plutôt que fusiforme. [1,2]

TRAITEMENT ENDOVASCULAIRE DES AAA : UN EXERCICE D’ANTICIPATIONPh. Chatelard. Lyon

PARTIE

2

M. T. POS…, 67 ANS, A POUR ANTÉCÉDENTS CHIRURGICAUX UNE OSTÉOSYNTHÈSE DE L’OLÉCRANE DROIT (PARÉSIE CUBITALE SÉQUELLAIRE). Il présente comme facteurs de risque cardiovasculaire, tabagisme (20 paquets-année), HTA et dyslipidémie. Il présente une artériopathie chronique oblitérante des membres inférieurs pour laquelle il a bénéficié d’une revascularisation par angioplastie endoluminale iliaque bilatérale avec stent (2007). Il a aussi une myocardiopathie ischémique avec infarctus inaugural à 35 ans (topographie inférieure). Un angor par lésions du territoire antéro-latéral a motivé une revascularisation (pontages mammaire interne de l’IVA et de la circonflexe) en 2005. Il reste asymptomatique depuis cette revascularisation. Il s’est vu découvrir à cette époque, lors d’un examen systématique (échographie de débrouillage), un anévrysme de l’aorte abdominale (AAA) sous-rénale d’un diamètre de 35 mm).

FIGURE 1Scanner abdominal de M. T. POS…

XII Le Cardiologue 386 – Novembre 2015

DE PETITS CAS CLINIQUES ET DE GRANDS PAS POUR LA CARDIOLOGIE

QUESTION 2. Quelle est la place du dépistage des AAA dans la prévention du risque de rupture?

Le dépistage est réalisé essentiellement par échographie. La surveil-lance en échographie-Doppler, avec mesures répétées du diamètre de l’anévrysme, permet d’anticiper le risque de rupture. La sensibilité et la spécificité sont proches de 100 %. La Société Française des Ma-ladies Vasculaires [3] recommande un dépistage chez les apparentés de plus de 50 ans porteur d’un AAA, ou chez les hommes ou femmes fumeurs de plus de 60 ans. Une surveillance doit être pratiquée tous les deux ans pour un diamètre de 30 à 40 mm et tous les 6 mois – 1 an entre 40 et 50 mm.

QUESTION 3. Quel est le bilan souhaitable avant de poser l’indication thérapeutique ?

Un scanner avec injection pourra toujours être réalisé, y compris chez l’insuffisant rénal, sous le couvert d’hydratation et d’arrêt tem-poraire des diurétiques. Cet examen avec réalisation de coupes fines (3 à 5 mm), portant jusqu’à l’artère fémorale commune est à même de préparer au mieux un traitement endovasculaire si celui est rete-nu. Le temps dit de « sizing » réalisé sur une station de travail avec logiciel adapté (Endosize®, 3mensio®, Osirix® ou Terarecon®) établit le type de prothèse à adapter à l’anatomie aorto-iliaque, la taille de ses différents composants mais aussi permet d’anticiper les pro-blèmes potentiels lors de la pose et les solutions prévues (figure 2).

La faisabilité d’un traitement endovasculaire découle donc de l’étude du collet proximal sous rénal, sa longueur, sa qualité endoluminale (thrombus pariétal, calcifications), des accès vasculaires iliaques (montée de l’endoprothèse) et l’origine de l’artère iliaque interne (dont il convient d’étudier la préservation) et/ou des artères viscé-rales de naissance inhabituelle. M. T. POS… est porteur de deux artères rénales droites qui naissent en amont de l’anévrysme et de deux artères rénales gauches d’un diamètre de plus de 4 mm, la plus bas située naissant dans l’ané-vrysme même.Le bilan d’extension de la maladie athéromateuse comporte l’étude par écho-doppler des troncs supra aortiques, des artères viscérales et des artères des membres inférieurs. L’évaluation coronarienne, indispensable avant tout traitement, comporte au moins un test de dépistage d’insuffisance coronaire latente (imagerie non invasive couplée à une épreuve de stress).Outre l’évaluation cardiaque (ETT) et coronarienne (cf. ci-dessus), un bilan d’opérabilité est indispensable tant l’AAA est une pathologie survenant chez le patient âgé souvent porteur de comorbidités non négligeables (non seulement cardiaques, mais aussi respiratoires et rénales). Après une exploration fonctionnelle respiratoire (EFR), la fonction respiratoire peut être optimisée par kinésithérapie favori-sant les exercices expiratoires et surtout l’arrêt du tabac, mesures qui ont montré un bénéfice en termes de réduction des complications postopératoires. [4] Un traitement bêtabloquant est recommandé chez les patients porteurs de cardiopathie ischémique. Le traitement

FIGURE 2Sizing préopératoire d’un AAA (Endosize®)

Aortic neck angle (< 60°)

Aortic neck length(> 15 mm)

Lowest renal to aortic

bifurcation lengthLowest renal

to right internal iliac length

Right iliac sealing length

(> 10 mm)Right distal landing

zone diameter (< 20 mm) Left distal landingzone diameter (< 20 mm)

Aortic bifurcationdiameter (> 20 mm)

Aneurysmdiameter (> 50 mm)

Distal aortic neck diameter

(18 mm to 32 mm)

Proximal aorticneck diameter

(18 mm to 32 mm)Neck growth

(< 25 %)

Lowest renalto left internal

iliac length

Left iliacsealinglength

(> 10 mm)

Minimum right access diameter (> 7,5 mm) Minimum left

access diameter (> 7,5 mm)

49,2°

16 mm

13 mm

7,2 mm8,2 mm

16,5 mm

67,6 mm

18,9 mm

21,6 mm

30 mm

150 mm

12,6 %

211 mm

61 mm

206 mm

56 mm

P2

P3

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Le Cardiologue 386 – Novembre 2015 XIII

antiagrégant plaquettaire chez les patients coronariens ou porteurs d’artériopathie chronique oblitérante des membres inférieurs (ACO-MI) peut être poursuivi ou, si nécessaire, institué dans la période périhospitalière. M. T. POS… présente une ACOMI, stade II faible de Leriche et Fon-taine, avec un résultat durable des angioplasties iliaques. Il a aussi des lésions athéromateuses sous-inguinales bien compensées avec notamment une thrombose poplitée gauche. Les index de pression systolique distaux sont de 0,95 à droite et 0,75 à gauche. Il existe un athérome non hémodynamiquement significatif des troncs supra aortiques. La scintigraphie myocardique d’effort montre une cicatrice de thrombose coronaire droite non dominante et un bon fonction-nement des pontages du réseau gauche (absence d’ischémie anté-rieure ou latérale). L’échocardiographie ne montre pas d’anomalie cavitaire ou valvulaire et la FEVG est de 43 %. La fonction rénale est normale et l’exploration fonctionnelle respiratoire est considérée comme normale.

QUESTION 4. Quelles sont les indications actuelles de traite-ment chirurgical devant un AAA ?

Les indications thérapeutiques de l’AAA dépendent de la balance entre le risque de rupture (lié étroitement à la taille de l’AAA) et la mortalité opératoire du traitement. Un diamètre élevé (> 50 mm en France ou 55 mm dans les pays anglosaxons) ou une augmenta-tion de plus de 10 mm en un an font discuter cette ihérapeutique, d’autant qu’il existe des facteurs supplémentaires de rupture (sexe féminin, BPCO, tabagisme actif, HTA). [1,2] De la même façon, il est convenu de traiter un anévrysme iliaque lorsqu’il mesure plus de 30 mm de diamètre. Il persiste des incertitudes concernant les AAA de plus petite taille chez la femme, chez les patients jeunes ou ayant une espérance de vie limitée. [5]

QUESTION 5. Quelles sont les modalités thérapeutiques ac-tuelles ?

Deux types d’intervention peuvent être discutés avec le patient qui doit rester maître dans le choix de la technique appliquée : 1) chirurgie conventionnelle avec mise à plat, greffe prothétique aor-to-aortique ou aorto-bi-iliaque ; 2) chirurgie endovasculaire par voie bifémorale avec exclusion endo-vasculaire (EVAR : EndoVAscular Repair of aneurysm).L’option endovasculaire est préférée, à ce jour, pour des AAA à mor-phologie favorable en raison des résultats précoces statistiquement meilleurs surtout chez les patients symptomatiques. La chirurgie conventionnelle peut être menée par voie transpérito-néale (laparotomie médiane ou transversale) ou rétro-péritonéale (lombotomie) selon la localisation de l’AAA et la préférence des équipes chirurgicales. La réalisation du geste sous cœlioscopie (avec ou sans robot) est parfois proposée par les rares équipes rompues à cette modalité technique. Le taux de mortalité à 30 jours rapporté dans la littérature, variable selon le type d’étude et la sélection des patients, est compris entre 1 et 8 %. La mortalité à 30 jours d’une chirurgie élective était de 1,2 % dans l’étude d’Hertzer (1 135 cas consécutifs) qui montrait par ail-leurs le caractère délétère, précoce et tardif, de l’association d’une insuffisance rénale, respiratoire et/ou cardiaque lors du traitement chirurgical conventionnel de l’AAA. [6]

Quant à l’expertise en matière de chirurgie aortique, la Haute Auto-rité de Santé (HAS) recommande un traitement des AAA dans les centres hospitaliers publics ou privés avec chirurgiens expérimentés qui réalisent annuellement plus de 50 de ces interventions.

EVAR : ce traitement, moins invasif, consiste à mettre en place une endoprothèse couverte (stent recouvert d’un tissu étanche) dans le

TRAITEMENT ENDOVASCULAIRE DES AAA : UN EXERCICE D’ANTICIPATION

Source : Becquemin JP, Cochennec F, Marzelle J. Chirurgie endovasculaire des anévrismes de l’aorte abdominale. EMC - Techniques chirurgicales - Chirurgie vasculaire 2008:1-30 [Article 43-154-L].

FIGURE 3Classification des endofuites. Schéma A : type I dite d’ancrage proximal ou distal ; Schéma B : type II dite de collatéralité ; Schéma C : type III de déconnection de pièce ; Schéma D : type IV de porosité ; Schéma E : type V dite par endotension.

XIV Le Cardiologue 386 – Novembre 2015

DE PETITS CAS CLINIQUES ET DE GRANDS PAS POUR LA CARDIOLOGIE

sac anévrysmal ainsi exclu de la circulation systémique. Il doit cepen-dant respecter les contraintes anatomiques pour assurer une étan-chéité proximale aortique et distale iliaque. Les avantages de l’EVAR sont nets dans la période précoce avec diminution statistiquement significative de la morbi-mortalité. Le taux de mortalité post opératoire est en moyenne de 4 à 5 % pour la chirurgie conventionnelle et de 1 à 2 % pour l’EVAR. Le bénéfice s’estompe avec le temps et s’efface à 3 ans. Toutefois, cette modalité endovasculaire présente un risque potentiel d’évolution de l’étan-chéité avec apparition secondaire d’endofuites (figure 3) justifiant suivi scannographique régulier et prolongé. [7-10]

L’utilisation de systèmes de fermeture percutanée permet dans des cas sélectionnés (contre-indications calcifications et petit diamètre) de réaliser la procédure sans abord chirurgical de l’artère fémorale commune (technique de préclosing). En cas de collet proximal trop court ou morphologiquement défavo-rable (angulation marquée par exemple), rendant impropre l’utilisa-tion d’une endoprothèse standard, il y a lieu de discuter l’implanta-tion d’une prothèse fenetrée (fenêtres viscérales rénales, mésenté-rique supérieure ± tronc coeliaque) (figure 4).

QUESTION 6. L’anatomie vasculaire particulière de ce patient conditionne-t-elle une option thérapeutique ?

La naissance très basse de l’artère rénale gauche, située dans l’ané-vrysme, pose le problème de sa conservation (artère de 5 mm de diamètre). Un traitement endovasculaire ayant été choisi, une pro-thèse adaptée avec une fenêtre rénale a été confectionnée (délai de 6 semaines). Ce délai de fabrication explique que les endoprothèses fenêtrées ne peuvent être utilisées en cas d’AAA symptomatique et/ou de taille trop importante. [11]

QUESTION 7. Quel type de suivi à adopter après le traitement de son AAA ?

Quel que soit le traitement appliqué pour AAA, tous les patients traités doivent bénéficier, s’il est toléré, dans le cadre d’une préven-tion secondaire du risque cardiovasculaire du meilleur traitement médical comportant antiagrégant plaquettaire, statine, inhibiteur de l’enzyme de conversion et bêtabloquant. Un suivi régulier semestriel clinique et échographique est de mise et sera complété en cas d’anomalie. Toutefois la surveillance après EVAR est plus contraignante et un scanner de contrôle est requis de façon précoce et pendant deux ans, même en l’absence d’ano-malie. Il faudra rechercher par écho-Doppler une croissance de plus de 5 mm du sac résiduel, des endofuites, ou encore des sténoses ou thromboses de jambage. Un thrombus intra-sac hétérogène et un sac pulsatile sont des très bons signes indirects d’endofuites. De même, une radiographie de l’abdomen sans préparation pourra compléter le scanner en cas de suspicion de mobilisation de la prothèse ou d’un de ses composants.

Les endofuites secondaires, pas tant de type I (proximale ou distale) signant un défaut d’étanchéité et un risque de rupture à court terme que de type II sont les complications fréquentes survenant chez un patient sur quatre. Le plus souvent, ces endofuites de type II corres-pondent à une entrée-sortie entre collatérales de l’aorte (lombaire-lombaire ou mésentérique inferieure-lombaire) sans augmentation du sac anévrysmal. Toutefois, elles peuvent entraîner une augmen-tation du volume du sac et de la pression intrasacculaire rendant ainsi compte d’un risque de rupture. Ce dernier fait discuter des tech-niques de fermeture des collatérales (embolisation radiologique par voie artérielle ou par voie directe sacculaire, ligature chirurgicale par lombotomie, voire parfois une conversion chirurgicale avec ablation totale ou partielle de l’endoprothèse et mise en place d’une prothèse conventionnelle.

FIGURE 4Contrôle d’une endoprothèse aortique “quatre fenêtres“

Le Cardiologue 386 – Novembre 2015 XV

EPILOGUEM. T. POS… a été revu régulièrement cliniquement et en écho-Doppler à 1 mois, puis tous les six mois pendant deux ans et en TDM injecté (figure 5) à la date anniversaire jusqu’à 2 ans. L’endoprothèse est parfaitement perméable, sans problème de fixation proximale ou distale (pas d’endofuite de type 1). Le sac s’est rétracté et la fenêtre rénale gauche est perméable avec une parenchymographie com-plète. En l’absence d’évolution anormale, le suivi est désormais cli-nique et avec un écho-Doppler annuel. Sa pathologie athéromateuse globale (notamment l’ACOMI) fait l’objet d’un suivi parallèle avec la poursuite d’un traitement médical optimal et la correction de ses facteurs de risque. Le sevrage tabagique n’a malheureusement pas pu être obtenu.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES[1] Mill FL, Powell JT, Fraedrich G, et al. Management of abdominal aortic aneurysms cli-nical practice guidelines of the European Society for Vascular Surgery. Eur J Vasc Endovas Surg. 2011; 41 (Suppl 1) : S1-S58.

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[10] Lederle F, Freichlag J, Kyriakides T, et al. Long term comparison of endovascular and open repair of abdominal aortic aneurysm. OVER Veterans Affairs Cooperative Study Group. N Engl J Med 2012;367:1988-97.

[11] Haulon S, Koussa M. Traitement endovasculaire des anévrysmes juxta et para rénaux. Sang Thrombose Vaisseaux 2008;20(n°2):91-100.

FIGURE 5Reconstruction 3D du contrôle scannographique postopératoire avec injection de M. T. POS…

TRAITEMENT ENDOVASCULAIRE DES AAA : UN EXERCICE D’ANTICIPATION

XVI Le Cardiologue 386 – Novembre 2015

DE PETITS CAS CLINIQUES ET DE GRANDS PAS POUR LA CARDIOLOGIE

A l’admission, M. L. C. est orthopnéique, avec une auscultation de maladie mitrale à sténose prédominante associée à un rétrécis-

sement aortique lâche, des signes d’insuffisance cardiaque globale à prédominance gauche, une ascite de moyenne abondance, des angiomes stellaires. A l’ECG, le rythme est sinusal avec une hyper-trophie auriculaire gauche. La radiographie thoracique montre une cyphoscoliose majeure avec matériel d’ostéosynthèse rachidienne et des calcifications annulaires mitrales massives bien visibles sur le cliché de profil (figure 1). Il n’y a pas d’insuffisance hépatocellulaire, les plaquettes sont à 110 G/L.

A l’échographie cardiaque transthoracique et transœsophagienne, le ventricule gauche est de taille normale mais avec une fraction d’éjection abaissée à 45 %. La valve mitrale est le siège de calcifica-tions annulaires circonférentielles, avec des feuillets rigides et calci-fiés sans fusion commissurale, un gradient moyen de 10 mmHg, une surface calculée à 0,7 cm² par continuité, une insuffisance mitrale centrale 2/4 (figure 2). La valve aortique est également calcifiée avec un gradient moyen à 7 mmHg et une surface fonctionnelle à 1,2cm². L’oreillette gauche est dilatée sans thrombus, la pression artérielle pulmonaire est estimée à 50 mmHg sur une IT minime.

A TOUTE CHOSE, MALHEUR EST BON !D. Himbert, Paris

PARTIE

3

M. L. C., 46 ANS, EST HOSPITALISÉ POUR PRISE EN CHARGE D’UN RÉTRÉCISSEMENT MITRAL (RM) RADIQUE EN INSUFFISANCE CARDIAQUE RÉFRACTAIRE. Ses antécédents sont lourds, avec une chirurgie de scoliose à l’âge de 10 ans, une insuffisance respiratoire restrictive, une maladie de Hodgkin en 1996, traitée par radio- et chimiothérapie, une cirrhose éthylique non sevrée, déjà compliquée de décompensation oedémato-ascitique et d’encéphalopathie hépatique, avec varices œsophagiennes de grade 1. Son état fonctionnel s’est considérablement dégradé au cours des derniers mois, malgré un traitement médical optimal.

FIGURE 1Radiographie thoracique Face et Profil. Noter les calcifications mitrales bien visibles sur le Profil (flèches).

Le Cardiologue 386 – Novembre 2015 XVII

QUESTION 1. Ce patient est-il candidat à une commissuroto-mie mitrale percutanée ?

Ici, la sténose mitrale est consécutive à la radiothérapie reçue pour la maladie de Hodgkin. Les séquelles radiques combinent fibrose, rigidité et calcifications valvulaires, mais il n’y a pas de fusion commissurale contrairement aux séquelles rhumatismales. La commissurotomie mitrale percutanée ne peut donc pas être proposée pour traiter les sté-noses mitrales dont le mécanisme est la rigidité valvulaire, comme dans le cas présent ou dans les sténoses dégénératives des sujets âgés. [1] D’autre part, la présence d’une fuite mitrale modérée (2/4) est en elle-même une contre-indication à ce geste et son apparition lors d’une commissurotomie percutanée constitue un critère formel d’arrêt.

QUESTION 2. Quelles sont les autres options thérapeutiques envisageables ?

La poursuite d’un traitement médical seul est vouée à l’échec. Le traitement est déjà optimal, le patient en classe IV de la NYHA et il s’agit d’une valvulopathie gauche sténosante. Il n’y a donc aucune marge thérapeutique. La principale question est celle de l’opportuni-té d’une chirurgie de remplacement valvulaire mitral. Mais le patient cumule les contre-indications chirurgicales liées à ses comorbidités : 1) thorax hostile (cyphoscoliose extrême et irradiation thoracique) ;2) insuffisance respiratoire restrictive sévère ; 3) cirrhose éthylique compliquée. D’autre part, indépendamment des comorbidités, la présence de cal-cifications annulaires massives représente en soi une contre-indica-tion technique. [2]

Pour les mêmes raisons, une transplantation cardiaque ne peut être envisagée dans ce contexte, malgré le jeune âge du patient. Reste la possibilité d’une implantation valvulaire mitrale percuta-née. La présence des calcifications annulaires, qui contre-indique la chirurgie, permet au contraire l’ancrage d’une prothèse percutanée,

comme en position aortique. Plusieurs cas et une série ont été pu-bliés et un registre international comportant près de 70 patients est en cours. [3] Dans tous les cas, des prothèses Edwards Sapien XT ou Sapien 3 déployées par ballon ont été utilisées.

QUESTION 3. Le calcul de l’EuroSCORE permet-il de prédire ici le risque chirurgical ?

La mortalité prédite par l’EuroSCORE logistique est de 3,7 %, et par l’EuroSCORE II de 1,7 %. Le profil de risque n’est donc pas reflété par ces scores qui, dans ce cas particulier, ne prennent pas en compte les pathologies contre-indiquant la chirurgie. [4] C’est l’illustration de leur peu d’intérêt à titre individuel. Les dernières recommandations européennes ne les mentionnent pas dans l’évaluation des candidats au TAVI, qui doit être guidée par le jugement clinique d’une « heart team ». A l’échelle d’une cohorte, l’EuroSCORE garde un intérêt malgré ses limitations dans les populations à haut risque, peu amé-liorées par les scores plus récents. En effet, même si l’EuroSCORE II permet une bonne discrimination, sa capacité de calibration reste médiocre chez les patients dont la mortalité prédite est > 30 %. [5,6]

QUESTION 4. Dans l’optique d’une implantation valvulaire mitrale percutanée, quel est l’examen indispensable en com-plément de l’échographie cardiaque transthoracique et transœ-sophagienne ?

Comme pour les implantations en position aortique, c’est le scanner cardiaque, de préférence avec injection (figure 3). Il précise au mieux l’importance des calcifications, leur localisation circonférentielle ou non, les diamètres de l’anneau, pour juger des possibilités d’ancrage

FIGURE 2Echographie transœsophagienne 3D préimplantation.

FIGURE 3Scanner préimplantation.

XVIII Le Cardiologue 386 – Novembre 2015

DE PETITS CAS CLINIQUES ET DE GRANDS PAS POUR LA CARDIOLOGIE

de la prothèse. Il apporte aussi des renseignements indispensables à la sécurité de l’intervention, dont le risque principal est l’obstruction de la chambre de chasse par la prothèse. Les facteurs prédictifs en sont : un angle aigu entre le plan de l’anneau aortique et celui de la mitrale, la présence d’un bourrelet septal (même non obstructif à l’état basal), une petite cavité ventriculaire gauche, une grande valve et un appareil sous-valvulaire épaissis, rigides ou calcifiés.

QUESTION 5. Quelles sont les voies d’abord discutables pour une implantation valvulaire mitrale percutanée et laquelle est préférable chez ce patient ?

Les voies utilisables sont les voies transapicale et veineuse transsep-tale. La voie apicale a pour elle sa simplicité et le caractère direct, axial et stable de l’accès à la valve. Mais il s’agit d’une voie invasive, chirurgicale, avec les inconvénients et les complications potentielles de la thoracotomie et de l’abord ventriculaire (douleur, épanchement pleural, retentissement sur la fonction ventriculaire, saignement…). La voie veineuse transseptale a pour elle son caractère non invasif et très confortable pour le patient, mais elle est techniquement dif-ficile et l’abord de la mitrale est moins axial et moins stable. Dans le cas présent, la sévérité de la déformation thoracique et de l’insuffi-sance respiratoire contre-indiquent l’approche transapicale. La voie transseptale est donc obligatoire, malgré la difficulté accrue liée à la modification des repères anatomiques. Cependant, le guidage ETO par un échographiste expérimenté permet de surmonter ces difficul-tés et de réaliser la ponction en bonne position. L’implantation d’une prothèse Edwards Sapien 3 de 29 mm est réa-lisée par voie transseptale (figure 4), avec un bon résultat immédiat en salle de cathétérisme (gradient moyen 5 mmHg, microfuite péri-prothétique ¼).

QUESTION 6. Y a-t-il d’autres investigations nécessaires avant la sortie du patient ?

Ce type d’intervention reste rare et le recul est faible. Il est donc nécessaire de documenter ces observations le mieux possible. L’ETO sous anesthésie générale en fin d’intervention ne suffit pas, car les conditions de charge ne reflètent pas celles du patient éveillé. De même l’échographie transthoracique peut méconnaître ou sous-

FIGURE 4Fluoroscopie : Implantation par voie transseptale d’une prothèse Sapien 3.

FIGURE 5Scanner postimplantation.

Le Cardiologue 386 – Novembre 2015 XIX

A TOUTE CHOSE, MALHEUR EST BON !

estimer les fuites périprothétiques, souvent très localisées et direc-tionnelles. Il est donc souhaitable de refaire une ETO avant la sortie pour établir avec précision les caractéristiques anatomiques et fonc-tionnelles de la prothèse et servir de référence pour les contrôles ultérieurs. D’autre part, la réalisation d’un scanner postimplantation est éga-lement souhaitable (figure 5) pour définir précisément la position de la prothèse au sein des calcifications et pouvoir détecter d’éven-tuels déplacements ultérieurs (des migrations secondaires ont été décrites).

QUESTION 7. Préconisez-vous un traitement antithrombo-tique et si oui lequel ?

Sur une base empirique, il est conseillé de proposer aux patients qui n’ont pas d’indication à une anticoagulation au long cours au moins 3 mois de traitement antivitamine K en association à un antiagré-gant plaquettaire qui sera poursuivi. En effet, des cas de thromboses de prothèses percutanées implantées en position mitrale ont été décrits. Les autres recevront des AVK et un antiagrégant plaquet-taire au long cours.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES [1] Vahanian A, Himbert D, Iung B. Unmet clinical needs in transcatheter mitral valve

interventions in 2014. EuroIntervention. 2014;10 Suppl U:U101-5.

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J Cardiothorac Surg. 2015 Feb 13. pii: ezv030.

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CONCLUSION■ En médecine comme ailleurs, il faut chercher à tirer profit d’une malchance ou d’un handicap. L’empierrement mitral qui, en soi, contre-indiquait la chirurgie de ce patient par ailleurs inopérable, lui a offert la zone d’ancrage indispensable à l’implantation d’une valve par voie percutanée. A toute chose, malheur est bon !

FMC

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