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REPUBLIQUE DE COTE D’IVOIRE UNICEF - Bureau Côte d’Ivoire CENTRE D’ETUDES PROSPECTIVES ET APPLIQUEES SUR LES POLITIQUES SOCIALES ET LES SYSTEMES DE SECURITE SOCIALE (CEPRASS) Analyse de la situation du travail des enfants en Côte d’Ivoire Laetitia BAZZI-VEIL, Emmanuel JEAN-BAPTISTE, Sié KAMBOU, Michel KOUADIO ABIDJAN, NOVEMBRE 2003

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REPUBLIQUE DE COTE D’IVOIRE

UNICEF - Bureau Côte d’Ivoire

CENTRE D’ETUDES PROSPECTIVES ET APPLIQUEES SUR LES POLITIQUES SOCIALES

ET LES SYSTEMES DE SECURITE SOCIALE (CEPRASS)

Analyse de la situation du travail des enfants en Côte d’Ivoire

Laetitia BAZZI-VEIL, Emmanuel JEAN-BAPTISTE, Sié KAMBOU, Michel KOUADIO

ABIDJAN, NOVEMBRE 2003

___________________________________________________________________________ SOMMAIRE ___________________________________________________________________________

INTRODUCTION 1 I. LA PLACE DU TRAVAIL DES ENFANTS AU SEIN DES MENA GES 5 A - PROFIL DES MENAGES ENQUETES 5 1. Conditions de vie des ménages 5 2. Caractéristiques socioéconomiques des membres du ménage 7 B - LES PRINCIPAUX FACTEURS DE CAPTATION DE MAIN D’ŒUVRE ENFANTINE 11 1. Définition des facteurs 11 2. L’influence des caractéristiques spécifiques aux enfants sur leur mise au travail ou sur leur scolarisation 13 2.1 Influence de l’âge de l’enfant. 13 2.2 L’influence du sexe de l’enfant 15 2.3 L’influence du niveau d’instruction 17 2.4 L’influence de la nationalité 19 2.5 L’influence du lien de parenté avec le chef de ménage 23 3. Les caractéristiques spécifiques au chef de ménage 25 3.1 L’influence du niveau d’instruction du chef de ménage 25 3.2 Influence du statut professionnel du chef de ménage 26 3.3 Influence du sexe du chef de ménage 28 3.4 Influence de la nationalité du chef de ménage 30 4. Le contexte familial et le lieu de résidence 31 4.1 Influence de la taille du ménage 31 4.2. Influence du lieu de résidence 32 4.3 Les enfants biologiques du chef de ménage vivant en dehors du ménage 33 II. PROFIL GENERAL DES ENFANTS TRAVAILLEURS 36 A - CARACTERISTIQUES PERSONNELLES 36 B - SITUATION FAMILIALE 37 C - CONDITIONS DE VIE 37 D - SITUATION AU TRAVAIL 38 III. UN TRAVAIL EXCLUSIF D’UNE SCOLARITE POUR UN EN FANT SUR DEUX 40 A - PROFIL DES ENFANTS ACTUELLEMENT HORS DE L’ECOLE 40 1. Tendances à la sous-scolarisation de certains enfants selon leurs caractéristiques personnelles 40 2. Le placement à l’extérieur du foyer parental : risques de déscolarisation ou alternatives à la scolarité 41 B - FACTEURS DE NON-SCOLARISATION DES ENFANTS 44 1. Les obstacles économiques : une certitude pour un enfant sur trois 44 2. Les freins « culturels » : une menace pour une fille sur deux 49 C - UN PARCOURS SCOLAIRE INCERTAIN POUR CEUX QUI ONT FRANCHI LA BARRIERE DE L’ENTREE

51

1. Des enfants qui cumulent les retards scolaires 51 2. Une déscolarisation qui a touché un enfant travailleur sur quatre 52

IV. PROCESSUS D’ENTREE AU TRAVAIL 59 A - UN TRAVAIL QUI COMMENCE AVANT L’AGE DE 12 ANS 59 1. Des enfants actuellement âgés, en moyenne, de 13 ans 59 2. Un âge d’entrée au travail qui dépend du statut lors de la mise au travail. 59 B - UN TRAVAIL QUI S’INSCRIT DANS UNE DYNAMIQUE FAMILIALE 62 1. Elément du processus de reconnaissance familiale 62 2. Une étroite corrélation entre la raison du travail et le statut de l’enfant 65 3. La situation scolaire est déterminante dans les raisons de la mise au travail 67 4. Une mise au travail décidée par les adultes 73 C - LA RENCONTRE DE L’OFFRE ET DE LA DEMANDE EN MAIN D’ŒUVRE ENFANTINE 75 1. Une mobilisation intra-familiale 75 2. Une mobilisation faiblement médiatisée 82 3. Un accord entre adultes 84 V. ORIENTATION SECTORIELLE ET STATUT AU TRAVAIL DES ENFANTS 85 A - L’ACCES AUX SECTEURS D’ACTIVITE 85 1. Répartition sectorielle des enfants selon la traditionnelle division sexuelle des tâches 85 2. L’origine détermine l’accès aux activités : le travail des enfants s’inscrit dans les trajectoires parentales 87 3. L’âge détermine l’accès au statut, et subséquemment à certains secteurs d’activité 88 4. Une orientation sectorielle qui dépend de la situation scolaire 89 B- UN STATUT DOMINANT D’AIDE FAMILIAL 92 1. La situation scolaire détermine l’accès à un emploi rémunéré 92 2. Le statut d’apprenti reste l’apanage des garçons 95 3. Le statut scolaire a un impact plus grand sur le statut professionnel des ivoiriens que des non ivoiriens 96 C - STABILITE DES ENFANTS AU TRAVAIL 96 VI. CONDITIONS DE VIE ET DE TRAVAIL DES ENFANTS 99 A.- CONDITIONS DE VIE DES ENFANTS TRAVAILLEURS 99 B.- CONDITIONS DE TRAVAIL DES ENFANTS 100 1. Volume horaire de travail des enfants 100 2.Six enfants sur dix exécutent au moins une tâche dangereuse 104 3. Manipulation d’outils dangereux et exposition aux accidents de travail 106 4. Exposition des enfants aux effets de produits chimiques 110 5. Exposition des enfants au harcèlement sexuel 110 6 – Influence des conditions de travail sur la santé des enfants 113 C - REVENUS DES ENFANTS TRAVAILLEURS 114 1. Un revenu moyen mensuel inférieur de moitié au SMIG 114 2. Absence de corrélation entre le volume horaire de travail et le montant des revenus des enfants 115 3. Destination des revenus des enfants 117

VII. INCIDENCE DU PHENOMENE MIGRATOIRE DANS LE TRAV AIL DES ENFANTS 119 A - CARACTERISTIQUES DES ENFANTS MIGRANTS 119 1. Migration transfrontalière 119 2. Les migrations internes 122 B - CONDITIONS D’ENTREE AU TRAVAIL DES ENFANTS MIGRANTS TRANSFRONTALIERS ET INTERNES

124

C. CONDITIONS DE TRAVAIL DES ENFANTS MIGRANTS 125 VIII. IDENTIFICATION DES ENFANTS LES PLUS A RISQUES 126 A – LES INDICATEURS DE RISQUES :ANALYSE DES PIRES FORMES DE TRAVAIL DES ENFANTS SELON LE STATUT

126

B – LOCALISATION DES ENFANTS LES PLUS A RISQUES 128 1 – Identification des secteurs les plus dangereux 128 2 – Localisation géographique des enfants les plus à risques 132 3 – Classification des indices de risques 133 4 – Un groupe particulièrement en danger : les enfants travaillant à plein temps et sans être rémunérés pour un adultes tiers

134

IX. PERCEPTIONS ET ASPIRATIONS DES ENFANTS 137 A – PERCEPTION DES ENFANTS SUR LEUR SITUATION AU TRAVAIL 137 B – ASPIRATION DES ENFANTS TRAVAILLEURS 140 CONCLUSIONS 142

ANNEXES 147

1

INTRODUCTION Avant la crise politico-militaire qui a démarré le 19 septembre 2002, remettant en cause le processus de normalisation politique initié après les élections présidentielles d’octobre 2000, divisant de facto le pays en deux, et interrompant la reprise économique qui s’amorçait, c’est déjà dans un contexte fortement marqué par i) un net ralentissement de la croissance économique depuis 19991, ii) la redéfinition des politiques budgétaires et le retrait partiel de l’Etat des secteurs sociaux, engagés depuis plusieurs années déjà, et iii) une forte pression démographique et une urbanisation accélérée, ayant pour conséquence une aggravation des conditions de vie des populations tant urbaines que rurales, que l’enfant en Côte d’Ivoire était appelé à évoluer. La Côte d’Ivoire, avec un revenu par tête de 670 dollars US présentait, en 1999, un Indicateur de Développement Humain qui la classait au 154ème rang mondial sur 174 pays. Le travail des enfants en Côte d'Ivoire, comme dans la plupart des pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre, est une réalité ancrée dans les modes d'éducation, dans la vie familiale et communautaire comme dans la vie économique. Il se caractérise ainsi par son " invisibilité ", favorisée d'une part par l'ampleur du phénomène, d'autre part par sa nature essentiellement familiale. Dans la conscience collective ivoirienne, les enfants au travail sont d'abord des "aides-familiaux" ou des apprentis, avant d'être des enfants en danger ou tout simplement au travail. Traditionnellement, en Afrique, le travail des enfants constitue : i) un mode d'acquisition des connaissances, ii) une responsabilité, parfois à valeur économique, confiée à l'enfant dans la division des tâches familiales et communautaires, iii) un facteur d'intégration sociale. Cependant, depuis longtemps déjà, et cela dans un contexte de paupérisation tant des couches urbaines que rurales, les logiques économiques de rentabilité et de profit, du côté de la demande, et tout simplement de survie du côté de l'offre de main d'œuvre enfantine, sont venues supplanter la symbolique de participation de l'enfant à la vie professionnelle et économique des parents, pour ne retenir que la valeur marchande de son travail. De travail éducatif et socialisant, on est passé au travail exploitant et marginalisant. Pour le BIT2, le travail des enfants concerne toutes les activités économiques réalisées par un enfant de moins de 15 ans à l’exception des tâches domestiques réalisées au domicile des parents à condition que celles-ci ne soient pas assimilables à une activité économique. L'UNICEF3 retient une définition plus large du concept en considérant qu'un enfant travaille lorsqu'il exécute une tâche rémunérée ou non pour une personne autre qu'un membre du ménage ou lorsqu'il consacre plus de quatre heures par jour aux travaux ménagers et/ou autres tâches au sein du ménage. Cette définition permet de mieux appréhender la situation du travail des enfants en Côte d'Ivoire. La notion de travail des enfants recouvre dans cette étude à la fois les activités marchandes et non marchandes, effectuées sur une base régulière par une personne de moins de 18 ans, pendant au moins 4 heures par jour, à l’intérieur de la famille ou en dehors de la famille, dans un cadre formel ou informel. Cette approche du concept permet de brasser toutes les activités effectuées par les enfants en Côte d’Ivoire, allant du travail formateur aux formes exploitantes du travail des enfants. La Côte d’Ivoire ratifié les conventions 138 et 182 du BIT ainsi que la Convention Relatives aux Droits des Enfants. Elle s’est dotée d’un code du travail dont certaines dispositions réglementent le travail des enfants en fixant les conditions générales dans lesquelles ceux-ci peuvent être engagés dans une relation de travail. La législation ivoirienne4 fixe à 14 ans l'âge minimum d'admission à l'emploi,

1 La Côte d’Ivoire a connu une longue période de croissance négative entre 1980 et 1993, suite à la chute drastique des prix du café/cacao et la hausse du prix du pétrole sur le marché mondial, puis une reprise économique a été enregistrée à partir de 1994 jusqu’en 1998. 2 BIT, « Le travail des enfants. Que faire ? », BIT, Genève, juin 1996 3 UNICEF, MICS 2000 4 La législation ivoirienne en matière de travail des enfants est définie par la loi 95-15 du 12 janvier 1995 portant code du travail

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ce qui est conforme aux dispositions de la convention n°138 de l'OIT. Cet âge est abaissé à 12 ans pour les travaux légers et élevé à 18 ans pour les travaux dangereux. Mais le travail du mineur de 12 ans est en principe soumis à une autorisation de l'inspection du travail. Le code du travail ivoirien de 1995 réglemente le travail des enfants. En effet, cette loi : - interdit le travail de nuit des enfants avant l’âge de 18 ans ; - interdit toutes les formes de travail forcé en Côte d’Ivoire ; - réglemente les horaires de travail des enfants (article 22.3 sur les périodes de repos des travailleurs

de moins de 18 ans qui fait obligation aux employeurs de leur accorder un repos de 12 au minimum par jour) ;

- définit les conditions d’emploi des enfants dans le cadre de la formation professionnelle et de l’apprentissage de métiers.

En Côte d'Ivoire, on estime, environ, qu'un enfant sur quatre âgé de moins de 15 ans fait l'objet d'une exploitation économique.

Source Année % Enfants travailleurs

Tranche d'âge concernée

BIT5 1995 20,46 11-14 ans INS Côte d'Ivoire6 1998 15 6-14 ans Banque Mondiale7 2000 19,7 10-14 ans

L’objectif principal de cette étude est d’évaluer l’ampleur du phénomène du travail des enfants et de mettre en évidence les situations où la force de travail des enfants est exploitée et celles où ils travaillent dans des conditions dangereuses pouvant les exposer à des risques particuliers. Les objectifs spécifiques sont : 1. Evaluer la proportion d’enfants qui travaille dans les différents types d’activités économiques. 2. Identifier les caractéristiques socio-démographiques des enfants qui travaillent à plein temps dans

les différents secteurs d’activité. 3. Identifier les conditions de vie et de travail de ces enfants. 4. Faire une typologie des risques qu’ils encourent en travaillant dans chacun des secteurs identifiés. 5. Analyser les processus d’entrée en travail des enfants, les raisons et facteurs socioculturels qui

favorisent leur entrée en travail et/ou les y maintiennent. Les objectifs de l’étude comportent à la fois une dimension quantitative et un volet qualitatif. Pour les atteindre, la combinaison de méthodologies de recherche quantitative et qualitative a donc été adoptée. Deux enquêtes ont ainsi été conduites8 :

- une enquête quantitative auprès de 2504 ménages tirés à partir de la base du Recensement Général de Population et de l’Habitation (RGPH) 1998, afin de permettre aux enfants travailleurs d’une même localité d’avoir les même chances de faire partie de l’échantillon d’enquête. Un questionnaire unique divisé en deux parties a ainsi été administré à 2504 chefs de ménages et 2504 enfants travailleurs tirés de façon aléatoire au sein du ménage (un par ménage) sur la base des informations fournies par le chef de ménage sur chacun des membres du ménage.

- une enquête qualitative auprès de 125 enfants, répartis dans des secteurs d’activité précis, et dans la mesure du possible leurs parents et employeurs.

Cette étude avait initialement une envergure nationale, tandis que les méthodes de tirage retenues devaient garantir un caractère extrapolable aux données quantitatives ainsi collectées.

5 opcit. 6 Institut National de la Statistique, « recensement Général de la population et de l’habitation de 1998 » République de Côte d’Ivoire, juin 2001 7 The World Bank, « African development Indicators 2000 », The World Bank, Washington, 2000 8 Voir en Annexe la méthodologie initiale et les adaptations rendues nécessaires compte tenu des événement politiques et militaires qui ont affecté la Côte d’Ivoire à partir du 19 septembre 2002.

3

Malheureusement, la phase de collecte des données sur le terrain a été largement perturbée par l’éclatement du conflit civil qui a affecté la Côte d’Ivoire à partir de septembre 2002. L’enquête quantitative a ainsi débuté le 16 septembre 2002, soit trois jours avant le début du conflit civil qui a divisé le pays en deux : la moitié Nord occupées par des forces rebelles et la moitié Sud restée sous contrôle de l’armée gouvernementale. Faute d’accès aux zones faisant partie de l’échantillon initial d’enquête mais placées de facto sous le contrôle des forces rebelles ou situées dans des zones de combats, la phase de collecte des données s’est donc i) déroulée uniquement dans la zone restée sous contrôle gouvernemental (soit 9 départements répartis dans 7 régions au lieu de 20 départements initialement prévus et répartis dans chacune des 18 régions du pays); ii) effectuée en deux phases égales (1304 questionnaires administrés du 16 septembre 2002-27 octobre 2002 / 1200 questionnaires administrés du 14 février 2003-6 avril 2003). Parallèlement, l’enquête qualitative s’est également déroulée en deux phases au cours de la même période (soit 84 enfants interrogés dans une première phase et 42 enfants interrogés dans la seconde) dans six départements répartis dans cinq régions. S’il est vrai que l’extrême tension politique et sociale, ainsi que les déplacements de population, et le maintien prolongé du couvre-feu, ont nécessairement eu un effet sur la situation des enfants en général et au travail en particulier (ralentissement de l’activité économique, plus grande vulnérabilité des ménages), et restreint les possibilités d’extrapolation au niveau national, cette étude garde tout son intérêt, compte tenu du fait que :

- le tirage des enfants enquêtés a reposé, en définitive, sur une base comprenant 68,2% des enfants travailleurs âgés de 6-17 ans recensés en Côte d’Ivoire en 19989.

- les données collectées au niveau quantitatif varient peu d’une phase d’enquête à l’autre (soit entre le début et la fin du conflit armé), minimisant ainsi l’importance de l’impact du conflit notamment sur les facteurs de mise au travail et les conditions de travail des enfants. Par ailleurs, lorsque cela pouvait émerger (questions ouvertes et modalités autres dans l’enquête quantitative / entretiens qualitatif10), le conflit, ou ses conséquences, n’est pas apparu comme un élément déterminant dans le travail des enfants

- les processus d’entrée au travail, tels qu’ils ressortent des deux enquêtes, reflètent davantage des dynamiques familiales inscrites dans la durée et la stabilité, plutôt que des réactions immédiates et conjoncturelles à la crise politique et militaire qui a affecté le pays à partir de septembre 2002.

Le présent rapport présente une analyse des données collectées auprès des ménages et des enfants travailleurs, interrogés aussi bien dans le cadre de l’étude quantitative que qualitative. Il est divisé en neuf parties. La première partie (I) présente une analyse de la situation du travail des enfants au sein des ménages, afin de déterminer non seulement l’ampleur de ce phénomène mais également d’identifier les principaux facteurs de l’utilisation de la main d’œuvre enfantine. Les parties suivantes présentent l’analyse de la situation des enfants travailleurs, sur la base des résultats de l’enquête menée auprès des 2504 enfants travailleurs, approfondis avec les résultats de l’enquête qualitative. La deuxième partie (II) présente un profil général des enfants travailleurs interrogés. La troisième partie (III) analyse la place de l’éducation dans la vie des enfants travailleurs, et notamment les déterminants de leur statut scolaire et les stratégies éducatives adoptées par les parents.

9 RGPH, 1998. 10 Hormis pour le second volet de l’enquête qualitative qui portait sur un échantillon composé exclusivement d’enfants déplacés (42)

4

La quatrième partie (IV) présente une analyse des processus de mise au travail des enfants, les facteurs déterminants et les conséquences qui en découlent du point de vue du statut de l’enfant au travail. la cinquième partie (V) présente l’orientation sectorielle et statutaire des enfants travailleurs La sixième partie (VI) porte sur les conditions de vie et de travail des enfants La septième partie (VII) porte sur les enfants les plus à risques La huitième partie (VIII)présente les perceptions et aspirations des enfants travailleurs. L’articulation entre le travail et l’éducation a constitué le principal axe d’analyse de cette recherche, afin d’appréhender dans toutes ses dimensions la relation, souvent désignée de façon schématique comme conflictuelle, entre l’éducation et le travail des enfants. Une des questions principales était notamment de voir dans quelle mesure la scolarisation protège t-elle contre le travail des enfants et, le cas échéant, minimise les risques encourus par l’enfant qui travaille.

5

I – LA PLACE DU TRAVAIL DES ENFANTS AU SEIN DES MEN AGES En Côte d’Ivoire, comme dans de nombreux pays africains, les enfants sont impliqués dans les activités agricoles, dans les divers services et métiers du secteur informel, ainsi que dans les travaux domestiques. Une enquête a été conduite auprès de 2504 ménages, afin de mesurer non seulement l’ampleur du phénomène de travail des enfants et sa nature, mais également de cerner les facteurs déterminant de l’utilisation de main d’œuvre enfantine au sein des ménages. La présente partie se subdivise en deux sections : la première décrit les caractéristiques socio-démographiques des membres du ménage, la deuxième tente de cerner les facteurs explicatifs du travail des enfants. A – PROFIL DES MENAGES ENQUETES

1. Conditions de vie des ménages Deux ménages sur trois sont propriétaires de leur logement Le tableau ci-après nous fournit les informatives relatives au statut d’occupation du logement :

- 64,7% des chefs de ménage sont propriétaires de leur logement (propriété individuelle ou familiale), soit près de deux ménages sur trois ;

- 34,4% des ménages vivent dans des logements en location simple.

Tableau 1 : Statut d'occupation du logement

Effectif % Propriétaire 1 156 46,3Locataire 859 34,4Propriété familiale 459 18,4Autre 23 0,9Total 2 497 100,0

Près de deux ménages sur trois vivent dans les maisons construites en briques. Ce type de construction est plus fréquent en milieu urbain qu’en milieu rural. En milieu rural, la nature des maisons est surtout caractérisée par des murs en banco ou en terre généralement utilisés pour construire les cases traditionnelles.

Tableau 2 : Nature du mur du logement

Effectif %Brique / Pierre 1655 66,1Terre / Banco 812 32,4Bambou 7 0,3Bois 24 1,0Autre 6 0,2Total 2504100,0

L’enquête révèle que la tôle est le matériau le plus utilisé pour construire les toitures des maisons (86%) à l’exception des immeubles en milieu urbain dont les toitures sont en ciment (1,4%) et des cases traditionnelles en milieu rural dont les toitures sont en paille (11,3%).

6

Tableau 3 : Nature du toit du logement

Effectif %Tôle 2154 86,0Tuile 15 0,6Paille 284 11,3Dalle en ciment 36 1,4Autre 15 0,6Total 2504 100,0

Trois ménages sur quatre ont accès à de l’eau potable (76%). L’eau de la SODECI est moyen distribuée auprès des ménages : un ménage sur deux a accès à l’eau courante par ce biais (49,8%). Les autres ménages s’approvisionnent en eau grâce aux puits aménagés, citernes et forages (26,2%). Mais près d’un ménage sur quatre (24%) utilise comme source d’approvisionnement en eau les puits à ciel ouvert, les retenues d’eau, les fleuves, marigots, ou rivières.

Tableau 4 : Source d'approvisionnement en eau

Effectif %SODECI 1248 49,8Puits aménagés / Citerne / Forage 655 26,2Puits à ciel ouvert / retenue d'eau 495 19,8Fleuve / Marigot / Rivière 105 4,2Autre 1 0,0Total 2504 100,0

Près de deux ménages sur deux ont accès à l’électricité. L’éclairage d’un ménage sur deux se fait grâce à l’utilisation de l’électricité fournie pas la CIE (64,4%). La distribution de l’électricité n’étant pas encore répandue sur tout le territoire national, notamment en milieu rural, près d’un ménage sur trois utilise la lampe à pétrole ou à gaz (34,9%) comme source d’éclairage.

Tableau 5 : Principale source d'éclairage

Effectif % CIE 1613 64,4Générateur privé 15 ,6Lampe à pétrole ou à gaz 873 34,9Autre 3 0,1Total 2504 100,0

Plus d’un ménage sur deux possède une TV mais seulement un ménage sur cinq dispose d’un réfrigérateur. La radio reste l’équipement auquel les chefs de ménage ont le plus accès, avec 96,4% des ménages enquêtés qui en sont équipés. Le second moyen d’information est la télévision (57,3%). La faible possession de réfrigérateur (20,5%) au regard des autres appareils électroménagers, peut s’expliquer tout autant par le manque d’électricité en milieu rural ou en raison du coût du kilowatt qui apparaît encore élevé aux yeux des populations, que par le pouvoir d’achat des populations au regard des biens d’équipement plus coûteux. A cet égard, il existe d’autres moyens plus économiques de conservation de la viande ou du poisson (séchage, fumage).

Tableau 6 : Equipements domestiques des ménages (Nombre de répondants = 2089)

Nombre de

réponses %

Radio 2014 96,4% Télévision 1198 57,3 Réfrigérateur / congélateur 428 20,5 Climatiseur 51 1,4

7

2. Caractéristiques socioéconomiques des membres du ménage L’étude a porté sur 2 504 ménages regroupant un total de 18 487 personnes, soit une moyenne de 7,4 personnes par ménage. Le Ménage (ou ménage ordinaire par opposition à ménage collectif) pourrait se définir comme « un ensemble de personnes, apparentées ou non, vivant sous le même toit (ou dans la même concession), partageant les mêmes repas, reconnaissant l'autorité d'un même individu appelé Chef de ménage (CM) et dont les ressources ou les dépenses sont également communes, tout au moins en partie » (11). Cette définition suppose que pour décider si un individu fait partie ou non d'un ménage donné, quatre critères doivent être pris simultanément en compte : critère de résidence commune ; critère de repas pris généralement en commun (en milieu urbain ce sera le plus souvent le repas du soir) ; critère de ressources communes, tout au moins en partie (des dépenses réalisées avec une partie des ressources amenées par un membre profitent dans une certaine mesure à l'ensemble des individus qui composent le ménage) ; critère de reconnaissance de l'autorité du chef de ménage, qui est sans doute le plus objectif. Genre. 51 % des membres du ménage sont de sexe féminin et 49 % sont de sexe masculin.

Tableau 7 : Sexe

Effectif % Féminin 9448 51,1Masculin 9039 48,9Total 18487 100,0

Un membre sur deux est un enfant biologique du chef de ménage. En dehors du chef de ménage et de sa conjointe, le ménage regroupe d’autres membres :

- Enfants du chef de ménage : ce sont les fils et filles du chef de ménage vivant au sein de la cellule familiale.

- Autres parents du chef de ménage : ce sont les personnes vivant dans un ménage avec lequel elles sont apparentées.

- Autres personnes non apparentées : cette catégorie regroupe toutes les personnes vivant dans le ménage mais n’ayant aucun lien de parenté avec le chef de ménage.

Les enfants du chef de ménage, autrement dit leurs descendants directs ou leurs filles et fils, au nombre de 8.234, représentent plus de la moitié des membres des ménages (51,5%), en dehors des chefs de ménage eux-mêmes. Les parents de rang plus éloigné constituent une proportion non négligeable des ménages : 30,6% des membres en dehors du chef de ménage lui-même. Les personnes appartenant à ces ménages, sans entretenir de lien de parenté avec le chef de ménage, sont très peu nombreuses, 413 au total, soit 2,6% de l’ensemble de l’échantillon en dehors du chef (15 983 personnes).

Tableau 8 : Lien de parenté avec le chef de ménage

Effectif % Conjoint du Chef de ménage 2 440 13,2Enfant du Chef de ménage 8 234 44,5Autre parent du Chef de ménage 4 896 26,5Autre personne non apparentée 413 2,2Chef de ménage 2 504 13,5Total 18 487 100,0

11) Projet prix CEMAC, enquête sur les dépenses des ménages a Douala et Yaoundé (EDM2000), décembre 2001, page 5.

8

Un membre sur deux n’a pas 18 ans. Les membres des ménages sont relativement jeunes. En effet, la structure par âge présentée dans le tableau et le graphique ci-dessous laisse apparaître une proportion des jeunes de moins de 18 ans qui représente plus de la moitié de la population (51%). Plus précisément, les enfants âgés de 6 à 17 ans, qui nous intéressent ici représentent 39,4% des membres du ménage (soit 7.274 enfants). Les adultes de 18 à 55 ans représentent environ 43% de la population.

Tableau 9 : Age

Effectif %

Moins de 6 ans 2 183 11,86-9 ans 2 230 12,110-14 ans 3 046 16,515-17 ans 1 998 10,818-39 ans 5 815 31,540-55 ans 2 214 12,0Plus de 55 ans 992 5,4Total 18 478 100,0

En examinant la pyramide des âges construite à partir de l’âge de l’ensemble des membres des ménages enquêtés, on constate qu’elle a un sommet qui se rétrécit à partir de 50 ans. Le nombre d’individus est nettement plus important entre 10 et 20 ans.

Figure 1 : Pyramide des âges

0

10

20

30

40

50

60

70

80

92

FEMME HOMME

Un membre sur trois fréquente actuellement un établissement de formation. 31,6% des membres du ménage affirment fréquenter un établissement scolaire (soit 5836 personnes). Ces chiffres devront être comparés avec les taux de scolarisation des enfants âgés de 6 à 17 ans.

9

Tableau 10 : Fréquentation d’un établissement scolaire

Effectif %Va à l’école 5836 31,6

Ne va pas à l’école 12651 68,4Total 18487 100,0

Plus d’un membre sur trois est analphabète. Corrélativement aux données relatives à la scolarisation, le taux d’analphabétisme atteint 36,3% des membres du ménage.

Tableau 11 : Niveau d'instruction

Effectif %Ne sait lire ni écrire 6 697 36,3Niveau primaire 7 617 41,2Niveau secondaire 1er cycle 2 668 14,4Niveau supérieur 2ème cycle 1 025 5,5Supérieur 467 2,5Total 18 474 100,0

L’analphabétisme semble être plus prononcé dans la population des membres de ménage africains non ivoiriens. En effet, en croisant le niveau d’instruction et la nationalité, on constate que ce sont les membres de ménage non ivoiriens qui comptent le plus grand nombre d’analphabètes dans leur rang : près de deux membres de ménage sur trois sont sans instruction contre seulement un sur trois dans les ménages ivoiriens. S’agissant des membres du ménage ayant fréquenté ou fréquentant l’école formelle, la majorité ne dépasse pas le niveau d’études primaires (41,2% des membres).

Tableau 12 : Répartition des membres de ménage selon leur niveau d’instruction et leur nationalité

Côte d'Ivoire Burkina FasoAutres pays

CEDEAOTotal

Effectif 5357 768 572 6697% Ligne 80,0% 11,5% 8,5% 100,0%

Sans instruction

% Colonne 32,6% 67,9% 63,1% 36,3%Effectif 7080 305 232 7617% Ligne 92,9% 4,0% 3,0% 100,0%Primaire % Colonne 43,1% 27,0% 25,6% 41,2%Effectif 2532 50 86 2668% Ligne 94,9% 1,9% 3,2% 100,0%Collège % Colonne 15,4% 4,4% 9,5% 14,4%Effectif 1468 8 16 1492% Ligne 98,4% 0,5% 1,1% 100,0%Lycée et plus % Colonne 8,9% 0,7% 1,8% 8,1%Effectif 16437 1131 906 18474% Ligne 89,0% 6,1% 4,9% 100,0%Total % Colonne 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

Khi-2 = 733,08 Prob < 0.001

Des ménages multi-dimensionnels. L’analyse de la situation matrimoniale montre que la population des membres de ménage est composée de 68,6% de célibataires 28,3% de mariés en union libre monogame ou polygame et 3% de veufs ou de divorcés.

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Tableau 13 : Situation matrimoniale

Effectif %Célibataire 12 679 68,6Mariage / Union libre monogame 4 597 24,9Mariage / Union libre polygame 621 3,4Veuf (ve) / Divorcé (e) 590 3,2Total 18 487 100,0

Du point de vue de la nationalité, neuf personnes sur dix déclarent être ivoiriennes. Les non-ivoiriens sont essentiellement des burkinabés (6,1%) et des ressortissants des autres pays de la CEDEAO (4,9%).

Tableau 14 : Nationalité

Effectif % Côte d'Ivoire 16 448 89,0Burkina Faso 1 131 6,1Autres pays CEDEAO 908 4,9Total 18 487 100,0

Deux membres sur trois sont de religion chrétienne. Si l’on considère la religion, dans les ménages enquêtés, on compte 63,9% de chrétiens, 20,1% de musulmans et 16% d’animistes

Tableau 15 : Religion

Effectif % Musulman 3 720 20,1 Chrétien 11 808 63,9 Animiste 2 959 16,0 Total 18 487 100,0

Près d’un membre sur deux exerce une activité économique à titre principal. Si près d’un tiers des membres des ménages sont actuellement élève/étudiant (31,6%), 45,8% exercent une activité économique à titre principal, contre 7,6% qui exercent une activité domestique à titre principal et 16% sont inactifs. L’activité économique principale des membres du ménage est axée sur l’agriculture, l’élevage et la pêche : un membre de ménage sur quatre réalise ainsi des activités agricoles. Ensuite viennent les services, les petits commerces et les travaux domestiques (22,5%).

Tableau 16 : Activités principales et secondaires des membres du ménage

Activités principales

Activités secondaires

Effectif % Effectif % Agriculture / Elevage / Pêche / Chasse 4 508 24,4 2 766 15,0Petits commerces 1 030 5,6 255 1,4Couture / Coiffure et autres soins de beauté 454 2,5 25 0,1Petits métiers du secteur informel 628 3,4 108 0,6Salarié du secteur formel public ou privé 932 5,0Alimentation / Restauration / Débit de boisson 644 3,5 85 0,5Travaux domestiques 1 404 7,6 4 070 22,0Élève / Étudiant 5 851 31,6Aucune activité 2 954 16,0 11 138 60,2Autre 82 0,4 40 0,2Total 18 487 100,0 18 487 100,0

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Deux membres sur cinq (40%) exercent une activité secondaire. Il s’agit dans 55% des cas d’une activité domestique et dans 45% des cas d’une activité économique (qui est alors à 84% agropastorale). B – LES PRINCIPAUX FACTEURS DE CAPTATION DE MAIN D’ ŒUVRE ENFANTINE

1. Définition des facteurs Parmi les membres des ménages enquêtés, 7 274 ont entre 6 et 17 ans, c’est-à-dire ceux qui sont en âge d’aller à l’école. La question qui se pose donc ici est de savoir ce qui influence l’emploi précoce des enfants ou /et leur fréquentation scolaire. Souvent perçu comme étant en "compétition" avec l'école, le travail des enfants peut être requis à des fins domestiques, productives et/ou commerciales, selon une intensité qui varie en fonction des caractéristiques spécifiques au chef de ménage et à l’enfant. Le binôme école – travail des enfants constitue la variable dépendante clé permettant d’apprécier l’effet des facteurs explicatifs sur la situation du travail des enfants en Côte d’Ivoire. Pour observer l’effet des facteurs sur le travail des enfants, trois variables dont dépendent (12) ces facteurs ont été définies :

(i) Travaille (ii) Va à l’école. (iii) Travaille et va à l’école

La troisième variable dépendante vise à ne pas sous-estimer la proportion d’enfants qui travaille tout en allant à l’école en ne prenant en compte que « l’activité principale » à savoir la fréquentation scolaire. En effet, l’une des hypothèses qui la sous-tend est que les enfants scolarisés sont engagés, pendant leur temps libre, dans des activités économiques et/ou domestiques destinées à accroître les revenus du ménage : soit en développant des activités économiques indépendantes, soit en permettant aux autres membres du ménage de libérer du temps pour les activités économiques, soit en participant directement aux activités économiques familiales. Les facteurs explicatifs ou les facteurs susceptibles d’influencer le travail des enfants ou leur scolarisation pourraient être regroupés en trois grandes catégories :

1) les caractéristiques spécifiques aux chefs de ménage, 2) les caractéristiques spécifiques aux enfants, 3) l’environnement familial et le lieu de résidence.

Les caractéristiques spécifiques aux enfants. Ce premier groupe de variables concerne les caractéristiques de l’enfant : âge, sexe, niveau d’instruction, lien de parenté avec le chef de ménage et nationalité. Les caractéristiques spécifiques au chef de ménage. La deuxième catégorie de variables susceptibles d’avoir un potentiel explicatif dans la mise au travail des enfants concerne les caractéristiques intrinsèques du chef de ménage : âge, sexe, niveau d’instruction, nationalité, statut professionnel et statut matrimonial. L’environnement familial et le lieu de résidence. Le troisième type de variable concerne l’environnement familial de l’enfant. Il s’agit principalement de la taille du ménage c’est-à-dire du

12) Par définition, les variables dépendantes se rapportent aux résultats observés qui sont concomitants aux modifications facteurs indépendants ou explicatifs. Les variables dépendantes seront d'autant plus sensibles qu'elles mettront en évidence l'effet significatif des facteurs explicatifs.

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nombre de personnes faisant partie du ménage et du lieu de résidence du ménage à savoir les régions de la Côte d’Ivoire. Par hypothèse, on peut estimer que le lieu de résidence peut influencer l’emploi précoce des enfants du fait des disparités qui existent entre les différentes régions. Recodification de certaines variables. L'opérationalisation des variables « niveau d’instruction » et « statut professionnel » a nécessité leur recodification. La faiblesse du nombre d’individus relevant de certaines modalités aurait affaibli la robustesse statistique des résultats. Pour la variable « niveau d’instruction », les modalités « secondaire 2ème cycle » et « Niveau supérieur » ont été regroupées en une seule modalité : « Lycée et plus » Le niveau d’instruction du chef de ménage et des enfants a donc été appréhendé à l’aide de quatre modalités : « Sans instruction », « Primaire », « Collège », « Lycée et plus ». La variable « Statut professionnel » a été regroupée en quatre grandes modalités : « Salarié du secteur moderne », « Agriculteur », « Indépendant ou employé dans l’informel » et « Chômeurs et inactifs ».

2. L’influence des caractéristiques spécifiques aux enfants sur leur mise au travail ou sur leur scolarisation

2.1 Influence de l’âge de l’enfant.

• La propension des enfants à aller à l’école décroît avec l’âge. Deux enfants sur trois âgés de 6-17 ans (67,3%) vont actuellement à l’école. La probabilité de la poursuite de la scolarité de l’enfant décroît avec l’âge. Plus de trois enfants sur quatre âgés de moins de 15 ans vont à l’école contre seulement moins d’un enfant sur deux âgé de plus de 14 ans. La rupture de la scolarisation des enfants se fait à partir de l’âge de 15 ans. Cette rupture qui s’explique comme nous le verrons plus loin dans l’enquête auprès des enfants travailleurs se fait en raison des difficultés scolaires a notamment pour origine la plus grande implication de ces enfants dans les activités domestiques et/ou productives peu compatibles avec leur scolarisation. • La propension des enfants à travailler croît avec l’âge L’âge de l’enfant influence significativement sa mise au travail. 28,1% des enfants âgés de 6-17 ans exercent une activité socio-économique, quelque soit leur statut scolaire. Lorsque l’on observe la répartition de l’âge des enfants selon leur mise au travail, on constate que le taux d’activité croit avec l’âge. Les enfants de 6 à 9 ans sont peu sollicités pour réaliser des activités socio-économiques (économiques et/ou domestiques) : 10,6% d’entre eux travaillent. Par contre, la participation des enfants de 10 à 14 ans est plus significative puisqu’ils sont 23,1% à travailler ; ce taux monte pour la tranche d’âge comprise entre 15 et 17 ans : plus de la moitié (55,2%) des enfants de 15 à 17 ans travaille.

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Tableau 17 : Répartition des enfants de 6 à 17 ans selon leur âge, leur scolarisation et leur mise au travail

Va à l’école

Ne va pas à l’école

Total Exerce une activité

professionnelle

N'exerce pas d'activité

professionnelle

Total

Effectif 1728 502 2230 236 1994 2230% Ligne 77,5% 22,5% 100,0% 10,6% 89,4% 100,0%

6-9 ans

% Colonne 35,3% 21,1% 30,7% 11,6% 38,1% 30,7%Effectif 2304 742 3046 704 2342 3046% Ligne 75,6% 24,4% 100,0% 23,1% 76,9% 100,0%

10-14 ans

% Colonne 47,1% 31,2% 41,9% 34,5% 44,8% 41,9%Effectif 861 1137 1998 1102 896 1998% Ligne 43,1% 56,9% 100,0% 55,2% 44,8% 100,0%

15-17 ans

% Colonne 17,6% 47,8% 27,5% 54,0% 17,1% 27,5%Effectif 4893 2381 7274 2042 5232 7274% Ligne 67,3% 32,7% 100,0% 28,1% 71,9% 100,0%

Total

% Colonne 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%Khi-2 = 733,08 Prob < 0.001

Khi-2 = 2115,8 Prob < 0.001

• La propension des enfants combinant la scolarisation avec le travail croît également avec l’âge La probabilité pour les enfants de combiner leur scolarisation avec une autre occupation croît avec l’âge. C’est surtout à partir de l’âge de 10 ans que près de trois enfants sur quatre vont à l’école tout en réalisant divers travaux après les heures de cours. En Côte d’Ivoire, comme dans la plupart des pays africains, dans la société traditionnelle, le travail des enfants demeure un moyen de socialisation et d’éducation important, surtout en milieu rural. Mais au-delà des normes sociales, la combinaison du travail et de l’école permet également aux parents de supporter les coûts directs liés à leur scolarisation (frais de scolarité, livres, uniformes etc.). La valeur du revenu ou du travail domestique non payé, auquel il faudrait renoncer le cas échéant, explique également ce phénomène. Une telle situation a pour conséquence directe de favoriser les risques d’échecs scolaires des enfants.

Tableau 18 : Répartition des enfants de 6 à 17 ans selon leur âge et leur mise au travail

Autres occupations en dehors de

l’école

Pas d’autres occupations en dehors de

l’école

Total

Effectif 846 882 1728% Ligne 49,0 51,0 100,06-9 ans % Colonne 26,7 51,3 35,3Effectif 1712 592 2304% Ligne 74,3 25,7 100,010-14 ans % Colonne 54,0 34,4 47,1Effectif 615 246 861% Ligne 71,4 28,6 100,015-17 ans % Colonne 19,4 14,3 17,6Effectif 3173 1720 4893% Ligne 64,8 35,2 100,0Total % Colonne 100,0 100,0 100,0

Khi-2 = 297,5 Prob < 0.001

• Plus d’un enfant de moins de 15 ans sur dix réalise une activité économique à titre principal

(12,1%) Le taux d’activité augmente avec l’âge. Le tableau ci-dessous nous indique ainsi que 11,9% des 6-9 ans contre 1,8% des 15-17 ans sont inactifs.

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Plus de deux enfants sur trois qui travaillent à titre principal sont engagés dans une activité économique. Quelque soit l’âge, les enfants qui ne vont pas à l’école et qui sont actifs (soit 2040 enfants) sont d’abord engagés dans une activité économique. Cette participation économique s’accroît avec l’âge. On constate ainsi que 65% des enfants de 6-9 ans qui travaillent à titre principal (soit 153/235), 71% des 10-14 ans (soit 502/703) et 73% des 15-17 ans (soit 801/1102) exercent une activité économique. Inversement, seulement 35% des enfants de 6-9 ans qui travaillent à titre principal sont engagés dans une activité domestique, de même que 29% des 10-14 ans et 27% des 15-17 ans concernés. L’agriculture constitue le premier secteur d’activité pour les enfants qui travaillent à titre principal, mais la diversification sectorielle croît avec l’âge. On constate ainsi que 86% des enfants de 6-9 ans qui exercent une activité économique à titre principal sont engagés dans l’agriculture (soit 131/154), contre 57% des 10-14 ans concernés (soit 288/502) et 49% des 15-17 ans concernés (soit 396/801). L’analyse des résultats du tableau suivant montre ainsi que les travaux qu’exécutent les enfants, notamment ceux qui ont entre 15 et 17 ans sont généralement des tâches agricoles (19,8%), des tâches domestiques (15,1%) et des métiers du secteur informel. Dans des proportions moindres, les enfants de moins de 15 ans réalisent des travaux agricoles (15,4%) et domestiques (10,3%).

Tableau 19 : Répartition des enfants de 6 à 17 ans selon leur âge et leurs activités

Activités principales Activités secondaires 6-9 ans 10-14 ans 15-17 ans Total 6-9 ans 10-14 ans 15-17 ans Total

Effectif 131 288 396 815 494 982 272 1748Agriculture / Elevage / Pêche / Chasse % 5,9 9,5 19,8 11,2 22,2 32,2 13,6 24,0

Effectif 7 78 108 193 13 72 43 128Petits commerces

% 0,3 2,6 5,4 2,7 0,6 2,4 2,2 1,8

Effectif 1 36 105 142 3 5 8Couture / Coiffure et autres soins de beauté % 0,0 1,2 5,3 2,0 0,1 0,3 0,1

Effectif 6 57 104 167 4 14 19 37Petits métiers du secteur informel % 0,3 1,9 5,2 2,3 0,2 0,5 1,0 0,5

Effectif 0 0 8 8 Salarié du secteur formel public ou privé % 0,0 0,0 0,4 0,1

Effectif 8 39 75 122 10 20 12 42Alimentation / Restauration / Débit de boisson % 0,4 1,3 3,8 1,7 0,4 0,7 0,6 0,6

Effectif 82 201 301 584 373 815 567 1755Travaux domestiques

% 3,7 6,6 15,1 8,0 16,7 26,8 28,4 24,1

Effectif 1728 2304 861 4893 Élève / Étudiant

% 77,5 75,7 43,1 67,3

Effectif 266 38 35 339 1335 1140 1078 3553Inactif (Chômeur, retraité)

% 11,9 1,2 1,8 4,7 59,9 37,4 54,0 48,8

Effectif 4 5 9 1 2 3Autre

% 0,0 0,1 0,3 0,1 0,0 0,1 0,0

Effectif 2229 3045 1998 7272 2230 3046 1998 7274Total

% 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

Un enfant sur deux effectue une activité secondaire. 51,1% des enfants âgés de 6-17 ans réalisent une activité secondaire, quelque soit leur statut scolaire (soit 3718/7274 enfants). Dans un peu plus d’un cas sur deux (52,8%), il s’agit d’une activité économique, et plus particulièrement agro-pastorale. Cependant, si l’on se réfère à l’âge on constate que 61,8% des enfants âgés de 15-17 ans qui ont une activité secondaire exercent une activité domestique (soit 567/918), contre 41,7% des enfants de 6-9 ans concernés (soit 373/894) et 42,8% des 10-14 ans concernés (soit 815/1091). Ce résultat n’est pas si surprenant qu’on pourrait le penser. A cet égard, le fait que les enfants âgés de 15-17 ans soient davantage engagés que les plus jeunes dans une activité économique à titre principal explique

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certainement la conduite d’une activité domestique à titre secondaire. Parallèlement, les enfants plus jeunes sont plus nombreux à aller à l’école comme activité principale, dès lors leur activité secondaire, le cas échéant, revêt une dimension économique plus importante, pour les raisons que nous avons avancées plus haut. Plus précisément, les enfants âgés de 6 à 14 ans engagés dans une activité secondaire travaillent surtout dans le secteur agricole.

2.2 L’influence du sexe de l’enfant • Les inégalités du genre face à la scolarisation des enfants Les garçons sont plus nombreux (73,3% d’entre eux) que les filles (61,3%) à aller à l’école. La sous scolarisation des filles par rapport aux garçons s’observe dès l’âge de 6 à 9 ans. L’écart de genre s’accentue entre 10 et 14 ans (11,9 points) et s’aggrave particulièrement à partir de l’âge de 15 ans (19 points). De manière générale, aussi bien pour les filles que pour les garçons, la baisse de la scolarisation est significative à partir de l’âge de 15 ans. En effet, dans la tranche d’âge de 15 à 17 ans, un garçon sur deux et seulement une fille sur trois continuent d’aller à l’école. La sous-scolarisation plus importante chez les filles que chez les garçons nous renvoie aux valeurs socioculturelles mais également aux contraintes économiques qui aggravent les discriminations de genre existantes, comme nous le verrons plus loin dans l’analyse des résultats de l’enquête conduite auprès des enfants travailleurs. • Des discriminations liées au genre dans la mise au travail précoce des enfants La participation des filles à la force de travail est significativement plus importante que celle des garçons, et ce quelque soit l’âge : les garçons sont moins nombreux (21,6%) que les filles (34,4%) à travailler à titre exclusif. Les écarts de genre constatés dans le statut scolaire sont similaires et s’aggravent de la même façon avec l’âge, soit un écart de 4,6 points entre les filles et les garçons âgés de 6-9 ans qui travaillent, de 11,8 points dans la tranche d’âge 10-14 ans et 20,7 points parmi les 15-17 ans qui travaillent. Cet écart s’explique par le fait que les garçons sont non seulement davantage scolarisés comme nous l’avons vu, mais sont également moins nombreux à avoir une activité secondaire, comme nous le verrons plus loin. Parallèlement, les parents attendent des filles, quelque soit leur statut scolaire et professionnel une participation aux travaux domestiques.

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Tableau 20 : Répartition des enfants de 6 à 17 ans selon le genre, l’âge et la mise au travail

Va à l’école

Ne va pas à l’école

Total Exerce une activité

professionnelle

N'exerce pas d'activité

professionnelle

Total

Effectif 830 268 1098 142 956 1098Féminin

% 75,6% 24,4% 100,0% 12,9% 87,1% 100,0%Effectif 898 234 1132 94 1038 1132

Masculin % 79,3% 20,7% 100,0% 8,3% 91,7% 100,0%

Effectif 1728 502 2230 236 1994 2230Total

% 77,5% 22,5% 100,0% 10,6% 89,4% 100,0%

6-9 ans

Khi-2 = 4,5 Prob < 0.05 Khi-2 = 12,6 Prob < 0.001Féminin Effectif 1060 461 1521 441 1080 1521 % 69,7% 30,3% 100,0% 29,0% 71,0% 100,0%Masculin Effectif 1244 281 1525 263 1262 1525 % 81,6% 18,4% 100,0% 17,2% 82,8% 100,0%Total Effectif 2304 742 3046 704 2342 3046 % 75,6% 24,4% 100,0% 23,1% 76,9% 100,0%

10-14 ans

Khi-2 = 58,3 Prob < 0.001 Khi-2 = 59,1 Prob < 0.001Effectif 354 688 1042 678 364 1042

Féminin % 34,0% 66,0% 100,0% 65,1% 34,9% 100,0%

Effectif 507 449 956 424 532 956Masculin % 53,0% 47,0% 100,0% 44,4% 55,6% 100,0%

Effectif 861 1137 1998 1102 896 1998Total

% 43,1% 56,9% 100,0% 55,2% 44,8% 100,0%

15-17 ans

Khi-2 = 73,9 Prob < 0.001 Khi-2 = 86,5 Prob < 0.001

• Une proportion quasi équivalente de filles et de garçons exerce une activité économique à titre

principal : soit un enfant sur cinq (6-17 ans)

S’il est vrai que 19,3% des filles (soit 705/3661) et 20,8% des garçons (soit 753/3613) âgés de 6-17 ans, membres des ménages, exercent une activité économique à titre principal, on constate que les filles qui ne vont pas à l’école ne sont pas systématiquement orientées vers des activités économiques. Une fille sur deux qui travaille à titre principal exerce une activité économique contre neuf garçons sur dix concernés. La participation des enfants aux activités à titre exclusif (sans aller à l’école) s’opère en effet différemment selon le genre. Les filles sont ainsi davantage sollicitées pour les tâches domestiques tandis que les garçons sont plus sollicités pour les travaux champêtres. On constate ainsi que, parmi les enfants qui travaillent à titre principal (2042), 55,9% des filles concernées (soit 705/1261) contre 96,4% des garçons concernés ont une activité économique (soit 753/781). Parallèlement, 44,1% des filles qui travaillent à titre principal contre 3,6% des garçons concernés exercent une activité domestique. A cet égard, on sait que les parents non seulement attendent davantage des garçons, qui ne vont pas à l’école, une augmentation directe des revenus, mais ils inscrivent également leur enfant dans une dynamique d’apprentissage d’un métier. Parallèlement, la valeur ajoutée du travail des filles est moins considérée, à l’égard desquelles la conduite des travaux domestiques participe de sa formation principale au futur « métier » d’épouse et mère, même s’il n’est pas exclu qu’elle participe à des activités directement génératrices de revenus (soit une fille sur deux qui travaille à titre principal). Par ailleurs, de tels résultats nous informent également de la nature des contraintes qui pèsent sur la scolarisation des enfants selon leur genre. A cet égard, au delà de l’incapacité financière des parents à financer le coût direct de la scolarité (qui aggravent les discriminations de genre lorsqu’un arbitrage doit être fait parmi les enfants à scolariser), la non-scolarisation des garçons s’explique également par le coût d’opportunité qu’il représente, et plus précisément le coût indirect de sa scolarisation en terme de perte de revenu ou valeur ajoutée de son travail. La non-scolarisation de la fille ne semble pas

17

directement motivée par des motifs économiques puisque celles qui ne sont pas actuellement à l’école ne sont pas nécessairement orientées vers des activités génératrices de revenus. Lorsque l’on regarde la répartition sectorielle des enfants qui exercent une activité économique à titre principal, on constate que les garçons concernés sont essentiellement occupés dans l’agriculture (64% d’entre eux contre 25% des filles concernées). Les filles économiquement actives (à titre principal) dominent par contre les secteurs des Petits commerces (12% d’entre elles, contre 5% des garçons concernés) et de la Couture/Coiffure et autres soins de beauté (8% d’entre elles contre 5% des garçons concernés). Plus précisément, comme l’indique le tableau ci-dessous, 15,2% des filles exécutent des travaux domestiques à titre principal, contre 8,6% qui sont dans l’agriculture, 10,3% travaillent dans le secteur informel non agricole.

Tableau 21 : Répartition enfants de 6 à 17 ans selon les activités professionnelles et le genre

Activités principales Activités secondaires Femme Homme Total Femme Homme Total

Effectif 316 499 815 507 1241 1748Agriculture / Elevage / Pêche / Chasse

% 8,6% 13,8% 11,2% 13,8% 34,3% 24,0%Effectif 151 42 193 89 39 128

Petits commerces % 4,1% 1,2% 2,7% 2,4% 1,1% 1,8%Effectif 103 39 142 4 4 8

Couture / Coiffure et autres soins de beauté % 2,8% 1,1% 2,0% 0,1% 0,1% 0,1%Effectif 16 151 167 2 35 37

Petits métiers du secteur informel % 0,4% 4,2% 2,3% 0,1% 1,0% 0,5%Effectif 4 6 10

Salarié du secteur formel public ou privé % 0,1% 0,2% 0,1%Effectif 109 13 122 31 11 42

Alimentation / Restauration / Débit de boisson% 3,0% 0,4% 1,7% 0,8% 0,3% 0,6%Effectif 556 28 584 1449 306 1755

Travaux domestiques % 15,2% 0,8% 8,0% 39,6% 8,5% 24,1%Effectif 2244 2649 4893

Élève / Étudiant % 61,3% 73,3% 67,3%Effectif 156 183 339 1578 1975 3553

Aucune activité % 4,3% 5,1% 4,7% 43,1% 54,7% 48,8%Effectif 6 3 9 1 2 3

Autre % 0,2% 0,1% 0,1% 0,0% 0,1% 0,0%Effectif 3 661 3 613 7 274 3 661 3 613 7 274

Total % 100,0%100,0%100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

Les filles sont plus nombreuses à exercer une activité secondaire. 56,9% des filles contre 45,3% des garçons exercent une activité secondaire. L’activité secondaire des filles, le cas échéant, est une activité domestique dans 69,6% des cas (1449/2082), contre 52,8% des garçons qui exercent une activité secondaire (1963/3718).

2.3 L’influence du niveau d’instruction

• Les chances d’un enfant de poursuivre sa scolarité augmentent avec son niveau scolaire. Le tableau ci-dessous suggère un taux de fréquentation de l’école influencé par le niveau d’instruction des enfants : plus le niveau d’instruction de l’enfant est élevé, plus la probabilité pour qu’il soit à l’école est élevée. A titre d’exemple, la plus forte proportion (92,9%) des enfants qui vont à l’école s’observe dans le 2ème cycle du secondaire ou dans un cycle d’études supérieures ; la plus faible proportion des scolarisés (80,1%) est à l’école primaire. Il semble ainsi que ceux qui ont franchi l’obstacle de l’entrée en sixième ont ensuite de fortes chances de poursuivre leur scolarité. A cet égard, parmi les enfants qui ne vont pas à l’école (32,7%), plus de la moitié d’entre eux (55,5%) est sans instruction et seulement 0,3% d’entre eux ont un niveau d’études secondaires 2ème cycle ou d’études supérieures. Cela s’explique notamment par le fait que lorsqu’elle intervient, la

18

déscolarisation se fait au cours du cycle primaire. La rupture éducative la plus forte se fait au moment de l’entrée en sixième. Le fait que la quasi totalité des enfants déclarés analphabètes ne vont pas à l’école traduit surtout un problème de scolarisation initiale plutôt que de déscolarisation. On peut donc ainsi estimer que 18% des enfants de 6-17 ans membres des ménages enquêtés n’ont jamais été scolarisés13. • De forts contrastes de mise au travail des enfants en fonction du niveau d’instruction La propension des enfants à travailler est étroitement liée à leur scolarisation et leur niveau d’instruction. Le fait de ne pas aller à l’école (et de ne pas savoir lire et écrire) augmente les chances pour un enfant d’être mis au travail : la mise au travail est systématique pour plus de quatre enfants analphabètes sur cinq concernés (79,1% des enfants sans niveau d’instruction exercent une activité professionnelle) contre 7,1% des enfants qui ont un niveau d’étude qui va au-delà du secondaire 1er cycle qui travaillent.

Tableau 22 : Répartition des enfants de 6 à 17 ans selon leur niveau d’instruction, leur scolarisation et leur mise au travail

Va à

l’école Ne va pas à

l’école Total Exerce une

activité N'exerce pas

d'activité Total

Effectif 0 1315 1315 1040 275 1315Sans instruction % 0,0 100,0% 100,0% 79,1% 20,9% 100,0%

Effectif 3864 958 4822 902 3920 4822Primaire % 80,1% 19,9% 100,0% 18,7% 81,3% 100,0%

Effectif 937 100 1037 92 945 1037Collège % 90,4% 9,6% 100,0% 8,9% 91,1% 100,0%

Effectif 92 7 99 7 92 99Lycée et plus % 92,9% 7,1% 100,0% 7,1% 92,9% 100,0%

Effectif 4893 2380 7273 2041 5232 7273Total % 67,3% 32,7% 100,0% 28,1% 71,9% 100,0% Khi-2 = 3346,0 Prob < 0.001

Khi-2 = 2115,8 Prob < 0.001

Ainsi, plus l’enfant avance dans les études, moins il semble sollicité pour exercer une activité en parallèle. Un tel résultat peut s’expliquer tout autant par i) le fait que tant que les parents ne sont pas sûrs de l’investissement scolaire qu’ils sont en train de réaliser (premiers niveaux scolaires), la mise au travail constitue une solution de repli immédiate en cas d’échec, que par ii) le fait qu’il s’agit ici d’indicateurs de « bien-être » et que les enfants qui avancent dans les études sont des enfants issus des couches les plus favorisées, qui ont moins besoin de travailler en parallèle. • Près de huit enfants analphabètes sur dix travaillent à titre principal Près de 80% des enfants analphabètes sont actifs (1040/1315) c’est à dire qu’ils travaillent à titre principal, et dans 69% des cas ils sont orientés vers des activités économiques (722/1040). Parmi ces enfants économiquement actifs, 63% sont dans l’agriculture (453/722). Comme l’indique le tableau ci-dessous, 34,4% des enfants analphabètes exécutent à titre principal, des travaux agricoles, 24,2% des tâches domestiques et 20,3% des activités précaires ou non qualifiées du secteur informel non agricole. Ces résultats montrent que les enfants qui n’ont pas pu avoir accès au système scolaire sont immédiatement captés notamment par les activités économiques familiales, comme nous le verrons plus loin dans le cadre de l’enquête auprès des enfants travailleurs. A cet égard, le faible niveau des technologies utilisées en général (que ce soit dans l’agriculture ou dans les ateliers du secteur informel) favorise l’emploi de ces jeunes.

13 Ce qui est proche de la proportion de 20,5% d’enfants jamais scolarisés parmi les 2504 enfants travailleurs interrogés.

19

La majorité des enfants analphabètes n’a cependant pas d’activité secondaire (78,9% d’entre eux). Par contre les enfants qui ont un niveau d’instruction plus élevé, qui sont aussi ceux qui vont à l’école, ont une activité secondaire.

Tableau 23 : Répartition enfants de 6 à 17 ans selon les activités professionnelles et le niveau d’instruction

Activités principales Activités secondaires

Sans instruction

Primaire Collège Lycée et plus

Total

Sans instruction

Primaire Collège Lycée et plus

Total

Effectif 453 332 28 1 814 76 1529 133 10 1748Agriculture / Elevage / Pêche / Chasse % 34,4 6,9 2,7 1,0 11,2 5,8 31,7 12,8 10,1 24,0

Effectif 105 78 9 1 193 5 78 43 2 128Petits commerces

% 8,0 1,6 0,9 1,0 2,7 0,4 1,6 4,1 2,0 1,8

Effectif 36 96 9 1 142 3 4 1 8Couture / Coiffure et autres soins de beauté % 2,7 2,0 0,9 1,0 2,0 0,2 0,1 0,1 0,1

Effectif 68 82 15 2 167 18 17 2 37Petits métiers du secteur informel % 5,2 1,7 1,4 2,0 2,3 0,4 1,6 2,0 0,5

Effectif 8 1 1 10 Salarié du secteur formel public ou privé % 0,2 0,1 1,0 0,1

Effectif 58 59 5 122 2 34 6 42Alimentation / Restauration / Débit de boisson % 4,4 1,2 0,5 1,7 0,2 0,7 0,6 0,6

Effectif 318 241 24 1 584 191 1090 437 37 1755Travaux domestiques

% 24,2 5,0 2,3 1,0 8,0 14,5 22,6 42,1 37,4 24,1

Effectif 3864 937 92 4893 Élève / Étudiant

% 80,1 90,4 92,9 67,3

Effectif 275 56 8 339 1038 2067 400 47 3552Inactif (Chômeur, retraité)

% 20,9 1,2 0,8 4,7 78,9 42,9 38,6 47,5 48,8

Effectif 2 6 1 9 2 1 3Autre

% 0,2 0,1 0,1 0,1 0,0 1,0 0,0

Effectif 1315 4822 1037 99 7273 1315 4822 1037 99 7273Total

% 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

2.4 L’influence de la nationalité • La nationalité affecte les chances d’aller à l’école L’utilisation de la main d’œuvre enfantine n’est pas homogène selon la nationalité. En effet, lorsqu’on observe l’effet de la nationalité sur la scolarisation des enfants, on remarque que 70% des enfants de nationalité ivoirienne contre 46% des enfants burkinabés et 42% des enfants des autres pays de la CEDEAO vont actuellement l’école. La sous-scolarisation des enfants étrangers peut s’expliquer tout autant par la plus grande inaccessibilité de l’école pour ces enfants, aussi bien d’un point de vue financier (plus grande précarité des revenus) que géographique (en particulier pour les enfants de travailleurs agricoles étrangers plus enclins à vivre dans les campements, loin de l’école), mais également et surtout en raison des stratégies volontairement adoptées par les parents étrangers qui favorisent la captation économique de la force de travail des enfants et rendent le coût d’opportunité de la scolarisation trop élevé.

20

• La nationalité affecte également l’emploi précoce des membres du ménage Le tableau ci-dessous met en évidence l’existence d’un lien statistiquement significatif (p < 0,00.1) entre la nationalité et la mise au travail des enfants. Les membres du ménage âgés de 6 à 17 ans risquent moins de travailler lorsqu’ils sont ivoiriens que lorsqu’ils sont étrangers :

- Un enfant ivoirien sur quatre travaille, - Près d’un enfant africain non ivoirien sur deux travaille.

La propension plus faible des enfants ivoiriens à travailler pourrait s’expliquer par le fait qu’un grand nombre d’entre eux n'est pas obligé de travailler en raison du soutien matériel des parents dont ils peuvent bénéficier pour leur scolarisation. Parallèlement, le développement des activités économiques des parents étrangers semble davantage reposer sur la mobilisation de la main d’œuvre familiale, et notamment enfantine. A cet égard, on a constaté que dans l’agriculture cacaoyère, les producteurs étrangers bénéficiaient ainsi de réseaux de solidarité plus dynamiques et contraignants pour disposer d’une main d’œuvre non rémunérée, largement puisée dans le vivier familial ou communautaire. Cette mobilisation extensive de main d’œuvre familiale participe des stratégies mêmes de production agricole.

Tableau 24 : Répartition des membres du ménage de 6 à 17 ans selon leur nationalité, leur fréquentation scolaire et leur mise au travail

Va à

l’école Ne va pas à

l’école Total Exerce une

activité N'exerce pas

d'activité Total

Effectif 4548 1946 6494 1670 4824 6494Côte d'Ivoire

% 70,0% 30,0% 100,0% 25,7% 74,3% 100,0%Effectif 199 234 433 196 237 433

Burkina Faso % 46,0% 54,0% 100,0% 45,3% 54,7% 100,0%Effectif 146 201 347 176 171 347

Autres pays CEDEAO % 42,1% 57,9% 100,0% 50,7% 49,3% 100,0%Effectif 4893 2381 7274 2042 5232 7274

Total % 67,3% 32,7% 100,0% 28,1% 71,9% 100,0%

Khi-2 = 3211,9 Prob < 0.001

Khi-2 = 3169,4 Prob < 0.001 Le croisement de la nationalité avec le niveau d’instruction et la fréquentation scolaire, montre que les ivoiriens sont touchés par le phénomène de déscolarisation tandis que les non ivoiriens sont surtout touchés par le phénomène de non – scolarisation : 15% des enfants ivoiriens qui ne fréquentent pas un établissement scolaire sont sans niveau d’instruction, contre 42,5% de burkinabés et 45,5% des autres nationalités, 19,6% des enfants ivoiriens ne fréquentant plus l’école ont pu atteindre le niveau d’études primaires contre 21 à 25% de non ivoiriens. Par contre, on constate qu’une fois que les enfants ont atteint le cycle secondaire, la nationalité n’est pas déterminante : une proportion quasi équivalente d’enfants ivoiriens, burkinabés et autres CEDEAO va à l’école dans ces niveaux d’études.

21

Tableau 25 : Répartition des membres du ménage de 6 à 17 ans selon leur nationalité, leur niveau d’instruction, leur fréquentation scolaire et leur mise au travail

Va à

l’école Ne va pas à l’école

Total Exerce une activité

N'exerce pas d'activité

Total

Effectif 973 973 758 215 973Sans instruction

% 100,0% 100,0% 77,9% 22,1% 100,0%Effectif 3574 872 4446 819 3627 4446

Primaire % 80,4% 19,6% 100,0% 18,4% 81,6% 100,0%Effectif 885 93 978 85 893 978

Collège % 90,5% 9,5% 100,0% 8,7% 91,3% 100,0%Effectif 89 7 96 7 89 96

Lycée et plus % 92,7% 7,3% 100,0% 7,3% 92,7% 100,0%Effectif 4548 1945 6493 1669 4824 6493

Côte d'Ivoire

Total % 70,0% 30,0% 100,0% 25,7% 74,3% 100,0%Effectif 184 184 148 36 184

Sans instruction % 100,0% 100,0% 80,4% 19,6% 100,0%Effectif 177 47 224 45 179 224

Primaire % 79,0% 21,0% 100,0% 20,1% 79,9% 100,0%Effectif 21 3 24 3 21 24

Collège % 87,5% 12,5% 100,0% 12,5% 87,5% 100,0%Effectif 1 1 1 1

Lycée et plus % 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%Effectif 199 234 433 196 237 433

Burkina Faso

Total % 46,0% 54,0% 100,0% 45,3% 54,7% 100,0%Effectif 158 158 134 24 158

Sans instruction % 100,0% 100,0% 84,8% 15,2% 100,0%Effectif 113 39 152 38 114 152

Primaire % 74,3% 25,7% 100,0% 25,0% 75,0% 100,0%Effectif 31 4 35 4 31 35

Collège % 88,6% 11,4% 100,0% 11,4% 88,6% 100,0%Effectif 2 2 2 2

Lycée et plus % 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

Total Effectif

146 201 347 176 171 347

Autres pays CEDEAO

% 42,1% 57,9% 100,0%

50,7% 49,3% 100,0%

On constate également que les enfants étrangers sont plus nombreux que les enfants ivoiriens à exercer une activité en parallèle de leur scolarité, quelque soit le niveau atteint. On constate ainsi que 18,4% des enfants ivoiriens ayant atteint le primaire (et 8,7% de ceux ayant atteint le collège), contre 20,1% des enfants burkinabés du même niveau (et 12,5% de ceux ayant atteint le collège) et 25% des autres enfants CEDEAO du même niveau (et 11,4% de ceux ayant atteint le collège), travaillent à titre secondaire. Ce résultat traduit une certaine demande de scolarisation qui, lorsqu’elle est rendu possible doit nécessairement s’accompagner d’une activité parallèle, afin soit d’aider les parents dans le financement de cette scolarité, soit de minimiser le coût indirect de cette scolarité pour les parents. • Plus d’un enfant étranger sur deux travaille dans l’agriculture La répartition des membres du ménage de 6 à 17 ans selon la nationalité montre un profil de distribution différent : les enfants des ressortissants des autres pays de la CEDEAO sont plus nombreux que les autres à travailler comme indépendants du secteur informel non agricole (22,5%), tandis que les enfants burkinabés s’orientent principalement vers l’agriculture (28,6%). Pour les ménages étrangers, les préoccupations relatives à une plus grande précarité de leur situation expliquent certainement l’insertion précoce des enfants dans le travail. Ainsi, on constate que les enfants non ivoiriens qui travaillent à titre principal sont davantage orientés vers des activités économiques, dans 76,5% des cas (soit 283/372 enfants concernés) contre 70,2% des enfants ivoiriens qui travaillent à titre principal. Mais en définitive c’est assurément les secteurs d’activités vers lesquels les parents s’orientent (secteur agricole, secteur informel urbain) qui sont déterminants de la captation de la main d’œuvre enfantine familiale. Les enfants étrangers ont d’autant plus de probabilités de

22

travailler qu’ils ont la possibilité de s’insérer dans les activités parentales qui, non seulement, le permettent mais l’exigent le plus souvent, pour être viables. Ainsi si l’on se réfère aux burkinabés, on constate que 80,7% des enfants burkinabés travaillant à titre principal sont orientés vers une activité économique (soit 158/196 enfants concernés) contre 29% des autres enfants CEDEAO (soit 125/176 enfants concernés) dans la même situation, et 70,2% des enfants ivoiriens (soit 1166/1661 enfants concernés). La majorité des enfants burkinabés et ivoiriens économiquement actifs sont ensuite orientés vers l’agro-pastoral. C’est certainement le secteur agricole lui-même, dans lequel les burkinabés sont particulièrement actifs, mais également les ivoiriens, qui détermine la captation économique de la force de travail des enfants, par rapport aux autres enfants CEDEAO. Et si les seconds continuent de jouer la carte de l’investissement scolaire, en ayant davantage recours à des travailleurs extérieurs, les premiers privilégient une production agricole fondée sur la mobilisation extensive de la main d’œuvre familiale.

Tableau 26 : Répartition enfants de 6 à 17 ans selon les activités professionnelles et la nationalité

Activités principales Activités secondaires

Côte d'Ivoire

Burkina Faso

Autres pays

CEDEAO

Total

Côte d'Ivoire Burkina Faso

Autres pays

CEDEAO

Total

Effectif 645 124 46 815 1626 109 13 1748Agriculture / Elevage / Pêche / Chasse % 9,9 28,6 13,3 11,2 25,0 25,2 3,7 24,0

Effectif 142 16 35 193 99 11 18 128Petits commerces

% 2,2 3,7 10,1 2,7 1,5 2,5 5,2 1,8

Effectif 132 7 3 142 8 8Couture / Coiffure et autres soins de beauté % 2,0 1,6 0,9 2,0 0,1 0,1

Effectif 135 5 27 167 30 3 4 37Petits métiers du secteur informel

% 2,1 1,2 7,8 2,3 0,5 0,7 1,2 0,5

Effectif 9 1 10 Salarié du secteur formel public ou privé % 0,1 0,3 0,1

Effectif 103 6 13 122 33 3 6 42Alimentation / Restauration / Débit de boisson % 1,6 1,4 3,7 1,7 0,5 0,7 1,7 0,6

Effectif 495 38 51 584 1581 88 86 1755Travaux domestiques

% 7,6 8,8 14,7 8,0 24,3 20,3 24,8 24,1

Effectif 4548 199 146 4893 Élève / Étudiant

% 70,0 46,0 42,1 67,3

Effectif 276 38 25 339 3114 219 220 3553Inactif (Chômeur, retraité)

% 4,3 8,8 7,2 4,7 48,0 50,6 63,4 48,8

Effectif 9 9 3 3Autre

% 0,1 0,1 0,0 0,0

Effectif 6494 433 347 7274 6494 433 347 7274Total

% 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

23

2.5 L’influence du lien de parenté avec le chef de ménage

• L’absence d’une relation biologique avec le chef de ménage diminue significativement les

chances de fréquentation scolaire des enfants. L’examen du tableau résumant la répartition des enfants de 6 à 17 ans qui vont à l’école suivant le lien de parenté avec le chef de ménage nous permet de faire les remarques suivantes : plus le lien de parenté avec le chef de ménage est distant, moins l’enfant a de chances d’être scolarisé et, inversement, ses chances de participer aux activités économiques pour le compte du ménage s’accroissent : 72,9% des enfants biologiques du chef de ménage vont à l’école, contre 60,3% des « autres parents » du chef de ménage qui suivent également une scolarité, et 27,7% des enfants sans lien de parenté avec le chef de ménage qui sont scolarisés. Ces résultats reflètent tout autant la prégnance des pratiques de placement notamment à vocation scolaire, chez un parent éloigné, que les risques de non-scolarisation/déscolarisation des enfants placés chez ces mêmes tuteurs. • Près de trois enfants sur quatre, sans lien de parenté avec le chef de ménage, combinent leur

scolarisation avec un travail La combinaison école - travail pourrait être l’une des raisons principales des déperditions scolaires. La combinaison « Ecole – Travail » est inégalement repartie entre les enfants du ménage :

- 62% (2165 sur 3441) des enfants du chef de ménage, - 69,1% (959 sur 1387) des autres parents du chef de ménage, - 75,0% (48 sur 64) des autres enfants sans lien de parenté avec le chef de ménage.

Tableau 27 : Répartition des membres du ménage de 6 à 17 ans selon leur statut dans le ménage et leur scolarisation

Va à l'école ? Oui Non Total

Effectif 2 165 1 054 3219Exercice une activité professionnelle % 67,3% 32,7% 100,0%

Effectif 1 276 228 1504N’exercice pas d’activité professionnelle % 84,8% 15,2% 100,0%

Effectif 3 441 1 282 4723Total

% 72,9% 27,1% 100,0%

Enfant du Chef de ménage

Khi-2 = 160,3 Prob < 0.001 Effectif 959 812 1771Exercice une activité

professionnelle % 54,2% 45,8% 100,0%Effectif 428 102 530N’exercice pas d’activité

professionnelle % 80,8% 19,2% 100,0%Effectif 1387 914 2301

Total % 60,3% 39,7% 100,0%

Autre parent du Chef de ménage

Khi-2 = 120,6 Prob < 0.001 Effectif 48 158 206Exercice une activité

professionnelle % 23,3% 76,7% 100,0%Effectif 16 9 25N’exercice pas d’activité

professionnelle % 64,0% 36,0% 100,0%Effectif 64 167 231

Total % 27,7% 72,3% 100,0%

Autre personne non apparentée

Khi-2 = 18,4 Prob < 0.001

24

• L’absence d’une relation biologique avec le chef de ménage augmente significativement les risques de mise au travail des enfants.

Le statut de l’enfant dans le ménage a également une influence sur sa mise au travail. En effet, la propension à exercer un emploi à titre principal est significativement plus faible lorsqu’il s’agit des fils ou filles du chef de ménage :

- 32,7% des enfants du chef de ménage, - 45,8% des autres parents du chef de ménage, - 76,7% des enfants sans lien de parenté avec le chef de ménage.

Ces résultats nous indiquent que l’absence d’une relation biologique avec le chef de ménage diminue la probabilité de fréquentation scolaire et augmente les risques de travail précoce ; ils confirment bien l’hypothèse selon laquelle le travail des « enfants confiés » permet la scolarisation des enfants du chef de ménage. • Un enfant sur deux, sans lien de parenté avec le chef de ménage, exécute des tâches

domestiques à titre principal Plus le lien avec le Chef de Ménage est distant, plus l’enfant a des chances de travailler, et de travailler à titre exclusif. Ainsi la proportion d’inactifs croît avec la proximité du lien avec le chef de ménage : 4,8% des enfants biologiques du chef de ménage sont inactifs contre 4,4% des enfants apparentés et 3,8% des enfants n’ayant aucun lien de parenté. Parallèlement, le lien est déterminant dans la nature économique ou domestique de l’activité conduite à titre principal par les enfants. On constate ainsi que la proximité du lien avec le chef de ménage oriente les enfants, qui travaillent à titre principal, vers des activités économiques : 80% des enfants biologiques concernés (1054) et 68% des enfants apparentés concernés (812) exercent une activité économiques, contre 28% des enfants non apparentés. Ceci s’explique très certainement aussi bien par les stratégies de diversification des revenus adoptées par les ménages qui puisent dans le vivier de main d’œuvre immédiatement disponible -les enfants du ménage qui ne vont pas à l’école-, que par l’implication des enfants dans les activités parentales dans un but qui se veut formateur (transmission du savoir faire et du patrimoine familial) et qui répond en même temps à des contraintes économiques. Le fait que les enfants non apparentés soient inversement impliqués dans des travaux domestiques s’explique, peut-être, par le fait (constaté dans l’enquête auprès des enfants travailleurs), que les enfants rémunérés qui travaillent comme domestiques, non seulement travaillent le plus souvent pour un adulte non apparenté, mais également ont une propension plus grande à habiter chez leur employeur (comparativement aux autres enfants travailleurs rémunérés qui continuent d’habiter chez leurs parents ou tuteurs). Comme l’indique le tableau ci-dessous, les enfants sans lien de parenté avec le chef de ménage sont ainsi sollicités pour réaliser différents types de travaux au détriment de leur scolarisation (27,7% vont à l’école) : travaux domestiques (48,9%), activités du secteur informel non agricole (7,5%), travaux agricoles (11,1%). Les enfants et autres parents du chef de ménage se consacrent plutôt à leurs activités scolaires (72,9% et 60,3%) ou aux activités agricoles (11,2% et 11,6%).

25

Tableau 28 : Répartition enfants de 6 à 17 ans selon les activités socio-économiques

et le lien de parenté avec le chef de ménage

Activités principales Activités secondaires

Enfant Chef

ménage

Autre parent Chef

ménage

Autre personne non apparentée

Total

Enfant du Chef

ménage

Autre parent Chef

ménage

Autre personne non apparentée

Total

Effectif 528 267 13 808 1 197 531 20 1 748Agriculture / Elevage / Pêche / Chasse % 11,2 11,6 5,6 11,1 25,3 23,1 8,7 24,1

Effectif 100 84 8 192 94 27 6 127Petits commerces

% 2,1 3,7 3,5 2,6 2,0 1,2 2,6 1,8

Effectif 75 53 14 142 3 3 2 8Couture / Coiffure et autres soins de beauté % 1,6 2,3 6,1 2,0 0,1 0,1 0,9 0,1

Effectif 87 77 3 167 27 10 37Petits métiers du secteur informel % 1,8 3,3 1,3 2,3 0,6 0,4 0,5

Effectif 4 6 10 Salarié du secteur formel public ou privé % 0,1 0,3 0,1

Effectif 49 62 7 118 29 12 1 42Alimentation / Restauration / Débit de boisson % 1,0 2,7 3,0 1,6 0,6 0,5 0,4 0,6

Effectif 208 257 113 578 1 111 598 39 1 748Travaux domestiques

% 4,4 11,2 48,9 8,0 23,5 26,0 16,9 24,1

Effectif 3 441 1 387 64 4 892 Élève / Étudiant

% 72,9 60,3 27,7 67,4

Effectif 228 102 9 339 2 259 1 120 163 3 542Inactif (Chômeur, retraité)

% 4,8 4,4 3,9 4,7 47,8 48,7 70,6 48,8

Effectif 3 6 9 3 3Autre

% 0,1 0,3 0,1 0,1 0,0

Effectif 4 723 2 301 231 7 255 4 723 2 301 231 7 255Total

% 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

3. Les caractéristiques spécifiques au chef de ménage

3.1 L’influence du niveau d’instruction du chef de ménage

• Plus le niveau d’instruction du chef de ménage est élevé, plus les enfants ont des chances d’être

scolarisés. Le niveau d’instruction du chef de ménage est un facteur essentiel à la scolarisation des enfants. En effet, les chefs de ménage ayant un niveau d’instruction élevé (études secondaires 1er cycle et études supérieures) enregistrent la moyenne la plus importante au plan de la scolarisation de leurs enfants (2,34), ensuite viennent successivement ceux qui ont un niveau d’études du secondaire 1er cycle (2,18), un niveau d’études primaires (1,90) et les analphabètes (1,67). L’élévation du niveau d’instruction des chefs de ménage a donc pour effet d’augmenter les chances d’un enfant d’aller à l’école. Ce résultat traduit certainement une attitude plus volontariste des chefs de ménages instruits à scolariser leurs enfants. Mais le niveau d’instruction constitue également un indicateur de « bien-être », où les chefs de ménage plus instruits connaissent une position économique et sociale privilégiée qui facilite, et la scolarisation (capacité financière), et la poursuite de la scolarité (meilleur encadrement pédagogique), tandis que la sous-scolarisation des enfants membres d’un ménage dirigé par un analphabète reflète alors non pas une faible demande en éducation mais un faible accès à l’éducation en dépit de cette demande.

26

• Plus le niveau d’instruction du chef de ménage est bas, plus les enfants ont des risques de

travailler Les enfants ont plus de chances de travailler et, parallèlement moins de chance d’aller à l’école, lorsque celui qui dirige le ménage a un niveau d’instruction bas : la moyenne des enfants qui travaillent décroît avec le niveau d’instruction du chef de ménage : sans instruction (1,08), primaire (0,73), collège (0,62), lycée et plus (0,61). La moyenne des enfants combinant école et travail est légèrement plus élevée chez les chefs de ménage ayant un niveau d’études primaires (1,37) et secondaires 1er cycle (1,32). Les enfants d’un ménage dirigé par un analphabète sont plus nombreux à combiner école et travail. Le travail venant ainsi certainement soit financer directement la scolarité, soit minimiser le coût indirect de celle-ci, il y a donc bien une demande en éducation des plus démunis, mais qui s’exprime plus ou moins en fonction des contraintes économiques qui pèsent sur elles.

Tableau 29 : Répartition des enfants de 6 à 17 ans selon le niveau d’instruction du chef de ménage, leur scolarisation et leur mise au travail

Nbre total

d'enfants de 6 à 17 ans

Va à l'école Ne va pas à l'école

Exercice d'une activité

principale

Va à l'école et exerce une activité

secondaire Prob > 0,05 < 0,001 < 0,001 < 0,001 > 0,05

Moyenne 2,96 1,67 1,29 1,08 1,20Nbre ménages 921 921 921 921 921Nbre enfants 2726 1542,0 1184,0 997,0 1102

Sans instruction

% Enfants 100,0% 56,6% 43,4% 36,6% 40,4%Moyenne 2,76 1,90 0,86 0,73 1,37Nbre ménages 617 617 617 617 617Nbre enfants 1703 1170,0 533,0 451,0 847

Primaire

% Enfants 100,0% 68,7% 31,3% 26,5% 49,7%Moyenne 2,89 2,18 0,71 0,62 1,32Nbre ménages 482 482 482 482 482Nbre enfants 1391 1051 340 297 637

Collège

% Enfants 100,0% 75,6% 24,4% 21,4% 45,8%Moyenne 3,01 2,34 0,67 0,61 1,21Nbre ménages 482 482 482 482 482Nbre enfants 1449 1127 322 296 584

Lycée et plus

% Enfants 100,0% 77,8% 22,2% 20,4% 40,3%Moyenne 2,91 1,95 0,95 0,82 1,27Nbre ménages 2502 2502 2502 2502 2502Nbre enfants 7269 4890 2379 2041 3170

Total

% Enfants 100,0% 67,3% 32,7% 28,1% 43,6%

3.2 Influence du statut professionnel du chef de ménage

• Les enfants ont moins de chance d’aller à l’école lorsque le chef de ménage est un travailleur

du secteur informel non agricole Lorsque l’on examine le statut du chef de ménage, on s’aperçoit que l'accès à l’éducation est plus élevé chez les enfants de salariés du secteur moderne public et privé, avec un taux de scolarisation de 76,1% des enfants membres de ce ménage (soit en moyenne 2,25 enfants scolarisés par ménage), contre 58% des enfants d’un ménage dirigé par un actif du secteur informel non agricole (soit 1,49 enfants scolarisés). Les enfants d’un ménage dirigé par un actif du secteur informel agricole sont mieux scolarisés avec un taux de scolarisation de 65,1% (soit 1,95 enfants scolarisés en moyenne).

27

• Plus d’un enfant sur trois travaille à titre principal lorsque le chef de ménage est un travailleur

du secteur informel non agricole Plus d’un tiers (35,6%) des enfants dont le chef de ménage est un actif du secteur informel non agricole, contre 29,4% des enfants issus d’un ménage dirigé par un actif du secteur informel agricole, 24,8% issus d’un ménage dirigé par un chômeur/inactif et 22% des enfants issus d’un ménage dirigé par un salarié du secteur formel, travaillent à titre principal. Il semble bien que c’est la précarité des revenus des chefs de ménage inactifs ou travaillant dans le secteur informel qui oblige les enfants non seulement à travailler à titre exclusif d’une scolarité, mais également à combiner l’école avec le travail. On constate ainsi que les enfants issus d’un ménage dirigé par un actif du secteur informel agricole sont les plus nombreux à combiner l’école avec le travail (soit 78,6% des élèves concernés). Une proportion quasi équivalente d’enfants d’actifs du secteur informel non agricole (57,6% des élèves) et d’enfants de chômeurs/inactifs (58,4% des élèves) combine l’école et le travail. Cette combinaison école/travail traduit ainsi :

- une plus grande vulnérabilité de ces ménages à pouvoir scolariser leurs enfants, qui implique la conduite d’une activité compensatoire

- une plus grande facilité des enfants du secteur informel à exercer une activité parallèle en ayant, notamment, la possibilité de s’intégrer aux activités parentales (comparativement aux enfants du secteur formel)

- une plus grande vulnérabilité de ces enfants à la déscolarisation du fait même de cette pluri-activité (d’où leur faible fréquentation scolaire actuelle).

Tableau 30 : Répartition des enfants de 6 à 17 ans selon le secteur d’activité du chef de ménage,

leur scolarisation et leur mise au travail

Nbre total d'enfants de 6 à 17

ans

Va à l'école Ne va pas à l'école

Exercice d'une

activité principale

Va à l'école et exerce

une activité secondaire

Moyenne 2,99 1,95 1,04 0,88 1,53

Nbre ménages 1154 1154 1154 1154 1154

Nbre enfants 3448 2245 1203 1012 1764Informel agricole

% Enfants 100,0% 65,1% 34,9% 29,4% 51,2%

Moyenne 2,57 1,49 1,08 0,91 0,86

Nbre ménages 490 490 490 490 490

Nbre enfants 1257 729 528 447 420Informel non agricole

% Enfants 100,0% 58,0% 42,0% 35,6% 33,4%

Moyenne 2,96 2,25 0,71 0,65 1,11

Nbre ménages 650 650 650 650 650

Nbre enfants 1921 1462 459 422 722Salarié du secteur formel public et privé

% Enfants 100,0% 76,1% 23,9% 22,0% 37,6%

Moyenne 3,09 2,18 0,91 0,77 1,27

Nbre ménages 210 210 210 210 210

Nbre enfants 648 457 191 161 267Chômeur / Inactif

% Enfants 100,0% 70,5% 29,5% 24,8% 41,2%

Moyenne 2,90 1,95 0,95 0,82 1,27

Nbre ménages 2504 2504 2504 2504 2504

Nbre enfants 7274 4893 2381 2042 3173Total

% Enfants 100,0% 67,3% 32,7% 28,1% 43,6%

28

• Trois enfants sur cinq qui travaillent sont dans le même secteur d’activité que le chef de

ménage Comme l’indique le tableau ci-dessous, il existe une étroite corrélation entre le secteur d’activité du chef de ménage et celui des enfants qui travaillent. Ainsi :

- 58,9% des enfants d’un ménage dirigé par un actif du secteur informel agricole travaillent dans ce même secteur

- 60,2% des enfants d’un ménage dirigé par un actif du secteur informel non agricole travaillent dans ce même secteur

- 58,7% des enfants d’un ménage dirigé par un actif du secteur formel travaillent dans le secteur informel non agricole

Ces enfants semblent ainsi d’abord s’intégrer dans les activités du chef de ménage même si près de deux enfants sur cinq développent des activités en dehors du secteur familial, illustrant ainsi assurément les stratégies de diversification des revenus des ménages.

Tableau 31 : Répartition des enfants de 6 à 17 ans selon le statut professionnel du chef de ménage et leur propre statut professionnel

Enfants de 6 à 17 ans

Informel agricole

Informel non agricole

Inactif Total

Chefs de ménage Prob < 0,001 < 0,001 < 0,005

Moyenne 1,85 0,56 0,73 3,14

Nbre ménages 1154 1154 1154 1154

Nbre enfants 2136 641 847 3624Informel agricole

% Enfants 58,9% 17,7% 23,4% 100,0%

Moyenne 0,19 1,58 0,85 1,11

Nbre ménages 490 490 490 1154

Nbre enfants 92 772 418 1282Informel non agricole

% Enfants 7,2% 60,2% 32,6% 100,0%

Moyenne 0,18 1,58 0,92 1,51

Nbre ménages 650 650 650 1154

Nbre enfants 119 1025 601 1745Salarié du secteur formel public et privé

% Enfants 6,8% 58,7% 34,4% 100,0%

Moyenne 0,57 1,47 0,93 0,54

Nbre ménages 210 210 210 1154

Nbre enfants 120 308 195 623Chômeur / Inactif

% Enfants 19,3% 49,4% 31,3% 100,0%

Moyenne 0,99 1,10 0,82 2,90

Nbre ménages 2504 2504 2504 2504

Nbre enfants 2467 2746 2061 7274Total

% Enfants 33,9% 37,8% 28,3% 100,0%

3.3 Influence du sexe du chef de ménage

• Plus d’un ménage sur dix est dirigé par une femme 12,7% des ménages enquêtés sont dirigés par une femme. Dans huit cas sur dix il s’agit d’un ménage dirigé, de jure, par la femme. En l’absence de l’autorité masculine, les femmes veuves, divorcées (63,4%), célibataires (22,4%) ou éloignées de leur époux (14,2%) jouent le rôle de chef de ménage.

29

Les 45 femmes mariées sont devenues des chefs de ménage en raison de l’émigration de leur époux en quête de travail dans les villes ou à l’étranger.

Tableau 32 : Répartition des chefs de ménage selon le genre et le statut matrimonial

Féminin Masculin Total Effectif 71 79 150

Célibataire % 22,4% 3,6% 6,0%Effectif 41 1722 1763

Mariage / Union libre monogame % 12,9% 78,7% 70,4%Effectif 4 329 333

Mariage / Union libre polygame % 1,3% 15,0% 13,3%Effectif 201 57 258

Veuf (ve) / Divorcé (e) % 63,4% 2,6% 10,3%Effectif 317 2187 2504

Total % 100,0% 100,0% 100,0%

• Le sexe du chef de ménage n’a pas d’impact sur la scolarisation et la mise au travail des

enfants L’examen de la variable sexe du chef de ménage a pour objet de voir si les enfants sont mieux scolarisés quand le chef de ménage est une femme. Il est, à cet égard, fréquemment considéré que les femmes allouent davantage de ressources que les hommes à l’éducation de leurs enfants. Or, ici, contrairement aux autres variables du chef de ménage précédemment analysées, malgré leur statut matrimonial (célibataires, veuves, divorcées), les chefs de ménage de sexe féminin ne se différencient pas des hommes : le facteur sexe n’enregistre pas d’effet net et statistiquement significatif sur le plan du travail ou sur le plan de la scolarisation des enfants :

- 67,1% des enfants des ménages dirigés par les femmes sont scolarisés (1,77 enfant en moyenne par ménage) contre 67,3% des enfants des ménages dirigés par les hommes (1,98 enfant en moyenne) - 29,4% des enfants des ménages dirigés par les femmes travaillent à titre principal (0,78 en moyenne par ménage) contre 27,9% des enfants des ménages dirigés par les hommes (0,82 en moyenne par ménage),

La contribution des enfants aux tâches secondaires ne semble pas être également un facteur de différenciation entre les hommes et les femmes. En effet, le facteur sexe n’est pas sensible à la combinaison de ces deux variables « Va à l’école et travaille » : 44% des enfants des ménages dirigés par les femmes combinent l’école et le travail (1,16 enfant en moyenne par ménage) contre 43,6% des enfants des ménages dirigés par les hommes (1,28 enfant en moyenne par ménage).

Tableau 33 : Répartition des enfants de 6 à 17 ans selon le sexe du chef de ménage, leur scolarisation et leur mise au travail

Nbre total

d'enfants de 6 à 17 ans

Va à l'école Ne va pas à l'école

Exercice d'une activité

principale

Va à l'école et exerce une activité

secondaire Prob < 0,05 > 0,05 > 0,05 > 0,05 > 0,05

Moyenne 2,64 1,77 0,87 0,78 1,16Nbre ménages 317 317 317 317 317Nbre enfants 837 562 275 246 368

Chef de ménage femme

% Enfants 100,0% 67,1% 32,9% 29,4% 44,0%Moyenne 2,94 1,98 0,96 0,82 1,28Nbre ménages 2187 2187 2187 2187 2187Nbre enfants 6437 4331 2106 1796 2805

Chef de ménage homme

% Enfants 100,0% 67,3% 32,7% 27,9% 43,6%Moyenne 2,90 1,95 0,95 0,82 1,27Nbre ménages 2504 2504 2504 2504 2504Nbre enfants 7274 4893 2381 2042 3173

Total

% Enfants 100,0% 67,3% 32,7% 28,1% 43,6%

30

3.4 Influence de la nationalité du chef de ménage

• Plus d’un enfant sur deux dont le ménage est dirigé par un non-ivoirien ne va pas à l’école. Si l’on regarde la nationalité des chefs de ménage, on constate qu’elle a un effet statistiquement significatif sur la scolarisation des enfants. Les membres du ménage dont l’âge est compris entre 6 et 17 ans ont moins de chance d’aller à l’école lorsque le chef de ménage n’est pas ivoirien :

- 1951 sur 6.455 (30,2%) enfants des ménages dirigés par les ivoiriens ne sont pas scolarisés (0,89 enfant en moyenne par ménage) ;

- 430 sur 819 (52,5%) enfants des ménages dirigés par les étrangers ne sont pas scolarisés (1,37 enfants en moyenne).

Tableau 34 : Répartition des enfants de 6 à 17 ans selon la nationalité du chef de ménage,

leur scolarisation et leur mise au travail

Nbre total d'enfants de 6 à

17 ans

Va à l'école Ne va pas à l'école

Exercice d'une activité principale

Va à l'école et exerce une

activité secondaire

Prob < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001

Moyenne 2,95 2,06 0,89 0,76 1,33Nbre ménages 2189 2189 2189 2189 2189Nbre enfants 6455 4504 1951 1670 2911

Ivoirien

% Enfants 100,0% 69,8% 30,2% 25,9% 45,1%Moyenne 2,60 1,23 1,37 1,18 0,83Nbre ménages 315 315 315 315 315Nbre enfants 819 389 430 372 262

Africain non-ivoirien

% Enfants 100,0% 47,5% 52,5% 45,4% 32,0%Moyenne 2,90 1,95 0,95 0,82 1,27Nbre ménages 2504 2504 2504 2504 2504Nbre enfants 7274 4893 2381 2042 3173

Total

% Enfants 100,0% 67,3% 32,7% 28,1% 43,6%

• Près d’un enfant sur deux dont le ménage est dirigé par un non-ivoirien travaille à titre

principal La nationalité des chefs de ménage produit également un effet sur la mise au travail des enfants : 25,9% des enfants dont le ménage est dirigé par les ivoiriens travaillent à titre principal (0,76 enfant en moyenne) contre 45,4% des enfants des chefs de ménage non ivoiriens (1,18 enfant en moyenne). Les raisons qui sous-tendent ces tendances sont les mêmes que celles présentées précédemment sur la scolarisation des enfants étrangers. En outre, comme l’indique clairement le tableau ci-dessous, les parents étrangers sont proportionnellement plus nombreux à être des travailleurs indépendants du secteur informel (85,4%) dont la survie ou la rentabilité économique des activités repose en grande partie sur la gratuité de la main d’œuvre ; le souci de lutter contre un avenir financièrement incertain justifierait la mise au travail précoce des enfants.

31

Tableau 35 : Répartition des chefs de ménage selon leur statut professionnel et leur nationalité

Ivoirien Africain

non-ivoirien

Total

Effectif 616 34 650Salarié du secteur moderne public et privé % 28,1% 10,8% 26,0%

Effectif 1375 269 1644Agriculteur, travailleur indépendant, employé secteur informel % 62,8% 85,4% 65,7%

Effectif 198 12 210Chômeur / inactif % 9,0% 3,8% 8,4%

Effectif 2189 315 2504Total % 100,0% 100,0% 100,0%

Khi-2 = 62,3 Prob < 0.001

4. Le contexte familial et le lieu de résidence

4.1 Influence de la taille du ménage • La probabilité de poursuivre une scolarité croît avec la taille du ménage Les enfants des ménages les plus grands sont davantage scolarisés que les enfants appartenant à un ménage plus petits : ainsi 71% des enfants issus d’un ménage de plus de 10 personnes sont scolarisés, contre 68% des enfants issus d’un ménage de 6-10 personnes et 61% des enfants issus d’un ménage de moins de 5 personnes sont scolarisés. On observe que la proportion d’enfants combinant école et travail diminue avec la taille du ménage. C’est ainsi que 71,6% des enfants scolarisés issus des plus petits ménages vont à l’école et exercent une activité secondaire, contre 62,5% des enfants scolarisés issus des ménages composés de 6-10 personnes et 65,5% des enfants scolarisés issus des ménages les plus grands.

Tableau 36 : Répartition des enfants de 6 à 17 ans selon la taille du ménage, leur scolarisation et leur mise au travail

Nbre total

d'enfants de 6 à 17 ans

Va à l'école Ne va pas à l'école

Exercice d'une activité

principale

Va à l'école et exerce une activité

secondaire Prob < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001

Moyenne 1,60 0,97 0,63 0,59 0,69Nbre ménages 828 828 828 828 828Nbre enfants 1323 803 520 492 575

Moins de 5 personnes

% Enfants 100,0% 60,7% 39,3% 37,2% 43,5%Moyenne 3,05 2,06 0,99 0,83 1,29Nbre ménages 1297 1297 1297 1297 1297Nbre enfants 3955 2675 1280 1078 1671

6 à 10 personnes

% Enfants 100,0% 67,6% 32,4% 27,3% 42,3%Moyenne 5,27 3,73 1,53 1,25 2,45Nbre ménages 379 379 379 379 379Nbre enfants 1996 1415 581 472 927

Plus de 10 personnes

% Enfants 100,0% 70,9% 29,1% 23,6% 46,4%Moyenne 2,90 1,95 0,95 0,82 1,27Nbre ménages 2504 2504 2504 2504 2504Nbre enfants 7274 4893 2381 2042 3173

Total

% Enfants 100,0% 67,3% 32,7% 28,1% 43,6%

La combinaison de l’école avec le travail augmente les risques d’échec scolaire (enfants fatigués, consacrant peu de temps aux études etc.) mais elle est aussi essentielle à la survie des ménages qu’au

32

financement de la scolarité. Le fait qu’il y ait moins d’enfants qui combinent école et travail s’explique peut-être i) par le fait que les ménages de grande taille sont certainement aussi les ménages privilégiés sur le plan socio-économique (la polygamie et la descendance nombreuse sont considérés en Afrique comme des signes extérieurs de richesse), ii) par le fait qu’il y a davantage d’enfants et par conséquent davantage d’options possibles dans la mobilisation de chaque enfant à des fins éducatives, domestiques ou économiques. La mise au travail de l’un peut ainsi financer ou compenser la scolarisation de l’autre.

4.2. Influence du lieu de résidence • Disparités régionales dans la scolarisation et dans la mise au travail des enfants Il existe une relation significative entre la localisation géographique du ménage et la scolarisation des enfants. Le taux de scolarisation est variable d’une région à une autre : les régions du Fromager, du Haut Sassandra et du Sud Bandama enregistrent les meilleurs scores ; ces régions scolarisent en moyenne plus de deux enfants par ménage correspondant à un taux de scolarisation de sept enfants sur dix. Celle qui réalise les plus faibles résultats est la région du Marahoué avec une moyenne de 1,52 enfant par ménage ; sur 338 enfants, seulement 161 sont scolarisés (47,6%), suivie des régions du Moyen Comoé (61,4% des enfants sont scolarisés) et du Bas Sassandra (63,2% des enfants sont scolarisés).

Tableau 37 : Répartition des enfants de 6 à 17 ans selon la région, la scolarisation et la mise au travail

Nbre total d'enfants

Va à l'école Ne va pas à l'école

Exercice d'une activité principale

Ecole et exerce une activité secondaire

Prob < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001

Moyenne 2,85 1,80 1,05 0,90 1,28Nbre ménages 448 448 448 448 448Nbre enfants 1276 806 470 405 575

Bas Sassandra

% Enfants 100,0% 63,2% 36,8% 31,7% 45,1%Moyenne 2,91 2,22 0,69 0,60 1,65Nbre ménages 172 172 172 172 172Nbre enfants 501 382 119 104 283

Fromager

% Enfants 100,0% 76,2% 23,8% 20,8% 56,5%Moyenne 3,15 2,22 0,94 0,78 1,62Nbre ménages 492 492 492 492 492Nbre enfants 1552 1090 462 384 796

Haut Sassandra

% Enfants 100,0% 70,2% 29,8% 24,7% 51,3%Moyenne 2,67 1,81 0,86 0,76 0,87Nbre ménages 817 817 817 817 817Nbre enfants 2181 1482 699 622 714

Lagunes

% Enfants 100,0% 68,0% 32,0% 28,5% 32,7%Moyenne 3,19 1,52 1,67 1,39 0,92Nbre ménages 106 106 106 106 106Nbre enfants 338 161 177 147 97

Marahoué

% Enfants 100,0% 47,6% 52,4% 43,5% 28,7%Moyenne 2,83 1,74 1,09 0,98 1,28Nbre ménages 127 127 127 127 127Nbre enfants 360 221 139 124 162

Moyen Comoé

% Enfants 100,0% 61,4% 38,6% 34,4% 45,0%Moyenne 3,12 2,20 0,92 0,75 1,60Nbre ménages 342 342 342 342 342Nbre enfants 1066 751 315 256 546

Sud Bandama

% Enfants 100,0% 70,5% 29,5% 24,0% 51,2%Moyenne 2,90 1,95 0,95 0,82 1,27Nbre ménages 2504 2504 2504 2504 2504Nbre enfants 7274 4893 2381 2042 3173

Total

% Enfants 100,0% 67,3% 32,7% 28,1% 43,6%

33

Les régions qui enregistrent les taux de scolarisation les plus faibles sont également celles qui affichent les taux les plus élevés d’enfants combinant travail et école (96% des enfants scolarisés dans la région de Marahoué, 95% des enfants scolarisés dans le Moyen Comoé et 76% des enfants scolarisés dans le Bas Sassandra). Un tel constat reflète tout autant les contraintes économiques qui grèvent la scolarisation initiale des enfants dans ces régions, et la nécessité pour les enfants qui ont pu être inscrits de travailler parallèlement, que les risques élevés de déscolarisation dès lors que les élèves combinent école et travail. On enregistre également une relation significative entre les régions et le travail précoce des enfants. Les proportions les plus élevées d’enfants travailleurs s’observent dans les régions dont les taux de scolarisation sont les plus faibles : soit dans les régions de la Marahoué, un taux de 43,5%, du Moyen Comoé (34,4%) et du Bas Sassandra (31,7%).

4.3. Les enfants biologiques du chef de ménage vivant en dehors du ménage Un chef de ménage enquêté sur quatre (24,2%) a au moins un enfant qui vit en dehors de son ménage. La circulation des enfants vise en premier un objectif de scolarisation (17,7%). Seuls 4,5% des chefs de ménages ont envoyé leurs enfants travailler hors de leur ménage. • Deux enfants sur trois parmi ceux qui vivent en dehors du ménage pour poursuivre leurs

études. Près de deux enfants de moins de 18 ans sur trois vivant en dehors du ménage ont quitté leurs parents pour poursuivre des études. Il ressort des informations relatives aux enfants du chef de ménage qui vivent en dehors du ménage les indications suivantes : sur 3 846 enfants, 1 102 (28,7%) ont moins de 18 ans, soit une moyenne de 1,82 enfant par ménage. Ces enfants vivent en dehors du ménage pour assurer leur scolarisation : sur 1 102 enfants, 723 sont scolarisés (65,6%). Un enfant sur dix, vivant en dehors du ménage, exerce une activité non rémunérée : sur les 1 102 enfants de moins de 18 ans recensés, 116 d’entres eux travaillent sans recevoir en contre partie une rémunération (10,5%) ; seulement 18 enfants sont rémunérés (1,6%). Une analyse plus attentive des données relatives aux enfants biologiques qui vivent en dehors du ménage de leur père ou de leur mère montre que la plus grande proportion de ces enfants s’observe davantage dans les ménages dirigés par les hommes (30,6%) que ceux qui sont dirigés par les femmes (17,3%).Les femmes sont non seulement moins enclines que les hommes à placer leurs enfants à l’extérieur, mais lorsqu’elles le font c’est à des fins scolaires. Plus globalement, on constate que : Le placement des enfants est à des fins scolaires dans :

- 75,5% des cas de placement d’enfants par un chef de ménage ayant un niveau d’étude collège (contre 58,6% des cas de placement par les chef de ménage analphabètes)

- 79,6% des cas de placement d’enfants d’un actif du secteur formel chef de ménage (contre 61,2% par les actifs du secteur informel)

- 68% des cas de placement d’enfants par une femme chef de ménage (contre 65% des enfants placés par un homme chef de ménage)

- 66,8% des cas de placement d’enfants par un chef de ménage non-ivoirien (contre 56,3% des enfants d’un chef de ménage étranger).

Le placement à vocation économique (travail rémunéré) intervient dans :

- 3,4% des cas de placements par un chef de ménage analphabète contre 0,5% par les chefs de ménage ayant un niveau d’étude collège)

- 2,4% des cas de placement d’enfants par un non-ivoirien chef de ménage (contre 1,5% par les ivoiriens)

- 2% des cas de placement d’enfants par un actif du secteur informel (contre 0,4% par les actifs du secteur formel)

34

- 1,7% des cas de placement d’enfants par un homme chef de ménage (contre 1% par les femmes)

Tableau 38 : Répartition des enfants biologiques du chef de ménage vivant en dehors du ménage selon le sexe, la nationalité,

le statut professionnel et le niveau d’instruction

Nbre total enfants

Nbre de moins de 18 ans

Va à l'école

Travail rémunéré

Travail non rémunéré

Sexe Prob > 0,05 < 0,05 < 0,05 > 0,05 > 0,05

Moyenne 3,29 1,49 1,29 1,00 1,20Nbre enfants 562 97 66 1 12Féminin

% Enfants moins 18 ans 17,3% 68,0% 1,0% 12,4%

Moyenne 3,37 1,85 1,68 1,42 1,27Nbre enfants 3286 1005 657 17 104Masculin

% Enfants moins 18 ans 30,6% 65,4% 1,7% 10,3%

Moyenne 3,36 1,82 1,63 1,38 1,26Nbre enfants 3848 1102 723 18 116Total

% Enfants moins 18 ans 28,6% 65,6% 1,6% 10,5%

Nationalité Prob > 0,05 > 0,05 < 0,05 > 0,05 > 0,05

Moyenne 3,38 1,79 1,60 1,36 1,22Nbre enfants 3450 976 652 15 96Ivoirien

% Enfants moins 18 ans 28,3% 66,8% 1,5% 9,8%

Moyenne 3,18 2,00 2,03 1,50 1,54Africain non ivoire

Nbre enfants 398 126 71 3 20 % Enfants moins 18 ans 31,7% 56,3% 2,4% 15,9%

Moyenne 3,36 1,82 1,63 1,38 1,26Nbre enfants 3848 1102 723 18 116Total

% Enfants moins 18 ans 28,6% 65,6% 1,6% 10,5%

Statut professionnel Prob > 0,05 > 0,05 > 0,05 > 0,05 > 0,05

Moyenne 2,45 1,67 1,60 1,00 1,08

Nbre enfants 510 225 179 1 14Salarié du secteur moderne public et privé

% Enfants moins 18 ans 44,1% 79,6% 0,4% 6,2%

Moyenne 3,39 1,83 1,61 1,45 1,29Nbre enfants 2714 786 481 16 94

Agriculteur, travailleur indépendant, employé secteur informel % Enfants moins 18 ans 29,0% 61,2% 2,0% 12,0%

Moyenne 4,59 2,17 1,97 1,00 1,33

Nbre enfants 624 91 63 1 8Chômeur / inactif

% Enfants moins 18 ans 14,6% 69,2% 1,1% 8,8%

Moyenne 3,36 1,82 1,63 1,38 1,26Nbre enfants 3848 1102 723 18 116Total

% Enfants moins 18 ans 28,6% 65,6% 1,6% 10,5%

Instruction Prob < 0,05 > 0,05 > 0,05 > 0,05 > 0,05

Moyenne 3,77 1,86 1,67 1,63 1,30Nbre enfants 1844 384 225 13 57Sans instruction

% Enfants moins 18 ans 20,8% 58,6% 3,4% 14,8%

Moyenne 3,24 1,94 1,69 1,00 1,21Nbre enfants 900 324 203 2 35Primaire

% Enfants moins 18 ans 36,0% 62,7% 0,6% 10,8%

Moyenne 2,92 1,75 1,63 1,00 1,00Nbre enfants 598 220 166 1 10Collège

% Enfants moins 18 ans 36,8% 75,5% 0,5% 4,5%

Moyenne 2,93 1,63 1,50 1,00 1,56Nbre enfants 504 174 129 2 14Lycée et plus

% Enfants moins 18 ans 34,5% 74,1% 1,1% 8,0%

Moyenne 3,36 1,82 1,63 1,38 1,26Nbre enfants 3846 1102 723 18 116Total

% Enfants moins 18 ans 28,7% 65,6% 1,6% 10,5%

35

La vulnérabilité plus grande des ménages dirigés par une femme, un non ivoirien, un actif du secteur informel ou un analphabète peut être soulignée à travers la tendance plus prononcée chez eux à placer les enfants à l’extérieur comme travailleur non rémunéré, dans :

- 15,9% des cas de placement par un non-ivoirien chef de ménage (contre 9,8% chez un ivoirien).

- 14,8% des cas de placement par un chef de ménage analphabète (contre 4,5% par les chefs de ménage ayant un niveau d’étude collège)

- 12,4% des cas de placement pour une femme chef de ménage (contre 10,3% chez un homme)

- 12% des cas de placement par un actif du secteur informel chef de ménage (contre 6,2% des salariés du secteur formel)

Le placement semble ici traduire la volonté/nécessité de se voir délesté de la charge que constitue l’enfant. Une enquête effectuée directement auprès des enfants travailleurs eux-mêmes (2504, soit un par ménage) a permis d’approfondir l’analyse des processus de mise au travail, et de mesurer les risques auxquels les enfants qui travaillent sont soumis au regard de leurs conditions de travail. Une étroite corrélation entre le statut scolaire, le statut au travail et les conditions de travail a ainsi pu être soulignée.

36

II – PROFIL GENERAL DES ENFANTS TRAVAILLEURS 2504 enfants ont été interrogés dans le cadre de l’enquête quantitative, tirés parmi les 18.487 personnes membres des 2504 ménages enquêtés (soit un enfant travailleur par ménage). A - CARACTERISTIQUES PERSONNELLES Une majorité de filles. 61,3% sont des filles (1535) et 39,7 % des garçons (969) Un phénomène qui touche les très jeunes enfants. Les enfants travailleurs interrogés ont un âge moyen de 13,2 ans (13,3 ans pour les filles et 13 ans pour les garçons), mais ils ont commencé à travailler, en moyenne, à l’âge de 9 ans pour les aides familiaux et 12 ans pour les travailleurs rémunérés. 13,7% des enfants enquêtés ont moins de 10 ans (344), 45,2% sont âgés de 10-14 ans (1131) et 41,1% de 15-17 ans (1029). Nationalité. Une forte majorité des enfants est de nationalité ivoirienne (88,9%), suivis des enfants de nationalité burkinabé (5,8%) et autres ouest-africains (5,2%). La nationalité étrangère n’est pas un indicateur d’immigration si l’on retient que la quasi totalité des enfants travailleurs interrogés (98,1%) est née en Côte d’Ivoire (contre notamment 0,8% au Burkina Faso, et respectivement 0,3% au Ghana et au Mali). Ethnie14. Pour les 2207 enfants qui ont répondu à cette question, 50,6% des enfants appartiennent au groupe ethnique Krou, 23,3% sont Akan, 8,8% sont des Mandé du Nord et 4,6% des Voltaïques/Gur, 7,3% des Lagunaires et 4,8% des Mandé du Sud. Un enfant sur deux combine actuellement le travail avec l’école. 53,7% des enfants travailleurs interrogés sont actuellement scolarisés (1344) dans l’école formelle (2002/2003), contre 25,8% déscolarisés (647) et 20,5% jamais scolarisés (513). 94,6% des enfants déscolarisés15 ont quitté l’école avant l’entrée en 6ème. La déscolarisation a été principalement motivée par les difficultés scolaires (57,9%), contre 29,4% en raison des difficultés financières des parents. La non-scolarisation est liée, pour 52,3% des enfants concernés, à la perception d’une école inutile par les parents, contre 34,7% à l’incapacité des parents à payer les frais de scolarité. Plus d’un quart de migrants, essentiellement internes. Moins d’un enfant sur trois (28,8%) a migré pour rejoindre sa localité actuelle (721). 1,9% des enfants viennent d’un autre pays (48) et 26,9% ont fait l’objet d’une migration interne (673). La moitié de ces enfants (50,1%) est arrivée dans leur localité actuelle, depuis moins de trois ans. Le principal motif de migration est la migration des parents eux-mêmes (32,6% ont suivi leurs parents), suivi de la migration économique personnelle (19,4% sont venus pour travailler), de la migration scolaire (18,3%), de la migration pour formation professionnelle (9,7%). 4,4% (31) sont venus dans la localité actuelle pour fuir la guerre. Quelque soit les raisons, une proportion équivalente de ces enfants16 s’est déplacée avec ses parents biologiques (45,8%, soit 329 enfants) ou avec un parent éloigné (44,3%, soit 318 enfants). 5,8% des enfants migrants se sont déplacés seuls (42) et 3,2% étaient accompagnés d’un tiers (3,2%).

14 2207 enfants ont répondu à cette question. 15 314 enfants ont répondu à cette question sur les 647 concernés 16 718 enfants sur les 769 concernés ont répondu à cette question

37

B - SITUATION FAMILIALE Des parents vivant au moment de l’entrée au travail. 82,7% des enfants avaient leurs deux parents vivants17 au moment où ils ont commencé à travailler. Le décès du père constitue un facteur de vulnérabilité particulière puisqu’il touche 11,5% des enfants interrogés, contre 3,8% qui sont orphelins de mère. 2% des enfants interrogés sont orphelins de père et de mère. Des parents encore ensemble au moment de l’entrée au travail. Pour 84,2% des enfants interrogés, les parents vivaient encore ensemble au moment où ils ont commencé à travailler Des parents au statut socio-économique défavorable. Les enfants18 sont 37,4% à avoir un père et 55% une mère analphabètes19. Respectivement 26,1% des enfants ont un père et 28,3% une mère ayant un niveau d’instruction primaire, 26,4% ont un père, contre 10,4% une mère, ayant atteint un niveau d’études secondaires. 3,8% ont un père et 1,9% une mère ayant fréquenté l’école coranique. 73,8% des enfants ont un père actif20 dans le secteur informel (56,7% agricole / 17,1% non agricole), contre 20,1% actif dans le secteur formel (18,8% non agricole / 1,3% agricole) et 6,2% inactif. S’agissant de la mère : 75% ont une mère active dans le secteur informel (47,9% agricole / 28,3% non agricole), contre 2,2% dans le secteur formel (non agricole) et 21,5% inactive. Une fratrie principalement engagée dans des activités en dehors de l’école. Les enfants travailleurs interrogés sont issus d’une famille composée, en moyenne, de 5 enfants (4,91 - même mère) quelque soit leur âge, mais plus précisément de 3 enfants (2,69) âgés de 6-17 ans. Ils occupent en moyenne le 3ème rang de cette fratrie. Mais la plus grande proportion d’entre eux sont les aînés (28,2%, soit 706 enfants) contre 17,9% qui sont les seconds (449) et 16,9% les troisièmes (422). La fratrie âgée de 6-17 ans est actuellement à l’école ; les enfants interrogés21 ont en moyenne 1,37 frère/sœur de 6-17 ans scolarisés, contre 0,27 déscolarisés et 0,53 jamais scolarisés. La majorité de cette fratrie travaille également (quelque soit le statut professionnel et scolaire), avec une moyenne de 1,74 frère/sœur qui travaille par enfant interrogé (quelque soit le sexe : 0,95 sœurs et 0,86 frères qui travaillent). 47,7% des enfants interrogés qui ont répondu à cette question22 ont ainsi au moins un frère ou une sœur âgé(e) de 6-17 ans, qui travaille (contre 4,4% aucun). C - CONDITIONS DE VIE Un enfant sur deux vit en milieu urbain. 51,3% des enfants interrogés vivent en milieu urbain contre 48,7% des enfants vivant en milieu rural. Deux enfants sur cinq ne vivent pas avec leurs parents biologiques. 59,1% des enfants sont les enfants biologiques du chef de ménage (1481)23 contre 35,8% qui sont apparentés au chef de ménage (896). Moins d’un enfant sur vingt (4,6%) n’a aucun lien de parenté avec le chef de ménage (soit 111 enfants). Parmi les enfants qui ne vivent pas avec leurs parents, 2,9% n’ont aucun contact avec eux. Accès à un centre de santé. Un enfant sur quatre (25,8%) n’a pas accès à un centre de santé moderne en cas de pathologie.

17 MICS 2000 : 93% des enfants avaient leurs deux parents vivants. 18 2336 enfants ont répondu à cette question. 19 MICS 2000 : 52% des 15 ans et plus sont analphabètes 20 2143 et 2330 enfants ont répondu à cette question respectivement pour le statut professionnel du père et celui de la mère. 21 1974 enfants ont répondu à cette question 22 1949 enfants ont répondu à cette question 23 Dans l’enquête MICS 2000, 61% des 0-14 ans vivaient avec leurs deux parents et 14% ne vivaient pas avec un parent biologique.

38

D - SITUATION AU TRAVAIL Une participation concentrée dans le secteur agricole et des travaux domestiques. Plus d’un tiers des enfants travaille respectivement dans l’Agriculture/Pêche/Elevage (38,3%) et les Travaux domestiques (38,4%) pour lesquels ils consacrent au moins 4 heures par jour. Moins d’un enfant sur dix exerce dans les petits commerces (8,9%), tandis que 4,3% sont engagés dans le secteur des Maquis/Restaurant/Débits de boisson, et 4,2% dans la Coiffure/ Couture/Hygiène Corporelle. Un enfant sur deux seulement travaille avec son père et/ou sa mère. 81,5% des enfants interrogés sont des aides familiaux (2037), et plus précisément 52,1% pour leur père et/ou mère (aide familial direct) et 29,3% pour un autre parent (aide familial éloigné), contre 6,7% qui sont des travailleurs rémunérés (168)24, 5,9% des apprentis (148) et 5,7% des indépendants (142). Parmi les enfants qui travaillent sous la tutelle d’un adulte (2362, soit 94,3% de l’échantillon global), seulement un enfant sur dix (12,1%) n’a aucun lien de parenté avec son employeur. Parallèlement, un tiers de ces enfants (33%) travaille avec une personne apparentée et 54,9% travaillent directement sous la tutelle de leur père/mère. Circonstances de la mise au travail. 46,8% des enfants interrogés ont déclaré avoir commencé à travailler simplement sur obéissance des parents/tuteurs sans pouvoir avancer de raison particulière, 24,6% pour gagner le respect de leurs parents, 8,7% pour subvenir à leurs besoins et 3,9% pour aider financièrement leurs parents. 3,9% ont commencé à travailler pour se faire de l’argent de poche. Si l’on examine la situation des enfants qui travaillent sous la tutelle d’un adulte autre que leurs parents (soit 1041 enfants), on constate que dans 65,4% des cas, c’est l’employeur qui est allé à la rencontre de la main d’œuvre enfantine (388 directement et 293 via les parents), contre 21,3% des cas où ce sont les parents qui sont allés directement à la rencontre de l’employeur (222), et 7,1% des cas où c’est l’enfant lui-même qui s’est proposé directement à l’employeur (74). Dans seulement 3% des cas, une tierce personne est intervenue dans la rencontre entre l’offre et la demande de main d’œuvre (soit 31 enfants). Cette tierce personne est le plus souvent quelqu’un de proche des enfants (parent éloigné ou ami). Montant et destination de la rémunération. Si l’on exclue les travailleurs indépendants, seulement 7,4% des enfants ont déclaré être, sur le principe, rémunérés en échange de leur travail (soit 175 enfants, dont 8 apprentis seulement). Le montant mensuel moyen de cette paie est de 14.744 F CFA pour les enfants ayant un statut de travailleur rémunéré et de 10.468 FCFA pour les apprentis qui sont rémunérés. Parmi ces enfants25, 93% perçoivent directement leur paie, contre 7% qui voient leur paie confisquée par un adulte (soit 12 enfants). Parmi les enfants qui ne perçoivent pas directement leur paie, celle-ci est reversée à un parent éloigné dans 41,7% des cas (5), aux parents biologiques dans 33% des cas (4), ou est gardée par l’employeur dans 25% des cas (3). Deux enfants sur trois (66,5%) parmi ceux qui perçoivent directement leur paie (soit 105 enfants)26 gardent la totalité de leurs gains, tandis que 20,3% en remettent une partie à leurs parents (et 3,8% la totalité). Dans 8% des cas, l’enfant remet une partie ou la totalité de sa paie à un autre parent. De leur côté, les enfants indépendants (142), qui ont un gain mensuel moyen similaire (14.841 FCFA) sont plus libres de l’usage de leurs gains : 73,2% gardent la totalité de leurs gains, contre 13,4% qui en remettent une partie à leurs parents (et 4,2% la totalité). Dans 7,5% des cas, le travailleur indépendant remet une partie ou la totalité de ses gains à un autre parent. Volume horaire de travail. Les enfants travaillent en moyenne 6,9 heures par jour, pendant 5,2 jours par semaine, soit une moyenne de 36,7 heures par semaine. Les filles sont soumises à des conditions de travail plus sévères avec 7 heures de travail par jour (contre 6,9 heures pour les garçons), 5,5 jours

24 Enquête MICS 2000 : 2% des 5-14 ans sont des travailleurs rémunérés. 25 172 enfants sur les 175 concernés ont répondu à cette question. 26 158 enfants sur les 172 concernés ont répondu à cette question.

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par semaine (contre 4,6 pour les garçons), soit 39,7 heures de travail par semaine (contre 32 heures pour les garçons). Insécurité au travail. Plus d’un enfant sur deux a déjà été victime d’un accident du travail (58,7%). Moins de un enfant sur dix (3,5%) manipule des produits chimiques directement dangereux ou dont l’usage prolongé peut s’avérer nocif pour leur santé. Plus de huit enfants sur dix (85,2%) manipulent au moins un outil qui peut s’avérer dangereux : 38,6% la machette/daba ; 51,2% des couteaux ou autres objets tranchants ; 5% la hache ; 1,4% le marteau ; 1% la scie ; et 0,6% les tronçonneuses ou autres machines à couper le bois ou les métaux. L’environnement au travail peut se révéler également dangereux, indépendamment des tâches effectuées : Environ un enfant sur dix (9,7%) est exposé à l’inhalation de produits chimiques, 2,2% des enfants travaillent à proximité d’une source importante de chaleur. Plus d’un tiers des enfants n’a pas accès à l’eau potable sur leur lieu de travail (35,9%). Dans le cadre de l’enquête qualitative, 125 enfants travailleurs, 80 parents et 40 employeurs ont été interrogés dans 14 localités différentes. En définitive, ce sont essentiellement les résultats de l’enquête quantitative et de la première enquête qualitative (soit 83 enfants) qui sont repris dans ce rapport. L’enquête portant sur les 42 enfants déplacés, qui avait au départ pour objectif de mesurer la plus grande vulnérabilité de ces enfants dans la relation au travail, n’est pas significative : la plupart de ces enfants se sont révélés relativement privilégiés. Leurs parents présentaient un profil socio-économique plutôt favorisé (niveau d’instruction plus élevé, fonctionnaires ou salariés du secteur formel) et l’extrême majorité d’entre eux continuaient d’aller à l’école (avant/après l’exode). Hormis le cas des populations déplacées qui n’avaient pas d’autres choix que de se rendre dans des centres, il semble que les populations qui ont pu fuir la zone de conflit, en trouvant refuge en famille, sont ceux qui avaient la possibilité de le faire. Les populations qui sont restées, soit ne voulaient pas partir, soit ne pouvaient pas partir faute de moyens.

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III – UN TRAVAIL EXCLUSIF D’UNE SCOLARITE POUR UN ENFANT SUR DEUX Un enfant travailleur sur cinq n’a jamais fréquenté l’école et un sur quatre est déscolarisé 53,7% des enfants travailleurs interrogés vont actuellement à l’école (contre 55,9% l’année précédente, en 2001/2002), tandis que 25,8% sont déscolarisés et 20,5% ne sont jamais allés à l’école. Les disparités de genre sont importantes eu égard à la situation scolaire des enfants interrogés. A – PROFIL DES ENFANTS ACTUELLEMENT HORS DE L’ECOLE

1 - Tendances à la sous scolarisation de certains enfants selon leurs caractéristiques personnelles

• Une sous scolarisation qui touche davantage les filles et les étrangers L’échantillon d’enquête confirme la tendance à la sous scolarisation des filles au niveau national. Les filles interrogées sont, non seulement moins nombreuses (48,5%) que les garçons (61,8%) à combiner actuellement le travail et l’école, mais également plus nombreuses à n’avoir jamais eu accès à l’école (23,6% contre 15,5% des garçons).

Tableau 40 : Situation scolaire des enfants selon le sexe

Scolarisé Déscolarisé Jamais scolarisé Total

745 427 363 1535 48,5% 27,8% 23,6% 100,0% Féminin

55,4% 66,0% 70,8% 61,3% 599 220 150 969

61,8% 22,7% 15,5% 100,0% Masculin

44,6% 34,0% 29,2% 38,7% 1344 647 513 2504

53,7% 25,8% 20,5% 100,0% Total

100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

Les écarts de genre se réduisent lorsqu’il s’agit des enfants déscolarisés, même si encore une fois les filles sont plus exposées à la déscolarisation : 27,8% d’entre elles contre 22,7% des garçons. Les enfants étrangers (279 / 2224) de l’échantillon semblent également plus vulnérables à la sous scolarisation que les enfants ivoiriens. Si 82,4% des enfants ivoiriens interrogés ont accès ou eu accès un jour à l’éducation, un peu plus de la moitié (55%) des enfants étrangers sont dans la même situation. Actuellement ce sont donc 55,8% des enfants ivoiriens contre 37,3% des étrangers qui combinent l’école et le travail. La déscolarisation touche de façon presque similaire les enfants ivoiriens et étrangers, même si elle est le reflet négatif d’une plus grande scolarisation des ivoiriens : 26,6% des enfants ivoiriens sont déscolarisés contre 19,7% des enfants étrangers. Par contre, ces derniers sont 2,5 fois plus nombreux que les ivoiriens à n’avoir jamais été scolarisés : 43% d’entre eux contre 17,7% des ivoiriens.

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• Une sous scolarisation qui touche les enfants Mandé du Nord et les Voltaïques/Gur Parmi les ivoiriens, si l’on se réfère à l’origine ethnique, les différences portent essentiellement sur l’accès initial ou non à l’éducation. Plus précisément deux groupes ethniques se distinguent des autres par leur sous scolarisation prononcée : les Mandé du Nord et les Voltaïque/Gur. Ainsi, respectivement, 41,8% et 42,2% de ces enfants n’ont jamais eu accès à l’école, contre 5% des Lagunaires, 10,3% des Krou, 11,2% des Mandé du Sud et 23,1% des Akans. Une lecture purement ethnique de ces résultats serait insuffisante et fausse. Ces six différents groupes renvoient à un découpage schématique géographique de la Côte d’Ivoire en six zones d’influence culturelle. Or on constate que les zones d’origine des Mandé du Nord et des Voltaïques/Gur se recoupent avec les zones de sous scolarisation identifiées en Côte d’Ivoire (Savanes), qui sont aussi les zones où l’incidence de la pauvreté est la plus élevée. De leur côté, les enfants naturalisés ivoiriens sont 75% à n’avoir jamais été scolarisés. Enfin, comme pour les filles ou les étrangers, la déscolarisation ici touche indifféremment tous les groupes ethniques, entre lesquels les écarts se réduisent, tandis qu’elle est encore le reflet négatif d’une plus grande scolarisation de certains groupes : 37,9% des enfants Lagunaires, 37,4% des Mandé du Sud, 28,7% des Akan et 25% des Krou sont déscolarisés contre 8,3% des ivoiriens naturalisés, 14,7% des Voltaïques/Gur et 21,6% des Mandé du Nord. Autrement dit les contraintes qui pèsent sur l’accès à l’école ne sont pas nécessairement les mêmes que celles qui poussent à la déscolarisation. • Une sous-scolarisation qui touche les enfants de parents non instruits Un tiers des enfants (37,4%) a un père analphabète, et plus d’un enfant sur deux (58,2%) une mère analphabète. Une proportion équivalente a un père (26,1%) et/ou une mère (28,3%) ayant un niveau d’études primaires. Par contre, 27,4% des pères ont un niveau d’instruction secondaire contre 10,4% des mères. Le niveau d’instruction du père, a un impact déterminant dans la scolarisation des enfants. Les probabilités pour un enfant d’accéder à l’école augmentent avec le niveau d’instruction du père. La barre du cycle primaire est déterminante. 35,6% des enfants ayant un père analphabète vont actuellement à l’école, ce taux monte à 62,8% avec un père ayant un niveau d’étude primaire, 72,6% avec un niveau d’étude secondaire et 80,4% avec un niveau d’études supérieures. Inversement, 70,9% des enfants qui ne sont jamais allés à l’école ont un père analphabète et 38,5% des enfants ayant un père analphabète n’ont jamais été scolarisés, contre 9,9% avec un père ayant un niveau d’étude primaire, et 4,8% un niveau d’étude secondaire. Parallèlement, le niveau d’étude du père a un impact plus nuancé sur le phénomène de déscolarisation, la part des enfants déscolarisés varie sensiblement d’un niveau à l’autre (entre 25,9% et 18,5%), avec une baisse inversement proportionnelle au niveau d’instruction : 39,6% des enfants déscolarisés ont un père analphabète contre 29,1% qui ont un père avec un niveau d’étude primaire, 25,1% un niveau d’étude secondaire, 3,3% un niveau d’études supérieures.

2- Le placement à l’extérieur du foyer parental : risques de déscolarisation ou alternatives à la scolarité

• Un constat : une sous-scolarisation plus marquée chez les enfants qui ne vivent pas avec leurs

parents Lorsque l’on examine les conditions de résidence des enfants travailleurs interrogés dans le cadre de cette enquête, on constate que 40% d’entre eux ne vivent pas avec leurs parents. Il existe une étroite corrélation entre la situation scolaire des enfants et leurs conditions de résidence. Comme l’indique le tableau ci-dessous, plus des deux tiers des enfants scolarisés vivent chez leurs

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parents (70,9%) contre 44,8% des enfants déscolarisés et 46,4% des enfants jamais scolarisés. Parallèlement, 64,3% des enfants vivant avec leurs parents biologiques vont à l’école, 19,6% sont déscolarisés et 16,1% ne sont jamais allés à l’école.

Tableau 41 : Répartition des enfants selon leur statut scolaire et le lien de parenté avec le chef de ménage

Conjoint du Chef de ménage

Enfant du Chef de ménage

Autre parent du Chef de ménage

Autre personne non apparentée

Total

1 953 387 3 1344 0,1% 70,9% 28,8% 0,2% 100,0% Scolarisé

7,7% 64,3% 43,2% 2,6% 53,7% 5 290 295 57 647

0,8% 44,8% 45,6% 8,8% 100,0% Déscolarisé

38,5% 19,6% 32,9% 50,0% 25,8% 7 238 214 54 513

1,4% 46,4% 41,7% 10,5% 100,0% Jamais scolarisé

53,8% 16,1% 23,9% 47,4% 20,5% 13 1481 896 114 2504

0,5% 59,1% 35,8% 4,6% 100,0% Total

100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

La non-scolarisation (enfant déscolarisé ou jamais scolarisé) augmente : - les probabilités pour un enfant de vivre en dehors du domicile parental. Seulement un enfant sur trois qui ne va pas actuellement à l’école vit avec ses parents. A cet égard, la différence entre enfants déscolarisés et enfants jamais scolarisés est marginale : respectivement 44,8% des enfants déscolarisés et 46,4% des enfants jamais scolarisés vivent avec leurs parents. - les probabilités pour un enfant de vivre dans un ménage sans avoir de lien de parenté avec le chef de ce ménage : 10,5% des enfants déscolarisés et 8,8% des enfants jamais scolarisés n’ont aucun lien de parenté avec le chef de ménage contre 2,6% des enfants scolarisés. La question qui se pose est celle de savoir si la déscolarisation, le cas échéant, a eu lieu avant ou après le placement chez le tuteur. Il est certain que les parents dont l’enfant a quitté l’école, ont pour souci principal de trouver une solution alternative à la scolarité. Dans tous les cas, celle-ci est recherchée dans la mise au travail, que ce soit comme aide familial, travailleur rémunéré, indépendant, ou apprenti. Si les parents gardent leur enfant chez eux, celui-ci s’intègre alors dans les activités familiales, mais s’il est envoyé à l’extérieur de la cellule familiale, ces enfants ont alors davantage de chances d’être engagés dans des activités génératrices de revenus ou d’être placés en apprentissage. On retiendra ainsi que : - la proportion d’apprentis vivant en dehors du foyer parental est légèrement plus élevée chez les enfants déscolarisés (48,4%) que chez les enfants jamais scolarisés (46,5%) - la majorité des enfants vivant avec leurs parents, quelque soit leur statut scolaire, sont des aides familiaux, mais avec une tendance à la baisse chez les déscolarisés : 96,5% des élèves vivant avec leurs parents et 79,7% des enfants jamais scolarisés, contre 62% des enfants déscolarisés, sont des aides familiaux. • Deux types de risques pour les enfants placés chez un parent : 1. Pour les enfants scolarisés, le risque est celui d’être engagé dans des activités pour le compte de leur tuteur, et de voir leur scolarité perturbée (compte tenu de la masse de travail) ou même interrompue. A cet égard, la position des parents interrogés dans le cadre de l’enquête qualitative est très claire : s’il est socialement accepté que l’enfant participe aux travaux domestiques dans son foyer d’accueil, il

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l’est déjà moins qu’il soit engagé dans des activités économiques pour le compte de son tuteur, et totalement condamné si ce même tuteur retire l’enfant de l’école pour le faire travailler ailleurs. Les résultats de l’enquête quantitative nous ont parallèlement révélé que si 94,6% des enfants scolarisés vivant avec un parent éloigné étaient des aides familiaux, 3,9% exerçaient une activité rémunératrice : 2,6% travaillaient comme indépendants et 1,3% étaient salariés quelque part. Cependant, la position des parents est plus ambiguë concernant la captation de la force de travail par le tuteur (avec retrait ou non de l’école). Quatre critères sont pour eux déterminants :

- la situation scolaire de l’enfant : si les résultats scolaires ne sont pas satisfaisants, la décision du tuteur de le mettre au travail à titre exclusif est une décision rationnelle et bénéfique pour l’enfant lui-même. Par contre si la scolarité de l’enfant est satisfaisante, le travail qui lui est confié ne doit pas être préjudiciable à son parcours

A condition de concilier avec la scolarité

Père de l’enfant 17, 47 ans, ivoirien, kroumen, Diboué (San Pedro) : « Si l’école ne va pas, il peut lui donner travail pour gagner ». Mère de l’enfant 109, 40 ans, ivoirienne, Agni, déplacée de Séguéla (Abengourou) : « Si l’enfant ne fout rien à l’école et que les parents décident de le mettre dans un lieu où il peut se débrouiller, là c’est compréhensible. Il faut qu’il me donne des explications. » Oncle de l’enfant 89, 40 ans, ivoirien Abron, agent CIE, déplacé de Khorogo (Soubré) : « Je vais le chercher. Apprendre par exemple à laver les assiettes, les habits, ça c’est possible, il y a des travaux qu’un enfant peut faire. Mais aller traverser les routes avec les véhicules, les bus, aller vendre de l’eau glacée, je vais le chercher ». Mère de l’enfant 113, 33 ans, ivoirienne, baoulé, déplacée de Bouna (Abengourou) : « C’est pas bon. Donner mon enfant pour qu’il parte à l’école et puis vous l’utilisez c’est pas bien.

Mais s’il fait les deux c’est bon, mais s’il n’arrive même pas à étudier et puis vous vous servez de lui c’est pas bien. » Père de l’enfant 103, 48 ans, ivoirien, Agni, déplacé de Bouaké (Sankadiokro, Abengourou) : « Si je ne peux plus le scolariser donc il dépend de mon parent. Là s’il dit il veut faire quelque chose, si je trouve que ça ne me convient pas je peux dire non. S’il travaille et qu’il va toujours à l’école, je suis d’accord, mais s’il l’enlève pour faire travail de maison, moi je dis non, je fais retourner mon enfant ». Mère de l’enfant 66, ivoirienne, malinké, Daloa : « je sera pas content que on enlève mon enfant dans école pour mettre dans travail parce que un enfant qui va déjà à l’école il faut le pousser à évoluer plutôt que de chercher à lui faire reculer. Quelque soit le boulot c’est mieux de laisser l’enfant continuer, c’est un enfant qui est déjà sur une route. Vraiment ça serait difficile pour moi de accepter ça ».

- le travail doit permettre à l’enfant, soit d’apprendre un métier, soit de gagner sa vie - le travail doit être valorisant : les parents sont unanimes, si l’enfant placé pour faire sa

scolarité est utilisé pour des travaux domestiques de façon abusive par le tuteur même, et à fortiori à l’extérieur du foyer d’accueil, même rémunéré, alors ils s’y opposeront et viendront récupérer leur enfant.

A condition d’un travail valorisant ou en vue d’un métier

Père de l’enfant 31, 50 ans, ivoirien, kroumen, Diboué (San Pedro) : « Si c’est un travail qui peut lui rapporter quelque chose, j’accepterai mais le faire souffrir à la maison, je préfèrerai que mon fils revienne à la maison pour pouvoir vivre avec moi comme d’habitude. La faire travailler dans un atelier de couture ou menuiserie ou mécanique, ça va me plaire. Mais le mettre à la maison, le faire laver les trucs ça ne me plaît pas ». Mère de l’enfant 86, 42 ans, ivoirienne, Bété, déplacée de Dibobli-Duékoué (Soubré) : « S’il le met au travail ça va me

plaire, si c’est pas travail de brousse. » Si c’est pour des petits métiers, ça va ma plaire, parce que je veux qu’il sache écrire son nom et puis il va faire métier ». Mère de l’enfant 101, 28 ans, ivoirienne Bété, déplacée de Bouaké (Ourégbagbré, Soubré) : « Si c’est bonne je peux pas accepter. Je vais aller la chercher pour l’emmener à la maison, parce que je vais lui dire qu’il maltraite ma fille. Je préfère l’emmener au village. Si c’est dans la coiffure ou la couture je peux accepter. »

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- le travail doit être mené dans un cadre familial, au bénéfice du tuteur, et non au bénéfice d’un tiers

A condition d’un travail dans un cadre familial

Mère de l’enfant 68, 43 ans, ivoirienne, agni, San Pedro : « Je confie mon enfant à un parent, s’il fait travailler l’enfant, si le travail où il l’a mis c’est pour lui-même, là d’accord. Mais si c’est pour aller lui donner à quelqu’un d’autre, je n’accepterai pas, je ne veut pas qu’on maltraite mon enfant. Si c’est chez lui-même, y a pas de problème, c’est son enfant aussi, si ça va pas l’enfant va revenir »*

2. Pour les enfants qui ne vont pas à l’école, le risque est celui de travailler gratuitement pour leur tuteur, sans en retirer un bénéfice quelconque comme l’apprentissage d’un métier27. A cet égard, l'enquête quantitative a révélé que 15% des enfants travailleurs (372 enfants) sont dans une situation à risque. Ils ne sont pas scolarisés et travaillent donc à titre principal, pour quelqu'un d'autre que leur père et/ou mère sans pour autant être rémunérés ni apprenti. Dans tous les cas, les parents sont conscients des risques encourus par leurs enfants lorsqu’ils les confient à un tuteur, certains d’entre eux ayant personnellement vécu cette situation ou ayant un enfant qui l’a expérimentée.

Vécu personnel d’un tuteur abusif Enfant 34, 16 ans, ivoirien, guéré, yaoudé (Guiglo) : « Je suis resté chez ma tante, elle m’a dit, allons au village chez mon mari là-bas, tu vas fréquenter et puis elle m’a enlevé de l’école, elle a dit que moi j’allais faire apprenti de son mari qui est maçon, on a construit des maisons, après ça eux ils m’ont laissé. Moi je suis là, je reste avec elle, c’est moi qui fait tout, son mari s’en va dans les villages pour construire des écoles. J’ai fait CM1 ». Tante de l’enfant 98, 30 ans, ivoirienne, Bété, déplacée de Bouaké (Daloa) « Mon frère a pris mon jugement28 pour mettre la fille de sa petite sœur, qu'il aimait, à l'école. Moi j'ai fait la classe de CE1 et puis je suis resté là je n'avais pas de jugement. Il m'a envoyée à Bondoukou, quand je suis allé, je vois que c'est moi qui suis devenue la servante de la femme de son papa, c'est dans ça je ne suis pas partie à l'école jusqu'à j'ai pris de l'âge. Et mon papa ne savait pas que je ne partais pas à l'école. Actuellement je ne veux pas que ma fille parte chez quelqu'un. Parce que ce que j'ai subi dans mon enfance, parce que quand les femmes prennent les filles des autres c'est ce qu'elles font, ils font l'esclavage chez eux même pour manger tu es obligé d'attendre qu'ils finissent de manger parce que moi c'est ce qu'on m'a fait. J'ai des cicatrices sur le corps parce qu'on me frappait n'importe comment, donc moi-même je vais

éduquer mon enfant il va rester chez moi ». Mère de l’enfant 99, 38 ans, ivoirienne Agni, déplacée de Bouaké (Sankadiokro, Abengourou) : « A partir de 8 ans, quand j'avais 12 ans alors là ma maman ne préparait plus, quand je vais à l'école je viens c'est maintenant je vais aller faire le marché pour préparer, quand j'avais 12 ans mon oncle est venu me chercher il dit que je travaille trop donc je dois aller à l'école, il est venu me chercher pour aller chez lui. Là-bas aussi sa femme me prenait comme sa bonne ». Tante de l’enfant 91, 45 ans, ivoirienne Attié, Abengourou : « J'ai beaucoup travaillé parce que moi je n'ai pas vécu avec ma mère, j'ai vécu avec mon oncle. Nous on sortait à 17h30, j'arrive à la maison c'est maintenant qu'on doit préparer et piler, le matin on se lève, on balai, on puise l'eau avant de chercher de l'eau pour se laver et puis aller à l'école. C'était à 12, 13 ans (…) Je ne regrette pas parce que ça m'a apporté beaucoup de chose. Quand on était toute petite je peux dire que la femme me fatiguait mais maintenant que j'ai grandi, j'ai vu que ce qu'elle me faisait vivre c'était pour mon propre bien donc je ne regrette pas ».

B - FACTEURS DE NON-SCOLARISATION DES ENFANTS

1 - Les obstacles économiques : une certitude pour un enfant sur trois • Les coûts directs de scolarisation : un frein pour un enfant sur trois Lorsque l’on invoque la pauvreté comme un obstacle à la scolarisation des enfants il y a lieu de distinguer deux types de contraintes économiques : soit les parents ne peuvent pas payer les frais de la scolarité, soit ils ont besoin de la valeur ajoutée du travail de l’enfant le cas échéant.

27 Ce risque est développé dans le passage sur les enfants les plus à risque. 28 Acte de naissance

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Un tiers des enfants (35,9%) déclare n’avoir pas eu accès à l’école pour des raisons économiques. Mais la majorité de ces enfants n’a pas été scolarisée en raison de l’incapacité des parents à payer les frais de scolarité (34,7% contre 1,2% en raison de la nécessité pour l’enfant de travailler afin d’aider financièrement ses parents). On notera qu’une minorité d’enfants n’a pas été scolarisée en raison d’une inaccessibilité géographique (1,6% des enfants n’ont pas été scolarisés faute d’école à proximité). • Une volonté affichée, très claire, des parents, dans le cadre de l’enquête qualitative, de

scolariser leurs enfants Dans le cadre de cette enquête, 76,9% des parents concernés (13/15) ont déclaré n’avoir pas scolarisé leur enfant faute de moyens suffisants pour assumer les frais de scolarité, tandis que 7,7% avaient besoin que leur enfant travaille et seulement 7,7% jugeaient l’école inutile. Si les parents ont aujourd’hui certainement pris leurs distances par rapport à la valeur d’un diplôme, dès lors que le « papier » ne constitue plus une garantie d’emploi, en particulier d’accès à la fonction publique, comme cela a pu être le cas dans l’euphorie de l’après indépendance ou des années de forte croissance, cela ne remet pas en cause le principe de priorité à la scolarisation sur le travail (pour 70% des parents ayant répondu à cette question, soit 30/40), comme le soulignent les témoignages recueillis sur la valeur de l’école. L’école continue ainsi d’être perçue aussi bien par les enfants que par les parents comme un moyen de promotion sociale, qui à travers l’enfant, peut bénéficier à toute la famille. L’accès à l’éducation constitue, pour beaucoup d’entre eux, une chance d’accès à un emploi rémunérateur et valorisant (pour 65,7% des parents et 56,3% des enfants interrogés dans le cadre de l’enquête qualitative). A cet égard, nous le verrons plus loin, les stratégies que développent les parents en parallèle, à travers la mise au travail des enfants dans un cadre familial, vise à supplanter l’échec éventuel de la scolarité (et pas nécessairement l’échec d’une recherche d’emploi pour un diplômé). De leur côté, les enfants se montrent sensibles au mode de consommation qui accompagne la promotion professionnelle.

L’école comme un moyen de promotion sociale Mère de l’enfant 115, 35 ans, ivoirienne baoulé, déplacée de Mankono, Abengourou. Choisit en priorité l’école. « C’est l’école qui est bien. Comme moi je n’ai pas fréquenté, je ne peux pas être fonctionnaire. C’est à cause de ça j’ai choisi le maquis (..). C’est dans le commerce on peut avoir un peu d’argent pour aider la famille». Mère de l’enfant 14, 38 ans, ivoirienne, bété, Abidjan : « Ecole est bon. Si ton enfant va à l’école, qu’il connaît papier là, c’est pour t’aider aussi. Donc école là, ça me plaît beaucoup, je veux que mes enfants partent à l’école pour être quelqu’un aussi. » Père de l’enfant 82, 45 ans, ivoirien, bété, Zakoua (Daloa) : « L’école, je pense que quand j’envoie mon enfant il n’a qu’à bien arriver pour avoir un bon emploi que pour me dépanner ». Père de l’enfant 24, 44 ans, ivoirien, bété, Zakoua (Daloa) : « Notre ambition c’est de faire partir l’enfant à l’école pour devenir au moins ce que nous-même ne sommes pas devenus, c’est tout notre espoir ». Enfant 42, ivoirien, 16 ans, déscolarisé, ramasseur d’ordure, indépendant, Abidjan : « Quand tu fais l’école, après tu deviens un grand type. Un boss, tu as chez toi, tu as courant partout ».

Enfant 55, ivoirien, 14 ans, jamais scolarisé, pêcheur indépendant, Diboué (San Pedro) : «Moi dommage pour moi je n’ai pas fait école par manque de moyens. Quand tu vas à l’école, tu as eu beaucoup de diplômes, tu peux travailler(…) A l’école, on nous apprend tout, comment il faut vivre, comment il faut être patron demain ». Enfant 91, ivoirien, 12 ans, élève de 6ème, déplacé de Man, Abengourou : « Sans l’école là tu peux rien faire. Si tu n’es pas parti à l’école, après quand tu vas voir tes camarades, vous avez fait l’école primaire ensemble, lui il a continué, to tu as laissé l’école. Il est dans une jolie voiture, il est bien sapé ». Enfant 32, malien, 14 ans, déscolarisé, apprenti cordonnier, Daloa : «Quand tu fréquentes, ça apprend à faire beaucoup de truc quoi. Grâce à l’école tu peux faire les métiers, les grands métiers. Et puis quand tu viens faire un métier, pour connaître c’est facile. Et si ton papa ou ta maman a besoin d’écrire une lettre, tu peux écrire pour eux.» Enfant 97, ivoirienne, 12 ans, élève en classe de CM1, déplacée de Bouaké, Abengourou : « Un jour tu peux sortir ministre, directeur. Tu peux sortir commerçant si tu connais les maths ».

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Pour 42% des enfants interrogés, en particulier ceux qui vont à l’école, contre 27,5% des parents, la valeur principale de l’école c’est la préparation à la vie d’adulte, le développement des compétences personnelles, la formation aux choses de la vie. Pour les parents ou les enfants les plus défavorisés, la scolarisation a pour objectif principal l’alphabétisation. L’avancement dans les études, afin d’accroître les chances de promotion économique et sociale, n’est même pas envisagé. Autrement dit, les parents les plus défavorisés sont prêts à consentir des sacrifices pour permettre à leur enfant de savoir au minimum lire et écrire, mais le coût d’opportunité semble trop élevé ensuite. Ce qui explique donc en grande partie le fait que les enfants quittent l’école au cours du primaire, à fortiori s’ils rencontrent des difficultés dans leur parcours scolaire.

L’école comme l’acquisition d’un minimum de connaissances Mère de l’enfant 109, 40 ans, ivoirienne, Agni, déplacée de Séguéla, Abengourou : « Il faut que l’enfant soit instruit. Si l’enfant n’est pas parti à l’école, il va travailler c’est beau parce qu’il y a l’argent tout près, mais le devant c’est ça qui est important pour moi. Donc je choisis l’école. Il faut savoir lire et écrire, c’est très important (…) Je vais me débattre, je vais pas laisser un des mes enfants traîner, je vais faire un effort pour qu’ils puissent aller à l’école». Mère de l’enfant 86, 42 ans, ivoirienne, Bété, déplacée de Dibobli (Duékoué), Soubré : « il vont savoir écrire leur nom, ils vont savoir rédiger une lettre avant de faire quoique ce soit, parce que quelqu’un va connaître ton secret, alors que toi même tu peux écrire ça sur papier. Il faut savoir rédiger ta lettre d’abord, avant de parler de travail. » Père de l’enfant 9, 87 ans, ivoirien, kroumen, Diboué (San Pedro) : « L’école c’est une bonne chose, ça amène l’enfant à être libre : si tu sais lire, tu sais écrire, c’est ça qui est bon ».

Père de l’enfant 80, 43 ans, ivoirien, Guéré, Guiglo : « L’école c’est une bonne chose, même si tu n’es pas allé loin, si tu sais écrire ton nom ça va. Je veux que mes enfants ils savent écrire leur nom, moi c’est mon objectif ». Enfant 27, ivoirienne, 12 ans, jamais scolarisée, travaille dans un maquis, vit chez sa grand-mère : « L’école c’est bon. Parce qu’on parle français, à cause de ça c’est bon. » Enfant 1, ivoirien, 15 ans, pêcheur, déscolarisé, Diboué (San Pedro) : « Nous qui sont au village là, on ne fréquente pas pour devenir grand quelqu’un ou bien on ne fréquente pas pour travailler, pour devenir les ministres, mais nous on fréquente pour au moins sais écrire ton nom. Tu as fait CM2, ça t’arrange. C’est ce que nous on cherche ».

Toujours dans le cadre de l’enquête qualitative, parmi les enfants concernés qui ont pu répondre à la question (17/31), 52,9 % ont déclaré n’être jamais allés à l’école car leur parents n’avaient pas les moyens d’assumer les frais de scolarité, contre 17,6% qui avaient suivi une instruction coranique, et 11,8% qui avaient été pénalisés par l’absence du père (décès, séparation) au moment d’entrer à l’école. Et si 45% d’entre eux ne savaient tout simplement pas pourquoi leurs parents ne les avaient pas mis à l’école, la plupart des enfants ont spontanément souligné le désir de leurs parents de les mettre à l’école sans pouvoir le faire, quelque soient les raisons avancées. A cet égard, il s’est avéré fréquent que, dans une même famille, les enfants connaissent des statuts scolaires différents (scolarisés, non-scolarisés, déscolarisés) qui s’expliquent tout autant par la trajectoire personnelle de chaque enfant que par l’histoire familiale (évolution négative ou chute brutale des revenus, séparation, etc ; événements « pénalisant » l’enfant qui est, au même moment, en âge d’aller à l’école). Ces variations, loin de traduire un désintérêt général vis à vis de l’école reflètent simplement la vulnérabilité du principe reconnu de scolarisation de l’enfant au sein même d’une famille. • Un coût d’opportunité plus élevé pour les filles La pauvreté constitue un obstacle à la scolarisation des enfants en général, mais en imposant aux parents un arbitrage, elle exacerbe les obstacles culturels à la scolarisation des filles. En 1995, seulement 30% des filles contre 38% des garçons des ménages du quintile le plus pauvre étaient

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scolarisés dans le primaire, et respectivement 4% des filles contre 27% des garçons dans le secondaire29.

Tableau 42 : Répartition des enfants jamais scolarisés selon le sexe et la raison de non-scolarisation

Insuffisance de moyens pour payer les frais de scolarité

Nécessiter de travailler pour

aider financièrement

mes parents

Mes parents jugeaient l'école

inutile

Absence d'école à

proximité de mon lieu

d'habitation

Je juge l'école inutile

Autre Total

134 4 178 7 27 9 359 37,3% 1,1% 49,6% 1,9% 7,5% 2,5% 100,0% Féminin

76,1% 66,7% 67,2% 87,5% 75,0% 56,3% 70,8% 42 2 87 1 9 7 148

28,4% 1,4% 58,8% 0,7% 6,1% 4,7% 100,0% Masculin

23,9% 33,3% 32,8% 12,5% 25,0% 43,8% 29,2% 176 6 265 8 36 16 507

34,7% 1,2% 52,3% 1,6% 7,1% 3,2% 100,0% Total

100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

Comme l’indique le tableau statistique ci-dessus, les deux sexes sont vulnérables aux contraintes économiques, mais les filles sont plus exposées. Et c’est bien le coût direct de la scolarisation qui est davantage préjudiciable aux filles. Si la nécessité d’aider financièrement les parents comme obstacle initial à leur scolarisation pèse de façon quasi-égale sur les deux sexes (1,4% des garçons contre 1,1% des filles), les filles sont, en effet, plus nombreuses à ne pas avoir été scolarisées faute de moyens pour supporter les frais de scolarité (37,3% d’entre elles contre 28,4% des garçons).

Des contraintes économiques qui pèsent davantage sur les filles Enfant 6, 14 ans, ivoirienne, jamais scolarisée, travaille dans un champs de manioc pour sa grande sœur, Yaoudé (Guiglo) : « C’est à cause de l’argent. Quand ma maman est venue, elle a dit que ma fille va fréquenter, je vais l’envoyer. Mon papa a dit non il faut la laisser, je vais la mettre à l’école. Quand ma maman m’a laissée, elle est partie, il m’a pas mise à l’école. Quand on parle aussi y a pas l’argent. C’est à cause de ça aussi je suis pas partie à l’école ».

Enfant 7, 8 ans, ivoirienne, jamais scolarisée, travaille dans un maquis chez son oncle : « Je veux que mon papa n’a qu’à me mettre à l’école. Mon papa il dit que il n’a pas l’argent, s’il trouve l’argent il va m’amener à l’école ».

Les résultats de l’enquête qualitative confirment ces tendances. Lorsque les parents, faute de moyens suffisants pour scolariser tous leurs enfants, doivent procéder à des arbitrages, ceux-ci se révèlent défavorables aux filles. S’ils étaient obligés de faire un choix, 54,2% des parents interrogés dans le cadre de l’enquête qualitative opteraient ainsi pour la scolarisation des garçons, contre 31% qui n’accorderaient aucune priorité selon le sexe. L’éviction des filles dans l’accès à l’école se justifie essentiellement par le fait qu’elles sont destinées à se marier, et que par conséquent l’investissement initial des parents dans leur scolarité bénéficiera en définitive au mari et à la belle famille. La scolarisation des filles est recherchée ou possible tant qu’elle n’exige pas des sacrifices directs, mais la dépense devient, pour les parents, irrationnelle, si les ressources viennent à manquer ou sont insuffisantes.

29 Esim, S. « Gender Equity Concerns in Public Expenditures : Methodologies and Country Summaries », Working Paper, October 1995.

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Un investissement inutile : destin matrimonial des filles

Père de l’enfant 31, 50 ans, ivoirien, kroumen, Diboué (San Pedro) : « Le premier il est allé à l’école, mais nous n’avons pas les moyens, donc il est maintenant à la pêche avec moi. Et les autres c’est par manque de moyens, je ne pouvais pas mettre tous à l’école et puis payer les fournitures, voilà comment j’ai mis certains à l’école et le reste pour m’aider. Je n’ai pas décidé de mettre les filles à l’école. Parce que du jour au lendemain elles seront mariées, ça n’a pas d’importance. Quand je vais les mettre à l’école, c’est comme si je gaspillais l’argent encore, donc j’étais obligé de mettre mes garçons à l’école pour qu’ils me rapportent quelque chose ». Père de l’enfant 23, ghanéen, Abidjan : « s’il y a un problème c’est le garçon qui va me venir en aide. La fille, elle ira se marier vivre ailleurs avec son mari ».

Mère de l’enfant 52, 35 ans, ivoirienne, guéré, Yaoudé (Guiglo) : « je mets les garçons à l’école parce que le garçon. Si c’est femme, elle peut se marier, mais si c’est garçon il peut pas se marier parce qu’il n’a pas de travail » Mère de l’enfant 66, ivoirienne, malinké, Daloa : « je préfère mettre les garçons à l’école parce que les femmes, elles ne connaissent rien, le mariage est vite fait même si elles se débrouille bien en classe, le mariage est toujours bien parti du côté des papas donc je me concentre beaucoup sur les garçon »

Inversement, la priorité accordée à la scolarisation des garçons plutôt que des filles, lorsque des arbitrages sont nécessaires se justifie, pour les parents, par le fait que c’est le garçon qui est appelé, non seulement à être un soutien de famille, mais également à succéder à son père.

Un investissement nécessaire sur le garçon : héritier du patrimoine familial Père de l’enfant 62, 71 ans, ivoirien, guéré, Yaoudé (Guiglo) : « je mets garçon à l’école, chez nous c’est garçon qui te remplace. Maison que j’ai là même, si je meurs aujourd’hui, c’est mes garçons, dans notre coutume si je meurs aujourd’hui, c’est mon premier enfant là qui est garçon, c’est pour lui tout ce que je fais » Père de l’enfant 67, 36 ans, ivoirien, bété, Zakoua (Daloa) : « c’est les garçons je dois soutenir pourquoi, parce que

c’est le garçon qui doit me remplacer. Quant aux filles, elles vont aller réussir, aller chez leur mari » Oncle de l’enfant 117, 42 ans, ivoirien, sexe masculin, déplacé de Kounahiri (Mankono), Marcory, Abidjan. En cas de problème, maintient en priorité les garçons à l’école : « Parce que la famille africaine on dit les garçons d’abord. C’est le garçon qui va te représenter demain ».

La carte de l’investissement scolaire apparaît également plus secondaire pour les parents d’enfants étrangers que pour les ivoiriens. D’une façon globale :

- le coût direct de la scolarisation (frais de scolarité) pèse davantage sur les enfants ivoiriens (36,3% d’entre eux) que sur les étrangers (29,4% d’entre eux n’ont pas été scolarisés faute de moyens pour les parents de payer les frais de scolarité)

- le coût indirect de la scolarisation (revenus du travail de l’enfant) pèse davantage sur les enfants étrangers (1,7% d’entre eux) que sur les ivoiriens (1% d’entre eux n’ont pas été scolarisés car leurs parents avaient besoin qu’il travaillent pour les aider financièrement)

- le coût d’opportunité ou la défiance culturelle pèse davantage sur les étrangers (58,8% d’entre eux) que sur les ivoiriens (50,3% d’entre eux n’ont pas été scolarisés car les parents jugeaient l’école inutile). Ainsi 54,5% des enfants burkinabés et 63,5% des autres enfants ouest-africains, contre 50,3% des ivoiriens, n’ont pas été scolarisés parce que leurs parents jugeaient l’école inutile. Cela s’explique en grande partie par le fait que ceux-ci sont souvent des actifs du secteur agricole, fortement captateur de main d’œuvre familiale30.

- l’inaccessibilité géographique pèse davantage sur les enfants étrangers (3,4% d’entre eux) que sur les ivoiriens (1% n’ont pas été scolarisés faute d’école à proximité). 3,6% des enfants burkinabés et 3,2% des autres enfants ouest africains concernés n’ont pas été scolarisés faute d’école à proximité de leur lieu d’habitation. Ceci peut s’expliquer pour les enfants de

30 Pour plus de détails, deux études ont été menées récemment sur le travail des enfants dans les plantations de cacao : une étude quantitative « Etude sur les pratiques de travail dans les plantations de cacao en Côte d’Ivoire », CEPRASS / IITA (juin 2002) / une étude qualitative « Le travail des enfants dans les plantations de cacao en Côte d’Ivoire », CEPRASS / IITA/BIT (juin 2002).

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planteurs étrangers, pour lesquels il arrive plus fréquemment de vivre dans les campements, dont les champs sont situés le plus souvent loin du village.

2 - Les freins « culturels » : une menace pour une fille sur deux

• Une non-scolarisation motivée par la perception d’une école inutile pour un enfant sur deux Un enfant sur deux (52,3%) a déclaré n’être jamais allé à l’école car leurs parents considéraient que c’était inutile. La réponse exprimée par ces 265 enfants (sur 513 concernés) peut ne pas refléter entièrement les raisons réelles de la non-scolarisation, et être, pour certains, l’expression : i) d’un discours des enfants, trop fiers pour reconnaître l’incapacité de leurs parents à les mettre à l’école. A cet égard on constate que ce sont les enfants plus âgés, et en particulier les adolescents, qui ont donné cette réponse : 57,6% des enfants actuellement âgés de 10-14 ans et 51% des 15-17 ans, contre 40% des 9-6 ans. Inversement, deux enfants sur trois de 6-9 ans (57,5%) contre un enfant sur trois âgés de 10-14 ans (32,07%) et de 15-17 ans (36,1%) ont admis n’être jamais allés à l’école, faute pour leurs parents de moyens suffisants pour payer leur scolarité. Cette tendance pourrait aussi s’expliquer par la paupérisation des populations et la crise qui touche la RCI depuis 1999, mais l’écart paraît malgré tout trop important. ii) d’un discours des parents eux-mêmes faits aux enfants pour les mêmes raisons : « pudeur » ou fierté de ne pas reconnaître, devant son enfant son incapacité à le mettre à l’école iii) de l’interprétation faite par les enfants eux-mêmes de la décision des parents : ce qui n’est que l’expression d’un arbitrage imposé par les contraintes économiques sur les parents apparaît aux yeux de l’enfant comme un choix exprimant un rejet de l’école. En tout état de cause, « l’inutilité » de l’école exprime ici assurément un conflit de valeurs. La scolarisation vient ainsi menacer l’enseignement familial des valeurs traditionnelles et religieuses, et la non inscription de l’enfant à l’école formelle exprime notamment :

� le choix d’une autre option éducative : l’inscription dans une école coranique 20,4% des enfants qui ne sont jamais allés à l’école parce que leurs parents considéraient que l’école était inutile ont, en fait, fréquenté une école coranique. La moitié d’entre eux sont des filles. Par conviction religieuse, de nombreux parents en Côte d’Ivoire préfèrent envoyer leurs enfants à l’école coranique plutôt que dans les établissements d’enseignements laïc31. Au niveau de notre enquête, 2,6% des enfants de l’échantillon global (66/2503) fréquentent ou ont fréquenté l’école coranique. 92,4% de ces enfants (61) n’ont jamais été scolarisés dans l’école formelle, et parmi eux, 88,5% parce que leurs parents jugeaient cette école inutile (54). Lorsque l’on examine la raison de la non-scolarisation avec l’origine ethnique des enfants, on s’aperçoit que les enfants Mandé du Nord, Voltaïques/Gur et les enfants naturalisés sont proportionnellement les plus vulnérables à la non-scolarisation par défiance vis à vis de l’école : 78,8% des Mandés du Sud, 66,7% des Voltaïques/Gur et 88,9% des enfants naturalisés, n’ont pas été scolarisés parce que leurs parents jugeaient l’école inutile contre 30,3% des Krou, 40,2% des Akan et 37,5% des Lagunaires (pour lesquels les contraintes liées à l’incapacité de payer les frais de scolarisation ont davantage pesé, soit 46,5%, 49,6%, 50% des raisons avancées dans chacun de ses groupes). Les trois premiers groupes ont, par ailleurs, été identifiés comme étant les plus marqués par la sous-scolarisation de l’enfant en général (voir première partie), qui s’explique tout autant par la plus grande incidence de la pauvreté dans les mêmes zones d’influence culturelle que par un très grand

31 Au niveau national, en 1998, les effectifs des écoles coraniques représentaient 4,23% de la population enfantine concernée (contre 3,97% en 1993).

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attachement aux valeurs religieuses et traditionnelles, et à l’égard desquelles l’école est perçue comme rentrant directement en conflit.

� La défense des traditions culturelles pesant sur les filles C’est en définitive les discriminations de genre qui pèsent le plus dans les raisons de la non-scolarisation. Trois enfants sur quatre (76,2%) qui n’ont jamais été scolarisés pour cette raison (178/265) sont des filles (alors qu’elles représentent 61% de l’échantillon d’enquête global), et ce quelque soit leur appartenance ethnique : 32% d’entre elles sont Mandé du Nord (contre 36% des garçons concernés), 25% Akan (contre 24,10% des garçons), 22% Krou (contre10,3% des garçons) et 15,2% Voltaïques/Gur (contre 13,8% des garçons). Le statut de la femme dans la société se définit par son statut d’épouse et de mère. Toute l’éducation des filles est orientée dans ce sens, et la scolarisation, non seulement peut apparaître accessoire mais également « desservir » cet objectif : en retardant l’âge du mariage, elle augmente la charge financière des parents soit de façons directe (prise en charge), soit indirectement (augmentation de la dot avec l’âge) et compromet les chances d’une fécondité nombreuse (âge au premier enfant retardé, contraception). . Des études de la Banque Mondiale32 ont ainsi mesuré l’influence de certains facteurs comme le sexe de l’enfant, le niveau d’éducation du chef de ménage ou le niveau de vie du ménage sur la scolarisation des enfants de 6 à 9 ans, dans neuf pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. En Côte d’Ivoire, une fille, parce qu’elle est une fille a 17% de chances en moins qu’un garçon d’être scolarisé. Parallèlement, l’écart de points entre la scolarisation des enfants d’un ménage pauvre et ceux d’un ménage aisé est plus faible : 9% de chances en moins d’être scolarisés pour les enfants du premier.

32 Country Household Surveys, SHSDB, 1998.

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C – UN PARCOURS SCOLAIRE INCERTAIN POUR CEUX QUI ON T FRANCHI LA BARRIERE DE L’ENTREE

1 - Des enfants qui cumulent les retards scolaires Lorsque les informations ont pu être données, on constate que les enfants qui vont actuellement à l’école enregistrent des retards sensibles dans l’avancement d’une classe à l’autre. Les retards sont encore plus importants s’agissant des niveaux atteints par les enfants déscolarisés et l’âge qu’ils avaient au moment où ils ont quitté l’école, ce qui explique la déscolarisation principalement motivée par les redoublements répétés comme on le verra plus loin. Le tableau ci-dessous indique que les enfants, quelque soit leur sexe, accusent un retard dès le premier niveau d’étude, ce qui s’explique surtout par une scolarisation tardive33 mais peut-être également en raison des redoublements déjà à ce niveau (surtout pour les enfants déscolarisés puisqu’il s’agit ici du dernier niveau atteint avant déscolarisation).

Tableau 43 : Répartition des enfants selon âge, leur sexe et leur scolarisation

Scolarisés Déscolarisés Classe Age Légal Filles Garçons Effectifs Filles Garçons Effectifs

CP1 6 ans 8 7,1 42 7,1 9 13 CP2 7 ans 8 8,7 56 9,3 9,4 31 CE1 8 ans 9,4 9,5 77 10,4 10,6 59 CE2 9 ans 10,7 10,9 82 11,7 11,3 65 CM1 10 ans 11,2 12,1 103 12,8 13 33 CM2 11 ans 12,7 13,1 177 13,7 13,2 83 6ème 12 ans 14 14,2 62 13,6 14 6 5ème 13 ans 14,6 14,3 40 14 15 3 4ème 14 ans 15,5 15,6 49 15 1 3ème 15 ans 15,7 16,2 34 16,5 15 5 2de 16 ans 16,3 16 9 1ère 17 ans 17 15 3 Tle 18 ans 17 2

Jusqu’en classe de CE2, les filles et les garçons ont enregistré le même retard aussi bien chez les enfants encore scolarisés que les enfants déscolarisés. Ces derniers, accusent, par ailleurs, à chacun de ces niveaux une année supplémentaire de retard par rapport au premiers. C’est ainsi que les élèves de CE2 ont presque deux ans de retard sur le cursus normal (10,7 ans pour les filles et 10,9 ans pour les garçons) tandis que les enfants qui ont quitté l’école en classe de CE2 avaient déjà enregistré presque trois ans de retard (11,7 ans pour les filles et 11,3 ans pour les garçons). C’est à partir de la classe de CM1 que l’écart se creuse entre les deux sexes parmi les enfants encore scolarisés34 ; les garçons sont plus âgés que les filles, et cet écart se maintient jusqu’en 3ème . En classe de CM2, tous les enfants, y compris ceux qui sont restés à l’école, sont affectés par la barrière de l’entrée en sixième : l’écart par rapport à l’âge légal s’est accentué aussi bien chez les élèves que les déscolarisés, touchant de façon similaire les filles et les garçons. A ce niveau d’études, les filles encore scolarisés accusent le plus faible retard par rapport aux autres (12,7 ans), ce qui explique certainement leur maintien à l’école, tandis que les filles qui ont quitté l’école à ce moment là enregistraient le retard le plus élevé par rapport aux autres (13,7 ans).

33 Les taux de fréquentation scolaire par région selon l’année d’âge (tirés du RGPH 1998) indiquaient en 1998 que seulement 33,1% des enfants de 6 ans étaient scolarisés (âge de la scolarisation obligatoire), contre 46,5% des enfants de 7 ans, 51,9% des enfants de 8 ans. Ce taux atteint un pic à l’âge de 9 ans ( 57,4%), avant de commencer à décroître ensuite dans les tranches d’âge supérieures. 34 MICS 2000 : Seulement 70% des enfants atteignent le CM1.

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Une fois les enfants arrivés en sixième, les écarts de genre se nivellent, aussi bien chez les enfants encore scolarisés que chez les enfants qui ont quitté l’école à ce moment là. La barrière du CM2 a été déterminante dans la déscolarisation des enfants, en particulier des filles, puisque l’écart d’âge entre celles qui ont quitté l’école en sixième et celles qui ont quitté l’école en CM2 est inexistant, et minime pour les garçons, alors qu’il est très important chez les enfants encore scolarisés (14 ans en sixième pour les filles contre 12,7 ans en CM2, et 14,2 ans pour les garçons en sixième contre 13,1 en CM2). • Une scolarité qui doit s’accommoder d’une activité parallèle Les enfants qui ont/ont eu la chance d’aller à l’école connaissent un parcours scolaire chaotique et incertain, certainement en raison des conditions d’enseignement et de sélection à l’intérieur du système éducatif, mais également compte tenu du fait qu’ils travaillent tous parallèlement, pour des raisons tant éducatives qu’économiques35. Cette mobilisation de l’enfant au sein de l’espace familial, non seulement laisse peu de temps au repos et à l’étude, deux facteurs de réussite scolaire, mais peut encourager l’abandon progressif de la scolarité, comme en témoignent les propos recueillis auprès des enfants.

Le paradoxe du travail : une condition et une menace de la scolarité Enfant 21, ivoirien, 16 ans, élève de 5ème, ramasseur d’ordure et portefaix au marché, indépendant, San Pedro : « Je fais ça pour aider mon papa dans mes études. Les mardi je n’ai pas cours donc je suis ici. A 18h00 je vais à la maison pour étudier jusqu’à 23h00. A 4h00 du matin, je me lève pour étudier et à 6h00 je m’en vais à l’école. Je me repose les dimanches (…) L’argent que je gagne je prends pour aller à l’école pour mon déjeuner et l’autre pour payer mes cahiers, mais l’argent seul ne peut pas pour m’inscrire, payer les livres tout ça. Mon père m’aide aussi». Mère de l’enfant 66, ivoirienne, malinké, Daloa : « c’est quand elle a commencé l’école que F. a commencé à se débrouiller avec moi au marché. Le jour où F. va à l’école le matin moi-même je fais sortir les oignons, les tapettes pour vendre. Quand F. revient à midi, je revient à la maison et puis ma fille reste là pour gérer. Le jour F. ne va pas à l’école le matin, elle vient faire sortir tous les oignons et les tapettes, elle vend jusqu’à midi avant de partir à l’école »

Enfant 1, ivoirien, 15 ans, pêcheur, déscolarisé, Diboué (San Pedro) : « Quand on vient au village, on pêche, quand on gagne de l’argent ça nous empêche, quand on voit l’argent rapide là au lieu d’aller rester à l’école là-bas toujours manger galettes 100F, aller à l’école. Quand nous on pêche au village, il y a des fois, les paniers de crabes quand nos mères vendent ça en ville là-bas il y a des fois ils viennent avec au moins 10000 F, donc quand on voit l’argent comme cela on pense pas maintenant aller à l’école. Tu n’arrives pas, le maître vient, dit à ton papa ton fils que tu as mis à l’école quand il va à l’école il n’arrive pas à l’école. Ton papa aussi peut te dire, si je t’ai mis pour que tu puisses connaître papier, que tu ne veux pas aller à l’école si tu veux rester au village il n’y a pas de problème».

2 - Une déscolarisation qui a touché un enfant travailleur sur quatre 25,8% des enfants travailleurs interrogés ont fréquenté l’école mais n’y sont plus actuellement. La proportion d’enfants qui ne sont jamais allés à l’école varie sensiblement d’une tranche d’âge à l’autre : 18,6% des 6-9 ans, 18,7% des 10-14 ans et 23% des 15-17 ans. Par contre, celle des enfants qui vont à l’école évolue de façon inversement proportionnel avec l’âge.

35 Voir les développements ultérieures sur les processus de mise au travail / valeur du travail des enfants.

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Tableau 44 : Répartition des enfants travailleurs selon leur âge et leur situation scolaire actuelle

Scolarisé Déscolarisé Jamais scolarisé Total 266 14 64 344

77,3% 4,1% 18,6% 100,0% 6 à 9 ans

19,8% 2,2% 12,5% 13,7% 763 156 212 1131

67,5% 13,8% 18,7% 100,0% 10 à 14 ans

56,8% 24,1% 41,3% 45,2% 315 477 237 1029

30,6% 46,4% 23,0% 100,0% 15 à 17 ans

23,4% 73,7% 46,2% 41,1% 1344 647 513 2504

53,7% 25,8% 20,5% 100,0% Total

100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

• Une déscolarisation qui touche les adolescents (10-14 ans), quelque soit leur sexe. L’age moyen d’interruption scolaire est de 11,7 ans. 72,7% des enfants concernés (71,8% des filles et 74,4% des garçons) ont arrêté l’école entre 10 et 14 ans, contre 17,3% avant 10 ans et 10% après 15 ans. Neuf enfants sur dix (90%) ont arrêté l’école avant d’atteindre l’âge de 15 ans. Ainsi, 77,3% des enfants de 6-9 ans et 67,5% des adolescents de 10-14 ans sont scolarisés, contre 30,6% des jeunes de 15-17 ans. Parallèlement, 46,4% des jeunes de 15-17 ans sont déscolarisés, cette tranche d’âge constituant 73,7% de la population des déscolarisés. • Une déscolarisation qui intervient avant l’entrée en sixième Sur les 604 enfants concernés par cette question, seuls 48% (314) ont indiqué le niveau atteint avant d’arrêter l’école. Parmi eux, plus de neuf enfants sur dix (94,6%) ont arrêté l’école avant même d’atteindre le collège, et plus de la moitié (56,4%) ne sont pas allés plus loin que le CE2.

Tableau 45 : Répartition des enfants déscolarisés selon le sexe et le niveau d’étude atteint

CP1 CP2 CE1 CE2 CM1 CM2 6eme 5eme 4eme 3eme Total 11 16 43 50 19 51 5 3 3 201

5,5% 8,0% 21,4% 24,9% 9,5% 25,4% 2,5% 1,5% 1,5% 100,0% Féminin

73,3% 48,5% 67,2% 76,9% 55,9% 59,3% 83,3% 75,0% 50,0% 64,0% 4 17 21 15 15 35 1 1 1 3 113

3,5% 15,0% 18,6% 13,3% 13,3% 31,0% 0,9% 0,9% 0,9% 2,7% 100,0% Masculin

26,7% 51,5% 32,8% 23,1% 44,1% 40,7% 16,7% 25,0% 100,0% 50,0% 36,0% 15 33 64 65 34 86 6 4 1 6 314

4,8% 10,5% 20,4% 20,7% 10,8% 27,4% 1,9% 1,3% 0,3% 1,9% 100,0% Total

100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

Les filles abandonnent encore plus tôt que les garçons dans le primaire puisque 59,7% d’entre elles n’atteignent pas le CM1 contre 50,4% des garçons. Les garçons sont plus enclins à abandonner l’école entre le CM1 et le CM2 (44,3% d’entre eux abandonnent à ce moment là, contre 34,9% des filles). La barrière que constitue le concours d’entrée en sixième est décisive pour près d’un tiers des enfants, et ce quelque soit leur sexe : 27,4% ont arrêté l’école en classe de CM2 (25,4% des filles et 31% des garçons). Aucun élève n’est allé au delà de la troisième, classe atteinte par seulement 1,9% des enfants concernés.

54

• Une déscolarisation essentiellement dictée par les difficultés scolaires Des résultats scolaires insatisfaisants : une déscolarisation sur deux. Plus de la moitié des enfants concernés (57,9%) a quitté l’école en raison des difficultés rencontrées à l’école.

Tableau 46 : Répartition des enfants déscolarisés selon le sexe et la raison de la déscolarisation

Difficultés financières de mes parents

L'opportunité de travailler s'est

présentée

Echec à un examen scolaire

Redoublements répétés à l'école

Grossesse / Mariage

Autre Total

123 9 52 173 4 35 396 31,1% 2,3% 13,1% 43,7% 1,0% 8,8% 100,0% Féminin

69,5% 42,9% 65,8% 64,1% 100,0% 67,3% 65,7% 54 12 27 97 17 207

26,1% 5,8% 13,0% 46,9% 8,2% 100,0% Masculin

30,5% 57,1% 34,2% 35,9% 32,7% 34,3% 177 21 79 270 4 52 603

29,4% 3,5% 13,1% 44,8% 0,7% 8,6% 100,0% Total

100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

44,8% des enfants concernés ont quitté l’école à la suite de redoublements répétés tandis que 13,1% à la suite d’un échec à un examen scolaire.

Redoublements répétés : l’entrée en sixième, le point de rupture Enfant 42, ivoirien, 16 ans, déscolarisé l’année précédente, ramasseur d’ordure, indépendant, Abidjan : « J’ai doublé beaucoup de classe (CP1, CP2, CE2, CM1). En CM2 mon papa est allé payer, mon maître a dit que c’est la dernière année, que si je double, il va m’enlever. Je n’ai pas eu l’entrée en 6ème. » Enfant 113, ivoirienne, 16 ans, ex-apprentie couturière, déplacée de Bouna, Abengourou : « J’ai quitté en CM2, parce que papier là ne rentrait pas. C’était trop dur. C’est moi même qui ait décidé d’arrêter l’école. Mon papa a dit que c’est bon, d’apprendre la couture, c’est là j’ai dit d’accord ». Père de l’enfant 85, 43 ans, ivoirien Bété, déplacé de Vavoua, Sapia (Daloa) : «L’école d’abord. C’est à partir du CM2, on peut décider. S’il a déjà fait échec une fois à l’entrée en sixième une fois, deuxième fois il faut essayer, si ça n’a pas marché pour la troisième fois, il faut l’envoyer en centre de formation ».

Les contraintes économiques : une déscolarisation sur trois. Un tiers des enfants (32,9%) a cependant quitté l’école pour des motifs économiques : 29,4% ont arrêté l’école en raison des difficultés financières rencontrées par leurs parents et 3,5% parce que l’opportunité de travailler s’est présentée.

Incapacité des parents à payer les frais de scolarité Mère de l’enfant 25, ivoirienne, yacouba, Abidjan : « Cette année, je n’ai pas l’argent pour payer ses trucs, c’est la couture qu’elle va faire maintenant. Son papa travaille pas, elle peut pas continuer. Quand il travaillait avant, les enfants eux-tous ils partaient à l’école, cette année aucun ». Enfant 32, malien, 14 ans, déscolarisé, cordonnier, Daloa : « Mon papa n’avait pas l’argent pour payer l’argent de fin du mois, l’argent du directeur, 15000, c’est là ils m’ont renvoyé ».

Enfant 9, ivoirien, 16 ans, déscolarisé, pêcheur, Diboué (San Pedro) : « Il y a avait pas l’argent c’est pour ça que je suis sorti de l’école. C’est mon papa lui même qui a dit ça. Pour aller coudre mes habits il dit qu’il n’y a pas l’argent, et tous mes amis m’ont laissé pour aller à l’école. Actuellement, mes amis font 3ème, 5ème, il y a d’autres qui font 4ème. »

Le décès des parents, et en particulier du père constitue un facteur de vulnérabilité à la déscolarisation, quelque soient les résultats scolaires. Le décès, en même temps qu’il fragilise la situation économique de la famille, provoque une rupture dans la vie de l’enfant qui sera alors recueilli au sein de la famille élargie. Ce placement s’accompagne alors souvent d’une rupture scolaire.

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Le décès d’un parent : rupture de la vie scolaire

Enfant 3, ivoirien, 16 ans, déscolarisé, pêcheur pour son oncle, Diboué (San Pedro) : « Je fréquentais, mon papa est décédé. J’étais au CM2, il restait un mois pour aller à l’examen, j’ai pris courage pour aller à l’examen. J’ai eu mon CEPE, j’allais en 6ème. La petite sœur de mon père m’a dit, petit, il faut arrêter c’est bon. Moi aussi je suis allée à l’école, je n’ai rien fait. Et puis ton papa est décédé, nous on n’a qu’à rester pour vivre ensemble. Mon oncle m’a dit de venir chez lui. Il m’a dit je vais payer filets, tu vas pêcher ».

Enfant 25, ivoirien, 15 ans, déscolarisé, porteur de bagage, indépendant (Abidjan) : « Mon papa est décédé, ma maman est décédée. Quand mon papa est décédé, il n’y a personne qui va payer école pour nous. C’est mon grand frère qui a dit que la petite sœur de ma maman n’a qu’à m’emmener à Abidjan. (..) Je n’ai pas demandé (d’aller à l’école) parce que quand je suis à Abidjan ici, si Dieu dit je vais fréquenter ou bien si Dieu me donne travail, c’est que c’est Dieu même qui m’a donné. Je suis là je fais rien.

• Le maintien à l’école : un équilibre fragile entre deux coûts d’opportunité

Les parents semblent vouloir continuer de jouer la carte de l’investissement scolaire aussi longtemps qu’ils le peuvent, et en dépit de trajectoires scolaires en pointillés (redoublements, multiples transferts entre les structures d’enseignement public et privé). Mais cet effort prend fin soit après un ultime échec scolaire de l’enfant, devenu également trop âgé, soit en raison d’une fragilité économique accrue ou soudaine. Le fait que des enfants quittent l’école parce qu’une opportunité de travailler s’est présentée montre combien l’équilibre est souvent fragile. A cet égard, si pour 53,6% des parents rencontrés dans le cadre de l’enquête qualitative, et concernés par cette question (18/40), ce sont les difficultés financières (50%) ou la nécessité pour l’enfant de contribuer aux revenu du ménage (3,6%), qui ont justifié le retrait de l’école de l’enfant, cette décision a souvent été prise après le constat fait d’une scolarité laborieuse de l’enfant.

Un coût d’opportunité qui devient trop élevé en cas de difficultés scolaires Père de l’enfant 62, 71 ans, ivoirien d’ethnie guéré, Yaoudé (Guiglo) : « Si l'enfant est droit pour aller à l'école, il va continuer à l'école. Maintenant il s'en va à l'école, tu dépenses, tu dépenses lui il ne bouge même pas, il est là, il va faire CP1 là deux ans, trois ans, avant de bouger encore CP2 un, deux ans encore. Si papier là ne rentre pas dans sa tête il va chercher quelque chose encore, tu l’envoie à la maison tu lui donnes machette ou daba, ce que toi tu fais pour manger, tu lui prends ça, c'est ça lui aussi il va faire pour manger ». Enfant 71, ivoirienne, 13 ans, travailleur rémunéré dans un maquis, San Pedro : « Quand tu fais école, tu peux travailler, tu peux avoir beaucoup d’argent. Moi-même je ne connais pas papier, c’est ça j’ai décidé que je ne vais

plus à l’école, que je vais travailler. Parce que je ne connais pas papier je ne voulais pas gâter l’argent de mon papa cadeau. Je vais chercher pour moi-même, je vais travailler pour gagner l’argent. » Enfant 35, togolais, 14 ans, déscolarisé l’année dernière, apprenti tôlier, Abidjan : « Parce que j’ai fait le CM2 deux fois, je n’ai pas eu la chance d’entrer en sixième. J’ai arrêté par manque de moyens. Donc j’ai voulu apprendre un métier (…) Dans le public quand tu inscris l’enfant au début de l’année scolaire, il continue sa classe, il n’y a plus de droits de réinscription, il ne manque que les livres et les fournitures à payer. Le privé demande beaucoup de moyens ».

Comme l’indique le tableau statistiques ci-dessus, les différences sont minimes entre les filles et les garçons dans les raisons qui ont motivé la déscolarisation, en particulier devant l’échec à un examen scolaire (respectivement 13,1% des filles et 13% des garçons). Cependant, on constate que les filles sont légèrement plus vulnérables que les garçons à la déscolarisation liée aux difficultés financières des parents (31,1% d’entre elles contre 26,1% des garçons). Il peut néanmoins arriver que les arbitrages des parents soient fondés sur les compétences individuelles de chaque enfant, quelque soit son sexe, comme en témoignent certains propos recueillis auprès des parents.

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Un investissement stratégique : le plus intelligent, quelque soit le sexe Père de l’enfant 92, 50 ans, ivoirien, bété, déplacé de Bouaké (Zergbé, Soubré) : « Ceux qui sont sages, je les laisse à l’école. Les enfants on les met tous à l’école et ils s’en vont. Celui qui est intelligent, quand à l’autre il redouble tu peux rien faire (…) Il n’est pas question de femme ou de garçon, tout le monde est même chose». Père de l’enfant 82, 45 ans, ivoirien, bété, Zakoua (Daloa) : « On peut mettre fille comme garçon à l’école, celui qui est intelligent peut aller ».

Mère de l’enfant 115, 35 ans, ivoirienne baoulé, déplacée de Mankono, (Abengourou) : « Dieu aussi va faire qu’on va se débrouiller pour mettre tout le monde à l’école, moi je fais mon commerce, si je n’ai rien, je vais tout faire pour mettre mes enfants à l’école, même si je ne fais pas commerce, je vais aller au champs pour travailler et mettre mes enfants à l’école. Je peux pas choisir si c’est une fille ; garçon peut travailler mieux que la fille comme fonctionnaire, la femme aussi peut mieux travailler que le garçon. Si tu connais papier, il n’y a pas de problème, tu peux être même présidente ».

Ces résultats confirment tout autant la volonté des parents de scolariser aussi bien les filles que les garçons tant qu’ils réussissent à l’école, que les arbitrages défavorables aux filles lorsque les revenus du ménages ne permettent pas de scolariser tous leurs enfants, comme en témoignent les propos recueillis lors de l’enquête qualitative et cités plus loin. Pour finir, d’autres raisons ont été avancées par les enfants pour expliquer l’arrêt prématuré de leur scolarité (8,6%, soit 52 enfants). Parmi celles-ci, trois méritent d’être soulignées : 2,5% des enfants ont dû arrêter l’école pour des raisons de santé (maladie), 1,4% en raison des mauvais traitements infligés par les professeurs, et 0,6% pour défaut de présentation de l’acte de naissance (certainement à l’occasion d’un examen). • Une déscolarisation décidée par les enfants eux-mêmes Plus de la moitié (58,8%) des enfants concernés ont déclaré avoir décidé eux-mêmes de quitter l’école. A cet égard, 63,8% des garçons (qui sont aussi plus nombreux à avoir quitté l’école en raison des redoublements répétés) ont décidé seuls de quitter l’école contre 56,2% des filles. Cette décision s’explique certainement par la lassitude des enfants face à un parcours scolaire qui se rallonge en raison des redoublements répétés ou parfois même des interruptions, le malaise lié à leur âge par rapport au niveau atteint, ainsi que la pression alors grandissante des parents.

Une décision personnelle parfois prise sous la contrainte Enfant 65, ivoirien, 15 ans, déscolarisé, travaille dans un champs de manioc pour son père, Yaoudé (Guiglo): « C’est moi même qui ait arrêté. Pour partir en brousse avec mon papa. Parce que mon papa est seul au village et puis mon grand frère son pied le fait mal, lui il peut pas aller au champs. Parce que l’argent qu’on prend pour travailler c’est ça on prend pour payer manger et puis on mange». Enfant 2, ivoirien, 15 ans, travaille dans un champs de manioc pour son oncle, Yaoudé (Guiglo) : « Y a rien, quoi, parce que on était beaucoup et mon père n’avait rien pour nous mettre à l’école. Voilà pourquoi j’ai arrêté de faire école pour l’accompagner au champs, et puis il va faire pour mes petits frères. Si moi je fréquente et l’autre

aussi, le reste ils vont pas à l’école. Donc moi comme je suis assez grand, je dis non et puis moi j’ai arrêté l’école comme ça. »

Enfant 5, ivoirien, 17 ans, déscolarisé, travaille dans un champs de riz pour son père et a son propre champs de manioc, Zakoua (Daloa) : « Mon père il me décourage c’est à cause de ça j’ai arrêté. Il me met à l’école, je dis il n’a qu’à payer mon cahier, il dit il paye pas et puis il me donne pas jetons pour aller à l’école. C’est à cause de ça moi-même j’ai arrêté. Mais quand j’ai arrêté, il m’a insulté et frappé. »

Les parents, et en particulier le père, jouent un rôle dans la déscolarisation pour 35% des enfants concernés. A cet égard, il est intéressant de constater que la décision de déscolarisation est venue du père (pour 28% des enfants), aussi bien pour les filles (27,2% d’entre elles) que pour les garçons (29,5%). La mère joue un rôle marginal dans ce domaine (7% des enfants déscolarisés), et le cas échéant uniquement pour les filles (9,3% des filles contre 2,4% des garçons ont été déscolarisés sur sa décision). Or, on le verra plus loin la décision de mise au travail des enfants est sexo-centrée : les pères décident pour les fils, les mères décident pour les filles.

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Ces résultats peuvent être interprétés différemment : soit le domaine de la scolarité entre dans le champs de l’autorité paternelle, auquel cas le père décide de la scolarisation ou non de ses enfants, quelque soit leur sexe ; soit la mère a compétence également (dans tous les cas sur une base sexo-centrée) en matière d’éducation, en particulier pour les plus jeunes, mais elle est moins encline que le père à déscolariser ses enfants. Si l’on se réfère aux groupes ethniques, on se rend compte qu’il y a peu de différences entre eux : le père pèse toujours davantage que la mère dans le processus de déscolarisation. Dans le contexte culturel traditionnel ivoirien, c’est lui qui prend les grandes décisions concernant la scolarité de l’enfant, que ce soit pour la scolarisation ou le retrait de l’enfant de l’école. A cet égard, il convient de rappeler également que le niveau d’instruction du père a un impact plus important que celui de la mère sur la scolarisation de l’enfant. Le détenteur de la décision de déscolarisation n’est pas le même suivant les motifs. On observe ainsi que la décision vient de l’enfant lorsque la déscolarisation est motivée par les difficultés scolaires, en particulier les redoublements répétés : 55,6% des enfants qui ont décidé seuls de quitter l’école l’ont fait pour cette raison (soit 73% des déscolarisations motivées par les redoublements répétés, contre 19,6% prises par le père et 1,9% seulement par la mère). L’échec à un examen constitue l’autre motif d’interruption volontaire de l’école par l’enfant (soit 16,7% des décisions prises par l’enfant, et 74,7% des déscolarisation pour ce motif ont été choisies par l’enfant). A l’inverse, les enfants sont peu enclins à décider de quitter l’école en raisons des difficultés financières des parents : seulement 14,1% d’entre eux ont quitté volontairement l’école pour cette raison. Ce sont les parents qui interviennent dans ce cas : la mère lorsqu’elle intervient le fait pour ce motif là (64,3% de ses décisions de déscolarisation, mais celles-ci ne représentent que 15% des déscolarisations pour ce motif). De la même façon lorsque le père intervient dans la déscolarisation, il le fait surtout pour des raisons financières (50,3% de ses décisions, soit 48% des déscolarisations pour ce motif là), mais il est également très présent dans la déscolarisation pour motifs scolaires (31,4% de ses décision sont justifiées par les redoublements répétés et 9,5% pour échec à l’examen). Influence limitée du niveau d’instruction du père. Lorsque l’on rapproche le niveau d’instruction du père des raisons de la déscolarisation de l’enfant, on observe que celui-ci n’a aucune influence sur la déscolarisation en raison des difficultés scolaires : une proportion équivalente d’enfants ayant un père sans aucune instruction, un niveau d’études primaires ou même secondaire, a quitté l’école suite à un échec à un examen scolaire (respectivement 12,6%, 14,5% et 14,9% des enfants concernés) ou des redoublements répétés (respectivement 43,7%, 49,3% et 50,9% des enfants concernés). Par contre, les enfants déscolarisés ayant un père sans aucune instruction sont proportionnellement plus nombreux à avoir quitté l’école en raison des difficultés financières des parents (28,6% d’entre eux). Le niveau d’instruction du père constitue ici davantage un indicateur de vulnérabilité économique. • Une rupture éducative consommée avec la mise au travail Les résultats de l’enquête quantitative indiquent qu’une fois qu’ils ont quitté l’école, deux enfants sur trois (64,4%) ne semblent pas souhaiter y revenir : 38,5% déclarent ainsi préférer travailler plutôt que d’aller à l’école et 25,8% vouloir travailler pour aider leurs parents. Par ailleurs, 12,2% sont en apprentissage professionnel. Cependant, près d’un enfant déscolarisé sur quatre (23%) aimerait retourner à l’école mais se heurte : à la volonté des parents qui préfèrent qu’il travaille (12,5%), à la nécessité de travailler pour subvenir à ses besoins personnels (8,7%), aux contraintes d’un travail incompatible avec l’école (2,2%). L’enquête qualitative a permis de souligner la très grande frustration des enfants qui ont quitté l’école ou ne sont jamais allés à l’école. Au cours de l’entretien, certains enfants avaient les larmes aux yeux à l’évocation de celle-ci. La frustration est liée tout autant au sentiment d’exclusion que l’enfant ressent en comparant sa situation à celle des écoliers, qu’à la peine actuellement endurée dans le travail ou leur situation.

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Sentiment d’exclusion pour les enfants actuellement hors de l’école

Enfant 32, malien, 14 ans, déscolarisé, cordonnier, Daloa : « L’école…c’est dur. Ca me fait penser à…ça me fait penser à demain quoi. Que demain je peux devenir directeur, comme le directeur qui m’a chassé, et je peux travailler dans un bureau. Quand je vois mes anciens amis, je ne suis plus avec eux. Quand je les vois partir à l’école, ça me fait regretter quoi. Si demain je vois mes anciens amis en train de lire que moi-même je ne sais pas lire ça fait la honte quoi ». Enfant 6, 14 ans, ivoirienne, jamais scolarisée, travaille dans un champs de manioc pour sa cousine, Yaoudé (Guiglo) : « J’ai envie de partir à l’école. Si tu as un frère qui s’en va à l’école, toi tu es assis à la maison, tous tes parents s’en vont à l’école, toi seule tu es assis. Tes camarades s’en va à l’école, toi seule tu es au village, tu es assis. Moi ça me plaît pas, c’est à cause de ça moi je dis j’ai besoin d’école. Et puis, quand tu t’en vas à l’école aussi, tu deviens bien, et si tu connais papier aussi, tu deviens bien aussi. Si tu t’en va à l’école aussi, tu connais ton métier aussi». Enfant 7, 8 ans, ivoirienne, jamais scolarisée, travaille dans le maquis de son oncle : « J’ai envie de connaître papier, quand je vois mes camarades aller à l’école, quand il lit papier comme ça, ça me plaît trop. C’est à cause de ça j’ai envie de partir à l’école ».

Enfant 2, ivoirien, 15 ans, travaille dans un champs de manioc pour son oncle, Yaoudé (Guiglo) : « Si tu fréquentes, dans ton avenir tu vas devenir président. Si c’est l’école, si tu as fréquenté, si tu as grandi tu peux avoir les moyens de faire ce que tu veux. Ca me fait mal parce que mon papa n’a rien, il est pauvre. Voilà pourquoi ça me fait mal. Mes amis vont fréquenter et puis moi je reste au village pour accompagner au champs ». Enfant 3, ivoirien, 16 ans, déscolarisé, pêcheur pour son oncle, Diboué (San Pedro) : « L’école peut faire à quelqu’un pour qu’il travaille pour être instituteur, ingénieur, journaliste, tout. Mon papa est mort. Quand je vois mes amis aller à l’école, j’ai envie d’aller à l’école, mais y a personne qui pourra me pousser pour aller à l’école. » Enfant 55, ivoirien, 14 ans, déscolarisé, éboueur et portefaix, San Pedro : « Ecole là c’est bien parce que quand tu sais écrire, tu sais étudier bien, tu sais lire. Quand tu t’en vas au loin, tu peux gagner aussi ton travail pour faire. Dans ça, là, tu soulèves les bagages lourds, souvent tes épaules là te fait mal, tu marches…Quand tu vas à l’école, tu t’assoies tranquillement, tu étudies bien, ça t’arrange».

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IV - PROCESSUS D’ENTREE AU TRAVAIL A – UN TRAVAIL QUI COMMENCE AVANT L’AGE DE 12 ANS Les enfants travailleurs interrogés sont âgés en moyenne de 13 ans, mais ils ont commencé à travailler en moyenne à l’âge de 9 ans.

1. Des enfants actuellement âgés, en moyenne, de 13 ans 45,2% des enfants travailleurs interrogés (soit 1131) sont âgés de 10-14 ans, suivis des enfants âgés de 15-17 ans qui représentent 41,1% de l’échantillon. 13,8% des enfants travailleurs ont moins de 10 ans. Les moins de 10 ans sont légèrement plus nombreux chez les garçons (14,1%) que chez les filles (13,5%). 43% des filles et 48,7% des garçons interrogés ont entre 10 et 14 ans, tandis que les garçons interrogés sont moins nombreux (37,2%) que les filles (43,5%) à être âgé de 15-17 ans. Les enfants qui combinent actuellement l’école et le travail sont âgés en moyenne de 12 ans, tandis que les enfants travailleurs déscolarisés ont en moyenne 15 ans. L’âge moyen des enfants travailleurs qui ne sont jamais allés à l’école est de 13 ans. Ces moyennes d’âges sont sensiblement les mêmes selon le genre.

2 - Un âge d’entrée au travail qui dépend du statut lors de la mise au travail. Un enfant sur deux (56,5%) a commencé à travailler avant l’âge de 10 ans. Ce constat, surprenant au premier abord, s’explique avant tout par le fait que la majorité de ces enfants travaillent comme aides familiaux, tandis que l’entrée précoce au travail accompagne souvent une scolarité parallèle. La perception des parents ainsi que des familles sur l’âge minimum d’accès au travail diffère selon qu’il s’agit d’un travail dans un cadre familial ou d’un travail rémunéré, jugé plus dangereux. • Une mise au travail plus précoce pour les étrangers et les filles Les enfants étrangers ont commencé à travailler plus tôt (8,7 ans) que les enfants ivoiriens (9,3 ans), et en particulier s’agissant des filles étrangères (8,26 ans). Les filles ont commencé à travailler plus tôt que les garçons, en particulier chez les non ivoiriens où les écarts de genre sont plus importants (8,26 ans contre 9,3 ans pour les garçons non ivoiriens). Dans l’ensemble, la plus grande partie des filles a commencé à travailler avant l’âge de 10 ans (58,4% contre 53,6% des garçons), tandis que les garçons sont plus nombreux à avoir commencé à travailler entre 10-14 ans (41% contre 38,6% des filles). Une faible proportion des enfants a commencé à travailler après 15 ans : 3,1% des filles et 5,4% des garçons. • Un âge d’entrée au travail de 9 ans pour les aides familiaux Si l’on se réfère au statut professionnel lors de la mise au travail de l’enfant, comme l’indique le tableau ci-dessous, on observe ainsi que l’âge d’entrée au travail est plus bas pour les aides familiaux (8,79 et 8,99) et s’élève avec le placement de l’enfant dans un environnement davantage marqué par des objectifs ou des rapports de production, comme l’indique le statut de travailleur rémunéré qui enregistre l’âge moyen le plus élevé : 12,18 ans.

Nombre Age actuel

Age début du travail

Ivoiriens 2224 13,25 9,31 Filles 1368 13,4 9,23 Garçons 856 13 9,44

Non ivoiriens 279 12,61 8,72 Filles 166 12,36 8,26 Garçons 113 12,92 9,3

Total 2504 13,18 9,27

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Tableau 47 : Répartition des enfants selon leur statut et leur âge d’entrée au travail

Age d’entrée au travail Statut Effectifs Age moyen Age médian Aide familial direct 1535 8,79 8 Aide familial éloigné 626 8,99 8 Apprenti 109 12,04 12 Travailleur rémunéré 115 12,18 13 Travailleur indépendant 106 11,79 12 Travailleur non rémunéré 4 10,5 10,5

L’entrée précoce des enfants au travail s’explique donc surtout par la place que le travail occupe traditionnellement dans les processus d’éducation et de socialisation de l’enfant, dans un espace censé être protecteur, celui de la famille, comme en témoignent les témoignages recueillis.

L’entrée précoce au travail justifiée dans un cadre familial Mère de l’enfant 66, ivoirienne, malinké, Daloa : « un enfant peut commencer à travailler à 7 ans. Parce que à partir de 7 ans déjà, elle peut pas être une vraie commerçante mais c’est une manière aussi d’apprendre , passé deux ans dedans elle peut mieux se débrouiller seule jusqu’à l’âge de 9 ans déjà, elle est déjà bien lancée pour connaître un peu le commerce. Chez nous c’est comme ça » Mère de l’enfant 115, 35 ans, ivoirienne baoulé, déplacée de Mankono, (Abengourou) : « Moi j’ai travaillé au champs, j’étais avec ma tante, c’est elle qui m’a élevée, donc je partais au champs avec elle. On m’a donnée quand j’avais 5 ans, c’est elle qui m’a élevée. J’ai grandi avec elle jusqu’à me marier, donc j’ai travaillé beaucoup au champs ». Parent 76, 52 ans, guinéen vivant à San Pedro : « Bon enfin moi à mon idée un enfant à l'âge 7 à 10 ans il doit commencer à travailler se débrouiller de lui même si je ne suis pas la. Enfin les travaux familiale les entretien de la maison savoir préparer si sa maman est malade surtout les filles si ta maman est malade il faut savoir préparer elle doit savoir comment il faut faire le linge, quand on garçon il doit quand même savoir faire quelque chose pour avoir au moins 500 francs dans deux ou trois jours

pour pouvoir se nourrir. C'est très important, parce que il faut apprendre à travailler pour ne pas souffrir en bas des autres » Père de l’enfant 92, 50 ans, ivoirien Bété, religieux, déplacé de Bouaké (Zergbé, Soubré) : « Nous quand on partait à l'école on partait chercher des bambous, on tisse des papeau, chercher des fagots, on s'en va travailler des champs, on nous a appris ça, moi c'était un travail mais on ne nous payait pas donc nous ne considérons pas ça comme travail, chez nous les Bété et les Dida dès que l'enfant naît, le premier métier qu'on lui apprend c'est de travailler à la maison en compagnie de papa au champ et faire quelque travaux mais c'est à partir du moment où l'enfant est 12 ans et qui fait un travail, on le paye là on peut dire que c'est véritablement un travail » Mère de l’enfant 52, 35 ans, ivoirienne, guéré, Yaoudé (Guiglo) : « A partir de 7 ans, 5 ans que l’enfant peut apprendre à travailler en brousse. Si sa maman désherbe, il doit désherber. C’est important. Mon enfant travaille pour m’aider pour que moi aussi je serai bien. »

• Le travail rémunéré : un âge moyen d’entrée au travail qui recule à 12 ans Si l’on retient une conception stricte du travail des enfants, à vocation professionnelle ou économique, en se référant uniquement aux quatre derniers statuts mentionnés (apprentis, travailleurs rémunérés, et travailleurs indépendants, travailleurs non rémunérés), et qui dans le cas présent se révèlent le plus souvent exclusif d’une scolarité, l’âge moyen d’entrée au travail est de 11,99 ans (soit pour 334 enfants de l’échantillon, avec un âge médian de 12 ans). Ce résultat confirme les propos recueillis dans l’enquête qualitative qui établissent une distinction très claire entre l’âge minimum d’accès au travail dans un contexte familial et l’âge minimum d’accès au travail rémunéré, traduisant une perception des dangers encourus par les enfants salariés, sur lesquels pèsent des attentes commandées par des objectifs de rentabilité et non plus d’éducation. A cet égard, il est considéré que l’enfant qui travaille, même à plein temps, et même pour des raisons économiques, auprès de ses parents, reste sous leur protection. Ceux-ci sont attentifs à l’état et à l’évolution de leur enfant. La charge de travail imposée à l’enfant est fonction de son âge et de sa force de travail.

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Parallèlement, un enfant qui travaille comme salarié à l’extérieur de la cellule familiale est soumis à une organisation du travail dictée par une logique de rendement et de productivité, dans laquelle l’intérêt supérieur de l’enfant n’a pas sa place. Pour les parents, l’enfant est introduit dans un système de valeurs où, dès lors qu’il est rémunéré en échange de son travail, ses besoins et ses limites personnelles sont reléguées au second plan, après les attentes de l’employeur. Par ailleurs, les parents sont conscients que l’enfant, en dessous d’un certain âge, n’a pas la maturité nécessaire pour développer des mécanismes de défense ou réagir face aux abus. Les risques d’exploitation sont alors élevés, comme en témoignent certains propos recueillis dans le cadre de l’enquête qualitative.

Le travail salarié : l’âge de la maturité Mère de l’enfant 68, 43 ans, ivoirienne, agni, San Pedro : « à l’âge de 21 ans si l’enfant est bien il peut travailler. Moi en tout cas je peux laisser mon enfant aller travailler à l’âge de 21 ans. Comme ça là je sais qu’il est âgé, si on le maltraite il sait comment retourner en famille. L36. elle est avec moi, comme elle est à la maison, c’est pas comme un travail. Elle n’est pas obligée. Alors que si elle va travailler, ce qu’elle peut pas faire elle est obligée de faire, parce que tu es salarié, on doit te payer. Si la personne te dit tu dois rester là jusqu’à minuit, elle est obligée. Alors que là, elle m’aide, et quand elle est fatiguée, elle s’en va se coucher, elle est libre » Employeur 59, 37 ans, ivoirienne d’ethnie baoulé, propriétaire de maquis à Abidjan : « à partir de 15-16 ans un enfant peut commencer à travailler chez quelqu’un. Pour une fille à partir de 6 ans, tu dois commencer à apprendre à travailler à la maison, pour un garçon à partir de 5 ans même il peut commencer à apprendre à travailler » Employeur 39, ivoirienne, 29 ans, emploie une fille de 13 ans, rémunérée : « Même à dix ans une petite fille peut travailler mais pas avec des mauvaises personnes. Parce qu’il y a des femmes qui prennent des enfants comme des esclaves. Je veux pas ça. »

« Mère » de l’enfant 107 (enfant d’une co-épouse), 30 ans, Dioula-baoulé, déplacée de Bouaké (Zergbé, Soubré) : « J’étais chez ma tante donc j’ai beaucoup travaillé. Pour cela quand quelqu’un travaille pour moi ça ne plaît pas. J’avais 10 ans. Au début, j’ai cru qu’elle me faisait du mal mais après j’ai vue que ça m’a apporté beaucoup de choses. Le courage » Mère de l’enfant 60, 42, ivoirienne, malinké, San Pedro : « si un enfant travaille chez un autre femme comme ça, elle dit à la fille faut faire ça, la fille veut pas, il va taper lui, il va prendre quelque chose pour le taper. Ca me plaît pas. C’est ça je veux pas que mon un enfant travaille pour quelqu’un. Et je veux pas aussi que n’enfant de quelqu’un vient travailler pour moi. » Employeur 72, 40 ans, ivoirien, d’ethnie malinké, couturier et vendeur de bonbon à Daloa : « Ça dépend des travaux, si c'est par exemple un apprentissage à partir de 9 à 10 déjà on peut, l'enfant peut commencer déjà à apprendre un métier par exemple la couture ça dépend peut être des métiers parce que nous sommes de la couture c'est la couture 9 à 10 ans déjà elle peut commencer tout doucement. Si c’est pour un travail où on doit le payer, à partir de15 ans. Je me dis que à partir de 15 ans on peut trouver l'enfant un peu adolescent, 15 ans parce que l'enfant n'est plus en tout très petit pour ne pas pouvoir en tant que enfant africain je pense que 15 ans c'est suffisant pour pouvoir travailler pour que ça soit rentable »

Si les données recueillies auprès des enfants ne permettent pas d’établir un lien systématique entre la scolarisation et l’entrée au travail, compte tenu de l’importance du travail familial quelque soit la situation scolaire de l’enfant, et comme l’indique le tableau ci-joint, on peut cependant souligner le fait que le statut scolaire joue un rôle indirect en ce sens qu’il détermine le statut au travail. Autrement dit, plus l’enfant poursuit tard sa scolarité, plus l’âge de mise au travail non seulement à titre principal, mais également à vocation clairement économique recule. L’âge d’entrée au travail diffère selon les secteurs d’activité. Deux tendances se dessinent, qui confirment le lien entre l’âge d’entrée au travail et le statut professionnel.

36 L. : pseudonyme donné à l’enfant 68 interrogé

Age d’entrée au travail Statut scolaire Effectif Age moyen Age médian Scolarisé 1340 8,70 8 Non scolarisé 1156 9,92 10 Déscolarisé 645 10,65 10 Jamais scolarisé 511 9,01 8

62

Les deux secteurs les plus captateurs d’une main d’œuvre familiale sont ceux qui enregistrent les âge moyens d’entrée au travail les plus bas, soit 8,71 pour l’agriculture et 9,03 pour les travaux domestiques. Inversement, les secteurs qui enregistrent la plus faible proportion d’aides familiaux sont aussi ceux qui enregistrent un âge d’entrée au travail plus élevé, comme les petits métiers et l’Hygiène/Coiffure. Ces secteurs sont également ceux qui sont dominés par le statut d’apprentis. Le profil socio-économique des parents a un impact limité dans la mise au travail précoce des enfants. On constatera simplement que i) le niveau d’instruction du père ou de la mère n’a aucun effet sur l’âge d’entrée au travail des enfants, mais que ii) les enfants ayant des parents actifs du secteur informel agricole ont tendance à commencer à travailler plus tôt, ce qui s’explique par la forte captation de la main d’œuvre familiale dans ce secteur d’activité. B - UN TRAVAIL QUI S’INSCRIT DANS UNE DYNAMIQUE FAM ILIALE

1 – Elément du processus de reconnaissance familiale Près d’un enfant sur deux déclare simplement obéir à ses parents. 46,8% des enfants travailleurs interrogés reconnaissent simplement obéir à leurs parents, qui leur ont demandé de travailler, sans pouvoir préciser la raison principale pour laquelle ils travaillent. La recherche d’une reconnaissance parentale a joué un rôle déterminant pour un enfant sur quatre. 24,6% des enfants ont ainsi déclaré avoir commencé à travailler volontairement pour gagner le respect de leurs parents, en voulant se rendre utiles.

Age d’entrée au travail Secteur Effectifs Age moyen Age médian Agriculture/Pêche/Elevage 957 8,71 8 Travaux domestiques 961 9,03 9 Alimentation/Restauration 106 10,08 10 Petits commerces 219 10,07 10 Petits métiers 117 11,79 12 Hygiène/Coiffure 104 11,13 11 Autres 31 9,58 8

63

Tableau 48 : Répartition de enfants selon l’âge, le sexe et les raisons de leur mise au travail

Aider financièrement mes parents

Me faire de

l'argent de poche

Subvenir à mes

besoins

Apprendre un métier

Gagner le respect des

parents

Aider les

parents / tuteurs à travailler

Pour obéir à la

décision des parents

/ tuteurs

Autre Total

1 2 11 48 3 137 1 203

0,5% 1,0% 5,4% 23,6% 1,5% 67,5% 0,5% 100,0% 6 à 9 ans

1,8% 1,3% 7,5% 13,7% 25,0% 17,7% 7,1% 13,3%

14 6 21 50 176 7 372 9 655

2,1% 0,9% 3,2% 7,6% 26,9% 1,1% 56,8% 1,4% 100,0% 10 à 14 ans

25,0% 28,6% 14,1% 34,0% 50,3% 58,3% 48,1% 64,3% 43,0%

41 15 126 86 126 2 265 4 665

6,2% 2,3% 18,9% 12,9% 18,9% 0,3% 39,8% 0,6% 100,0% 15 à 17 ans

73,2% 71,4% 84,6% 58,5% 36,0% 16,7% 34,2% 28,6% 43,7%

56 21 149 147 350 12 774 14 1523

3,7% 1,4% 9,8% 9,7% 23,0% 0,8% 50,8% 0,9% 100,0%

Féminin

Total

100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

5 1 2 13 30 1 79 3 134

3,7% 0,7% 1,5% 9,7% 22,4% 0,7% 59,0% 2,2% 100,0% 6 à 9 ans

11,9% 4,0% 3,0% 8,4% 11,5% 6,3% 20,4% 37,5% 13,9%

17 9 13 63 143 8 213 3 469

3,6% 1,9% 2,8% 13,4% 30,5% 1,7% 45,4% 0,6% 100,0% 10 à 14 ans

40,5% 36,0% 19,7% 40,6% 54,8% 50,0% 54,9% 37,5% 48,8%

20 15 51 79 88 7 96 2 358

5,6% 4,2% 14,2% 22,1% 24,6% 2,0% 26,8% 0,6% 100,0% 15 à 17 ans

47,6% 60,0% 77,3% 51,0% 33,7% 43,8% 24,7% 25,0% 37,3%

42 25 66 155 261 16 388 8 961

4,4% 2,6% 6,9% 16,1% 27,2% 1,7% 40,4% 0,8% 100,0%

Masculin

Total

100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

Les raisons « familiales » qui ont justifié, selon les enfants interrogés, leur mise au travail, ne préjugent ni des contraintes économiques qui pèsent en amont, ni de la valeur économique reconnue ou non à leur travail. Ce résultat s’explique, en premier lieu, par le fait que la majorité des enfants interrogés travaille comme aide familial (81,5%), avec pour conséquence non seulement une faible perception de leur participation directe ou indirecte à la production de richesse du ménage, mais également une faible perception de l’apprentissage d’un métier, en raison des tâches souvent peu qualifiées ou qualifiantes confiées aux enfants, le plus souvent dans un cadre domestique. L’analyse selon le statut professionnel et scolaire de l’enfant, présentée plus loin, permet d’affiner cette analyse. Pour seulement un peu plus d’un enfant sur dix (13,8%), le travail a une justification exclusivement économique, en particulier celle d’alléger la charge qu’ils représentent pour leurs parents : 13,8% des enfants interrogés dans le cadre de l’enquête quantitative avancent clairement une raison économique, qui exprime ici davantage une contrainte que la recherche d’un mieux-être. Comme l’indique le tableau ci-dessus, 12,8% sont engagés directement dans une stratégie de survie : 8,7% travaillent pour subvenir à leurs besoins et 3,9% pour aider financièrement leurs parents. Une minorité (1,2%) déclare travailler pour aider les parents/tuteurs dans leur propre activité économique. Parallèlement, l’apprentissage d’un métier a justifié la mise au travail de 12,2% des enfants. La contrainte économique d’aider financièrement les parents pèse indifféremment sur les deux sexes, avec une légère pression supplémentaire pour les garçons (3,7% des filles et 4,4% des garçons). Cependant, les filles sont plus nombreuses à reconnaître qu’elles travaillent par nécessité personnelle ou par soumission : obéir aux parents (50,8% d’entre elles, contre 40,4% des garçons) ou subvenir à leurs besoins (9,8% d’entre elles contre 6,9% des garçons). De leur côté les garçons sont plus nombreux à justifier la mise au travail comme un choix ou pour un objectif personnel : gagner le

64

respect des parents (1,7% d’entre eux contre 0,9% des filles), apprendre un métier (16,1% des garçons contre 9,7% des filles), ou se faire de l’argent de poche (2,6% des garçons contre 1,4% des filles). L’âge de l’enfant influence la perception du travail, de même qu’il en détermine la finalité. On observe ainsi que les enfants plus jeunes expliquent surtout leur mise au travail par l’obéissance due aux parents (64,2% des 6-9 ans contre 52% des 10-14 ans et 35,2% des 15-17 ans), leur travail s’explique ici par des motifs éducatifs. A cet égard, une proportion équivalente des enfants quelque soit leur âge, travaille pour aider les parents/tuteurs dans leur propre activité économique : soit 1,2% des 6-9 ans, 1,3% des 10-14 ans et 1 % des 15-17 ans. Les adolescents de 10-14 ans sont plus enclins à justifier leur mise au travail pour gagner le respect de leurs parents (28,4% d’entre eux, contre 23,1% des 6-9 ans et 20,9% des 15-17 ans). L’apprentissage d’un métier justifie la mise au travail de 10,1% des enfants âgés de 10-14 ans et 16,1% des 15-17 ans. Les plus âgés sont davantage soumis aux contraintes financières qui justifieraient leur mise au travail (6% des 15-17 ans travaillent pour aider financièrement leurs parents contre 2,8% des 10-14 ans et 1,8% des plus jeunes). Ils sont également plus nombreux à devoir se prendre en charge eux-mêmes : 17,3% d’entre eux travaillent pour subvenir à leurs besoins contre 3% des 10-14 ans et 1,2% des 15-17 ans. A cet égard, dans le cadre de l’enquête qualitative, lorsque l’on a interrogé les parents sur les arbitrages qu’ils feraient s’ils avaient besoin de faire travailler certains de leurs enfants, l’âge de l’enfant est apparu comme le premier critère, suivi du statut scolaire. Ainsi 36,4% (parmi ceux qui ont répondu, 22/40) « sacrifieraient » en priorité les plus grands, car ils seraient plus productifs. Les enfants disponibles par leur non-scolarisation ou leur déscolarisation constituerait une force de travail en cas de nécessité pour 23% d’entre eux.

Mise au travail des plus âgés en cas de nécessité Père de l’enfant 24, 44 ans, ivoirien, bété, Zakoua (Daloa) : « le plus âgé pour pouvoir aider les parents à supporter les derniers qui sont derrière ». Mère de l’enfant 52, 35 ans, ivoirienne, guéré, Yaoudé (Guiglo) : « c’est les plus grands qui va travailler parce que on a besoin de manger » Père de l’enfant 106, 46 ans, ivoirien, guéré, déplacé de Man, (Zergbé, Soubré), agent BNETD : « Les plus grands parce que les plus petits ne peuvent pas faire le même travail que les grands. Tu

ne peux pas dire à un enfant d’aller prendre une machette ou d’aller faire une menuiserie, il va s’amuser ». Mère de l’enfant 56, ghanéenne, Diboué : « les grands vont travailler et puis les petits va partir à l’école parce que si le grand travaille il peut aider sa petite sœur pour l’école. » Mère de l’enfant 84, 37 ans, ivoirienne, Bété, déplacée de Borotou-Touba (Gripazo, Soubré) : « Je crois que je vais me battre pour les maintenir tous à l’école. » En cas de problème opterait pour le maintien des petits à l’école « parce que les grands, soit je peux les mettre dans un métier, les autres les mettre à l’école ».

Toujours du point de vue des parents, le choix selon le sexe semble se justifier essentiellement par le secteur d’activité parental, s’il s’agit d’un travail familial : le parent choisit directement l’enfant qui peut l’aider dans son activité. Cependant, on retiendra que le choix prioritaire des garçons (pour 23% des parents) plutôt que des filles (pour 18% d’entre eux) intervient lorsqu’il s’agit de rechercher un travail rémunéré ou de garantir la transmission du patrimoine familial.

Choix du sexe selon le secteur d’activité concerné Père de l’enfant 67, 36 ans, ivoirien d’ethnie bété vivant à Zakoua (Daloa) : « si c’est côté de vente de l’eau, c’est la fille que je dois mettre là-bas. Si c’est un travail qui correspond au garçon, c’est le garçon je dois mettre pour travailler »

Père de l’enfant 95, 50 ans, ivoirien, Guéré, déplacé de Duekoué (Soubré) : « J’ai besoin des filles parce que le commerce c’est pour les filles. »

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2 – Une étroite corrélation entre la raison du travail et le statut de l’enfant • Une finalité clairement économique : la recherche d’un travail rémunérateur Lorsque les enfants sont amenés à travailler pour des raisons directement économiques (survie des parents, survie personnelle, argent de poche), ils sont plus enclins à travailler à l’extérieur de la cellule familiale, avec un statut de salarié ou d’indépendant, comme l’indique le tableau ci-dessous. La majorité des enfants rémunérés et des indépendants travaillent pour leur survie personnelle. Respectivement 57,1% des enfants travailleurs rémunérés et 68,3% des travailleurs indépendants, qui semblent ici davantage vulnérables, travaillent pour subvenir à leurs besoins. Ils représentent à cet égard, respectivement 44,7% et 45,1% des enfants qui travaillent pour cette raison. On constate également que les enfants travailleurs rémunérés représentent 42,9% des enfants qui travaillent pour aider financièrement leurs parents. Seulement un tiers des enfants (33,7%) qui travaillent pour aider financièrement leurs parents travaillent directement sous la tutelle de leurs parents (soit 2,6% des aides familiaux directs). A la différence des enfants qui travaillent pour appuyer les activités de leurs parents/tuteurs (dont 58,6% des enfants sont des aides familiaux directs, soit 1,3% de l’ensemble des aides familiaux directs), ces enfants génèrent eux-mêmes directement des revenus, tandis que les seconds participent à l’une ou l’autre des étapes du processus de production de revenus des parents sans que la valeur ajoutée de leur travail soit perceptible financièrement.

Tableau 49 : Répartition des enfants travailleurs selon statut et les raisons de leur mise au travail

Aider financièrement

mes parents

Me faire de

l'argent de poche

Subvenir à mes

besoins

Apprendre un métier

Gagner le respect

des parents

Aider les parents/tuteurs

à travailler

Pour obéir à la décision des

parents / tuteurs

Autre Total

33 4 5 88 434 17 700 10 1291

2,6% 0,3% 0,4% 6,8% 33,6% 1,3% 54,2% 0,8% 100,0% Aide familial direct

33,7% 8,7% 2,3% 29,1% 71,0% 60,7% 60,2% 45,5% 52,0%

4 1 5 132 4 2 148

2,7% 0,7% 3,4% 89,2% 2,7% 1,4% 100,0% Apprenti

4,1% 2,2% 2,3% 43,7% 0,7% 0,2% 6,0%

42 12 96 14 3 1 168

25,0% 7,1% 57,1% 8,3% 1,8% 0,6% 100,0% Travailleur rémunéré

42,9% 26,1% 44,7% 4,6% 0,5% 0,1% 6,8% 12 26 97 4 2 1 142

8,5% 18,3% 68,3% 2,8% 1,4% 0,7% 100,0% Travailleur indépendant

12,2% 56,5% 45,1% 1,3% 0,3% 4,5% 5,7%

1 1 2 5 9

11,1% 11,1% 22,2% 55,6% 100,0% Travailleur non rémunéré

0,5% 0,3% 0,3% 0,4% 0,4%

7 3 11 63 166 11 454 11 726

1,0% 0,4% 1,5% 8,7% 22,9% 1,5% 62,5% 1,5% 100,0% Aide familial éloigné

7,1% 6,5% 5,1% 20,9% 27,2% 39,3% 39,1% 50,0% 29,2%

98 46 215 302 611 28 1162 22 2484

3,9% 1,9% 8,7% 12,2% 24,6% 1,1% 46,8% 0,9% 100,0% Total

100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

Les enfants qui travaillent pour se faire de l’argent de poche s’engagent dans des activités rémunératrices comme travailleurs indépendants (56,5% d’entre eux). Une grande partie d’entre eux est actuellement scolarisés (47,8%) (voir tableau-ci dessous). Leur travail, qui ne s’intègre ni dans une dynamique familiale ni dans une logique de survie, et qui répond simplement à des aspirations personnelles, doit rester souple pour notamment s’adapter soit aux contraintes scolaires soit à celles du travail familial.

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• L’apprentissage d’un métier : justification, pour un enfant sur deux concerné, de sa participation aux activités familiales

L’apprentissage d’un métier, comme raison avancée de la mise au travail, s’inscrit en définitive dans un cadre familial où le statut d’apprenti en tant que tel n’est pas clairement établi : 50% des enfants qui déclarent travailler pour apprendre un métier sont des aides familiaux, directs (29,1%) ou indirects (20,1%), contre 43,7% des enfants qui ont un statut reconnu d’apprenti et qui bénéficient en principe ainsi d’une véritable formation professionnelle (formelle ou informelle). On notera, parallèlement, que 6,1% des enfants qui sont apprentis sont engagés dans des stratégies de survie (2,7% survie des parents, 3,4% survie personnelle). • La relation aux parents (obéissance ou respect) : justification du travail pour plus d’un aide

familial sur deux La relation aux parents constitue le motif principal de travail pour la majorité des aides familiaux. C’est ainsi que 54,2% des aides familiaux directs et 62,5% des aides familiaux éloignés travaillent simplement parce qu’ils obéissent à la décision des parents/tuteurs. Ces aides familiaux représentent ainsi respectivement 60,2% et 39,1% des enfants concernés. Parallèlement, 71% des enfants qui travaillent pour être davantage considérés par leurs parents ou améliorer leur relation avec eux, sont des aides familiaux directs (et 27,2% indirects). Pour finir, la nationalité des enfants n’a aucun effet sur les raisons qui les ont poussé à travailler. Si l’on examine le statut socio-économique des parents, on observe que les raisons sont sensiblement les mêmes (une proportion équivalente d’entre eux, quel que soit le statut du père, invoque les deux principales raisons). Cependant, les enfants ayant avancé la nécessité économique comme raison principale de mise au travail ont effectivement des parents présentant un profil socio-économique plus précaire.

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Tableau 50 : Répartition des enfants selon le statut professionnel du père et les raisons de leur mise au travail

Informel agricole

Formel agricole

Informel non agricole

Formel non

agricole Inactif Total 56 3 9 8 6 82

68,30% 3,70% 11,00% 9,80% 7,30% 100,00% Aider financièrement mes parents 4,70% 11,10% 2,50% 2,00% 4,60% 3,90%

13 6 15 5 39

33,30% 15,40% 38,50% 12,80% 100,00% Me faire de l'argent de poche

1,10% 1,60% 3,80% 3,80% 1,80% 86 1 33 39 17 176

48,90% 0,60% 18,80% 22,20% 9,70% 100,00% Subvenir à mes besoins

7,20% 3,70% 9,00% 9,80% 13,10% 8,30% 134 5 62 41 16 258

51,90% 1,90% 24,00% 15,90% 6,20% 100,00% Apprendre un métier

11,20% 18,50% 16,90% 10,30% 12,30% 12,10% 347 4 79 100 21 551

63,00% 0,70% 14,30% 18,10% 3,80% 100,00% Gagner le respect des parents

28,90% 14,80% 21,50% 25,00% 16,20% 25,90% 13 1 5 4 23

56,50% 4,30% 21,70% 17,40% 100,00% Aider les parents/tuteurs à travailler 1,10% 3,70% 1,40% 1,00% 1,10%

540 13 170 190 65 978 55,20% 1,30% 17,40% 19,40% 6,60% 100,00%

Pour obéir à la décision des parents / tuteurs 45,00% 48,10% 46,30% 47,50% 50,00% 46,00%

12 3 3 18 66,70% 16,70% 16,70% 100,00% Autre

1,00% 0,80% 0,80% 0,80% 1201 27 367 400 130 2125

56,50% 1,30% 17,30% 18,80% 6,10% 100,00% Total

100,00% 100,00% 100,00% 100,00% 100,00% 100,00%

C’est ainsi que la nécessité économique (survie personnelle, aider financièrement les parents) semble peser davantage :

- sur les enfants dont le père est actif du secteur agricole (11,1% et 4,7% des enfants ayant un père actif respectivement dans le secteur informel et secteur formel ont avancé la nécessité de subvenir à leurs besoins, contre 2,5% et 2% des enfants ayant un père actif dans les secteurs informel et formel non agricoles), tandis que les enfants ayant un père travaillant dans le secteur formel non agricole sont plus nombreux à déclarer travailler pour se faire de l’argent de poche (3,8% d’entre eux). Le statut socio-économique de la mère ne joue ici aucun rôle.

- sur les enfants dont les parents n’ont aucun niveau d’instruction. Inversement, plus les parents ont un niveau d’instruction élevé, plus l’obéissance aux parents est avancée comme raison principale de mise au travail (car ces enfants sont aussi davantage scolarisés).

3 - La situation scolaire est déterminante dans les raisons de la mise au travail

Que les enfants soient scolarisés ou non, les parents attendent d’eux une participation à la vie économique et domestique de la famille. Mais si l’on se réfère à la situation scolaire des enfants, on constate que :

- les enfants scolarisés justifient davantage leur travail par la relation qu’ils entretiennent avec leurs parents (obéissance, respect)

- les enfants déscolarisés, le plus souvent en situation d’échec, semblent devoir prouver quelque chose à leurs parents, et sont davantage confrontés à eux-mêmes : ils travaillent surtout pour subvenir à leurs besoins ou apprendre un métier.

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- les enfants jamais scolarisés sont, comparativement, davantage engagés dans des stratégies de survie familiales (7,3% d’entre eux contre 5,4% des déscolarisés et 2% des scolarisés, soit 37% des enfants qui travaillent pour aider financièrement leurs parents), même si la reconnaissance parentale joue ici, un rôle important pour eux.

Tableau 51 : Répartition des enfants travailleurs selon leur situation scolaire et les raisons de leur mise au travail

Aider financièrement

mes parents

Me faire de l'argent de poche

Subvenir à mes

besoins Apprendre un métier

Gagner le respect des

parents

Aider les parents/tuteurs à

travailler

Pour obéir à la décision des

parents / tuteurs Autre Total

26 22 18 92 372 23 762 14 1329

2,0% 1,7% 1,4% 6,9% 28,0% 1,7% 57,3% 1,1% 100,0% Scolarisé

26,5% 47,8% 8,4% 30,5% 60,9% 82,1% 65,6% 63,6% 53,5% 35 18 130 136 114 1 208 3 645

5,4% 2,8% 20,2% 21,1% 17,7% 0,2% 32,2% 0,5% 100,0% Déscolarisé

35,7% 39,1% 60,5% 45,0% 18,7% 3,6% 17,9% 13,6% 26,0% 37 6 67 74 125 4 192 5 510

7,3% 1,2% 13,1% 14,5% 24,5% 0,8% 37,6% 1,0% 100,0% Jamais scolarisé

37,8% 13,0% 31,2% 24,5% 20,5% 14,3% 16,5% 22,7% 20,5% 98 46 215 302 611 28 1162 22 2484

3,9% 1,9% 8,7% 12,2% 24,6% 1,1% 46,8% 0,9% 100,0% Total

100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

La reconnaissance parentale, en particulier pour les enfants qui n’ont jamais été scolarisés (voir tableau ci-dessous) mais également pour les enfants déscolarisés joue un rôle fondamental dans la mise au travail des enfants. En tout état de cause c’est leur « utilité » qui est mise en cause ici. A cet égard, un des plus grands maux qui pèse sur l’enfant africain, du point de vue des parents, c’est l’oisiveté. • Une captation de la force de travail de l’enfant qui se justifie par des valeurs éducatives Quelque soient les raisons pour lesquelles leur enfant travaille, l’ensemble des parents interrogés soulignent l’importance du travail dans l’éducation de leur enfant. Ce travail, effectué dans un cadre familial, participe de la transmission de certaines valeurs reconnues essentielles comme le goût de l’effort ou la responsabilité, mais également du processus même d’intégration de l’enfant au sein de sa communauté. L’enfant s’insère dans un espace familial et communautaire où sa place est également définie d’un point de vue économique, selon la traditionnelle division sexuelle des tâches. Le devoir de protection des parents et de la communauté à l’égard de l’enfant s’accompagne ainsi en retour d’une obligation de respect et de reconnaissance, qui s’exprime notamment dans le travail. L’enfant doit pouvoir se rendre utile à ses aînés, quelque soient les circonstances.

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Education contre l’oisiveté

Père de l’enfant 24, 44 ans, ivoirien, bété, Zakoua (Daloa) : « Tu ne travailles pas c’est comme si tu es une plante qui n’est pas arrosée, donc quand tu plantes il faut arroser ça pour que ça devienne une bonne plante. Quand l’enfant ne travaille pas, il faut t’attendre que demain il va devenir délinquant, il sera voleur, il sera un brigand. » Mère de l’enfant 115, 35 ans, ivoirienne baoulé, déplacée de Mankono, (Abengourou) : « je veux que mes enfants apprennent à travailler un peu, même s’ils vont à l’école. Quand il a un bout de temps, il doit faire quelque chose à la maison comme ça quand il vit chez quelqu’un, il n’a pas de problème (…) Si tu es chez quelqu’un que tu ne fais rien, nous sommes en Afrique, s’il te maudit tu ne fais rien de bon, c’est lui qui fait tout pour toi, il te donne à manger, si tu es malade, il ne va pas attendre tes parents pour te soigner ». Mère de l’enfant 68, 43 ans, ivoirienne, agni, San Pedro : « Un enfant qui ne travaille pas là, il est là qui va s’occuper de lui ? Parce que tu ne travailles pas, moi je dis, fait ça, tu ne fait pas, même si j’ai un demi pain, je ne vais pas te donner. Celui qui ne travaille pas là il souffre toujours alors qu’un enfant qui travaille il est toujours aimé par tout le monde »

Mère de l’enfant 109, 40 ans, ivoirienne, Agni, déplacée de Séguéla, Abengourou: « ma maman m’a beaucoup aimé jusqu’à sa tombe à cause de mon travail, à l’heure où je parle, je sais qu’elle remue sa tête dans sa tombe parce que je suis une femme qui aime le travail ». Mère de l’enfant 109, 40 ans, ivoirienne, Agni, déplacée de Séguéla, Abengourou : « L’enfant qui travaille on l’aime plus parce qu’il fait de bonnes choses, mais l’enfant qui ne fait rien, tu le laisses, un jour viendra où il va dire « si je savais ». On peut attraper la queue c’est déjà tard. C’est ces enfants là qu’on voit dans les rues avec plein de problèmes ». Mère de l’enfant 113, 33 ans, ivoirienne, baoulé, déplacée de Bouna (Abengourou) : « Si mon enfant ne veut plus travailler, qu’est ce qu’il va devenir, il va faire quoi ? S’il veut faire autre chose là d’accord, mais s’il ne veut rien faire, là, je suis pas d’accord ». Père de l’enfant 45, 55 ans, ivoirien, kroumen, San Pedro : « Si tu ne travailles pas c’est comme un oiseau sans plume. On dit dans la vie, le plus garçon c’est celui qui travaille mais quand tu ne travailles pas tu es vilain comme macaque. C’est comme ça. »

Dans cette perspective, la mise au travail des enfants s’opère le long de la ligne de répartition traditionnelle des rôles selon le sexe. Pour les filles, le travail familial procède de leur préparation à leur futur rôle d’épouse.

Education au statut d’épouse Mère de l’enfant 109, 40 ans, ivoirienne, Agni, déplacée de Séguéla (Abengourou) : « Il faut savoir faire la cuisine pour ton avenir, parce que si une fille ne sait pas préparer comment faire pour avoir mari. Aujourd’hui, si tu sais préparer, que tu es bien, tu vas avoir mari ».

Père de l’enfant 6, 35 ans, ivoirien, guéré, Yaoudé (Guiglo) : « à tout prix une fille est appelée à se marier donc elle doit apprendre déjà les travaux champêtres pour que demain, à son foyer, pour qu’elle a le courage ».

En tout état de cause, les parents ont une position ambiguë sur la valeur qu’ils attribuent au travail de l’enfant. D’un côté ils déclarent d’une façon générale que le travail participe du processus éducatif, par lequel il transforme leurs enfants en adultes courageux et responsables, de l’autre lorsqu’on les interroge sur ce que le travail de leur enfant leur apporte, ainsi qu’à eux-mêmes, les retombées économiques sont largement soulignées. • Une captation de la force de travail qui poursuit une finalité économique Trouvant sa justification dans les valeurs éducatives, le travail, qu’il soit familial ou extérieur, a en définitive, une fonction économique. Cette fonction est plus clairement soulignée pour les enfants actuellement hors du système éducatif, dont « l’utilité » au sein de la famille, compte tenu des valeurs soulignées plus haut, est soit brutalement questionnée pour les enfants déscolarisés, soit plus sensibles pour les enfants jamais scolarisés. Parallèlement, si la justification « éducative » concerne surtout les enfants qui vont actuellement à l’école, leur travail revêt aussi une dimension économique qui doit être soulignée. Les résultats de l’enquête qualitative conduite auprès d’enfants travaillant dans certains secteurs d’activités et auprès de leur parents confirment ces tendances. A l’inverse de l’échantillon de l’enquête quantitative, une forte proportion (43,4%) d’enfants a un travail directement rémunérateur (32,5% sont indépendants et 15,7% sont rémunérés), et il ressort des entretiens conduits auprès des enfants et des

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parents, que la plupart d’entre eux travaillent en raison des contraintes économiques qui pèsent sur eux. Cependant, on constate également, que les enfants ne sont pas nécessairement conscients des contraintes économiques qui pèsent sur leurs parents :

- le travail s’explique par une pression directement économique pour 45% des parents interrogés contre 21,7% des enfants : Pour 32,5% des parents et 15,7% des enfants, celui-ci travaille pour subvenir à leurs besoins, pour 12,5% des parents et 6% des enfants, celui-ci travaille pour aider financièrement les parents.

- pour 42,5% des parents, les enfants travaillent pour les appuyer dans leurs activités, motif avancé par 26,5% seulement, des enfants rencontrés qui sont également 20,5% déclarer travailler pour apprendre un métier.

- parallèlement, 21,7% des enfants déclarent travailler pour obéir à leurs parents. En définitive, ces enfants s’inscrivent dans les activités familiales, comme l’ont montré les résultats de l’enquête quantitative, sans percevoir directement la valeur ajoutée de leur travail d’un point de vue économique

La mise au travail des enfants scolarisés : une monnaie d’échange. La participation des enfants scolarisés aux activités économiques et/ou domestiques des parents relève d’une obligation « éducative », doublée parfois d’une nécessité économique. Quand il n’est pas dicté directement par des motifs économiques (gain financier ou participation aux processus de production) le travail apparaît ainsi comme :

� Le financement de la scolarité. Aussi bien pour les parents que pour les enfants scolarisés le travail apparaît ici comme un échange de bons procédés : je t’aide pour aller à l’école / tu m’apportes un appui dans mes activités ou tu diminues la charge que tu représentes pour moi. Le travail apparaît ici comme un moyen pour l’enfant de voir ses études financées, soit par lui-même directement, soit par ses parents intégralement ou en partie, en échange du travail fourni.

Un moyen de financer la scolarité Mère de l’enfant 52, 35 ans, ivoirienne, guéré, Yaoudé (Guiglo) : « Je ne le paye pas, je paye ses fournitures…Il m’a aidé, donc ce qu’il veut je dois le faire… mais ses fournitures je paye là c’est plus que l’argent ! Je paye ses habits ! »

Père de l’enfant 31, 50 ans, ivoirien, kroumen, Diboué (San Pedro) : « La pêche, c’est pendant les vacances qu’ils reviennent ici, ils aident leur papa pour pouvoir payer leur fourniture, c’est là qu’ils vont à la pêche. Mais lorsque l’école commence, les enfants ne pêchent plus ici».

L’échange travail contre école est d’autant plus nécessaire si l’enfant qui va à l’école doit poursuivre sa scolarité chez un tuteur. Dès lors les parents habituent rapidement leurs enfants à fournir des efforts parallèles, soit dans un cadre domestique soit économique, afin de répondre plus tard aux attentes de leur tuteur.

En préparation d’un placement éducatif Mère de l’enfant 84, 37 ans, ivoirienne, Bété, déplacée de Borotou-Touba (Gripazo, Soubré) : « Le travail c’est pour les habituer à travailler parce que parfois elles peuvent se déplacer. Chez nous, il n’y a pas collège donc souvent c’est à Touba, si elle est loin de moi aussi elle peut travailler là-bas, donc c’est pour cela je les fais travailler (travaux domestique, appui commerce après l’école) ».

Mère de l’enfant 101, 28 ans, ivoirienne Bété, déplacée de Bouaké (Ourégbagbré, Soubré) : « Ce sont des enfants s’ils ont eu leur entrée en sixième, elles peuvent aller rester chez quelqu’un. Si elle ne sait pas travailler comment tu peux faire ? Donc ce n’est pas pour les maltraiter, mais c’est une bonne éducation (travaux domestiques) ».

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� Une stratégie de repli en cas d’échec scolaire

Les parents qui ont la possibilité de scolariser leur enfant, ou font le choix de l’investissement scolaire, sont conscients des risques d’interruption prématurée de l’école ou d’absence de débouchés professionnels pour leur enfant, même diplômé. Dès lors, la mise au travail, en parallèle de la scolarité vise à préparer les enfants à la vie économique en cas d’échec.

Le travail comme stratégie de repli en cas d’échec scolaire Père de l’enfant 31, 50 ans, ivoirien, kroumen, Diboué (San Pedro) : « Travailler et aller à l’école c’est bon. Si l’école n’a pas réussi, le travail peut réussir, si le travail n’a pas réussi, l’école peut réussir ». Père de l’enfant 24, 44 ans, ivoirien, bété, Zakoua (Daloa) : « C’est l’éducation que moi-même je donne. Si ça ne réussit pas à l’école, ça peut aller en brousse. Du jour au lendemain, si tu ne vas pas à l’école il ne faudrait pas que où tu vas te marier tu aies les bras croisés, il faudrait que ton mari t’apprécie. Voilà pourquoi j’insiste sur les enfants d’aller à l’école les jours ouvrables, d’aller au champs les jours de repos. »

Mère de l’enfant 99, 38 ans, ivoirienne Agni, déplacée de Bouaké, Sankadiokro (Abengourou) : « L’école développe les enfants. Si tu n’as pas été à l’école, ta mentalité et puis celui qui a été à l’école c’est pas même chose, donc même s’il doit faire quelque chose, il doit savoir lire et écrire. Il y a des gens qui travaillent ils n'ont même pas eu le BEPC mais ils sont à l'aise, il y a des gens aussi qui ont eu le BAC mais ils n'ont rien. Donc il faut apprendre les deux côtés. Il y a des gens qui sont étudiants mais ils ont leur champ de cacao, c'est important, si ça ne marche pas là-bas tu vas revenir t'asseoir, si ça marche aussi tu travailles c'est bien. »

La mise au travail des enfants exclus du système éducatif : augmenter indirectement les revenus familiaux Les entretiens conduits auprès des parents et des enfants dans le cadre de l’enquête qualitative ont clairement montré, comme nous l’avons vu ci-dessus, la défiance très forte des parents vis à vis de l’oisiveté : la place de l’enfant est à l’école, mais lorsque ce n’est pas le cas (car non-scolarisé ou en dehors des horaires de l’école), non seulement celui-ci ne doit pas rester inactif, mais il doit également contribuer aux revenus du ménage, soit en allégeant la charge qu’il représente, soit en augmentant les revenus familiaux.

Alléger les charges, quelque soit le statut scolaire : l’enfant subvient à ses besoins Père de l’enfant 9, 87 ans, ivoirien, kroumen, Diboué (San Pedro) : « Avec son travail (pêche), c’est ça il paye son habit, il fait tout, c’est ça aussi il paye son manger que lui il veut ». Père de l’enfant 76, 52 ans, guinéen, San Pedro : « Quand les enfants travaillent moi ça me plait que les enfants travaillent. Parce que quand les enfants travaillent ils vont me défendre au point de vue de leur habillement, leur nourriture ils peuvent m'aider et je suis très content de ça au lieu que elle reste traîner pour dire que demain celle la elle est enceinte on ne connaît pas son mari je ne suis pas la pour ça » Père de l’enfant 69, 40 ans, ivoirien, guéré, Yaoudé (Guiglo) : « y a une différence, celui qui travaille beaucoup à la maison fait diminuer les dépenses de la maison par rapport à celui qui veut pas travailler » Mère de l’enfant 110, 24 ans, ivoirienne, bété, déplacée de Zuenoula (Sapia, Daloa) : « Un enfant qui ne travaille pas fatigue toujours ses parents, il demande l’argent à ses parents. Mais un petit qui vend sa cigarette, il n’emmerde pas ses parents. »

Enfant 6, 14 ans, ivoirienne, jamais scolarisée, travaille dans un champs de manioc pour sa cousine, Yaoudé (Guiglo) : « Quand je travaillais pas, avant, ma grande sœur (sa cousine) aussi elle veut pas s’occuper de moi. Quand tu travailles pas comment tu vas faire ? Aussi j’ai commencé à travailler avec elle. Moi je peux pas dire je va pas au champs, moi je suis comme ça. Tu es jeune fille là, tu vas manger aussi à la maison (…) Oui je veux continuer à travailler, parce que dans manioc tu gagnes quelque chose aussi, quand tu fais travail aussi tes parents t’aident». Enfant 9, ivoirien, 16 ans, déscolarisé, pêcheur indépendant, Diboué (San Pedro) : Avait 12 ans quand il a commencé. « Quand tu es au village, si tu n’as rien c’est pas bien. C’est pour ça que je suis allé à la pêche. C’est mes parents qui m’ont dit d’aller faire la pêche. Ce sont eux qui m’ont poussé. Ils m’ont donné conseil, si tu ne vas pas à la pêche comment tu vas faire pour manger. Si tu restes comme ça et tu manges plus.» Enfant 21, ivoirien, 16 ans, élève de 5ème, ramasseur d’ordure et portefaix au marché, indépendant, San Pedro : « J’ai pris cette décision parce que quand je ne travaille pas des fois je n’ai pas déjeuné, mes amis mangent, moi je suis là, je suis assis. Il y a des fois j’ai faim à midi, si je viens, que je ne gagne pas à manger je suis obligé de rester comme ça ».

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Lorsque l’enfant est exclu du système éducatif, trois options s’offrent à lui, et qui sont également fonction des conditions dans lesquelles il s’est retrouvé hors du système éducatif. On constate ainsi que les enfants déscolarisés, soit ont la possibilité de s’inscrire dans un projet professionnel, soit sont orientés directement vers les activités génératrices de revenus. En tout état de cause, la valeur économique de leur travail est clairement attendue.

Pression plus forte sur les enfants déscolarisés Père de l’enfant 69, 40 ans, ivoirien, guéré, Yaoudé : « c’est au moment où il a refusé d’aller à l’école. C’est là je lui ai dit au lieu de perdre ton temps pour vagabonder au village, allons au champ tu vas travailler » Père de l’enfant 62, 71 ans, ivoirien, guéré, Yaoudé (Guiglo) : « lui, il ne peut pas rester ici, s’ il n’est pas allé à l’école, il va dire que il va rester à la maison, son maman est au champ, moi-même je suis au champ, qui va laisser lui ici et puis il va dire que il va pas au champ ?Il est obligé » Mère de l’enfant 56, ghanéenne, Diboué : « Mon enfant est seul à la maison, y a rien, y a pas l’argent pour fréquenter ; c’est ça je dis il n’a qu’à partir travailler dans maquis là on payer lui un peu. Il faut elle va débrouiller un peu pour avoir l’argent pour payer les habits pour porter aussi ». Enfant 32, malien, 14 ans, déscolarisé, cordonnier, Daloa : «Avant de travailler, je me sentais gêné. Quand tu restes à la maison, tu es là toujours assis, c’est pas bien. Il faut venir au marché pour se débrouiller quand même ». Enfant 1, ivoirien, 15 ans, déscolarisé, pêcheur indépendant, Diboué (San Pedro) : « Au village, tout le monde sait pêcher mes parents aussi sont contents. Quand je ne savais pas

pêcher, mes parents me grondaient, ils me disent toi tu es au village, tu ne sais pas pêcher, où nous sommes là, si tu ne te débrouilles pas, ta maman elle va pas être contente, tes amis pêchent, toi tu es là présentement. Comme je sais pêcher, je sais que mes parents ils sont toujours contents. » Mère de l’enfant 14, 38 ans, ivoirienne, bété, Abidjan : « Il sait qu’il n’est plus à l’école, c’est pour cela il se débrouille. Il ne va pas à l’école, je ne peux pas lui dire de s’asseoir à la maison à côté de moi, donc quand il va là-bas (porteur au marché), je suis contente de ça. Quand il envoie petit l’argent, il me donne. S’il n’a pas habits il prend ça pour aller payer habit ou chaussure ».

Enfant 32, malien, 14 ans, déscolarisé, cordonnier, Daloa : « C’est ma maman (qui a décidé qu’il travaille comme cordonnier). Pour ne pas que je reste à la maison quoi. Moi-même, j’ai décidé de faire la cordonnerie. Pour ne pas que demain je traîne dans la rue. Si par exemple demain il y a un malheur, il n’y aura personne pour me nourrir et je dois me promener dans les rues pour pouvoir gagner à manger. C’est pour cela que j’ai décidé de venir faire la cordonnerie ».

S’agissant des enfants qui n’ont jamais fréquenté l’école, on constate que la valeur économique du travail est moins clairement affichée. Ces enfants n’ont initialement pas été scolarisés, il n’y a donc pas eu de rupture dans leur parcours, et leur intégration aux activités familiales s’est faite naturellement. Mais si leur travail ici participe du processus de transmission du patrimoine ou du savoir-faire familial, il n’en demeure pas moins que les parents perçoivent clairement la valeur ajoutée de leur travail.

Augmentation indirecte des revenus familiaux Père de l’enfant 24, 44 ans, ivoirien, bété, Zakoua (Daloa) : « Le travail des enfants m’apporte de l’argent. Surtout dans le coton. Si j’étais seul je ne pouvais pas désherber ni les récolter. Donc avec l’aide de mes enfants, je rentre en possession de quelque chose, si je pouvais avoir 100.000, avec mes enfants je peux avoir 300.000 ou 200.000 ». Père de l’enfant 31, 50 ans, ivoirien, kroumen, Diboué (San Pedro) : « J’ai trouvé que j’étais seul à nourrir ma maison, et puis ils ne faisaient que manger. Mais arrivé un moment j’ai commencé à les gronder à les pousser à travailler comme moi, pour qu’on puisse nourrir ensemble la maison. Il ne faudrait pas que mes enfants partent se balader au village actuellement. Je commence à vieillir, s’ils restent comme ça ils seront paresseux. C’est comme ça j’ai commencé à les encourager à travailler aussi. »

au champs par exemple, le riz, la graine pour venir à la maison, sinon on ne les fait pas travailler dans les champs ». Père de l’enfant 69, 40 ans, ivoirien, guéré, Yaoudé : « Ca me rend beaucoup de joie et ça me plaît, c’est que je dépense pas assez, ce que je devais donner aux autres et que ça revient à mon enfant, ça m’arrange. Le travail de mon enfant m’apporte beaucoup de joie parce que quand il travaille, lui sa force et ma force ça nous fait apporter quelque chose de plus à la maison que d’aller faire chez d’autres ce qu’il fait chez moi, ça m’apporte beaucoup de choses » Parent 63, 45 ans, ghanéen vivant à Diboué : « je veux mon enfant là il va être chez moi, avec moi pour travailler. Je peux pas lui donner un autre pour

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Oncle de l’enfant 114, 40 ans, ivoirien bété, déplacé de Sirasso (Soubré) : « Nous sommes en Afrique, nous sommes très pauvres, c’est la pauvreté qui fait que certains enfants travaillent et c’est pas un travail rudimentaire. C’est pour prendre vivriers

travailler là-bas. Parce que si il va ailleurs pour travailler, peut-être que celui qui a mis dans travail là, c’est cette personne qui va prend l’argent, si c’est avec moi, tout l’argent ça vient avec moi »

La contribution directe aux revenus des parents est également recherchée, même si, nous l’avons vu, elle constitue un objectif marginal par rapport aux autres.

Participation financière aux charges de la famille Mère de l’enfant 55, 38 ans, ivoirienne, guéré, San Pedro : « quand il trouve un peu d’argent, c’est ça il me donne, je prends pour aller au marché pour venir préparer à la maison et puis on mange » Mère de l’enfant 56, ghanéenne, Diboué : « Ca m’apporte quelque chose parce que y a des fois je n’a pas 5 francs même, donc l’argent que je prends avec lui c’est ça je prends pour payer manger et puis on mange ». Mère de l’enfant 53, ivoirienne, kroumen, Diboué (San Pedro) : « Mon enfant a commencé à pêcher c’est quand son papa est décédé. Donc il a commencé à pêcher pour payer du riz. Nous on a besoin de poisson, quand il pêche, on vend, dedans y a l’argent. »

Père de l’enfant 76, 52 ans, guinéen, San Pedro : « c'est de manger nous souffrons. Pour le manger, on fait travailler les enfants pour que ils ne volent pas pour qu'ils ne soient pas sales au milieu des autres voilà pourquoi on les fait travailler lorsque que tu n'auras pas, toi le père, la force de travailler, qu'ils puissent travailler pour lui même »

Enfant 3, ivoirien, 16 ans, déscolarisé, pêcheur, Diboué (San Pedro) (père décédé): « Je pêche pour avoir l’argent, pour manger, pour nourrir mes petites sœur, plus ma grande sœur (tante) qui m’a envoyée et puis son mari. »

4 - Une mise au travail décidée par les adultes Pour 59,1% des enfants interrogés, la décision de travailler a été prise par un adulte, dont 12,5% par quelqu’un d’autre que leurs parents. La décision de mise au travail s’appuie sur le principe traditionnel de division sexuelle des tâches : chaque parent décide pour l’enfant du même sexe. Et si la mère apparaît comme plus présente (25%) que le père (16,4%) dans le processus de décision, c’est surtout lié à la prépondérance des filles dans l’échantillon d’enquête. La mise au travail des filles peut procéder également d’une décision parentale conjointe, mais celle des garçons est exclusivement de la compétence du père. Lorsque la décision est prise par un adulte, c’est le sexe de l’enfant et non son âge qui est déterminant.

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Tableau 52 : Répartition des enfants selon le sexe, l’âge d’entrée au travail et le responsable de leur mise au travail

Père Mère Père et mère Autre membre de la famille

Décision personnelle sous contrainte

Décision personnelle libre Autre Total

59 368 34 148 34 230 11 884 6,7% 41,6% 3,8% 16,7% 3,8% 26,0% 1,2% 100,0% 5 à 9 ans

62,1% 71,5% 50,7% 69,8% 51,5% 42,1% 57,9% 58,2% 33 143 32 58 32 283 8 589

5,6% 24,3% 5,4% 9,8% 5,4% 48,0% 1,4% 100,00% 10 à 14 ans 34,7% 27,8% 47,8% 27,4% 48,5% 51,8% 42,1% 38,80%

3 4 1 6 33 47 6,4% 8,5% 2,1% 12,8% 70,2% 100,0% 15 à 17 ans 3,2% 0,8% 1,5% 2,8% 6,0% 3,1%

95 515 67 212 66 546 19 1520 6,3% 33,9% 4,4% 13,9% 4,3% 35,9% 1,3% 100,00%

Féminin

Total 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,00%

209 78 16 58 16 128 5 510 41,0% 15,3% 3,1% 11,4% 3,1% 25,1% 1,0% 100,0% 5 à 9 ans 67,0% 70,9% 59,3% 59,2% 42,1% 35,7% 45,5% 53,4%

97 30 7 37 18 199 5 393 24,7% 7,6% 1,8% 9,4% 4,6% 50,6% 1,3% 100,0% 10 à 14 ans 31,1% 27,3% 25,9% 37,8% 47,4% 55,4% 45,5% 41,2%

6 2 4 3 4 32 1 52 11,5% 3,8% 7,7% 5,8% 7,7% 61,5% 1,9% 100,0% 15 à 17 ans 1,9% 1,8% 14,8% 3,1% 10,5% 8,9% 9,1% 5,4%

312 110 27 98 38 359 11 955 32,7% 11,5% 2,8% 10,3% 4,0% 37,6% 1,2% 100,0%

Masculin

Total 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

Pour un enfant sur trois (36,7%), la décision de travailler est un choix personnel fait en l’absence de toute contrainte, tandis que 4,2% ont décidé personnellement de travailler mais cette décision s’est exercée sous la contrainte (économique ou morale, par exemple). Il est intéressant de constater que le genre ne joue pas ici un rôle déterminant ; le cas échéant, les filles sont toutes aussi nombreuses que les garçons à prendre cette décision. C’est surtout l’âge qui détermine la prise de décision dans ce cas : 70,2% des filles et 61,5% des garçons qui avaient 15-17 ans ont décidé eux-mêmes de travailler, contre respectivement 48% et 50,6% des 10-14 ans. Par contre, on constate que les enfants ivoiriens sont plus nombreux (42,4%) que les enfants burkinabés (29,4%) ou autres ouest-africains (27,2%) à avoir pris seuls la décision de travailler. Dans deux cas sur trois (67,4%), lorsque la décision est prise par un adulte (1436 enfants concernés), l’enfant n’est pas consulté, et ce quelque soit son sexe. L’enquête conduite auprès des parents d’enfants travailleurs indique ainsi que la première valeur que les parents souhaitent transmettre à leurs enfants est le respect des aînés et l’obéissance (52,5%), suivie du goût du travail et de l’effort (30%) et enfin le respect des normes sociales (10%).

Le devoir d’obéissance des enfants Père de l’enfant 73, 39 ans, ivoirien d’origine burkinabé, San Pedro : « toute personne a une culture, chaque eau a son caïman. Chez nous c’est le respect mutuel, l’enfant ne peut pas se permettre d’approcher les plus grands, il doit pas chercher à comprendre quoi que ce soit. Il ne peut pas s’investir dans la causerie des plus grands, ils doit se soumettre aux plus grands. Bon c’est une de nos valeurs donc j’apprends à l’enfant ses limites quoi ; il doit se tenir à l’écart des conversations des plus grands » Mère de l’enfant 74, 40 ans, ivoirienne, yacouba, Guiglo : « c’est mon enfant, elle est derrière moi, ce que je dis elle n’a qu’à faire. C’est ce qu’elle fait »

Mère de l’enfant 52, 35 ans, ivoirienne, guéré, Yaoudé (Guiglo) : « Si mon enfant dit que il veut pas partir au champ encore, je peux pas accepter et puis le laisser, je vais l’obliger à partir, s’il va pas le soir je lui donne pas à manger. S’il n’a pas mangé deux jours, trois jours, il va partir au champ ; je suis sa maman, ce que je veux, c’est ça il va faire… Parce qu’il ne travaille pas, moi je quitte au champ et puis lui il est au village donc ça m’arrange pas. Mais il faut qu’on va pour qu’il soit habitué. Mais s’il n’a pas envie de faire ça, c’est moi qui l’a mis au monde, ce que moi j’ai décidé c’est ça on va faire. Ce que moi je veux, c’est ça il va faire pour ne pas que où il va les gens vont se plaindre pour dire que l’enfant là il est têtu »

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Naturellement plus l’enfant est âgé, plus il est susceptible d’être consulté. Cependant, on constate que c’est la situation scolaire de ces enfants (qui détermine le statut au travail) qui joue un rôle majeur dans le processus de consultation. Ainsi, si seulement 25,9% des enfants scolarisés ont été consultés, 34% des enfants non scolarisés et surtout un enfant sur deux (50%) parmi les déscolarisés ont pu émettre leur avis. Cela s’explique tout autant par « l’automatisme » qui détermine la participation des deux premiers groupes à la vie productive ou domestique familiale, que par le questionnement sur l’avenir et la place de l’enfant provoqué par la déscolarisation. Autrement dit, la captation de la force de travail de l’enfant comme aide familial, quelque soit la finalité, laisse peu de place à l’opinion de l’enfant de s’exprimer. Par contre, lorsqu’il y a une rupture de la vie scolaire, le travail s’inscrit davantage dans la trajectoire personnelle de l’enfant, qui a alors plus d’espace pour exprimer son point de vue. C – LA RENCONTRE DE L’OFFRE ET DE LA DEMANDE EN MAI N D’ŒUVRE ENFANTINE Près d’un enfant sur deux ne travaille pas avec ses parents Si 81,5% des enfants travailleurs de notre échantillon d’enquête ont un statut d’aide familial, cela ne veut pas dire pour autant qu’il s’agisse de la famille nucléaire. 52,7% des enfants interrogés travaillent avec leurs parents et 5,7% travaillent seuls comme indépendants. Par contre, 45,6% travaillent sous la tutelle d’un autre adulte (soit 1041 enfants) avec un statut qui varie de celui d’aide familial à travailleur rémunéré, en passant par celui d’apprenti. La question qui nous intéresse ici porte donc sur la rencontre entre ces 1041 enfants et leur employeur.

1 – Une mobilisation intra-familiale • Une mobilisation de la main d’œuvre enfantine suscitée par la Demande dans deux cas sur trois Comme l’indique le tableau ci-dessous, dans 65,5% des cas, c’est l’employeur qui a exprimé sa demande en main d’œuvre, et abordé soit l’enfant lui-même (37,3% des enfants concernés), soit les parents (28,2%). La demande est venue des parents dans seulement 21,3% des cas, tandis que 7,1% des enfants ont sollicité directement l’employeur. 4,4% des enfants ont rencontré leur employeur à l’aide d’une tierce personne, soit 46 enfants.

Tableau 53 : Répartition des enfants travailleurs selon le sexe et l’origine de la demande

L'employeur m'a abordé directement

L'employeur a abordé mes parents

Mes parents ont abordé l'employeur

J'ai abordé directement l'employeur

Une tierce personne m'a abordé

J'ai abordé une tierce personne Autre Total

260 215 142 41 25 10 6 69937,1% 30,7% 20,3% 5,8% 3,6% 1,4% 0,9% 100,0%Féminin

67,0% 73,4% 64,3% 55,4% 78,1% 71,4% 35,3% 67,3%128 78 79 33 7 4 11 340

37,6% 22,9% 23,2% 9,7% 2,1% 1,2% 3,2% 100,0%Masculin

33,0% 26,6% 35,7% 44,6% 21,9% 28,6% 64,7% 32,7%388 293 221 74 32 14 17 1039

37,3% 28,2% 21,3% 7,1% 3,1% 1,3% 1,6% 100,0%Total

100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

L’offre de main d’œuvre enfantine est légèrement plus dynamique s’agissant des garçons : pour 23,2% d’entre eux contre 20,3% des filles, les parents ont abordé directement l’employeur. De même, 9,7%

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des garçons ont eux-mêmes abordé directement l’employeur contre 5,8% des filles. Ces résultats confirment le constat fait précédemment sur la plus grande pression exercée sur les garçons pour rechercher un travail en dehors de la cellule familiale. La mobilisation des filles, non seulement est davantage suscitée par la demande (pour 30,7% l’employeur a abordé les parents, contre 22,9% des garçons), mais cette rencontre est davantage médiatisée par un tiers : 5% d’entre elles contre 3,3% des garçons. • Trois quart des enfants qui travaillent hors de la cellule familiale ont un lien de parenté avec

leur employeur Cette rencontre s’est faite au sein de la sphère familiale élargie puisque la majorité des enfants qui travaillent pour quelqu’un d’autre que leur père ou mère déclare avoir des liens de parenté avec leur employeur.

Tableau 54 : Répartition des enfants selon le lien de parenté avec l’employeur et l’origine de la demande

L'employeur m'a abordé directement

L'employeur a abordé

mes parents

Mes parents ont abordé l'employeur

J'ai abordé directement l'employeur

Une tierce personne

m'a abordé

J'ai abordé une tierce personne

Autre Total

368 262 107 29 6 77247,7% 33,9% 13,9% 3,8% 0,8% 100,0%

Autre parent 94,8% 89,4% 48,4% 39,2% 35,3% 74,3%20 31 114 45 32 14 11 267

7,5% 11,6% 42,7% 16,9% 12,0% 5,2% 4,1% 100,0%Aucun 5,2% 10,6% 51,6% 60,8% 100,0% 100,0% 64,7% 25,7%

388 293 221 74 32 14 17 103937,3% 28,2% 21,3% 7,1% 3,1% 1,3% 1,6% 100,0%

Total 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

Comme l’indique le tableau ci-dessus, trois enfants sur quatre concernés (74,3%) déclarent ainsi travailler avec un adulte qui leur est apparenté, contre 25,6% qui travaillent pour un tiers. Le lien de parenté joue un rôle dans la rencontre de l’offre et de la demande de main d’œuvre infantile : 94,8% des employeurs qui ont mobilisé directement l’enfant et 89,4% des employeurs qui ont abordé les parents ont des liens de parenté avec l’enfant concerné. Par contre, plus les parents ou l’enfant prennent l’initiative de la rencontre, plus celle-ci se tourne à l’extérieur de la famille élargie. Ainsi 51,6% des employeurs abordés par les parents et 60,8% des employeurs abordés par l’enfant lui-même n’ont aucun lien de parenté avec l’enfant. La circulation de l’enfant à l’extérieur du noyau familial, mais à l’intérieur de l’espace constitué de la famille élargie ou de la communauté, vise à répondre à trois types d’objectifs qui, dans tous les cas, sont l’expression d’une solidarité intra-familiale ou intra-communautaire. L’enfant est ainsi confié soit i) dans un but éducatif, où le transfert dans le ménage d’accueil est destiné à garantir le début/la poursuite de la scolarité de l’enfant; soit ii) pour répondre directement aux besoins du ménage d’accueil, soit iii) pour soulager la famille d’origine de la charge que constitue l’enfant. Le plus souvent, les deux derniers objectifs sont complémentaires. Dans le premier cas, la captation de la force de travail de l’enfant n’est pas recherchée, même s’il est implicitement admis que l’enfant ainsi confié devra « monnayer » sa scolarité et sa prise en charge par les services rendus au ménage d’accueil. C’est d’ailleurs dans ce contexte là, que l’enfant est le plus fréquemment « directement abordé par l’employeur », comme nous le verront plus loin. Dans les deux seconds cas, lorsque le transfert de l’enfant est fondé sur les besoins du ménage d’accueil ou du ménage d’origine, la captation de la force de travail de l’enfant est explicitement admise, même si elle n’a en principe pas vocation à être rémunérée.

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Circulation de l’enfant au sein de l’espace familial, selon les besoins des ménages

Employeur 80, ivoirienne, 48 ans, restauration de rue, emploie une fille de 12 ans, déscolarisée, non rémunérée, Guiglo : « C’est la fille à mon grand-frère, enfin le petit frère de ma grand-mère. Elle est venue ici en tant que ma fille, c’est pas une servante. Je ne la paye pas, je dois l’entretenir pour qu’elle grandisse demain. Peut-être que si elle a eu un bon mari elle peut m’aider ». Si un parent lui demande un de ses enfants pour venir l’aider dans son travail : « Je vais donner. Si je sais par exemple il n’est pas à l’école ou bien il n’a rien à faire, je peux lui donner, même s’il a quelque chose à faire chez moi. A partir du moment que c’est mon frère et qu’il est venu me demander un enfant, je vais lui donner. Même si c’est une femme, chez nous même, en pays Wè, c’est comme ça ça se fait, l’enfant que tu as fait c’est pas pour toi, c’est pour ton frère, c’est pour ta sœur ». Enfant 6, 14 ans, ivoirienne, jamais scolarisée, travaille dans un champs de manioc pour sa cousine, Yaoudé (Guiglo) : « Avant on est au village, on joue ensemble, on fait rien. Maintenant, quand je suis là-bas, elle dit, notre grand-mère est morte, je suis seule à la

maison, viens on va partir au champs, c’est ça elle m’a appelée et puis je suis venue habiter ici, et puis on travaille ensemble. Je n’ai rien dit moi aussi je suis d’accord, je viens. » Employeur 7, togolaise, emploie une fille de 8 ans, jamais scolarisée, non rémunérée, San Pedro : « Son papa était mon ami, j’ai payé champs de cacao, son papa travaillait dedans. Donc c’est là on s’est connu un moment, et il m’a dit bon, il faut prendre la fille là, je n’ai pas les moyens de la mettre à l’école, elle fait rien à la maison, elle va aller t’aider un peu. C’est par là que je l’ai eue. Y a pas l’argent entre nous ». Enfant 7, 8 ans, ivoirienne, jamais scolarisée, travaille dans un maquis chez un « tonton » : « Quand je suis chez nous là-bas (campement où vivent ses parents), je travaille pas. Si c’est maman qui va au champs ou bien mon papa, j’ai un peu travaillé. C’est tonton, quand il est venu, c’est ça maman dit comme je travaille pas je n’a qu’à venir chez lui là, travailler un peu (non rémunérée mais promesse de recevoir quelque chose à la fin)».

Ce critère de la rémunération est fondamental pour les parents, qui confient facilement leur enfant à l’intérieur de l’espace familial ou communautaire, essentiellement pour être délesté d’une charge, et pas nécessairement pour en tirer un bénéfice financier. Il y a dès lors un paradoxe entre, d’un côté, la perception des parents qui considèrent qu’il n’y a pas de risques d’exploitation parce que le transfert intervient dans un contexte familial ou communautaire et/ou parce qu’il n’a pas vocation à être rémunérateur, et de l’autre côté l’utilisation de ces enfants par un parent, qui, de fait, revêt un caractère abusif car se faisant le plus souvent à temps complet, sans rémunération aucune, avec tout au plus une compensation en nature (prise en charge, habits, cadeaux).

Confiance des parents lors d’un recrutement intra-familial non rémunéré Employeur 64, 27 ans, ivoirienne d’ethnie yacouba, propriétaire de maquis à Guiglo donne les raisons pour lesquelles elle n’emploie que des personnes avec qui elle a un lien de parenté et comment elle s’y prend pour les recruter : « Avant c’était moi seule qui était là. Parce que si tu vends dans maquis, si tu t’en vas, toi comme çà tu t’en va chercher les enfants même si c’est pour les payer. Déjà tu vends dans maquis, ton nom est gâté : y a d’autres ils vendent dans maquis pour chercher garçon, et toi tu t’en vas prendre enfant de quelqu’un, même si tu dis tu va payer chère, ils refusent. Prendre son enfant pour aller donner à les garçons pour que son maquis marche. Donc c’est dur c’est moi seule qui étais là donc je suis allé prendre mes cousines, et mes nièces. Comme c’est la famille elle me connaît comment je suis aussi, je les fait pas. je paye leurs besoins aussi… c’est comme tu t’en vas, ta petite sœur, tu quittes tu t’en va c’est dans même camion là tu vas, tu quittes tu les envoie un petit cadeau tu dis ah je suis seule là bas je veux que mes sœurs n’on qu’à venir m’aider, puisque j’ai mes enfants avant j’avais seulement un seul enfant mais comme tu as bébé, pour vendre bébé pleure tout çà là donc c’est par là je suis partie dire que voilà, donnez moi mes sœurs je suis seule, eux ils connaissent, je viens toujours dans la famille j’étais au village toujours et c’est par là ils m’ont donné ces enfants. C’est leur papa eux-mêmes. C’est comme tu as pris ta petite sœur toute suite, tu as envoyé si tu réussis, tu vas chercher pour elle aussi. »

La captation familiale (au sens large) de la force de travail de l’enfant est alors souvent justifiée par les adultes en présence comme un service rendu à l’enfant (préparation à la vie d’adulte, accessoirement formation professionnelle, petits gains financiers). La médiatisation renforce la coupure familiale puisque la totalité des enfants qui ont rencontré leur employeur avec l’aide d’un tiers n’ont aucun lien de parenté avec lui.

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Aucun lien de parenté, intermédiation d’un tiers Employeur 19, ivoirienne, gérante de maquis, emploie une fille de 9 ans non rémunérée, Abidjan : « J’avais besoin d’une fille. C’est ma maman qui me l’a envoyée du village, elle connaît sa famille. Quand mon frère est venu, il l’a amenée, il dit la vieille dit d’envoyer ton enfant. Je ne connais pas ses parents. »

Lorsque les parents veulent tirer une contrepartie financière du travail de leur enfant, celui-ci travaille le plus souvent chez un tiers. Comme l’indique le tableau ci-dessous, l’extrême majorité des enfants qui ont un lien de parenté avec leur employeur ne sont pas rémunérés (94,9% sont aides familiaux éloignés et 3% apprentis), tandis que neuf travailleurs rémunérés sur dix (90,1%) n’ont aucun lien de parenté avec leur employeur.

Tableau 55 : Répartition des enfants selon le lien de parenté avec l’employeur et le statut professionnel

Apprenti Travailleur rémunéré

Travailleur non

rémunéré

Aide familial éloigné

Total

23 16 733 772 3,0% 2,1% 94,9% 100,0%

Autre parent

16,8% 9,9% 100,0% 74,3%

114 146 7 267 42,7% 54,7% 2,6% 100,0% Aucun

83,2% 90,1% 100,0% 25,7% 137 162 7 733 1039

13,20% 15,60% 0,70% 70,50% 100,00% Total

100,00% 100,00% 100,00%100,00% 100,00%

En tout état de cause, un accord est conclu entre les parents et l’employeur au moment de la remise de l’enfant, pour lequel l’enfant a été exclu des discussions.

Travail rémunéré de l’enfant : Employeur sans lien de parenté Parent 76, 52 ans, guinéen vivant à San Pedro : « J. travaille là-bas c'est pas parce que je ne pouvais pas la nourrir, mais mon ami à besoin. C'est un ami de longue date qui a besoin d'une fille pour aider sa femme, c'est pourquoi je les ai laissé partir avec lui. C'est un ami de longue date donc il a demandé, il m'a demandé si j'ai une fille qui peut venir rester auprès de sa femme pour l'aider à travailler dans son maquis j'ai dit que si tu en as besoin, viens, je vais voir ma fille comme J. est la à côté de nous, qu'elle ne fait rien pour le moment, je vais la faire partir avec vous c'est par là il est parti avec ma fille »

• La relation de travail s’accompagne d’un placement chez l’employeur pour les aides familiaux

éloignés et les travailleurs rémunérés. Seulement 36% des enfants qui travaillent pour un tiers vivent effectivement chez lui. On constate que près de deux enfants sur trois concernés ne vivent cependant pas avec leurs parents (62,2%). Une proportion non négligeable de ces enfants vit ainsi chez un tuteur (22,1%), qui n’est pas leur employeur. Le statut professionnel semble cependant ici déterminant. On relève ainsi que la majorité des apprentis (56,1%) vivent chez leurs parents (soit 63,4% des enfants concernés vivant chez leurs parents) ou chez un tuteur (33,3%), tandis que la majorité des enfants travailleurs rémunérés (57,5%) vivent chez leur employeur (soit 87,5% des enfants vivant chez leur employeur sans lien de parenté), contre 25% chez leurs parents.

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Tableau 56 : Répartition des enfants selon leurs conditions de résidence, leur lien de parenté avec l’employeur et leur statut professionnel

Apprenti Travailleur rémunéré

Travailleur non rémunéré

Aide familial éloigné Total

5 2 7

71,4% 28,6% 100,0%Autre parent

7,2% 5,1% 6,5%64 37 101

63,4% 36,6% 100,0%Aucun

92,8% 94,9% 93,5%69 39 108

63,9% 36,1% 100,0%

Chez les parents (père / mère)

Total

100,0% 100,0% 100,0%8 9 733 750

1,1% 1,2% 97,7% 100,0%Autre parent

57,1% 9,7% 100,0% 88,7%6 84 6 96

6,3% 87,5% 6,3% 100,0%Aucun

42,9% 90,3% 100,0% 11,3%14 93 6 733 846

1,7% 11,0% 0,7% 86,6% 100,0%

Chez l'employeur

Total

100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 1 1

100,0% 100,0%Aucun

100,0% 100,0% 1 1 100,0% 100,0%

Avec d'autres travailleurs

Total

100,0% 100,0%7 4 11

63,6% 36,4% 100,0%Autre parent

15,6% 16,7% 15,7%38 20 1 59

64,4% 33,9% 1,7% 100,0%Aucun

84,4% 83,3% 100,0% 84,3%45 24 1 70

64,3% 34,3% 1,4% 100,0%

Avec un tuteur

Total

100,0% 100,0% 100,0% 100,0%3 1 4

75,0% 25,0% 100,0%Autre parent

33,3% 20,0% 28,6%6 4 10

60,0% 40,0% 100,0%Aucun

66,7% 80,0% 71,4%9 5 14

64,3% 35,7% 100,0%

Autre

Total

100,0% 100,0% 100,0%

Par contre, la mise au travail de l’enfant auprès d’un parent éloigné est étroitement corrélée à la résidence avec ce parent, le statut ayant un plus faible impact. Selon les données du tableau ci-dessus, 97,2% des enfants qui travaillent pour un parent éloigné vivent avec celui-ci. Seulement 0,9% d’entre eux vivent avec leurs parents biologiques et 1,4% vivent avec un autre tuteur. Si l’on regarde le statut professionnel, 97,7% des enfants qui travaillent et vivent chez un même parent éloigné sont des aides familiaux. Un tiers seulement des enfants placés en apprentissage chez un parent éloigné vivent

80

également avec lui (34,8%), tandis qu’une proportion non négligeable vit avec un autre tuteur (30,4%), contre seulement 21,7% avec leurs parents. La majorité des enfants rémunérés travaillant pour un parent éloigné vivent également avec lui (56,3%) tandis que 25% sont chez un tuteur et 12,5% chez leurs parents. Les résultats tirés de l’enquête quantitative nous indiquent également que parmi les enfants travaillant pour des adultes autres que leur père ou mère (1041) :

- 9,3% sont actuellement âgés de 6-9 ans (soit 97 enfants) et l’ensemble de ces enfants a un lien de parenté avec leur employeur

- 41% sont âgés de 10-14 ans (soit 426 enfants), et parmi eux 14,6% n’ont aucun lien de parenté avec leur employeur (soit 23,2% des enfants n’ayant aucun lien de parenté avec leur employeur)

- 49,7% sont des jeunes de 15-17 ans (soit 518 enfants), et parmi eux 39,7 % n’ont aucun lien de parenté avec leur employeur (soit 76,8% des enfants n’ayant aucun lien de parenté avec leur employeur).

• Le statut scolaire détermine les conditions de mobilisation de la main d’œuvre enfantine Les enfants scolarisés sont davantage mobilisés à l’initiative de l’employeur lui-même, avec lequel ils entretiennent plus souvent des liens de parenté. Comme l’indique le tableau ci-dessous, 51,2% des enfants actuellement scolarisés, contre 30,9% des déscolarisés et 27% des enfants jamais scolarisés ont été mobilisés directement par l’employeur. Cette mobilisation de la main d’oeuvre scolarisée directement par l’employeur s’explique certainement par la présence préalable de ces enfants sous le toit de leur futur employeur, pour des raisons éducatives, car celui-ci n’est autre qu’un parent éloigné, et logiquement leur tuteur, dans 96% des cas. Tableau 57 : Répartition des enfants selon leur situation scolaire actuelle et l’origine de la demande de leur mise

au travail

L'employeur m'a abordé directement

L'employeur a abordé mes parents

Mes parents ont abordé l'employeur

J'ai abordé directement l'employeur

Une tierce personne m'a abordé

J'ai abordé une tierce personne Autre Total

197 124 51 8 2 1 2 38551,2% 32,2% 13,2% 2,1% 0,5% 0,3% 0,5% 100,0%Scolarisé

50,8% 42,3% 23,0% 10,8% 6,3% 6,7% 11,8% 37,0%115 79 86 55 22 10 7 374

30,7% 21,1% 23,0% 14,7% 5,9% 2,7% 1,9% 100,0%Déscolarisé

29,6% 27,0% 38,7% 74,3% 68,8% 66,7% 41,2% 35,9%76 90 85 11 8 4 8 282

27,0% 31,9% 30,1% 3,9% 2,8% 1,4% 2,8% 100,0%Jamais scolarisé

19,6% 30,7% 38,3% 14,9% 25,0% 26,7% 47,1% 27,1%388 293 222 74 32 15 17 1041

37,3% 28,1% 21,3% 7,1% 3,1% 1,4% 1,6% 100,0%Total

100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

Inversement, la mobilisation des enfants placés hors du système éducatif est davantage à l’initiative des parents ou des enfants eux-mêmes. A cet égard, respectivement 27% et 30% des enfants mobilisés après demande de l’employeur aux parents, ont quitté l’école ou ne l’ont jamais fréquenté. De même, parmi les enfants dont les parents ont abordé l’employeur, 39% sont déscolarisés et 38,1% ne sont jamais allés à l’école. Cependant, on constate que les enfants qui ne sont jamais allés à l’école sont plus exposés, que les enfants déscolarisés, à une mobilisation par les adultes eux-mêmes : 31,9% d’entre eux ont fait l’objet d’une demande de l’employeur aux parents (contre 21% des déscolarisés) et 30,1% d’une demande des

81

parents à l’employeur (contre 23,1% des déscolarisés). C’est leur disponibilité « structurelle » qui favorise leur captation par les adultes comme en témoigne les propos tenus par les parents ci-dessous.

Disponibilité des enfants non scolarisés : circulation plus facile Enfant 54, 15 ans, ivoirienne, gouro, jamais scolarisée, vendeuse de condiments pour sa tante, rémunérée, Daloa : « Elle a dit à ma maman qu’elle veut un enfant comme sa fille, sa première enfant là elle est morte. Elle a dit à ma maman que elle n’a qu’à chercher enfant pour lui donner. C’est ça ma maman dit qu’elle va me prendre pour me donner à elle, que je n’ai qu’à venir vendre avec elle ». Employeur 72, 40 ans, ivoirien d’ethnie malinké, couturier et vendeur de bonbon à Daloa : « comme on n'est en Afrique nous sommes voisins avec ses parents, ses parents on vu qu'elle ne faisait rien à la maison ils ont senti aussi que nous étions dans le besoin c'est à dire le fait d'être avec une fillette qui nous donne un coup de main ils ont jugé utile qu'elle soit avec mon épouse sans

condition. Nous étions dans le besoin on a demandé et ils n'ont pas trouvé d'inconvénient à cela et voilà sans condition si je dis sans condition je veux dire qu'il ne nous ont pas imposé un montant mensuel donc ce qui fait que de temps à autre nous pouvons faire un petit geste du côté des parents et voilà. » Enfant 11, burkinabé, 12 ans, jamais scolarisée, travaille dans le maquis de sa tante paternelle à San Pedro : « Je n’ai jamais été à l’école, c’est parce que c’est la sœur de ma maman qui m’a envoyée à Abidjan, j’étais petite. Ma tante m’a ramenée au village (au Burkina), et c’est là que la sœur de mon papa, a parlé avec mon papa et ma maman, et m’a pris pour venir ici, à San Pedro(…)Je suis payée 11.000 (par mois). Ma tante peut garder l’argent trois ou quatre mois et puis elle envoie ça à mon père au Burkina. Je vois pas l’argent. »

De leur côté, les enfants déscolarisés sont ceux qui prennent le plus d’initiatives avec 14,6% d’entre eux (contre 3,9% des enfants jamais scolarisés et 2,1% des élèves) qui ont abordé directement l’employeur et 5,9% une tierce personne. Ce sont eux également qui sont les plus vulnérables aux propositions d’un tiers (2,7% d’entre eux contre 1,4% des jamais scolarisés et 0,3% des élèves). Pour finir, la « disponibilité » des enfants placés actuellement hors de l’école les rend plus vulnérables, que les élèves, à une captation de leur main d’œuvre par des adultes extérieurs à la famille élargie, même si celle-ci demeure, pour près de deux enfants sur trois, familiale : « seulement » 61,3% des enfants non-scolarisés ont des liens de parenté avec leur employeur, ou plutôt 38,7% des enfants hors de l’école n’ont aucun lien de parenté avec leur employeur.. • Le statut au travail reflète les conditions de recrutement, la demande de main-d’œuvre

enfantine vise une main-d’œuvre non rémunérée familiale L’initiative prise par les employeurs exprime très clairement une demande de main d’œuvre enfantine non rémunérée, et cette main d’œuvre est puisée dans le vivier familial dans 92,5% des cas. Près de la moitié des aides familiaux éloignés ont été mobilisés directement par l’employeur. Les aides familiaux éloignés représentent 92,3% des enfants mobilisés directement par l’employeur (contre 14,7% de travailleurs rémunérés et 4,3% d’apprentis) et 88,1% des enfants mis à disposition par les parents sur demande de l’employeur.

Tableau 58 : Répartition des enfants selon leur statut professionnel et l’origine de la demande de leur mise au travail

L'employeur m'a abordé directement

L'employeur a abordé mes parents

Mes parents ont abordé l'employeur

J'ai abordé directement l'employeur

Une tierce personne m'a abordé

J'ai abordé une tierce personne Autre Total

5 2 97 20 5 1 8 1383,6% 1,4% 70,3% 14,5% 3,6% 0,7% 5,8% 100,0%Apprenti 1,3% 0,7% 43,7% 27,0% 15,6% 6,7% 47,1% 13,3%

24 30 31 30 26 14 8 16314,7% 18,4% 19,0% 18,4% 16,0% 8,6% 4,9% 100,0%

Travailleur rémunéré

6,2% 10,2% 14,0% 40,5% 81,3% 93,3% 47,1% 15,7% 3 2 1 1 7 42,9% 28,6% 14,3% 14,3% 100,0%

Travailleur non rémunéré

1,0% 0,9% 3,1% 5,9% 0,7%359 258 92 24 733

49,0% 35,2% 12,6% 3,3% 100,0%Aide familial éloigné

92,5% 88,1% 41,4% 32,4% 70,4%388 293 222 74 32 15 17 1041

37,3% 28,1% 21,3% 7,1% 3,1% 1,4% 1,6% 100,0%Total 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

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Lorsque les parents prennent l’initiative de faire travailler leur enfant à l’extérieur de la cellule familiale, ils ont essentiellement pour but de lui trouver un travail formateur : 43,9% des enfants ainsi concernés sont apprentis (parallèlement 70% des apprentis ont été recrutés à la suite d’une initiative parentale). Les conditions d’apprentissage sont fixées par l’employeur auquel est versé une compensation pour la formation.

La demande vient des parents lorsqu’il s’agit d’un placement en apprentissage Employeur 33, ivoirien, mécanicien, garagiste, Abidjan : « Ce sont les clients qui les emmènent quand ils voient que le travail est bien fait. C’est avec les parents, au village, que je discute. Je leur prenais 50.000 F, l’enfant peut faire même cinq ans avec moi. S’il connaît, je lui fait sont petit diplôme et puis il se cherche. Mais maintenant je demande 5000 F par mois, je prends une caution de 25.000 ou 50.000 F, et puis après tu commences à payer. » Employeur 61, 23 ans, ivoirien d’ethnie malinké, mécanicien à San Pedro : « c’est les parents même qui envoient leurs enfants. Y a d’autres qui vont chez moi à la maison et puis on commence à discuter là bas et on vient au garage, y a d’autres qui vient au garage directement, je n’ai jamais parti chez un de ces parents pour mes apprentis, ah donne moi ton enfant je vais venir au garage. Souvent y a d’autres on peut discuter pendant un mois, on est dessus, je n’ai pas encore accepté. Actuellement même y a un qui veut venir, ça me fait au moins trois semaines, un mois comme çà, on est là discuter je n’ai pas encore accepté parce que on est deux

on a fait garage là, c’est l’autre là qui était là tout de suite là parce que l’autre là je dis je vais le voir d’abord tellement que j’ai vu les enfants ils sont trop je veux pas prendre petit là, je lui est parlé je dis les enfants sont trop mais il est derrière moi toujours, il dit de chercher, même si c’est pas chez moi trouver une place à quelque part pour que on prend son fils. Mes conditions je ne peux pas prendre l’argent chez l’un des parents de mes apprentis, c’est par manque de moyens que je vais prendre l’argent avec eux pour venir. Quand à moi j’ai payé droit avant de rentrer chez mon patron, je dit moi je vais pas prendre un droit avec un enfant, mais quand j’ai vu que les enfants commence à gâter mes matériels là ils commencent à jeter et puis il prend pas çà en considération je dis bon, ce que je vais poser maintenant si un enfant veut renter, ses parents envoie au moins 5 clefs maximum avant de rentrer chez moi, je ne prends pas 5f avec un eux tous même tu peux le demander hein… C’est le papa qui vient avec l’enfant, je n’ai jamais accepté de prendre l’enfant côté maman37. C’est des risques parce que c’est le papa qui est tout38. »

Cependant on constate qu’une proportion quasi équivalente (41,3% d’entre eux) prennent eux-mêmes l’initiative de placer leur enfant comme aide familial éloigné. Ce placement traduit assurément la volonté ou la nécessité de se délester de la charge que constitue l’enfant, mais ce placement peut revêtir également un but éducatif (scolarisation parallèle de l’enfant, éducation). Quelque soit l’objectif ou statut recherché, les stratégies parentales débouchent sur un emploi placé sous la tutelle d’un parent éloigné dans 48,2% des cas. Lorsque les parents ont placé leur enfant comme apprenti, seulement 11,3% d’entre eux ont placé leur enfant chez un parent éloigné contre 87,6% chez un tiers. Il en est de même pour les enfants ayant été placés par leurs parents comme travailleur rémunéré : 87,1% travaillent pour un tiers et seulement12,9% pour un parent éloigné. Lorsque les enfants prennent l’initiative d’aller à la rencontre de l’employeur, 40,5% d’entre eux, débouchent sur un travail rémunéré et 27% sur un apprentissage, et dans près de neuf cas sur dix chez un tiers (96,7% des travailleurs rémunérés et 80% des apprentis ayant été à la rencontre de leur employeur n’ont pas de lien de parenté avec leur employeur). La médiation d’un tiers a débouché dans 85% des cas sur un travail rémunéré et 15% sur un apprentissage professionnel.

2 – Une mobilisation faiblement médiatisée Seulement 4,5% des enfants, sur les 2504 interrogés dans le cadre de l’enquête quantitative, ont rencontré leur employeur par l’intermédiaire d’une tierce personne. Ainsi, 3,1% des enfants ont été abordés par un tiers tandis que 1,4% ont eux-mêmes sollicité les services d’une tierce personne pour rencontrer leur employeur actuel. Sur les 47 enfants concernés :

37 Comprendre : « je n’ai jamais accepté d’engager un enfant (comme apprenti) envoyé par sa mère » 38 Comprendre : « c’est le papa qui le chef, c’est lui qui décide de tout »

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- 76,6% sont des filles - 87% sont des travailleurs rémunérés, contre 13% d’apprentis - 91,3% sont des ivoiriens (qui représentent 91,7% de l’échantillon global) - 68,1% sont déscolarisés, contre 25,5% qui n’ont jamais fréquenté l’école - 57,4% exécutent des travaux domestiques, 19,1% exercent dans les petits métiers du secteur

informel, 8,1% dans l’Hygiène/Coiffure/Couture et seulement 4,3% dans l’Agriculture /Pêche/Elevage

- 59,6% ont migré pour rejoindre leur localité actuelle (27/28 sont des migrants internes). - parmi ceux qui ont migré, 53,6% ont migré seuls dans le but de travailler, contre 17,9% qui

sont venus apprendre un métier (et respectivement 10,7% qui ont suivi leurs parents / migré pour leurs études).

Lorsque l’intermédiaire a pu été précisé (39/47), on constate que plus de huit enfants sur dix (84,6%) avaient des rapports étroits avec celui-ci : il s’agit d’un ami personnel ou de la famille pour la moitié des enfants concernés (51,3%) et d’un autre membre de la famille pour un tiers d’entre eux (33,3%). Seulement 10,3% des enfants concernés (soit 4 enfants) ont rencontré leur employeur par l’intermédiaire d’une tierce personne avec laquelle ils n’ont pas de rapports particuliers (soit 1,6% de l’échantillon global d’enquête). Deux enfants, sur les quatre concernés ont été en contact avec des services de placement.

L’intermédiaire : un parent éloigné Employeur 59, 37 ans, ivoirienne d’ethnie baoulé, propriétaire d’un maquis à Abidjan : « c’est la quatrième personne qui travaille dans mon maquis. La première personne elle était grande puisqu’elle avait déjà un enfant, elle pouvait avoir 20 ans comme ça. Je l’ai eue par un cousin qui habitais dans la même cour que ses parents. Après il y a eu B. (une jeune fille), elle avait 16 ans. C’est par un cousin encore, elle cherchait du boulot, un jour ils se sont rencontrés, je sais pas où, mais il est venu me voir, comme moi aussi j’étais intéressée, je l’ai prise. Après il y a eu R. (une jeune fille) , elle avait 16 ans, je l’ai eue par le même cousin. C’était pas son travail de donner des filles aux gens, mais c’est parce qu’il a beaucoup de connaissances. Après R. c’est A. (enfant 59 interrogé), c’est elle qui est là présentement. Elle a déjà fait un an et quelque ici… La première fille qui travaillait ici, j’ai discuté avec elle-même avant de la prendre, les autres c’est avec leurs parents, celle qui est là actuellement (enfant 59), c’est avec sa grande sœur… Elles sont toutes baoulé comme moi »

Employeur 71, 33 ans, ivoirienne d’ethnie baoulé, propriétaire de restaurant à San Pedro : « Pour Be. (13 ans, ivoirienne, baoulé, déscolarisée). Elle, je connais une femme au marché, c'est avec elle je paye les graines, c'est ça je dis que mes filles là il y a d'autres qui sont parties, je cherche une fille. C'est ça elle dit que elle a une fille que elle travaille quelque part la bas, la femme là, elle ne paye pas bien et puisque elle-même elle veut prendre l'enfant là, que donc comme je suis sa camarade là j'ai parlé ça elle va m'envoyer la fille c'est ça elle m'en envoyé… Je l'ai demandé premier la elle dit c'est sa maman, c'est ça je la demande jusqu'à maintenant elle me dit c'est sa tante, c'est maintenant j'ai demandé à la dame la elle dit oui, ses parents sont à Daloa, et comme elle, elle vend l’eau glacée elle a congélateur elle l'a envoyé pour vendre son eau mais comme la fille est venue, elle n'est trop petite elle ne peut pas se promener pour vendre et puis elle a donné à quelqu'un pour travailler »

Ceci étant, la qualité des rapports entretenus par l’enfant avec l’intermédiaire ne préjuge pas du caractère éventuellement professionnel de la médiation ainsi effectuée. La question est de savoir s’il s’agit de services ponctuels rendus sur la base des relations individuelles, sans contrepartie financière, ou si l’intermédiaire en fait une activité régulière dont il tire/a tiré des avantages, soit auprès des parents concernés, soit auprès de l’employeur, et dans tous les cas au détriment de l’enfant. Un des principaux critères qui permettrait d’identifier une situation d’abus est celui de la destination de la rémunération, le cas échéant. On sait que, dans le cadre de l’échantillon global, aucun enfant travailleur rémunéré ne voit son salaire versé directement (en partie ou en totalité) à une tierce personne, mais que par contre 8,4% d’entre eux voient leur salaire versé (en partie ou en totalité) à un parent éloigné. S’agissant des 47 enfants placés avec l’aide d’un tiers, 40 sont effectivement des travailleurs rémunérés (contre 7 indépendants) et tous touchent directement, et dans son intégralité, leur salaire. Parallèlement, les informations collectées lors de l’enquête qualitative n’ont pas permis de démontrer l’existence d’une médiation professionnelle menée soit individuellement, soit dans le cadre d’un

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réseau. A cet égard, une forte proportion d’employeurs (32,1%) parmi ceux interrogés (30) a déclaré avoir rencontré l’enfant avec l’aide d’un tiers, soit celle d’un parent éloigné de l’enfant (14,3% des cas), d’un ami personnel (7,1%) ou d’un camarade de l’enfant lui-même (10,7%). Parallèlement 39,3% connaissaient directement le père ou la mère et 28,6% connaissaient personnellement l’enfant.

3 – Un accord entre adultes Attentes des employeurs dans le recrutement d’un enfant : La docilité 89,3% des employeurs interrogés ont déclaré avoir toujours employé un ou des enfants. Pour 50% des employeurs interrogés (30), l’emploi d’un enfant se justifie pour des raisons économiques : 34,6% justifie le recours à un enfant pour des économies de coûts contre 15,4% qui considèrent qu’un enfant est même plus productif qu’un adulte.

Une économie de coût Employeur 72, 40 ans, ivoirien d’ethnie malinké, couturier et vendeur de bonbon à Daloa : « Employer un enfant c'est avantageux tout simplement parce que c'est un enfant et puis c'est la vente de bonbons c'est une denrée qui coûte moins chère c'est des éléments de 5 francs, 10 francs, 15 francs, etc. mais si c'est une grande personne elle se voit un peu trop grande pour vendre des choses de 5 francs et puis en plus le consommateur principal c'est souvent des enfants et entre enfants ça passe très rapidement, ça se passe bien et vite (…) Il y a une différence de coût, pour une grande personne elle peut dire que ça ne peut pas l'arranger au niveau de ce qu'on va lui donner mensuellement, les grandes personnes peuvent nous imposer un montant qu'on ne peut pas forcement avoir dans la vente de bonbons donc il y a une différence. »

En tout état de cause, la première raison avancée par les employeurs dans l’utilisation de la force de travail d’un enfant est sa docilité (42,3%).

La docilité attendue d’un enfant travailleur Employeur 56, 19 ans, ghanéen vivant à Diboué (San Pedro) n’emploie que des enfants dans le maquis de son père qu’il gère depuis 5 ans : « je préfère prends les petits parce que les grandes personnes, y a pas respect entre nous deux » Employeur 64, 27 ans, ivoirienne d’ethnie yacouba, propriétaire de maquis à Guiglo : « Un adulte, il est déjà adulte, un enfant, c’est pour le

montrer la vie pour l’éduquer, une bonne vie, pour être impoli non, il faut être poli. Parce que y a les autres ils sont déjà grands, ils te dépasse tout suite tu lui parles, tu parles un il parle deux or un enfant tu dit non ne fait pas çà là, il dit non hier j’ai fait çà là ma grande sœur a dit de ne pas faire mais vous êtes même chose, même âge, mais elle dit quoi même, elle est déjà grande, elle est habituée à çà »

Des conditions de travail discutées entre adultes Si 21,7% des employeurs interrogés ont déclaré n’avoir eu aucun contact avec les parents au moment du recrutement, 88,2% ont échangé avec les parents à ce moment là, et dans 69,2% des cas les discussions sur les conditions de travail de l’enfant se sont faites sans l’enfant lui-même. : 42,3% avec le père, 11,5% avec la mère et 15,4% avec un parent éloigné de l’enfant. L’enfant lui-même n’a discuté directement avec son employeur des conditions de travail que dans 30,8% des cas.

Un arrangement entre adultes Enfant 27, ivoirienne, 12 ans, jamais scolarisée, travaille dans un maquis, vit chez sa grand-mère, Abidjan : « Je travaillais avec la maman de tante M. (sa patronne actuelle, avec laquelle elle n’a pas de lien de parenté mais issue du même village) qui avait un maquis à San Pedro (d’où l’enfant est originaire). Je lavais les assiettes. Je servais les clients. Je sais pas combien j’étais payée, elle donnait à ma maman. Ma maman achetait habits pour moi.Ca n’a pas fait un an, tante M. est venue me chercher pour venir à Abidjan. Elle cherchait une petite fille pour l’aider, c’est à ce moment que sa maman chez qui je travaillais a dit que je vienne avec elle. Tante M. est allée voir ma maman. Elles ont discuté le prix (montant de la paie) mais je sais pas combien ».

Employeur 71, 33 ans, ivoirienne d’ethnie baoulé, propriétaire de restaurant à San Pedro : « je les ai pris au village. On est ensemble avec leurs parents, on s’assoie pour parler comme ça et puis juger le prix tout là-bas. C’est à leurs parents on donne l’argent. On compte le mois, si ça fait un an, arrivé là-bas, on calcule et puis je donne. C’est ça j’ai eu les deux premiers filles qui a travaillé ici. Pour Bé, sa tante là, chaque fin de mois je m’en vais donner son argent là. 7000. C’est elle-même qui m’a dit je n’à qu’à envoyer là-bas. Son papa ne veut pas qu’on n’a qu’à dépenser l’argent là ici. .

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V – ORIENTATION SECTORIELLE ET STATUT AU TRAVAIL DE S ENFANTS A – L’ACCES AUX SECTEURS D’ACTIVITE

1 – Répartition sectorielle des enfants selon la traditionnelle division sexuelle des tâches La répartition des enfants travailleurs dans les secteurs d’activités, selon leur sexe, reflète bien la traditionnelle division des sexes dans les processus de production. Certains secteurs d’activités sont fortement marqués par le genre. Dès lors, il convient de souligner que le poids global de chaque secteur d’activité est légèrement influencé par la prédominance des filles dans l’échantillon enquêté (62%). • Deux tiers des enfants travailleurs se répartissent de façon égale entre l’agriculture et le

travail domestique Une proportion équivalente d’enfants interrogés travaille dans l’agriculture (38,3%) et dans le secteur des travaux domestiques (38,5%). Le secteur de l’Agriculture/Pêche/Elevage absorbe aussi bien les filles que les garçons. Bien qu’il reste légèrement dominé par les garçons (69% des enfants qui y sont occupés), c’est celui qui enregistre le plus faible écart de genre dans la répartition des enfants selon leur sexe. Cela peut s’expliquer notamment par la participation traditionnelle de tous les enfants du ménage à la production agricole, la division sexuelle pouvant intervenir ensuite dans la répartition des tâches/des cultures (vivrière pour les filles, de rente pour les garçons). Inversement, le secteur du travail domestique reste l’apanage des filles (91,2% des enfants travailleurs de ce secteur), d’où son poids relativement important dans la répartition sectorielle globale des enfants travailleurs. Les petits commerces constituent le troisième secteur d’activité des enfants travailleurs, avec 8,8% des enfants qui y travaillent. Les filles dominent ce secteur avec une proportion de 78,7% des enfants qui y sont occupés. Une minorité d’enfants travaillent dans les secteurs suivants, qui sont également fortement marqués par le genre :

- les petits métiers du secteur informel (4,7%), qui reste l’apanage des garçons (91,5% des enfants qui y travaillent)

- l’alimentation/débit de boisson/restauration (4,3% des enfants travailleurs), secteur d’activité dominé par les filles (84%).

- l’ensemble des activités liées à l’hygiène, la coiffure, les soins corporels, la couture (4,2%), secteur largement occupé par les filles à 74%.

• Deux garçons sur trois travaillent dans l’Agriculture/Pêche/Elevage Les garçons travailleurs interrogés sont impliqués principalement dans l’agriculture (68,5% d’entre eux), puis dans les petits métiers du secteur informel (11%). Une faible proportion est impliqué dans le petit commerce de rue (4,9%).

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• Une fille sur deux travaille dans le secteur des travaux domestiques Les filles travailleuses interrogées sont absorbées principalement dans le secteur des travaux domestiques (57,3% d’entre elles), puis dans l’agriculture (19,2%), et dans les petits commerces (11,3%). Elle ne sont que 5,9% à travailler dans l’alimentation/débit de boisson/restauration, mais tout de même trois fois plus nombreuses que les garçons (1,9% d’entre eux). Lorsque l’on se réfère à la répartition sectorielle des enfants travailleurs selon leur situation scolaire (scolarisés / non scolarisés) et leur genre, on retient que c’est d’abord le sexe qui détermine l’orientation sectorielle des enfants travailleurs, et que la scolarisation/non scolarisation joue un rôle secondaire même si elle vient renforcer les écart de genre existants. Comme l’indique le tableau ci-dessous, dans tous les secteurs, à l’exception de deux (petits commerce, hygiène/coiffure), les écarts de genre sont plus importants que les écarts entre le statut d’élève et celui de non-élève pour un même sexe.

Tableau 59 : Répartition des enfants selon leur situation scolaire et leur secteur d’activité

Agriculture / Elevage / Pêche

Alimentation / Restauration / Débit de boisson

Petits commerces

Petits métiers du secteur informel

Hygiène / Coiffure / Divers soins corporels / Couture

Travaux domestiques Autres Total

161 27 50 1 1 502 3 74521,6% 3,6% 6,7% 0,1% 0,1% 67,4% 0,4% 100,0%Féminin

26,2% 77,1% 71,4% 3,4% 20,0% 87,0% 21,4% 55,4%453 8 20 28 4 75 11 599

75,6% 1,3% 3,3% 4,7% 0,7% 12,5% 1,8% 100,0%Masculin

73,8% 22,9% 28,6% 96,6% 80,0% 13,0% 78,6% 44,6%614 35 70 29 5 577 14 1344

45,7% 2,6% 5,2% 2,2% 0,4% 42,9% 1,0% 100,0%

Scolarisé

Total

100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%134 63 125 9 76 376 6 789

17,0% 8,0% 15,8% 1,1% 9,6% 47,7% 0,8% 100,0%Féminin

38,8% 87,5% 82,2% 10,1% 76,8% 97,7% 35,3% 68,1%211 9 27 80 23 9 11 370

57,0% 2,4% 7,3% 21,6% 6,2% 2,4% 3,0% 100,0%Masculin

61,2% 12,5% 17,8% 89,9% 23,2% 2,3% 64,7% 31,9%345 72 152 89 99 385 17 1159

Non scolarisé

Total 29,8% 6,2% 13,1% 7,7% 8,5% 33,2% 1,5% 100,0%

Ainsi, les secteurs comme l’agriculture et le travail domestique surtout, mais également l’Alimentation/Restauration et les petits métiers du secteur informel, sont des secteurs marqués par de forts écarts de genre, avec en général un moindre impact de la scolarisation. Cependant, la scolarisation a un impact à deux niveaux :

- dans certains secteurs, les écarts de statut scolaire sont plus importants que les écarts de genre, comme par exemple dans le secteur des petits commerces, qui avant d’attirer les filles (dominantes dans ce secteur) attire surtout les non-scolarisés : 15,8% des filles et 7,3% des garçons non-scolarisés contre 6,7% des filles et 3,3% des garçons scolarisés. Tel est également le cas pour le secteur de l’Hygiène/Coiffure/Couture, pourtant dominé lui aussi par les filles : 9,6% des filles et 6,2% des garçons non scolarisés contre 0,1% des filles et 0,7% des garçons scolarisés.

- Hormis dans l’agriculture ou le travail domestique (où les écarts de genre sont importants quel que soit le statut scolaire), les écarts de genre sont plus importants chez les enfants non

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scolarisés, en particulier dans les secteurs dominés par les filles comme l’Alimentation/Restauration, les petits commerces, l’Hygiène / Coiffure / Couture, ou dans celui des petits métiers du secteur informel, dominé par les garçons. Par exemple, dans ce dernier secteur, l’écart entre filles et garçons est de 3,6 points parmi les enfants scolarisés (0,1% des filles et 4,7% des garçons qui y travaillent) et de 20,5 points (1,1% des filles et 21,6% des garçons) parmi les enfants non scolarisés.

2. L’origine détermine l’accès aux activités : le travail des enfants s’inscrit dans les trajectoires parentales

• Des secteurs d’activités davantage captateurs de main d’œuvre enfantine étrangère : Petits

commerces, Alimentation/Restauration/Débit de boisson et Petits métiers informels Tout en tenant compte du fait que seulement 11% des enfants enquêtés sont de nationalité non ivoirienne (5,8% de burkinabés / 5,4% autres ouest-africains), on peut souligner que :

- les enfants travailleurs étrangers sont présents dans tous les secteurs d’activité - le secteur des petits commerces est le plus captateur de main d’œuvre enfantine étrangère,

avec une proportion de 20,4% d’enfants étrangers, suivi du secteur de l’Alimentation/Restauration/Débit de boisson (14%), et des petits métiers du secteur informel (13,8%)

- l’origine des enfants détermine le secteur d’activité, en particulier dans l’agriculture : un enfant travailleur burkinabé sur deux est dans l’Agriculture/Pêche/Elevage (51,4% d’entre eux). Les autres se répartissent entre les travaux domestiques (28,5%) et les petits commerces (11,1%). Par contre, un enfant travailleur ouest-africain (autre que BF) sur deux est domestique (47,3% d’entre eux). Ces enfants sont absorbés, en second lieu, par le secteur des petits commerces (20,2%), puis l’Agriculture/Elevage/Pêche (14,7%).

• Une corrélation entre le statut professionnel des parents et celui des enfants Profil socio-économique des parents : des actifs ruraux / des actifs informels La majorité des enfants qui travaillent sont issus d’un milieu socioprofessionnel agricole et informel :

- 58% des enfants concernés ont un père / 47,9% une mère, actifs dans le secteur agricole, quasi-exclusivement informel

- 18,8% des enfants concernés ont un père / 2,2% une mère, actifs dans le secteur formel non agricole

- 17,1% ont un père / 28,3% une mère actifs dans le secteur informel non agricole - 6,2% ont un père / 21,5% une mère inactifs.

Le statut socioprofessionnel des parents détermine dans une large mesure le secteur d’activité de leur enfant. C’est dans le secteur de l’agriculture/pêche élevage que la corrélation entre l’activité de l’enfant et le statut socioprofessionnel des parents est la plus forte.

- 87,6% des enfants qui travaillent dans ce secteur ont un père et 80,2% une mère dans le même secteur

- la majorité des enfants qui ont un père (58,6%) / une mère (64%) actifs dans le secteur agricole, et en particulier informel, travaillent eux-mêmes dans le secteur agricole. Le travail de l’enfant, dans ce cas, s’inscrit assurément dans une perspective familiale de :

o participation de l’enfant au processus de production où le recours à la main d’œuvre enfantine se justifie par une économie du facteur travail

o préparation à la transmission du patrimoine familial (aussi bien le savoir-faire que la terre)

- les enfants ayant des parents actifs dans le secteur agricole ont peu d’alternatives professionnelles. Hormis dans le travail domestique (27% d’entre eux), ils s’orientent peu vers d’autres secteurs (même s’ils dominent, numériquement, par rapport aux autres enfants,

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certains secteurs comme l’Alimentation/restauration/débit de boisson, les services Hygiène/Coiffure, Soins, Couture ou le travail domestique).

Père de l’enfant 17, 47 ans, ivoirien, kroumen, Diboué (San Pedro) : « Je veux qu’il pêche, puisque moi je suis pêcheur, je suis pas planteur. Si je suis à la retraite, c’est sur la pêche que je dois compter ».

Le statut socioprofessionnel des parents a un impact relatif sur la mobilisation d’une main d’œuvre enfantine dans le secteur du travail domestique, qui semble toucher tous les milieux :

- Un enfant domestique sur deux est issu d’un milieu familial socioprofessionnel non agricole : 51,7% des enfants domestiques enquêtés ont un père / 39,2% une mère, actifs non agricole.

- il accueille, dans leur extrême majorité, les enfants dont les parents travaillent, paradoxalement, dans le secteur formel non agricole : 61% des enfants travailleurs qui ont un père / 73,1% une mère, actifs dans le secteur formel non agricole sont domestiques.

- il attire la plus forte proportion d’enfants ayant un/des parents inactifs, en particulier la mère : Près de la moitié des enfants concernés ayant un père inactif (45,5%) et 58,6% ayant une mère inactive sont également domestiques.

• Les enfants dont les parents sont actifs du secteur non-agricole ont l’opportunité d’une variété

de secteurs comme les petits commerces, les petits métiers du secteur informel, l’hygiène/Coiffure/Soins/Couture, bien que la plus grande proportion d’entre eux travaille comme domestique.

3 - L’âge détermine l’accès au statut, et subséquemment à certains secteurs d’activité

13,7% des enfants travailleurs interrogés ont moins de 10 ans (6-9 ans), contre 45,2% d’enfants âgés de 10-14 ans et 41,1% âgés de 15-17 ans. Si l’on examine la répartition des enfants travailleurs selon leur âge dans les différents secteurs d’activité, on constate que : • l’âge accroît la participation à différents secteurs d’activité La tranche d’âge la plus jeune (6-9 ans) des enfants travailleurs, est concentrée dans deux secteurs d’activité que sont l’Agriculture/Pêche/Elevage et les travaux domestiques. Cela s’explique par le fait qu’il s’agit de secteurs fortement captateurs d’une main d’œuvre familiale. Ceci étant, 8,4% d’enfants de cette tranche d’âge sont particulièrement exposés car ils opèrent dans l’Alimentation/ Restauration/ débit de boisson et les petits commerces, autant d’activités qui les placent dans un environnement peu sécurisé. Avec l’âge les enfants s’orientent davantage vers des activités susceptibles de générer des revenus directs, et qui s’exercent dans un cadre plus indépendant, hors du processus de production économique familial. La répartition sectorielle des enfants travailleurs s’élargit ainsi avec l’âge. Les enfants âgés de 10-14 ans se concentrent également dans l’Agriculture/Pêche/Elevage (44,3% d’entre eux) et les travaux domestiques (37,7%), mais ils sont davantage présents dans les autres secteurs, comme les petits commerces (7,3%). Les enfants travailleurs âgés de 15-17 ans sont aussi nombreux que les jeunes adolescents à s’orienter vers le travail domestique (37,8%), mais moins vers l’agriculture/Elevage/pêche, qui n’accueille plus que 29% d’entre eux. Ils sont ainsi deux fois plus nombreux que les jeunes adolescents à exercer des petits métiers (7,5%) ou même dans les petits commerces (11,6%). • Profil des secteurs selon l’âge des enfants Lorsque l’on examine la répartition sectorielle des enfants selon leur âge, on retient que :

- l’Agriculture/Pêche/Elevage et le Travail domestique sont les secteurs qui enregistrent:

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o l’âge d’entrée au travail le plus bas : respectivement 65,9% et 58,8% des enfants travaillant dans ce secteur ont commencé à travailler entre l’âge de 5 et 9 ans

o la plus grande proportion de très jeunes travailleurs (6-9 ans) : respectivement 16,5% et 15,5% des enfants occupés dans ces secteurs

o une main d’œuvre majoritairement composée de jeunes adolescents (10-14 ans) : respectivement 52,2% et 44,1% des enfants occupés dans ces secteurs

- Quatre secteurs sont largement investis par les jeunes adultes (15-17 ans) : o Hygiène/Coiffure/Soins/Couture : 75% des enfants travailleurs de ce secteur o Petits métiers du secteur informel : 65,8% o Petits commerce : 53,8% o Alimentation/Restauration/Débit de boisson : 48,6%

4 – Une orientation sectorielle qui dépend de la situation scolaire

Plus d’un enfant sur deux (53,7%) interrogé poursuit une scolarité. Mais la combinaison du travail avec l’école n’est pas la même d’un secteur à l’autre. Comme l’indique le tableau ci-dessous, la majorité des enfants qui travaillent dans l’agriculture ou qui exécutent des travaux domestiques, pendant au moins 4 heures par jour, sont des enfants qui combinent cette activité avec l’école. C’est ainsi que 64% des enfants travaillant dans l’agriculture, la pêche ou l’élevage et 60% des enfants qui exécutent des travaux domestiques, le font à titre secondaire, car ils poursuivent en parallèle une scolarité.

Tableau 60 : Répartition des enfants selon leur situation scolaire et leur statut professionnel Age

moyen Scolarisés Aide

familiaux directs

Aide familiaux éloignés

Apprentis Rémunérés Indépendants Non rémunérés

Agriculture/Elevage/Pêche 12,64 64 % 69,9 % 26 % 0,2 % 1,4 % 2,5 % 0,1 % N = 959 670 249 2 13 24 1 Travaux domestiques 13,03 60 % 50,5 % 38,6 % 10,2 % 0,7 % N = 962 486 371 98 7 Maquis/Restaurant 13,86 32,7 % 31,8 % 41,1 % 11,2 % 15,9 % N = 107 34 44 12 17 Petits métiers du secteur informel

14,85 24,6 % 7,6 % 5,1 % 45,8 % 24,6 % 16,9 %

N = 118 9 6 54 29 20 Petits commerce 13,91 31,5 % 41,4 % 25,2 % 0,5 % 3,2 % 29,3 % 0,5 % N = 222 92 56 1 7 65 1 Coiffure/Couture/Hygiène Corporelle

15,38 4,8 % 0 82,7 % 3,8 % 13,5 %

N = 104 86 4 14 Autres 12,77 45,2 % 41,9 % 12,9 % 16,1 % 6,5 % N = 31 13 4 5 2 Ensemble 13,18 53,7 % 52,1 % 29,3 % 5,9 % 6,7 % 5,7 % 0,4 % N = 2503 1304 733 147 168 142 9

Inversement la majorité des enfants qui travaillent dans la Couture/Coiffure (4,8% de scolarisés parmi eux), les petits métiers du secteur informel (24,6%), la restauration (32,7%) ou les petits commerces (31,5%) exercent ces activités à titre principal, exclusif de toute scolarité. Subséquemment, il existe une étroite corrélation entre le statut scolaire et le statut professionnel des enfants dans les mêmes secteurs. Les enfants qui combinent école et travail ont un statut dominant d’aide familial, comme dans l’agriculture ou le travail domestique. Inversement les enfants qui travaillent à titre principal ont plus de chances d’avoir un statut d’apprenti, de travailleur rémunéré ou même d’indépendant, comme dans les Petits Commerces, la Coiffure/Couture/Hygiène Corporelle

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Tant que l’enfant est à l’école, son travail participe d’une intégration familiale. Si sa participation aux activités familiales peut revêtir, de fait, une dimension économique (participation au processus de production), la valeur économique du travail n’est pas reconnue en tant que telle, ni même recherchée. Les secteurs qui enregistrent la plus grande proportion d’aides familiaux, sont également ceux qui affichent les moyennes d’âges d’enfants travailleurs les plus basses, proches de l’âge moyen des enfants travailleurs scolarisés (12 ans). C’est assurément la rupture éducative ou le non accès à l’éducation qui commande l’orientation des enfants vers des secteurs où les possibilités de développer une activité directement génératrice de revenu, soit comme salarié soit comme indépendant sont les plus fortes. A cet égard, la captation de la main d’oeuvre infantile dans le vivier familial est beaucoup plus marquée dans des secteurs comme l’agriculture ou le travail domestique que dans les autres, et laisse peu de place au recrutement d’enfants travailleurs rémunérés. Les possibilités de rémunération d’un enfant travailleur semblent ainsi plus élevées dans les secteurs artisanaux, le commerce ou les activités du secteur informel urbain.

Des secteurs plus porteurs que d’autres Père de l’enfant 31, 50 ans, ivoirien, kroumen, Diboué (San Pedro) : « La couture, la mécanique ou la menuiserie, c’est bon. Ce sont ces métiers là qui rapportent un peu l’argent. Parce que c’est de ça que beaucoup ont besoin, surtout la menuiserie. Beaucoup ont besoin de chose pour construire, d’autres ont besoin de quelque chose comme la couture, il faut les pagnes. Voilà pourquoi je voulais que mes enfants fassent ce genre de travail » (il est pêcheur)

Ceci étant, si on remarque peu de différences dans la répartition sectorielle des enfants qui ne sont jamais allés à l’école et ceux qui sont déscolarisés (Ex : 28% des déscolarisés contre 32% des jamais scolarisés sont dans l’agriculture ; respectivement 6,3% et 6% dans l’Alimentation/Restauration ; 12,7% et 13,6% dans les petits commerces ; 30,8% et 36,3% dans les travaux domestiques), les enfants qui ne sont jamais allés à l’école sont moins nombreux que les déscolarisés dans deux secteurs largement investis par les apprentis : les petits métiers du secteur informel (5,8% d’entre eux contre 9,1% des déscolarisés) et le secteur de l’Hygiène/Coiffure/Couture (4,9% d’entre eux contre 11,5% des déscolarisés). L’absence totale de scolarisation semble ainsi grever les possibilités d’accéder à une formation professionnelle. Cependant, la situation scolaire n’explique pas tout. Deux observations méritent ainsi d’être soulevées :

- l’accès des enfants à certains secteurs reste largement dépendant du statut socio-économique des parents

- l’accès des enfants à un emploi rémunéré dépend de la reconnaissance de sa maturité physique et psychologique. Si c’est précisément vers l’âge de 12 ans que se fait la rupture éducative, c’est autour de l’âge de 15 ans que les parents estiment que l’enfant a atteint la maturité nécessaire pour exercer une activité économique à l’extérieur de la cellule familiale, et a fortiori, un emploi rémunéré. Ceci explique ainsi, en partie, le fait que les secteurs qui enregistrent la plus grande proportion d’enfants travailleurs rémunérés sont également dominés par les tranches d’âge les plus élevées.

• Impact de la scolarisation sur les adolescents Comme l’indique le tableau ci-dessous, la situation scolaire a peu d’impact sur les enfants âgés de 6-9 ans qui, quelque soit leur statut scolaire, se concentrent dans deux secteurs d’activité : l’Agriculture / Pêche / Elevage (47,4% des enfants scolarisés et 41% des non scolarisés de cette tranche d’âge) et le travail domestique (43,6% des enfants scolarisés et 42,3% des non scolarisés de cette tranche d’âge).

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Tableau 61 : Répartition des enfants selon l’âge, le secteur d’activité et la situation scolaire actuelle

Agriculture / Elevage / Pêche

Alimentation / Restauration / Débit de boisson

Petits commerces

Petits métiers du secteur informel

Hygiène / Coiffure/ Divers soins corporels / Couture

Travaux domestiques

Autres Total

126 5 13 2 116 4 26647,4% 1,9% 4,9% 0,8% 43,6% 1,5% 100,0%6 à 9 ans

20,5% 14,3% 18,6% 6,9% 20,1% 28,6% 19,8%392 19 35 11 3 295 8 763

51,4% 2,5% 4,6% 1,4% 0,4% 38,7% 1,0% 100,0%10 à 14 ans

63,8% 54,3% 50,0% 37,9% 60,0% 51,1% 57,1% 56,8%96 11 22 16 2 166 2 315

30,5% 3,5% 7,0% 5,1% 0,6% 52,7% 0,6% 100,0%15 à 17 ans

15,6% 31,4% 31,4% 55,2% 40,0% 28,8% 14,3% 23,4%614 35 70 29 5 577 14 1344

45,7% 2,6% 5,2% 2,2% 0,4% 42,9% 1,0% 100,0%

Scolarisé

Total

100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%32 5 6 33 2 78

41,0% 6,4% 7,7% 42,3% 2,6% 100,0%6 à 9 ans

9,3% 6,9% 3,9% 8,6% 11,8% 6,7%109 26 48 28 23 130 4 368

29,6% 7,1% 13,0% 7,6% 6,3% 35,3% 1,1% 100,0%10 à 14 ans

31,6% 36,1% 31,6% 31,5% 23,2% 33,8% 23,5% 31,8%204 41 98 61 76 222 11 713

28,6% 5,8% 13,7% 8,6% 10,7% 31,1% 1,5% 100,0%15 à 17 ans

59,1% 56,9% 64,5% 68,5% 76,8% 57,7% 64,7% 61,5%345 72 152 89 99 385 17 1159

29,8% 6,2% 13,1% 7,7% 8,5% 33,2% 1,5% 100,0%

Non scolarisé

Total

100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

La situation scolaire a un impact certain sur la répartition sectorielle des enfants travailleurs âgés de 10 à 14 ans, pour lesquels les écarts de points, pour chaque secteur d’activité, entre ceux qui sont scolarisés et ceux qui ne le sont pas, sont les plus importants. Ainsi, parmi les 10-14 ans, 51,4% des enfants scolarisés sont dans l’agriculture/Pêche/Elevage contre seulement 29,6% des non-scolarisés. Inversement, la proportion d’enfants de cette tranche d’âge est multipliée par cinq entre les enfants scolarisés (1,4%) et ceux non scolarisés (7,6%) dans le secteur des petits métiers du secteur informel, et par trois dans les secteurs de l’alimentation/Restauration (respectivement 2,5% et 7,1%) et des petits commerces (respectivement 4,6% et 13%). Cela s’explique certainement par le fait que c’est à cet âge que se produit la rupture scolaire et que l’orientation de ces enfants vers ces secteurs traduit une forte demande d’opportunités professionnelles. Ils restent cependant présents dans le secteur des travaux domestiques, quelque soit leur statut scolaire (38,7% des scolarisés et 35,3% des non-scolarisés de cette tranche d’âge). En revanche, la situation des 15-17 ans est moins tranchée que celle des plus jeunes : leur diversification sectorielle traverse leur statut scolaire (ils sont présents dans tous les secteurs, qu’ils soient scolarisés ou non) et les écarts de points sont moins prononcés d’un statut scolaire à l’autre, pour chaque secteur (exemple : 3,5% des scolarisés et 5,8% des non scolarisés de cette tranche d’âge sont dans l’Alimentation/Restauration/Débit de Boisson). Ils restent présents dans le secteur de l’agriculture, quelque soit leur statut scolaire (30,5% des scolarisés et 28,6% des non scolarisés de cette tranche d’âge).

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• Impact de la scolarisation plus grand sur les ivoiriens que sur les enfants étrangers dans

certains secteurs d’activité Si l’on examine la répartition sectorielle des enfants selon leur statut scolaire et leur nationalité, on peut relever que :

- la non-scolarisation des enfants ivoiriens a pour effet une moindre présence de ces enfants dans les deux principaux secteurs captateurs de main d’œuvre familiale (Agriculture et Travaux domestiques) : Respectivement 47,2% et 42,3% des enfants ivoiriens scolarisés travaillent dans ces deux secteurs, cette proportion chute à 28,6% et 34,2% parmi les enfants ivoiriens non-scolarisés. Parallèlement, le statut scolaire a un faible impact, et même inverse, sur la proportion d’enfants burkinabés travaillant dans ce secteur : 42,4% des enfants burkinabés scolarisés travaillent dans l’Agriculture contre 57,6% des enfants non-scolarisés.

- La non-scolarisation induit une diversification sectorielle pour tous les enfants, mais celle-ci est alors plus forte, proportionnellement mais également comparativement, chez les enfants ivoiriens que chez les non-ivoiriens (déjà présents dans tous les secteurs, quelque soit leur statut scolaire). Autrement dit, les enfants ivoiriens dont la mobilité sectorielle est directement liée à leur statut scolaire, ont un éventail d’opportunités de travail plus large que les enfants étrangers en particulier burkinabés dont la répartition sectorielle semble davantage dépendre de l’activité de leurs aînés (notamment l’agriculture) que de leur statut scolaire. Cette tendance est confirmée par la plus grande mobilité de statut professionnel des ivoiriens selon leur situation scolaire que des enfants étrangers.

B- UN STATUT DOMINANT D’AIDE FAMILIAL Lorsque l’on examine le statut des enfants travailleurs, compte tenu de leur situation scolaire, de leur sexe et de leur âge, on observe que la situation scolaire détermine l’accès à un emploi rémunéré ou non, quel que soit le sexe, tandis que le statut d’apprenti et celui d’aide familial éloigné sont davantage sexo-centrés.

1 – La situation scolaire détermine l’accès à un emploi rémunéré • La scolarisation fixe un statut d’aide familial - quelque soit le sexe : Plus de 9 enfants scolarisés sur 10 travaillent comme aide familiaux, principalement pour leur père et/ou mère (68,5%), tandis que plus d’un enfant scolarisé sur quatre (27%) travaille pour un autre parent. Une proportion équivalente de filles et de garçons parmi les enfants scolarisés travaille auprès de leur père et ou mère, mais les filles scolarisées sont légèrement plus nombreuses (29%) que les garçons scolarisés (25%) à travailler pour un autre parent.

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Tableau 62 : Répartition des enfants selon le sexe et le statut professionnel

Aide familial direct

Apprenti Travailleur

rémunéré

Travailleur indépenda

nt

Travailleur non

rémunéré

Aide familial éloigné

Total

511 2 2 11 2 217 74568,6% 0,3% 0,3% 1,5% 0,3% 29,1% 100,0%Féminin 55,5% 20,0% 20,0% 33,3% 66,7% 59,1% 55,4%

410 8 8 22 1 150 59968,4% 1,3% 1,3% 3,7% 0,2% 25,0% 100,0%Masculin 44,5% 80,0% 80,0% 66,7% 33,3% 40,9% 44,6%

921 10 10 33 3 367 134468,5% 0,7% 0,7% 2,5% 0,2% 27,3% 100,0%

Scolarisé

Total 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

225 68 113 81 6 297 79028,5% 8,6% 14,3% 10,3% 0,8% 37,6% 100,0%Féminin 58,7% 49,3% 71,5% 74,3% 100,0% 81,1% 68,1%

158 70 45 28 69 37042,7% 18,9% 12,2% 7,6% 18,6% 100,0%Masculin 41,3% 50,7% 28,5% 25,7% 18,9% 31,9%

383 138 158 109 6 366 116033,0% 11,9% 13,6% 9,4% 0,5% 31,6% 100,0%

Scolarisé

Total 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

- quelque soit l’âge : comme l’indique le tableau ci-dessous, le statut d’aide familial domine la population scolaire, même s’il décroît sensiblement avec l’âge (74,4% des 6-9 ans, 69,3% des 10-14 ans et 61,6% des 15-17 ans parmi les enfants scolarisés sont des aides familiaux directs / respectivement 24,8%, 27,7% et 28,6% sont des aides familiaux indirects).

Tableau 63 : Répartition des enfants selon la situation scolaire, l’âge et le statut professionnel

Aide familial direct

Apprenti Travailleur

rémunéré

Travailleur indépenda

nt

Travailleur non

rémunéré

Aide familial éloigné

Total

198 2 66 26674,4% 0,8% 24,8% 100,0%6 à 9 ans 21,5% 6,1% 18,0% 19,8%

529 4 1 16 2 211 76369,3% 0,5% 0,1% 2,1% 0,3% 27,7% 100,0%

10 à 14 ans

57,4% 40,0% 10,0% 48,5% 66,7% 57,5% 56,8%194 6 9 15 1 90 315

61,6% 1,9% 2,9% 4,8% 0,3% 28,6% 100,0%15 à 17 ans

21,1% 60,0% 90,0% 45,5% 33,3% 24,5% 23,4%921 10 10 33 3 367 1344

68,5% 0,7% 0,7% 2,5% 0,2% 27,3% 100,0%

Scolarisé

Total 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

46 1 31 7859,0% 1,3% 39,7% 100,0%6 à 9 ans 12,0% 0,9% 8,5% 6,7%

141 45 24 14 4 140 36838,3% 12,2% 6,5% 3,8% 1,1% 38,0% 100,0%

10 à 14 ans

36,8% 32,6% 15,2% 12,8% 66,7% 38,3% 31,7%196 93 134 94 2 195 714

27,5% 13,0% 18,8% 13,2% 0,3% 27,3% 100,0%15 à 17 ans

51,2% 67,4% 84,8% 86,2% 33,3% 53,3% 61,6%383 138 158 109 6 366 1160

33,0% 11,9% 13,6% 9,4% 0,5% 31,6% 100,0%

Non scolarisé

Total 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

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• La non scolarisation accroît l’accès au travail rémunéré, quelque soit le sexe La non-scolarisation ne détermine pas une orientation systématique des enfants vers des emplois rémunérés, même si elle en augmente considérablement les probabilités, et cela quelque soit le sexe. L’orientation vers des emplois rémunérés dépend alors davantage de l’âge de l’enfant. Dès lors qu’ils ne sont pas/plus à l’école, la proportion d’enfants travailleurs rémunérés augmente aussi bien pour les filles que pour les garçons. Ainsi, 14,3% des filles et 12,2% des garçons non scolarisés sont des travailleurs rémunérés (contre respectivement 0,3% et 1,3% parmi les enfants scolarisés), tandis que 10,3% des filles et 7,6% des garçons non scolarisés (contre 1,5% et 3,7% parmi les enfants scolarisés) sont des travailleurs indépendants. Cependant, la plus grande proportion des enfants non scolarisés continue d’être non rémunérée, mais avec un statut qui diffère selon le sexe : la force de travail des filles non scolarisées est captée en priorité par des parents éloignés (37,6% d’entre elles) tandis que la force de travail des garçons non scolarisés est d’abord captée par les parents eux-mêmes (42,7%) ou orientée vers une formation professionnelle (18,9% sont apprentis). L’investissement fait par les parents sur leur enfant, lorsque celui-ci n’a pas/plus accès au système éducatif diffère selon le sexe : la captation de la force de travail de la fille dans ce cas a une vocation soit directement économique (travail rémunéré), soit essentiellement matrimoniale (aide familial éloigné) notamment dans le cadre de l’apprentissage du futur « métier » d’épouse, si l’on se réfère aux secteurs d’activité (travail domestique). Parallèlement, le garçon non scolarisé est projeté dans un objectif soit professionnel (apprentissage professionnel) soit de transmission du patrimoine familial (aide familial direct). De même, comme l’indique le tableau-ci dessous, les enfants n’ayant jamais fréquenté l’école sont plus nombreux à travailler comme aide familial éloigné (34,1% d’entre eux) que les enfants déscolarisés (29,5%) ou même les enfants scolarisés (27,3%). La probabilité d’avoir un travail rémunérateur augmente avec l’âge. Proportionnellement les 15-17 ans sont plus nombreux à avoir un travail rémunéré et surtout indépendant, comme l’indique le tableau ci-dessous, mais les écarts entre les âges s’accentuent davantage lorsque l’on se réfère aux enfants travailleurs non scolarisés :

- les enfants les plus jeunes (6-9 ans) sont quasi exclusivement des aides familiaux, quelque soit leur statut scolaire

- le statut de travailleur indépendant reste réservé aux 15-17 ans, et en particulier ceux qui ne sont pas scolarisés (parmi les 10-14 ans, 2,1% des enfants scolarisés et 3,8% des non scolarisés sont des travailleurs indépendants, contre 4,8% des scolarisés et 13,2% des non-scolarisés parmi les 15-17 ans).

- le statut de travailleur rémunéré est également marqué par la tranche d’âge 15-17 ans, mais la non-scolarisation a un impact déterminant, en particulier pour les 10-14 ans (0,1% des enfants scolarisés et 2,9% des non scolarisés de cette tranche sont des travailleurs rémunérés contre 2,9% des scolarisés et 18,8% des non-scolarisés parmi les 15-17 ans).

On constate peu de différence dans l’accès des enfants actuellement non-scolarisés au statut de travailleur rémunéré ou indépendant, entre les enfants déscolarisés et les enfants n’ayant jamais fréquenté l’école. Ici encore c’est l’âge qui détermine l’accès à ces statuts.

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Tableau 64 : Répartition des enfants selon la situation scolaire actuelle, l’âge et le statut professionnel

Aide familial direct Apprenti

Travailleur rémunéré

Travailleur indépendant

Travailleur non

rémunéré

Aide familial éloigné Total

198 2 66 26674,4% 0,8% 24,8% 100,0%6 à 9 ans

21,5% 6,1% 18,0% 19,8%529 4 1 16 2 211 763

69,3% 0,5% 0,1% 2,1% 0,3% 27,7% 100,0%10 à 14 ans

57,4% 40,0% 10,0% 48,5% 66,7% 57,5% 56,8%194 6 9 15 1 90 315

61,6% 1,9% 2,9% 4,8% 0,3% 28,6% 100,0%15 à 17 ans

21,1% 60,0% 90,0% 45,5% 33,3% 24,5% 23,4%921 10 10 33 3 367 1344

68,5% 0,7% 0,7% 2,5% 0,2% 27,3% 100,0%

Scolarisé

Total

100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%46 1 31 78

59,0% 1,3% 39,7% 100,0%6 à 9 ans

12,0% 0,9% 8,5% 6,7%141 45 24 14 4 140 368

38,3% 12,2% 6,5% 3,8% 1,1% 38,0% 100,0%10 à 14 ans

36,8% 32,6% 15,2% 12,8% 66,7% 38,3% 31,7%196 93 134 94 2 195 714

27,5% 13,0% 18,8% 13,2% 0,3% 27,3% 100,0%15 à 17 ans

51,2% 67,4% 84,8% 86,2% 33,3% 53,3% 61,6%383 138 158 109 6 366 1160

33,0% 11,9% 13,6% 9,4% 0,5% 31,6% 100,0%

Non scolarisé

Total

100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

Comme l’indique le tableau ci-dessus, 6,4% des enfants âgés de 10-14 ans déscolarisés et 6,6% des enfants jamais scolarisés, du même âge, sont des travailleurs rémunérés, tandis que 17,8% des déscolarisés et 20,7% des jamais scolarisés âgés de 15-17 ans sont des travailleurs rémunérés. Parallèlement, 13,4% des déscolarisés et 12,7% des jamais scolarisés âgés de 15-17 ans sont des travailleurs indépendants.

2 - Le statut d’apprenti reste l’apanage des garçons Le statut d’apprenti reste l’apanage des garçons, mais pas nécessairement des plus âgés, et reste fermé aux enfants n’ayant jamais fréquenté l’école. Quelque soit la situation scolaire, les garçons sont proportionnellement plus nombreux que les filles à accéder à un emploi comme apprenti : seulement 0,3% des filles scolarisées et 8,6% des filles non scolarisées sont apprenties contre 1,3% des garçons scolarisés et 18,9% des garçons non scolarisés. Parallèlement, c’est la situation scolaire et non l’âge qui va déterminer l’accès au statut d’apprenti (voir tableau ci-dessus) : 12,2% des 10-14 ans et 13% des 15-17 ans parmi les enfants non-scolarisés sont apprentis, contre respectivement 0,5% et 1,9% parmi les enfants scolarisés. Les enfants qui n’ont jamais fréquenté l’école ont peu de chances d’accéder à un statut d’apprenti : 8,4% des enfants n’ayant jamais été scolarisés sont apprentis contre 14,7% des enfants déscolarisés. L’âge importe peu : 9,9% des enfants âgés de 10-14 ans et 9,3% des 15-17 ans parmi les enfants jamais scolarisés sont apprentis contre respectivement 15,4% et 14,9% parmi les enfants déscolarisés.

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3 - Le statut scolaire a un impact plus grand sur le statut professionnel des ivoiriens que des non ivoiriens

La proportion d’aides familiaux est plus faible parmi les enfants non-scolarisés que parmi les enfants scolarisés, ceci est particulièrement vrai pour les enfants ivoiriens. 67,7% des enfants ivoiriens qui sont scolarisés sont des aides familiaux directs, ceux-ci ne sont plus que 29,6% parmi les ivoiriens non-scolarisés (soit un écart de 38 points). Parallèlement, 86,4% des enfants burkinabé scolarisés contre 60% des non-scolarisés sont des aides familiaux directs (soit un écart de 26 points) et 66,7% des autres enfants ouest-africains scolarisés, contre 48,8% des non-scolarisés (18 points). Les enfants ivoiriens non scolarisés sont proportionnellement plus nombreux que les étrangers non-scolarisés à être apprentis (12,5% d’entre eux contre 5,9% des burkinabés et 10,7% des autres ouest-africains) ou travailleur rémunéré (14,6% d’entre eux, contre 8,2% des burkinabés et 7,1% des autres ouest-africains). Pour finir, on peut déterminer le profil type des enfants travaillant dans chaque secteur, tel qu’il ressort de l’échantillon d’enquête de 2504 enfants interrogés dans le cadre de cette étude :

Tableau 65 : Répartition des enfants selon le secteur d’activité, le sexe, le statut scolaire, l’âge et le statut professionnel

Sexe Statut Scolaire

Age Statut professionnel

Agriculture/Pêche/Elevage Garçon Scolarisé 6-9 / 10-14 Aide familial direct Alimentation/ Restauration/ Débit de boisson Fille Non-scolarisé 15-17 Aide familial éloigné Petits commerces Fille Non-scolarisé 15-17 Aides familiaux directs Petits métiers Secteur informel Garçon Non-scolarisé 15-17 Apprentis / Rémunérés Hygiène/Coiffure/Soins corporels/Couture Fille Non-scolarisé 15-17 Apprentis / Rémunérés Travaux domestiques Fille Scolarisé 6-9 / 10-14 Aide familial direct Autres Garçon Non-scolarisé Aide familial direct/ Rémunéré

C – STABILITE DES ENFANTS AU TRAVAIL Seulement 13% des enfants travailleurs (328) exerçaient une autre activité avant celle-ci. Profil : Les enfants les plus exposés au changement d’activité sont :

- les enfants actuellement non scolarisés (23,1% d’entre eux ont changé d’activité –268- contre 4,5% des enfants scolarisés –60-). Moins d’un tiers des enfants actuellement non scolarisés (30,4% des filles et 31,2% des garçons non scolarisés) qui exerçaient une activité précédente le faisaient en parallèle d’une scolarité.

- les filles qui représentent 73,2% de ces enfants (25,8% des filles non scolarisées contre 17,3% des garçons non scolarisés ont changé d’activité). Elles sont presque deux fois plus nombreuses (15,6% d’entre elles) que les garçons (9,1% d’entre eux) à avoir changé d’activité.

- les enfants plus âgés, même si c’est leur situation scolaire qui est déterminante : la probabilité de changer d’activité augmente naturellement avec l’âge, mais c’est le statut scolaire qui fait la différence. Ainsi 4,2% des 10-14 ans et 8,6% des 15-17 ans parmi les enfants actuellement scolarisés ont changé d’activité contre 17,9% des 10-14 ans et 27,7% des 15-17 ans parmi les non-scolarisés.

- les enfants qui ont un père ou une mère actifs dans le secteur non agricole sont légèrement plus mobiles que les enfants dont les parents travaillent dans le secteur agricole.

- les enfants ivoiriens sont plus mobiles que les non-ivoiriens : 24,7% des enfants ivoiriens non-scolarisés (et 4,8% des scolarisés) ont changé d’activité contre 9,4% des enfants burkinabés non-scolarisés (1,7% des scolarisés) et 20,2% des autres enfants ouest-africains non-scolarisés.

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Raisons du changement d’activité : La principale raison du changement d’activité est le désir d’apprendre un métier (26,5%). Une forte proportion d’enfants (32,6%) a changé d’activité en raison d’une situation d’abus : 24,4% parce qu’ils n’étaient pas payés, 5,5% parce que le travail était trop difficile, tandis que 2,7% ont fui un employeur qui les maltraitait. 18,3% des enfants ont changé d’activité en changeant de localité, 6,4% pour aider les parents, et 3,4% parce qu’ils ont fuit la guerre. Les raisons diffèrent selon la situation scolaire des enfants. La principale raison (43,3%) du changement d’activité pour les enfants actuellement scolarisés réside dans le changement de localité de résidence, en particulier pour les filles (52,8% contre 29,2% des garçons scolarisés). Les garçons scolarisés, de leur côté, ont des attentes personnelles plus marquées puisque 20,8% d’entre eux ont changé d’activité faute d’être payé (contre 2,8% des filles). Les enfants non scolarisés ont changé d’activité principalement pour apprendre un métier (31%). Parmi ces derniers, les filles ont changé d’activité car celle-ci n’était pas rémunérée (29,4% d’entre elle, contre 21,9% des garçons non scolarisés), tandis que les garçons ont surtout changé pour apprendre un métier (37,5% contre 28,9% des filles non scolarisées). Naturellement, le changement d’activité traduit également des attentes différentes selon l’âge des enfants : les plus âgés (15-17 ans) sont proportionnellement les plus nombreux à avoir changé d’activité faute d’être payé (29,8% d’entre eux, contre 13,3% des 10-14 ans et aucun enfant âgé de 6-9 ans), tandis que les plus jeunes (6-9 ans) ont changé d’activité pour des raisons extérieures (changement de localité pour 40% d’entre eux). Le désir d’apprentissage d’un métier a été tout autant recherchée par les adolescents (24,5% des 10-14 ans) que par les jeunes adultes (27,6% des 15-17 ans). Proportionnellement, ce sont les 10-14 ans qui ont été les plus nombreux à changer d’activité pour cause de maltraitance (3,1% d’entre eux, contre 2,7% des 15-17 ans)ou en raison de la pénibilité du travail (8,2% d’entre eux, contre 4,4% des 15-17 ans). Cela s’explique certainement tout autant par la pression supplémentaire qui est exercée par les adultes dès lors qu’ils considèrent que l’enfant est mûr pour travailler comme un adulte, que par la capacité des enfants à réagir désormais face aux mauvais traitements. Statut : 86,9% des enfants (89,6% des filles et 83% des garçons) qui ont changé d’activité avaient comme statut précédent celui d’aide familial. 5,5% des enfants concernés étaient apprentis, 4% avaient un travail rémunéré, 3,4% étaient indépendants. Le changement d’activité a induit un changement de statut pour la plupart des enfants, qui ne traduit pas forcément une progression professionnelle ni ne répond nécessairement à leurs attentes :

- 51% des enfants qui étaient aides-familiaux ne le sont plus aujourd’hui : 19,6% sont des travailleurs rémunérés, 16,8% des apprentis, 12,3% des indépendants

- 72,2% des enfants qui étaient apprentis ne le sont plus aujourd’hui : mais seulement 22% d’entre eux sont désormais des travailleurs indépendants et 11,1% des travailleurs rémunérés, tandis que 38,9% connaissent un statut d’aide familial

- 43,8% des enfants qui étaient travailleurs rémunérés ne le sont plus aujourd’hui : 30,8% sont désormais des aides familiaux, 15,4% des travailleurs indépendants et 7,7% des apprentis

- 63,6% des enfants qui étaient des travailleurs indépendants ne le sont plus aujourd’hui : 36,4% sont désormais des aides familiaux, 18,2% sont apprentis et 9,1% travailleurs rémunérés.

Activité précédente. Le changement d’activités des enfants se traduit également par un transfert sectoriel qui reflète assez bien les motivations des enfants : les enfants quittent les secteurs utilisateurs de main d’œuvre familiale pour s’orienter vers les secteurs où les possibilités d’avoir des revenus ou d’acquérir une formation professionnelle sont plus élevées.

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Comme l’indique le tableau ci-contre, La plus grande partie des enfants ayant changé d’activité étaient dans l’agriculture (45,1%), désormais ils ne sont plus que 15,5% à travailler dans ce secteur. Les secteurs comme l’Hygiène/Coiffure/Couture, les petits métiers du secteur informel ou les petits commerces ont enregistré de leur côté des transferts importants d’enfants.

Enfants ayant changé d’activité Tous les enfants Secteur Activité

précédente Activité Actuelle

Nombre Activité actuelle

Nombre

Agriculture/Pêche/Elevage 45,1% 15,5% 148 38,3% 959 Alimentation/Restauration/Débit de boisson

0,9% 9,8% 3 4,3% 107

Petits commerces 11,3% 16,2% 37 8,9% 222 Petits métiers du secteur informel 3% 7,9% 10 4,7% 118 Hygiène/Coiffure/Couture 2,7% 13,7% 9 4,2% 104 Travaux domestiques 36,3% 34,1% 119 38,4% 962 Autres 0,6% 2,7% 2 22,6% 31 Total 100% 100% 328 100% 2504

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VI. CONDITIONS DE VIE ET DE TRAVAIL DES ENFANTS A. CONDITIONS DE VIE DES ENFANTS TRAVAILLEURS • Les enfants qui travaillent en milieu rural ont moins accès à des centres de santé 25,8% des enfants interrogés n’ont pas accès à un centre de santé en cas de pathologie. L’accessibilité des enfants à un centre de santé est davantage déterminée par leur milieu de vie. Ainsi, 34,2% des enfants qui vivent en milieu rural n’ont pas accès à un centre de santé (contre 18% de ceux qui vivent en milieu urbain). • 1 enfant travailleur sur 3 vit chez son employeur 60% des enfants interrogés vivent avec leurs parents. Les autres vivent majoritairement chez leur employeur (34,1%) ou chez un tuteur (4,4%). Les enfants scolarisés sont plus nombreux à vivre chez leurs parents. Ainsi : - 71% des enfants scolarisés vivent avec leurs parents biologiques contre 47,3% des non scolarisés ; - 41,8% des non scolarisés vivent chez leur employeur contre 27,5% des scolarisés ; - 8,2% des non scolarisés vivent chez un tuteur contre 1,2% des scolarisés.

Tableau 66 : Conditions de résidence des enfants en fonction du statut scolaire

Chez les parents (père / mère)

Chez l'employeur

Avec d'autres travailleurs

Avec un tuteur

Autre Total

954 370 16 4 134471,0% 27,5% 1,2% 0,3% 100,0%Scolarisé 63,5% 43,3% 14,4% 12,1% 53,7%

549 485 2 95 29 116047,3% 41,8% 0,2% 8,2% 2,5% 100,0%

Non scolarisé

36,5% 56,7% 100,0% 85,6% 87,9% 46,3%1503 855 2 111 33 2504

60,0% 34,1% ,1% 4,4% 1,3% 100,0%Total 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

• Plus de 9 enfants travailleurs sur 10 gardent les contacts avec leur famille d’origine malgré tout 97,1% des enfants de l’échantillon gardent un contact avec leurs familles d’origine. Quelles que soient les conditions de résidence des enfants, les contacts avec la famille se maintiennent pour au moins 9 enfants sur 10. Ainsi, 93,7% des enfants qui vivent chez un tuteur gardent des contacts avec leurs familles contre 92,6% de ceux qui vivent chez leur employeur.

Tableau 67 : contacts avec la famille en fonction des conditions de résidence

Chez les parents (père/

mère) Chez

l'employeur Avec d'autres travailleurs Avec un tuteur Autre Total

1503 786 2 104 30 2425 Oui

100,0% 92,6% 100,0% 93,7% 90,9% 97,1%

63 7 3 73 Non

7,4% 0,0% 6,3% 9,1% 2,9%

1503 849 2 111 33 2498 Total

100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

100

• Les enfants travailleurs consomment en moyenne 3 repas dont 2 avec de la protéine animale par jour

Les enfants travailleurs ont une alimentation normale. Ils consomment en moyenne 2,8 repas par jour dont 2,1 repas avec de la protéine animale. Les conditions de résidence des enfants n’ont pas d’effet sur leur situation nutritionnelle. Les enfants qui vivent avec leur employeur ou chez un tuteur présentent le même état nutritionnel que ceux qui vivent avec leurs parents.

Tableau 68 : Etat nutritionnel des enfants travailleurs

Nbre de repas par jour

Nbre de repas avec protéine

animale par jour

Moyenne 2,76 2,15Chez les parents (père / mère) Nbre enfants 1503 1503

Moyenne 2,75 2,06Chez l'employeur

Nbre enfants 855 855Moyenne 2,50 2,50Avec d'autres

travailleurs Nbre enfants 2 2Moyenne 2,74 2,26

Avec un tuteur Nbre enfants 111 111Moyenne 2,70 2,12

Autre Nbre enfants 33 33Moyenne 2,76 2,13

Total Nbre enfants 2504 2504

B. CONDITIONS DE TRAVAIL DES ENFANTS

1. Volume horaire de travail des enfants Les enfants travaillent en moyenne 5,2 jour par semaine et 6,9 heures par jour. Le volume horaire hebdomadaire des enfants est de 36,7 heures en moyenne. 15,6% des enfants (soit plus de 1 enfant sur 10) ne bénéficie d’aucune période de pause pendant la journée de travail. On note des variations de la charge horaire de travail des enfants selon le statut, le sexe, l’âge, le secteur d’activité et la situation scolaire. Mais il semble que ce soit plutôt le statut des enfants qui déterminent davantage leurs conditions horaires de travail. • Les travailleurs rémunérés ont des conditions horaires de travail plus rudes Les enfants qui entretiennent une relation salariée avec leur employeur ont des conditions horaires de travail plus rudes quel que soit le secteur d’activité et la situation scolaire des enfants. Comme l'indique le tableau ci-dessous, les travailleurs rémunérés et les apprentis ont des volumes horaires de travail plus élevés. Les travailleurs rémunérés sont également ceux qui bénéficient le moins de repos au cours de la journée de travail. Ce qui confirme les inquiétudes exprimées par les parents sur les risques d'exploitation lorsque l'enfant est placé dans une situation de travail rémunéré ou officielle.

Tableau 69 : volume horaire hebdomadaire de travail des enfants selon le statut

Volume horaire de travail par semaine

% de sujets n'ayant aucun repos pendant la journée de travail

Travailleurs rémunérés 61 19 Apprentis 49,9 7,5 Travailleurs indépendants 46,6 43 Aides familiaux éloignés 37,5 15 Aides familiaux directs 30,5 13,5

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Ceci étant, il ne faut pas sous-estimer la charge horaire de travail des aides familiaux, si l'on tient compte du fait qu'ils sont âgés en moyenne de 12 ans. Pour 66,1% des travailleurs interrogés, les conditions horaires de travail sont déterminées par l’employeur. Pour les travailleurs non indépendants, les conditions horaires sont définies par l’employeur pour 67,5% des aides familiaux directs, 65,9% des aides familiaux éloignés, 97,3% des apprentis et 80,4% des travailleurs rémunérés. Cette répartition permet de mieux comprendre la plus grande vulnérabilité des travailleurs rémunérés et apprentis puisque l’enquête qualitative a révélé que les employeurs ne font pas de distinction entre enfants et adultes dans la détermination des horaires de travail. Les employeurs déclarent faire travailler les enfants en moyenne pendant 9,2 heures contre 9,1 heures pour leurs employés adultes par jour. • Les enfants qui travaillent dans les petits métiers du secteur informel et dans la coiffure/couture

ont des volumes horaires de travail particulièrement élevés

Tableau 70 : volume horaire hebdomadaire de travail des enfants selon le secteur d'activité des enfants

Volume horaire de travail par semaine

% de sujets n'ayant aucun repos pendant la journée de travail

Petits métiers du secteur informel 53 19,5 Coiffure/Couture 50,4 13,6 Maquis/restaurants/débits de boisson 45,1 50,9 Petits commerces 44,8 50,5 Travaux domestiques 39,2 13,2 Agriculture/élevage/pêche 27,8 5,7

Au regard du volume de travail des enfants, les secteurs d’activité peuvent être classés en trois groupes. - Le volume horaire hebdomadaire des enfants excède 50 heures par semaine dans 2 secteurs

d’activité. Il s’agit des petits métiers du secteur informel du secteur coiffure/couture ; - Le volume horaire hebdomadaire est compris entre 40 et 50 heures par semaine dans les secteurs

maquis/restaurant/débits de boisson et petits ; - Le volume horaire des enfants est inférieur à 40 heures par semaine dans les secteurs

agricultures/élevage/pêche et travaux domestiques. Les conditions horaires sont donc plus rudes dans les secteurs où l’on note une grande présence de travailleurs rémunérés et d’apprentis. En effet, les apprentis représentent 45,8% des enfants qui travaillent dans les petits métiers du secteur informel et 82,7% de ceux qui travaillent dans la coiffure/couture (contre 0% dans les autres secteurs). Les travailleurs rémunérés représentent 24,6% des enfants qui travaillent dans les petits métiers du secteur informel, 3,8% de ceux qui sont dans la coiffure/couture, 11,2% des enfants des maquis/restaurant/débits de boisson et 3,2% des enfants qui travaillent dans les petits commerces (contre 1,4% des enfants qui travaillent dans l’agropastoral et 10,2% de ceux qui exécutent des tâches domestiques). Les horaires de travail sont par contre plus faibles dans les secteurs dominés par la présence d’aides familiaux directs. Les aides familiaux représentent 7,6% de l’effectif des petits métiers du secteur informel et 0% de ceux qui sont dans la coiffure/couture (contre 69,9% des enfants qui travaillent dans l’agropastoral et 50,5% de ceux qui exécutent des tâches domestiques).

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• La scolarisation réduit le temps de travail des enfants presque de moitié

Tableau 71 : Scolarisation et volume horaire de travail des enfants

Moyenne d’heures de travail

hebdomadaire

Nbre enfants

Scolarisé 26,75 1344Non scolarisé 48,23 1160Total 36,70 2504

Les enfants scolarisés travaillent en moyenne 26,8 heures par semaine contre 48,2 heures pour les non scolarisés. Parmi ceux qui travaillent à titre principal, il n’existe pas de différence entre les enfants déscolarisés (48,2 heures par semaine) et ceux qui n’ont jamais été à l’école (48,3 heures). La conduite d’une seconde activité par les enfants qui vont encore à l’école les empêche pratiquement de disposer d’un temps libre pour le repos et les loisirs pour près du tiers d’entre eux. En effet, 66,4% des enfants qui combinent école et travail travaillent uniquement pendant les vacances scolaires et les jours fériés. Les autres (30,6%) travaillent de façon régulière durant toute l’année et sont, par conséquent, obligés de consacrer plus de 50 heures par semaine à l’école et au travail39. Ce deuxième groupe d’enfants est particulièrement vulnérables car la combinaison école travail ne leur laisse aucun répit. Ils disposent de très peu (ou pas du tout) de temps pour se reposer ou se consacrer aux jeux et loisirs comme en témoignent les propos ci-dessous.

La combinaison école – travail laisse peu de temps aux enfants pour les loisirs et le repos

Enfant 97, 12 ans, ivoirienne, élève en classe de CM1, déplacée de Bouaké (Abengourou) : « A midi je mange, je me repose, je me lave et à 14h00 je prends la route de l’école. Le soir avant de me coucher, je lavais les assiettes, je balaie la cour, on m'envoie pour aller payer les aubergines, les tomates, j'essuie la chambre, je balaie, j'arrange mon lit, je nettoie les assiettes. Je lave (lessive) une fois par semaine et les assiettes deux fois par jour » « Ici, j’essuie la maison, j’arrange mon lit, on m’envoie. Je sers les clients dans le maquis (qui appartient à sa grand tante), le samedi, le mercredi et le dimanche. » Enfant 107, 13 ans, ivoirienne, élève, déplacée de Bouaké, Zergbé (Soubré), en dehors de l’école aide sa mère « J’aide ma mère à préparer. Je me lève, je lave les assiettes, je balaie la cour et je l’aide à prépaper jusqu’à 11 heures, et je commence après à 16h00 jusqu’à 18h00 ». « Quand elle quitte au marché vers les 16h00, je m’amuse ». Enfant 90, 16 ans, ivoirien, élève en classe de 4ème, déplacé de Vavoua (Sapia, Daloa) : « Samedi – dimanche, là-bas, il y avait

de l’eau, on partait envoyer ça à l’usine, et puis ils nous payaient 500 (…) A la maison je ne faisais rien, parce qu’il y avait les filles qui faisaient les choses de la maison. Après puiser l’eau, je peux aller jouer au ballon (…) je partais au champ (igname, manioc) aussi, souvent on a pas cours le matin, quand on n’a pas cours je peux aller. Aujourd’hui, je vends cigarette. Samedi et dimanche, et quand il n’y a pas cours. Aujourd’hui je devais aller à l’école, mais comme les gens ne viennent pas, les professeurs ne viennent pas (…) Quand il n’y a pas cigarette, je m’en vais au champs pour aider mes parents. Mercredi comme ça je n’ai pas cours. On va nettoyer café, cacao» Enfant 104, 11 ans, ivoirienne, élève au CM2, vendeuse d’eau à Soubré, déplacée de Bouaké parle de son travail avant et après le déplacement, « le jour qu’on partait pas à l’école c’est moi qui fais la cuisine, je fais le ménage, je lave les assiettes, je lave les habits samedi, dimanche, mercredi. Je ne m’amuse pas… Aujourd’hui je vends l’eau les mercredi, samedi et dimanche de 10 heures à 18 heures… Le soir quand je reviens de l’école, j’aide ma maman à la cuisine, je pile, je prépare le riz, j’attache l’eau »

• Les conditions horaires de travail se durcissent avec l’âge La charge horaire des enfants augmente avec leur âge. Ainsi, les enfants de 6 à 9 ans ont des conditions horaires de travail plus souples que ceux les travailleurs plus âgés. Les enfants de 6-9 ans travaillent en moyenne 28,2 heures par semaine contre 33,1 heures pour les 10-14 ans et 43,6 pour les 15-17 ans. Cette situation est moins liée à l’âge des enfants qu’au statut sous lequel ils travaillent. En

39 Dans le cycle primaire, les enfants passent presque 6 heures 30 par jour à l’école, pendant 4 jours dans la semaine, soit une moyenne de 26 heures par semaine.

103

effet, les enfants de 6-9 ans sont relativement plus nombreux à travailler comme aides familiaux (70,9% des 6-9 ans sont aides familiaux directs contre 59,2% des 10-14 ans et 37,9% des 15-17 ans).

Tableau 72 : Horaires de travail des enfants selon les tranches d’âge

Moyenne d'heures

hebdomadaires

Nbre d'enfants

6 à 9 ans 28,15 344

10 à 14 ans 33,05 113115 à 17 ans 43,57 1029Total 36,70 2504

• Les filles travaillent plus longtemps que les garçons, quel que soit leur statut Le volume horaire de travail est plus important pour les filles que pour les garçons, quel que soit leur statut. Ainsi, les filles qui travaillent comme aides familiaux directs travaillent en moyenne pendant 32,8 heures par semaines (contre 27,6 heures pour les garçons). Les filles travailleuses rémunérées ont un volume horaire de 67,3 heures par semaine (contre 55,2 heures pour les garçons). Cette tendance se maintient dans tous les autres statuts à l’exception du statut d’apprenti, dans lequel les garçons travaillent plus que les filles (en moyenne 52,1 heures par semaine contre 47,9 heures pour les filles apprenties). Les filles travaillent davantage que les garçons parce qu’elles cumulent les activités. Elles sont sensiblement plus nombreuses que les garçons à avoir une activité secondaire en réalisant des tâches domestiques quel que soit leur statut. Les résultats de l’enquête qualitative le confirment bien puisqu’elles sont 60,7% à travailler les soirs après la journée normale de travail à la maison à la maison (57,1% contre 6,7% des garçons) ou ailleurs (3,6% contre 0% des garçons). De même, elles sont 72,2% à travailler à la maison pendant les jours de repos contre 18,4% des garçon qui travaillent à la maison (10,5%) ou ailleurs (7,9%).

Propos d’enfants travailleurs sur leurs horaires de travail

Certains enfants travaillent pendant de longues journées sans avoir l’assurance de bénéficier de périodes de repos Enfant 59, 15 ans, ivoirienne, travailleur rémunéré à plein temps dans un maquis à Abidjan, « les mardi, mercredi, jeudi, vendredi, je commence à 9 heures, je dors chez ma patronne. Les samedi et puis dimanche c’est à 8 heures 30.(…). Je finis à 22 heures sauf samedi et puis dimanche je finis à minuit, souvent à 23 heures 30. Souvent je me repose. Quand y a pas client je me repose mais si y a clients je me repose pas. » Enfant 73, 16 ans, burkinabé, apprenti menuisier à plein temps à San Pedro, « à partir de 7 heures on commence jusqu’à 18 heures. C’est à cause de couvre feu on finit à 18 heures sinon on finit à 20 heures ou bien 21 heures… Y a pas de moments où on se repose, c’est quand y a pas travail….Je trouve que la journée est longue » D’autres travaillent pendant de longues heures en commençant très tôt le matin Enfant 53, 17 ans, ivoirien, pêcheur indépendant à plein temps à Diboué (San Pedro), « je me lève à 4 heures, et puis je vais sur l’eau.

Je reviens à 18 heures. Je dors même pas. (…). Je me repose, je dors à 20 heures et puis ma vielle vient me réveiller à 1 heure ou bien 2 heures pour aller dépecer les crabes » Les enfants qui vivent chez leurs employeurs exécutent des tâches domestiques à la maison en dehors des heures de travail Enfant 28, 15 ans, ivoirienne précédemment vendeuse raconte sa journée de travail : « je me lève à 5 heures du matin, je lave linge, je balaie la maison, je nettoie. Le matin je me lève très tôt pour aller au marché pour payer les choses, quand je viens, je fais la cuisine, à partir de midi, j’ai déjà fini de faire. A 14 heures je m’en vais vendre. Je vends jusqu’à 18 heures. Quand je viens à la maison, je prépare, je mets riz au feu. Si j’ai fini, je balaie la maison encore, j’arrange tout. Dès que je finis d’arranger, peut-être 19 heures 30, je commence à attacher l’eau. Parce que y a pas pompe chez nous, je m’en vais puiser l’eau. A 20 heures je commence à attacher l’eau. Souvent je peux dormir à 2 heures du matin parce que si je n’ai pas encore fini d’attacher l’eau, je ne peux pas dormir »

104

2. Six enfants sur dix exécutent au moins une tâche dangereuse Une tâche est considérée comme dangereuse si son exécution nécessite que les enfants manipulent des outils dangereux pouvant entraîner des blessures ou si la nature même de la tâche peut avoir des influences nocives sur le développement psychomoteur des enfants. Les tâches ci-dessous sont donc considérées comme dangereuses :

- Décortiquer/Eplucher/Ecabosser - Faire du fagot de bois/Allumer le feu - Labourer/Epandre des engrais - Raboter ou scier le bois/Couper des métaux.

62,3% des enfants interrogés exécutent au moins une de ces tâche dans le cadre de leur travail. • Le secteur agriculture/élevage/pêche présente davantage de risques pour les enfants

Tableau 73 : Exécution de tâches dangereuses selon le secteur d’activité des enfants

Nombre de répondants

Pourcentage d’enfants exécutant des tâches dangereuses

Pourcentage de garçon

Pourcentage d’aides familiaux directs

Pourcentage d’aides familiaux éloignés

Moyenne d’âge

Agriculture/Elevage/Pêche 959 95,3 69,2 69,9 26,0 12,6 Maquis/Restaurants/Débits de boissons

107

43,0

15,9

31,8

41,4

13,9

Petits métiers du secteur informel 118 42,4 91,5 7,6 5,1 14,9 Petits commerces 222 42,3 21,2 41,4 25,2 13,9 Travaux domestiques 962 41,6 8,7 50,5 38,6 13 Coiffure/Couture 104 35,6 26,0 0 0 15,4 Total 2503 62,3 38,7 52,1 29,3 13,2

Le fait pour un enfant d’exécuter des tâches dangereuses ou non est davantage déterminé par le secteur dans lequel il travaille. Il faut noter que la proportion d’enfants exerçant des tâches dangereuses reste élevé quelque soit le secteur considéré. La désagrégation du pourcentage d’enfants qui exécutent des tâches dangereuses par secteur d’activité permet de constater que :

- Les enfants qui travaillent dans le secteur agricole sont davantage exposés à ce risque. Ce constat est très inquiétant si l’on tient compte du fait qu’il s’agit des enfants les plus jeunes (12,6 ans de moyenne d’âge).

- Le secteur coiffure/couture présente le moins de risque pour les enfants. Les garçons sont plus proportionnellement plus nombreux à exécuter des tâches dangereuses (78,5% des garçons exécutent des tâches dangereuses contre 52,1% chez les filles) parce qu’ils sont plus nombreux à travailler dans le secteur agricole. Filles et garçons ne sont pas exposés au même niveau dans tous les secteurs. On note ainsi que :

- Aucun sexe n’est véritable plus exposés que l’autre dans les secteurs agriculture/élevage/pêche et maquis/restaurants/débits de boissons.

- Les filles sont plus exposées dans les secteurs petits commerces et travaux domestiques. - Les garçons sont plus exposés dans les secteurs petits métiers du secteur informel et

coiffure/couture.

Tableau 74 : exécution de tâches dangereuses selon le secteur et le sexe des enfants (%) Nombre de

répondants Agriculture Maquis/restaurants Petits

commerces Petits métiers

Coiffure/couture Travaux domestiques

Filles 1534 93,3 43,3 48 30 31,2 42,0 Garçons 969 95,9 41,2 21,3 43,5 48,1 36,9

105

• Les enfants ne perçoivent pas toujours les dangers liés certaines tâches qu’ils exécutent La perception du danger n’est pas la même selon le sexe des enfants. On note globalement que près de un enfant qui exécute au moins une tâche dangereuse sur deux (47,3%) ne perçoit pas le danger. Les filles sont relativement plus nombreuses à se retrouver dans cette situation (51% des filles qui exécutent au moins une tâche dangereuse ne perçoivent pas le danger contre 33,2% des garçons concernés). 61,7% des enfants scolarisés exécutent des tâches dangereuses contre 44,9% des non scolarisés. Bien qu’étant relativement moins nombreux à exécuter des tâches dangereuses, les enfants non scolarisés sont toute de même plus vulnérables puisqu’ils perçoivent moins le danger que représentent certaines qu’ils exécutent. Tableau 75 : Exécution de tâches dangereuse et perception de la dangerosité des tâches selon le sexe des enfants

et la situation scolaire des enfants

Nombre de répondants

Pourcentage d’enfants exécutant des tâches dangereuses sans en être conscients

Filles 1198 51 Garçons 855 33.2 Scolarisés 1344 37,0 Non scolarisés 1160 44,4

106

Une catégorie d’enfants particulièrement exposés aux dangers : les éboueurs et porteurs de bagages

Les enfants éboueurs et porteurs de bagages constituent une catégorie d’enfants qui travaillent dans des conditions particulièrement dangereuses. Il s’agit en général de jeunes adolescents de 12 à 16 ans de sexe masculin qui collectent les ordures dans les marchés et domiciles pour les reverser dans les décharges. Cette activité n’existe que dans les milieux urbains. La vulnérabilité de ces enfants se caractérise par : Des journées de travail particulièrement longues qui peuvent atteindre 9 heures par jour Enfant 21, 16 ans, ivoirien, ramasseur d’ordures à San Pedro, « je viens à partir de 6 heures je suis déjà ici, je finis à 18 heures. S’il est midi je me repose, je mange et puis je me repose. A midi je me repose jusqu’à 13 heures, je reprends » Enfant 55, 14 ans, ivoirien, ramasseur d’ordures et de bagages à San Pedro, « je me réveille à 6 heures, je viens au marché, donc je ne mange pas le matin à la maison. Je descends à midi, je m’en vais à la maison pour manger, je me couche un peu, je viens à 13 heures ou 14 heures, je descends à 18 heures » Un environnement de travail malsain qui les expose aux accidents infections Enfant 58, 13 ans, malien, ramasseur d’ordures à Abidjan, « bon quand je ramasse et puis je viens mettre dedans, donc je fais très attention pour ne pas me blesser. Y a les bouteilles et puis les lames et puis les piqûres40 qui peut me piquer » Enfant 58, 13 ans, malien, ramasseur d’ordures à Abidjan, « c’est quand je prends ordures, l’odeur des ordures donne maladie donc je n’aime pas tellement prendre les ordures. Je prends mais ce n’est tout le temps. Pour venir traverser le goudron là, les taximen41 quand ils nous voient c’est là ils appuient sur l’accélérateur…Devant moi-même, il y a un taximan qui a marché sur le pied d’un brouetteman42 » Enfant 55, ivoirien, 14 ans, porteur de bagage et ramasseur d’ordures à San Pedro, « Souvent quand tu veux traverser (la route) avec brouette, il y a les voitures qui viennent. Si tu n’as pas fait attention voiture peut te ramasser »

Enfant 50, 13 ans, ivoirien, ramasseur d’ordures à Abidjan, « ce que j’ai peur de ça, c’est quand aujourd’hui il pleut comme ça, quand tu rentre dans le marché, quand tu dis ‘‘vider’’ et puis on dit vient prendre là et puis y a l’eau dedans, et puis tu charges, l’eau là, ce qui sent là, ça coule sur toi. C’est ce qui est dangereux, ça donne les microbes. Si je vois je peux aller à la maison pour porter un habit sale, si je viens, je charge et puis l’eau coule sur moi. Arrivé là-bas (à la décharge), je dépose…Quand j’arrive à la maison je m’en vais payer l’eau directement, je prends mon eau » Enfant 14, 14 ans, ivoirien, ramasseur d’ordures à Abidjan, « y a les cacas, les pipis. Odeur là ça sent, odeur de caca ça sent trop. Les bouteilles, parce que quand tu ramasses les bouteilles là, tu marches dans l’eau sale et puis les gens chient dedans, tu prends avec ta main » Le transport de charges lourdes dépassant parfois les capacités physiques des enfants Enfant 50, 13 ans, ivoirien, ramasseur d’ordures à Abidjan, « ce qui est difficile, il y a les viandes là, les os de viande là, y a des fois on peut te donner 100 francs et puis tu prends mais le jour que moi j’ai pris, j’ai eu mal à la tête, le jour que j’ai pris, j’ai fait trois jours je ne suis pas rentré dans le marché » Enfant 58, 13 ans, malien, ramasseur d’ordures à Abidjan, « des fois je transporte le riz, manioc, igname, la banane, il y a d’autres qui font leur marché, je transporte l’attiéké, le placali aussi. Je transporte les ordures » Une rémunération faible comparée aux risques qu’ils encourent Enfant 55, 14 ans, ivoirien, ramasseur d’ordures et de bagages à San Pedro, « quand je me réveille le matin, je viens au marché, je ramasse les bagages des femmes, quand je vais un peu loin, on me donne 200 ou 150 ou 250 »

3. Manipulation d’outils dangereux et exposition aux accidents de travail Une faible proportion d’enfants utilise des outils modernes. 71,9% des enfants de l’échantillon utilisent des outils manuels dangereux (machette, marteau, daba, couteau, autres objets coupant ou pointus, scie, hache) contre 0,6% qui utilisent des outils motorisés (tronçonneuses à moteur, machine à scier le bois). La manipulation d’outils se fait en général sans protection. 94,8% des enfants qui manipulent un outil de travail dangereux le font sans aucune protection, 58,7% des enfants ont déjà eu un accident de travail. Les blessures occasionnées sont, les coupures, (52,8% des enfants citent ce type de blessures), les brûlures (9,4%), les fractures (1,2%) et autres types de blessures (3,6%).

40 Aiguilles de seringues 41 Conducteurs de taxi 42 Enfants qui transportent les bagages ou ordures dans des brouettes

107

• L’agriculture est le secteur le plus à risque

Tableau 76 : Manipulation d’outils dangereux et blessures au travail selon le secteur

Nombre de répondants Enfants manipulant des outils dangereux (%)

Enfants ayant eu des blessures au travail (%)

Agriculture/élevage/pêche 959 92,7 76,3 Travaux domestiques 962 71,2 51,4 Maquis/restaurants 107 51,4 45,8 Petits commerces 222 46,8 41,0 Petits métiers informels 118 37,3 36,4 Coiffure/couture 104 0 43,3

La fréquence de manipulation d’outils par les enfants varie avec le secteur. Ainsi : - Les secteurs agriculture et les travaux domestiques présentent davantage de risque parce que les

enfants qui y travaillent sont proportionnellement plus nombreux à manipuler des outils dangereux et à avoir des accidents de travail.

- Les secteurs Coiffure/Couture et petits métiers du secteur informel présentent le moins de risque.

Il faut toutefois noter une particularité dans la coiffure/couture où 43,3% des enfants ont déjà eu un accident de travail bien qu’aucun d’entre eux ne manipule d’outils véritablement dangereux. Cela est dû au fait que les outils manipulés par ces enfants (le ciseau principalement) peuvent entraîner des blessures même s’ils ne sont pas naturellement dangereux.

- Il existe une corrélation entre la manipulation d’outils dangereux et le risque d’accident de travail.

Les secteurs dans lesquels les enfants manipulent davantage des outils dangereux sont également les ceux où on enregistre davantage d’accidents de travail.

• Chaque sexe est plus exposé dans les secteurs qui lui sont socialement reconnu 71,7% des garçons manipulent des outils de travail dangereux contre 72% des filles. Toutefois le degré d’exposition des enfants en fonction du sexe dépend des secteurs dans lesquels ils travaillent. La répartition sociale des tâches semble déterminer le niveau de vulnérabilité de chaque sexe dans les différents secteurs d’activité. A l’exception du secteur agricole, chaque sexe est plus vulnérable dans les secteurs qui lui sont traditionnellement reconnus. Ainsi : - Les filles présente davantage de risque dans les secteurs maquis/restaurants/débits de boissons,

petits commerces, coiffure/couture et travaux domestiques. Dans les travaux domestiques, les filles se voient davantage confiées les activités relatives à la cuisine où la manipulation du couteau et autres objets coupants est quasi systématique. Les garçons se consacrent à des tâches moins difficiles tel que le ménage. Bien qu’aucun enfant ne manipule d’outils dangereux dans la coiffure/couture, les filles y sont plus nombreuses à avoir des accidents de travail.

- Les garçons sont plus exposés dans les petits métiers du secteur informel où ils sont amenés à

exécuter les tâches les plus dangereuses dès lors que les stéréotypes sociaux considèrent les petits métiers comme un secteur pour hommes.

- Le secteur agriculture/élevage/pêche échappe aux écarts de genre. Dans ce secteur, la distinction

entre filles et garçons ne porte davantage sur la nature des cultures que sur les tâches à exécuter. Les filles sont plus enclines à travailler dans les plantations vivrières où elles accomplissent les mêmes que les garçons qui eux travaillent davantage dans les plantations de cultures de rente.

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Tableau 77 : Manipulation d’outils dangereux et blessures au travail selon le sexe des enfants et le secteur d’activité

Manipulation d’outils dangereux Accidents de travail Filles (%) Garçons (%) Filles (%) Garçons (%)

Agriculture/élevage/pêche 93,2 92,5 78,0 75,6 Maquis/restaurants/débits de boissons 58,9 11,8 51,1 17,6 Petits commerces 57,1 8,5 48,6 12,8 Petits métiers du secteur informel 20,0 38,9 10,0 38,9 Coiffure/Couture 0 0 45,5 37,0 Travaux domestiques 76,0 71,2 53,5 28,6

• Les enfants sont plus sensibles à la pénibilité des tâches qu’aux dangers éventuellement

encourus Les enfants sont plus sensibles à la fatigue liées aux tâches qu’au danger qu’ils encourent dans l’exécution de certaines tâches. Alors que 73,1% des enfants déclarent exécuter des tâches fatigantes, ils ne sont plus que la moitié à considérer que certaines tâches qu’ils exécutent sont dangereuses (44,6%) et 24,4% à estimer que certaines tâches sont trop compliquées pour eux. 40% des enfants interrogés dans l’enquête qualitative soutiennent exécuter certaines tâches dangereuses. Cette enquête révèle également des perceptions (relatives aux dangers encourus au travail) différentes selon les secteurs. Les enfants lient les dangers à : - l’espace de travail lorsqu’ils évoluent dans des environnements particulièrement dangereux tels

que l’eau, la rue et les décharges publiques.

Les dangers liés à l’espace de travail

Enfant 53, 17 ans, ivoirien, pêcheur à plein temps à Diboué (San Pedro) : « Ça dépend, c’est très dangereux. Si toi même tu sais pas nager, si tu vas prendre poisson là, tu vas mourir là-bas….Il y a les crocodiles, il y a les gros poissons et puis les poissons qui sautent dans l’eau. Toi-même tu vas avoir peur de ça. Il y a d’autres même qui peuvent diviser ta pirogue en deux….Je tombe souvent malade à cause du soleil. Je reste sur le soleil jusqu’à la nuit »

Enfant 4, 16 ans, ivoirien, pêcheur à Diboué, « si c’est dangereux, le vent peut venir sur l’eau, tu sais y a des camarades aussi qui sait pas nager, moi-même qui parle je ne maîtrise pas l’eau pour nager. Je ne suis pas un nageur mais je me débrouille. Quand le vent vient, je me débrouille, je me couche sur la pirogue pour me sauver un peu »

- La nature des tâches lorsque leur exécution nécessite la manipulation d’outils dangereux telles que

la machette ou le couteau.

Les dangers liés à la nature de certaines tâches

Enfant 82, 16 ans, ivoirien, travailleur familial dans un champ de riz à Zakoua (Daloa) : « Ce qui est dangereux dedans, tout travail est dangereux, parce que au travail là-bas si tu n’est pas en paix, il y a les serpents là-bas, il y a les machettes aussi qui peut te blesser…Moi je me suis blessé une fois…Pour me protéger, je fais la foi en Christ, je ne fais pas médicament pour me protéger » Enfant 24, 13 ans, ivoirienne, aide familiale dans des plantations vivrières à Zakoua (Daloa), « le travail est fort43. C’est désherber champ de riz qui est fort. Tu vas t’abaisser, tes reins44 te font mal, donc c’est fort. Et puis cultiver champ de coton aussi c’est fort, tu vas t’abaisser aussi. Dans maïs et puis manioc, ce qui est fort, c’est pour charger, c’est lourd dès ! »

Enfant 107, 13 ans, ivoirienne, aide familial à Zergbé (Soubré), « quand je découpe les oignons, le couteau est trop tranchant et puis puiser l’eau, le puits est petit. Quand tu veux attraper la corde, ta main rentre dedans et puis tu tombes dedans. Et puis les cuvettes sont trop grosses » Enfant 62, 12 ans, ivoirien, travailleur familial dans des champs de manioc et de riz à Yaoudé (Guiglo) : « Ce qui est difficile c’est transporter bois de manioc là, on enlève bois de manioc là dans l’autre champ et puis on s’en va planter dans l’autre champ aussi. Si on transporte bois de manioc là c’est lourd… J’ai fait tréclé45 deux fois seulement et puis j’ai arrêté. C’est dur, j’ai nettoyé dans champ avec daba. Quand tu prends daba pour t’abaisser là c’est dur, tu vas nettoyer là, tu gagnes maux de reins »

43 Comprendre : « le travail est dur » 44 Comprendre : « bassin » 45 travailler occasionnellement à titre rémunéré pendant une journée pour quelqu’un

109

Les parents qui sont en général conscients des dangers encourus par leurs enfants se révèlent incapables de les protéger et adoptent : Une attitude pragmatique Mère de l’enfant 52, 35 ans, ivoirienne vivant à Yaoudé (Guiglo) : « y a pas danger, quand on s’en va il porte ses bottes et puis on s’en va au champ. Ce qui est danger, c’est machette et puis serpent. Pour le protéger c’est avec botte et puis je lui paye chapeau contre soleil » Une attitude résignée Mère de l’enfant 53, ivoirienne vivant à Diboué (San Pedro) : « Il y a des jours quand ça vient la pluie comme ça, ça me fait mal, ce n’est pas bien… Mon frère, faut pas me fatiguer, c’est vrai tu peux me demander, mais chez nous à Diboué, on n’est pas habitué de travail de blanc, on est habitué travail de poisson et puis de crabe poilu. Mon enfant il est encore petit mais c’est Dieu qui a donné lui la force pour faire ça » Père de l’enfant 62, ivoirien vivant à Yaoudé (Guiglo), « y a des choses qui lui mordu, y a des serpents, y a machette qui te blesse, tout ça là c’est dangereux »

Les employeurs ne sont que 32,2% (sur 30 employeurs interrogés pendant l’enquête qualitative) à considérer que les tâches qu’ils confient aux enfants peuvent être dangereuses, alors que la majorité d’entre eux exercent dans deux secteurs où les enfants exécutent des tâches dangereuses (30% et 56,7% des employeurs interrogés exercent respectivement dans le secteur l’agriculture/Elevage/Pêche et dans et celui des Maquis/restaurant/Débits de boissons). En réalité, les employeurs n’ignorent pas les dangers encourus par les enfants dans l’exécution de certaines tâche mais, ils en minimisent l’ampleur. Une attitude résignée Employeur de l’enfant 54, 40 ans, ivoirien, artisan à Abidjan, « La scie peut couper les doigts, elle peut te blesser, elle peut blesser comme le couteau. On travaille largement avec le couteau, mais Dieu merci, depuis on n’a pas de blessé. Mais c’est dangereux, surtout le gaz, c’est Dieu qui nous protège. Le plus grand a eu une étagère qui lui est tombée sur le pied, il y a eu du sang mais ce n’était pas grave. Sinon c’est rare que quelqu’un se blesse. » Une attitude trop confiante Employeur de l’enfant 76, 31 ans, ivoirienne, propriétaire d’un maquis/restaurant à San Pedro, « Tant que je suis là, aucun » Une attitude préventive Employeur de l’enfant 73, 39 ans, burkinabé, menuisier à San Pedro, « les machines qui travaillent là sont par exemple, ce sont des machines qui sont tranchantes, elles coupent le bois imagine toi l'homme, donc je pense qu’elles sont très dangereuses d'ailleurs, tu comprends bien non, donc c'est pourquoi je dis que l'enfant doit se tenir à une certaine distance, pour regarder, pour observer avec ses yeux, il doit accumuler un certain savoir, tu vois au fur et mesure qu'il grandit, peut être aussi un jour peut-être il pourra exercer là seulement il serait peut-être le meilleur parce que il a appris à observer jusqu'à ce que il s'avance dessus lui-même donc il va être meilleur peut être mais dans un premier temps je lui dis que ça là ce n'ai pas ton ami, c'est dangereux, si tu t'amuse tu vas te couper le doigt, tu sais ce que c’est que de perdre un doigt, c'est comme ça on fait, c'est comme ça on fait. »

110

4. Exposition des enfants aux effets de produits chimiques Dans cette étude, la notion de produits chimiques désigne toute substance d’origine chimique dont l’utilisation prolongée peut avoir des influences nocives sur la santé et le bien-être des enfants. La liste des substances considérées comme produits chimiques est donnée dans le tableau ci-dessous.

Tableau 78 : Inventaire des produits manipulés par les enfants

Types de produits Exemple de produits concernés Fréquence % Produits phytosanitaires/Engrais chimiques/Produits d’entretien très acide

Engrais, insecticides, gramoxon, gamaline, Kalifan 50, Tiodan, Bazudine, Phaser, Diazol, acide muriatique, etc.

53 2,1

Colle / Vernis / Diluant / Peinture / Produits corrosifs tel que l’acide muriatique

5 0,2

Autres produits dérivés du pétrole Essence, pétrole lampant, gasoil, cirage, etc. 30 1,2

Une faible proportion d’enfants est exposée à l’effet de produits dangereux dans le cadre de leur travail. Ainsi, 13,2% des enfants de l’échantillon (soit 330 enfants) sont exposés aux effets d’au moins un des produits mentionnés dans le tableau parce qu’ils les manipulent directement (3,5%) ou sont indirectement exposés à leurs effets sur le lieu du travail (9,7%). La proportion des enfants qui manipulent des produits chimiques dans le cadre du travail varie selon les secteurs d’activité. - Le secteur des petits métiers informels présente le plus de risque, plus de 1 enfant sur 10 (16,9%)

y manipulent des produits chimiques dangereux ; - L’agriculture est le second secteur à risque, 1 enfant qui travaille dans ce secteur sur 20 (5,4%)

manipule des produits dangereux ; - Les autres secteurs présentent moins de risque, les pourcentages d’enfants qui y manipulent des

produits chimiques varient entre 0,7% dans le secteur des travaux domestiques et 1,4% dans les petits commerces.

Tableau 79 : Usage des produits chimique selon le secteur d’activité

Agriculture / Elevage /

Pêche

Alimentation / Restauration

/ Débit de boisson

Petits commerces

Petits messiers du secteur informel

Hygiène / Coiffure / Divers soins corporels /

Couture

Travaux domestique

s

Autres Total

52 1 3 20 1 7 4 88

Oui 5,4% 0,9% 1,4% 16,9% 1,0% 0,7% 12,9% 3,5%

907 106 219 98 103 955 27 2415

Non 94,6% 99,1% 98,6% 83,1% 99,0% 99,3% 87,1% 96,5%

959 107 222 118 104 962 31 2503

Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0%

5. Exposition des enfants au harcèlement sexuel 395 enfants, soit 15,8% de l’échantillon reconnaissent avoir été sollicités pour avoir des relations sexuelles en échange de quelque chose. 12,9% d’entre eux (51 enfants soit 2,04% de l’échantillon) reconnaissent avoir accepté au moins une fois. Parmi les enfants qui ont accepté, 83,7% (41 enfants) l’ont fait pour de l’argent, 12,2% l'ont fait par amour et 2% reconnaissent avoir été naïfs.

111

• Une vulnérabilité davantage déterminée par le secteur d’activité des enfants Les enfants qui travaillent dans les secteurs qui les mettent directement en contact avec des clients sont les plus exposés. Ainsi : - Trois secteurs qui mettent directement les enfants en contacts avec les clients enregistrent une

incidence supérieure à 30%. 34,7% des enfants qui travaillent dans les petits commerces ont déjà été reçu des propositions. 30,8% des enfants des maquis/restaurant/débits de boisson et 30,8% des enfants du secteur coiffure/couture sont dans la même situation.

Tableau 80 : Exposition des enfants aux propositions sexuelles des adultes selon le secteur d’activité

Agriculture / Elevage /

Pêche

Alimentation / Restauration /

Débit de boisson

Petits commerces

Petits métiers du secteur informel

Hygiène / Coiffure / Divers soins

corporels / Couture

Travaux domestiques

Autres Total

47 33 77 7 32 194 4 394Oui

4,9 30,8 34,7 5,9 30,8 20,2 12,9 15,7912 74 145 111 72 768 27 2109

Non 95,1 69,2 65,3 94,1 69,2 79,8 87,1 84,3959 107 222 118 104 962 31 2503

Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

La plupart des propositions reçues par les enfants proviennent des clients avec lesquels ils sont amenés à être en contact dans leur travail, comme l’a montré l’enquête qualitative.

Le harcèlement sexuel des clients

Enfant 68, 16 ans, ivoirienne, travailleur familial à plein temps dans un maquis à San Pedro : « c’est un travail difficile parce que quand les gens sont soûlés46 d’autres ont des comportements vraiment insupportables mais nous sommes obligés de supporter. D’autres viennent pour te Breker47, d’autres aussi… d’autres pensent que lorsque nous vendons de la boisson nous sommes prêtes à tout, donc ils te demandent, d’autres mêmes te demandent de sortir avec eux, ils te font des propositions…Ca arrive très souvent. Bon quand ils font ça, bon… comme on dit que le client est roi, je ne dis rien souvent, quand tu ne réponds pas ils se fâchent et ils ne reviennent plus » Enfant 74, 16 ans, ivoirienne, travailleur familial dans un restaurant à Guiglo : « les gars48 m’emmerdent trop, c’est ce qui ne me plaît pas. Il y a des gens qui viennent m’aborder… J’essaie de le faire comprendre, si c’est pour venir chercher femme je leur dit que je ne peux pas » Enfant 59, 15 ans, ivoirienne, travailleur rémunéré dans un maquis à Abidjan : « je n’ai jamais eu de relations avec mes clients. Je les salue, on se parle, on plaisante et puis ça s’arrête là. Plusieurs clients m’ont dit de sortir avec eux mais je refuse parce que je suis pas prête à ça. Parce que les clients qui viennent boire, qui me demandent ça, je sais pas quoi, je peux pas accepter de sortir avec mes clients »

Enfant 78, 16 ans, ivoirien, pêcheur indépendant à Diboué (San Pedro) : « il y a une femme qui est venue avec sa fille. Il y a des mois où les crabes sont chers quoi. Elle envoyait sa fille et disait de créer avec sa fille, là elle prend crabes douflé49 quoi. Mais moi ça m’arrangeait pas parce que les crabes quand tu pêches c’est trop fatigant. Elle m’a dit tu peux prendre ma fille. Elle a dit je peux coucher avec sa fille mais c’est crabe là je n’ai qu’à diminuer ça. Si c’est 15000, je n’ai qu’à faire à 10000 comme ça, elle aussi elle va gagner. Sa fille a 14 ans » Enfant 104, 11 ans, ivoirienne, vendeuse d’eau à Soubré, « oui, il m’a dit de le suivre à la gare avec mon eau, de venir dans la cour là-bas et puis il va payer mon eau. Je suis partie… Une fois y a un qui a essayé de toucher mes seins » Mère de l’enfant 68, 43 ans, ivoirienne vivant à San Pedro, « En tout cas c’est très difficile parce qu’ils y a des clients qui sont emmerdants, c’est difficile… Tout ceux qui viennent ont les yeux sur elle » Mère de l’enfant 68, 43 ans, ivoirienne vivant à San Pedro, « En tout cas c’est très difficile parce qu’ils y a des clients qui sont emmerdants, c’est difficile… Tout ceux qui viennent ont les yeux sur elle »

46 Ivres 47 Draguer 48 Terme populaire utilisé pour désigner les hommes 49 comprendre « acheter les crabes à bas prix »

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- 20,2% des enfants qui travaillent dans le secteur domestique reconnaissent avoir été sollicités par des adultes pour avoir des rapports sexuels. Ces enfants représentent à cet égard la moitié des enfants concernés (49,2%). La vulnérabilité de ces enfants s’explique par :

� Le sentiment d’impunité des adultes susceptibles de commettre ces abus, car évoluant dans un espace privatif, à l’abri des regards ;

Enfant 28, 15 ans, ivoirienne qui a travaillé comme domestique à Saïoua (département d’Issia) chez un ressortissant de son village : «le monsieur là il me maltraite. Quand je suis là-bas, sa femme était là il était gentil avec moi. Maintenant quand ça femme est quittée là-bas, il veut me chercher. … Un jour mon tonton il était un peu malade, il m’a dit de le soigner. On était assis, il m’a dit que comme il me prenait j’étais petite que maintenant, il va me chercher. Moi je pense que c’est amusement. Il a dit, j’ai dit ‘‘non, tonton faut laisser ça toi tu es vieux, c’est les enfants qui peuvent me chercher que toi tu es vieux’’. La nuit, j’étais couchée, chacun dans sa chambre. Il est rentré dans la chambre, il a dit il veut sortir avec moi. En ce moment je ne connais pas garçon encore, je suis vierge. Il m’a dit il veut sortir avec moi, je dis je veux pas. On a commencé à faire palabre jusqu’en il déchiré mon caleçon, il dit il veut sortir avec moi. »

� La propension de ces enfants à vivre chez l’employeur. Cette situation peut déboucher sur

des cas de violation extrême des droits des enfants employés comme domestique. L'enquête qualitative a ainsi révélé la situation d'une jeune fille employée comme nounou qui a été obligée par son employeur à tourner des scènes pornographiques au cours desquels elle a été violée par plusieurs hommes à la fois.

Un cas extrême de violation du statut d’enfant : une adolescente employée comme nounou a tourné des scènes pornographiques sous la contrainte de son employeur ML, 15 ans, ivoirienne a précédemment travaillé comme nounou chez une dame qui l’a obligée à tourner des scènes pornographiques : « la dame elle me maltraitait. Elle-même elle travaillait dans une boîte de nuit avant. Là-bas on danse le ‘‘mapouka dédja’‘. Elle me dit d’aller faire aussi, je dis non je vais pas. Elle m’a forcée, je suis partie une fois. Je suis venue, je suis tombée malade. Un jour je suis assise au salon, elle m’a dit on n’a qu’aller manger dehors. Son mari n’était pas là, son mari était parti en France. Maintenant on est parti, moi aussi je n’ai jamais rentré dans boîte de nuit. Quand je suis partie là-bas j’ai demandé ici là c’est quoi. Elle m’a dit c’est boîte de nuit que je vais venir danser. J’ai dit que je sais pas danser. Elle m’a dit tu vas faire mapouka dédja. Je dis non je n’ai jamais fait ça, on m’attrapée, on m’a donné médicament, j’étais soulée, j’ai dansé. Je danse avec les filles, avec les garçons, déshabillée. Quand on m’a donné médicament, je n’ai pas vu dedans. Elle a mis dans verre et puis elle m’a dit de boire. Moi aussi je sais pas que c’est médicament. J’ai bu ça. Quand j’ai bu je dis je peut danser. Quand on était arrivé à la maison matin, elle avait pris cassette, elle a mit et puis quand j’ai vu, j’ai commencé à pleurer et puis, je lui ai demandé comment j’ai fait ça, elle m’a dit qu’elle m’a donné médicament. Je danse avec les garçons, avec les filles, je me couche, je m’abaisse pour danser, je fais comme … C’est comme genre de porno. Quand j’ai vu les cassettes le matin, j’ai commencé à pleurer. Tous les jours elle me force, elle ferme la porte, elle veut pas que je sort, elle me force pour partir. Comme je fais tous les jours, je danse souvent avec deux garçons, trois garçons, eux me font l’amour devant tout le monde. Quand j’ai regardé la cassette, moi j’ai dit bon, comme c’est comme ça que tu vas me faire maintenant, je vais plus travailler, je vais fuir pour aller à la maison. Donc quand je veux sortir, elle ferme la porte, à partir de 20 h, elle vient me chercher pour aller danser mapouka . Quand on finit de danser, on peut donner l’argent 40 000 francs, elle prend l’argent. Quand elle ferme la porte je peux pas fuir. C’est étage, on est au 4ème, je peux pas sauter, elle ferme la porte, elle prend la clé pour sortir pour aller au travail. Si je veux pas partir, elle me frappe. Elle vient avec ses amis pour m’attraper pour pouvoir sortir, moi aussi, je peux rien dire, je m’en vais, je suis pas d’accord, comme je suis serrée c’est pour ça je m’en vais. Je m’habillais en sexy. C’est elle-même qui paye les habits sexy pour moi. »

� L’exercice d’activités commerciales à titre secondaire.

- Les enfants du secteur agricole et ceux des petits métiers sont moins exposés. Ainsi, seulement

4,9% des enfants du secteur agricole et 5,9% de ceux qui travaillent dans les petits métiers ont déjà reçu ce type de propositions.

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• Une vulnérabilité plus grande des adolescents

Tableau 81 : Expositions des enfants aux propositions de personne adulte selon les tranches d’âge

Ayant déjà reçu des

propositions sexuelles N’ayant jamais reçu des propositions sexuelles Total

344 344 6 à 9 ans

100,0 100,0 80 1051 1131

10 à 14 ans 7,1 92,9 100,0 315 714 1029

15 à 17 ans 30,6 69,4 100,0 395 2109 2504

Total 100,0 100,0 100,0

Aucun enfant de moins de 10 ans n’a déclaré avoir déjà reçu des propositions sexuelles. Le pourcentage des enfants ayant reçu ce type de proposition est multiplié par 4 lorsqu’on passe de la classe d’âge des 10-14 ans à celles des 15-17 ans. Il est donc indéniable que les adultes ont plus tendance à diriger leurs propositions vers les jeunes adulte de 15-17 ans. Toutefois la question reste posée de savoir si cela résulte d’un choix délibéré des adultes d’aller vers ces enfants plus âgés ou si c’est simplement la présence plus marquée des jeunes adultes dans les secteurs les plus à risque qui les exposent davantage. • Les filles sont plus exposées aux propositions sexuelles que les garçons 97,5% des enfants qui reçoivent des propositions sexuelles de personnes adultes sont des filles. De même, 25,1% des filles de l’échantillon ont déjà reçu ce type de propositions contre 1% des garçons.

6. Influence des conditions de travail sur la santé des enfants • 68,6% des enfants ressentent souvent des douleurs liées aux conditions de travail / les enfants

du secteur agricole et ceux qui exécutent des travaux domestiques sont les plus exposés Les régions du corps les plus touchées par ces douleurs sont la tête (43,1% des enfants concernés signalent des maux de tête), la colonne vertébrale et les articulations de la hanche (23,4%), l’abdomen (12%), les articulations des membres supérieurs (10,2%), les articulations des membres inférieurs (7,4%). Par ailleurs, 10,8% des enfants ayant signalé des douleurs fréquentes affirment ressentir ces douleurs au niveau de tous les muscles et articulations du corps. • Les enfants qui travaillent ans le secteur agricole sont plus exposés

Tableau 82 : pourcentage d'enfants ressentant des douleurs selon le secteur d'activité

% d'enfants ressentant des douleurs Agriculture/élevage/pêche 75 Travaux domestiques 66 Petits métiers du secteur informel 61 Maquis/restaurants/débits de boisson 60,7 Petits commerces 59 Coiffure/Couture 41,2

La présence des douleurs concerne :

- trois enfants sur quatre dans le secteur agriculture/élevage/pêche ; - deux enfants sur trois dans le secteur des travaux domestiques ;

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- trois enfants sur cinq dans les secteurs maquis/restaurants/débits de boisson, petits métiers du secteur informel et petits commerces ;

- deux enfants sur cinq dans la coiffure/couture/hygiène corporelle. • Il existe une corrélation entre la nature des douleurs ressenties par les enfants et l’ergonomie

des tâches des secteurs d’activité dans lesquelles ils travaillent La nature des douleurs que ressentent les enfants dépend des tâches qu’ils exécutent. On note donc une bonne corrélation entre secteur d’activité, tâches exécutées et nature des douleurs ressenties par les enfants. Les résultats révèlent par exemple que :

- Les enfants qui travaillent dans le secteur agriculture/élevage/pêche ressentent souvent des douleurs au niveau des articulations des membres supérieurs (93% de ceux qui signalent des douleurs la localise dans cette zone du corps) et de la hanche (28%) ainsi que des maux de tête (41,4%). Ils sont également nombreux à exécuter des tâches mettant à contribution les membres supérieurs et/ou la hanche (91% d’entre eux labourent à la machette, 21,5% font la lessive/vaisselle, 16% cassent du fagot de bois), à transporter manuellement des charges (38%) et à puiser de l’eau (21%).

- Les enfants qui font la coiffure/couture ont souvent mal aux articulations de la

hanche/colonne vertébrale (31,1%) parce qu’ils sont relativement nombreux à adopter pendant longtemps des positions assises ou courbées pour coudre/broder/découper les tissus (73%), défrisser/tresser/couper les cheveux (25%), faire la lessive/vaisselle (30,8%). Les enfants qui exécutent des tâches domestiques évoquent également les mêmes maux (18,2% des enfants de ce secteur qui signalent des douleurs la localisent aux niveau des articulation de la hanche/colonne vertébrale et 45,5% au niveau de la tête) parce qu’ils sont également nombreux à exécuter les tâches susmentionnées (89,7% d’entre eux font la lessive/vaisselle et 23,6% puisent de l’eau).

C. REVENUS DES ENFANTS TRAVAILLEURS

Nous entendons par revenus toute forme de rétribution ou d’intéressement que les enfants perçoivent en échange de leur travail. 316 enfants ont indiqué percevoir un revenu en échange de leur travail, soit 12,6% de l’échantillon. 65,8% des enfants sont des filles (soit 208 filles). 52,8% des enfants qui ont déclaré un revenu ont le statut de travailleur rémunéré (soit 167 enfants), 44,9% sont des travailleurs indépendants (soit 142 enfants) et 2,2% travaillent comme apprentis (soit 7 enfants).

1. Un revenu moyen mensuel inférieur de moitié au SMIG Le revenu moyen mensuel des enfants est de 14693,23 FCFA, de loin inférieur au SMIG en Côte d’Ivoire qui est d’environ 36000 FCFA. Des analyses plus poussées permettent de faire les constats suivants. i) La valeur de la rémunération ne varie pas avec :

- La situation scolaire actuelle des enfants (15636,30 francs pour les scolarisés, 14712,57 francs pour les déscolarisés et 14267,27 francs pour les non scolarisés).

- Le statut des enfants (14744,40 francs pour les travailleurs rémunérés et 14841,36 francs pour ceux qui travaillent comme indépendants). On note cependant une rémunération plus faible pour les 7 apprentis qui perçoivent en moyenne 10467,69 francs par mois.

- La migration des enfants. Le revenu moyen mensuel est de 14501,04 francs chez les enfants qui n’ont pas migré et de 14467,69 francs chez ceux qui ont migré sans effet significatif du type de migration.

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- Les conditions de résidence des enfants (16031,52 francs en moyenne par mois pour ceux qui vivent avec leurs parents biologiques, 13047,55 francs pour ceux qui vivent chez leurs employeurs et 14971,56 francs pour les enfants qui vivent chez un tuteur).

ii) La valeur varie avec le sexe, l’âge, la nationalité des enfants et les secteurs dans lesquels ils

évoluent.

- Le sexe est le facteur le plus déterminant. La sous rémunération des filles se confirme dans toutes les activités à l’exception de celles du secteur « coiffure/couture/hygiène corporelle » où elles sont mieux payées que les garçons. Le revenu moyen mensuel des filles est de 12290,38 FCFA contre 19249,56 FCFA pour les garçons. Cette tendance persiste dans presque tous les secteurs d’activité. L'écart de genre est plus important et de l'ordre de 8000 FCFA environ par mois dans les secteurs des petits commerces et des maquis/restaurants.

- L’âge est le second facteur déterminant. Les plus jeunes gagnent moins. Le revenu moyen

des 6-9 ans est de 4285,71 FCFA par mois contre 11645,2 FCFA pour les 10-14 ans et 15493,23 FCFA pour les 15-17 ans.

- Le secteur d’activité constitue le troisième facteur déterminant. Les enfants qui travaillent

dans les petits métiers du secteur informel sont les mieux payés tandis que ceux qui travaillent dans les « petits commerces » perçoivent les revenus les plus bas.

- La nationalité est le quatrième facteur déterminant : Les enfants étrangers ont un revenu

moyen plus bas. Le revenus moyen mensuel des ivoiriens est de 15260,74 FCFA par mois contre 12014,65 FCFA pour les burkinabés et 8267,14 FCFA pour les enfants ressortissants des autres pays de la sous région.

Tableau 83 : Revenus moyen mensuels (en FCFA) des enfants selon le sexe et le secteur d’activité

Masculin Féminin Total Agriculture/élevage/pêche 19542,58 13640 17947,29 Maquis/restaurants/débits de boisson 19979,59 11416,23 13483,25 Petits commerces 18512,09 10750,85 12152,18 Petits métiers du secteur informel 21609,52 15857,14 20835,16 Coiffure/Couture 10578,81 18458 14518,40 Travaux domestiques 12307,14 12307,14 Total 19249,56 12290,38 14676,38

2. Absence de corrélation entre le volume horaire de travail et le montant des revenus des enfants

Il n’existe pas de corrélation significative entre le revenu et le volume horaire de travail des enfants surtout quand il s’agit de travailleurs non indépendants. Les enfants qui travaillent plus ne sont pas récompensés en retour des efforts physiques qu’ils fournissent. Les travailleurs rémunérés perçoivent en moyenne 21312,9 FCFA par mois quand ils travaillent entre 4 et 25 heures par semaine (contre 15142,8 FCFA pour les travailleurs rémunérés qui travaillent entre 26 et 42 heures par semaine et 14353,4 FCFA pour ceux qui travaillent pendant plus de 42 heures dans la semaine). Chez les travailleurs indépendants on note une certaine corrélation entre le revenu et le temps de travail. Ils gagnent en moyenne 7988,8 FCFA par mois quand ils travaillent entre 4 et 25 heures dans la semaine, 15428,1 FCFA quand ils travaillent entre 26 et 42 heures dans la semaine et 16420,7 FCFA quand le temps de travail excède 42 heures par semaine.

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Les employeurs reconnaissent qu’ils établissent une différence entre travailleurs enfants et adultes au niveau du « traitement salarial.

A travail égal, salaire plus faible pour les enfants

Employeur de l’enfant 27, 24 ans, ivoirienne, propriétaire d’un maquis à Abidjan, « il y a une différence, une différence d’argent. Les enfants ça dépend, des fois 10000, 8000 par mois, ça dépend des parents. Les grandes, 15000 francs. Franchement je leur dis 15000 francs mais si tu fais bien mon travail c’est plus que ça » Employeur de l’enfant 19, ivoirienne, propriétaire de maquis à Abidjan, « c’est un peu différent, celle qui a 20 ans, je donne 15000 francs, celle qui a 12 ans, je paye 12000 francs »

Employeur de l’enfant 28, 50 ans, béninoise, propriétaire de maquis à Abidjan, « Les petites on commence par 1550, si la fille est honnête avec toi et qu’elle fait un mois, deux mois, troisième mois on la met à 18000 francs pour voir. Les grandes personnes, on commence par 18000 francs. Si elle est bien aussi, elle fait bien son travail,( …), on peut l’envoyer directement à 22000 francs »

Pour l'ensemble des adultes en présence, la sous-rémunération des enfants est parfaitement justifiée. Elles s'explique selon eux par le fait que :

Raisons de la sous rémunération des enfants selon les adultes (parents et employeurs)

- Ce sont simplement des enfants Employeur de l’enfant 71, 33 ans, ivoirienne, propriétaire de maquis à San Pedro, « l’année surpassée, j’ai deux filles (employées) mais ils sont partis. Il y a une qui s’appelait F. elle a 12 ans. L’autre s’appelait B., elle peut 17, 18 ans comme ça… F. je la paye 7000 francs (par mois), B., 9000. Parce que B. est grande plus que F., parce que F. quand je l’envoyais elle était comme celle là (enfant 71, 13 ans)Si comme elle est un peu grande que l’autre, on ne peut pas la payer même chose parce que les deux ce sont mes sœurs, j’ai pris les deux au village là-bas, donc la petite et la grande je ne peux pas les payer même chose. Celle qui est là maintenant là (enfant 71 interrogé) je paye 7000 » - Ils sont moins productifs Employeur de l’enfant 19, ivoirienne, propriétaire de maquis à Abidjan, « l’enfant qui là elle pile pas, elle fait pas manger, donc celle qui pile et puis elle c’est pas même chose » Employeur de l’enfant 27, 24 ans, ivoirienne, propriétaire d’un maquis à Abidjan, « les enfants ne font pas le même travail que les grandes personnes. Je peux pas dire à une petite fille va faire mon marché pour moi. Or les grandes savent ce qu’elles doivent faire »

- Ils sont apparentés à leurs employeurs Parent de l’enfant 72, 52 ans, burkinabé vivant à Daloa, « comme le vieux qui a prend lui c’est mon ami et puis nous familles se connaît bien, on a pas parlé problème de payement de M. Ce qui est entre nous deux familles là c’est que quand je habitais dans l’autre cour là quoi, mon deux enfants ils sont malades et puis on a gardé les à l’hôpital51, ce que famille de vieux là a fait pour moi, vraiment on peut pas parler, eux ont dépensé beaucoup. Bon depuis ce moment jusqu’aujourd’hui, une personne qui a fait ça pour toi, tu peux pas t’asseoir pour dire vraiment il faut payer ma fille. Vraiment ils ont trop fait pour moi, je gagne pas parole pour les remercier, ils ont trop fait, on peut pas parler fini » - Ils apprennent un métier Employeur de l’enfant 26, 32 ans, togolais, menuisier à Abidjan, « pour le moment, c’est comme s’ils sont venus dans un centre de formation, normalement c’est eux qui doivent me payer » - Ils ont moins de charges Employeur de l’enfant 19, ivoirienne, propriétaire de maquis à Abidjan, « Au niveau de l’argent, la personne qui la plus âgée, quand tu vois sa situation familiale, tu es obligé de l’augmenter un peu par rapport à la jeune fille qui a la possibilité e trouver des bouteilles de sucreries, on leur paye des sucreries, on leur donne cet argent, c’est leur pour boire. Or les grandes personnes qui sont des personnes mariées n’ont pas cet avantage là donc leur argent est un peu augmenté par rapport aux petites filles »

85,7% des apprentis concernés reconnaissent être régulièrement payés contre 79,8% des travailleurs rémunérés. Pour 12,45% des travailleurs rémunérés la paie arrive toujours avec un retard quand 3% d’entre eux ne sont pas souvent payés par leurs employeurs. Les apprentis et aides familiaux qui ne perçoivent aucune rémunération s’accommodent bien de leur situation même quand ils ne travaillent pas pour leurs parents biologiques.

50 15000 francs CFA 51 Comprendre : « Mes deux enfants étaient hospitalisés »

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Enfant 61, malien, apprenti mécanicien à San Pedro, « ici on me paye pas oh ! Je pense que on doit pas payer, je pense à connaître travail… Quand ton patron n’est pas là quand tu fais travail au garage là, chauffeur là il s’en va donner un peu à ton patron et puis toi il te donne jeton. Par jour je peux gagner 100 francs, 150, 300. Le jour tu fais travail et puis ça marche bien tu peux aller à la maison avec 500 francs ou bien 1000 francs » Enfant 62, 12 ans, ivoirien, travailleur familial dans des champs de manioc et de riz à Yaoudé (Guiglo) : « c’est pour moi-même, on doit pas me payer, c’est pour maman je travaille, donc c’est pour moi. Les deux fois j’ai fait tréclé là j’ai eu 1500 francs et puis 3000 francs »

Enfant 64, 17 ans, ivoirienne, travailleur familial dans un maquis à Guiglo : « je pense qu’on ne doit pas me payer. C’est parce que c’est ma grande sœur (en réalité sa cousine), à cause de ça je vends pour elle. Elle paye habits pour moi. Elle paye ça au marché et puis c’est cher et puis je suis contente aussi parce que c’est pas habits wouya wouya52 que les autres là portent. Mais c’est cher aussi c’est beaucoup, elle a payé beaucoup d’habit pour moi » Enfant 82, 16 ans, ivoirien, travailleur familial dans un champ de riz à Zakoua (Daloa) : « je travaille pour mon papa, il ne peut pas me payer. Parce que s’il n’est pas là c’est pour moi-même. Donc je ne peux pas lui laisser me payer quoi. Si lui même il est content là, pour m’encourager il donne quelque chose, je prends »

3. Destination des revenus des enfants

• 9 enfants sur 10 concernés perçoivent directement leur paie Tous les apprentis qui ont déclaré un revenu le perçoivent directement. Mais 7,3% des travailleurs rémunérés (12 enfants) ne perçoivent pas eux-mêmes leur rémunération. Dans ce cas, la paie est le plus souvent versée à un parent éloigné. Ainsi, l’intégralité de leur rémunération est reversée aux parents biologiques pour seulement 33,3% d’entre eux et à un autre membre de la famille pour 41,7% d’entre eux. Pour les autres (3 enfants soit 25% de ceux qui ne perçoivent pas leur rémunération), l’intégralité de la paie est gardée par l’employeur qui devra ensuite la reverser directement aux parents. Cette situation concerne trois enfants qui ont migré pour travailler sans leurs parents biologiques. • Deux enfants sur trois garde la totalité des revenus pour eux 66,5% des enfants travailleurs non indépendants (travailleurs rémunérés ou apprentis) qui perçoivent directement leur rémunération gardent la totalité de leurs revenus pour eux. Les autres remettent tout ou partie de leurs revenus aux parents biologiques (24,1%) ou à d’autres membres de leur famille (8,3%). Environ 3 travailleurs indépendants sur 4 (73,2%) gardent la totalité de leurs revenus pour eux-mêmes. 25,3% d’entre eux remettent la totalité ou une partie de leurs revenus aux parents biologiques (17,6%) ou à d’autres membres de leur famille (7,7%).

52 Habits sans valeur

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Que font les enfants de leurs revenus ?

Remettent la totalité aux parents pour contribuer à leur propre prise en charge Enfant 52, 12 ans, ivoirien, travailleur familial dans des champs de riz et de manioc à Yaoudé (Guiglo) parle de l’usage qu’il fait de l’argent qu’il gagne en travaillant occasionnellement dans des plantations autres que celles de ses parents : « je donne ça à ma maman aussi, elle paye la nourriture et puis on mange » Enfant 55, 14 ans, ivoirien, porteur de bagages et ramasseur d’ordure à San Pedro : « par jour si ça marche bien je gagne 2500 francs ou bien 2000 francs. Mais souvent quand ça ne marche pas je gagne 1000 francs, 500 francs….je donne ça à ma maman elle garde pour moi elle va payer mes habits avec ça » Enfant 61, malien, apprenti mécanicien à San Pedro : « jeton que je gagne je m’en vais garder ça, c’est ma maman qui garde, elle garde pour la fête, elle va payer mes habits » Remettent une partie aux parents pour contribuer à leur propre prise en charge Enfant 53, 17 ans, ivoirien, pêcheur indépendant à Diboué (San Pedro) : « c’est ma maman qui vend ça (les crabes qu’ils pêche). C’est elle qui vend, s’il y a au moins, à la fin de la semaine, 15000 ou 20000, je la donne 5000 et je prends 10000… Quand on finit de partager l’argent je m’en vais en ville, je vais faire mes achats, Je paye mes chaussures, mes habits, je paye mon ballon » Enfant 56, 15 ans, ghanéenne, serveuse rémunérée dans un maquis à Diboué (San Pedro) : « on me paye 10000 dans un mois, je donne ça à ma maman, elle s’en va payer poisson, on fume et puis on vend. Quand bénéfice vient on partage, si c’est 20000, je donne à ma maman 10000 moi aussi je prends 10000. Pour moi je paye habit avec ça » Gardent la totalité pour leurs besoins personnels Enfant 59, 15 ans, ivoirienne, travailleur rémunéré dans un maquis à Abidjan : « mes 12000 c’est moi-même je garde, je fais mes petites dépenses avec ça, je mange chez ma patronne »

En utilisent une partie pour subvenir aux besoins de la famille Enfant 78, 16 ans, ivoirien, pêcheur indépendant à Diboué (San Pedro) : « Ce que moi je fais avec cet argent ? Je suis pas allé à l’école, je ne fais pas de quelque chose. Je paye au moins un sac de riz, je dépose à la maison, maman vend ça à les femmes du village, huile, pétrole, maman vend ça et puis le reste je prends pour payer quelque chose au moins qui peut me protéger, si ma grande sœur elle a besoin de quelque chose, j’enlève l’argent dedans je la donne, c’est comme ça » Pour certains enfants migrants, la paie est directement reversée à l’intermédiaire qui devra les reverser aux parents au retour de l’enfant Enfant 71, 13 ans, ivoirienne, ayant migré de Daloa pour travailler dans un restaurant à San Pedro, « quand je vendais l’eau on me paye 5000. Quand je vendais l’eau, c’est 5000 que mon papa a dit. Il ont jugé prix avec mon papa, c’est elle (la tante qui l’a faite migré pour travailler) qui garde. Arrivé là-bas, elle donne à mon papa. Quand moi et puis elle on va partir elle va donner devant moi-même… Parce que je suis petite donc elle ne peut pas me donner ça, parce que quand je venais, mon papa m’a dit que de travailler, on va prendre ça, il va payer machine pour moi et puis je vais coudre habits, donc c’est pas à moi on doit donner l’argent, je peux prendre ça pour faire mes dépenses….Ici on me paye 7000, on donne ça à ma tante (la même que précédemment), celle qui m’a envoyée à San Pedro. C’est pas devant moi on donne mais on me parle. 7000 là, la femme (son employeur) a jugé avec ma tante ». Des enfants ignorent tout du montant et des modalités de leur rémunération (éventuelle) Enfant 72 13 ans, burkinabée, vendeuses de bonbons au marché de Daloa, ignore tout des accords qui existent entre son père et son employeur, « je vends pour le toton qui est ici. Moi je ne connais pas le prix que on me paye. On m’a pas dit. C’est mon papa avec le tonton là qui a parlé et puis on m’a demandé si je connais l’argent53 c’est ça je dis oui et puis on (son père) m’a dit de venir vendre bonbons »

53 Comprendre « si je sais faire des comptes »

119

VII. INCIDENCE DU PHENOMENE MIGRATOIRE DANS LE TRAVAIL DES ENFANTS Dans le cadre de cette étude le terme migrant désigne tout enfant qui ne vit pas actuellement dans la localité où il est né. Il peut s’agir d’enfants nés à l’étranger et ayant migré vers la Côte d’Ivoire (on parlera alors d’enfants migrants transfrontaliers) ou d’enfants nés dans une localité de Côte d’Ivoire qu’ils n’habitent plus actuellement (on parlera alors d’enfants migrants internes). A. CARACTERISTIQUES DES ENFANTS MIGRANTS 721 enfants interrogés ont fait l’objet d’une migration soit 28,8% de l’échantillon total. Ils présentent les caractéristiques suivantes. - 73,5% des enfants migrants sont des filles. 34,6% des filles de l’échantillon ont fait l’objet d’une

migration contre 19,8% des garçons ; - Ils sont sous scolarisés. 37,9% des enfants migrants sont actuellement scolarisés, 31,1% sont

déscolarisés tandis que 29% n’ont jamais été à l’école ; - Ils sont de nationalité ivoirienne. 89,6% des enfants migrants sont de nationalité ivoirienne, 4,6%

de nationalité burkinabée et 5,8% sont originaires d’autres pays de la sous régions à savoir le Mali (1,8%), le Ghana (0,8%), le Sénégal (0,7%), le Niger (0,6%), la Guinée (0,4%), le Togo (0,4%) et le Liberia (0,1%).

- Ce sont en majorité des adolescents. Ainsi, 9,8% des migrants sont âgé de 6-9 ans, 39,4% de 10-14 ans et 50,8% sont âgés de 15-17 ans ;

- L’incidence de la migration familiale est importante. Ainsi : � 32,6% des enfants ont migré pour suivre leurs parents biologiques, � 19,4% ont migré pour chercher du travail � 18,3 ont migré pour aller à l’école, � 9,7% ont migré pour apprendre un métier, � 4,4% ont migré pour fuir la guerre, � 11,3% pour suivre un autre membre de la famille.

Moins d'un enfant migrant sur deux s’est déplacé avec son père et/ou sa mère. Les enfants ont ainsi migré :

� Avec leurs parents biologiques (45,8%), � Avec un autre membre de la famille (44,3%), � Avec d’autres enfants (6,5%), � Seuls (5,78%), � Avec une tierce sans lien de parenté (3,1%)

Les enfants migrants sont pus fréquemment engagés dans une relation de travail non seulement en dehors de la cellule familiale restreinte mais également de type salarié. Ainsi :

� 25,7% des migrants travaillent comme aides familiaux directs contre 62,8% de ceux qui n’ont pas migré,

� 7,4% des migrants sont apprentis (contre 5,3% des non migrants), � 12,8% des migrants sont des travailleurs rémunérés (contre 4,3% des non migrants), � 6% des migrants travaillent comme indépendants (contre 5,6%), � 47,2% comme aides familiaux éloignés (contre 22%).

1. Migration transfrontalière

48 enfants ont migré vers la Côte d’Ivoire avant à partir d'autres pays avant de commencer à travailler. En excluant les 3 cas de retour au pays54, le taux d'immigrés est de 1,8% des enfants interrogés. Tous

54 3 des 48 enfants concernés sont des ivoiriens nés à l’extérieur qui ont rejoint leur pays.

120

les enfants ayant migré de l’extérieur vers la Côte d’Ivoire proviennent de pays de la sous région. Le Burkina Faso constitue le principal pays de départ de ces enfants (40%). Les autres pays de la sous région ouest africaine (le Mali, le Ghana, la Guinée, le Togo, le Niger, le Sénégal et le Libéria) fournissent 60% des migrants transfrontaliers. Les enfants migrants transfrontaliers sont relativement jeunes (âge moyen de 12,8 ans) et plus d'un enfant sur deux arrive en Côte d'Ivoire avant l'âge de 15 ans. Les filles et les migrants familiaux55 arrivent en Côte d’Ivoire à un âge plus jeune que les autres. • Un tiers des enfants concernés a migré dans le but de travailler Si 39,6% des migrants transfrontaliers sont des migrants familiaux (enfants ayant migré pour suivre leurs parents), 37,5% sont venus pour travailler comme apprentis (12,5%) ou comme travailleur rémunéré (25%). 14,6% de ces enfants ont migré vers la Côte d’Ivoire pour suivre un membre de la famille qui n’était pas un parent biologique et 2,1% ont fui un conflit armé. • 89,6% de ces enfants ne vont pas à l’école 10,4% des migrants transfrontaliers (soit 5 enfants sur 48) sont actuellement scolarisés, 29,2% (14 enfants) ont fait l’objet d’une déscolarisation et 60,4% (29 enfants) ne sont jamais allés à l’école. Pour 57,1% des déscolarisés, l’interruption de la scolarité est intervenue avant la migration en Côte d’Ivoire. • La migration transfrontalière concerne davantage les garçons 56,3% des migrants transfrontaliers sont des filles (les filles représentent plus de 61% de l’échantillon total). L’incidence de la migration transfrontalière est de 1,8% chez les filles et de 2,2% chez les garçons. • La migration transfrontalière des filles se déroulent dans des conditions plus incertaines 63% des filles ayant effectué une migration transfrontalière l’ont fait sans être accompagnées par leurs parents biologiques (contre 52,4% pour les garçons). Cette situation les expose davantage au risque d'exploitation de leur force de travail.

Tableau 84: conditions de migration transfrontalière selon le sexe des enfants

Filles Garçons Accompagné par un parent biologique 63% 52,4% Accompagné par autre membre de la famille 55,6% 47,6% Avec une tierce personne non apparentée 7,4% 4,8%

Parce qu’elles migrent dans des conditions plus incertaines, les filles sont souvent détournées de l’objectif qui a motivé leur migration en Côte d’Ivoire. Ainsi : - 29,6% des filles ont migré pour venir travailler en Côte d’Ivoire et 62,5% d’entre elles effectuent

un travail non rémunéré (19% des garçons ont migré pour la même raison et 75% d’entre eux exercent un emploi rémunéré) ;

- 7,4% des filles ont migré dans le but de venir apprendre un métier ; seule la moitié d’entre elles sont actuellement en apprentissage (19% des garçons ont migré pour le même but et 75% d’entre eux sont actuellement en apprentissage) ;

- 11,1% des filles ont migré pour suivre un membre de la famille qui n’est pas un parent biologique, deux tiers d’entre elles travaillent comme aides familiaux éloignés.

55 Enfants qui migrent pour suivre le déplacement de leurs parents biologiques

121

• L’incidence de la migration transfrontalière est plus faible dans les secteurs de l’agriculture et

des travaux domestiques qui enregistrent par ailleurs une majorité de migrants familiaux Ainsi, 1,6% des enfants qui travaillent dans l’agriculture et 1,7% de ceux qui travaillent comme domestiques sont des migrants transfrontaliers. Respectivement deux tiers et trois quarts d'entre eux ont migré avec leurs parents biologiques. Elle a par contre une incidence plus importante dans les autres secteurs.

Tableau 85 : Incidence de migration transfrontalière selon le secteur d'activité

Incidence de migration

% d'enfants ayant migré sans leurs parents biologiques

Petits commerces 4,1 55,5 Maquis/restaurants/débits de boissons 2,8 66,7 Petits métiers du secteur informel 2,5 66,7 Coiffure/Couture 1,9 100 Travaux domestiques 1,7 25 Agriculture/élevage/pêche 1,6 33,3

• Les raisons de la migration déterminent l’orientation sectorielle des migrants transfrontaliers Les raisons qui motivent l’arrivée des enfants en Côte d’Ivoire déterminent les secteurs vers lesquels ils s’orientent. La migration familiale oriente les enfants vers l’agriculture, les petites activités commerciales et les travaux domestiques. Ainsi, un migrant transfrontalier ayant effectué une migration familiale sur 2 travaille dans le secteur agricole (52,6% soit 10 enfants sur les 19 migrants transfrontaliers du secteur). Il s’agit en général d’enfants qui suivent leurs parents qui viennent chercher du travail dans les plantations de café et cacao en Côte d’Ivoire. On note également que un enfant sur 5 ayant migré pour la même raison exerce des petites activités commerciales (21,1%). De même, 21,1% des migrants transfrontaliers familiaux travaillent dans le secteur des travaux domestiques. Lorsque les enfants viennent en Côte d’Ivoire pour chercher du travail, ils s’orientent davantage vers les travaux domestiques 33,3% (soit 4 enfants sur les 12), l’agriculture (25% soit 3 enfants sur 12) et les petites activités commerciales (25%). Quand l’arrivée en Côte d’Ivoire est motivée par un besoin d’apprentissage professionnel les enfants s’orientent vers les petits métiers du secteur informel (33,3% soit 2 enfants sur les 6) et la coiffure/couture (33,3%). Les enfants qui viennent en Côte d’Ivoire pour suivre un membre de la famille autre que leurs parents biologiques s’orientent plus vers les travaux domestiques (42,9% soit 3 enfants sur 7) et les petits commerces (28,6%). Il s’agit d’enfants recrutés par le biais de réseaux familiaux ou communautaires et qui travaillent en général sous le statut d’aides familiaux éloignés. • Une migration transfrontalière à destination des grands centres urbains Les migrants transfrontaliers se dirigent essentiellement vers les régions du Bas Sassandra56 et des Lagunes (la ville d’Abidjan notamment). 45,8% des migrants transfrontaliers interrogés travaillent actuellement dans la ville d’Abidjan (32,6% de l’échantillon a été interrogé dans cette ville) et 35,4% dans la région du Bas Sassandra (17,9% de l’échantillon a été interrogé dans cette région).

56 Région administrative du Sud-Ouest du pays comprenant les Départements de San Pedro, Sassandra, Tabou et Soubré

122

De façon générale, les migrants transfrontaliers travaillent surtout en milieu urbain (64,6% d’entre eux contre 51% de l’échantillon global). Cependant, dans le Bas Sassandra, les migrants transfrontaliers travaillent davantage en milieu rural (76,5% des migrants de cette région travaillent en milieu rural contre 75,7% de l’ensemble des enfants interrogés dans cette région). Ce qui s'explique par le fait qu'il s'agit d'une migration de travailleurs agricoles vers la principale zone de production du cacao. Tous les migrants transfrontaliers de la région des Lagunes travaillent dans la ville d’Abidjan.

2. Les migrations internes 673 enfants, soit 26,9% de l’échantillon sont des migrants internes. L’âge moyen des migrants internes est de 13,9 ans. La majorité (51,4%) a 15 ans au plus (contre 39,7% âgés de 10 à 14 ans et 8,9% âgés de 6 à 9 ans). La quasi totalité des migrants internes sont de nationalité ivoirienne (95,5% contre 2,2% de burkinabés et 2,2% de ressortissants d’autres pays e la sous régions). • La migration interne concerne davantage les filles 74,7% des migrants internes sont des filles. Près d'une fille sur trois (32,8%) dans l’échantillon d’enquête a effectué une migration interne (contre 17,6% des garçons). • 1 migrant interne sur 4 est analphabète 39,8% des migrants internes sont encore scolarisés, 26,7% n’ont jamais été inscrits à l’école. 33,4% des migrants sont déscolarisés. Plus de la moitié des déscolarisé (51,9%) a arrêté l’école avant la migration. Le phénomène migratoire est plus prononcé chez les enfants qui ne sont pas/plus à l’école. Ainsi, l’incidence de migration interne est de 20% chez l’ensemble des enfants scolarisés, 34,6% chez les déscolarisés et 35,1% chez ceux qui n’ont été à l’école. • Une migration familiale pour un tiers d’entre eux

Tableau 86 : Raisons de migration internes des enfants selon le sexe et la nationalité (%)

Sexe Nationalité Moyenne d'âge Féminin

n = 496 Masculin n = 163

Côte d’Ivoire n = 629

Burkina Faso n =14

Autre Afrique de l’ouest

n = 15

Ensemble n = 659

Suivi les parents 13,1 29,4 39,9 31 71,4 40 32 Mise au travail 14,9 22 9,8 19,2 0 26,7 19 Migration scolaire 13,5 17,3 26,4 20,5 0 0 19,6 Apprentissage professionnel 13,5 9,9 8,6 9,5 7,1 6,7 9,6 Conflit armé 14,1 9,6 4,3 4,6 0 6,7 4,6 Suivre autre membre de la famille 14,4 11,5 9,8 11,1 14,3 6,7 11,1

L'enquête révèle que : - Contrairement à la transfrontalière, qui est une migration familiale, la migration interne reflète une

séparation de l'enfant avec la cellule parentale (68% des cas) dans un but professionnel (28,6%) sinon scolaire (19,6%).

- Les migrations familiales et scolaires concernent davantage les garçons et les enfants jeunes. - Les migrations économiques (mise au travail) concernent davantage les filles et les enfants plus

âgés. Il apparaît également les filles migrent autant que les garçons pour apprendre un métier. • Un migrant interne sur deux travaille comme domestique La majorité des enfants migrants internes exécutent des tâches domestiques dans la localité d’accueil (52,4% des migrants internes travaillent comme domestiques contre 19,3% dans le secteur agricole ;

123

10,4% dans les petits commerces ; 6,2% dans les maquis/restaurants/débits de boisson ; 5,6% dans la coiffure/couture et 4,8% dans les petits métiers du secteur informel). • Une migration dans des conditions incertaines pour plus d'un enfant sur deux Plus d'un migrant interne sur deux, voyage dans des conditions incertaines (sans être accompagnés par ses parents biologiques). Ainsi, 43,7% ont voyagé avec d’autres membres de leur famille. 6,2% des enfants ont voyagé seuls, 3% avec une tierce personne sans lien de parenté, 0,8% avec d’autres enfants. Les filles sont plus enclines que les garçons à migrer dans des conditions incertaines. 58% d'entre elles ont voyagé sans leurs parents biologiques (contre 41% des garçons) et 3,4% avec une tierce personne sans lien de parenté (contre 1,8% des garçons). Mais les garçons sont plus nombreux a voyagé seuls (9,6% contre 5% des filles).

Tableau 87 : Conditions de migrations des enfants selon le sexe (%)

Filles Garçons Ensemble Seul(e) 5 9,6 6,2 Avec d’autres enfants 1 0 0,8 Avec les parents 42 59 46,2 Avec autre membre de la famille 48,4 29,6 43,7 Avec une tierce personne 3,4 1,8 3

• Une incidence plus élevée chez les enfants originaires des communautés du Nord et du Centre L’incidence de la migration interne chez l’ensemble des enfants ivoiriens est de 29%. Elle est généralement plus élevée chez les enfants des communautés originaires du Nord, de l’Ouest et du Centre du pays. Ainsi : - l’incidence de migration interne excède 29% des enfants dans les communautés originaires des

régions des Savanes, du Zanzan, du Worodougou, du Bafing, des Montagnes, de la Vallée du Bandama, du N'zi Comoé, des Lacs, de la Marahoué et de l'Agnéby.

- L'incidence de migration est inférieure à 30% dans les régions du Denguélé, du Moyen Comoé, du haut Sassandra, du Bas Sassandra, des Lagunes, du Sud Comoé et du Sud Bandama.

• Une migration interne à destination des centres urbains La circulation interne d’enfants s’effectue majoritairement vers le Bas Sassandra (19%), le Haut Sassandra57 (16,5%) et la ville d’Abidjan (43,4%). Il faut cependant noter le pourcentage d'enfants qui migrent vers le Haut Sassandra est inférieur au pourcentage d'enfants enquêtés dans cette région(19,6%). Les migrants internes sont plus nombreux à travailler en milieu urbain que ce soit au niveau de l’ensemble de l’échantillon (69,2% de l’ensemble des migrants travaillent en milieu urbain), dans le Bas Sassandra (38,9% des migrants de cette région travaillent en milieu urbain contre 24,3% de l’ensemble des enfants interrogés dans la région) ou le Haut Sassandra (60,4% de ceux qui migrent vers cette région travaillent en milieu urbain contre 33,5% de l’ensemble des enfants interrogés dans la région).

57 Région du Centre-Ouest composé des département de Daloa, Issia et Vavoua

124

B. CONDITIONS D’ENTREE AU TRAVAIL DES ENFANTS MIGRA NTS TRANSFRONTALIERS ET INTERNES

• Pour 3 migrants sur 5, l'employeur est venu à leur rencontre Pour 60,5% des enfants migrants qui ne travaillent pas avec leurs parents biologiques (530 enfants), le processus d’entrée au travail a résulté d’une initiative de l’employeur vers les parents (29,6%) ou l’enfant lui-même (30,9%). Chez les migrants transfrontaliers, l’initiative du premier contact est prise par l’employeur dans 45,8% des cas contre 61,6% chez les migrants internes. Ce sont ensuite les parents qui prennent l’initiative du premier contact avec les employeurs de leurs enfants (18,1% des enfants concernés), surtout quand il s’agit d’enfants migrants transfrontaliers.

Tableau 88 : Condition d’entrée au travail des enfants migrants qui ne travaillent pas avec leurs parents (%)

Migration transfrontalière N = 33

Migration interne N = 495

Ensemble N = 530

Travailleurs indépendants 5,7 8,3 8 Employeur vers travailleur 22,9 31,5 30,9 Employeurs vers parents 22,9 30,1 29,6 Parents vers employeurs 37,1 16,8 18,1 Travailleurs vers employeurs 2,9 5,7 5,5 Tierce personne vers travailleurs 2,9 3,4 3,4 Travailleurs vers tierce personne 0 1,8 1,7

• Les conditions de rencontre de l’offre et de la demande d’emploi varient selon les raisons de

la migration Lorsque les enfants migrent pour venir chercher du travail ou pour suivre un membre de la famille qui n’est pas un parent biologique, l'initiative de l'emploi est davantage prise par l'employeur. Ainsi, l'employeur a pris l'initiative du premier contact pour un migrant venu chercher du travail sur deux et pour7 migrants ayant suivi un autre parent sur dix. Inversement, lorsque les enfants migrent pour venir apprendre un métier, dans trois cas sur cinq, l'employeur a un rôle passif.

• Dans tous les cas, l’employeur s’est adressé aux parents. Même si les employeurs prennent souvent l’initiative du premier contact, les parents gardent toujours un rôle central dans le processus d’entrée au travail de leurs enfants. Les démarches des employeurs s’effectuent dans deux cas sur trois (63,6%) en direction des parents.

• Une mise au travail davantage médiatisée surtout pour les enfants migrants internes L'intervention d'intermédiaires dans le recrutement des enfants est plus fréquente chez les enfants migrants (5,5% des enfants migrants ont été recrutés par le biais d'un intermédiaire contre 3,6% chez les non migrants). Contrairement à ce qu'on aurait pu penser, les intermédiaires interviennent davantage dans le recrutement des enfants migrants internes (5,7% contre 3% chez les migrants transfrontaliers). On ne peut toutefois pas conclure que ces enfants ont été victime de trafic étant donné que ceux qui ont déclaré un revenu (27 enfants dont un migrant transfrontalier) affirment tous la percevoir en intégralité.

125

C. CONDITIONS DE TRAVAIL DES ENFANTS MIGRANTS Contrairement à ce qu'on aurait pu penser, le secteur agricole est celui où l'incidence de migration est la plus faible (15,3%). Le secteur d'activité qui enregistre le plus fort taux d'enfants migrants est celui des maquis/restaurants/débits de boissons (41,1%).

Tableau 89 : incidence de migration selon le secteur d'activité

Maquis/restaursants/débits de boissons

Coiffure/Couture Travaux domestiques

Petits commerces Petits métiers du secteur informel

Agriculture/élevage/pêche

41,1% 39,8% 38,2% 35,6% 29,7% 15,3%

• Les raisons qui ont motivé la migration déterminent le statut et le secteur d’activité

- Les migrants familiaux et scolaires ont un statut d’aide familial. � 84,4% des migrants familiaux et 83% des migrants scolaires sont des aides familiaux. Les

premiers travaillent davantage pour leurs parents biologiques et les seconds pour un parent éloigné.

� 46,1% des migrants familiaux et 58,5% des migrants scolaires travaillent exécutent des tâches domestiques.

- Lorsque la raison de la migration est économique (chercher du travail), les enfants sont plus

nombreux à avoir un statut de travailleurs rémunérés. Ainsi, 38,7% des enfants qui ont migré pour chercher du travail exercent un emploi rémunéré. Ils sont paradoxalement peu nombreux à travailler dans le secteur agricole (6,5% d’entre eux y travaillent). Leur présence est plus marquée dans le secteur des travaux domestiques (59,4%).

- Lorsque la migration est à vocation professionnelle (apprendre un métier), les enfants sont

souvent détournés de leur objectif. Ainsi, 44,9% des migrants venus pour apprendre un métier travaillent comme domestiques, 37,7% de ces enfants sont des aides familiaux éloignés et 18,8% sont des travailleurs rémunérés.

L’examen des conditions de travail des enfants migrants en général montre qu’ils sont davantage exposés à des risques pour leur santé et leur développement que les autres. On note ainsi :

- un volume horaire hebdomadaire de travail plus élevé, soit 43,9 heures en moyenne par semaine contre 33,8 heures pour les enfants qui n’ont pas migré) surtout quand il s’agit de migrants transfrontaliers (49,6 heures contre 43,6 heures pour les migrants internes) ;

- Une exposition deux fois plus élevée au harcèlement sexuel (23,2% ont déjà été sollicités par des adultes contre 12,9% des non migrants).

Les enfants qui ont clairement migré pour travailler sont davantage exposés aux risques d'exploitation de leur force de travail. En effet, ils ont un volume horaire hebdomadaire de 58 heures contre 35 heures environ pour les migrants familiaux et scolaires. La charge horaire de travail atteint 65 heures par semaine chez les filles ayant effectué une migration transfrontalière pour travailler.

Tableau 90 : conditions de travail des enfants migrants selon les raisons de la migration

A reçu des avances sexuelles

(%)

Aucun contact avec la famille

(%)

Pas accès à un centre de santé

(%)

Volume horaire moyen par semaine

Migration familiale 16,1 2,6 21,7 35,3 Migration scolaire 17,1 6,2 25,6 35,5 Fuir la guerre 25,8 3,2 29 37,7 Mise au travail 30,7 8 27 58 Apprentissage professionnel 24,6 8,7 27 55,3 Suivi autre parent 31,3 12,5 32,5 49

126

VIII – IDENTIFICATION DES ENFANTS LES PLUS A RISQUE S Les enfants qui encourent le plus de risques pour leur santé et leur développement, parmi les enfants travailleurs de l’échantillon, peuvent être identifiés selon deux types d’indicateurs :

- les indicateurs de dangers - les indicateurs de risques

Les indicateurs de dangers retenus ici reposent sur les directives du BIT pour la définition des situations de travail dangereux58. Les données recueillies ont ainsi permis de retenir huit indicateurs :

- manipulation d’outils dangereux - manipulation / exposition à des produits dangereux - espace de travail dangereux - durée excessive de travail (travail plus de 5 jours ouvrables par semaine et plus de huit heures

par jour, soit 40 heures par semaines) - harcèlement sexuel - sévices corporels - un repas par jour avec logement chez l’employeur - impossibilité de quitter l’employeur

Les indicateurs de risques retenus et testés en étroite corrélation avec les indicateurs de dangers sont :

- migration non familiale (enfant ayant migré pour d’autres raisons que celles de suivre leur père/mère)

- travail à titre principal - travail rémunéré - absence de lien de parenté direct avec l’employeur - vit chez l’employeur

A – LES INDICATEURS DE RISQUES : ANALYSE DES PIRES FORMES DE TRAVAIL DES ENFANTS SELON LE STATUT Comme l’indique le tableau ci-dessous, d’une façon globale, la majorité des risques encourus par les enfants travailleurs est liée à la manipulation d’outils dangereux (72% d’entre eux). Par ailleurs, une proportion non négligeable d’enfants travaille plus de 40 heures par semaine (37,4%) ou est exposé à des produits dangereux (37,8%). Le harcèlement sexuel affecte 15,7% des enfants travailleurs. Près de deux enfants travailleurs sur dix (1,5%) admettent ne pas être libres de quitter leur employeur. La question qui se pose est celle de savoir si les indicateurs de risques susmentionnés augmentent, et dans quelle mesure, les probabilités pour un enfant d’être exposé à des situations dangereuses pour sa santé ou son développement.

58 Voir en Annexes.

127

Tableau 91 : répartition des enfants travailleurs selon les facteurs et les types de risques encourus (%)

Enfants manipulant des outils dangereux

Enfants manipulant des produits dangereux ou exposés à ces produits sur le lieu de travail

Enfants travaillant dans ders espaces dangereux

Enfants travaillant pendant de longues heures (plus de 40 heures par semaine)

Enfants victimes de harcèlements sexuels

Enfants victimes de sévices corporels

Enfants vivant chez m’employeur et consommant moins de 2 repas par jour

Enfants contraints de continuer à travailler par l’employeur

Migration non familiale N = 479

65,3

56,6

7,1

62,2

27,1

4,8

1,7

2,3

Travail à titre principal N = 1160

66,4

39,4

5,3

65,6

23,7

4,0

0,8

1,5

Travail rémunéré N = 168

56,5

59,5

10,7

88,7

31,5

3,6

0,6

0,6

Pas de lien de parenté direct N = 1196

65,5

40,5

5,9

52,8

22,9

3,9

1,5

1,8

Vit chez l’employeur N = 855

76,6

42,8

4,4

44,8

21,5

4,7

2,1

2,5

Echantillon global N = 2504

71,9

37,8

3,7

37,4

15,7

5,6

0,7

1,5

Le tableau ci-dessus nous informe en premier lieu de l’augmentation générale de dangers pour les enfants présentant l’un au moins des cinq éléments statutaires sus mentionnés. Le fait d’avoir migré sans ses parents, de travailler à titre principal, d’effectuer un travail rémunéré, de ne pas avoir de lien de parenté avec son employeur et/ou de vivre chez son employeur (autre que père/mère) accroît ainsi notablement les risques pour un enfant d’être exposé à :

- une durée excessive de travail (+ 25 points) - la manipulation/exposition à des produits dangereux (+ 9 points en moyenne) - l’évolution dans un espace dangereux (+ 3 points) - un repas par jour et logement chez employeur (+ 0,6 points, double la proportion d’enfants) - l’impossibilité de quitter l’employeur ( + 0,25 points)

Par ailleurs, les cinq indicateurs susmentionnés augmentent les probabilités de cumul des situations dangereuses pour les enfants. Comme l’indique le tableau ci-dessous, environ plus d’un tiers des enfants concernés par au moins un facteur sont exposés au cumul minimum de trois dangers. A cet égard, plus d’un enfant travailleur rémunéré sur deux (51,2%) est ainsi exposé à au moins trois dangers majeurs pour sa santé ou son développement.

Tableau 92 : Répartition des enfants selon les facteurs et le nombre de risque encourus (%)

0 1 2 3 4 5 Score total de risque Indice de risque Migration non familiale 6,3 24,0 27,8 26,5 13,2 2,3 1069 2,23 Travail à titre principal 4,5 30,0 32,0 22,7 9,7 1,2 2397 2,07 Travail rémunéré 3,6 17,9 27,4 26,8 23,2 1,2 423 2,52 Pas de lien de parenté direct 6,7 33,2 30,1 19,7 9,2 1,1 2330 1,95 Vit chez l’employeur 6,4 32,5 29,2 20,0 10,6 1,2 1705 1,99 Echantillon global 8,2 38,1 31,1 16,3 5,4 0,6 4370 1,74

128

Un indice de risques a ainsi été établi59 permettant d’évaluer l’impact de chacun des cinq facteurs sur la création de situations dangereuses ou abusives pour les enfants. Il ressort ainsi du tableau ci-dessous que le travail rémunéré constitue le facteur clés des situations les plus à risques pour les enfants. Le fait pour un enfant d’être rémunéré lui fait courir davantage de risques, pour sa santé et son développement, que le fait de vivre chez son employeur ou de ne pas avoir de lien de parenté direct avec lui. Les enfants migrants non familiaux sont ensuite les plus exposés.

Tableau 93 : Classification des facteurs de risques selon l’indice de risques

Facteurs de risques Indice Travail rémunéré 2,52 Migration non familiale 2,23 Travail à titre principal 2,07 Vit chez l’employeur 1,99 Pas de lien de parenté direct 1,95

B – LOCALISATION DES ENFANTS LES PLUS A RISQUES

1. Identification des secteurs les plus dangereux • Les enfants les plus exposés aux risques de situations dangereuses : les adolescents Au sein des secteurs d’activité, la question qui se pose est celle de savoir quels sont les enfants, de part leurs caractéristiques ou situation au travail, qui sont les plus exposés aux huit dangers pré identifiés. Le tableau ci-dessous établit la proportion d’enfants exposés à chacun des cinq facteurs de risques identifiés selon la région, le secteur d’activité, leur âge et leur sexe. Un indice de risque a pu être établi pour chacun des groupes d’enfants.

59 Cet indice est constitué du ratio : Nombre total d’enfants ayant répondu oui à chacun des indicateurs de risques / nombre d’enfants concerné

129

Tableau 94 : répartition des enfants selon les région, le secteur, l’âge, le sexe et les facteurs de risques

Facteurs de risques Migration non

familiale Hébergement

chez l’employeur Pas de lien direct

de parenté Travail à titre

principal Travail rémunéré

Total

Région

Secteur d’activité

Age

Sexe

Nombre de répondants

Eff. % Eff. % Eff. % Eff. % Eff. % Nbre Rép % Répondants Féminin 3 0 0 1 50 1 50 0 0 0 0 2 0.67 6-9 ans Masculin 6 0 0 1 50 1 50 0 0 0 0 2 0.33 Féminin 4 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 10-14 ans Masculin 7 1 25 1 25 1 25 1 25 0 0 4 0.57 Féminin 2 0 0 0 0 0 0 1 100 0 0 1 0.5

Agriculture/Elevage/ Pêche N = 26 15-17 ans

Masculin 4 0 0 2 25 2 25 3 37.5 1 12.5 8 2.00 Féminin 44 6 15,8 13 34,2 13 34,2 6 15.8 0 0 38 0.86 6-9 ans Masculin 10 1 14,3 3 42,9 3 42,9 0 0 0 0 7 0.70 Féminin 170 53 18,4 80 27,8 81 28,1 64 22.2 10 3.5 288 1.69 10-14 ans Masculin 22 1 5 9 45 9 45 1 5 0 0 20 0.91 Féminin 216 88 16,2 130 24 141 26 126 23.3 57 10.5 542 2.51

Travaux domestiques N = 476

15-17 ans Masculin 14 4 18,2 8 36,4 8 36,4 2 9.1 0 0 22 1.57 Féminin 10 0 0 4 33,3 4 33,3 4 33.3 0 0 12 1.20 6-9 ans Masculin 5 0 0 1 25 1 25 0 0 2 50 4 0.80 Féminin 64 20 15,2 23 17,4 35 26,5 45 34.1 9 6.8 132 2.06 10-14 ans Masculin 41 5 7,1 6 8,6 20 28,6 24 34.3 15 21.4 70 1.71 Féminin 110 38 13,9 31 11,3 61 22.3 100 36.5 44 16.1 274 2.49

Lagunes (817)

Informel urbain N = 314

15-17 ans Masculin 84 29 13,4 21 9,7 60 27.8 70 32.4 36 16.7 216 2.57 Féminin 48 3 7,9 11 28,9 11 28.9 13 34.2 0 0 38 0.79 6-9 ans Masculin 101 6 8 25 33,3 25 33.3 19 25.3 0 0 75 0.74 Féminin 144 12 8,5 44 31 44 31 41 28.9 1 0.7 142 0.99 10-14 ans Masculin 346 25 8,8 92 32,5 95 33.6 67 23.7 4 1.4 283 0.82 Féminin 94 9 5,6 32 19,9 32 19.9 79 49.1 9 5.6 161 1.71

Agriculture/Elevage/ Pêche N = 26 15-17 ans

Masculin 200 18 6,9 46 17,8 52 20.1 121 46.7 22 8.5 259 1.3 Féminin 87 13 12,9 32 31,7 32 31.7 24 23.8 0 0 101 1.16 6-9 ans Masculin 8 0 0 2 28,6 2 28.6 3 42.9 0 0 7 0.88 Féminin 213 39 13,5 89 330,9 90 31.3 63 21.9 7 2.4 288 1.35 10-14 ans Masculin 20 4 18,2 8 36,4 8 36.4 2 9.1 0 0 22 1.10 Féminin 148 45 13,8 81 24,8 84 25.7 93 28.4 24 7.3 327 2.21

Travaux domestiques N = 476

15-17 ans Masculin 10 2 12,5 4 36,4 4 36.4 1 9.1 0 0 11 1.10 Féminin 15 2 18,2 3 18,8 3 18.8 7 43.8 1 6.3 16 1.07 6-9 ans Masculin 7 0 0 1 25 1 25 2 50 0 0 4 0.57 Féminin 64 12 11,4 18 17,1 28 26.7 41 39 6 5.7 105 1.64 10-14 ans Masculin 36 6 11,1 6 11,1 18 33.3 19 35.2 5 9.3 54 1.50 Féminin 98 30 14 22 10,3 41 19.2 82 38.3 39 18.2 214 2.18

Autres régions (1687)

Informel urbain N = 314

15-17 ans Masculin 48 7 6,7 4 3,8 35 33.3 35 33.3 24 22.9 105 2.19

Echantillon global

2503

479

12,4

854

22,2

1046

27.1

1159

30.1

316

8.2

3854

1.54

130

Le profil général qui se dégage des enfants qui encourent le plus de risques d’être exposés à des situations dangereuses ou abusives est constitué en priorité :

1. des enfants âgés de 15-17 ans : les sept groupes d’enfants présentant un indice de risque supérieur à 2 sont tous dans cette tranche d’âge. Par ailleurs, dans les mêmes secteurs d’activité et selon chaque sexe, les enfants les plus âgés sont également les plus exposés.

Tableau 95 : Enfants travailleurs présentant le plus de risques d’exposition aux situations d’abus

Sexe Age Secteur Région Indice Garçons 15-17 ans Informel Urbain Lagunes 2,57 Filles 15-17 ans Travaux domestiques Lagunes 2,51 Filles 15-17 ans Informel Urbain Lagunes 2,49 Filles 15-17 ans Travaux domestiques Autres

régions 2,21

Garçons 15-17 ans Informel Urbain Autres régions

2,19

Filles 15-17 ans Informel Urbain Autres régions

2,18

Garçons 15-17 ans Agriculture/Elevage/Pêche Lagunes 2,00 Filles 15-17 ans Agriculture/Elevage/Pêche Autres

régions 1,71

Garçons 10-14 ans Informel Urbain Lagunes 1,71 Filles 10-14 ans Travaux domestiques Lagunes 1,69

2. des filles : dans le même secteur et dans les mêmes tranches d’âge, les filles présentent des

indices de risques supérieurs à ceux des garçons (à l’exception des enfants âgés de 10-14 ans et 15-17 ans dans l’agriculture/Elevage/pêche dans la région des Lagunes, des enfants âgés de 15-17 ans dans le secteur informel urbain)

3. des enfants travaillant dans le secteur informel urbain et celui des travaux domestiques, et plus

précisément dans la région des lagunes.

Tableau 96 : Secteurs et régions où les enfants travailleurs cumulent les facteurs de risques d’abus

Secteurs Zones Indice Informel urbain Lagunes 2,25 Travaux domestiques Lagunes 1,93 Informel urbain Autres régions 1,86 Travaux domestiques Autres régions 1,35 Agriculture/Elevage/Pêche Autres régions 1,03 Agriculture/Elevage/Pêche Lagunes 0,65

131

• Le secteur le plus dangereux : l’Alimentation/Restauration/Débit de boisson Dans chacun des secteurs d’activité, la proportion d’enfants exposés aux huit indicateurs de dangers susmentionnés a été déterminée.

Tableau 97 : répartition des enfants par secteur et par types de risques encourus (%)

Enfants manipulant des outils dangereux

Enfants manipulant des produits dangereux ou exposés à ces produits sur le lieu de travail

Enfants travaillant dans ders espaces dangereux

Enfants travaillant pendant de longues heures (plus de 40 heures par semaine)

Enfants victimes de harcèlements sexuels

Enfants victimes de sévices corporels

Enfants vivant chez m’employeur et consommant moins de 2 repas par jour

Enfants contraints de continuer à travailler par l’employeur

Agriculture/élevage/pêche 92,7 26,4 1,1 16,0 4,9 8,8 0,6 2,3 Maquis/restaurants 51,4 38,3 15,9 61,7 30,8 2,8 1,9 0,9 Petits commerces 46,8 25,2 9,9 58,6 34,7 2,7 0 1,8 Petits métiers du secteur informel 37,3 35,6 10,2 78,8 5,9 2,5 0 0 Coiffure/Couture 0,0 40,4 1,9 81,7 30,8 1,9 0 1,0 Travaux domestiques 71,2 52,0 2,9 41,2 20,2 4,0 1,0 0,9 Echantillon global 71,9 37,8 3,7 37,4 15,7 5,6 0,7 1,5

Le type de risques encourus dépend des secteurs d’activité. On retiendra ainsi que :

- la manipulation d’outils dangereux touche tous les secteurs, sauf celui de la couture/coiffure60 - les enfants travaillant dans l’agriculture sont les plus exposés à la manipulation d’outils

dangereux, aux mauvais traitements, et aux restrictions de liberté - les enfants travaillant dans le secteur informel urbain, en particulier des services, sont les plus

exposés : o à des dangers liés à leur espace de travail, en particulier ceux qui travaillent

l’Alimentation/débit de boisson o à une durée excessive de travail, en particulier les enfants travaillant dans

l’hygiène/coiffure/couture et autres petits métiers o au harcèlement sexuel, en particulier les enfants en contact avec une clientèle externe

(petits commerces, restauration, hygiène/coiffure/couture), et dans une moindre mesure les enfants domestiques

Si 70% des enfants cumulent au maximum deux risques, et ce quelque soit le secteur, comme l’indique le tableau ci-dessous, on retiendra que :

- moins d’un enfant sur dix n’encoure aucun des risques susmentionnés - certains secteurs d’activité multiplient les risques

Tableau 98 : répartition des enfants selon le secteur et le nombre de risque encourus (%)

0 1 2 3 4 5 Score total de risque Indice de risque

Agriculture/élevage/pêche 4,0 52,0 32,6 10,0 1,4 0 1465 1,53 Maquis/restaurants 10,3 26,2 28,0 22,4 11,2 1,9 238 2,22 Petits commerces 15,8 29,3 25,2 21,6 5,4 2,7 399 1,8 Petits métiers du secteur informel 9,3 35,6 33,9 17,8 3,4 0 201 1,7 Coiffure/Couture 7,7 42,3 35,6 13,5 1,0 0 164 1,58 Travaux domestiques 10,5 27,5 31,0 20,9 9,3 0,8 1860 1,93 Echantillon global 8,2 38,1 31,3 16,3 5,4 0,6 4370 1,75

Aucun secteur d’activité n’enregistre d’enfants cumulant plus de 5 risques sur les huit susmentionnés. On retiendra cependant que près d’un enfant sur quatre travaillant dans le secteur de l’Alimentation/restauration cumule au moins 4 risques, suivi de 8,1% des enfants travaillant dans les petits commerces et contre 1,4% des enfants travaillant dans l’agriculture/pêche.

60 Il a ainsi notamment été considéré que bien qu’étant tranchants, les ciseaux ne pouvaient être considérés comme des outils dangereux.

132

Enfin, un indice de risque a été établi qui permet d’identifier les secteurs les plus à risques, sur la base du cumul des dangers effectivement encourus.

Tableau 99 : Classification des secteurs d’activité selon l’indice de risques

Secteurs d’activité Indice Alimentation / Restauration / Débit de boisson 2,22 Travaux domestiques 1,93 Petits commerces 1,80 Petits métiers du secteur informel 1,70 Hygiène/Coiffure/Soins/Couture 1,58 Agriculture/Elevage/Pêche 1,53

Le secteur de l’Alimentation/Restauration/débit de boisson est celui qui présente l’indice de risque le plus élevé, et supérieur à 2. Il est suivi par le secteur des travaux domestiques. Inversement, le secteur de l’agriculture/pêche/élevage apparaît comme celui dans lequel les enfants cumulent le moins de risques pour leur santé et leur développement.

2. Localisation géographique des enfants les plus à risques Indépendamment du secteur d’activité, le tableau suivant nous informe de l’incidence des dangers auxquels sont exposés les enfants selon la région.

Tableau 100 : répartition des enfants selon les régions et les risques encourus (%)

Enfants manipulant des outils dangereux

Enfants manipulant des produits dangereux ou exposés à ces produits sur le lieu de travail

Enfants travaillant dans ders espaces dangereux

Enfants travaillant pendant de longues heures (plus de 40 heures par semaine)

Enfants victimes de harcèlements sexuels

Enfants victimes de sévices corporels

Enfants vivant chez m’employeur et consommant moins de 2 repas par jour

Enfants contraints de continuer à travailler par l’employeur

Bas Sassandra 77,9 29,9 4,2 31,7 10,0 4,7 0,7 2,5 Fromager 78,5 31,4 2,3 29,7 14,5 7,0 0 0,6 Haut Sassandra 85,0 32,7 1,6 30,3 11,4 11,6 1,8 1,6 Lagunes 55,0 54,1 6,7 53,2 26,6 2,4 0,4 0,6 Marahoué 77,4 30,2 4,7 35,8 11,3 4,7 0,9 0 Moyen Comoé 73,2 26,0 0,8 26,0 11,8 5,5 0 3,9 Sud Bandama 80,1 26,9 0,3 26,0 7,3 5,6 0,6 2,3 Echantillon global 71,9 37,8 3,7 37,4 15,7 5,6 0,7 1,5

On constate ainsi que les enfants travailleurs dans la région des Lagunes sont les plus exposés aux dangers suivants :

- manipulation d’outils dangereux (plus d’un enfant travailleur sur deux de cette région) - durée excessive de travail (plus d’un enfant travailleur sur deux de cette région) - harcèlement sexuel (proportion qui double par rapport aux autres régions, soit un enfant

travailleur sur quatre de cette région) - évolution dans un espaces dangereux

La plus grande proportion d’enfants travaillant sous la contrainte sont localisés dans les régions du Moyen Comoé et du Bas Sassandra.

133

• La région des Lagunes : zone rouge En tout état de cause, c’est vers la région des Lagunes que convergent tous les facteurs de risques, comme cela a été vu précédemment, ainsi que toutes les situations dangereuses, comme l’indique le tableau suivant.

Tableau 101 : Répartition des enfants selon les régions et le nombre de risques encourus

0 1 2 3 4 5 Score total de risque Indice de risque

Bas Sassandra 8,9 40,0 36,2 11,4 2,7 0,9 724 1,62 Fromager 6,4 42,4 34,9 14,0 1,7 0,6 282 1,64 Haut Sassandra 7,1 38,6 31,3 17,3 5,5 0,2 866 1,76 Lagunes 9,2 28,8 27,9 23,3 9,8 1,1 1626 1,99 Marahoué 5,7 44,3 33,0 13,2 3,8 0 175 1,65 Moyen Comoé 13,4 48,8 20,5 12,6 3,9 0,8 187 1,47 Sud Bandama 6,4 48,8 35,1 8,5 1,2 0 510 1,49 Echantillon global 8,2 38,1 31,3 16,3 5,4 0,6 4370 1,75

On constate ainsi que la région des Lagunes présente l’indicateur de risques le plus élevé (1,99), suivi de la région du Haut Sassandra (1,76), puis de la Marahoué (1,65) (voir carte p.139) Plus d’un tiers (34,2%) des enfants travailleurs en région des Lagunes sont exposés à au moins 3 dangers, parmi les huit susceptibles de constituer des pires formes de travail, contre 23% des enfants travaillant dans le Haut Sassandra et 9,7% dans le Sud Bandama.

3 – Classification des indices de risques En reprenant de façon synthétique les indices de risques, on retiendra que c’est en tout premier lieu, le fait pour un enfant d’être rémunéré qui le place dans les situations abusives ou dangereuses, quelque soit le secteur, et bien avant le fait de ne pas avoir de lien de parenté direct avec l’employeur.

Tableau 102 : synthèse sur les indicateurs de risque

Type Facteur de risques Indice Statut Travail rémunéré 2,52 Statut Migration non familiale 2,23 Secteur Alimentation/Restauration/débit de boisson 2,22 Statut Travail à titre principal 2,07 Statut Vit chez l’employeur 1,99 Région Lagunes 1,99 Statut Pas de lien de parenté direct 1,95 Secteur Travaux domestiques 1,93 Secteur Petits commerces 1,80 Région Haut Sassandra 1,76 Secteur Petits métiers du secteur informel 1,70 Secteur Hygiène/Coiffure/Soins/Couture 1,58 Secteur Agriculture/Elevage/Pêche 1,53

Les enfants ayant effectué une migration non familiale constituent le second groupe le plus exposé aux dangers dont le cumul est constitutif d’une pire forme de travail. Ils représentent à cet égard 9,5% de l’échantillon global d’enquête. Les filles sont plus exposées puisqu’elles représentent 81% des enfants migrants non familiaux, tandis que 11,3% sont étrangers. Ces enfants sont particulièrement exposés :

- à une durée excessive de travail, soit en moyenne 54,6 heures par semaine - au harcèlement sexuel (28,6% d’entre eux)

Enfin, les enfants travaillant dans le secteur de l’alimentation/restauration/débit de boisson semblent cumuler tous les facteurs de risques de même qu’ils sont le plus exposés aux dangers pour leur santé et leur développement.

134

4 – Un groupe particulièrement en danger : les enfants travaillant à plein temps et non rémunérés pour un adulte tiers

15% des enfants interrogés dans le cadre de l’enquête quantitative (soit 372 enfants) ont été identifiés comme étant particulièrement en danger. Ces enfants présentent en effet des indicateurs de risques élevés d’exploitation :

- ils travaillent à titre principal (pas d’accès à l’école) - ils n’ont pas de lien de parenté direct avec leur employeur - ils ne sont pas rémunérés / ni en apprentissage

La quasi totalité de ces enfants travaille pour un parent éloigné (98,4%) contre (1,6% (soit 56 enfants) qui sont dans une situation de risque extrême en travaillant dans les mêmes conditions, pour un adulte avec lequel ils n’ont aucun lien de parenté. Autrement dit, 0,23% des enfants de l’échantillon global sont dans une situation proche de l’esclavage, en travaillant à plein temps, gratuitement, pour une tierce personne. Les filles sont particulièrement exposées, puisqu’elles représentent 81,5% de ces cas (303 enfants). Paradoxalement eu égard à leur statut, ce sont surtout des jeunes adultes (53% ont entre 15 et 17 ans) ou des adolescents (38,7% ont entre 10-14 ans. Si l’on se réfère à la nationalité, on constate que c’est un phénomène qui touche surtout les étrangers. Les sénégalais sont proportionnellement plus exposés (66,7% d’entre eux), suivi des enfants nigériens (26,6%), puis des ghanéens (21,4%) et des ivoiriens (14,9%). Une forte majorité de ces enfants sont des enfants migrants (58%). Parmi eux, 88% ont effectué une migration non familiale : un enfant sur trois (32,4%) a migré seul dans la localité pour venir travailler, 24,5% pour suivre un membre de la famille qui n’est pas un parent biologique, 4,2% pour faire des études, 3,8% ont fui la guerre. Ces enfants sont proportionnellement plus enclins à travailler comme domestiques (48,1% d’entre eux, contre 38,4% de l’échantillon global) ou dans les petits commerces (12%), le secteur des maquis/restaurants/débits de boisson (9,7%). Ils sont localisés en milieu urbain (58,9%, contre 51,3% de l’échantillon global), et plus précisément dans la ville d’Abidjan (41% d’entre eux, contre 32,6% échantillon global). Une minorité est établie dans le Bas-Sassandra (17,9%) et le Haut Sassandra (16,1%), et enfin le Sud-Bandama (10,8%).

135

CARTE 1 : REGIONS PRESENTANT LES INCIDENCES LES PLUS ELEVES DES PIRES FORMES DE TRAVAIL DES ENFANTS

Enfants manipulant des outils dangereux (%) Enfants victimes de harcèlements sexuels (%) Enfants manipulant des produits dangereux ou exposés à ces produits (%) Enfants victimes de sévices corporels (%) Enfants travaillant dans des espaces dangereux (%) Enfant consommant moins de 2 repas/jour (%) Enfants travaillant pendant de longues heures (%) Enfants contraint de continuer à travailler (%) Régions dont l'indice de risque est compris entre 1,75 et2 Régions dont l'indice de risque est compris entre 1,5 et 1,74 Régions dont l'indice de risque est inférieur à 1,5

85

54,1

6,7 53,2

26.6

1.8

3.9

11,6

LAGUNES

BAS

SASSANDRA

HAUT SASSAN-DRA

SUD

BANDAMA

AA

FROMAGER

MARAHOUE MOYEN

COMOE

136

CARTE 2 : REGIONS PRESENTANT LES INCIDENCES LES PLUS ELEVES DES FACTEURS

DE RISQUE (%)

Migration non familiale Enfants vivant chez l’employeur Travailleurs rémunérés Travailleurs à titre principal Enfants n’ayant pas de lien de parenté direct avec l’employeur

30.2

12.9

60.4

62.2

41

137

VIII. PERCEPTIONS ET ASPIRATIONS DES ENFANTS A – PERCEPTIONS DES ENFANTS SUR LEUR SITUATION AU TRAVAIL • 9 enfants travailleurs sur 10 sont satisfaits des conditions dans lesquelles ils travaillent 10,7% des enfants ne sont pas satisfaits de leurs conditions de travail. Les garçons sont davantage insatisfaits de leurs conditions de travail (12,8% contre 9,4% chez les filles). Il en est de même pour les enfants qui travaillent à titre principal qui sont plus nombreux à ne pas être satisfaits des conditions dans lesquelles ils travaillent (12,5% chez les déscolarisés et non scolarisés contre 9,2% chez les scolarisés). La première raison avancée par les enfants pour justifier le fait qu'ils ne soient pas satisfaits de leurs conditions de travail est le volume horaire de travail qu'ils jugent trop élevé (32%) suivi des comportements agressifs des personnes du milieu de travail (27,8%). 10,4% des enfants justifient cette situation par leurs mauvaises conditions de vie. L’insatisfaction relative aux conditions de travail est plus importante : - Chez les enfants travaillant sous tutelles en particulier ceux qui sont engagés dans une relation

officielle de travail. Ainsi,17,9% des travailleurs rémunérés et 12,8% des apprentis ne sont pas satisfaits de leurs conditions de travail (contre 4,9% des travailleurs indépendants, 9,7% des aides familiaux directs, 11,9% des aides familiaux éloignés).

- Chez les enfants travaillant dans les secteurs « maquis/restaurant/débits de boisson » (16,8%),

« agriculture/élevagé/pêche » (13,7%) et « coiffure/couture/hygiène corporelle » (11,5%) contre 6,3% des enfants qui travaillent dans les petits commerces, 7,6% de ceux qui exercent des petits métiers et 7,9 des enfants qui exécutent des tâches domestiques.

- Lorsque les enfants ne vivent pas avec leurs parents biologiques. Respectivement 12,2% et 12,6%

des enfants qui vivent chez l’employeur (parents indirects ou non) ou chez un tuteur ne sont pas satisfaits de leurs conditions de travail contre 9,9% chez ceux qui vivent avec leurs parents biologiques.

• 9 enfants travailleurs sur 10 sont contents de leur situation actuelle 12,5% des enfants interrogés déclarent ne pas être contents de leur situation actuelle. Le pourcentage d'enfants mécontents ne varie pratiquement pas avec le sexe des enfants (12,1% chez les garçons et 12,7% chez les filles). On note par compte un taux plus important d'enfants mécontents parmi les enfants qui travaillent à titre principal (16,5%) et plus faible chez ceux qui combinent école et travail (9%). Les raisons du mécontentement des enfants sont de trois ordres : - Les mauvaises conditions physiques (28,4% des enfants avancent cette raison) et matérielles

(19,5%) ; - Le manque d’intérêt pour l’activité exercée (32,5% des enfants le soulignent) ; - Le désir de disposer de son temps pour l’école (5,4%) et les loisirs (2,6%). La perception que les enfants développent de leur situation dépend des conditions dans lesquelles ils travaillent. On note ainsi que : - Les apprentis et aides familiaux sont en général satisfaits des conditions de travail parce qu'ils

apprennent un métier ou reçoivent de l'argent de poche en échange du travail qu'ils effectuent.

138

Enfant 35, 14 ans, togolais, apprenti tôlier à Abidjan, « c’est un travail qui est bien, je pense que si j’ai bien appris j’aurai moi aussi mon garage un jour, avoir de bonnes choses. Je ressens une fierté. Même si j’aurais préféré aller à l’école. Ca vaut mieux que de rester à la maison à ne rien faire. Vaut mieux apprendre un métier » Enfant 32, 14 ans, malien, cordonnier à Daloa, « Quand je travaille pour mon patron c’est pour évoluer aussi quoi. Si tu connais un peu et que tu quittes ton patron, il y aura d’autres métiers que toi tu ne connais pas. C’est pourquoi je travaille toujours avec mon patron. J’aime bien mon travail. Et ça m’apporte bénéfice aussi. Si je travaille pour mon patron, demain aussi je vais prendre des apprentis pour travailler chez moi-même. »

Enfant 65, 15 ans, ivoirien, travailleur familial dans un champ de manioc à Yaoudé (Guiglo), « c’est bien pour moi parce que on travaille ensemble, je gagne un peu d’argent. Avec mon papa ensemble on va au champ chaque jour, je marche avec mes amis qui n’ont pas d'argent, je les rends service » Enfant 2, 15 ans, ivoirien, travailleur familial dans un champ de manioc à Yaoudé (Guiglo), « c’est bien parce que y a des amis au village ici que je connais qui ne vont pas au champ avec leurs parents. Ils ne peuvent pas travailler. Si on dit bon prend machette il faut désherber les herbes qui sont là, il ne pourra pas faire ça, moi je peux faire ça donc je vois que c’est bien »

- Les indépendants et travailleurs rémunérés sont en général parce que le travail leur permet de

subvenir à leurs besoins. Enfant 16, 17 ans, ivoiriennes, travailleur rémunéré dans un maquis à San Pedro, « je trouve ça un peu bien, c’est bien même. Ce qui est sûr je n’ai pas besoin de quelqu’un pour aller payer ce que je veux. Je prends moi-même mon argent pour payer, c’est bien »

Enfant 1, 15 ans, ivoirien, pêcheur indépendant à Diboué (San Pedro), « c’est par rapport à la pêche que je vis, sinon, sans la pêche je ne peux pas manger, je ne peux pas aussi m’acheter des habits. »

- Les enfants éboueurs ont par contre une perception très dévalorisée de leur activité parce qu'ils

travaillent dans des conditions extrêmement précaires. Enfant 50,13 ans, ivoirien, ramasseur d’ordures à Abidjan, « moi-même je pense pourquoi je fais ce travail là. C’est pas ma faute, c’est à cause de leurs 50 francs, leurs 100 francs, je vais prendre leur poubelle pour aller verser. Mais qu’en même je suis obligé de verser »

Enfant 14, 14 ans, ivoirien, ramasseur d’ordures à Abidjan, « c’est parce que y a pas travail, c’est à cause de ça je fais poubelle là pour me débrouiller pour manger, c’est à cause de ça je fais ça » Enfant 55, 14 ans, ivoirien, ramasseur d’ordures et porteur de bagages à San Pedro, « ce qui est sûr c’est travail aussi mais enfin »

• La perception que les enfants ont de leurs relations avec les employeurs n'est pas cohérente La majorité des enfants soutient que leur employeur les respecte (93,7% des enfants le pensent) et est gentil avec eux (95,4% des enfants le soutiennent). De même, la majorité de ceux qui ne travaillent pour leurs parents pense que leur employeur les respecte (92,6%) et est gentil avec eux (93,8%). Paradoxalement, ils sont également nombreux à soutenir que leur statut d’enfant n’est pas pris en compte (21,7%), avoir peur de l’employeur (14,4%) ou subir des punitions de la part de l’employeur (15,5%). Les raisons pour lesquelles les enfants estiment que leur statut d’enfant est violé sont données dans le tableau ci-dessous.

Tableau 103 : modalités de violation du statut des enfants

Fréquence % par rapport

au total % par rapport

aux répondants

Il me confie des tâches difficiles / fatigante à exécuter 69 2,8 13,5Il m'oblige à travailler 11 0,4 2,1Le temps de travail est très long / sans repos 39 1,6 7,6Il me donne beaucoup de travail à faire 165 6,6 32,2Il me fait exécuter les mêmes tâches que les adultes 227 9,1 44,2

Autre 2 0,1 0,4Total 513 20,5 100,0Non réponses 1991 79,5 Total 2504 100,0

139

Les cas d’enfants qui estiment que leur statut est violé sont plus fréquents : i) Lorsque les enfants entretiennent une relation de travail avec leur employeur. 56% des

travailleurs rémunérés pensent que leur statut d’enfant est violé. C’est également le cas de 27,1% des apprentis contre 16,6% des aides familiaux directs et 21,1% des aides familiaux éloignés ;

ii) Chez les adolescents (22,7% des 10-14 ans) et jeunes adultes (34,5% des 15-17 ans) contre 12,4% des 6-9 ans. Les adolescents et jeunes adultes sont effet astreint à des conditions de travail plus rudes ;

iii) Les enfants ayant migré (27,3% contre 19,5% chez les non migrants) surtout quand la migration résulte d’une stratégie affirmée ou voilée de mise au travail (41,9% des enfants ayant migré pour travailler, 37,9% de ceux qui ont migré pour suivre un autre membre de la famille et 29,2% de ceux qui ont migré pour apprendre un métier estiment que leur statut d’enfant est violé contre 23,4% des migrants familiaux et 19,5% des migrants scolaires).

Les enfants qui affirment avoir peur de leur employeur sont relativement plus nombreux : i) Parmi les enfants de sexe de masculin (17,1% contre 12,7% chez les filles). Cette situation est

davantage le résultat de la réticence des filles à exprimer leurs difficultés que celui d'un meilleur comportement des employeurs à leur égard (elles sont plus nombreuses que les garçons à être astreintes à des conditions de travail rudes).

ii) Parmi les enfants qui travaillent dans les « maquis/restaurant/débits de boissons » (21,1%), la « coiffure/couture/hygiène corporelle » (21,1%) et dans le secteur « agriculture/élevage/pêche » (17%), contre 10,2% des petits commerçants, 12,2% de ceux qui exercent des petits métiers et 10,6% des travailleurs domestiques. Il est important de noter que les deux premiers secteurs incriminés sont dominés par la présence des filles (paradoxalement).

Les enfants qui affirment être punis par leurs employeurs sont relativement plus nombreux : i) Parmi les enfants de sexe masculin (17,8% contre 14% chez les filles) ; ii) Les enfants qui travaillent dans les « maquis/restaurants/débits de boissons » (20%), les

« autres petits commerces » (15,9%) et le secteur « agriculture/élevage/pêche » (17,8%) contre 14,3% des enfants qui exercent des petits métiers, 12,2% des coiffeurs/couturiers et 12,7% des travailleurs domestiques ;

iii) Les aides familiaux directs (17,7%) et apprentis (16,9%) contre12,9% des aides familiaux éloignés et 9,5% des travailleurs rémunérés ;

140

B – ASPIRATIONS DES ENFANTS TRAVAILLEURS 53,8% des enfants interrogés veulent exercer un autre métier, 18,7% veulent retourner ou continuer d’aller à l’école et 27,2% veulent continuer leur activité actuelle. Les enfants qui désirent aller à l’école sont en général plus jeune (12,14 ans de moyenne d’âge) que ceux qui souhaitent apprendre un métier (13,27 ans) ou continuer l’activité actuelle (13,73 ans). Les métiers les plus souhaités sont : la couture (30,5% des enfants qui veulent apprendre un métier), le commerce (12,2%), médecine/infirmerie/pharmacie (10,3%), enseignement (8,3%), coiffure/esthétique (8,1%), Agent des forces de défense et de sécurité (7%), mécanique/tôlerie/soudure (6,7%), chauffeur (2,9%), électricité/informatique/électronique (2,4%), agriculture/pêche/élevage (1,6%), sportifs professionnel (1,5%), ingénierie (1,2%), métiers de l’aviation civile (1,2%). Les filles expriment davantage un besoin de formation professionnelle (58,1% des filles le souhaitent contre 47% des garçons) alors que les garçons sont plus nombreux à vouloir poursuivre leur activité actuelle (33,5% contre 23,3%). Les filles sont relativement nombreuses à vouloir apprendre le métier de couturier (42%). La situation des garçon n’est pas aussi tranchée mais on peut noter que 18% d’entre souhaitent travailler dans un corps armé et 18% veulent apprendre un petits métier.

Tableau 104 : métier souhaité selon le sexe des enfants

Filles Garçons Couture 41,6 8,5 Commerce 16,0 0 Coiffure 12,0 0 Agent de santé 11,1 8,7 Enseignement 8,2 8,5 Mécanique/Tôlerie/Soudure 0 18,2 Agent des forces de sécurité 0 18,4

• Les enfants scolarisés sont plus nombreux à situer leur avenir ailleurs que dans l’activité

actuelle Seuls 18,3% des enfants encore scolarisés envisagent de poursuivre leur activité actuelle contre 33,7% des déscolarisés et 42,5% des non scolarisés. La scolarisation a une influence certaine sur les ambitions des enfants si bien que : - Environ 1 enfant scolarisé sur 3 veut poursuivre sa scolarité (30,8%) contre 1 enfant scolarisé sur

2 qui souhaite apprendre un métier (50,7%) ; - 5,9% des enfants déscolarisés souhaitent réintégrer le circuit scolaire contre 60,1% qui désirent

apprendre un autre métier ; - 3,3% des enfants qui n’ont jamais été à l’école désirent y être intégrés contre 54% qui préfèrent

apprendre un autre métier. • Les enfants qui travaillent dans les secteurs « agriculture/élevage/pêche »,

« maquis/restaurant/débit de boisson », « petits commerces » et « travaux domestiques » expriment davantage un besoin d’apprentissage professionnel

50,5% des enfants qui travaillent dans le secteur agropastoral ; 67,3% de ceux qui exercent dans les maquis/restaurants/débits de boisson ; 50,5% de ceux qui évoluent dans les petits commerces et 63,4% des enfants qui exercent une activité domestique souhaitent apprendre un autre métier. Par ailleurs, 56,8% des enfants qui travaillent dans le secteur informel des petits métiers et 88,5% des couturiers et coiffeurs veulent poursuivre leur activité actuelle.

141

• Les travailleurs rémunérés et aides familiaux éloigné expriment davantage un besoin d’apprentissage professionnel

Environ 4 travailleurs rémunérés sur 5 (79,2%) et 3 aides familiaux sur 5 désirent apprendre un autre métier. Ce qui est le cas de 1 enfant sur 2 chez les aides familiaux directs (24,5% d’entre eux préfèrent aller à l’école) et les travailleurs indépendants (45,8% des indépendants préfèrent poursuivre l’activité actuelle).

LES ASPIRATIONS DES ENFANTS VARIENT SELON LEUR SITUATION SCOLAIRE

Les déscolarisés qui sont en apprentissage préfèrent les petits métiers Enfant 111, 13 ans, ivoirien, apprenti coiffeur à Daloa, « je veux faire la couture. Si je dis je vais quitter (la coiffure) mon papa va parler » Enfant 81, 16 ans, burkinabé, laveur de voiture à San Pedro, « je veux devenir chauffeur pour conduire. A part chauffeur, je peux faire la électricité » Enfant 61, malien, apprenti mécanicien à San Pedro, « je veux être chauffeur de taxi »

Enfant 112, 17 ans, ivoirienne, ex apprenti couturière, « plus tard je vais me marier, si je travaille, mari aussi c’est la chance, quand je gagne mari, je peux me marier et puis on va rester ensemble » Les enfants scolarisés préfèrent les professions intellectuelles Enfant 89, 14 ans, ivoirienne, élève en classe de 6ème à Soubré, « je voulais être docteur. Si je fais mes études bien, que je sors avec un garçon, que je prends pas grossesse, je suis sure que je deviens docteur » Enfant 99, 10 ans, ivoirienne, élève en classe de CM2 à Sankadiokro (Abengourou), « je veux être journaliste »

142

CONCLUSIONS Le premier employeur c’est la famille. En dépit du contexte actuel fortement marqué par des conditions de vie de plus en plus précaires, tant des couches urbaines que rurales, le travail des enfants en Côte d’Ivoire continue de s’inscrire dans un cadre familial. Neuf enfants sur dix travaillent sous la tutelle d’un adulte et sont des aides-familiaux (directs ou éloignés). Cependant , cela ne préjuge pas des risques auxquels ils peuvent être exposés et des dangers qu’ils encourent, eu égard notamment à leurs conditions de travail. Un tiers des enfants travailleurs sous tutelle, travaillent avec un parent éloigné et un sur dix avec une personne non apparentée. Le processus de rencontre entre l’offre et la demande en main d’œuvre enfantine, pour les enfants qui ne travaillent pas avec leurs parents ni comme indépendants, s’inscrit dans le tissu des réseaux familiaux et communautaires et s’articule autour de deux axes : une forte demande en main d’œuvre non rémunérée puisée dans le vivier de la famille élargie / une offre de main d’œuvre rémunérée tournée vers l’extérieur de la famille. La mobilisation de la main d’œuvre enfantine, dans les deux cas, fait rarement l’objet d’une médiation. Un moyen de recrutement intra-familial : Le placement de l’enfant au sein de la famille élargie. Un des principaux résultats de cette étude c’est l’importance de la circulation de l’enfant à l’intérieur de l’espace familial élargi : Près d’un enfant sur deux (45%) ne vit pas avec son père ou sa mère, mais seulement un sur dix n’a aucun lien de parenté avec le chef de ménage. Les résultats de l’enquête quantitative indiquent clairement que la mise au travail de l’enfant n’est pas à l’origine du placement de l’enfant. Celui-ci intervient principalement dans un but scolaire, mais les risques de mise au travail sont réels. Le lien de parenté avec le chef de ménage apparaît ainsi comme déterminant dans la mise au travail. Plus ce lien se détend, moins l’enfant a de chances d’aller à l’école, plus il a de chances de travailler à titre principal ou de combiner l’école avec le travail. Les enfants les plus exposés à un placements à haut risque (non scolarisation de l’enfant, exercice d’une activité économique) sont les filles, les enfants dont les parents sont analphabètes, étrangers, et actifs du secteur informel. L’accès à l’éducation : un équilibre entre deux coût d’opportunité. Les parents et les enfants continuent d’avoir une perception positive de l’école. La demande en éducation existe, mais les contraintes économiques imposent aux parents de procéder à des arbitrages au sein même du ménage. Dans un contexte marqué par la paupérisation relative ou absolue des populations, la décision des parents de scolariser leur enfant reflète en définitive un arbitrage entre deux coûts d’opportunité : le financement de la scolarité en vue d’une promotion économique et sociale future ou la mise au travail de l’enfant afin d’accroître, de façon directe ou indirecte, les revenus familiaux. Deux stratégies sont actuellement développées par les parents pour pallier à cet arbitrage : la combinaison école / travail et le placement à vocation scolaire. L’équilibre reste dans tous les cas fragile et peut-être remis en question à tout moment. D’une façon générale, le coût d’opportunité de la scolarisation est jugé trop élevé pour les filles, pour lesquelles l’investissement scolaire apparaît inutile, et les étrangers, deux groupes nettement sous-scolarisés par rapport aux autres, mais il évolue aussi avec l’âge de l’enfant et est fonction du parcours scolaire de celui-ci. Le coût indirect de la scolarisation n’est pas déterminant dans l’accès initial à l’éducation (sauf pour les enfants étrangers), quelque soit le sexe, mais il le devient par la suite. Plus l’enfant prend de l’âge plus sa capacité à travailler et à générer des revenus augmente, et plus le coût d’opportunité de la scolarisation est élevé. La multiplication des difficultés scolaires vient alors rompre l’équilibre déjà fragile. Inversement, plus l’enfant avance loin dans les études, et plus ce coût diminue. Pour l’accès des filles à l’éducation, ce n’est pas tant la perte du revenu ou de la valeur ajoutée de son travail qui est en jeu (une fille sur deux qui travaille à titre principal est orientée vers des tâches domestiques, tandis que neuf garçons sur dix qui travaillent à titre principal sont orientés vers des activités économiques) que la capacité des parents à financer les frais de scolarité. Lorsque cette capacité est insuffisante ou que le sacrifice exigé devient trop important, la dépense éducative pour la

143

fille apparaît irrationnelle et inutile pour les parents en raison des valeurs culturelle dominantes (destin d’épouse et de mère). L’école est ainsi présentée comme inutile pour une fille sur deux jamais scolarisée. Inversement, la scolarisation du garçon est davantage perçue comme un investissement qui justifierait les sacrifices éventuels, du moins initialement. La mise au travail de l’enfant, justifiée par des valeurs éducatives, poursuit une finalité économique Quelque soit le sexe ou l’âge de l’enfant, ainsi que sa situation scolaire le travail participe d’un processus d’éducation et d’intégration familiale. L’enfant s’insère dans un espace familial et communautaire où sa place est également définie d’un point de vue économique, selon la traditionnelle division sexuelle des tâches, et sur la base de principes éducatifs valorisant l’apprentissage de la vie par le travail, le goût de l’effort et la responsabilité. Cependant la mise au travail de l’enfant, peut-être favorisée par le contexte culturel, poursuit une fonction directement économique. La mise au travail de l’enfant constitue une stratégie d’accompagnement pour les enfants scolarisés, mais qui comporte certains risques Le travail constitue dans bien des cas un moyen pour l’enfant de financer directement ou indirectement sa scolarité, soit en appuyant ses parents dans la conduite de leurs activités (l’extrême majorité des élèves qui combinent école et travail exercent une activité économique, et non domestique), soit en exerçant une activité économique indépendante. Il constitue également une stratégie de repli éventuel en cas d’échec scolaire. Mais en combinant l’école avec le travail, les enfants scolarisés sont exposés :

- aux risques de déscolarisation, compte tenu du faible temps laissé aux devoirs scolaires - à un état de fatigue extrême compte tenu du cumul d’activités (école, activité économiques,

domestiques), en particulier pour les filles, et de la quasi inexistence de repos et de loisirs - aux risques liés à la conduite parallèle d’une activité économique indépendante, sans la

protection d’un adulte et le plus souvent dans la rue ; - aux risques éventuellement encourus dans le cadre d’un travail familial parallèle au regard de

certaines conditions de travail (environnement, exposition aux produits chimiques, etc.) et de l’âge précoce d’entrée (9 ans).

La mise au travail constitue une stratégie claire d’augmentation des revenus familiaux pour les enfants plus âgés et a fortiori hors du système éducatif. Si l’impact du sexe de l’enfant sur les raisons qui ont poussé l’enfant au travail n’est pas significatif (à l’inverse de l’accès à l’éducation), on a constaté que plus l’enfant est âgé, plus il est engagé dans des stratégies de survie, soit personnelles, soit familiales. La valeur économique de son travail est clairement affichée, et subséquemment recherchée dans les statuts de travailleur rémunéré et indépendants. Cette tendance se dessine dès l’âge de 10 ans, mais elle est surtout significative pour les jeunes de 15-17 ans. L’apprentissage d’un métier comme motif de mise au travail vise également les plus âgés. En tout état de cause, la recherche d’un gain financier extérieur direct par les parents reste marginale, tandis que c’est la prise en charge par l’enfant lui-même de ses besoins personnels qui est recherchée. Par contre, la valeur économique, et encore moins la finalité économique du travail pour les enfants âgés de moins de 10 ans est moins clairement perceptible : ces enfants combinent le plus souvent cette activité avec l’école et s’intègrent dans les activités parentales comme aide familiaux. Ces enfants ont une faible perception de la valeur ajoutée de leur travail pour les revenus des parents et déclarent simplement travailler pour obéir à leurs parents.

144

La scolarisation constitue un facteur déterminant de la mise au travail et des conditions dans lesquelles celui-ci s’effectue. La scolarisation apparaît ainsi comme un moyen :

- d’augmenter les chances pour un enfant de rester dans le cadre protecteur de la famille restreinte. C’est parce que les enfants sont hors de l’école, qu’ils sont disponibles pour un placement familial désigné comme « éducatif » mais en fait à vocation clairement économique (délestage de la charge qu’il représente du point de vue du ménage d’origine / main d’œuvre non rémunérée du point de vue du ménage d’accueil)

- de reculer l’âge d’entrée au travail rémunéré, l’âge de la rupture scolaire (11,7 ans) correspondant à l’âge d’entrée au travail comme travailleur rémunéré (11,9), et minimise ainsi les risques pour un enfant de travailler non seulement dans un cadre commandé par des rapports de production mais également dans un cadre extérieur à la famille (neuf enfants travailleurs rémunérés sur dix travaillent pour un adulte non apparenté);

- d’accéder à la formation professionnelle : si les enfants placés en dehors de l’école ont davantage de probabilités que les élèves de travailler en dehors de la cellule familiale, notamment comme travailleur rémunéré, il apparaît très clairement que le statut d’apprenti reste réservé aux enfants ayant fréquenté l’école, soit déscolarisés.

Cependant, la scolarisation ne protège pas les enfants contre certaines situations à risques comme le placement à des fins scolaires, qui mettent à la disponibilité du tuteur une main d’œuvre non rémunérée et qu’il mobilise, non seulement davantage que ses propres enfants, mais essentiellement pour des activités économiques. La charge horaire de travail imposée à l’enfant est directement liée à son statut professionnel. L’introduction de l’enfant dans un système commandé par d’évidents rapports de production a un impact direct sur la charge de travail qui lui est imposée. Les enfants qui, de part leur statut, entretiennent une relation officielle de travail avec leur employeur (travailleurs rémunérés et apprentis) ont des volumes horaires de travail non seulement plus importants par rapport aux aides familiaux, mais également qui sont proches ou dépassent certainement ceux des adultes. Les enfants travailleurs rémunérés, suivis des apprentis, sont ceux qui travaillent le plus, soit respectivement 61 heures par semaine et 49,9 heures. Si l’absence de lien de parenté joue certainement un rôle, il n’est pas suffisant (la moitié des apprentis interrogés travaillent pour un parent éloigné) pour expliquer ces abus. Un tel constat reflète bien les raisons qui motivent les employeurs à recourir à une main d’œuvre enfantine, soit la docilité d’abord, l’économie de coût ensuite. Dans ce contexte, il apparaît inopérant d’agir sur les leviers économiques pour prévenir la demande de main d’œuvre enfantine. Cependant, si la charge horaire des aides familiaux est inférieure (soit une moyenne de 30,5 heures par semaine pour les aides familiaux directs et de 37,5 heures pour les aides familiaux éloignés), cela ne veut pas dire que ces enfants ne soient pas à risques, notamment du fait de leur plus jeunes âge. Les volumes horaires relevés paraissent ainsi élevés pour des enfants âgés en moyenne de 12,4 ans pour les aides familiaux directs et 13,2 ans pour les aides familiaux éloignés, contre 15 ans pour les apprentis et 15,6 ans pour les travailleurs rémunérés. Au delà du statut au travail et du volume horaire de l’activité principale, la fille est amenée à travailler davantage que le garçon : elle est plus encline que celui-ci à combiner l’école avec un travail (domestique ou économique), et lorsqu’elle travaille à titre principal, elle est plus encline à avoir une activité secondaire. Quelque soit sa situation principale (travail ou école) elle conduit toujours une activité secondaire. Le secteur d’activité détermine les conditions de travail à risque Les enfants qui travaillent dans l’agriculture apparaissent comme plus vulnérables quant aux risques liés aux conditions physiques de travail. Ils sont en effet plus nombreux à : - exécuter des tâches dangereuses ;

145

- manipuler des outils de travail dangereux (couteau, machette, daba, etc.) ; - subir des accidents de travail essentiellement liés à la manipulation des outils. Le sexe n’a certes pas d’influence intrinsèque dans la détermination des risques liés aux trois paramètres susmentionnés. Il importe par ailleurs de noter que l’influence du secteur d’activité est quelquefois modulée par les stéréotypes sociaux relatifs à la distribution sociale des tâches. Chaque sexe apparaît ainsi comme plus vulnérable dans les secteurs qui lui sont socialement attribués. Cette donne culturelle accroît la vulnérabilité des filles qui se voient ainsi confiées les tâches les plus périlleuses dans deux secteurs d’activité (travaux domestiques et petits commerces) dont l’un est particulièrement captatrice de main-d’œuvre, fut-elle familiale. Les risques de harcèlement sexuel sont plus élevés chez les enfants travaillant dans les secteurs d’activité qui les mettent directement en contact avec les clients, soit le secteur des petits commerces, maquis/restaurant/débits de boisson et coiffure/couture. Les filles, et ce, dès l’âge de 10-14 ans, sont ainsi plus exposées. Les enfants les plus à risques sont dans le secteur de l’Alimentation/Restauration/Débit de boisson. Quelque soit le secteur d’activité, la relation de travail rémunéré constitue le premier facteur de risques pour un enfant travailleur de se retrouver dans des conditions abusives ou dangereuses pour sa santé et son développement, soit dans une pire forme de travail. Le fait d’avoir migré sans ses parents constitue le second facteur de risque. Parallèlement, il a été constaté que si 70% des enfants travailleurs interrogés encourent au maximum deux dangers61, moins d’un enfant sur dix n’encoure aucun danger et certains secteurs d’activité multiplient les risques. Le secteur de l’Alimentation/Restauration/Débit de boisson présente l’indice de risque le plus élevé. Il est suivi par le secteur des travaux domestiques. Inversement, le secteur de l’agriculture/pêche/élevage affiche l’indice de risque le plus faible. D’un point de vue géographique, c’est la région des Lagunes qui affiche l’indice de risque le plus élevé, suivi de la région du Haut Sassandra puis de la Marahoué. Plus précisément, parmi les enfants travailleurs de la région des Lagunes : plus d’un sur deux manipule des outils dangereux ; plus d’un sur deux travaille plus de 40h par semaine ; et un sur quatre (soit le double des enfants de l’échantillon global) est exposé au harcèlement/abus sexuels. Un phénomène migratoire important mais qui ne reflète pas des situations de trafic. Plus d’un quart des enfants travailleurs sont des enfants migrants. La quasi totalité d’entre eux sont des migrants internes et familiaux. Si la plupart d’entre eux n’est pas rémunérée, ils ont cependant un lien de parenté avec leur employeur (aides familiaux éloignés). Les conditions dans lesquelles ces enfants travaillent semblent davantage directement liées à leur statut et au secteur d’activité, qu’à la migration en tant que telle. On a cependant constaté un volume horaire de travail légèrement plus important. Six facteurs clés semblent déterminer la captation de la force de travail de l’enfant et les probabilités pour un enfant d’exercer une activité économique à titre principal

- l’âge de l’enfant : plus l’enfant est âgé, moins il a de chance d’aller à l’école, plus il travaille à titre principal, plus il exerce une activité économique, et surtout plus il a un statut de travailleur rémunéré.

- le genre de l’enfant : la fille a moins de chances d’aller à l’école, et donc plus de probabilité de travailler à titre principal. Cependant, elle a moins de chances que le garçon d’exercer une activité économique à titre principal.

- la nationalité de l’enfant : les enfants étrangers ont moins de chances d’aller à l’école et davantage de chances de combiner travail/école ou de travailler à titre principal.

61 Parmi les huit identifiés dans l’étude : manipulation d’outils dangereux ; manipulation/exposition à des produits dangereux ; espaces de travail dangereux ; durée excessive de travail (plus 40h hebdomadaires) ; harcèlement sexuel ; sévices corporels ; un repas par jour avec hébergement chez l’employeur ; impossibilité de quitter son employeur.

146

- le niveau d’instruction des parents : moins les parents sont instruits, moins les enfants ont de chances d’aller à l’école, et plus ils ont de chances de combiner école et travail ou d’exercer une activité économique à titre principal

- le statut professionnel des parents : les enfants issus d’un ménage dirigé par un actif du secteur informel agricole ont moins de chances d’aller à l’école, et plus de chances de travailler à titre principal, de combiner école et travail, ou d’exercer une activité économique à titre principal. Le statut professionnel des parents est déterminant de la captation de la force de travail des enfants dans la mesure également où c’est lui qui détermine les possibilités d’emplois de l’enfant. Dans certains secteurs d’activité, comme l’agriculture, la propension des enfants à exercer une activité économique à titre principal est plus élevée. Cela s’explique non seulement par la nécessité pour ces unités de s’appuyer sur la main d’œuvre familiale pour être viable, mais aussi par l’intégration naturelle des enfants du ménage dans les activités économiques, en parallèle d’une scolarité ou de façon naturelle et systématique lorsque l’enfant n’a pas accès à l’éducation.

- le niveau de revenu : plus le ménage est pauvre, moins il peut assumer le coût direct d’une scolarisation, et plus le coût d’opportunité de celle-ci est élevé. L’arbitrage des ménages pauvres se fait ici entre la mise au travail à titre principal et la combinaison école/travail. La forte proportion d’enfants combinant l’école et le travail indique une demande en éducation qui ne peut être satisfaite que si elle s’accompagne en parallèle d’une mise au travail.

ANNEXES

Annexe I

Méthodologie

A / ENQUETE QUANTITATIVE 1. Détermination de la taille de l’échantillon La taille de l’échantillon dépendra de la précision recherchée. Pour un seuil de confiance (1-α ) fixé, on déterminera la taille minimale (n) de l’échantillon permettant d’obtenir une marge d’erreur (k) donnée. Dans la population des enfants travailleurs, nous avons les paramètres suivants :

� N = la population mère (l’ensemble des enfants travailleurs de 6 à 17 ans) ; � m = la moyenne de la distribution des enfants travailleurs par centre ; � σ = l’écart type de cette distribution.

Considérons un échantillon d’enfants travailleurs de taille n (n>30) issus de la population initiale.

Alors x~N(m ; n

σ ) pour un tirage sans remise.

Au seuil de (1-α), on peut associer l’intervalle de confiance suivant :

nmx

nxm

nx ttt

σσσααα 2/12/12/1 −−−

≤−⇔+≤≤− est la valeur du fractile d’ordre 2/1 α−

de la loi normale centrée réduite. Pour avoir une précision de m à k%, on choisit n tels que

mktt nkm

n 2

2

2

2

2/12/1

σαα

σ −−

≥⇒≤ donc on choisit n tel que

mktn

2

2

2

2

2/1 σα−≥

La répartition de la population des enfants travailleurs donnes les caractéristiques suivantes : N = 899 532 m = 15 509 14848=σ 96,0=mσ

Pour %5=α , on a 96,12/1

=−t α

La valeur minimale de n selon la précision k se traduit par a formule suivante :

kkfn

2

52,3)( ≥=

Le tableau ci-dessous nous donne un aperçu de l’évolution de la précision k selon la taille de l’échantillon n.

k 1% 2% 3% 3,75% 3,90% 4% 5% 6% 7% 8% 9% 10% n 35200

8800 3911 2 500 2 000 2200 1 408 978 718 550 435 352

2. Stratification

En raison de la dispersion élevée, une stratification s’impose afin d’améliorer la précision des estimateurs sur l’ensemble de la population. On a pu constituer alors deux (2) strates : la première strate est composée de tous les départements de moins de 20 000 enfants travailleurs et la seconde des départements d’au moins 20 000 enfants travailleurs. Les caractéristiques de ces strates sont données dans le tableau suivant :

Caractéristiques de la population Strate 1 EP< 20 000 Strate 2 EP≥ 20 000

M 9 567,25 34 183,79 σ 4 361,73 20 216,39

Mσ 0,46 0,59

NB : EP = Effectifs des enfants travailleurs de 6 à 17 ans Le tableau montre des coefficients de variation inférieurs à 1 et assez proches dans les deux (2) strates. On a donc constitué deux strates très homogènes qui nous permettrons d’avoir de meilleures précisons pour nos estimateurs. 3. Répartition de l’échantillon entre les strates Nous privilégions ici la méthode de Neyman qui stipule que les meilleurs estimateurs sont obtenus si le taux de sondage dans chaque strate est proportionnel à l’écart type dans chaque strate. Ce qui se traduit par la formule suivante : Soit n, la taille de l’échantillon ; i l’indice de la strate ;

ni le nombre d’enfants travailleurs à enquêter dans la state i ;

N i le nombre d’enfants travailleurs à dans la state i ;

σ i l’écart type dans la strate i.

∑∑==

=⇒=2

1

2

1

*

iii

iii

iii

iii

N

NnN

Nn nn σ

σσ

σ

L’application de cette formule donne les résultats suivants pour n = 2 500 :

Strate N i σ i

N i*σ i

ni Nombre de

départements

Nombre de départements à

tirer 1 420 959 4 361,73 1 836 109 789,45 400 44 6 2 478 573 20 216,39 9 675 016 075,30 2 100 14 14

Total 899 532 14 848,39 11 511 125 864,75

2 500 58 20

La strate 1 comporte 44 départements. On a fait le choix d’en enquêter six (6). Ces 6 départements sont le fruit d’un tirage au sort. Le nombre d’enfants à enquêter par département sera proportionnel au poids des départements concernés. Le tirage aléatoire et sans remise au niveau de cette strate a permis d’obtenir les six (6) départements suivants : Danané, Bouaflé, Katiola, Abengourou, Yamoussoukro, Séguéla. La répartition du nombre d’enfants à enquêter par département en fonction du poids de chaque département est donnée dans le tableau ci-dessous :

Département Total enfants

% enfants Nbre d'enfants à enquêter

Danané 10918 13,28 53 Bouaflé 11892 14,46 58 Katiola 13919 16,92 68 Abengourou 14168 17,23 69 Yamoussoukro 15097 18,36 73 Séguéla 16250 19,76 79 Total 82244 100,00 400

Tous les 14 départements qui composent la strate 2 ont été choisis compte tenu du nombre élevé d’enfants à enquêter dans les départements de cette strate. Le nombre d’enfants à enquêter est fonction du poids de chaque département dans la strate comme indiqué dans le tableau suivant :

Département Total enfants % enfants Nbre d'enfants à enquêter

San Pedro 20 057 4,19 88 Gagnoa 20 330 4,25 89 Vavoua 21 447 4,48 94 Bouaké 22 881 4,78 100 Bouna 22 960 4,80 101 Ferkéssédougou 24 619 5,14 108 Odienné 25 550 5,34 112 Mankono 30 055 6,28 132 Bondoukou 30 316 6,33 133 Soubré 34 157 7,14 150 Daloa 36 464 7,62 160 Divo 40 570 8,48 178 Korhogo 52 252 10,92 230 Abidjan 96 915 20,25 425 Total 478 573 100,00 2 100

Dans chaque département, le nombre de ménages enquêtés a été reparti entre les milieux urbain et rural en tenant compte du taux d'urbanisation des 6-17 ans du département. Nous avons fait le choix d’enquêter dans deux (2) Sous-Préfectures de chaque département (certains départements ne possèdent pas plus de deux Sous-Préfectures), le choix de ces Sous-Préfectures étant soumis à un tirage sans remise dans les départements de plus de 2 Sous-Préfectures. Puisque nous ne disposons pas de données pouvant permettre de déterminer les caractéristiques de chaque Sous-Préfecture dans un département donné, le nombre de sujets sera réparti équitablement entre les deux Sous-Préfectures. 4. Impact du conflit sur le déroulement de l'enquête Le conflit armé n'a pas permis aux équipes d'enquêter dans tous les départements prévus, nous obligeant même à faire une enquête en deux phases. Dans la première phase, 2 départements de la strate 1 ont été effectivement enquêtés sur 6 prévus. Il s'agit des départements d'Abengourou et de Bouaflé. Dans la strate 2, 7 départements sur 14 ont pu être enquêtés: San Pedro, Gagnoa, Vavoua, Soubré, Daloa, Divo et Abidjan. La répartition exacte des ménages enquêtés par Sous-Préfecture et par milieu de vie est donnée dans le tableau ci-dessous.

Département Total département Sous-Préfecture Milieu urbain Milieu rural Abidjan 425 Abidjan ville 407 0 Anyama 0 18 Daloa 160 Daloa 32 48 Zoukougbeu 32 48 Vavoua 94 Seïtifla 0 42 Vavoua 10 42 Abengourou 69 Abengourou 13 22 Niablé 12 22 San Pedro 88 San Pedro 16 29 Grand-Béréby 15 28 Soubré 150 Soubré 13 62 Méadji 13 62 Bouaflé 58 Bouaflé 11 19 Bonon 10 18 Divo 178 Divo 24 66 Guitry 23 65 Gagnoa 89 Gagnoa 17 28 Guibéroua 17 27 TOTAL 665 646

Un total de 130462 ménages et enfants travailleurs ont été enquêtés pendant cette première phase de l’enquête qui s’est déroulée du 16 septembre au 2 novembre 2002. Pour atteindre le quota de 2500 ménages et enfants, une seconde enquête a été menée sur 1200 ménages dans les mêmes sites avec pour objectif de tester les influences éventuelles du conflit sur la situation du travail des enfants. Cette seconde phase de l’enquête s’est déroulée du 13 février au 7 mars 2003. Huit (8) des neuf (9) départements initialement visités ont pu être à nouveau enquêtés, le département de Vavoua étant sous occupation des forces rebelles. La répartition des 1200 ménages a tenu compte du poids de chaque département selon les résultats du recensement de 1998. Pour des raisons de sécurité des enquêteurs, nous avons dû procéder à des adaptations de la méthodologie en tenant compte de l’évolution de la crise sur le terrain. Ainsi : - le quota du département de Vavoua a été rapporté sur Daloa qui est le département sous

gouvernemental le plus proche. - Tous les ménages à enquêter dans le département de Daloa l’ont été dans la ville (pour les

ménages du milieu urbain) et les villages de la Sous-Préfecture de Daloa pour une question de sécurité. Les incursions des forces rebelles basées à Vavoua dans certains villages de la Sous-Préfecture de Zoukougbeu nous ont dissuadés d’y envoyer les enquêteurs.

- Le même aménagement a été apporté dans le département de San Pedro où la proximité de la Sous-Préfecture de Grand-Béréby de Tabou nous a contraint à ne pas y envoyer d’enquêteurs.

La répartition des ménages et enfants enquêtés dans la seconde phase de l’enquête est donnée dans le tableau ci-dessous.

62 Le total de ménages initialement prévus dans l’ensemble des départements visités est de 1311. Mais dans la Sous-Préfecture de Grand-Béréby, un village n’a pu être enquêté parce que déserté par ses habitants lors des affrontement inter communautaires dans la région.

Département Total département Sous-Préfecture Milieu urbain Milieu rural Abidjan 395 Abidjan ville 377 0 Anyama 0 16 Daloa 235 Daloa 94 141 Abengourou 58 Abengourou 11 19 Niablé 10 18 San Pedro 81 San Pedro 28 53 Soubré 139 Soubré 12 58 Méadji 12 57 Bouaflé 48 Bouaflé 9 15 Bonon 9 15 Divo 164 Divo 22 60 Guitry 22 60 Gagnoa 82 Gagnoa 16 25 Guibéroua 16 25 TOTAL 638 562

Dans les deux phases de l’enquête, les ménages des milieux urbains ont été enquêtés dans les chef lieu de Sous-Préfecture. Pour le milieu rural, une moyenne de dix (10) ménages a été enquêtés par localité soit 64 localités rurales pendant la première phase de l’enquête et 56 pendant la seconde. Le récapitulation du nombre de ménages enquêtés dans les deux enquêtes par localité es donné dans les tableaux ci-dessous.

Répartition de l’échantillon enquêté en milieu urbain Département Commune Ménages enquêtés Daloa Daloa 124

Zoukougbeu 30 Total Daloa 154 Gagnoa Gagnoa 33

Guibéroua 33 Total Gagnoa 66 Divo Divo 36

Guitry 45 Total Divo 81 San Pedro San Pedro 44

Grand Béréby 15 Total San Pedro 59 Abengourou Abengourou 24

Niablé 22 Total Abengourou 46 Bouaflé Bouaflé 20

Bonon 20 Total Bouaflé 40 Vavoua Vavoua 9 Total Vavoua 9 Abidjan Abobo 270

Yopougon 216 Koumassi 80 Marcory 58 Port-Bouët 38 Attiécoubé 38 Adjamé 58 Treichville 38

Total Abidjan 796 Soubré Soubré 25

Méadji 25 Total Soubré 50 TOTAL URBAIN 1301

Répartition de l’échantillon enquêté en milieu rural Département Sous-Préfecture Villages Ménages enquêtés Daloa Daloa Gogoguhé 35

Békipréa 40 Brizéboua 42 Zaragoua 40 Gaboua 34 Total Daloa 191 Zoukougbeu Bédiégbeu 10 Nigbéhigbeu 10 Guéguigbeu 2 10 Zakogbeu 10 Nimé 10 Total Zoukougbeu 50

Total Daloa 482 Gagnoa Gagnoa Grébré 10

Ahizabré 26 Dougroupalégnoa 18 Total Gagnoa 54 Guibéroua Gbégréhoa 30 Kabehoa 22 Total Guibéroua 52

Total Gagnoa 212 Divo Divo Chiépo 21

Gouan 21 Grozo 21 Obié 21 Gnahoualilié 21 Datta 20 Total Divo 125 Guitry Grogbako 20 Cochem Baoulé 21 Tiégba 21 Dioligbi 21 Yocoboué 21 Zigrigby 21 Total Guitry 125

Total Divo 500 Bouaflé Bouaflé Koudougou-Sokoura 25

Bouaflé Diacohou Nord 9 Total Bouaflé 34 Bonon Dabouzra 17 Bonon Bannonfla 16 Total Bonon 33

Total Bouaflé 134 Vavoua Vavoua Koudougou PK8 11

Vavoua Vrouo 2 11 Vavoua Baoulifla 10 Vavoua Ketro-Bassam 10 Total Vavoua 42 Séitifla Yaala 11 Séitifla Youredoula 11 Séitifla Diafla 10 Séitifla Doufla 10 Total Séitifla 42

Total Vavoua 168 San Pédro San Pédro Kounouko 32

Gligbeuadji 34 SAPH V5 17 Total San Pédro 83 Grand-Béréby Pont-Nero 10 Dogbo 10 Total Grand-Béréby 20

Total San Pédro 206 Soubré Soubré Yacolo 20

Gripazo 19 Liliyo 20 Ouregbagré 20 Kayo 20 Bégréko 20

Total Soubré 119 Méadji Brouagui 20 Krohon 20 Petit-Bondoukou 20 Sarakagui 19 Ipouagui 19 Kouamégui 20 Total Méadji 118

Total Soubré 478 Abengourou Abengourou Sankadiokro 21

Assakro 20 Total Abengourou 41 Niablé Affalikro 20 Zohounou 20 Total Niablé 40

Total Abengourou 162 Abidjan Anyama Attinguié 17

Attiékoi 17 Total Anyama 34

Total Abidjan 34 TOTAL RURAL 1203

5. Méthode d’identification des ménages et enfants enquêtés � Choix des ménages En l’absence d’une base de sondage fiable, la sélection des ménages s’est basée un tirage aléatoire portant sur les logements au regard du découpage ayant servi de base au recensement de 1998. Ce recensement a découpé le pays en 16000 Districts de Recensement (DR) d’une taille moyenne de 1000 habitants par district. Chaque DR est subdivisé en îlots que nous avons traité comme Zone de Dénombrement (ZD). Le choix des ménages a été soumis à un tirage à 4 ou à 3 niveaux selon que l’on est dans la strate 1 ou 2.

- Niveau1 : tirage aléatoire de 6 départements sur les 44 de la strate 1, les 14 départements de la strate 2 ayant été dispensé de ce niveau du tirage ;

- Niveau 2 : tirage aléatoire de 2 Sous-Préfectures dans chaque département retenu, le quota de ménages du département étant équitablement réparti entre elles ;

- Niveau 3 : tirage de n DR dans chaque Sous-Préfecture en tenant compte du poids du département et de la répartition urbain / rural ;

- Niveau 4 : tirage de 1 îlot par DR qui sera traité comme Zone de Dénombrement pour la sélection des ménages (en moyenne 10 par îlot tiré) à interroger.

� Identification des enfants interrogés dans les ménages sélectionnés Les enquêteurs de chaque équipe ont été répartis en 3 groupes pour le choix des enfants à partir du tableau qui enregistre tous les membres du ménage.

- Les enquêteurs du premier groupe interrogent toujours le premier enfant travailleur enregistré en lisant le tableau de la gauche vers la droite ;

- Ceux du second groupe possèdent de la même façon en lisant le tableau dans le sens opposé ; - Ceux du dernier groupe partent de médiane du tableau et sélectionnent le premier enfant

travailleur rencontré en allant une fois à gauche, une fois à droite et vice versa. B / ENQUETE QUALITATIVE Cette enquête a porté sur 125 enfants travailleurs de 6-17 ans, 80 parents et 40 employeurs interrogés dans 14 localités différentes. L’enquête s’est déroulée en deux phases en raison de la crise. Dans la première phase (qui reflète la méthodologie initialement adoptée pour l’ensemble de l’enquête qualitative), le choix raisonné des travailleurs était d’abord fondé sur une base sectorielle, puis

statutaire. Une proportion équivalente d’enfants devait en principe être interrogés dans six secteur pré identifiés, ce qui n’a pas été possible en raison du fait que l’enquête devait couvrir d’autres localités rendues inaccessibles par le conflit. La répartition initiale des enfants à enquêtés par secteur et localité est donnée dans le tableau suivant.

Enfants travaillant dans les marchés

Enfants travaillant dans les ateliers du secteur informel

Enfants ramasseurs d’ordures

Enfants travaillant dans les « maquis » et débits de boisson

Enfants travaillant dans les plantations de riz, manioc et igname

Enfants travaillant dans les plantations de coton et d’anacarde

Enfants pêcheurs

Total

Abidjan 6 7 6 6 6 31 Bondoukou 6 9 15 San Pedro 5 3 9 11 28 Bouaké 6 6 3 15 Korhogo 3 9 12 Guiglo 3 3 6 12 Daloa 6 6 12 Total 18 18 18 18 18 18 17 125

Le choix des enfants à interroger devait porter en priorité sur les enfants rémunérés sinon les enfants travaillant à titre exclusif, et en particulier les apprentis, et en dernier recours, les enfants les enfants scolarisés travaillant pendant au moins 4 heures par jour. Dans la seconde enquête, le choix raisonné des enfants travailleurs était fondé sur le statut de déplacé, et localisé en dehors des centres d’accueil. Ils ont ensuite été choisis sans considération de leur statut professionnel ou scolaire, mais à condition d’exercer une activité (économique ou domestique) pendant au moins 4 heures par jour. Le profil des enfants interrogés est résumé dans le tableau ci-dessous. Enquête 1 : 83 enfants Enquête 2 : 42 enfants déplacés Milieu63 Urbain : 69,9% Urbain : 71,4% Sexe Masculin : 62,7% Féminin : 64,3% Nationalité RCI : 75,6 / Burkina : 6,1 / Mali : 6,1 / Ghana : 6,1 RCI : 100% Naissance RCI : 96,3% RCI : 100% Localité initiale de résidence Bouaké : 38,1 / Man 9,5 / Vavoua 7,1 / Khorogo

7,164 Migration 19,3 % ont migré (pour travailler) 100% (en raison du conflit) Age 15-17 ans : 48,1 / 12-14 ans : 38,3 / 6-11 ans : 13,6 12-14 ans : 45,2 / 15-17 ans : 28,6 / 6-11 ans : 26,2 Scolarisation 16,9 scolarisés / 48,2 déscolarisés / 37,3 jamais 76,2% actuellement scolarisés (contre 95,6% avant) Secteur Services 21,7 / Alimentation-restauration 19,3 /

Elevage-Pêche 18,1 / Agriculture 16,9 / Petits commerces 13,3 / Réparation-maintenance 10,8

Travaux domestiques : 50 / Petits commerces 19,4 Agriculture : 16,7 / Alimentation-restauration 8,3 / Services 5,6

Statut Aide familial : 33,7 / Indépendant : 32,5 / Rémunéré : 15,7 / Apprenti : 14,5

Aide familial : 91,7 / Apprenti 5,6 / Indépendant 2,8

Résidence Tuteur : 20,5 / Employeur : 16,9 (Parents 62,7) Parents : 71,4 / Tuteur : 28,6

63 Enquête 1 : zones urbaines : 38,6% Abidjan / 19,3 % San Pedro / 8,4% Daloa / 3,6% Guiglo - zones rurales : 13,3% Diboué (San

Pedro)/ 9,6% Yaoudé (Guiglo) / 7,2% Zakoua (Daloa) Enquête 2 : zones urbaines : 26,2% Abidjan / 19% Abengourou / 11,9% Daloa / 14,3% Soubré - zones rurales : 2,4% Gogoguhé (Daloa) / 2,4% Gripazo (Soubré) / 2,4% Ourégbagré (Soubré) / 7,1% Sankadiokro (Abengourou) / 7,1% Sapia (Daloa)

64 Autres localités : zones urbaines (1 enfant, soit 2,4%) : Bouna, Duekoue, Katiola, Kounahiri, Séguéla, Sirasso, Zuénoula, et 4,8 Mankono - zones rurales (1 enfant, soit 2,4%) : Bagouri (Vavoua), Borotou (Touba), Dibobli (Duekoue), Fionkon (Vavoua), Gbaéli (Bongolo), et 4,8% Monoko Zohi (Vavoua)

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