Anxiété préopératoirePrémédication

Ecole IADE décembre 2010

Francois SZTARK

Pôle d’Anesthésie Réanimation

CHU de Bordeaux

Concept de prémédication

S’intègre dans la préparation du patient à l’anesthésie

• Poursuite des traitements préopératoires• Objectifs spécifiques : prémédication

thérapeutique ou préventive• Confort du patient (anxiété, amnésie…)

Evolution du concept

• Faciliter l’induction• Renforcer l’anesthésie/analgésie

La prémédication aujourd’hui

• Poursuite des traitements préopératoires• Prémédication thérapeutique ou préventive

• Réduction des sécrétions salivaires et bronchiques• Prévention de la bradycardie vagale• Diminution des besoins en anesthésiques / stabilité

hémodynamique• Diminuer les risques d’inhalation/Élévation du pH gastrique • Prévention des ISO• Prévention de l’hyperalgésie

• Confort du patient• Anxiolyse• Amnésie• Analgésie/sédation• Prévention des NVPO

Anxiété

• L’anxiété est une sensation subjective qui peut induire des symptômes somatiques variés :– troubles cardiovasculaires (tachycardie, hypertension

artérielle),

– troubles ventilatoires (dyspnée, sensation de gêne respiratoire),

– troubles neurovégétatifs (bouche sèche, dysurie)

– troubles neuropsychiques (sensation d’asthénie, troubles du sommeil, troubles du comportement ou état d’agitation).

Distinction entre trait et état

• « L’anxiété-trait » : liée à la personnalité et permanente

• « L’anxiété-état » préopératoire : circonstancielle et transitoire

Caractéristiques de l’anxiété préopératoire

• Pas de caractère constant

• Fonction – des patients

– du type et de la symbolique de la chirurgie envisagée (chirurgie carcinologique, cardiaque, mutilante sont beaucoup plus anxiogènes)

– de certaines situations qui les amplifient, comme le sexe féminin ou le jeune âge, la présence d’un proche en salle d’induction, une première anesthésie ou une anesthésie précédemment mal vécue.

Néanmoins, la lourdeur du geste chirurgical ou un p récédent chirurgical ne sont pas forcément facteurs d’anxiét é.

Marqueurs de l’anxiété et évaluation

• Caractère pléiomorphe de l’anxiété

périopératoire et difficulté à la prévoir, à l’évaluer

et à anticiper ses conséquences éventuelles

• Les mesures de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque sont parfois les seuls

marqueurs de l’anxiété dans des études

évaluant la qualité de telle ou telle

prémédication.

Marqueurs de l’anxiété et évaluation

• L’utilisation de questionnaires ou d’échelle visuelle analogique, en tenant compte également de terrains particulièrement sensibles, comme la dépression, serait préférable.

• L’observation comportementale fine des patients au cours des heures précédant l’acte chirurgical, pourrait être aussi un outil précieux pour évaluer le niveau de stress.

ECHELLES D'ANXIÉTÉ

• Instruments d'hétéro-évaluation

– Hamilton ou HASR (1959) : 14 items– Tyrer (1984) : 10 items – Covi (Lipman & Covi 1976) : 3 items– FARD de Ferreri (1988), diagramme de 12 items – AMDP ou AMDP-AT de Bobon (1985) : 17 items

…

4. INSOMNIE : Difficultés d'endormissement - Sommeil interrompu -Sommeil non satisfaisant avec fatigue au réveil - Rêves pénibles -Cauchemars - Terreurs nocturnes

3. PEURS : Du noir - Des gens qu'on ne connaît pas - D'être abandonné seul - Des gros animaux, etc - De la circulation - De la foule

2. TENSION : Sensations de tension - Fatigabilité - Impossibilité de se détendre - Réactions de sursaut - Pleurs faciles - Tremblements -Sensations d'être incapable de rester en place

1. HUMEUR ANXIEUSE : Inquiétude - Attente du pire - Appréhension (anticipation avec peur) – Irritabilité

ECHELLE D'APPRÉCIATION DE L'ANXIÉTÉ DE HAMILTON - HARS

Instruments d'auto-évaluation de l’anxiété

• STAI de Spielberger : State-Trait Anxiety Inventory(1983) explore lui aussi séparément l'anxiété-trait et état : deux formes YA et YB, 40 items.

• Échelle de Zung (1965) : 20 items

• Questionnaire BATE de De Bonis (1975), exploreséparément l'anxiété-trait et l'anxiété-état : donc deuxquestionnaires, l'un de 37 items, l'autre de 40.

ECHELLES D'ANXIÉTÉ

Inventaire d'anxiété état-trait de Spielberger State Trait Anxiety Inventory ou STAI

• Le STAI est destiné à évaluer d'une part l'anxiété-trait et d'autre part l'anxiété-état au travers de 20 items qui ne concernent que les aspects psychologiques et non somatiques de l’anxiété.

• La version Y a été développée pour éliminer des items plus liés à la dépression. C’est l’une des échelles d’autoévaluation de l’anxiété les plus utilisées.

ECHELLES MIXTES

Exemple : Auto-questionnaire HAD de Zigmond et Snaith(1983): 14 items, 7 d'anxiété (A), 7 de dépression (D)

(D) 14. Je peux prendre plaisir à un bon livre, une bonne émission de radio ou de TV

(A) 13. J'éprouve des sensations soudaines de panique

(D) 12. Je me réjouis d'avance à l'idée de faire certaines choses

(A) 11. J'ai la bougeotte et n'arrive pas à tenir en place

(D) 10. Je ne m'intéresse plus à mon apparence

(A) 09. J'éprouve des sensations de peur et j'ai l'estomac noué

(D) 08. J'ai l'impression de fonctionner au ralenti

(A) 07. Je peux rester tranquillement assis à ne rien faire et me sentir décontracté

(D) 06. Je suis de bonne humeur

(A) 05. Je me fais du souci

(D) 04. Je ris facilement et vois le bon côté des choses

(A) 03. J'ai une sensation de peur comme si quelque chose d'horrible allait m'arriver

(D) 02. Je prends plaisir aux mêmes choses qu'autrefois

(A) 01. Je me sens tendu ou énervé

HAD en pratique

• Exemple

Echelles plus spécifiques pour le préopératoire

Amsterdam preoperative anxiety and information scale(APAIS)

L’échelle visuelle analogique (EVA)

• Même réglette que celle utilisée pour évaluer la douleur, mais moins précise pour la mesure de l’anxiété

• Certaines études ont noté une bonne relation avec les tests plus complexes.

• Une valeur d’EVA > 60 mm (sur une échelle de 0 à 100) indique une anxiété inhabituelle qu’il faut prendre en compte

Anxiolyse

• L’un des objectifs essentiel de la prémédication

• Elle permet de diminuer l’angoisse que

représente l’intervention chirurgicale : 40 à 80 %

des patients sont anxieux pendant la période

préopératoire.

Effets de l’anxiolyse préopératoire

• Semble (discuté selon les études) :– faciliter l’induction et diminuer les besoins en

agents anesthésiques,

– améliorer la récupération (durée de séjour raccourcie, l’analgésie ainsi que l’incidence des complications postopératoires.

– Permettre après la sortie une reprise plus rapide du mode de vie antérieur.

Approche non pharmacologiquedu traitement de l’anxiété

La consultation d’anesthésie est plus efficace que les barbituriques sur l’anxiétépréopératoire.

Les patents ayant bénéficié d’une CPA étaient plus calmes et moins somnolents …

The value of the preoperative visit by an anesthetist. A study of doctor-patient rapport.

Egbert et al. JAMA. 1963;185:553-5

Information du patient et anxiété

• Rôle crucial d’une information claire et ouverte aux patients

• Une information excessivement détaillée n’apporte rien, voire peut majorer l’anxiété du patient

• L’obligation d’informer les patients sur les risques encourus par la procédure prévue est susceptible d’entrer en conflit avec les objectifs émotionnels souhaitables pour cette période périopératoire.

Particularités de l’enfant

Préparation psychologique

• La présence, au moment de l’induction, d’un membre de l’équipe anesthésique ayant préalablement rencontré le patient semble également efficace.

• Une préparation psychologique pourrait induire une prémédication satisfaisante dans 70 à 85 % des cas.

Relaxation, sophrologie, Hypnose …

• Les techniques de relaxation = alternative séduisante aux traitements pharmacologiques de l’anxiété périopératoire.

• Efficacité certaine sur l’anxiété mesurée des patients, la requête d’antalgiques, la durée d’hospitalisation, la survenue d’extrasystoles ventriculaires en cas de cardiopathie ischémique, le niveau de pression artérielle et la consommation d’oxygène chez les patients hypertendus, et le contrôle de l’hypercortisolémie postopératoire.

• Pour être efficaces, ces techniques doivent débuter au minimum vingt-quatre heures avant le début de l’intervention .

• En France, elles restent cependant peu usitées (contraintes d’organisation, temps passé).

• Moyens– Approche psychologique du patient

• Serait suffisante dans 70 à 85% des cas• Rôle de la CA et visite préopératoire• Accueil au bloc

– Prémédication pharmacologique non systématique

• Benzodiazépines (midazolam)• Hydroxyzine (Atarax)• Morphiniques• Alpha2 Agonistes (clonidine) …

En pratique, la « prémédication »

Cas particuliers

• Chirurgie ambulatoire– Peu anxiogène

– Pas de sédation résiduelle

– Donc en principe pas de prémédication

• Pédiatrie

Place des BZD dans la prémédication

• La principale propriété des benzodiazépines est l’anxiolyse

• Eviter les agents de demi-vie longue, ou avec production de métabolites actifs. Intérêt du midazolam

• Les propriétés pharmacologiques du midazolamadministré per os sont semblables à celles d’une administration IV

• Attention chez le sujet âgé en raison de leurs effets dépresseurs sur le systèmes cardiovasculaire

• Leurs effets indésirables peuvent être antagonisés par le flumazénil

Effets prolongés des BZD

Fredman et coll. Anesth & Analg 1999;89:1161-6

= + 30%

Quelle benzodiazépine ?

• Posologie Midazolam :– Voie nasale : 0,2 mg/kg– Intrarectal : 0,3 mg/kg– Per os : 0,05 à 0,1 mg/kg– IV : titration par 0,5 mg

BZD : en pratique

• Eviter les agents de durée d’action prolongée

• Eviter les doses excessives

• L’association d’un sédatif la veille au soir et d’une titration au bloc par du midazolam (0,5 à 3 mg) est sans doute préférable à la prémédication systématique le matin

Place de l’hydroxyzine dans la prémédication

• Action sédative (attention chez le sujet âgé à la sédation postopératoire résiduelle)

• Antihistaminique H1 (par son métabolite)

• Propriétés antisécrétoires et antiémétiques, bronchodilatatrices, et d’une activitéantiarythmique modérée

• Pas d’effet amnésiant

Pharmacocinétique de l’hydroxyzine

• T1/2 = 20h jusqu’à 30h chez le sujet âgé !

Clin Pharmacol Ther 1989;45:9-14

Hydroxyzine (Atarax®)

• Comprimés 25 mg, 100 mg• Sirop : 1 ml = 2 mg

– Dose moyenne 1 mg/kg

– Effet clinique maximal après 90-120 min

• Peut être administré le matin en association à une BZD la veille au soir

Place des morphiniques dans la prémédication

• Les morphiniques ont des actions sédative, antalgique et euphorisante

• Ce ne sont pas des anxiolytiques et peuvent être responsables d’une agitation psychomotrice, d’histamino-libération, de retard de la vidange gastrique

• Ils n’ont d’intérêt en prémédication que chez les malades douloureux, les toxicomanes en cours de sévrage et en prévision d’un geste douloureux

Parasympatholytiques

• Principaux effets pharmacologiques des vagolytiques utilisés lors de la prémédication :

– effet antisialagogue ;

– diminution de la sécrétion acide gastrique ;

– prévention des troubles du rythme cardiaque liés àune stimulation vagale excessive ;

– prévention du réflexe oculocardiaque ;

– effet sédatif et amnésiant (exclusivement avec la scopolamine).

Parasympatholytiques

• La justification ancienne de l’administration avant l’anesthésie d’un vagolytique est principalement la diminution des sécrétions salivaires et des réflexes vagaux.

• Ces indications ont en grande partie disparu avec les nouveaux anesthésiques. L’administration d’un vagolytique avant une anesthésie n’est plus systématique, mais réservée à des indications particulières.

Intérêt de la clonidine (α2 agoniste)

• Effet anxiolytique• Rôle d’épargne sur les agents hypnotiques et

morphiniques• Elle atténue les phénomènes cardiaques

ischémiques secondaires à une stimulation sympathique peropératoire

• Posologie : 3-4 µg/kg chez l’adulte comme chez l’enfant, 90 min avant l’induction sans association à une BZD (BZD possible la veille au soir)

Autres agents

• AntiH2 : TAGAMET effervescent (en obstétrique)

• Bêta-bloquants :– bloquent les effets sympathiques de l’anxiété

– Indiqués chez les patients à haut risque d’ischémie myocardique

• Gabapentine• Prévention des NVPO chez les sujets à

haut risque

Prévention des NVPO

Algorithme de prise en charge des NVPO

Evaluation des règles du jeûne préopératoire en chirurgie réglée

Riahi T et al.Service d’Anesthésie et de Réanimation Chirurgicale 1,

Hôpital Pellegrin, CHU Bordeaux, France

Congrès SFAR 2008

Recommandations (ASA …) : Matériel ingéré Période minimale de jeûne (h)Liquides clairs 2

Lait maternel 4

Lait maternisé ou d’origine non humaine 6

Repas léger 6

Analyse prospective de 500 patients

• Durée du jeûne pour les solides : 15 ± 3 h

• Durée de jeûne pour les liquides 13 ± 4 h

10

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26

Jeûn

e ré

el

7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17Durée du jeûne selon l'heure d'intervention

Profil glycémique

• 30% patients perfusés avec du glucose.

• La glycémie médiane était de 1,0 g/l (0,7-2,9) à T0 et de 1,1 g/l (0,53-3,5) à T1.

• Un seul patient avait une glycémie < 0,6 g/l (sans signe fonctionnel) à T1 et aucun à T0.

• Absence de corrélation entre la durée de jeûne et la glycémie à T0 ou T1.

,5

,75

1

1,25

1,5

1,75

2

2,25

2,5

2,75

3

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6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28Jeûne alimentaire réel

Signes fonctionnels

• La durée du jeûne alimentaire (en heures) est significativement supérieure dans les cas – d’asthénie (16 ± 3 vs 14 ± 3)

– de faim (15 ± 3 vs 14 ± 3),

– de soif (15 ± 3 vs 14 ± 3).

• La durée du jeûne liquidien (en heures) est significativementsupérieure dans les cas– de soif (14 ± 4 vs 13 ± 4)

– de faim (14 ± 4 vs 13 ± 3)0

5

10

15

20

25

30

35

Soif Faim Asthénie Céphalée Vertige

La soif (33%) et la faim (29%) sont les signes les plus fréquents.

Jeûne préopératoire et intérêt des boissons glucidiques

• Chez les patients sans risque de régurgitation, la durée du jeûne préopératoire avant une chirurgie programmée ne doit pas excéder 2 à 3 heures pour les liquides « clairs » et 6 heures pour un repas léger.

• Chez les patients sans risque de régurgitation, la prise de liquides clairs sucrés sous forme de solution de glucose ou de maltodextrines jusqu’à 2 heures avant la prémédication est probablement recommandée .

En pratique…

• Pas de prémédication systématique• Mais adaptée :

– Au patient (trait et état anxieux, pédiatrie …)

– Au contexte• Pas de prémédication en ambulatoire• Poursuite d’un traitement BZD

• Prise en charge au bloc– Titration de l’anxiolyse

– Analgésie/sédation (propofol, rémifentanil …)

Conclusion

• Prémédication systématique = médecine industrielle

• Prémédication adaptée– Médecine humaine, personnalisée

– Approche psychologique lors des consultations préopératoires

– Prescription adaptée au patient et au contexte

– Optimisation de l’accueil et prise en charge au bloc