andré pezzani - la pluralité des existences de l'Âme
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8/4/2019 Andr Pezzani - La Pluralit des existences de l'me
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LA PLURALIT
DES EXISTENCES
CONFORMEALA'DOCTtUNEDELAPLURALITDESMONDESOPtXtONSDESP)nt.OSOP;fESAXCiESSETMODERNESSACRESETPROFANES,DEPUISLESORIGtXESDELAPHILOSOPHIJUSQU'ANOSJOURSANDRPEZZANIAVOCATALACOUftt'HPRtALHDEHOS
~fef
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PREFACE
JeanReynaud
dans sonremarquable ouvrage.
Te/re
et ciel a fait comprendre, la liaison intime et la soli-
darit qui existent entre la pluralit des mondes, vrit
matrielle qui devait tre dmontre par l'astronomie,
et la pluralit des existences, vrit morale qui peutseule nous expliquer les problmes de l'origine et de la
destine. Nous ferons voir qu'en effet ces deux vrits
se tiennent et qu'elles ont toujours march ensemble,soit dans les Mystres, thologie secrte de l'antiquit
profane, soit dans la tradition orale mise en crit pour
partie dans le Zohar, thologie secrte de l'antiquitsacre.
C'est en entrant dans ce point de vue, qu'un astro-
nome, partisan de la doctrine philosophique prconise
par Jean Reynaud, et qui ses tudes spciales et sesconnaissances scientifiques donnent une autorit m-
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I! PRFACE.
rite, M. Camille Flammarion, vient de publier le
livre important de la Pluralit des mondes habits
que nous analyserons au chapitre IX"de notre troisime
livre,intitul Jean
Reynaud,FeK~
~a?'K,Flam-
marion.
C'estaussi afin de complter ceremarquable crit, ou,
pour mieux dire, afin d'y faire suite que nous avons com-
pos ce volume Pluralit des existences. Expliquons
notre tour quelle raison nous avons eue de traiter ce
sujet capital.
Depuis que nous crivons (1838), nous avons tou-jours soutenu, sans tergiversation et sans dfaillance,.
comme formes de l'immortalit, les vies successives, la;
prexistence, la pluralit des preuves, ce que quelques
conteinporains ont appel la loi des rincarnations.
Nous avons dans tous nos ouvrages parl le plus sou-
vent au point de vue historique, c'est--dire que notre
constante proccupation a t de retrouver, soit dans
l'antiquit, soit dans les temps modernes, la filiation
de notre systme sur la vie future mais nous n'avons
pu accomplir que trs-imparfaitement cette tche dans
des opuscules ou des livres qui ne prsentent pas assez
de dveloppements et o se trouvent seulement des.
aperus fragmentaires.De l la ncessit du
prsenttrait. Nous y suivons dans chaque pays et dans chaquecivilisation la marche successive de cette grande ide,
la pluralit des existences de l'me. Quels documents
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PRFACE. III
nous fournissent cet gard l'Orient, la Grce, Alexan-
drie, la Gaule, tous les peuples, en un mot, compris
,sous la dnomination de Gentils? Quenous enseignentla thologie juive vulgaire et la thologie secrte de la
mme nation ? Que disnt la thologie chrtienne et les
pres de l'glise ?Arrivons aux temps modernes Giordano Bruno,
Van-Hlmont, Delormel, Charles Bonnet, Dupont de
Nemours, Lessing, Fichte, Ballanche, Constant Savy,
Kratry, Jean Reynaud, une multitude d'autres pen-seurs plus ou moins clbres se runissent dans cette
commune affirmation de la pluralit des preuves et
dans la ngation du dogme controuv de la damnation
ternelle.
Pierre Leroux etCharlesFourier, malgr leurs erreurs,
ont aussi prconis l'ide palingnsique. La doctrine
nouvelle du spiritisme, dont un des principes fonda-
mentaux est la pluralit des .existences qu'elle dsignesous le nom de Loi de la y'Mca~a~oM, appuie sa
croyance, on le sait, sur la rvlation des Esprits. Nous
n'avons point discuter ici cette origine; une opinionest toujours respectable quand elle est sincre. Notre
but est de dmontrer que, sans sortir de l'humanit, on
arrive au mme rsultat; ou, pour mieux dire, que
l'humanit a, depuis longtemps, prsent cette grandeloi de la nature, par l'organe des plus illustres penseursde tous les sicles et de tous les pays. Leurs crits four-
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PRFACE.IV
nissent des arguments dcisifs l'appui de notre thse,
en lesjugeant au point de vue exclusivement rationnel
et philosophique.
Nous nous attacherons tablir les propositions sui-vantes
i" Les anciens n'ont jamais cru l'ternit de leur
enfer, mais toujours ils ont soutenu la renaissance sur
la terre ou dans d'autres mondes, aprs un temps plusou moins long
.2" La croyance aux vies futures a subi dans sa marche
progressive des transformations s'approchant de plusen plus de la vrit. D'abord conue au sens grossier et
vulgaire d'une dgradation possible de l'me jusqu'aux
plantes et aux animaux, elle s'est peu 'peu releve, en
traversant les sicles, une renaissance exclusivement
humaine, donnant tout exercice l'intelligence et la
moralit, pour aboutir de nosjours avec Ballanche, Jean
Reynaud et les contemporains sa vritable formule.
L'importance philosophique de ces tudes ne saurait
donc tre nie, pas plus que leur -propos.Le premier'livre traitera de l'antiquit profane; le
deuxime de l'antiquit sacre; le troisime livre com-
prendra les modernes et les contemporains; le quatrimelivre enfin sera un rsume de nos
opinionsavec des
raisons dcisives qui, notre avis,'tranchent dfiniti-
vement la question.Le tout est prcd d'une courte introduction conte-
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PRFACE. V
nant le sommaire des preuves de l'immortalit de' la
personne humaine.
Une fois cette immortalit reconnue, quelles sont les
diverseshypothses
entrelesquelles
on a le choix et
quelle a t la solution donne par tous les ges?Deux courants opposs se manifestent l'un signifie
immobilit dans le chtiment et dans la rcompense;l'autre se rsume par deux mots rhabilitation et pro-
gression.Nous ferons voir l'impossibilit du premier, et la
haute certitude du second, la fois historiquement etdogmatiquement.
En un mot, substituer aux notions vagues du purga-toire et aux croyances primitivement sauvages de l'enfer
ternel, le dogmedes vies successives, stationnaires,
expiatrices, ou ascensionnelles, selon les cas,aussi vrai
moralement que l'est matriellement le dogme de la
pluralit des mondes habits dans l'univers de Dieu telest notre but, telle est notre profession de foi que nous
faisons ds l'abord et qui se confirmera par toutes les
pages de notre livre.
A. PEZZANI.
Lyon, octobre t864.
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INTRODUCTION
Expos de la question. Spinosa. Hgel. Channing. Strauss.
Miche!et,de Berlin. Rfutation. -Jules Simon.Preuves.Damiron. Preuve ontologique. Pelletan. Autres preuves.
Porphyre.
Beaucoup de philosophes reconnaissent l'immortalit
du principe pensant, mais ils nient que l'identit se con-
serve que la conscience, la mmoire du pass relie le
nouvel tre l'ancien tels sont, par exemple, Spinosa et
Pierre Leroux. D'autres philosophes distinguent entre la
perptuit de l'me qui leur semble pouvoir tre ontolo-
giquement dmontre, et la perptuit de la pense avec
conscience, qui leur semble seulement une probabilitsublime. Il est sans aucun intrt pour notre esprit de
savoir s'il est en nous un principe qui rsiste la mort.
Si ce n'est plus le mme tre, si aucun souvenir ne le
rattache aupass,
si notrepersonne,
en unmot,
ne survit
point au trpas, encore une fois que nous importe? C'est
l'tre avec conscience, avec mmoire que nous dsirons
sauver, le reste nous est de peu. La question a donc tou-
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INTRODUCTION.vin
jours t mal pose, et par consquent mal rsolue. Se
demander si l'me est immortelle, en vrit c'est une
pure niaiserie. Et quand donc avez-vous vu quelque chose
prir? Rien ne meurt ici-bas, pas mme le corps qui se
dissout et va former de nouveaux composs tout estmutation perptuelle dans la nature; la destruction n'a
pas prise dans ce monde, c'est une rnovation, un change-ment de tous les jours. A prsen t quece que nous appelle-rons la mort du corps ne puisse pas s'appliquer l'me,c'est ce qui est mis hors de doute par une analyse psycho-logique qui nous rvle son unit et sa simplicit. Mais,
rptons-le, ce n'est pas l le problme, et il n'y a pas
mme de problme l o on l'a vujusqu' prsent; le pro-blme ne commence que lorsqu'on demande s'il y a con-tinuit d'tre, de pense, de personne l est la questionet pas ailleurs. Ceci pos, et on ne nous le contestera pas,nous pouvons dire quelles sont les philosophies qui ontni l'immortalit de la personne. Ce sont celles dont les
principes tendaient abolir la personnalit dans l'avenir.D'abord les matrialistes; puisque d'aprs eux l'homme
n'est form que d'un corps; une fois le corps dissous, ilretourne aux lments d'o il a t pris, il n'y a plus de
personne, l'homme disparat sans retour. Dans le pan-thisme naturaliste, le mme raisonnement est appli-cable. Dans le panthisme abstrait, il n'y a d'ternel, d'ab-
solu, que.l'ide qui se dveloppe et devient dans une mul-titude d'tres qui s'vanouissent pourfaire place d'autres.
Il est vident que l'immortalit de la personne ne peuttre admise dans ce systme que par inconsquence. Dansle panthisme mystique, o l'homme n'est rien, o Dieu
est tout, il est clair que le plus grand terme de bonheurest la destruction de la personnalit par l'absorption en
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INTRODUCTION. IX
Dieu. Qu'est-ce que la personne sans libert? La libert,et la libert mritante, est un attribut distinctif dela per-sonne, on ne saurait la lui ravir sans l'anantir son tour.Aux yeux de la logique, il n'y a pas de distinction faireentre les opinions dont nous venons de parler; les erreurs
sont de mme sorte, car elles tendent toutes nier la per-sonnalit humaine aprs le trpas.
Il serait trop long et trop fastidieux d'numrer tousles philosophes qui ont enseign l'immortalit de l'me;nous en parlerons en gnral en les divisant en troisclasses spciales: 1 Ceux qui ont admis la clture de
l'preuve aprs la vie de la terre; 2 ceux qui ont admisune mtempsycose terrestre; 3 ceux qui se sont pro-
noncs pour une srie de vies successives. Nous allonsprsentement, dans cette Introduction, nous occuper sp-cialement des philosophes qui ont regard la vie future
comme une chimre, et de ceux qui, tout en reconnais-
sant l'immortalit de l'me, ont ni ou tout au moins
laiss dans le doute la persistance de la personnalit.
Spinosa dit (Proposition XXHf" de la 3e partie) quel'me humaine ne peut entirement prir, qu'il reste
quelque chose d'elle, quelque chose d'ternel, et voici sadmonstration Il y a ncessairement en Dieu une con-
ception, une ide qui exprime l'essence de l'me; or, ce
qui est conu par Dieu avec une ternelle ncessit est
quelque chose; ce quelque chose, qui se rapporte l'es-
sence de l'me, est ternel. On croirait par ce passage
que Spinosa ne sauve la mort l'mequ'en tant qu'elle est
uneconception
divine. Mais dans sa proposition XXXIIP
de la mme partie, il enseigne formellement que l'me a
une partie mortelle et une partie ternelle, la condition
expresse que le corps auquel cette me appartient soit
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INTRODUCTION.x
propre .un grand nombre de fonctions, parce qu'alorsl'me possde un haut degr la conscience de soi, deDieu et des choses. C'est la premire fois peut-tre queSpinosa n'est pas logicien, et la raison en est facile com-
prendre. Forc, en quelque sorte, de se ranger l'opiniondu genre humain, il a pay sa dette aux croyances com-
munes, et il est sorti de son systme; ayant perdu tout
enchanement logique, il ne pouvait moins faire que de
tomber dans des contradictions. Toujours est-il qu'on
peut affirmer que Spinosa n'a pas entendu l'immortalit
de l'me au sens que nous lui donnons; lui qui n'admet
point d'individus, point de personnes, puisqu'il ne recon-
nat pas la libert, puisqu'il dit que toutes les actionssont fatales, lui qui a outr le principe du cartsianismesur la passivit absolue des substances en les transfor-mant en simples modes de la substance unique, lui quianantissait presque la personnalit dans cette vie, n'al-lait pas la confesser dans la vie future. De tels dmentis,surtout pour un logicien pareil, sont radicalement im-
possibles.
Hgel lui-mme n'a jamais exprim sa pense ouver-tement sur le problme que nous agitons. Il nous pa-rat, quant nous, que sa doctrine repousse la survi-vance personnelle. Dans l'cole hglienne surgit bientt,
aprs la mort du matre, une vive dispute ce sujet.Richter rvla le sens sotrique de la philosophie hg-lienne sur ce point avec une audace inattendue, et futchef de la gauche de l'cole. Il combattit avec d'amers
sarcasmes la foi il l'immortalit, et proclama avec en-thousiasme le nouvel vangile de la mort ternelle et dunant dont il s'tait constitu l'aptre. Le centre hglienn'a mis sur la question prsente aucune opinion prcise
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INTRODUCTION. XI
et certaine. Mais Goschel, un des plus renomms des dis-
ciples d'Hgel, et le reprsentant du ct droit, thiste et
orthodoxe, a tent vainement de prouver que le vritable
systme hglien n'tait pas oppos l'immortalit indi-
viduelle. Il a pniblement essay d'tablir que la notion
identique l'tre est doue en elle-mme d'une forcevitale, invincible, qui nous garantit la persistance ter-
nelle de l'individu. Veisse a mis l'ide que, parmi les
hommes, les uns seraient mortels, les autres immortels.
Selon lui, les hommes vulgaires, chancelants, ceux quiflottent indcis entre le bien et le mal, seront invitable-
ment la proie du nant. Il n'y aura d'esprance d'une im-
mortelle vie que pour ceux qui sont rgnrs et retremps
par la foi chrtienne, fussent-ils, aprs leur conversion
momentane, retourns l'impit. Fichte le jeune pro-fesse une opinion peu prs pareille, en soutenant quecelui qui n'a pas obtenu la rgnration vivra aprs la
mort encore quelque temps comme un songe, comme une
ombre, mais qu'il ne pourra pas se promettre l'ternit.
Sur quoi toute cette thorie est-elle fonde? C'est, nous
rpond Veisseavec un
grand srieux,c'est
que,dans l'an-
tiquit la plus recule, les fils des dieux s'unirent aux
filles des hommes. L'humanit; telle qu'elle se comporte
aujourd'hui,'tant le rsultat de cette alliance, il est ma-
nifeste que nous devons tre mortels par rapport aux
corps, capables d'immortalit par rapport l'esprit.On comprend de reste que nous ne voulons pas faire
de semblables ides l'honneur d'une discussion; ce qui
achve de nous montrer que Hgel n'a pas enseign l'im-mortalit, c'est le passage suivant d'une de ses lettres
un de ses amis le plus intime. Cet ami venant de perdreson fils, il lui crit pour le consoler de sa mort, et c'est
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INTRODUCTIQN.XII
dans de pareilles occasions que les penses les plus se-
crtes se manifestent. Voicice fragment Je ne vous ferai qu'une question, celle que j'ai faite
mafemme lorsque nous perdmes notre premier en-
fant, alors unique. Je lui demandai lequel des deux elle prfrerait., d'avoir eu un enfant comme le ntre, dans son plus bel ge, et de se rsigner maintenant
sa perte, ou bien de n'avoir jamais eu ce bonheur.
Votre cur, mon ami, prfrera le premier cas. C'est
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INTRODUCTION. XIII
s'lve contre cette dsolante affirmation? N'y a-t-il pas ennous une voix qui nous crie Non, la vrit n'est pasl? Nous aimons opposer Hgel une lettre de Chan-
ning, crite un ami dans les mmes circonstances,seulement c'est la perte de son
propreenfant dont
parlecet homme distingu Je souffre, lui dit-il, mais je n'ai jamais oubli que mon fils appartenait un pre meil- leur que moi, et qu'il tait destin un monde plus heureux. Je sais qu'il est entre les mains de Dieu dans la mort comme dans la vie; je ne puis croire que le ~M'o~es d'une me immortelle soit limit cette terre. Non, la mort ne rompt pas les liens qui unissent le
preet l'enfant.
Quand je songe ce
cher petit, sa beaut, la douceur, la tendresse qu'il veillait en nous, l'me que Dieu lui avait donne et qui com- menait s'ouvrir, je ne puis douter que Dieu ne l'ait
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XIV INTRODUCTION.
mieux vivre comme la brute sur cette terre. Il tche de
faire comprendre la valeur intrinsque d'une vie ration-
nelle puis il s'attaque aux tirades fades et sentimentales
de ceux qui ne parlent que du bonheur qu'on aura dans
l'autre monde en retrouvant ses enfants, sa femme, sesparents et ses amis.
Aprs avoir esquiss en quelques traits l'histoire de
l'ide de l'immortalit dans la philosophie moderne,Strauss passe l'histoire dtaille et surtout la critiquedes preuves qu'on prsente d'ordinaire en faveur de l'im-mortalit. Nous allons le suivre dans cet examen.
La preuve tire de la rmunration, celle laquelle
l'cole de Wolf a attach la plus grande importance, peut tre formule ainsi
Puisque souvent l'homme de bien n'est pas heureux dans ce monde, et que le mchant y reste souvent im- puni, il faut qu'il y ait un autre monde dans lequel ils
reoivent, l'un la rcompense, l'autre le chtiment qu'ils mritent.
En supposant que cet argument ait quelque valeur,
il peut prouver tout au plus qu'il y aura une prolon- gation plus ou moins grande de la vie humaine aprs la mort. Car une fois que les mes seraient convena-
blement rcompenses ou punies, rien n'empcherait qu'elles retombassent dans le nant. Mais si l'on y re-
garde de plus prs, cet argument est sans aucun fond
et d'une nullit complte. En effet, la vertu ne porte- t-elle pas en elle-mme sa rcompense, le vice sa puni- tion? Ne serait-il pas digne de l'homme de placer la
pit, la grandeur d'me, au-dessus de tout, mme s'il
tait convaincu que son me n'est pas immortelle? N'est-ce pas prcisment ce qui constitue la vertu que
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INTRODUCTION. XV
de nous porter agir, nous ne dirons pas sans gard
aucun bien, c'est impossible, mais sans gard au-
cune rcompense autre que celle que donne ncessai-
rement l'exercice mme de la vertu? Ce ne sont que les
ignorants
et les mchants qui croient que la vritable
libert consiste pouvoir s'abandonner ses passions, et qui regardent ta vierationnelle et morale comme un
esclavage pnible, l'obissance aux lois divines comme
un joug pesant dont une rtribution future doit com-
penser les douleurs. Aux yeux du sage, il n'est aucun
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INTRODUCTION.XVI
transcendant de cette expression; la critique de Strauss,
trs-logique dans sa doctrine, est donc sans valeur contre
la ntre, et la preuve morale subsiste pour nous dans toute
sa force.
Nous abandonnons Strauss la preuve mtaphysique,nous en dirons trs-brivement la raison. Cet argumentse formule ainsi
L'me est immatrielle et simple, donc elle ne peut se dcomposer en parties, donc elle est immortelle.
Il est vrai que nous ne croyons pas avec Strauss que la
fausset de la distinction ordinaire entre l'me et le corpssoit dmontre. Nous ne pensons pas non plus que les in-
dividualits humaines ne soient que des formes passa-
gres d'une seule et mme substance, l'absolu. Ce quinous empche d'accorder une grande valeur cette
preuve, c'est qu'elle tablit bien la persistance du prin-
cipe pensant en nous, mais non celle de la conscience et
de l'identit personnelle; de ce que l'me est indissoluble
on peut conclure parfaitement sa survivance au corps
mortel;mais
quinous
rpond qu'elleconserve le souvenir
de ses modifications terrestres, et que l'homme dans la
vie future soit le mme tre, et garde en un mot son in-
dividualit ? Or, c'est ce qui est ncessaire la sanction de
la loi morale. Celui-l, en effet, n'est pas puni ou rcom-
pens qui un point quelconque, mme retard par les
ncessits de l'preuve, dans la suite de ses transmigra-tions, ne sait pas pourquoi il est puni ou rcompens.
Toutefois, nous retenons quelque chose de cet argumentque nous rputons vrai, c'est qu'il prouve nos yeux la
possibilit de l'immortalit personnelle.Pour donner une ide de la pense vritable de Strauss
sur la question, nous allons citer un passage de sa Dog-
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INTRODUCTION. XVII
matique, remarquable du moins par la nettet et la fran-
chise, qualits assez rares chez un disciple de Hgel Il n'y a, dit-il, comme l'a prouv la spculation mo-
derne, qu'une seule et unique substance l'absolu. Les individus n'en sont que des formes prissables et chan-
gantes. Ils naissent, ils meurent, et toujours d'autres individus, viennent remplacer ceux qui ne sont plus. C'est ce mouvement qui fait la vie de l'absolu. Les forces, les talents de l'individu sont borns et finis; ces limites sont prcisment ce qui constitue l'individua-
que nous chercherions l'infini hors de nous; il faut le saisir en nous-mmes. Il faut changer la ligne droite d'un dveloppement sans limites et sans rsultats en une circonfrence parfaite en elle-mme. L'immortalit
. ne doit pas tre place dans l'avenir; c'est une qualit prsente de l'esprit, c'est la puissance qu'il a de s'lever
au-dessus de tout ce qui est fini, et d'atteindre l'ide.
Ils s'expriment
doncmal, quoiqu'ils
soient d'ailleurs
dans la bonne voie, ceux qui semblent faire consister
l'immortalit dans la gloire et dans les bonnes oeuvres
qui nous survivent, dans la reproduction de nous-
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INTRODUCTION.XV!
mmes par la famille, dans le mouvement ternel de l'absolu d'o jaillissent toujoursdes individualits nou-
velles. L'ternit, qui consiste dans la gloire et dans la, continuation d'une influence salutaire, n'est qu'une
< ombre de cette jouissance de l'infini que procure un< homme minent, pendant sa vie, son activit dirige vers le bien suprme et la vrit ternelle. De mme la
dure de la race n'est qu'une ombre de la jouissance qu'avait donne l'homme durant sa vie l'amour de lafamille. Enfin, la mtamorphose continue de l'univers n'est identique l'immortalit qu'en tant qu'elle est
a reconnue, de sorte que l'immortalit se trouve toujours
< transporte de l'avenir dans le prsent, du dehors en nous-mmes. Devenir, au milieu de tout ce qui est
born, un avec l'infini, tre ternel dans chaque mo-
ment, voil la vritable immortalit. L'affirmation ab- solue du bien, voil la batitude ternelle. H
Ainsi, c'est bien entendu, une vague immortalit quine mrite pas ce nom, voil ce qui nous attend tous dans
l'avenir; c'est dans le prsent qu'elle doit se raliser.
M.MicheIet/deBerlin, met une opinion peu prsidentique sur la question qui nous occupe.
Il crit, en effet, ce qui suit dans sa critique de l'excel-lent ouvrage de M. Bartholmess sur les doctrines reli-
gieuses, Revue philosophique et religieuse (')' mars ')886). L'individu s'efforant travailler pour sa part la
ralisation de l'intelligence ternelle, est d'autant plus ternel lui-mme
qu'ils'identifie avec cette substance
absolue de l'univers, et qu'il vit dans le tout. Nous vivons dans les bonnes actions que nous avons faites et qui ont contribu faire avancer l'humanit, la rendre meilleure. Nous vivons dans les vrits que
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INTRODUCTION. XIX
nous avons hautement prodames sans !a crainte des
a hommes que nous avons conquises pour les races
futures qui ont mission de les traduire en actes. Les ides d'Aristote et les oeuvres de Raphal vivent encore< et ressuscitent continuellement dans celles des indivi- dus qui les imitent, et que leur exemple a forms. La vritable immortalit est la grande migration des mes, la vie ternelle de l'esprit absolu.
Pour rfuter cette dsesprante doctrine, partons de la
conscience humaine, en cela nous serons fidles notremthode. Rsumons les arguments par lesquels un au-
teur moderne a utilement combattu, notre avis, cette
partie de la dogmatique de Strauss Ce qui constitue lanature humaine, n'est-ce pas la tendance vers l'absolu,vers l'in'nni? Chacun ne trouve-t-il pas dans ses affec-
tions, dans ses dsirs, dans ses efforts les plus intimes,la dmonstration de cette vrit? Et quel en est le rsul-tat immdiat et incontestable par rapport l'ide de
l'immortalit? Comment un tre fini de sa nature peut-ilatteindre son but, l'infini? Cette identification est con-
traire notre nature d'tre finis. Nos dsirs ne peuventdonc tre remplis que dans un progrs sans terme, quinous rapproche sans cesse du but auquel nous aspirons.Un tre fini qui aspire l'infini ne peut avoir qu'une vie
ternelle.
Malgr les doutes que le fait mystrieux de la mort
engendre tous les jours, il y a quelque chose en nous
qui nous promet la continuation de cette vie dans l'avenir
le plus lointain, et nous la reprsente de plus en plus
1. Essaisur lesopinionsdeStraussdansla Revueeurope~tMe,parCharlesBuob,passim.
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INTRODUCTION.XX
belle et resplendissante. Nous croyons que notre activit
pour le beau, le vrai et le bien, est aussi perptuelle quenos dsirs sont vastes et profonds. Prcisment parce qu'ilnous est impossible de raliser jamais compltement l'in-
fini dans un moment donn, et que nanmoins nous enavons le dsir naturel, il ne nous reste plus, pour rpon-dre ce dsir autant que notre nature le comporte, qu'nous approcher ternellement de l'infini, et le raliserainsi dans l'ensemble d'une carrire sans bornes. M.Jules
Simon, dans son beau livre (~MDevoir, crit de magni-fiques pages que nous citons en les abrgeant, et qui r-
pondent d'une manire victorieuse aux sophismes du
philosophe allemand. Qui osera dire que l'absolu, que la perfection ne soit
pas, ou que le monde lui-mme soit la perfection exacte, nous qui la connaissons, nous devons lui appar- tenir. Quand les vers s'empareront de notre corps, notre me s'lancera vers ce Dieu qu'elle a entrevu,
qu'elle a rv, dont elle a dmontr l'existence, par lequel elle a pens, par lequel elle a aim; vers ce Dieu
qui remplit notre vie de lui-mme, et qui ne nous a pas donn la pense et l'amour pour que nous rendions ces trsors la pourriture'et au nant. 0 Pascal t l'uni- vers ne peut m'crasera Qu'il broie mon corps, mais mon me lui chappe.
< Il faut sonder la bont de Dieu pour un moment; il faut s'y perdre. Se peut-il que Dieu soit, et que le mal- heur et
l'injusticesoient. Si
jedois finir avec mon
corps pourquoi Dieu m'a-t-il fait libre? Pourquoi s'est-il r- vl moi dans ma raison? Pourquoi m'a-t-il donn un cur que nul amour humain ne peut assouvir ? Cette puissance, cette pense, ce cur, m'ont-ils t
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INTRODUCTION. XXI
donns pour mon dsespoir? Hlas) qu'est-ce donc que cette vie? une suite de dceptions amres, des amours purs qu'on trahit, des enthousiasmes dont nous rions le lendemain, des luttes qui nous puisent, des dsespoirs qui nous tordent le cur, des sparations
qui nous frappent dans nos sentiments les plus chers et les plus sacrs. Voil la vie, si nous devons prir, et voil la Providence 1
Prir t eh quoi 1 n'avez-vousjamais vu ia justice avoir le dessous dans ce monde? Le crime n'a-t-il jamaistriomph? N'y a-t-il pas des criminels qui sont morts au milieu de leurs succs, dans l'enivrement de leurs
volupts impies ? Socrate n'a-t-il pas bu la cigu ? L'histoire elle-mme est-elle imparfaite? La postrit,
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INTRODUCTION.XXII
masque. Est-ce donc notre me qui souffre et qui meurt?
Non, non, c'est l'homme extrieur, Je personnage. Notre vie nous est avec Dieu. Il n'y a de pense relle, sub-
stantielle, que dans l'ternel. Il n'y a d'action vrita- Me que l'accomplissement du devoir. Le devoir seul
est vrai; le mal n'est rien. Homme, de quoi te plains- tu? De la lutte? c'est la condition de la victoire. D'une injustice? Qu'est cela pour un immortel. De la mort? c'est la dlivrance.
Nous avons' dj cit l'opinion des philosophes quipensent qu'on peut bien dmontrer la survivance de
l'me, mais qui relguent celle de la personne au rang
des probabilits. Nous avons fait voir que le problmeainsi pos tait un non-sens ou une vrit digne tout au
plus de M.de La Palisse; que l'me soit immortelle, c'estce que nul ne nie d'entre les philosophes qui admettentl'existence de l'me. L'essentiel, l'important savoir,c'est si l'tre persiste dans la vie future, si l'individualit-est conserve. La sanction de la loi morale est ce prixet l'exige imprieusement. On a coutume de diviser en
trois catgories les preuves de notre immortalit1 La preuve mtaphysique tire de l'unit, de la sim-
plicit de l'me. Nous avons dit plus haut pourquoi nouss
rejetons cette preuve; c'est qu'elle ne s'applique pas laseule difficult du problme qui est le salut de la per-sonne nous n'en tenons donc absolument aucun compte,et nous n'en parlerons plus. Nous ne retenons de cette
preuve, qui nous parat vraie, que la possibilit de la
survivance personnelle2 La preuve psychologique tire des facults de l'me
qui semblent, pour la plupart, ne pas avoir de destina-tion ici-bas;
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INTRODUCTION. xxm
3" La preuve morale tire de la ncessit d'une sanc-tion de la bont et de lajustice divines.
Nous accordons une grande valeur ces dernires
preuves.Comment se ferait-il, en effet, que tandis que toutes
les cratures ont reu ici-bas des instincts conformes leur destination, et ne dpassant jamais la limite de la
position assigne chacun dans l'harmonie du monde,l'homme seul, dans l'univers, aurait des dsirs et desinstincts qui ne seraient en aucun temps satisfaits? Pour-
quoi cette anomalie l'gard de Fetre le plus noble ici-
bas, et qui l'empire de la terre a t dparti? Le butde la cration est le progrs de chacun, la libert doit
tendre de plus en plus vers les perfections du type divin.Ce qu'il y a de plus clair et de mieux en ce genre pourle dveloppement de la preuve morale, ce sont les pagescrites par M. Damiron, dans son Histoire de la philoso-~/M'edu
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INTRODUCTION.XXIV
impitoyable jalousie d'un Dieu qui commanderait et em-
pcherait l'obissance; qui imposerait une loi et en ar-
rterait l'accomplissement. Et quelle serait donc l'ide
du Crateur pour s'opposer ce que sa crature se ft la
meilleure qu'elle pourrait, et travaillt sans fin sa plusgrande puret? Ou niez.Dieu, et avec Dieu l'ordre, laraison et la justice, ou admettez que l'me humaine n'a
pas pour destine de cesser d'exister au moment mmeo elle a le plus fait, o elle se dispose le plus faire
pour relever sa nature.
Que si l'homme, au contraire, mconnaissant sa loi,infidle au devoir qu'il a compris, mais oubli et viol
librement,a eu une vie mauvaise et
coupable jusqu'la
fin, est mort sans repentir, peut-tre mme dans un re-
doublement de vice et de corruption, vieux pcheur en-
durci, tout est-il achev pour lui, ds qu'il a le pied dans
la tombe? et ne lui faudrait-il qu'avoir touch au terme
de ses crimes et de sa carrire pour chapper toute
justice, toute lgitime expiation? Ouseraient l l'ordre
moral, l'harmonie naturelle que nous concevons entre le
dmrite et la peine, entre le mrite et la rcompense?On s'explique comment sur la terre cette harmonie man-
que quelquefois; la sagesse des hommes est faible, elle
est sujette faiblir; elle n'a pas toujours la volont ou
le pouvoir de cette quit consciencieuse et clairvoyante,qui est l'attribut d'un tre parfait. Mais la Providence c-
leste, mais le principe de tout ordre, F idal de tout bien,
supposer qu'il pche au point de laisser impuni le mal,
c'est lui tout accorder pour lui tout refuser; c'est en faireun Dieu qui ne vaut pas plus que nous; car, il importede le remarquer, punir, bien punir, c'est--dire faire souf-
frir, non par colre et ressentiment, mais par raison et
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INTRODUCTION. XXV
par amour, dans le but de ramener au bien et non de
tourmenter, est un acte de haute pit, une vertu vrai-
ment divine. Au contraire, l'impunit tout jamais, le
dlaissement du coupable dans sa funeste impnitence,l'absence de tout soin pour le tirer du mal, seraient une
marque d'abandon et de monstrueuse indiffrence ceserait le perdre dans le nant, au lieu de lui ouvrir parl'expiation un avenir de bien et de bonheur.
La vie humaine est une preuve. Quand cette preuven'a pas t satisfaisante, quelle consquence doit-elle
avoir ?Voil une crature qui avait son oeuvre faire; par sa
faute elle ne l'a pas ou l'a mal faite; lequel vaut le
mieux, dans l'ordre des choses, pour la beaut de cettevie et la perfection de la puissance qui prside l'uni-
vers, que cette crature dgrade s'teig'ne sans rmis-
sion, et s'vanouisse au sein de l'tre toute souille deses pchs, ou que, gardant le sentiment, et persistantdans sa personne, elle ait, aprs cette vie, une vie nou-velle destine la rparation et l'expiation? Lequelvaut le mieux raisonnablement, de ne la soumettre qu'une preuve qui peut bien tre mal prise, comme dansle cas que nous examinons, ou de lui en mnager plu-sieurs parmi lesquelles une, enfin accepte comme elle
doit l'tre, sauvera une me qui, sans cela, tait perduesans retour? Serait-ce donc au moment o, aprs des
jours pleins de fautes, elle aurait si grand besoin de re-
trouver du temps devant elle pour revenir ou en avoir
lachance, que
la chance luimanquerait
etque
l'ternit
ne.lui serait de rien? O serait pour Dieu la gloire, o
serait la sagesse frapper de nant, aprs quelques an-
nes, un tre qu'il n'a sans doute pas fait pour finir en
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INTRODUCTION.XXVI
mchant? Ceserait dsesprer de son ouvrage, et il nedoit pas dsesprer. Dsesprer est faiblesse, et Dieu estsouverainement fort. Il ne renonce jamais au mieux, caril a la toute-puissance. Or, ici le mieux est certainement
qu'il mette mme de se relever l'homme qui est morten tat de vice, et, par consquent, qu'il l'appelle des
rapports qui, succdant ceux qu'il a eus ici-bas, lui per-mettent de commencer un nouvel exercice de moralit.
Cesraisons sont plus que suffisantes pour faire ad-mettre l'immortalit en son sens vritable. Nous aurions
pu, notre tour, faire des phrases sur cette question,nous avons prfr nous servir du lumineux crit de
M. Damiron, et lui emprunter ces pages bien senties,simples la fois et vraies. Remarquez que l'argument le
plus fort en faveur de l'immortalit, est tir de la nces-sit de nouvelles preuves pour le redressement del'homme.
Je ne sais au juste quelle cause a produit cette foulede matrialistes danstoutes les classes de la socit; in-
terrogez-les secrtement, ils ne peuvent pas s'imaginerque la personne survive la dissolution du corps.
Voyez, nous disent-ils, les plantes et les animaux,o ils naissent d'un germe mystrieux; s'accroissent, puis dprissent, et' quand vient le terme marqu par la nature, ils disparaissent pour faire place d'autres. Lesgnrations nouvelles poussent au trpas les vieilles gnrations; pourquoi en serait-il diffremment de l'homme? La mort est la seule souveraine
d'ici-bas; les enfers, les lyses de toutes les religions sont des chimres auxquelles ne croient pas ceux qui les ont inventes.
Le mal est plus profond et plus incurable qu'on ne
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INTRODUCTION. XXVII
croit; nous avons trouv de ces mes sceptiques toutes
les hauteurs comme tous les bas-fonds de la socit.Pauvres mes! bien plaindre en effet; elles sont altres
de la vrit et ne rencontrent que le doute; nos beaux
raisonnements sont sans effet sur elles.
Pour nous, heureusement, nous n'avons pas l'ombred'un doute. Nous serons, parce que nous sommes. Quesommes-nous? des personnes; nous serons donc perp-tuellement des personnes. Nous nous sentons pourvusd'une certaine part de causalit, de substantialit; nous
garderons, en la dveloppant, cette causalit et cette sub-stantialit. Dieu tait souverainement libre de nous crer
ou de nepas
nouscrer;
une foisqu'il
adcid,
dans les
conseils de sa suprme sagesse, de nous appeler l'exis-
tence, il ne saurait nous anantir, car ce serait montrer de
l'inconstance, pour nous servir d'une belle expression de
Malebranche, et Dieu est immuable. S'il nous a donn la
vie, c'est qu'il l'a voulu, et sa volont est toute parfaite et
toute sainte. Irait-il se repentir de ses uvres et nous
retirer l'tre qu'il nous a accord? Le croire serait con-
cevoir Dieu notre image, serait faire un grossier an-thropomorphisme. L'homme est immortel parce qu'ilest; la matire mme ne prit pas; elle se dissout pourformer de nouveaux composs. La personne survit tout
entire parce qu'elle est simple et une. Cet argument,
que nous prfrons aux autres, nous le nommerons
preuve ontologique. Descartes a dit Je pense, donc jesuis; nous dirons Je suis, donc je suis immortel.
Divers auteurs ont rapport des preuves de l'immorta-lit de l'me qui, pour n'avoir pas la mme valeur phi-losophique que les prcdentes, ne sont pas tout .fait
ddaigner.
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INTRODUCTION.XXVIII
M. Eugne Peitetan, dans ses Heures de travail, rai-
sonne ainsi L'homme est un tre religieux; je dis plus, il est re-
ligieux par esssence. L'animal vit et meurt, mais il ne
sait pas qu'il vit ni qu'il doit mourir. L'homme sait, aucontraire, qu'il porte une existence et qu'il doit la dpo-ser la fin de sa journe. N'aurait-il que la notion de la
mort, que cette notion lui constituerait une grandeur
part dans la cration. Car pourquoi serait-il dans la con-
fidence de sa propre fin, si le tombeau tait le derniermot de sa destine? Dieu ne lui en aurait donn la con-
naissance que pour en faire une longue mort par antici-
pation. Le plus beau don de sa magnificence serait alorsun .bourreau intime, destin nous relire sans cesse
notre arrt jusqu'au jour de l'excution, pour nous enverser lentement, goutte goutte, toute l'horreur. Il
nous aurait accord davantage, et, par je ne sais quelleironie, il nous punirait davantage l'aide mme de son
bienfait. L'esprit, ce compte, reflet vivant de sa divi-
nit, serait uniquement un raSinementd& supplice. Cela
n'est pas, ou plutt cela n'est qu'un blasphme. Dieu amis la mort devant nous comme une vigie svre, pournous rappeler chaque jour notre destine. Si l'hommen'avait la prescience de la mort, il glisserait sur le tempset fuirait dispers chaque souffle du hasard sans tra-vailler un instant faire provision d'ternit. Mais lafosse est l, toujours bante sous son regard. L'hommela voit, et l'homme ne veut pas mourir, ne peut pas, en
vertu de sa nature, consentir mourir. Il songe alors
que sa vie est quelque chose de plus que la mort, quel-que chose au del. Il fait effort pour chapper la dis-
persion et rentrer dans la vrit de sa destine.
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INTRODUCTION. XX!X
6.
Donc, de ce que l'homme, seul de tous les tres ter-
restres, a l'ide de la mort, sait qu'il doit mourir, il estimmortel.
Un juste va mourir, il est le plus humble peut-tre desa valle, il a toujours vcu parmi les petits, il ne pos-
sde d'autres richesses qu'une journe de sa charrue. Levent n'a jamais port son nom plus loin que le son dela cloche de son village, mais il a modestement pratiqu l'cart la loi du devoir. Il a fait le bien en silence, sans
mme dire la main. gauche l'uvre de la main droite;mais rien de ce qu'il faisait n'tait perdu; la moindre deses penses, au contraire, tait recueillie par les, angesdu Seigneur. Maintenant, couch sur son lit d'agonie, il
attend l'explication dernire, et, ce moment suprme,Dieu inclin du fond de l'infini sur la face du mou-
rant, avec tous ses soleils et tous ses sicles rangs au-
tour de lui dans un formidable respect, reoit cet es-
,prit dsormais divin, et le pose devant lui comme un
monde nouveau, vtu de plus d'clat dans sa vertu quel'toile de l'espace et le lis de la valle. (Z~pM~Mde tra-
vail.) Etaussitt ce corps, tomb dans la mort, devient quel-
que chose de sacr, comme si le doigt de Dieu l'avaittouch. On dirait l'autel dsormais teint du sacrifice
dont la flamme est remonte au cleste parvis. Pourquoice respect pour le moulebris de l'homme, si l'homme nedevait tre au dnoment de la vie qu'un peu de fumier?Ce respect est involontaire, imprieux, de tous les temps,de toutes les nations. Il fait
partiede l'me
humaine,il
est n avec elle comme un lment constitutif de sonessence. S'il est une erreur, l'me est une erreur aussi.
U faut donc choisir ou le nant ou l'homme est un
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INTRODUCTION.XXX
mensonge. La question ainsi pose est rsolue l'immor-talit est prouvel.
Cette dernire argumentation, tire du respect quel'me humaine a pour les morts, a t dveloppe parM. Guizot, dans les ~e~a~'OM morales et par M. Ron-
zier-JolyNous acceptons toutes ces preuves. Quand une propo-
sition est vraie, tout s'accorde l'tablir, et il n'est pasun fait qui, bien interprt, ne puisse lui venir en aide
et la mettre en plus vive lumire..
Quelle est la fin de l'homme, si ce n'est la perfectibi-lit ? Eh bien la perfectibilit est fille du labeur. Le
progrsatteint est le
prixdu combat. Sans cesse
l'hommedsire et il dsire le bonheur. Se fixera-t-il dans sa mar-che progressive et continue un point de l'espace? Non,car au del il y a le mieux, et c'est le mieux vers lequelil porte ses regards. H y tend de toutes ses facults, detoutes les nergies de son me, de toutes les aspirationsde son cur, et il va vers Dieu le souverain bien, le bien
par excellence, et aussi la flicit suprme t
Une croyance en l'autre vie; une croyance pour toutesles infortunes, pour tous les coeurs aimants, pour toutes
les vertus, pour tous les dvouements ignors, pourtoutes les affections incomprises ou malheureuses, pourtous les espoirs dus; une croyance en l'autre vie, afin
que toutes les conditions de bonheur et d'amour puissentse raliser, afin que tout mrite ait sa rmunration,tout labeur son salaire; afin que les aspirations de ceux
qui aiment, pleurent, prient, ne restent pas sans satis-
i. Mmeauteur,.ProfeMi'ontfe/btNf/
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INTRODUCTION. XXXI
faction; afin que le sacrifice, quel qu'il soit, fait bonne
intention, trouve sa rcompense 1.
La providence de Dieu, l'immortalit de l'me s'im-
pliquent mutuellement, se confondent dans une mme
pense, sont l'irrfutable preuve l'une de l'autre. Elles
rendent compte du besoin incessant de bonheur qui nous
agite et nous anime; elles rpondent ces mouvements
intimes, profonds qui portent vers la patrie inconnue les
lans de nos dsirs; car tout nous dit que ce monde quenous traversons n'est qu'une halte d'un jour, et nos
coeurs, pleins d'esprance, volent au del des horizons
pour atteindre cette flicit durable que nous cherchons
vainement ici-bas.
La justice est un attribut de Dieu, et cette justice, dont
nous ne vovons sur la terre que de ples reflets, suffit
pour nous garantir la persistance aprs le trpas.Un raisonnement tir de la nature et de l'essence de
l'me, qui, par sa partie intellectuelle, est faite l'imagede Dieu et reproduit sa ressemblance, fait le fonds de
la dmonstration de Porphyre dans son Trait de /~MC,
dont les fragments nous ont t conservs par Eusbe.Citons un beau passage tir du livre XI, chapitre xxvm
de la Prparation e~aH$'e/~t
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INTRODUCTION.XXX!I
ce qui a le plus d'analogie avec Dieu, non-seulement raison de l'activit constante et infatigable qu'ellenous communique, mais encore cause de l'intelli-
gence dont elle est doue. C'est cette remarque qui a fait dire au physicien de Crotone (Pythagore) que
l'me tant immortelle, l'inertie est contraire sa na- ture comme elle l'est celle des corps divins (des
astres). Que l'on songe une bonne fois l'essence de notre me l'intelligence qui prside en nous, qui provoque souvent des rflexions et des 'dsirs d'une nature si releve, et l'on sera persuad de la ressem- blance qu'a notre me avec Dieu. Si l'on fait voir clairement que l'me est de toutes choses celle qui a
le plus de ressemblance avec Dieu, qu'est-il besoin d'avoir recours aux autres arguments pour dmontrer son immortalit? Ne sunit-il pas de mettre en avant
cette preuve, qui a une valeur toute particulire, pour convaincre les gens de bonne foi que l'me ne parti-
ciperait pas aux actes qui conviennent la divinit, si elle n'avait pas elle-mme une nature divine? Contem-
plez l'me, en effet elje est enfouie dans un corps
prissable, dissoluble, dpourvu par lui-mme d'intel-
ligence, qui n'est qu'un cadavre par lui-mme, qui sans cesse tend se corrompre, se diviser et prir; cependant elle le faonne, l'informe, et elle en tient les parties lies ensemble; elle fait preuve d'une essence
divine, quoiqu'elle soit gne et entrave par cette
carapace mortelle; que serait-ce donc si, par la pense, on
sparaitcet or de la terre
quile couvre? L'me ne
montrerait-elle pas alors clairement que son essence ne ressemble qu' celle de Dieu? Par ce fait que, mme
dans son existence terrestre, elle participe la nature
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INTRODUCTION. xxxm
de la divinit, qu'elle continue de l'imiter par ses
actes, qu'elle n'est pas dissoute par l'enveloppe mor-
telle dans laquelle'elle se trouve emprisonne, ne fait- elle pas voir qu'elle est . l'abri de la destruction?
L'me parat divine par la ressemblance qu'elle a
avec l'tre. qui est indivisible, et mortelle par ses points de contact avec la nature prissable. Selon qu'elle descend ou qu'elle remonte, elle a l'air d'tre mortelle ou immortelle. D'un cte, il y a l'homme qui n'a d'autre occupation que la bonne chre, comme lesbrutes. D'un autre cte, il y a l'homme qui, par son
talent, sauve le navire dans la tempte, ou rend la sant ses semblables, ou pntre la vrit, ou d-
' couvre la mthode qui convient chaque science, ou invente des signaux de feu, ou tire des horoscopes, ou, par des machines, imite les oeuvres du Crateur. L'homme n'a-t-il pas en effet imagin de reprsenter ici-bas le cours des sept plantes en imitant, par des mouvements mcaniques, les phnomnes clestes~?
Que n'a pas invent l'homme en manifestant l'intelli-
gencedivine
qu'ilrenferme en lui-mme?
Certes, celle-ci prouve bien par ses conceptions hardies qu'elle est vritablement olympienne, divine, et tout fait
trangre la condition mortelle; cependant, par suite
de son attachement pour les choses terrestres, attache- ment qui le rend incapable de reconnatre cette intel-
'
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INTRODUCTION.XXX!V
se consoler de leur abrutissement, c'est de se fonder sur les apparences extrieures et grossires pour attri-
buer aux autres la mme bassesse, et de se persuader ainsi que tous les hommes sont semblables l'int-
rieur comme l'extrieur. Les preuves tires soit des conceptions intellectuelles, soit de l'histoire, dmon-
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L'A PLURALIT
DES
EXISTENCESDE L'AME
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LA PLURALIT
DES EXISTENCES
DEI7AMELIVRE PREMIER
ANTIQUIT PROFANE
CHAPITRE 1
THOLOGIE PAENNE
L'immortalitselont'histoirc.Position du proNeme.La mtem-psycosechezles Hindous. Les Vdas. LesBhagavadGita.Leslivres Zends.Zoroastre. Les pr'pncns. LesGrecs.LesLatins.
Lord Bo)h]gbroke, qui poussa plus loin qu'aucun autre
comme on sait, au dix-huitime sicle, l'esprit d'incrdu-
lit, critique et philosophique, reconnat lui-mme que la
doctrine de l'immortalit de l'me et d'un tat futur de r-
compenses et de chtiments, parait se perdre dans les tn-
bres de l'antiquit elle prcde tout ce que nous savons decertain. Ds que nous commenons dbrouiller le chaos
de l'histoire ancienne, nous trouvons cette croyance tablie
del manire la plus solide dans l'esprit des premires na-t
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L'IMMORTALIT SELON L'HISTOIRE.2
tions que nous connaissions~. Elle se trouve galement chez
les barbares et chezles peuples les plus polics. Les Scythes,les Indiens, les Gaulois, les Germains et les Bretons, aussi
bien que les Grecs et les Romains, croyaient que les mes
taient immortelles, et que les hommes passaient de cette
vie une autre, quoique leurs ides sur la vie future man-
quassent peut-tre de prcision 2. Lorsque les voyageurs
europens ont dcouvert l'Amrique, peine ont-ils trouv
quelque nation qui n'et pas une ide d'un tat venir.
L'auteur de la Divine lgation de ~OM6, observe queles anciens potes grecs, qui parlent des moeurs de leur
nation et des autres peuples, reprsentent cette doctrine
comme une croyance populaire reue partout 3. Time, le
pythagoricien, loue beaucoup Homre d'avoir conserv
dans ses pomes l'ancienne tradition des chtiments de
l'autre vie 4. Si c'tait une ancienne tradition du tempsd'Homre, elle doit tre de la plus haute antiquit. Dans les
dialogues de Platon, Socrate s'attache prouver l'immor-
talit de l'me par la voie du raisonnement; mais il ne
prtendait pas tre l'inventeur de cette doctrine. Il en parle
non commed'une vrit
qu'ila dcouverte
parses
pro-fondes mditations, mais comme d'une tradition ancienne
et respectable. Il dit dans le Phdon J'espre qu'il y aura encore quelque chose aprs la mort; et que, comme
on le dit depuis longtemps, la vie future sera meilleure
pour les hommes vertueux que pour les mchants 6. ))
Platon tait du mme sentiment que son matre. Il dit
expressment que l'on doit croire aux opinions anciennes
1. Works,vol. V, p. 23' dit. in-4" 2. Grotius,De!)er;M
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L'IMMORTALIT SELON L'HISTOIRE. 3
et sacres qui enseignent que l'me est immortelle, et
qu'aprs cette vie elle sera juge et punie svrement si
elle n'a pas vcu comme il convient un tre raison-
nable 1. Cette expression, les opinions anciennes et sacres,ne peut dsigner que des traditions de la plus haute anti-
quit et d'une origine divine. Platon conclut du dogme del'immortalit, qu'il vaut mieux souffrir l'injustice que d'en
tre l'auteur. Aristote, cit par Plutarque, parle du bon-
heur des hommes aprs cette vie comme d'une opinion de
la plus ancienne date, dont personne ne peut assigner
l'origine ni l'auteur, et qui vient d'une tradition qui se
perd dans l'obscurit des ges les plus reculs Cicron
dit que l'immortalit de l'me a t soutenue par des sa-
vants de la plus grande autorit, ce qui est d'un grand
poids en quelque cause que ce soit; que c'est une opinioncommune tous les anciens, ceux qui, approchant de
plus prs des dieux, par l'anciennet de leur origine, en
taient d'autant plus en tat de connatre la vrit. Aucto-
ribus quidem ad istam sententiam uti optimis possumus,
quod in omnibus causis et debet 6~ ~0/C~valere plurinaum,e~
~r:u?M quidem(MM!
antiquitate, ~Ma?quo pyo/KMSaberat ab ortu et divina pn~/eM!c, hoc mc~'M ea fortasse
~M~erant
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L'IMMORTALIT SELON L'HISTOIRE.4
natura admonente cognoverant, rationes et causas rerum
non tenebant 1. Enfin l'orateur philosophe allgue le con-sentement universel de toutes les nations, comme une
excellente preuve de l'immortalit de l'me Snque
parait faire aussi beaucoup de cas de la mme preuve.
Plutarque, qui rapporte le passage d'Aristote cit ci-dessus, au sujet de la grande antiquit de cette tradition,ne manque pas de l'approuver et de faire voir que les phi-losophes et les potes les plus anciens ont enseign unani-
mement, que les hommes vertueux et les hros seraienthonors aprs cette vie, et qu'il y aurait un certain sjourfortun o leurs mes rsideraient Le mme philosophecrivant sa femme pour la consoler de la mort d'un de
leurs enfants mort en bas ge, suppose que les mes desenfants mmes passent de cette vie un tat meilleur et
plus divin, conjecture autorise par les lois et les anciennescoutumes de leurs anctres 4.
Ces tmoignages suffisent pour faire voir que la doctrinede l'immortalit de l'me fut gnralement reue par leshommes ds les anciens-temps.
Une fois l'immortalit de l'mereconnue,
tout n'estpasfini pour la pense philosophique. Quelles sont les formes
de la vie future? Aprs cette vie terrestre, tout est-il ter-min pour l'preuve? Sommes-nous irrvocablement jugssur ce que nous avons fait ici-bas? Le chtiment comme la
rcompense sont-ils immobiles? Les peines sont-elles puri-ficatrices ou consfituent-elles une stupide et irrmdiable
vengeance? L'expiation est-elle sans limites et se continue-
t-elle durant l'ternit des sicles? La rcompense est-elleobtenue de prime saut et la batitude est-elle invariable?
1. Ptutarc)).,K~ts; p. 120.B. 2. Oper.,t. t), p. 6
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POSITION DU PROBLME, o
Ce sont l les fausses ides que repoussent la fois toutes
les traditions, toutes les aspirations de nos curs; elles
sont contraires la nature de Dieu comme celle de
l'homme. Outrage l'gard de la divinit; quant l'hu-
manit, c'est un non-sens. Nous dmontrerons que per-sonne n'y a cru chez les anciens, que chez les chrtiens
seuls ces opinions ont t reues quelque temps comme
menaces, mais jamais srieusement.
Nous tablirons la foi du genre humain, c'est--dire la
croyance autant d'preuves qu'il est ncessaire pour la
gurison de l'me.
La ngation de l'enfer ternel.
La prexistence.Les vies successives.Le progrs dans la batitude.Le mouvement initiateur et perptuel de la cration sous
la direction de Dieu.
Tels sont les articles principaux des croyances de l'hu-manit.
Recueillons sur tous ces points la rponse de l'antiquit
et d'abord de la thologie paenne.Le systme de la mtempsycose qui, cause de son an-
tiquit, de sa diffusion et de son influence, a mrit le nom
qualificatif de dogme, a pris naissance dans l'Inde. Son ori-
gine se perd dans la nuit des temps. Aprs avoir pass del'Inde en Perse et en Egypte, il fut enseign par plusieursphilosophes dela Grce, pour se retrouver plus tard dans le
dogme catholique du purgatoire. La religion des Hindous,
qui pour expliquer l'oeuvre gnsiaque, avait adopt lathorie de l'manation, indiquait comme but suprme, terme
de tous les dsirs et de toutes les aspirations de l'homme,
l'absorption en Dieu, la rentre au port, le retour au point
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LA MTEMPSYCOSECHEZ LES HINDOUS.6
de dpart. Mais, pour se confondre avec le grand Tout, ilfallait tre pur et avoir pratiqu les bonnes uvres sans enrechercher le fruit, il fallait avoir eu la science de la vie
active, ou surtout de la vie contemplative.
La rcompense due aux uvres bonnes ou mauvaises,
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LES VDAS. 7
liens avec d'autres corps et avec d'autres mondes. Il n'y a
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LH DHAGAVAD.GITA.s
ce soleil qui est sans fin, qui est le grand monde, et d'o l'onne retourne point dans un mondela rcompensedu mal.
Il y a le bien de ce monde etcelui du mondefutur l'hommeest susceptible de l'un et de l'autre. Il
Tous ces passages sont traduits desVedas'.On voit que non-seulement l'homme peut devenir aui-
mal, mais que l'animal lui-mme a le droit d'aspirer la
renaissance dans d'autres mondes.Le Bhagavad-Gita, section XVI, le Shastah-Badha et le
code de Manou renferment la mme doctrine..Donnons ici des extraits du Bhagavad-Gita; voici com-
ment lebienheureux
parle
un guerriera Tu pleures sur des hommesqu'il ne fautpaspleurer, quoique
tes paroles soient celles de la sagesse. Les sages ne pteurent niles vivants ni les morts.
Carjamais ne m'a manqu l'existence, ni toi non plus, ni ces princes; et jamais nous ne cesserons d'tre, nous tous,dansl'avenir.
Commedans ce corps mortel sont tour tour l'enfance, la
jeunesse et la vieillesse, de mme, aprs, l'me acquiert unautre corps; et le sage ici ne se trouble pas.
Les rencontres des lmentsqui causent le froid et lechaud,le plaisir etla douleur, ontdesretours et ne sont point ternelles.Supportez-les, filsde Runti.
L'hommequ'elles ne troublent pas, l'hommeferme dans lesplaisirs et dans les douleurs, devient, 6 Bhrata, participant del'immortalit.
u Et cescorps qui
finissentprocdent
d'une meternelle,indestructible, immuable. Combatsdonc, Bhrata.
Celuiqui croit qu'elle tueou qu'on la tue, se trompe, elle netue pas, elle n'est pas tue.
t. ReligiondesHindous,selolilesVedas,p. 324et 325.
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LE BHAGAVADGITA. 9
Ellene nat, elle ne meurt jamais elle n'est pas ne jadis,elle ne doit pas renatre, sans naissance, sans fin, ternelle, an-
tique, elle n'est pas tue quand on tue le corps.Commentcelui qui la sait imprissable,ternelle, saus nais-
sance et sans fin, pourrait-il tuer quelqu'un ou le faire tuer?Commel'on quitte des vtementsuss pour en prendre des
nouveaux, ainsil'me quitte les corps uss pour revtir de nou-veauxcorps.< Ni les flchesne la percent, ni les flammesne la brlent, ni
les eaux ne l'humectent, ni les vents ne la desschent.
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LE BHAGAVADGITA.tO
Mais ceux qui dsirent le prix de leurs uvres sacrifient ici-
bas aux divinits; et bientt dans ce monde mortel, le prix de
leurs uvresleur~choit.
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LE BHAGAVAD GITA. 11
Ne sauraient me suivre, ni les mchants, ni les mes trou-
bles, ni ces hommes infimes dont l'intelligence est en proie aux
inusions des sens et qui sont de la nature des dmons. Quatre classes d'hommes de bien m'adorent, Arjuna, l'afflig,
l'homme dsireux de savoir, celuiqui
veut s'enrichir, et le
sage. Ce dernier, toujours en contemplation, attach un culte
unique, surpasse tous les autres. Car le sage m'aime par-dessustoutes choses, et je l'aime de mme.
Tous ces serviteurs sont bons, mais le sage, c'est moi-mme,car dans l'union mentale il me suit comme sa voie dernire.
Et aprs plusieurs renaissances, le sage vient moi.
Celui qui, l'heure finale, se souvient de moi et part dgag
de son cadavre, rentre dans ma substance; il n'y a l aucundoute.
Mais, si la fin de sa vie, quand il quitte son corps, il pense quelque autre substance, c'est celle-l qu'il se rend, puisquec'est sur elle qu'il s'est modle.
C'est pourquoi, fils de Ronti, dans tous les temps pense
moi, et combats l'esprit et la raison dirige vers moi, tu viendras
moi, n'en doute pas. Car lorsque la pense me demeure constamment unie et ne
s'gare pas ailleurs, on retourne l'Esprit cleste et suprme sur
lequel on mditait et qui est le soutien de l'univers, incompr-
hensible en sa forme, brillant au-dessus des tnbres avec l'-
clat du soleil.
L'homme qui mdite sur cet tre, ferme en son cur au jour
de la mort, uni lui par l'amour et par l'union mystique, ru-
nissant en ses sourcils le soufue'vital, se rend vers l'esprit
suprme et cleste.
Parvenues jusqu' moi, ces grandes mes qui ont atteint laperfection suprme ne rentrent plus dans cette vie prissable,
sjour de maux.
Les mondes retournent Brahma, o Arjuna; mais celui qui
m'a atteint ne doit plus renatre,
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LK BHAGAVADGITA.12
C'est la voie suprme quand on l'a atteinte, on ne revient
plus, c'est l ma demeure suprme. On peut, fils de Pritha, par une adoration exclusive, atteindre
ce premier principe, en qui reposent tous les tres, par qui
a t dvelopp cet univers. En quel moment ceux qui pratiquent l'union partent-ils poM;'ne plus feMMf ou pour revenir encore, c'est aussi ce que je vais
t'apprendre, fils de hrata.
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LE BHAGAVADGITA. 13
Comme dans l'air rside un grand vent soufflant sans cesse
de tous cts, ainsi rsident en moi tous les tres; concois-le,fitsdeRunti.
Revtus .d'nn corps humain, les insenss me ddaignent,
ignorantmon essence
suprme quicommande tous les tres.
Mais leur esprance est vaine, leurs uvres sont vaines, leur
science est vaine, leur raison s'est gare, ils sont sous la puis-sance turbulente des Rxasas et des Asuras.
Mais les sages magnanimes suivent ma puissance divine et'
m'adorent, ne pensant qu' moi seul et sachant que je suis le
principe immuable des tres.
Sans cesse ils me clbrent par des louanges, toujours lut-
tant et fermes dans leurs vux, ils me rendent hommage, its
m'adorent, ils me servent dans une perptuelle union. L'homme, mme le plus coupable, s'il vient m'adorer et
tourner vers moi seul tout son culte, doit tre cru bon, car il
a pris le bon parti. BteH
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LE BHAGAVADGITA.
mis fin au combat spirituel du plaisir et de la douleur t