therapies familiales et addictions
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THERAPIES FAMILIALES ET ADDICTIONS
Université
R.Descartes
Paris V
Capacité d’addictologie clinique
Eric CHAGNARD
Psychologue clinicien (Paris 8) Psychothérapeute systémicien (Familia) Exercice institutionnel: Centre Monceau (CSST, Min
Addiction, USM, CEAP) Exercice libéral: spécialisation en thérapie de couples et
de familles Activités de formation: Training en Thérapie familiale
systémique (Familia)
Thérapies familiales et addictions
En forme de préambule:
L’addiction rend nécessaire l’humilité thérapeutique – phénomène bio-psycho-social ou dimension
pharmacologique (effet produit), psychopathologique (la personne), sociologique (contexte relationnel) et culturel
(valeurs, contre-valeurs)
la synergie des soins
L’approche étiologique nourrit les chapelles
Thérapies familiales et addictions
La thérapie familiale, née dans les années 40-50 aux Etats-Unis , à partir de 2
dimensions cliniques « prototypiques »:
- La schizophrénie
théories de la communication
- Les toxicomanies, les addictions
théorie de l’attachement, TGS
Thérapies familiales et addictions
En France, dans la même dynamique, la clinique familiale des addictions se construit donc à partir de la prise en charge des toxicomanes avec leur famille
La toxicomanie à l’héroïne comme prototype de l’addiction ? Et quid de l’usage de drogue ?
Olievenstein: quand la famille est toxique… Création du Centre Monceau en 1980/81
Thérapies familiales et addictions
Thérapies familiales et addictions
Thérapies familiales et addictions
Pour comprendre la spécificité de la thérapie familiale systémique, différents angles:
1 - à propos du processus psychothérapeutique
2 - la famille, contexte favorable
3 - vers une psychopathologie familiale de la
toxicomanie
4 - la clinique familiale systémique: quelques
enjeux
Thérapies familiales et addictions
1 - Le processus psychothérapeutique
Saul sur le chemin de Damas
Thérapies familiales et addictions
→ Thérapie relationnelle
1ère, 2ème et 3ème cybernétiques – une certaine approche du contre-transfert
Le concept d’homéostasie: un système vivant s’organise autour d’objectifs – il est en permanence traversé par des perturbations - lorsqu’il ne peut plus conserver l’ancien équilibre, il en cherche un autre
Thérapies familiales et addictions
Autour de l’idée de renforcement – feedback positif, négatif ou neutre, boucle rétroactive
(ce corpus théorico-clinique alimentera les TCC)
Les symptômes ont une logique – ils ont une fonction dans le groupe d’appartenance: le « qu’est-ce que ça fait ? » ou « ça sert à quoi ? » remplace le « pourquoi ? »
Thérapies familiales et addictions
Ainsi, si l’on considère donc que:
C’est la relation qui est thérapeutique Le « système » familial a vu émerger une
souffrance / un dysfonctionnement lorsqu’il a été confronté à une crise qui dépassait ses capacités d’adaptation
Il est bloqué à ce stade d’évolution – le symptôme occupe une fonction régulatrice, « aux dépends » de son hôte
Thérapies familiales et addictions
Dès lors:
Les techniques spécifiques de la thérapies systémiques se proposent de créer un nouveau système, le temps de la consultation…
Cela revient à flexibiliser le fonctionnement familial, à relancer la créativité du groupe (en matière de nouvelles solutions relationnelles)
Thérapies familiales et addictions
Egalement:
La thérapie systémique est aussi bâtie sur les théories de l’attachement (et leur pendant: les dynamiques d’autonomisation)
> l’addiction peut aussi être comprise comme un trouble relationnel (de l’attachement) – voire un « trouble du rapport au monde »
Thérapies familiales et addictions
Dans ce sens, on considère l’addiction comme une façon d’expérimenter la nature des liens:
Liens verts, liens rouges
Thérapies familiales et addictions
Le processus thérapeutique est donc basé sur un certain nombre de postulats:
Un individu peut porter un symptôme pour le compte de sa famille entière: patient désigné
Le fonctionnement d’un individu est construit d’abord par rapport au fonctionnement de son système familial (système émotionnel de la famille nucléaire)
Thérapies familiales et addictions
La famille véhicule des modèles de comportements, des modèles d’interaction, des modèles de fonctionnement social, des valeurs, des univers culturels mais aussi donc des modèles de fonctionnement émotionnel, des processus d’autonomisation…
Thérapies familiales et addictions
2 - la famille, contexte favorable
Au-delà de ces considérations basiques sur la thérapie familiale systémique, on peut aussi considérer que la famille est un lieu favorable pour prendre en charge une addiction:
Thérapies familiales et addictions
L’éducation à la santé, les approches préventives, aider les parents à être parents
Traverser les épreuves ensemble, soutien et solidarité (voir aussi: la psycho-éducation)
Thérapies familiales et addictions
La famille se mobilise autour du patient – mobilisation thérapeutique versus mobilisation pathogène (reste la désignation) – la famille ressource
Thérapies familiales et addictions
Et seulement enfin:
Le symptôme est l’expression d’un dysfonctionnement relationnel / familial
= le climat familial, la communication, le type d’interaction créent (!), entretiennent, aggravent, bloquent la pathologie addictive (le renforcement)
Thérapies familiales et addictions
Les « transactions addictives »: une pathologie du lien - l’objet à la place du sujet; le produit organise les relations; la séparation, l’autonomie impossibles…
Thérapies familiales et addictions
3 - vers une psychopathologie familiale de la
toxicomanie
La clinique familiale des toxicomanies, qui inspire la clinique familiale des addictions en général (confer les spécificités de la clinique des familles touchées par l’alcoolodépendance), a accumulé un certain nombre de données qui permettent de mieux comprendre:
Thérapies familiales et addictions
1. la nature relationnelle de ce phénomène
2. l’articulation entre l’addiction et la psychopathologie familiale
3. comment orienter le travail thérapeutique familial
Thérapies familiales et addictions
Ainsi:
La dimension socio-culturelle des addictions a été très soulignée:
Conditionnement social, phénomène de mode Repère de régulation, modalité de transgression Dimension valorisée: la prise de risque Rite de passage – lié à l’adolescence
Thérapies familiales et addictions
Dans la même perspective, un certains nombre de « facteurs étiologiques sociaux » on été identifiés (travaux avec une cohorte d’adolescents, Kandel, Kessler et Margulies, 1978): Actes de délinquance Usage de produits psychoactifs chez les parents Fréquentation de marginaux Initiation par les pairs Relation parents-enfant(s) dysfonctionnelle
Egalement, nombreuses caricatures faites des parents de personnes toxicomanes:
Thérapies familiales et addictions
Mères surprotectrices, permissives, séductrices, castratrices, immatures, possessives ou rejetantes …(stigmatisation ++)
Pères passifs, pessimistes, influençables, détachés, absents…
Thérapies familiales et addictions
Egalement:
Difficultés sociales (et particulièrement familiales) et addiction se renforcent mutuellement
D’ailleurs le lien contexte familial <> consommation de toxiques est admis depuis Lewis (1937)
Une observation complémentaire: les consommateurs de toxiques gardent avec leurs proches des relations plus étroites – même lorsqu’elles sont difficiles (Douglas, 1987; Békir et al., 1993 )
Thérapies familiales et addictions
THERAPIES FAMILIALES ET ADDICTIONS
2è partie
Université
R.Descartes
Paris V
Master II clipat – Institut de Psychologie
Pour mémoire…
Pour souligner l’intérêt d’une prise en charge familiale des addictions, on a vu:
- La nature essentiellement relationnelle de la psychothérapie ( = la puissance de la dynamique interactionnelle pour induire le changement)
Pour mémoire…
et ici, quelques principes de base de la psychothérapie systémique
- L’importance du contexte dans le développement d’une problématique addictive: contexte familial, social, culturel
Pour mémoire…
Nous allons voir:
- Quelques éléments cliniques que l’on observe dans les familles à « transactions addictives » (et notamment « toxicomaniaques ») – qui pourraient constituer, in fine, une « psychopathologie familiale de l’addiction »
Pour mémoire…
Et:
- Enfin, face à cela, les principales techniques de la clinique systémique
Bibliographie abrégée
Les toxicomanes et leurs familles – S. et P. ANGEL
Armand Colin, 2002
Guérir les souffrances familiales – P. ANGEL et P. MAZET (dir.)
PUF, 2004
Articles: Addictions; Parentalité et toxicomanie notamment
Bibliographie abrégée
Thérapies familiales et addictions
D’abord, des facteurs familiaux protecteurs: Relation de qualité parents-adolescents Structure familiale flexible Communication claire et équilibrée Cohésion parentale élevée, soutien
réciproque Attention parentale élevée, non anxiogène
Thérapies familiales et addictions
Désimplication parentale
réduction des échanges intergénérationnels cohérence éducative diminuée désorganisation de l’autorité et de la hiérarchie flou dans les règles, les rôles, les fonctions
Thérapies familiales et addictions
Imprécision ou inexistence des frontières intergénérationnelles
= enchevêtrement des sujets
Thérapies familiales et addictions
Dans cette perspective, les symptômes peuvent être compris comme le résultat de défaillances structurelles
La structure d’une famille est définie par un ensemble d’exigences et de règles (essentiellement implicites) qui organisent les modalités relationnelles, la hiérarchisation, les rapports avec l’extérieur (frontières)
Thérapies familiales et addictions
Il existe des sous-systèmes: sous-système parental, conjugal, grand-parentaux, fratrie…
Les symptômes peuvent être créés par des modalités relationnelles inadéquates d’un sous-système avec un autre
Les frontières émotionnelles protègent l’intégrité des individus, des sous-systèmes et des familles
Thérapies familiales et addictions
Les frontières défaillantes
Minuchin, approche structurale Frontières émotionnelles Frontières entre l’extra et l’intra familial, entre les
individus dans la famille, entre les sous-systèmes Cela affecte la cohérence relationnelle
Divergences éducatives majeures: souvent parent permissif bienveillant vs l’autre répressif-rigide > compétition, escalade symétrique, disqualifications
Culture familiale addictive (schéma comportemental trans-générationnel)
Thérapies familiales et addictions
Thérapies familiales et addictions
La dette inversée
Background ancien et traumatique de carences, manques, deuils, ruptures, négligences familiales = sensation d’injustice, qui amène le sujet addicté a exprimer des demandes de réparation jamais suffisantes
Thérapies familiales et addictions
Les mythes familiaux (Ferreira, 60) Récits symboliques, construits autour d’évènements
sélectionnés, de souvenirs encapsulés, mémorisés par les générations successives. Le mythe conditionne, organise les relations familiales, attribue des rôles
Les mythes ont une fonction de reconnaissance, de régulation ET une fonction défensive de l’identité groupale
Ils prennent corps, notamment, à travers les rituels familiaux
Thérapies familiales et addictions
Exemple de mythes touchant les familles de toxicomane(s):
mythe de l’harmonie (ciel serein) mythe de la marginalité (fascination pour la
déviance), mythe de l’expiation mythe de l’égaré(e) (le mouton égaré)
Thérapies familiales et addictions
Le bouc émissaire
Bouc émissaire désigné par le groupe (construction en « contre ») PLUS ostracisation par la société
Bouc-émissaire auto-institué, victime sacrificielle du système – il peut développer des symptômes (comme la toxicomanie)
Le bouc émissaire, en dysfonctionnant, maintient son allégeance douloureuse, mais volontaire (active), et permet à son groupe d’appartenance de fonctionner (sert de régulateur)
Thérapies familiales et addictions
Les loyautés, visibles et invisibles
Boszormenyi-Nagy Une forme extrême de dépendance relationnelle –
sujétion, aliénation Un exemple saisissant: l’ainé mâle d’une fratrie
d’origine maghrébine
Thérapies familiales et addictions
La codépendance La famille entière s’organise, se structure, en fonction
de la dépendance d’un de ses membres Cette structuration peut prendre diverses formes:
thérapeutique, hostile-persécutrice, complaisante, complice – de manière souvent extrême, voire obsessionnelle – avec parfois des affections psychosomatiques
Effet pervers de renforcement Très souvent, relations complexes et rétroactives de
dépendances enchevêtrées…
Thérapies familiales et addictions
La familiodépendance La familiodépendance concerne les familles qui ne
permettent pas l’autonomisation de l’enfant Cet empêchement affecte jusque la pensée, l’identité L’évolution est impossible hors du cercle familial
Cela renvoie à un autre mythe: le mythe de l’endogamie: image de couple parental asexué, aconflictuel, idéalisé, abrasant l’altérité (donc parents comme issus du même monde, d’une fratrie)
Thérapies familiales et addictions
Les cycles de vie familiale
Équivalents des cycles de vie de l’individu, mais au niveau de la famille
Traumatismes familiaux, ruptures brutales dans les cycles , décès précoces…
Thérapies familiales et addictions
Transitions inévitables, potentiellement productrices de crises s’il y a inadéquation entre la demande de changement et les capacités d’adaptation du système familial
Cela remet en cause l’homéostasie familiale, menace de désintégration du groupe
En matière de toxicomanie, 2 perspectives: La toxicomanie vient provoquer une crise adaptative La toxicomanie constitue une réponse adaptative à un
blocage évolutionnel
Thérapies familiales et addictions
CDI versus CDD L’adolescence interroge la permanence /
l’impermanence des liens Dans les familles suscitant un haut niveau de
dépendance, le jeune adulte est placé dans une situation hautement anxiogène. Il alterne entre:
impossibilité de créer des liens hors de sa famille création de liens dysfonctionnels (car recréant une
familiodépendance, inadaptée à une relation amoureuse par exemple), mettant en permanence en question la solidité des liens (par production de crises relationnelles)
Thérapies familiales et addictions
La drogue peut permettre d’explorer ces liens (défectibles, indéfectibles), d’en appréhender « sensoriellement » le fonctionnement, d’en éprouver la fiabilité, d’en inverser la polarité
L’indéfectibilité du lien au produit est une métaphore de cette aspiration à l’indéfectibilité des relations (DV)
Systèmes rigides, systèmes souples, les règles familiales Les systèmes rigides sont ceux qui fabriquent le plus
de familiodépendance, d’exigence de loyauté, de dettes, de refus d’autonomisation
Thérapies familiales et addictions
Dans les systèmes rigides, il y a souvent enchevêtrement des identités, manque de distance intergénérationnelle, immaturité des parents
Dans certains cas, on croit comprendre que le lien au produit (et à l’environnement marginal) est comme une mise en compétition du lien imposé par le contexte familial
Souplesse et rigidité s’expriment à travers les règles spécifiques de la famille (singulières dans leur variation) – les identifier, les verbaliser et les mettre en jeu fait partie du travail « transversal » en thérapie familiale
Thérapies familiales et addictions
La cécité familiale - Plusieurs variantes : dramatisation déplacement (le danger n’est pas dans le danger mortel,
mais ailleurs: qu’en dira-t-on, santé d’un autre membre), incrédulité
minimisation (parfois dans le discours du sujet toxicomane lui-même, souvent en écho à la « toute-puissance » d’un parent - voir mythe de toute-puissance familiale – ici, la toxicomanie peut constituer une surenchère, dans un contexte de compétition)
cécité
Thérapies familiales et addictions
Proche de la cécité, la notion de déni familial: Il se retrouve dans les familles avec toxicomanes et
dans les familles avec anorexiques Il va de pair avec la fonction du symptôme: ainsi dans
une famille à familiodépendance forte, basée sur un soutien permanent, le symptôme toxicomaniaque renforce le(s) parent(s) prodigateur(s) d’assistance – il ajoute une règle d’inacessibilité à l’autonomie pour les enfants (pas forcément tous)
Thérapies familiales et addictions
Ceci s’observe souvent dans des familles avec couple parental insubstantiel, qui survit uniquement par sa fonction parentale « associative »
Il peut s’agir: Du déni du problème Du déni de sa gravité Du déni de l’impuissance à le prendre en charge Etc
Thérapies familiales et addictions
Un mot sur l’autonomie… La paradoxalité parentale à l’égard de
l’autonomisation des enfants est habituelle Je ne veux (peux) pas être celui que vous voulez que
je sois, vous n’êtes pas ceux que j’aurais voulu Cette paradoxalité est exaspérée dans les familles
dysfonctionnelles (« grandis, mais ne change pas ») Se droguer permet d’échapper au paradoxe, à la
menace, de suspendre les échéances… C’est un des « doigts de Fatima », lorsqu’on tente de
donner corps à quelque chose dont on ne peut pas parler ensemble, d’inenvisageable
Thérapies familiales et addictions
La drogue est une réponse paradoxale elle-même, puisqu’elle organise une forme d’autonomie à l’intérieur d’un système de dépendance (tout en faisant l’économie de la conflictualité, la « came » devenant « cause prioritaire »)
Thérapies familiales et addictions
Dans une perspective « syndromique familiale », Stefano CIRILLO a proposé 3 « profils familiaux types » spécifiques aux familles à « transactions toxicomaniaques » (1997):
Parcours 1
Parcours 2 Parcours 3
Carences dans les familles des parents
Reconnues, mais minimisées
Non reconnues Reconnues mais seulement comme
sociales
Type de mariage
D’intérêt Obligé Inexistant
Echange émotionnel dans le couple
Formel Pat Absent
Relations mère-enfant dans la petite enfance et modes carentiels
Implication mimée Abandon dissimulé
Instrumentalisaion Abandon méconnu, surinvestissement
instrumental
Pas de soins Abandon réel
Adolescence
Protestations envers les contradictions de
la mère
Protestations envers l’indifférence /
hostilité de la mère
Protestation anticipée dans la pré-adolescence
Comportement du père avec le fils adolescent
Rejet du fils du couple mère-grand-mère ouintervention
maternante
Intervention de défense du couple ou rejet du fils rival
Absent ou inadéquat
Effet individuel de la drogue
Evite la dépression Contient la dépresion Réduit la rage
Stratégies basées sur le symptôme
Infantilisation Collusion (mari-femme ou mère-fils)
Rejet
Thérapies familiales et addictions
La thérapie familiale a également isolé des facteurs familiaux pathogènes en rapport avec la toxicomanie:
La mort dans la famille, le deuil traumatique Importance des thèmes morbides dans la toxicomanie,
souvent accompagnée d’un désir de mort Au-delà même du comportement toxicomaniaque, la
mort est souvent très présente dans la « culture familiale »:
Thérapies familiales et addictions
Deuils prégnants, périls létaux (maladies graves…), menaces (TS), mort voilée (troubles psychiatriques graves, dépression, violence…)
Parfois, corrélation forte entre maladie grave « tabou » d’un membre et conduite toxicomaniaque (notion de répétition, d’écho)
La capacité de toute famille à « métaboliser » la notion / réalité de la mort est déterminante ( mort = forme de rupture du lien)
Thérapies familiales et addictions
Dans les prises en charge familiales avec patient(s) toxicomane(s), on repère assez souvent un épisode de deuil difficilement surmontable, intervenu à un moment de vulnérabilité
Egalement: le toxicomane comme héritier, doublure du parent décédé
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Le deuil: accepter l’absence – lorsque le deuil n’est pas fait: manque – et pour combler le manque… la drogue, par exemple
Ensuite: le deuil suppose une bonne capacité, souplesse d’élaboration – donc une communication familiale fluide / et une bonne capacité d’autonomisation
L’approche familiale de la toxicomanie: le couteau suisse
Enfin: les survivants de victimes (déportation, tortures…) Régine WAINTRATTER
La culture du conflit ou l’impossible construction dans la différence Quand l’enfant est l’enjeu des conflits entre parents Instrumentalisation Voire: enjeu transgénérationnel
Thérapies familiales et addictions
Donc l’enfant (l’ado) devient arme contre l’autre – Egalement possible: gage
On comprend combien l’autonomisation devient compliquée dans de tels contextes
Voir l’isomorphisme entre la passivité du sujet instrumentalisé et la passivité du sujet toxicomane
Thérapies familiales et addictions
La problématique « drogue » peut aussi servir au sujet « asservi » au système parental ou familial à « prendre la main », à s’imposer à son environnement – voir: quand la crise provoquée par l’abus de drogue est la seule manière d’être réunis autour d’un problème commun, de partager des émotions
Thérapies familiales et addictions
L’adolescence: crise évolutive – plus l’environnement est rigide, plus forte peut / doit être la crise
L’évidence: les parents sont concernés, associés, partie prenante
La drogue constitue un support de choix dans la transition adolescente. En effet:
Thérapies familiales et addictions
Expérimentation et prise de risque Différenciation, autonomie, liberté Laboratoire de transgression Introduction inévitable d’un nouveau rapport parent-
enfant Exploration des limites, du possible et de l’impossible Éveil sensuel (construction de l’intimité, place de l’Autre) Support de socialisation, excluant les adultes Canalisation des émotions complexes, des angoisses
Thérapies familiales et addictions
Acculturation / déculturation L’identité impossible Déracinement, désagrégation des référents Voir le hiatus culturel entre générations dans les
familles migrantes, qui peut se doubler d’une compétition culturelle dans les familles mixtes
Cela est aussi une extrapolation des difficultés d’identifier clairement le soi familial et le non-soi
confer les travaux princeps de Minuchin (Families of the slums)
Thérapies familiales et addictions
Culture transgressive Ici, la toxicomanie est d’abord utilisée comme un
mode de transgression Il peut s’agir soit de familles qui fonctionnent avec
des règles systématiquement impossibles à appliquer (et donc le fonctionnement familial est une suite de transgressions / reprises en main)
Il peut plus souvent s’agir de familles entières construites sur des comportements transgressifs
Thérapies familiales et addictions
il peut s’agir de transgressions sociales, morales // de transgression par délégation
ici, on observe souvent des messages paradoxaux, implicitement incitateurs, explicitement normatifs
Voir aussi, en marge: quand la toxicomanie vient sur-stimuler une famille dépressive, ou en proie à l’ennui, l’inertie… sortir de la torpeur
Thérapies familiales et addictions
Fantasmes familiaux, rapport à la sexualité L’inceste: transgression suprême La prévalence d’incestes, de para-incestes (ou
climats « incestuels » forts) ou d’agressions sexuelles inter-générationnelles chez les femmes toxicomanes est très importante
La toxicomanie peut aussi servir de régulateur aux pulsions incestueuses (parfois exaspérées par un parent séducteur)
Également: pulsions incestueuses dans la fratrie (la toxicomanie de la fratrie: le rapproché intime sans sexe)
Thérapies familiales et addictions
Également: la sexualité est une des dimensions qui permet l’accession à l’autonomie et un des lieux d’expression de la différences
Dans certaines familles: elle fait, du coup, l’objet d’une répression sévère
Problématiques spécifiques des fratries On l’a vu: la fratrie est un « terreau » de
développement d’une toxicomanie (Coleman, 1978)
Thérapies familiales et addictions
C’est aussi vrai pour d’autres troubles psychologiques (1) influence des aînés sur les cadets, notamment
quand le modèle grand-fraternel se substitue au modèle parental, quand ce dernier est fragilisé, absent, disqualifié
Attention: le plus souvent, le sous-système fraternel est plus souvent protecteur
(2) sous-système le plus vulnérable dans la famille, celui qui « absorbe » le plus la souffrance familiale
Cela passe parfois par une distribution de rôle:
Thérapies familiales et addictions
Le héros – souvent le frère ainé (cf fils ainé dans la famille nord-africaine, qui ploie sous les responsabilité)
Le vilain petit canard, qui « excelle dans le pire » et met en échec l’environnement éducatif
Le/la « sans histoire », qui évolue à bas bruit La mascotte, le petit dernier, emblème de
l’homéostasie
Ces rôles sont souvent rigides et ne permettent pas d’évoluer dans une autre direction
Voir aussi: les coups bas dans la fratrie (entretenir l’exclusion fonctionnelle)
Thérapies familiales et addictions
En forme de conclusion, retenir cette réalité systémique:
Le lien complexe qui unit le sujet addicté et son environnement familial va dans les 2 sens , en permanence, à travers des boucles de rétroactions:
… La famille « fabrique » le sujet dépendant en même temps que celui-ci « sculpte » (parfois attaque) la famille
Family Life, Ken Loach, 1971
Family Life, Ken Loach, 1971
Extraits vidéo: Entretien n°1 Janice 2/ 1.42 Entretien n°2 la mère 4/ 8.34 Entretien n°3 le père 7/ 16.16 Entretien n°4 les parents ensemble 8/ 27.35 Scène n°5 le petit déjeuner 8/ 28.30 Entretien n°6 9/ 36.15 Groupe n°7 10/ 39.29 Entretien n°8 la mère 10/ 43.09 Entretien n°9 Janice 11/ 47.22
Family Life, Ken Loach, 1971
Electrochoc n°10 13/ 51.51 Déjeuner en famille n°11 14/ 1.02.36 Le sexe n°12 16/ 1.16.25
Thérapies familiales et addictions
4 – Quelques enjeux et techniques de la clinique familiale
Thérapies familiales et addictions
Sur le plan de l’efficacité thérapeutique: l’intérêt des approches familiales a été démontrée à plusieurs reprises études surtout nord-américaines (Lowinson et al., en 1997 ou celle de M. D. STANTON et W.R. Shadish « Outcome, attrition and family-couples treatment for drug abuse : a meta-analyse and review of the controlled, comparative studies », Psychological Bulletin, Septembre 1997 (études de 15 recherches sur l’évaluation de différentes approches thérapeutiques sur le soin des usagers de drogues)
Thérapies familiales et addictions
Les objectifs thérapeutiques de base Rendre la communication plus claire, plus spontanée (sans
devenir brutale et intrusive) Accroître l’attention des uns vers les autres, la conscience
d’autrui Augmenter la self-estime groupale et individuelle Développer les capacités de changement, les nouvelles
possibilités d’équilibre Encourager l’expression émotionnelle Ouvrir à une compréhension systémique du fonctionnement
familial Éclairer le rôle de chacun
Thérapies familiales et addictions
Proposer/induire un réaménagement des interactions par le jeu (psychodrames, jeux de rôle, mises en situation) – y compris avec les 3 générations
Ceci passe par une complexification du fonctionnement familial (qui amènera une augmentation de la créativité du système)
Inciter à une nouvelle définition de l’appartenance qui sacrifie moins l’autonomie individuelle
Provoquer un sursaut émotionnel Renforcer ou assouplir les frontières
Thérapies familiales et addictions
Rappel: la thérapie familiale systémique agit à plusieurs niveaux simultanément – globalement, elle:
synthétise la réalité de la famille, en commentant les modalités interactionnelles, l’organisation familiale, l’histoire (saga), le vécu
tente d’induire, via certain nombre de techniques spécifiques, un réaménagement du fonctionnement familial (en tentant d’élargir le « champ des possibles ») – afin que la famille fabrique de nouvelles solutions adaptatives, moins pathogènes
Thérapies familiales et addictions
Sur le plan pratique:
Co-thérapie Glace sans tain Vidéo Rythme des séances Participants Contrat thérapeutique
Thérapies familiales et addictions
Neutralité, engagement Directivité Position basse et compétences familiales Mobilisation de la famille – notamment: les membres
périphériques, désengagés Trouver un (des) allié(s) Trouver un moyen de dégager le patient désigné tout
en motivant le reste de la famille – généralement, cela passe par un positionnement paradoxal (éventuellement connotation paradoxale)
Thérapies familiales et addictions
Dans certains centres, protocole pré-établi avec familles de toxicomane(s): Expliquer l’importance de la participation de la
famille au processus (adhésion au modèle) Maintien et augmentation de la motivation,
tout en apportant une information sur les drogues (éducation à la santé) – pour améliorer en l’assainissant les savoirs de chacun sur la problématique
Thérapies familiales et addictions
Faciliter l’autonomie et l’indépendance des uns et des autres. Offrir une vision « systémique » de la dépendance. Réflexions sur les comportements des uns et des autres, afin de renforcer ceux qui sont appropriés et de réduire ceux qui ne le sont pas. Aide à la communication, notamment autour des problématiques conflictuelles. Aider chacun à se prendre en charge, à prendre soin de lui-même
Aperçus sur les modèles et techniques d’intervention
L’objectif supérieur: dégager le « patient désigné » de sa position
Cela passe par: créer un espace d’intervention – il s’agit que « quelque chose se passe » (happening)
Les aspects fondamentaux de la clinique familiale: Alliance, affiliation, joining, apparentement
Aperçus sur les modèles et techniques d’intervention
Développer les compétences éducatives-parentales, aider à réduire les situations anxiogènes, entretenir un climat communicationnel favorable, éliminer les tendances agressives ou complices, travail sur le style de vie, les habitus
Aperçus sur les modèles et techniques d’intervention Quelques techniques de base:
La prescription de tâches: Pendant la séance (thermomètre, par exemple),
ou entre séances Entre séances, elles servent à:
Vérifier les hypothèses sur le fonctionnement familial Éprouver la plasticité relationnelle de la famille Induire des processus thérapeutiques en faisant
participer tout ou partie de la famille
Elles ouvrent des possibilités de changement, créé de l’imprévisible
Aperçus sur les modèles et techniques d’intervention
Par exemple: Faire porter l’intérêt sur un autre membre (plutôt que
patient désigné) Dans familles sur-hiérarchisées: faire faire des choses
déraisonnables aux parents et inversement aux enfants Dans familles chaotiques: proposer des tâches
associées à une fonction
Voir: ANDOLFI, La thérapie avec la famille, ESF, 1982
Les tâches peuvent être métaphoriques (Milton ERICKSON)
Aperçus sur les modèles et techniques d’intervention
Jeux (notamment avec enfants jeunes) Métaphores spatiales Récits mythifiés Sculptures (David KANTOR, Boston Family
Institute) – métaphore, nonverbal Conversations (faire circuler la parole, faire se
parler, parler vrai, s’écouter)
Aperçus sur les modèles et techniques d’intervention
Génogrammes et variations maping, MINUCHIN Repérage des transmission multigénérationnelles
de patterns familiaux (BOWEN) Génogramme imaginaire Appartogramme Album de famille
Vignette LTLF 136
Aperçus sur les modèles et techniques d’intervention
Hypothétisation (hypothèses linéaires versus hypothèses circulaires)
Repérage des logiques communicationnelles
Intégrer la dynamique relationnelle familiale
Thérapie familiale et patients alcooliquesDistinguer les « familles alcoolisées » et les
familles où un seul boit – généralement un des parents:
Familles alcoolisées: la famille fêtarde Les enfants consommeront eux-mêmes vite ou seront
rigoureusement abstinents Les enfants montrent: méfiance, passages à l’acte,
irresponsabilité, isolation des affects Pas forcément d’interactions violentes – plutôt
communication chaotique, métacommunication brutale La familiodépendance est très forte, les enfants ont de
grandes difficultés à s’autonomiser
Thérapie familiale et patients alcooliques
Cela dit, les relations sont instables, car le comportement des parents reste imprédictible
Les enfants développent des sentiments de rage, culpabilité, honte
Les enfants d’alcooliques présentent plus fréquemment que d’autres une addiction
Familles alcoolisées: quand un des parents boit La bouteille (l’alcool) devient un tiers entre les 2
partenaires Le partenaire abstinent est dans une situation de défi
permanent
Thérapie familiale et patients alcooliques
La déstabilisation du couple, bruyante ou silencieuse, est massive
Logique folle: le buveur devient un étranger pour l’abstinent, le buveur ne se sent vraiment lui-même que quand il boit
Invariants de la dynamique familiale: Règles dysfonctionnelles:
1. Minimisation ou déni2. Secret3. Isolement chacun se débrouille avec ses angoisses)4. Rigidité (lutte contre le changement)
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Rôles-types identifiables Le dépendant, qui contrôle son environnement familial Le co-dépendant, qui se sur-adapte et contribue à la
rigidité du fonctionnelmentLes enfants: L’emblême: réussite pour l’extérieur Le sauveteur, qui soutient parent et fratrie
(parentification) Le bouc-émissaire, qui attire négativement l’attention
sur lui (à l’intérieur, cela détourne la violence, à l’extérieur, c’est un SOS)
Le clown, qui dilue le stress, l’agressivité L’enfant invisible, qui sacrifie ses besoins et son
expressivité émotionnelle
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Le petit roi, petite reine, qui fait régner son autorité enfantine
L’enfant fou
Un exemple d’entretien en thérapie familiale – « expérientielle – provocatrice »
(TF en changement, p. 15 et ff)
Thérapie familiale et adolescents consommateurs Thérapie familiale multidimensionnelle
Rappel d’une idée déjà évoquée:
La famille est un espace de dépendance accepté, respectueux des individualités. Dans des contextes dysfonctionnels, l’autonomie est considérée comme dangereuse, impossible, angoissante – notamment dans des organisations en TOUT ou RIEN
Le boulot de l’adolescent: s’autonomiser sans rompre
Dans un tel contexte, l’expérience du parent, dans sa propre histoire d’ancien adolescent autonomisé (ou pas) pèse nécessairement
Thérapie familiale et adolescents consommateurs Thérapie familiale multidimensionnelle
L’usage de drogue, depuis la « simple » expérimentation jusqu’aux usages problématiques et à la dépendance caractérisée, constitue un mode d’exploration de l’autonomie. Travailler en famille s’avère indispensable dans ce contexte – même si la prise en charge familiale peut prendre un
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aspect provocateur ou paradoxal (ma famille se mêle de mes velléités d’autonomie !)
Les conduites à risque en général et conduites addictives en particuliers (consommation de drogue, TCA) se retrouvent dans de nombreuses consultations Monceau…
Consultations CSST Consultations USM Consultations Jeunes consommateurs (ado-cannabis) Min Addictions etc….
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Face à la thérapie familiale « classique », plusieurs modalités se développent, intégrant une approche familiale…
De même que de nombreuses institutions ont désormais recours au travail avec les familles
La « thérapie familiale multidimensionnelle » constitue un bon exemple de cette dynamique.
La TFM est un outil américain, tout récemment adapté à la France (O.Phan, notamment – Emergence, Institut Montsouris)…
Thérapie familiale et adolescents consommateurs Thérapie familiale multidimensionnelle
3 niveaux d’intervention:
1) Une équipe mobile dont l’objectif est de sensibiliser les adolescents aux problèmes des conduites addictives dans le cadre de programmes de prévention, et la formation d’intervenants jeunesses pour qu’eux-même puissent faire les premiers accueils
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2) Une consultation spécialisée dans les conduites addictives qui travaillera avec l’adolescent sur quatre axes : les parents, l’adolescent, les relations intrafamiliales et l’environnement
3) Enfin, dans le cadre d’un travail bifocal, une double thérapie : l’une centrée sur la réalité externe de l’adolescent (ses possibilités, sa famille, ses pairs) et l’autre plutôt centrée sur la réalité interne (conflits inconscients). c’est donc un outil plus « multidimensionnelle » que familial !
Bibliographie abrégée
Les toxicomanes et leurs familles – S. et P. ANGEL
Armand Colin, 2002
Guérir les souffrances familiales – P. ANGEL et P. MAZET (dir.)
PUF, 2004
Articles: Addictions; Parentalité et toxicomanie notamment
Bibliographie abrégée
eric.chagnard@libertysurf.fr
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