anne-francoise schmid - sur les fonctions de l'exemple en philosophie

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Sur les fonctions de L'exemple en philosophie Author(s): Anne-Françoise Schmid Source: Revue européenne des sciences sociales, T. 17, No. 45, Discours, Savoir, Histoire: Travaux du Centre de Recherches Sémiologiques de l'Université de Neuchâtel 2 (1979), pp. 103- 118 Published by: Librairie Droz Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40370754 . Accessed: 06/10/2013 17:22 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Librairie Droz is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue européenne des sciences sociales. http://www.jstor.org This content downloaded from 186.125.44.154 on Sun, 6 Oct 2013 17:22:10 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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Page 1: Anne-Francoise Schmid - Sur Les Fonctions de L'Exemple en Philosophie

Sur les fonctions de L'exemple en philosophieAuthor(s): Anne-Françoise SchmidSource: Revue européenne des sciences sociales, T. 17, No. 45, Discours, Savoir, Histoire:Travaux du Centre de Recherches Sémiologiques de l'Université de Neuchâtel 2 (1979), pp. 103-118Published by: Librairie DrozStable URL: http://www.jstor.org/stable/40370754 .

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ANNE-FRANCOISE SCHMID

SUR LES FONCTIONS DE L'EXEMPLE EN PHILOSOPHIE

Je vais traiter d'un probl&me k la fois de philosophie et sur les phi- losophies ; c'est \k le statut d'un bon nombre de travaux « thSoriques » aprfis Marx et Nietzsche : des fonctions de Pexemple en philosophie. Comment Pexemple concerne-t-il la philosophie?

Je considSre ici les philosophies comme des types particuliers de textes - « litttraires » serait inadSquat - disons « poietiques » ; deci- sion peu traditionnelle dans la mesure ou elle suppose que Ton donne une position centrale k la notion de style. De fait, il n'y a que peu de travaux sur le style en philosophie, et souvent Us se bornent k ce qu'on appelle Pargumentation - point de vue important il est vrai, mais non recteur, comme on Pa cru (voir les etudes, par ailleurs remarquables, de Perelman) - . La th£se que favance ici (thSse en ce sens qu'elle renverse des positions hi£rarchiques) est que « la philosophie » a rendu impensable en elle le « style » en instaurant Pidee de vMtL Et cela pour des raisons constitutives, dont je vais d'embiee signaler la plus impor- tante : la vSrite, dans « la tradition », est dSfinie, quoique sous diverses formes, comme adequation entre la penste et la r6alit6. Un tel presup- pose sous-entend la lisibilite du reel par la pens^e, et, par l&-mSme, la possibility d'une Htt6ralit6, au moins ideale, de Pexpression de la v6rite. Le texte est alors « miroir » de la rfalite et/ou de la v6rit6, d6faillant parfois, mais toujours miroir. En tant que textet texture, facture, il n'a plus d'importance : son existence est accidentelle. Aussi les philosophes laissent-ils aux pofetes la question du style, en tant qu' « ornementation » non essentielle (voir les etudes de Peter France sur Descartes et Con- dillac ; de Nancy sur Kant) - ou d'autres fois, ils se plaignent de la lourdeur de leur style comme d'un accident inevitable : on ne peut k la fois « chercher k plaire » et suivre la v£rite dans sa complexity (Kant).

L'appr&iension du style est Pune des differences importantes faites dans la tradition entre « philosophie » et « literature ». Apparemment, ce n'est pas une difference de forme, mais Pintrusion de Pid£e de v6rit£, la separation antique entre philosophie et jtOSroc Or cette difference est aussi difference - relative - de « formes », en particulier dans le traitement du symbolique et de Pexemplaire. Le symbole, en literature, k la fois concentre et suggSre, en provoquant des d6placements : il est un proc£d£ de condensation en un signe de multiples sensations v£cues dans des circonstances souvent differentes. La philosophie, elle aussi, a ses symboles, comme agents de condensation et de mediation - mais ils doivent toujours pouvoir se prgter a Pexplicitation theorique : ils sont ce que, en general, nous appelons des exemples : le « style » de

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la philosophic est, dans son usage de l'exemple en particulier, style de l'explicitation. Et la fonction de concentration ne concerne pas tant les souvenirs, les sensations, que les rapports des poles dessinSs par le fait et la valeur, la r6alite et la verite : l'exemple est le symbole apte a Her le concret et l'abstrait, le pratique et le thSorique, etc. II y a ici un usage de l'exemple relativement specifique k la philosophic. Cest par ce biais que je vais entreprendre mon etude.

Mais encore une consideration preliminaire : un tel projet suppose que je puisse parler d'une « tradition » - ou de « classique » - en philosophic L'histoire nous prfeente des philosophies ; peut-on parler de « la » philosophie ? Lorsque je parle de philosophie au singulier, je ne veux en aucun cas suggSrer I'id6e d'une constitution unitaire, con- tinue de la philosophie ; c'est \k une question hors de mon propos. Cest la notion de « style » - et de « rhetorique » - (je les definirai plus loin) qui permet de rep^rer, dans les systemes philosophiques des traits caracteristiques, ou plut6t des operations qui permettent de parler non tant de systemes que de textes comme philosophiques. Ce rep^rage sup- pose une relation entre la verite d'une philosophie singultere et son texte. En ce sens, la « philosophie » pourrait etre d6finie comme media- tion differ^e entre la v£rit£ et son ecriture.

Done l'exemple apparait en philosophie comme piece « rhetorique », dans un style de l'explication. Je ne vais pas ici faire un developpement sur ce qu'est, en philosophie, une explicitation : tout le reste y contri- buera.

L'exemple, tout seul, n'est rien : il n'est exemple que dans une situa- tion donnee, dans un texte presentant des presupposes assez precis, qui supposent un fonctionnement relatif k d'autres phenomenes rhetoriques et stylistiques. Soit ici la m6taphore. Une these : la m6taphore est cons- titutive du texte philosophique. Cela depend tout d'abord d'un des gestes les plus primitifs de la philosophie, surtout des le moment ou elle s'ecrit - celle qui marque la distance du texte k la verite - sa dis- tance, mais aussi sa possibilite de conformite, de representation. LJ6cri- ture est alors un ensemble de tours, de detours, de retours permettant de mettre en evidence une presence - celle de la verite, ou de l'gtre - qui n'y est pas. On voit alors comment j'utilise ici le terme de m6ta- phore : il ne s'agit pas tant, comme dans une grande partie de la tra- dition de la rhetorique classique, d'une comparaison raccourcie ou deux termes peuvent se substituer l'un k l'autre, mais plut6t d'une « image » situee par rapport k des formes de materialite ou de positives (voir B. Croce, « Noterella sulla metafora», in: La Critica, 38(1940)180- 183 ; M.C. Beardsley, « The metaphorical Twist », in : Philosophy and phenomenological Research 22(1962) 293-307). En ce sens, la metaphore definit ou dessine un espace : celui du texte k la verite qui est aussi celui dans lequel se jouent les transpositions qu'elle effectue.

Espace est done metaphore (d'un statut particulier puisqu'elle est condition de description du metaphorique), peut-etre meme la marque d'une aporie, celle de la « situation » de la verite. J'utilise ici cette meta- phore comme me permettant la description - ou plut6t le reperage

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d'opSrations - dans l'organisation hterarchique des theses et la distri- bution des notions qui, dans leurs relations, ddterminent 1'apprShension k la fois du singulier et de ce que le texte pose comme exteriority. L'usage de la m6taphore n'est pas marque de moindre efficacite - de « scientificite » comme on aime k dire - : l'analyse est d'abord un travail de modification, et suppose Putilisation des moyens existant dans le texte analyst. - Dire que la metaphore n'est pas l'affaire de la philosophic, c'est justement postuler cet espace comme absolu. L'im- portant est de calculer les enjeux et les risques de l'usage de telle ou telle m&aphore, c'est pourquoi il est nScessaire aussi de les varier. Le risque de l'image de l'espfice, si elle est trop exclusive, serait de consi- dSrer les textes philosophiques comme de pures topologies organises autour de deux foyers dont on construirait des modeles math&natiques ; on en resterait alors a l'image du texte comme representation, reflet - image du texte, qui nous Pavons vu, Pannule en tant que texte ; les relations entre contenus et organisations hterarchiques disparattraient pour laisser libre cours k un positivisme de 1'identitS. Et ce serait, \k aussi, interdire l'Stude de la m&aphore en tant que phenom£ne « sty- listique », en tant que l'image du texte reprSsentatif exclut celle du texte op6ratif.

Done, exemple et m6taphore : leurs rapports dans le texte philoso- phique. J'ajoute que la metaphore est aussi une operation de transpo- sition. Dans « la tradition », on dit « 6cart » - mais 6cart par rapport a quoi, k quel niveau du texte ? Toute la rhetorique classique s'est heurtee k ce probteme : il y a un « degrS zero » du texte, non m£tapho- rique (et meme non figural) grSce auquel se definit ou s^value l'Scart m6taphorique. Je dirai (et je ne suis pas la premiere) qu'il n'y a pas de degre z6ro absolument : il y a des passages d'un ordre de signifi- cation k un autre. L'un des r61es de l'exemple dans le texte philoso- phique est de contribuer k donner Pillusion de cet 6tat limpide, objectif, littoral du texte. Ainsi l'exemple est ce qui represente la « r6alit6 », le a donne », et, en ce sens, dans la « tradition », il 6chappe k la m6ta- phoricite - ou du moins, ce n'est pas la qu'on la cherche : son mode, en general, c'est l'indicatif - mode de l'index qui d&igne (k moins qu'il ne s'agisse d'un contre-exemple imaginaire).

C'est une fa?on de dire que, sans l'exemple, l'espace dessine par la m6taphore n'a pas de sens - car il reste flottant, insituable. Et c'est ce qu'une philosophic de la v6rit6, de I'objectivit6 ne peut supporter. Sans l'usage de l'exemple, il n'est pas possible de critiquer la metaphore, car l'ecart ne peut plus §tre evalu£. Une philosophic « classique » qui critique la mttaphore ne peut, je crois, se passer de ^exemplification, afin de rGgler les transpositions de sens. Aussi le fonctionnement de l'exemple est-il H6 k celui de la metaphore, quoique, dans la tradition, les discours tenus sur ces deux operations rh£toriques aient 6t6 tr6s diffSrents. De la metaphore, r6serv6e aux poStes, on a parlS a des fins de controle du texte. Sur l'exemple, en regie generale, le silence, puis- qu'il rapporte le « donn£ », la « reality », ce qui fait foi - c'est peut- etre dans des philosophies « critiquant » le rapport k la « rtalite » qu'on

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en a le plus parle (Francis Bacon et l'induction ; Kant dans sa dis- tinction entre « Beispiel » et « Exempel » ; Husserl : le fait et Pexem- plaire) - Mais, dans Pensemble, un relatif silence sur Pexemple - et meme dans les traites de rhStoriques : rapportant Pext6riorit6, Pexem- ple n'intSresse apparemment que peu le texte.

Ainsi Pexemple situe Pespace, et, par 14-mSme, rfegle ou concentre les oppositions entre le « fait » (« rapport6 » ou « represents ») et la valeur. En ce sens, il est mediation, comme tout symbole. Point de suture entre r6alit6 et v6rit6, entre perception et entendement. Sa fonction est alors, dans Pespace des transpositions possibles, de diminuer la distance entre les poles - en effa^ant le texte - et cela, dans un processus de reconnaissance de Puniversel dans le particulier. Suivant notre m£ta- phore spatiale, Pexemple se trouve k la jointure, k la pliure de Pespace polaris6.

Mais se pose la question de cette procedure : comment reconnattre Puniversel dans le particulier ? C'est le fait d'un r6seau d'analogies : Pexemple fait face a des concepts, que Pon peut considSrer comme classes d'6quivalences permettant de grouper des « faits ». Mais alors, les « faits » subsumes ne sont qu'k la limite des « faits » : le fait est representant d'une classe de possibles : aussi Pexemple joue-t-il sur une ambiguite, celle du fait et du cas : il se rSfere a une singularity que, dans le texte, il reprtsente comme cas. Cette ambiguity entre le singulier et le typique permet Pintroduction de Puniversalit6 dans Pexemple. Aussi Pexemple est-il presque toujours substituable, k PintS- rieur de la mSme « classe d'6quivalence », soit, souvent, par m6tonymie. On voit par \k que Pexemple n'est pas Pimage, qui, k la limite, n'est exemple que d'elle-meme. L'exemple indique un support, un lieu com- mun pour un type de « faits » ou d' « objets » : il est, en ce sens, tr6s exactement, r£gle de synthSse.

II faut se demander ici ce qu'est « analogie ». D'un point de vue non purement formel, c'est le soutien d'une philosophie du mSme, de Pidentite ; les m6taphysiques, ou plutot, les ontologies « classiques », qu'elles proc^dent par imitation, participation ou Emanation, posent par analogie Pgtre « absolu », qui ne peut prendre place « dans » le texte. L'intSressant, pour nous, est le fonctionnement de Pexemple et de la mStaphore par rapport k Panalogie.

L'exemple « choisit » a Pinterieur d'une classe d'analogies - il est substituable a Pinterieur de cette m£me classe. La mStaphore, elle, passe d'une classe a Pautre : elle est alors operation de condensation ; le « sens », dans le texte philosophique, a un statut a la fois analogique et paradigmatique - Paradigmatique, parce que l'exemple, en tant que rapportant des « faits », le « donne » objectif, justifie et consolide le d6coupage des classes d'analogies (des concepts). Effectivement com- ment penser Pexemple sans Panalogie : lorsque Pexemple est cit6 hors du r6seau analogique, le resultat est pour nous comique ou illisible - tel le texte de Borges cite par Foucault : Borgfes parle d'une « Ency- clopedie chinoise » ou : « les animaux se divisent en : a) appartenant k Pempereur, b) embaumes, c) apprivois6s, d) cochons de lait, e) sirenes,

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f) fabuleux, g) chiens en liberty h) inclus dans la prSsente classification, i) qui s'agitent comme des fous, j) innombrables, k) dessinSs avec un pinceau tr£s fin en poils de chameau, 1) et caetera, m) qui viennent de casser la cruche, n) qui de loin semblent des mouches. » Analogic condensations, deplacements, paradigmes : ces « termes » devraient per- rnettre d'expliciter les rapports entre sens et v6rite en philosophic

Nous avons touche, obliquement, nombre d'aspects de ce que Ton a appele des « probtemes philosophiques » :

€ Le progres a partir de ce qui est commencement est en meme temps, en philosophic, le retour a la source de ce progres, a son commencement veritable. »

Hegel, Science de la Logique, I, 69.

Soit le « probleme » de Porigine : le projet philosophique a dissocte le « r£el » du « vrai » : le texte, comme transparence, est toujours un voile sur le rScit ; c'est dire que, pour viser « la v6rite », il faut retrouver. C'est la le style de Pexplicitation en philosophic : progresser s'opere par regressions, retours k, Dans cette perspective, Pexemple aussi designe Porigine, Pimmediat, le commencement : Pusage de Pexemple est aussi la marque du regret de la philosophic Mais, dans ce geste, l'exemple r6integre cet imme*diat, cette origine (le « domaine de base ») pour les r£int6grer dans le fonctionnement du texte philosophique. Les fonctions de Pexemple trouvent lieu dans un type de textes ou la distanciation au « r6el » et sa position sont les moments constitutifs du style de Pexplication.

Ce style de l'explication suppose ainsi que, dans sa r6int6gration, le r£el est reparable Or Pexemple fonctionne comme « index » du r6el - comment peut-on s'en assurer?

€ Puisque la raison est (par defini- tion) la faculty de connaitre la realite*, et que d'autre part la grandeur infinie et continue est Pobjet propre de la raison, il s'ensuit que les idies d'infini et de continu doivent avoir une valeur objective... Mais il faut bien remarquer, d'une part, que le monde que reconsti- tue la raison n'est pas la reproduction pure et simple du monde per?u par les sens ; en passant par les formes de Pentendement il s'est en quelque sorte intellectualise : d'une infinite heterogene et confuse il est devenu une infinite claire, distincte et homogene, penetree d'esprit et pour ainsi dire transparente a la raison. » Couturat, De Vinfini mathematique, 558-559.

« Ventendement determine et fixe les determinations ; la raison est nega- tive et dialectique, parce qu'elle reduit a rien les determinations de Pentende- ment, elle est positive parce qu'elle produit Vuniverset et subsume en lui le particulier. De meme que Pon a coutume de prendre Pentendement comme quelque chose de separe de la raison en general, de m£me aussi a-t-on coutume de prendre la raison dialectique comme quelque chose de separe de la raison positive. Mais dans sa verite la raison est esprit, et celui- ci est superieur a Pun et a Pautre, il est une raison d'entendement, ou un entendement de raison. » Hegel : Science de la logique, Preface.

L'exemple comme index suppose, dans les textes philosophiques, la distinction des facultes : sensibility (perception) - imagination - enten-

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dement - raison. Distinctions strictes de nature (hypotases de diffe- rences toutes relatives), mais centrees les unes par rapport aux autres (sauf peut-etre Pimagination ?). Ainsi Pexemple, index du rtel, sur le mode du fait, est-il exemple pour le concept, creation de Pentendement (cela dit « en g6n6ral ») : si nous savons que nous pouvons distinguer Pimaginaire du reel, c'est k la fois parce que et pour que ce que Pexemple rapporte soit bien determine dans son ordre de rSalite. L'exem- ple joue done ici toujours comme joint, point de suture dans la dia- lectique qui lie la perception k Pentendement. L'exemple prend place ainsi dans une tradition de la philosophic de la conscience oti le sujet connaissant peut se poser face k ses perceptions ; e'est \k une fagon particultere de dire que la v6rit6 est adequation.

« Le jugement est un rapport d'identite entre sujet et predicat ; quand bien meme le sujet a encore plusieurs determinites en plus de celle du predicat, et, dans cette mesure, est quelque chose d'autre que celui-ci, reste qu'elles ne s'ajoutent qu'en s'additionnant et ne sursument pas le rapport d'identite de ce predicat avec son sujet, lequel reste son fonde- ment et son support. » (Hegel, Science de la Logique, I, 66-67.

La v6rite est adequation : elle pose par Ik la thtorie du jugement comme piece centrale en ce sens que les modes du lien entre sujet et predicat nous informent sur la structure du reel. On voit ici pourquoi Pexemple n'est en general pas compris comme proc6de stylistique en philosophic au m§me titre que la metaphore : il ne met pas en jeu la clarte ou la simplicity du jugement - alors qu'un jugement « ornemente » brouille- rait les rapports entre texte et r6alite, texte et verite, parce qu'il ne serait plus une « surface plane ». II pr^sente un fait, pose un objet, s'oppose au concept, mais ne met pas en cause le jugement ou le concept.

« Les systemes des philosophes (qui me sont fort peu connus) me semblent gSneralement negligeables - (en dehors des exemples, pro- blames et de tout ce qui n'est pas systGmatique qu'ils contiennent). [...] Et de plus, les observations, experiences - servent chez eux d'arguments et alors sont mal interprets et trop clairsemes... » Valery, « Cahiers I », 489-490.

Presenter le particulier face au general : e'est \k aussi affaire de style, que Pon peut exprimer en termes d'Squilibre ou de longueur de texte (Pexemple n'est done pas indifferent au texte). II s'agit de la dissymetrie, jamais rSsorbable, entre Pexemple et le concept : k Pexem- ple correspond une forme de g£n£ralit£, mais cette correspondance n'est pas en 6quilibre ; meme en multipliant les exemples, on n'atteint pas a la generality du concept - et ajoutons que toute structure de texte ne supporte pas de la m§me fagon le meme nombre d'exemples sous peine de se disloquer, c'est-&-dire de ne plus avoir les ressources rhe- toriques de se prolonger : dans le texte « classique » de philosophic, selon la lecture qu'on en fait, il y a toujours trop ou trop peu d'exem- ples. Ainsi, la question de la longueur, e'est aussi celle du lien entre exemple et texte, e'est-a-dire ici, curieusement, entre le general et le particulier, qui, dans la tradition philosophique, s'est « hypotasiee » en

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un th£me, celui de Pinduction : j'ajoute cela pour signifier que les demarches considSrees generalement comme « logiques » <(« naturelles » k la « pensee »), sont aussi et d'abord rhetoriques. Certaines philoso- phies dites « rationalistes » - je pense ici a Leibniz et Couturat - se refusent a considSrer Pinduction comme type de raisonnement sp6ci- fique ; elle est trait6e comme cas particulier de la deduction. Et effecti- vement, la valeur accordSe a Pexemple par un texte peut varier selon les rapports, les tensions entre les poles de Pespace, son organisation hterarchique ; les oppositions ne sont pas toujours 6quivalentes et pren- nent corps dans la cristallisation du systeme. C'est dire que si les fonctions de Pexemple sont determines par des presuppositions en g6n£ral communes aux philosophies dites ici « classiques » (je pense surtout aux rapports du particulier au g6n£ral, au type de specification), les usages de Pexemple varient selon les philosophies. Ainsi, selon les cas (mais non nScessairement exclusifs), les exemples peuvent gtre tan- t6t illustratifs, tantot des raccourcis, tantot probatoires, ou introductifs, etc. (Ici ils servent de sous-titres/symptomes - en quelque sorte conden- sation metaphorique). Dans les philosophies dites « rationalistes », les exemples sont rarement probatoires, plutot « illustratifs », ou « mode- les » ; dans les philosophies empiristes, Pexemple est en general privi- 16gi6, car le fait prime l'idee. On pourrait ainsi probablement classer par tendances les philosophies selon leurs usages privitegtes de l'exemple ; mais tel n'est pas mon propos - il ne s'agit ici pas tant d'Jiistoire que de philosophie.

Tout ce que j'ai dit pr6c6demment sur les fonctions de Pexemple peut-etre resumS par Tid6e de mediation dans un espace polaris6.

<c Afin d'exposer la r6alit6 de nos concepts des intuitions sont toujours n<§cessaires. S'il s'agit de concepts empiriques, les intuitions s'appellent exemples. S'il s'agit de concepts purs de rentendement on les nomme schemes. Mais exiger que Ton montre la r£alit£ objective des concepts de la raison, c'est-a-dire des Id£es, et cela en vue de la connaissance th£o- rique de celles-ci, c'est la desirer quelque chose d'impossible, puisqu'on ne peut absolument pas leur donner une intuition qui leur soit adequate. » Kant, Critique de la faculti de juger, trad. A. Philonenko, 173.

Cest peut-6tre Ik Tune des formulations les plus importantes de la fonction mediatrice de l'exemple. Du scheme (je laisse tomber la dis- tinction entre pur et empirique, non pertinente ici), Kant dit qu'il est « la representation d'un proced6 g6n£ral pour procurer k un concept son image », « une regie de synthese de l'imagination », une « rfegle qui sert a determiner notre intuition conform&nent k un certain concept general » (toutes citations extraites de la Critique de la raison pure).

La notion de schemes apparatt dans la philosophie critique par excellence, ou les rapports de Pimage au concept sont fondamentalement mis en question - tout en consacrant, nianmoins, PidSe de v6rit6 comme adequation. Le plus curieux, pour nous, c'est que, par la notion de scheme, Kant a frote la question du style, comme mode de presentation de Pimage pour le concept. Mais si la Critique a transform^ Perreur en

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illusion - en ce qui concerne les Idees de la Raison, - elle n'a pas modifte Pimage du texte dans la « tradition » philosophique : Kant peut « citer » ses pr&tecesseurs, les lire litteralement, alors qu'il ne peut plus « citer » directement « la reality ». C'est en quoi, pour nous, Pid6e de scheme est interessante et insuffisante : notre propos est d'articuler la question des fonctions de l'exemple au probteme du style.

J'appelle « rltetorique » Pensemble des operations qui, dans un texte, permettent de mettre en relation ce qu'on appelle commun6ment « forme » et « contenu » - les figures de la rh6torique traditionnelle recouvrent, en gros, ces operations. Les usages de l'exemple dependent de Pen- semble des choix (du fonctionnement) rhetoriques d'un texte.

J'appelle « style » Pensemble des demarches qui, dans un texte, per- mettent d'appr&iender ce qu'il pose comme exteriority. C'est la une definition « englobant » celle de rhetorique, et qui nous permet d'exa- miner les relations du texte a son exteriorite.

C'est Ik justement Tune des fonctions essentielles de Pexemple : il ne joue pas seulement le role de point de suture k Pinterieur de Pespace polarise construit par le texte, mais de lien k Pexteriorite et aux « don- n6s » dont < part » le texte. Cest ce probleme que je vais maintenant traiter.

En pr&entant un « fait », un « donne », une « rSalite », quelles sont les operations de l'exemple ? Je les dirai deux, et indissociables : la fragmentation et la traduction.

La fragmentation : Pexemple choisit en isolant. Or, la question du choix est d&jk problfeme de texte : comment le texte pr6sente-t-il ce qui est pertinent k Pargumentation ? Question tres delicate, parce que non apparente, car ce que Pexemple rapporte est cit6 pour son autonomie et son integrite : il n'est alors pas explicite que les choix du texte puissent modifier - ne serait-ce que par des changements d'6quilibre - cet « objet » par un jeu tres subtil d'interactions, une suite d'exemples peut, par Peffet de la juxtaposition, mettre en relief les aspects qui, en chacun d'eux, interessent le but que se propose le texte (exemple cor- rectif chez Bergson). Ainsi done le choix est aussi une question d'6qui- libre du texte, mais pas seulement : le choix, en isolant, transforme, et c'est en cela que consiste la traduction, car les elements choisis sont soumis a un autre fonctionnement que dans leur « domaine d'origine » (qu'il s'agisse de la « r^alite », de disciplines scientifiques, juridiques, etc.). C'est 1& une operation : « Integration » que je pose (encore une thfese) comme operation constitutive et primitive de la philosophic, car elle vit d'objets constitues en d'autres domaines du savoir. Par Petude de l'exemple comme integration d'6tements Strangers au texte philoso- phique, nous nous trouvons k Particulation des rapports entre texte et exteriorite.

En termes « thematiques », ces rapports sont d'abord ceux du pre- philosophique au philosophique. C'est 1& une difference considerable entre Pusage de Pexemple en philosophic et en mathematiques : dans cette derniere discipline, Pexemple est constituS en langage math6ma-

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tique - et souvent il serf k d&nontrer l'existence ; les donnSes de depart sont dejk mathematiques ; il est done possible de formaliser les presupposes *de depart sous forme de postulats ou d'axiomes. En philo- sophie, au contraire, l'exemple est issu de domaines varies, de langages qui peuvent etre tr^s difterents. Les presuppositions qui accompagnent une philosophic viennent souvent d'ailleurs, e'est mSme Tune des sped- ficites de la philosophic Cest pourquoi la question du commencement a ete si difficile en philosophic et tant ressass6e ; il reste toujours, « derriere » l'intention philosophique, le bon sens ou les diverses bran- ches du savoir ; la philosophic vit de ces evidences et de leur critique. Heidegger use de l'exemple tr£s frtquemment dans ce type de problema- tique : il prend des exemples dans le monde de la « vie quotidienne », du « bon sens », pour s'en detourner, cherchant dans la « chose » sa « chos£it£ », dans 1' « etant » son « gtre » - demarche critique puis- qu'elle a lie la recherche de la v6rit£ k l'obnubilation. (Vom Wesen der Wahrheit).

Ce procede d'integration par isolement - traduction - transposi- tion - on voit \k que mStaphore et analogie sont toujours pr£sentes dans le fonctionnement de l'exemple - tend k justifier la positivite des termes du discours philosophique, car les elements choisis - quoique soumis a un autre fonctionnement - gardent le meme nom que dans leur domaine de base. L'exemple permet ainsi de reconnattre Torigine (« rfalite » (perception), concept math&natique, physique, biologique, procedure juridique, etc.) de ces termes et de valider par Ik k la fois Tobjectivite de ces termes et celui du discours philosophique. Cette positivite des termes isol£s, pr6n£s par le fonctionnement mSme du texte philosophique, est Tune des astuces de la philosophic : reconnattre en s£parant pour objectiver - et cela, toujours dans r£16ment de la recon- naissance. L'exemple semble ainsi relater un fait, et un fait reconnais- sable, identifiable, et cela malgre les differences de fonctionnement, puisqu'il est un lien a l'origine. Cest 1& une construction du texte que le texte philosophique nie.

Nous avons d£\k utilise le terme de « reconnaissance » : un fait est reconnaissable parce que, nous Tavons vu, il est cite comme representant d'une classe d'analogies ; e'est Tambigu'ite entre fait et cas qui permet Integration dans le texte philosophique. Ce type d'integration suppose un texte construit sous la forme de la representation. L'exemple est un jeu entre la presentation et la representation. Presentation d'un « mor- ceau de r6alite », d'un fragment de scientificite - son identification par un terme commun k travers les diverses branches du savoir - sa cris- tallisation comme objet pour la philosophic : toutes ces operations con- tribuent a rendre possible directement la chose sous le mot. Cest un systeme ou l'identite (dont Tune des « formes rhetoriques » est l'ana- kigie) prime sur la difference ; systeme aussi dans lequel la v6rite est dicible et lisible : equilibre que le « travail » stylistique vient rompre, puisqu'il a 6te rendu possible par son evacuation. Mais cette fonction de presentation de l'exemple est d'abord representation : il fonctionne comme objet non tant de connaissance que de reconnaissance. L'exem-

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pie est pris ainsi immSdiatement dans un systeme de repetitions : sans repetitions, pas d'exemples possibles.

Or repetition et reconnaissance sont pris dans un double reseau : celui de l'analogie et celui de la tradition (ce qui a permis de constituer ce que, dans les institutions, on appelle la philosophic). Ce double jeu de la repetition et de la reconnaissance du referent dans le signifie, c'est, ce que, d'un mot, on appelle autorite. Fonction d'autorite non pas surajoutee, mais constitutive de l'exemple. Probatoire ou illustratif, de son rapport au referent, l'exemple justifie une idee, cristallise le decou- page des concepts, les presente comme effectifs, dans leur efficacite possible. Dans cette tradition, relevons un usage particulier de l'exem- ple : la citation, comme parole (ou ecrit) cristallisee qui corrobore, ou dont on se distancie : de nouveau, done, un processus d'identification. Thomas Mann a montre que c'est \k aussi un art de la repetition {Freud et Vavenir, in: « Noblesse de l9esprit», p. 185-211): la citation est Tune des formes dans lesquelles on se reconnait dans une tradition, la marque de la recherche de son identite. Et l'histoire exemplaire, magis- ira uitae, est une histoire qui suppose possible la repetition. L'exemple, en d'autres termes, est instrument par excellence d'identification.

Mais non n'importe quelle identification : Identification, dans notre type de « tradition », a lieu dans un discours particulier : le discours theorique. L'exemple contribue k nous faire lire le texte philosophique comme texte k pretentions theoriques. L'exemple nous dit, k propos du texte philosophique : ceci est « theorique », de parce qu'il pose comme objective l'existence du referent ou d'une positivite. Un texte philoso- phique ou ne figurerait aucun exemple serait compris comme construction poetique plutot que theorique, en ce sens que les modes de production au niveau textuel deviennent beaucoup plus apparents, puisqu'ils ne reposent plus sur l'affirmation objective et ponctuelle de referents exte- rieurs au texte ; un texte sans exemple perd sa transparence au reel. C'est en ce sens que l'image du theorique se reflete, en philosophic, dans l'exemple, qui, parfois, cherche a y mimer de loin l'experimentation scientifique. Aussi une etude « stylistique » du phenomene « exemple » conduit-elle a une redistribution des notions, a leur « deconstruction » (Derrida) - je ne dirais pas « destruction » parce que nous ne pouvons guere nous passer de reutiliser les « vieux mots » de la philosophic - mais nous pouvons, d'une certaine fagon, changer notre rapport k ce langage ; en d'autres termes, changer le sens du mot « conscience ». Or la theorie est justement un mode du rapport du sujet k ce qu'il con- sidere comme realite - rapports aussi du texte k l'exteriorite. Je vais ici donner quelques indications sur la direction possible d'un tel travail, en reprenant des themes.

Uobjectivite. - Les textes recourant a l'exemple (en tant que cas par- ticulier) sont ceux aussi ou Ton peut cerner des formes d'objectivite ; car Pobjectivite est aussi mediation entre referent et verite. Je dirais que l'objectivite pose l'ensemble des conditions qui permettent de con- siderer un fait comme ayant valeur de verite, ou comme dou6 de signi- fication dans un discours donne. C'est dire que dans toutes les philo-

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sophies « theoriques », il est possible de deceler des formes de positi- ves (en ce sens que leur negation mettrait le systeme lui-meme en question). L'idealisme le plus strict requiert neanmoins un realisme de la conscience, de l'esprit, de l'ego, ou encore des facultes de l'esprit hierarchisees. Un certain type de scepticisme peut reposer sur l'inter- pretation r6aliste de faits donnas en exemple : il suffit que Ton ait constate la defaillance des sens pour ne plus leur faire crddit. Or, Tune des fonctions de l'exemple - variante selon la modalite des dualismes - c'est le passage du fait au vrai. L'objectivite du systeme, garantie d'ailleurs en partie par l'exemple - laisse supposer que l'exemple a rapport a l'essence, qu'il represente afin de mieux pouvoir lire Pessence dans ^existence (Althusser : a propos des philosophies empiristes). L'analyse « stylistique », elle, pose la question de la constitution du « fait » dans et par le texte :

« Les faits n'introduisent pas ies changements ; ils signalent les chan- gements. Ce sont deja des fruits ; longtemps auparavant, « au plus pro- fond de la nuit», ils ont ete engendres. Longtemps auparavant, l'esprit eut peur. » E. Jiinger, Le Mur du temps, 118.

Le referent. - Dans la tradition « classique », le rapport du referent au texte s'effectue sous le mode d'une separation categorique int6rieur/ exterieur, r6glant un jeu de presences et d'absences, ou Pisolement de l'objet est pr^senti comme fait, non comme resultat d'un geste. Une etude « stylistique » pourrait au contraire s'attacher k traiter du refe- rent comme mode d'etre historique de l'exteriorite.

La verificabiliU. - Une verification porte sur la Constance d'un rapport (quoique elle ne soit pas r6gl6e en philosophic comme elle Test en sciences) ; l'exemple, en tant que mediation et relation a Texteriorite, peut servir de verification, notamment en « prouvant » Pexistence d'un objet. Cette procedure semble justifier l'image du texte philosophique comme pouvant prendre modele sur le discours scientifique, en utilisant des procedures au premier abord analogues a celles des sciences (prouver, deduire, verifier, extrapoler...). La philosophic de Poincare est faite de transformations des procedures scientifiques en modes rhetori- ques du texte philosophique. Ces reflexions pourraient nous engager k une « critique » de ce qu'on appelle « philosophic des sciences », tres particulierement concernees par l'exemple : les elements scientifiques invoques a l'appui des theses le sont, en general, par l'exemple.

V experience. - La notion d'experience a ete liee, de fagon essentielle, a la fois a celle de sujet en tant que pouvant se reconnaitre lui-meme et au probleme des modalites de la constitution de l'objet : la transfor- mation de la « chose » en « objet » permet Pintegration du « sensible » de fa?on cumulative et controlable pour la connaissance. L'ensemble de cette probiematique a ete deplacee, en particulier, par la psychanalyse, et d'autre part, en ce qui concerne la notion d' « objet », par les phy- siques quantiques et relativistes. - L'inductivisme de Poincar6 permet toujours, par l'experience, un « ancrage » possible dans la positivite

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- meme si, chez lui, les theories physiques, comme « hypotheses indif- fgrentes », sont comprises comme metaphoriques par rapport k une rfialite inconnaissable - ; or la philosophic de Poincar6 est de part en part « exemplaire » - est-ce encore possible dans une « philosophic » de la physique contemporaine ? Seules, peut-Stre, les disciplines ou Identification du terme en tant que terme - comme la logique, peut- etre ? - 6chappent k ce « d^placement » qui affecte aussi bien les domaines du savoir que de Tart.

Ainsi, Petude de rexemple en philosophic nous amene k caracteriser le texte dans lequel il fonctionne : - Texemple, fonctionne dans une « profondeur » d&erminSe par les concepts de signifi6/signifiant/r6f6rent. En ce sens, il fonctionne k la fois comme « document » et comme « monument » (distinction de Q. Canguilhem). Document : ce dont on analyse le « contenu » pour com- prendre k la fois ses articulations internes et ses liens k d'autres docu- ments. Le monument, lui, est significatif du simple fait de son existence. Aussi Texemple peut-il etre « lu » comme signifi6 (repr6sentant d'un « contenu »), et comme signifiant (reprSsentant d'un « existant »). Mais ces lectures ne sont pas suffisantes. La premiere donne lieu aux ana- lyses du contenu des systemes philosophiques k Pexclusion du texte ; la seconde k des analyses formelles, d'inspiration « structuraliste », ou Texemple doit etre postute comme imm6diatement reconnaissable. A mon avis, c'est \k un postulat contestable, car rexemple, en tant que trait rhStorique-stylistique pose un probleme mSthodologique de determina- tion : la distinction de ce qu'est « exemple » n'est pas 6vidente : die passe par l'examen de Pensemble du fonctionnement d'un texte (la lon- gueur 6tant, je le r6p6te, un trait rh^torique pertinent). Ce qui veut dire que Tune des caractSristiques de Pexemple est de pouvoir se repercuter k divers « niveaux » du iextef plus ou moins « g6n6raux », comme « effet » de resonance. Aussi, en rester a un niveau purement formel, c'est laisser dans Pombre les fonctions de mediation et de rapport k Pexteriorite, au « donn6 » de Pexemple, parce qu'elles traitent le texte en relation k d'autres « mat6rialit6s ». C'est que le « formaliste », au fond, se contente de Pimage « traditionnelle » du texte - celle juste- ment permettant le fonctionnement « classique » de Pexemple en philo- sophie : c'est-i-dire une image ou le fond et la forme restent deux entites radicalement distinctes ; c'est sous cette condition seulement que le texte peut fonctionner comme transparent k ce qu'il designe (le « miroir »). C'est cela le texte-reprSsentation, dont j'aimerais souligner quelques traits : - le texte est « general » : il peut etre « reflet » de toute r6alit6, mais de fagon « abstraite » ; le texte se joue ainsi sur des « niveaux de g6n6ralit6s » (voir Ezra Pound, ABC de la lecture) ; - le texte doit etre continu - que serait un exemple dans un fragment ? hors de sa syst&naticite ? Ce n'est certainement pas par hasard que le philosophe des pouvoirs - Nietzsche - a ecrit sous forme d'aphorismes : c'est remettre en question bien des valeurs du texte « classique » de philosophic

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Tous les traits rassembtes ici de ce que j'ai appele « fonctions de l'exemple » pourraient §tre r^unis dans une thematique de la « bor- dure », comme remise en cause des rapports « classiques » entre inte- riorit6 et exteriority. La bordure, c'est le probleme de Pambigui'te entre Pexemple comme mediation k V « interieur » du texte et l'exemple comme reprgsentant du referent. Cette ambiguiite, c'est celle meme qui touche les rapports entre les mots et les choses (Foucault). Les textes « clas- siques » tranchent le probleme de fagon claire : sous le « mot » la « chose ». Mais si le texte contribue k organiser le referent, peut-on toujours faire cette mSme lecture? - Lecture ou la distance du mot k la chose est celle du « comme si » - jamais tout a fait saisissable - ; ce « comme si » est le « bord » du texte-representation : pas seulement metaphore, mais anacoluthe qui a pour fonction de conserver Pidentite et les procedures analogiques de reconnaissance.

Ce qu'il y a de curieux, c'est que le texte-reprfsentation peut donner lieu a Interpretation du langage comme « metaphorologie generalis6e > ; la distinction du fond et de la forme pour le reperage isol£ de la chose permet un jeu m£taphorique presque illimite au niveau formel - le point d1 « ancrage » pouvant 6tre alors justement Texemple, qui se rapproche alors de Pacte de nomination, de Pindex. L'exemple, ici, tranche les rapports entre le Denken et la Dichtung, en ce sens qu'il r6gle le jeu du langage, et situe la metaphore : en ce sens, Pexemple est un point de resistance du texte « classique » de philosophic

De la metaphore, il a ete tres abondamment question ces dix der- nteres ann6es, dans des contextes tr£s divers. Alors qu'on ne parle presque pas de Pexemple. Pourtant, je crois pouvoir dire qu'on assiste actuellement a un « tournant » ou Pexemple fait problfeme, alors qu'il « allait de soi » auparavant, m6me si Pon critiquait son usage. Dans un mouvement assez analogue k ce que Pon a vu en peinture au cours de ce stecle, ce sont les notions de r£f6rent et d'objet qui sont en cause. Les symptomes en sont plus sensiblement marques dans la philosophie fran?aise actuelle qui a trouv£ en certains points de son champ des formulations r£ellement nouvelles - et cela, chez des philosophes qui se prtoccupent de texte et de style. Les reflexions sur l'exemple y sont peu systematiques, des remarques, des notes, comme autant de sympto- mes. Je citerai ici Derrida, Laruelle, Deleuze - tous « systemes » de la difference - et de Ph6t6rogene - et qui, sous des noms differents, font la critique de la representation, de Pimage, comme instance de pouvoir. Dans de telles tentatives, le dualisme se morcelle, se refend - sans §tre jamais tout k fait absent : c'est, dans une certaine mesure, une realite incontournable - probablement. L'espace n'y est plus uni- taire : Poperation prime sur un reflet du monde ; le texte est une texture, un agencement, une machine, done un agent d'operations et d'inter- actions. Chacune de ces tentatives pr6sente des conceptions particu- lteres de la singularite - done d'autres usages ou critiques de Pexemple.

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Ce qui suit n'est en aucune fa?on une analyse des philosophies susmentionnees : mais de simples indications concernant le probteme de Pexemple. J'userai id de la citation, a titre de symptomes.

C'est en fonction du supplement ou du morceau que Jacques Derrida cite l'exemple - « Glas », dont le style et Pobjet est le morceau ou le mors (ce qui reste d'une morsure), ou la greffe, pourrait etre lu aussi comme un « livre » sur Pexemple : « livre » k propos de Hegel et Jean Genet, sur deux colonnes : « Deux passages tres determines, partiels, particuliers, deux exemples. Mais de Pessence Pexemple se joue peut- etre. »(8) Mais ces analyses echappent k Pexemple, k l'exemplaire au sens « classique », car elles ne sont plus subsumables sous une verite : « Ce texte-ci (ou glas) ne se resume pas plus k une lecture de Genet - qui n'en forme ni Pexemple ni Pessence, ni le cas, ni la verite - qu'il ne se laisse rassembler ou ftecher, avec d'autres, par mon paraphe. Et tout ce qui lui en tiendrait de forme singuli&re de la signature, de Pun ou de Pautre, garde une valeur tout k fait anormale. II ne rtfere d'aucune regie, n'en procure aucune. L'operation doit etre chaque fois singuliere, et courir uniquement sa chance. » (191-192). Singularity aventureuse (terme utilise ailleurs par Derrida), qui s'aventure, s'experimente mor- ceau par morceau - le supplement etant la marque de Pinadequation. Tout se passe alors dans un jeu ou le supplement n'est jamais r6sorbe et qui n'a plus rien a voir avec un processus d'exhaustion : « Or vous ne pourriez le savoir qu'aprfes avoir 6puis6 tout le reste, tous les objets, tous les noms que le texte met k sa place (galere, galerie, bourreau, fleurs de toute espece n'en sont que des exemples). Tant que vous n'aurez pas epeie k fond chacun de ces mots et chacune de ces choses, il restera quelque chose de la mere

je suis la mere. Le texte... » (133-134). Aussi Derrida, dans Glas, ne procede-t-il plus par texte continu,

mais par morceaux, sur colonnes, avec enclaves, signes typographiques de grandeur variable - glissements ; concepts et exemples-cas sont redistribues, travailies, renverses - mais toujours k partir d'analyses de textes classiques - c'est cela la deconstruction affirmative (ou Pindifference active). Chaque terme devient mobile - sa cristallisation n'etant toujours qu'un equilibre instable : « ... un texte comme celui-ci n'est qu'une lectrice mecanique un peu plus evoluee, un peu plus subtile. Chaque mot cite donne une fiche ou une grille que vous pouvez pro- mener dans le texte. Elle est accompagnee d'un schema que vous devez pouvoir verifier a chaque occurrent... » (233). Lectrice mecanique : c'est Pidee a la fois d'un agencement et d'un travail ou le texte philosophique s'aventure de singularites en singularites - peut-etre aussi celle de rengaine que nous retrouverons plus loin.

' Chez Laruelle, le fonctionnement « classique » de P « exemple », « si quelque chose de tel existe » {Nietzsche contre Heidegger, 1977, p. 98, note 3) se heurte a ce qui est designe « generalite minoritaire » (Le declin de l'ecriture, 1977). Le texte est une generalite minoritaire, ce qui met en ceuvre diverses theses :

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- En tant que g6n6ralit6 minoritaire, le texte s'affecte de son objet. - La syntaxe dite « machinique » se constitue sur le « module » : « Petre est k la fois la difference et l'etre de la difference. > C'est une fagon assez radicale de briser la representation. Aussi un texte philo- sophique ne s'analyse-t-il plus en termes de signifiant/signifi6/r6f6- rent - mais en intensity, en rapports de pouvoirs (en ce sens, Laruelle est nietzsch£en). - Comme s'affectant d'un objet, le texte est une materiality - et cela avant meme d'etre machinique. Et une materialite parmi d'autres. L'une des theses de Laruelle, c'est qu'il faille subordonner le texte au d&ir : « L'avenir du principe machinique, 6crit-il, peut se determiner eventuel- lement dans le materialisme ou dans le materialisme dialectique-struc- tural, mais non comme irreductiblement textualite. > - Analyse de texte en intensity : la force, la puissance d'un texte n'est plus un effet - mais son etre meme - ce que Laruelle exprime par le terme d' « aphorisme » emprunte k Nietzsche. L'ecriture est ainsi k la fois souverainete et declin (puisqu'elle s'affecte de son objet). - Le texte etant intensites, rapports de pouvoir, les coupures, les rythmes, les vitesses de lectures deviennent importants. - C'est que le style deborde le texte en le renvoyant k la materiality.

Chez Gilles Deleuze, le texte aussi est machine, agencement - sur des materialites - : « Le style donne k recriture une force exterieure qui deborde recrit. » La metaphore importante est la ligne - permettant d'echapper aux hierarchies specifiantes - la ligne et la rencontre. « C'est tout cela le rhizome. Penser dans les choses, parmi les choses, c'est justement faire rhizome et pas racine, faire la ligne et pas le point. Faire population dans un desert, et pas especes et genres dans une foret. Peupler sans jamais specifier. > (Dialogues - avec Claire Par- net - 1977). Sans jamais specifier - que devient alors l'exemple, priv6 de son concept ? il devient un element rythmique - marque dynamique des lignes et des rencontres : « Regie de ces entretiens : plus un para- graphe est long, plus il convient de le lire trts vite. Et les repetitions devraient fonctionner comme des acceierateurs. Certains exemples vont revenir constamment : Guepe et Orchidee, ou bien Cheval et Etrier... II y en aurait beaucoup d'autres k proposer. Mais le retour au meme exemple devrait produire une precipitation, m&ne au prix d'une lassi- tude du lecteur. Une ritournelle? Toute la musique, toute recriture passe par la. C'est l'entretien lui-mgme qui sera une ritournelle. » (Dia- logues, 1977, p. 68).

Deleuze affirme dans les Dialogues : « II ne s'agit jamais de meta- phore, il n'y a pas de metaphore, mais seulement des conjugaisons » (p. 140). Cette affirmation est importante dans la mesure ou elle situe le texte en un autre lieu que la theorie classique de recart. Mais rien ne nous dit pourtant que les textes « non-rep resentatifs » se prStent k une « metaphorologie generalisee » : en tout cas, les « points de resis- tance » k la metaphore sont k chercher ailleurs que dans l'exemple.

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C'est \k, je crois, Tune des fonctions de notions telles celles d' « entame » (« Aufriss » chez Heidegger), de « trait » chez Derrida, - « trait » qui n' « appartient » ni au Denken ni k la Dichtung. C'est dire que le « po6- tique » et le philosophique « insistent » Tun et Pautre de fagon de plus en plus essentielle dans la philosophic fran?aise - peut-etre cela don- nera-t-il lieu a un nouveau travail sur la notion de « production de sens » en philosophic ?

Done une situation assez nouvelle - et difficile, parce que le mode d'6criture « r£f6rentielle » au sens classique devient intenable. C'est probablement pourquoi une grande partie de la culture frangaise est constitute par des analyses historiques ou des « lectures » : remplacer la « positivitfi » du concept par celle de Pceuvre Scrite. Ou alors des actions locales : les hopitaux psychiatriques, les prisons, comme le fait Foucault. Non plus des systdmes 61abor6s, mais du philosophique k propos de. L'ceuvre de F. Laruelle est celle qui presente peut-etre les aspects les plus « syst&natiques », les plus « th£oriques » - mais tou- jours dans leur propre « dtelin » ; il icrit : « ... je ne vais philosophi- quement nulle part... » (Le Declin..., p. 264). Je qualifierais de « mante- ristes » (k la suite de J. Fortea) les tendances actuelles (dont, par neces- sity je fais partie), en ce sens que la « pratique », les « procedures » priment sur Pimage du monde. D'oti, non seulement un fonctionnement constamment en perte d'6quilibre des probl&natiques - puisque le style s'y affecte de son objet - mais Pinsistance de certains themes, tels ceux d'aventure et de concertation. Et Pid6e d' « engagement », en ce sens particulier que la pens6e, n'6tant plus consid6r6e comme represen- tative, est une « pensee » d6cisoire - si Pon peut encore utiliser le terme de « pensee ». Des perches en avant, locales, - et un discours aussi, mais un discours fait pour se perdre. « Le discours philosophi- que », 6crit Maurice Blanchot, « toujours se perd k un certain moment : il n'est peut-6tre qu'une manifire inexorable de perdre et de se perdre. » (« Le discours philosophique », 1971, in VArc sur Merleau-Ponty, p. 4.)

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