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TabledesMatières

LeBébéduTueur

Prologue

ChapitreUn

ChapitreDeux

ChapitreTrois

ChapitreQuatre

ChapitreCinq

ChapitreSix

ChapitreSept

ChapitreHuit

ChapitreNeuf

ChapitreOnze

ChapitreDouze

ChapitreTreize

ChapitreQuatorze

ChapitreQuinze

UNEAUTREHISTOIREASAVOURER

LaMariéeForcéeduMafieux

ChapitreUn

ChapitreDeux

ChapitreTrois

ChapitreQuatre

ChapitreCinq

ChapitreSix

ChapitreSept

ChapitreHuit

ChapitreNeuf

ChapitreDix

ChapitreOnze

ChapitreDouze

ChapitreTreize

ChapitreQuatorze

ChapitreQuinze

ChapitreSeize

ChapitreDix-sept

ChapitreDix-huit

ChapitreDix-neuf

ChapitreVingt

ChapitreVingt-et-un

ChapitreVingt-deux

LeBébéduTueur

ParBellaRose

Tousdroitsréservés.Copyright2016BellaRose.

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livresgratuits!

Prologue

FeliksKoslovémergeaducouloirsombresituéàgauchedelacuisinedurestauranttrès

fréquenté.Ilobservalanourrituredéposéedanslafenêtredeservice.Lerepasquil’intéressaitétait

situétoutàgauche.

Réarrangeantsavestedecostumenoire,ilétudialescuisiniersletempsdequelques

inspirations.Ilavaitapprislongtempsauparavantquechaquecuisineavaitsonrythme.Lesserveurs

allaientetvenaient,criantleursrequêtesouseharanguantlesunslesautresausujetdesclients.Les

chefsdepartiesétaientsouventpresséslesvendredissoirbondéscommecelui-ci.Enbref,personne

neluiprêtaitattention.

Laserveuseviendraitchercherlesplatsàlafenêtrepourlesserviràsesclientsàtoutmoment.

Felikssortitdel’ombreetsedécida.Ilsepenchadoucementenavantsousleprétextedevérifierla

qualitédesplats.Sortantunefioledesamanchedroite,ilenvidalecontenudanslabonneassiette.

«Excusez-moi,»ditlaserveuseavecimpatience.

Feliksluilançaunsourireagréable.«Bonboulotcesoir,»dit-ilavaitdeseretourneretde

s’éloigner.

Elleluisouritavantdeposerlesplatssurunplateauetdelesemmeneràlatableoùlaciblede

Feliksattendaitsonrepas.Petiteidiote.Sielleavaitremarquéqu’iln’avaitrienàfairedanslacuisine,

elleauraitpusauverunevie.C’étaituneviesansvaleur,maisçarestaitunevie.

Feliksavaitapprisdepuislongtempsquepeuimportaits’iln’avaitpassaplacequelquepart.

Toutcequicomptait,c’étaitqu’ilprétendeêtreàsaplace.Satâcheremplie,ilsenoyadansles

ombres.Lefonctionnairequiavaittantnuiàlacausedusyndicatferaitbientôtpartiedupassé.Alors

touteslestâchesdeFeliksseraientcomplétées,etriennesetiendraitplusentreluietle

commandement.Enfait,ildevraitêtrerécompensépouravoircomplétésamissionensipeude

temps.

Feliksécartacettepensée.Ilentendituncridanslasalledurestaurant.Lacuisineexplosa

commeunefourmillière.Legérantrentraencriantavecfrénésiedesinstructionsinintelligiblesàses

cuisiniers.D’unpasnonchalantacquisparl’expériencedenombreuxassassinatsréussis,Feliksse

dirigeaverslasalleàmanger.

Laserveusequ’ilavaitvueplustôtseprécipitadanslacuisine,s’arrêtantdevantlafenêtrede

service.«Qu’est-cequetuasfoutudanslespommes-de-terre?»

«Riendutout!»s’offensauncuisinier.

Feliksdétournaprudemmentlevisageafinquelepersonnelagiténelevoiepasquitterlascène

ducrime.Serpentantsurlespourtoursdelasalleàmanger,ilpassadevantlesautresclientsdu

restaurant.Lesgensétaientdebout,tendantlecoupourmieuxvoirledramequisedéroulaitsous

leursyeux.Tentantdeserendreaussidiscretquepossible,Felikssortitsontéléphonedesapocheet

capturaunephotodelascène.

Lefonctionnairerécalcitrantseroulaitausol,lesmainsautourducou,l’écumeàlabouche,

commeunanimalenragé.Heureusement,lepoisonagissaitrapidement.Ilseraitmortavantl’arrivée

despremierssecours.

Plusqu’unedemi-douzainedepasavantlaported’entrée.Faisantprofilbas,Felikssortitdu

restaurant.Touslesregardsétaienttournésversl’hommequis’étouffaitethaletaitaucentredela

pièce.Personneneprêtaitattentionàl’assassinquiquittaitlascèneducrime.

Unefoisàl’extérieur,Feliksinspiraàfond.Dessirènesmugissaientetleklaxond’une

ambulancebrisalesilencenocturne.Ilfaisaitpresquefroidcesoir.L’airautomnalétaitmordant,

rappelantauxhabitantsdeBostonquel’hiverrudedelaNouvelle-Angleterrelesattendaitaucoinde

larue.

Felikssentitsontéléphonevibrerdanssapoche.S’éloignantdurestaurant,illesortitpour

regarderl’écran.Leconseilattendaitlaconfirmationdelaréussiteducontrat.FeliksenvoyaàPyotr

Alkaevlaphotoqu’ilavaitpriseaurestaurant.Quelquessecondesplustard,ilreçutunmessage

confirmantl’arrivéedupaiementsursoncompte.

Ilreçutunautreemailalorsqu’ilmontaitdansletrainquiretournaitàSouthie.Pasbesoinde

l’ouvrirpoursavoirquec’étaitledossierconcernantsaprochainecible.Ilnerestaitquequelques

coupsentreluietlepostedecommandantdusyndicatqu’ilconvoitaitdepuissilongtemps.

Felikspritplacedansletrain.Àl’arrêtsuivant,unvieilhommemonta.Legentlemanétaitvêtu

d’uncostumefaitsurmesureetdechaussuresbrillantes.Soncrânechauveétaitrecouvertd’une

casquettegavroche.

«Tuastoujourseudel’imagination,»murmuraPyotrens’asseyantàcôtédeFeliks.

«Danslavie,ilyatoujoursdelaplacepourl’imagination,»convintFeliks.«Etpourun

bonuspouravoirremplilecontratsanséveillerdesoupçons.»

«Ah,maisl’absencedesoupçonsveutdirequelemessageneserapaspassé.»Pyotrplaçales

deuxmainssurlacanequ’ilavaitposéeentreseschaussuresbrillantes.

«Seulementsipersonnen’aprisletempsd’envoyerunmessageàlacible.»Feliksnepritpas

lapeinederavalerlesouriredesatisfactiondesonvisage.«Maispuisquej’aiprislapeined’envoyer

unelettreàcefonctionnairedestravauxpublicsentêtéetàsescompatrioteshargneuxlasemaine

dernière,jepensequesesamissaurontexactementcequiluiestarrivé.»

«Etilsnevoudrontpasdirelavéritésicelle-cilesimpliquedansuneaffairedecorruption,»

devinaPyotr.«Excellent.»Levieilhommesoupira.«Vasilyt’acertainementbienformé.»

«Da.»

«Etmaintenantlatâchefinale?»

Unnœudd’excitationseformadansl’estomacdeFeliks.«Jeviensderecevoirunemail.»

«L’as-tuouvert?»

«Non.»

«Ilyaunproblème?»

LetranchantdutondevoixdePyotrluihérissalespoilsdelanuque.Ilsortitsontéléphonede

sapocheetouvritl’email.Ilscannaledossier,notantquelajeunefemmes’étaitinscriterécemmentà

l’UniversitédeBoston.Apparemment,sonpèreetelleneseparlaientpratiquementplus.Les

renseignementsd’Orlovsuggéraientquesonpèreetelles’étaientaliénésenraisondecertainesdeses

activitésillégales.

PuisFeliksouvritlaphotodesacible.Unbruissementremplitsesoreilles,noyantlebruitdu

trainetlavoixdePyotr.C’étaitunefemme.Ilsvoulaientqu’ilassassineunefemme?

«Feliks?»demandaPyotrd’untonpressant.«Qu’est-cequ’ilya?»

Felikslevalatêtepourfixerduregardsonseuldéfenseurauconseil.Ilnepouvaitpasreculer.

Pasmêmesouscescirconstancesinhabituelles.Inspirantàfond,Felikscherchaquelquechoseàdire.

«SonnomestAnnika.»

«Unefemme?»Pyotrhaussasessourcilsbroussailleuxdesurprise.«PourquoiOrlov

voudrait-ilquetuassassinesunefemme?»

Felikseutunsombrepressentiment.«Parcequ’ilsaitquejeserairéticent.»

ChapitreUn

Feliksregardachacundeshommesassisautourdelatablecommes’illesdéfiaitdecontester

sacandidatureaucommandement.Enréalité,Felikslesdéfiaitbien.C’étaitunhommed’actionqui

auraitdeloinpréféréprouversonméritelorsd’untestphysique.Maissoninstinctluidisaitqu’ilétait

surlepointd’entamerunepartied’échecsoùlesgensservaientdepionsetoùleprixétaitlavie,pas

lamort.

«Alorscommeça.»LesbourreletsdegrasducoudeMotyaOrlovsetrémoussèrentquandil

ouvritlabouche.«Lefilsduchevrieraimeraitprendrelescommandes.»

Feliksévitadepeudeleverlesyeuxauciel.«Mafamillenegardeplusdechèvresdepuisdes

décennies,Orlov.Etsionretraçaittesancêtressurquelquesgénérationspourvoiroùilsont

démarré?»

«Legarçonaraison,»convintPyotr.«CessedefaireréférenceaufaitqueKoslovsignifie

‘filsduchevrier ’.LepèredeFeliks,IoannKoslov,étaitloind’êtreunchevrier.C’étaitunhomme

brutal.»

Feliksseretintdesourire.Pyotrlivraitcetargumentcommesilabrutalitéétaitleplusbeau

complimentqu’unhommepuisserecevoir.PassurprenantpuisqueFeliksétaitlui-mêmemontéen

gradedansl’organisationenétantl’undesmeilleursassassinsdanssesrangs.

«Jesuppose,»continuaOrlovd’unevoixtraînanteetpâteuse.«QuesiFelikssedébarrassait

decertainsdésagréments,nouspourrionsêtrepersuadésdel’accepteràlatêtedel’organisation.»

«Désagréments?»Feliksforçasesmainsàrestertranquille.Ilétaittentédeprendreleverreà

shotposésurlatabledevantluipourleroulerentresesdoigts.«Fais-turéférenceàladizaineouplus

decontratsquej’aiachevésàtademandecessixderniersmois?»

OrlovfusillaFeliksduregard.«Cesdésagrémentsétaientdesnuisancespourtoutlemonde.»

Feliksregardaànouveaulespersonnesassisesautourdelatable.Cessixhommesformaienten

réalitéleconseildusyndicatcriminelrussedeBoston.Cettehiérarchielesempêchaitdesebattrel’un

contrel’autre.Lesaffairesenétaientplusprospères.Lamortrécenteduseptième‘parrain’avaitcréé

unvidedepouvoir.C’étaitautourdeFeliksdeseportervolontaire.Ilnevoulaitpasseulement

prendrelepostedeVasily.Ilvoulaitaussicommanderlesyndicat.

«CertainsfonctionnairesdeBostonferaientmieuxdesesouvenirquenospots-de-vinspayent

leurshypothèques,»fitremarquerOrlov.

«Compris.»Feliksn’étaitpasdutoutsurpris.Toutlemondesavaitbienqu’Orlovavaitdes

vengeancespersonnellescontrelamoitiédesingénieursetinspecteursmunicipaux.

Orlovgrognad’anticipation.«Etpuisilyacejugequimériteraitunebellefrayeur.»

«Et?»poussaFeliks.Ilétaitsûrqu’Orlovn’enavaitpasfinideseplaindredel’injusticedela

justiceenverssesactivitéscriminelles.

«Etbien,»continuaOrlovenévitantderépondre.

Pyotrgrogna.«Nemedispasquetuparlesencoredeça?»

«J’aitort?»Orlovgesticuladesmainsavecemphase,lesmotss’empâtanttandisqu’ilparlait

deplusenplusvite.«Ilétaitcensécomplétercecontratilyadessemaines!»

FeliksobservaPyotrdeprès.Laréunionsetenaitdanssonrestaurant.Ilétaitconsidéréunpeu

commelepacificateurdel’organisation.C’étaitPyotrquiavaitsuggéréàFeliksqu’ilreporte

l’assassinatdelafemmejusqu’auderniermoment,dansl’espoirqu’Orlovperdesonintérêtdanscette

cible.

Àl’extérieurdeleursallederéunionfermée,Felikspouvaitentendrelebruitdelamusique

traditionnellejouéeparlegroupe.Unevoixdefemmechantaitunairrusseplaintif,parlantd’un

amourperdu.C’étaitainsiquetournaitlemonde.Dieudonnaitlavie,etFelikslareprenait.

«CettefemmeestapparentéeàVadirPolzin,»ditPyotraveclassitude.«Orlovalesentiment

quel’hommeatransgresséleslimitesposéesparl’organisation.»

«C’estlecas!»criaOrlov.«Tulesaisbien!»OrlovfitsigneàFeliks.«Quandtonmentor

Vasilyaétéassassiné,c’étaitparcequePolzinopéraitdesonproprechef.Ilnousmettousendanger.

Ildoitêtrearrêté.»

Feliksforçauneabsenced’expression.IlensavaitpeusurlecomptedeVadirPolzinmisàpart

lefaitqu’ilétaitunimmigrantquin’étaitpasauxÉtats-Unisdepuislongtemps.

«Nousdevonsluienvoyerunmessage.»Orlovclappasesmainsensembleavantdelesfrotter

commes’ilvenaitdepenseràunplanmerveilleux.«S’ilperdaitunenfantàcausedesastupidité

d’avoiragiendehorsdel’organisation,çaluiapprendraitcequ’estl’humilité.»

«Est-cequ’ilafaitquelquechosedemal?»demandaFeliksavecunsourirefroid.«Parce

qu’assassinerl’enfantd’unhommesembleassezpersonnel.»

«Effectivement,»ajoutaPyotrsombrement.

Orlovrenifla.«Ils’estmoquédenosrègles.»

«Alorsqu’ilpaieavecsaproprepeau,»suggéraFeliks.

«Outuestropsensiblepourceboulot?»Lesyeuxcupidesd’Orlovscintillèrent.«Monfils

Yurin’estpasunlâche.Ilpourraits’occuperdececontratetprendrelaplacedeVasilyànotretête.»

FeliksplissalesyeuxversOrlov.Lefilsd’Orlov,Yuri,étaitunbâtardprétentieuxet

fondamentalementméchantquitorturaitsesvictimesavantdelestuerpoursonplaisir.Feliksne

permettraitjamaisqu’Orlovdonneàcepetitenfoiréunpermisdetuer.

PyotrlançaàOrlovunregardméprisant.«Feliksn’estpasunlâcheettulesais.Arrêtede

tenterdecauserdesproblèmes,ouondiscuteradetefoutreàlaporteduconseil.»

Feliksravalalenœudquis’étaitformédanssagorge.«Devrions-nousfairelaguerreàune

femmepourenseigneruneleçonàsonpère?»

«Apartsituestropdélicatpourt’enoccuper,»raillaOrlov.«Peut-êtredevrions-nous

chercheruncandidatplusvaillantpournouscommander.»

«Jen’aipasditquejeneleferaispas,»soutintFeliks.«Jemedemandaisjustecomment

assassinerunefemmeferaitimpressionsurcethomme.»

«Tun’aspasvuàquelpointcetidiotaimesafille,»raillaOrlov.«Ilécouteraunefoisqu’elle

n’estplus.Ilsauraqu’ilafâchélesmauvaisespersonnes,etilviendranoussupplierdefairepartiede

notreorganisation.»

Felikssentitquelquechoseremuerdanslevoisinagedecequ’ilauraitautrefoisappeléson

cœur.Ilrepoussarapidementcesentimentethaussadesépaulesdemanièredésintéressée.«Sic’estce

quesouhaiteleconseil.Lesfonctionnairesmunicipauxregretterontlejouroùilssesontmisen

traversdevotrechemin,etlafemmemourra.Puisjeprendrailescommandes.»

***

Annikapolzinclaqualepetitverreàshotsurlebaretrejettalatêteenarrièreavecuncride

joie.«Crachelepognon,pigeonne.»

«Pasjuste!»parvintàdéclarerWrenmêmesiellesemblaitêtresurlepointdevomirsurtout

lebar.«Tuastriché.»

«Non,jesuisrusse.C’estladifférence,»répliquaAnnikafièrement.

Wrenrenifla.«C’estsuperquetusoisaussifièredetonhéritage,maistunepeuxpascontinuer

àl’utilisercommeuneexcusepourtaconsommationexagéréed’alcool.C’estdesconneries.»

Annikasepenchaverssonamie,sesentantplusheureusequejamais.C’étaitpeut-êtrelavodka.

MaisAnnikaauraitaimépenserquec’étaitparcequesavieétaitenfinrevenuesurlabonnevoie.Son

pèreétaitenfinpasséoutresondégoûtpourl’éducationaméricaine,etellevenaitdes’inscrireà

l’UniversitédeBostonpourentamersesétudesdepremiercycle.

«Tuasdéjàdécidédansquelmastertuallaistelancer?»demandaWren,criantpourêtre

entenduepar-dessuslamusiquetonitruantedujuke-box.

«Pasencore.»Annikasoupiradesatisfaction.«Jemesuisseulementinscritepourdescours

d’éducationgénérale.Jesuistellementheureusequepapaaitaccepté.Jeneveuxplusperdreuneseule

minute.»

«Tonpèreestvraimenttrèsprotecteur,»observaWren.«Touslesparentsrussessontcomme

ça?»

Annikahaussalesépaules.«Jeneconnaisquemonpère.»

«Etmaintenantquetuesétudianteàl’université,»ditWrend’unairdramatique.«Ilesttemps

quetut’envoiesenl’air!»

«Ouais,»criaAnnika.«Quelafêtecommence!»

Lebarmanlevalesyeuxauciel.«Lesfilles,sivouscherchezunmec,jepensequevousavez

déjàattirél’attentiondel’und’eux.»

«Oùça?»Annikafittournersontabouret,cherchantuneproiepotentielle.

Leserveurfitungestedelamainenindiquantuncoinsombredubar,àl’opposédujuke-boxet

delaplupartdesclients.«Cemecvousregardedepuisaumoinstrenteminutes.Danscetendroit,ça

indiquesouventdel’intérêt.»

Annikafitdansersessourcils.«Ouais,maisquelgenred’intérêt?»

«Sansrire,»lançaWren.«Cemecal’airdangereux.»

«Etdélicieux.»Annikarejetaseslongscheveuxblondsbouclésenarrière.Ellelançaaubel

inconnuunsourirequicriait‘viens-ici’etattenditdevoircequisepasserait.

«MonDieu,ilvientversnous,»ditWrend’untonétranglé.«Tuluiasenvoyéunbouquetde

phéromonesouquoi?»

«Non,c’estjustemoi,»sevantaAnnikaàsonamie.

«Mafille,jenevaispastelaisserrentreraveccemec.Ondiraitlefilsdémoniaqued’untueur

ensérieetd’untruand.»Elleattrapalebrasd’Annikaetleserra.

«Jesais.»Annikanepritmêmepaslapeinedecachersonempressement.

Legéantdépassaitfacilementlemètre85.Sesbottesdemotardétaientérafléesetmarquées

commes’illesavaitportéespourtraverserl’enfer.Ilavaitlacarrurelarge,maisilétaitmincede

tailleetdehanches.Annikasedemandaàquoiilressembleraitsanssachemise.Ellevoulaittracerses

abdosdeferjusqu’àcequ’illasuppliedebaisserlesmains.

«Ilal’aird’uncriminel,»décidaWren.«Quineportequedunoir?Cemecporteunjeans

noir,unechemisenoireetuntrench-coat.Untrench-coat,Annika!Sérieux!»

«Ouais,ouais,sérieusement,»assuraAnnikaàsonamie.«Sérieux,jeveuxglissermesdoigts

danscettemassedecheveuxnoirs.»

«Ferme-la,»sifflaWren.«Ilvat’entendre.»

L’inconnulevaunsourcil,suggérantqu’ilpouvaiteffectivementl’entendre.Annikas’enfichait.

Pourquoicachercequ’ellevoulait?Ellenecherchaitpasàemménageraveccetype.Ellevoulait

justefaireuntoursursamoto…ouailleurs,s’illevoulait.

«Salut.»Sonaccentrusseétaitimmanquable.

Annikapenchalatêtedecôté,complètementfascinéeparletimbresexydesavoix.Ellelui

retournasessalutationsenrusse.«Bonsoir.Tuvienssouventàcebar?Jenet’aijamaisvuavant,et

jepensaisquejeconnaissaistousleslocaux.»

Unéclairdesurprisetraversabrièvementsesyeuxsombres.«Jesuisnouveauenville,»

répondit-ilenrusseparfait.

Wrens’éclaircitbruyammentlagorge.«Hé,pardon,maisvouspourriezvousparleren

anglaispourquelerested’entrenouspuissionssuivrelaconversation?»

«Pardon,»réponditl’hommedansunevoixbasseetagréable.«Jem’appelleFeliks.Etvous

êtes?»

Annikasourittellementquesonvisageauraitpusefendreendeux.«Jem’appelleAnnika,et

voiciWren.»

«Etons’enallaitjustement,»ditWrenàAnnikaavecinsistance.

«Oh,tudoispartir?»répliquaAnnikaàsonamieavecunetristesseexagérée.«C’est

dommage.Alorsjet’appelleraidemainmatin.»

«Annika!»lâchaWren.

AnnikaétreignitbrièvementWren.«Jevaisbien.Jepromets.»

Feliksposaunemainsursoncœur.«Jejuredebienmecomporteràtoutmoment.Maisjene

saispasvraimentcommentprouverquejenesuispasunassassinsanguinaire.»

Wrenéclataderire.«Etc’estexactementcequediraitunmeurtrier.»

«Jesais.»Feliksluiadressaunlongsoupir.«Iln’yatoutsimplementaucunmoyend’assurer

mesbonnesintentions.»

«Jepensequecesontmesintentionsquilatracassentleplus,»luiditAnnikaenriant.

«Tuesincorrigible,»grondaWren.«Tuferaismieuxdem’appelerdemainmatin.Non.En

fait,tuferaismieuxdem’appelertardcesoir.Compris?»

«Ouimaman.»

WrenquittalebaretAnnika.Feliksregardasonamies’enalleravecunairpresquetristesur

sonbeauvisage.

«Ellenerigolepasquandellemeditdel’appeler,»luiditAnnika.

Lefantômed’unsourireéclairasestraits.«Alorsc’estunebonneamie.»

«Tuveuxboirequelquechose?»Annikafitungesteaubarman.

«C’estmaréplique.»

«Alorspardondetel’avoirvolée.»

Felikssepenchaenarrièrecontrelebar,posantsescoudessurlasurfaceenacajoulisse.«Je

pensaisplutôtsortird’ici.»

«Vraiment?»

«C’estquoimaprochaineréplique?»demanda-t-il,penchéverselleetmurmurantlesmots

danssonoreille.

L’excitationcirculadanslesveinesd’Annika.C’étaitexactementcequ’elleavaitcherchéce

soir.«Pourquoituneviendraispaschezmoi?»

«Parfait,»souffla-t-il.«J’allaisjustementtelesuggérer.»

ChapitreDeux

Annikanepouvaits’empêcherdepenserqu’ellefaisaitpeut-êtrelaplusgrandeerreurdesavie.

Malheureusement,elleavaitdumalàs’enpréoccuper.Feliksétaituneprésenceréconfortante

derrièreelle,dansl’étroitcouloirmenantàsonappartement.Iln’yavaitriendemenaçantdansl’aura

decethomme,celadit.Elleétaitconvaincuequesesinstinctsl’auraientmiseengardes’ilavaitnourri

dequelconquesmauvaisesintentionsàsonégard.ElleétaitlafilledeVadirPolzin.Siquelqu’un

pouvaitrepérerdelamalveillance,c’étaitbienelle.

Laclésecoinçadanslaserrure.Ellelafitjouerunpeu,etlavieilleportes’ouvrit.Ellemena

Feliksdansl’intérieursombredesonminusculestudio.L’espacesemblasecontracterparsaseule

présence.

«Sympa,»murmura-t-il.Sonregardseposasurlefutonquiluiservaitdelit.«J’apprécietout

particulièrementl’accessibilitédulit.»

Annikasentitsesjouess’empourprer.«Jenesuispasdouéeenménage.»

«J’ail’intentiondefoutreunpeulebordel,detoutemanière.Pastoi?»Ilhaussalesépaules.

Unrirebouillonnaenelle,etunefoiscommencé,elleneputs’empêcherdeglousser.Ellese

sentaitridicule,maisenmêmetempsexcitéeetnerveuse,ettoutescesémotionssemêlèrentdansune

crisedefourire.

Felikssourit.Puisilenveloppasesbrasmusclésautourdesoncorpsetlaréduisitausilence

grâceàunlongbaiserprofond.Ellecessaderireetseplongeadanslachaleurducontactdecet

hommeincroyablementsexy.

Ilavaituneodeurdivine.Unmélangedementhe,deboisdesantaletd’homme.Elleenroulales

brasautourdesanuqueetjouadesdoigtsaveclescheveuxdesanuque.Ilsétaientdouxcommela

soie.Elleglissalesdoigtsdanssesmèchessombresetéraflalégèrementsoncuircheveludeses

ongles.Ilréponditenglissantlalanguesurlepourtourdeseslèvres.Ellepoussaunpetitcri,etilen

profitapourglissersalangueàl’intérieur.

Unechaleurliquides’accumuladanslebas-ventred’Annika.Elleétaitenfeu.Toutcequise

trouvaitsoussataillefondit,etellesepressaaussiprèsdesoncorpssculptéqu’ellelepouvait.Levant

unejambe,elleglissasonmolletlelongdusien.Illuivintàl’espritqu’ellevoulaitvraimentse

débarrasserdesonjeans.Ellevoulaitsentirlapeaudecethommecontrelasienne.

Elleglissalesmainsdesanuqueàsontorse.Elletrouvalesbordsdesonmanteauetle

repoussapar-delàsesépaules.Ilnecessajamaisdel’embrasser.Leurcontactsefitpressant,presque

désespéré.Ils’éloignajusteassezpourretirersonmanteau.Iltombaenpileausolavecun

bruissementdoux,etunbruitsourdquisonnaitétrangementincongru.

Ellenepritpasletempsdepenseraumanteau.Felikssaisitl’ourletdesont-shirtetlepassa

par-dessussatête.Illejetasurlecôtéetposaleslèvressurlecreuxentresanuqueetsonépaule.Elle

gémitenrejetantlatêteenarrière.Lasensationondoyantedesesbaiserslafitmouiller.Ellese

tortilladedésir.

Annikamourraitd’enviedevoirletorsemusclédecethomme.Ellelevarapidementsont-shirt

desonpantalonetsemitsurlapointedespiedspourluienlever.Lecotonrestabloquésursatêteetil

éclataderire,levantlesbraspourl’enlever.Legesteluidonnaunaperçudutorsecachésouslecoton

noir.C’étaitlaperfectionmasculineàl’étatpur,etpourl’instantilétaitlàpoursonplaisir.

Ilpassaunbrasderrièresondosetdégrafasonsoutien-gorge.Sesseinsjaillirentdevantelle.

Sestétonsdurcirentdansl’airfraisdel’appartement.PuisFelikspritchacundanssesmainsetbaissa

laboucheverssachairenfiévrée.IlembrassaetcaressaAnnikajusqu’àcequ’elleaitl’impressionde

mourirdeplaisir.Elleplantalesdoigtsdanssescheveuxetl’attiraplusprès.Ellevoulaitqu’ilsoit

encoreplusproche.Elleavaitbesoindelui.

Ellefitdansersesdoigtssursapoitrine.Elleadoraitchaquecreuxetangledécouvertsurses

muscles.Sasoliditéétaittellementexcitante!Leboutdesesdoigtseffleuralatoisonclairesousson

nombrilavantdedescendreplusbas.

Ilgémitquandelledétachasonpantalon.Ellen’avaitriencontrelespréliminaires,maisAnnika

étaitimpatientedetenirsonsexeentresesmains.Elleglissaunemainsousl’élastiqueetentourason

pouceetsonindexautourdelabaseépaissedesabite.Iltrémoussaleshanches,etelleserendit

compteàquelpointilétaitdur.

«J’aienviedetoi,»murmura-t-il.«J’aienviedetebaiser,Annika.»

Ellegémit,l’aircomplètementdévergondéeetfranche.«Ohoui,fais-toiplaisir.»

FelikspritAnnikadanssesbras.Ildévoraseslèvresavecaviditéenlatransportantrapidement

jusqu’aulit.Ilbalayalapiledevêtementsoccupantlemilieudesonlit,quiseretrouvaparterre.Puis

illadéposaavantdeluilancerunlongregarddedésirardent.

«Cejeansestvraimentsuperflu,»gronda-t-il.

Ellel’invitadudoigt,sesentantimpertinente.«Letiensd’abord.»

Illafixadesyeuxencommençantàdescendresonpantalonetsonboxerlelongdesesjambes.

Labouched’Annikasefitplussècheàchaquecentimètredepeaurévélé.Sesjambesétaientépaisses

demusclesetcouvertesdepoilsnoirs.Ilyavaitunniddepoilscourtsetdrusàlabasedesabite.Elle

seléchaleslèvresàlavuedelalongueuretdel’épaisseurdesonsexe.

«Unhommepourraitavoirdesidéesdécadentesquandunefemmeleregardecommeça,»lui

dit-il.

«Montre-moi,»exigea-t-elle.

SAREQUETEIMPERIEUSEenvoyaunéclairdedésirdanslecorpsdeFeliks.Cettefemme

étaitincroyable.Iladoraitgénéralementlesfemmes.Ellesétaientdoucesetchaudes.Ilaimaitse

perdredansleurscorpsaccueillants,maissesinstinctsprofondsluidirentquepénétrerAnnikaserait

uneexpériencesingulière.C’étaitvraimentdommagequ’iln’aitd’autrechoixquedeluiôterlavie.

Ilsedébarrassadesesbottesetretiralerestedesesvêtements.Puisilsebaissapourdétacherle

jeansd’Annika.Illebaissalelongdesesjambes.Ilarrêtaàsesmollets,souriantenvoyantses

sourcilsseleverd’anticipation.

Elletortillalespieds,riantlorsqu’illuiattrapaleschaussurespourlesarracher.Feliksleslança

par-dessussonépauleetlesentenditheurterleplancherenbois.Puisilcontinuaàdéshabillerla

femmequiseraitsonévasionpourunenuit.

«Tuesexquise,»murmura-t-il.«Jeveuxembrasserchaquecentimètredetapeaudélicieuse.»

Plaçantsespaumessursescuisses,iltestalasoliditédesachairchaude.

«Alorsvas-y,»luidit-elled’unairenjôleur.«Mêmesijesuisimpatientequetumebaises.»

Sesmotsledécomposèrent.Feliksgronda,plaçantungenoudechaquecôtédeseshanches

pourrecouvrirsoncorpsdusien.Ill’embrassapassionément,luifaisantl’amouravecsabouche.Illa

dominaàsamanière,lasentantsesoumettreàsapossessionavecchaquefibredesoncorps.

Sapeauglissasurlasienne.Ilsentitlachaleurdesescuissestandisqu’ellelesécartaitpour

l’accueillirdanssoncorps.Leglandsensibledesonpéniseffleural’étroitebandedepoilscouvrant

samotte.Ilsefrottacontreelle,sentantsonérectionsenicherentreseslèvres.Ellemouillaitde

manièreincroyable.C’étaitgrisant.

Ellegémitetsetortillasouslui,ruantleshanchesenlesuppliantdelapénétrer.Ilseretint.Ilne

voulaitpasqueleursébatsseterminenttropvite.Çafaisaitdessemainesqu’iln’avaitpasprisune

femme,etunedécennieouplusqu’iln’avaitpasrencontréunefemmecommeAnnika.Ilétaittemps

desavourercettedécadence.

Ilserégaladesesseins,suçantsestétonsjusqu’àcequ’ellesecambresurlelit.L’enveloppant

dansunbras,illamaintintimmobilealorsqu’ilsedéplaçaitentresesjambes,positionnantsongland

devantsontrou.

Sachatteétaitétroiteetdouce.Felikssavouralapressiondesabitedanssoncorpssvelte.Elle

passasesjambesautourdesatailleetlemaintintenplace.Ilritenserendantcomptequecettefemme

neseraitjamaispassive.Elles’ancracontrelabasedesonérectionjusqu’àcequ’ilsentesesmuscles

internesplanerauborddel’orgasme.

«Feliks!»cria-t-elleensedécomposant.

Ils’émerveilladesentirsoncorpsjouirautourdelui.Sachaleursoyeuselefitpresqueperdre

lecontrôle.Agrippantseshanches,ilcommençaàlapomperfurieusement.Illabaisaaussifortqu’il

l’osait,etelleréponditàchacundesescoupsderein.

Sesonglesseplantèrentdanssesépaules,etilsedélectadelaviolencedumoment.Ilobserva

sonvisagetandisquechaquemuscledesoncorpssepréparaitàunnouvelorgasme.Ilcontinuaàla

prendresauvagement.Ilsentitlabrûluredesonpropreorgasmes’embraserdanslesmusclesdeses

fesses.Quandilneputplustenirpluslongtemps,avecuncriembrouillémi-russemi-anglais,il

déversasesemencedanslesprofondeursaccueillantesd’Annika.

Ellejetalatêteenarrièrecontrelelitethurlaenjouissanttandisquedesvaguesdeplaisirle

submergeaient.Ilétaitivredessonsdesescrisethalètements.C’étaitunmomentqu’iln’oublierait

jamais.

Roulantsurlecôté,Felikss’affalacontrelematelaspeuépaisethaletacommes’ilallait

s’évanouir.

«Putain,»murmuraAnnika.«Mercipourça!»

Iléclataderire.Justeaumomentoùilpensaitl’avoirunpeucomprise,ellefaisaitquelque

chosedesurprenant.Ill’attiraversluipourqu’elleposesatêtecontresapoitrine.Cettepositionétait

étrangementsatisfaisante.Iln’étaitpasdugenreàfairedescâlins.Annikaétaitdifférente.Iln’yavait

nisanglotsnigémissements,justelasatisfactiond’ébatsspectaculaires.

«Iltefautunplusgrandlit,»dit-ilengrondant.

Ellelepoussadanslescôtes.«Pasquestion.Lesmecsimagineraientquec’estuneinvitation

pourpasserlanuit.»

«Ohjevois,doncc’estuncalculsavantpourgardertonindépendance?»Ilappréciaitcefait.

«Absolument.»

«Tuesunefemmeétrange,Annika.»

«Ettueslemeilleurcoupquej’aieconnucesdernièresannées.»

Feliksn’étaitpassûrd’apprécierlecompliment.«Tuveuxdirequeturamènessouventdes

mecscheztoipouruncoupd’unsoir?»

«Hé,tuesjaloux?»

«Non.»

Ilyeutunepauseprolongée.Ilpouvaitsentirsespenséesreprendreunedirectionplussérieuse.

Ellefinitparparler,etiln’yavaitaucunetracederiredanssonton.«J’aidescoupsd’unsoirà

l’occasion.Oui.Maisjepeuxt’assurerquem’envoyerenl’airavectoiestuneexpériencequine

ressembleenrienàcequej’aiconnudanslepassé.»

Safiertémasculineenfutassouvie.Mêmes’ilnesavaitpaspourquoiçal’importait.Dans

quelquesminutes,ilrempliraitsoncontrat,etellen’auraitplusjamaisd’opinion.Etmalgréça,pour

uneraisonincompréhensible,ilsesouciaitdecequ’ellepensaitdelui.

«Etjenem’attendspasàconnaîtreçaavecunautre,»ajouta-t-elle.«Tuesvraimentunique,

Feliks.»

«Toiaussi.»

Ellebâillavigoureusement.«N’oubliepasdetournerleverrouensortant.»

«Tumefousàlaporte?»

«Non,maisjesuissurlepointdetomberdesommeil,doncj’aipenséqueceseraitprudentde

teledemandermaintenant.»

Illaserrabrièvement.«Jem’enoccuperai.»

«Mmm.»

Iln’entenditriend’autrequelebruitdouxetrythmédesarespiration.Feliksl’étudiadansla

lumièretamisée.Iltraçalégèrementlestraitsdesonvisageduboutdesdoigts.C’étaitétrangede

penserqu’ilessayaitdelamémoriser,cettefemmequ’ilnereverraitjamais.

Ilramassasesaffairesetserenditdanslasalledebain.Ils’habillarapidement.Évitantde

regarderlemiroir,ilplongeadanslapochedesontrench-coatetensortituntrousseauremplide

seringueshypodermiques.Uneinjectiondanslecou,etAnnikas’endormiraitpourl’éternité.

Descoupsfurentsoudainmarteléssurlaported’entrée.Felikspressasondosaumuretmitla

mainsurson9mmdanssonmanteau.Ilentenditlemarmonnementd’Annikaalorsqu’ellesortaitdu

lit.

«Quiest-ce?»cria-t-elle

Feliksneputretenirunsourire.Letondécourageantdesavoixdémotiveraitmêmele

prétendantlepluscourageux.Ildevraitattendreaumoinsunedemi-heuredepluspourqu’ellese

rendorme.Lebaravaitététropbondé,etmaintenantsonappartementl’étaitaussi.Cecontratétait

franchemententraindelefairechier.

«C’esttonpère,Annika!»

Felikssefigea.Sonpèreétaitici?C’étaitplutôtgênant.AnnikaneconnaissaitpasFeliks,mais

Vadirlereconnaîtraitimmédiatement.

«Va-t’en!»cria-t-elle.«Jeneveuxpasdecriminelsdansmonappartement.Jeneveuxpaste

voir.»

LeurdisputebruyanteétaitparfaitepourcouvrirlafuitedeFeliks.Ilglissalaboîtedeseringues

danssonmanteauetarpentalentementlaminusculesalledebain.Ilyavaitunpuitsdeventilation,

maislafenêtreseraitdeloinpréférable.

Iltiralevoletetouvritleloquet.Heureusement,lasortiedesecoursétaitjusteàcôté,idéale

poursafuite.Feliksouvritlafenêtreetfutbalayéparl’airnocturnefroiddeBoston.Puisilpassaun

piedparlafenêtreetsortirdel’appartement.

Annikaetsonpèrecriaienttoujoursdanssonstudio.Feliksrefermalafenêtreets’éloigna.

Orlovdevraitpatienterunpeupluspourêtresatisfaitdelaclôturedececontrat,maisFeliks

termineraitsatâcheetprendraitsaplaceméritéeauconseil.Surcepoint,ilétaitsûr.

ChapitreTrois

Cinqsemainesplustard...

«Jemefichedetesputainsd’affaires!»criaAnnikaàsonpère.«Tun’esqu’unescroc,etje

veuxquetusortesdechezmoi.Maintenant.»

«Annika,princesse,»cajolasonpère.«Nesoispasstupide.Jesuistonpapa,non?»

Elleclaquaunecasserolesurlacuisinière.Elleavaiteul’intentiondesepréparerquelque

chosesurlepouceavantsescours.Puissonpères’étaitpointéetavaitfaitdéraillersonhoraire

soigneusementéquilibré.

«Oui,tuesmonpère.Maisparfoisj’ail’impressionquec’étaitungestecalculédetapart.»

«Commentça?»Ileutl’airoffensé.

Elleétudiasonphysiquefrêleetsonvisageblême.Sonpèren’avaitpassouventl’airdansson

assiette,maiscommentpouvait-ilêtrerobustes’ilévitaitconstammentlesautoritésetlamafiarusse

deBoston?

Elleallumalacuisinièreetobservalebrûleurs’enflammer.«Tuasépousémamère

américaineàMoscoujustepourpouvoirvenirauxÉtats-Unis.»

«TamèreestmorteenRussie!Jenesuisjamaisvenuavecelle.»

«Non.Tuesvenuavecmoi.Aprèsmanaissance,legouvernementaméricainn’auraitjamais

putefoutrehorsdupays,»dit-elleamèrement.

Ilposalapaumedesamainsursoncœur.«Tumeblessesavectessoupçons.»

«Vraiment?Parcequejeparieraisunefortunequejen’aipasquetueslàparcequetuveux

quelquechosedemoi.»

«JedoisdélivrerunmessageauFBIpourmoi.»Sontonétaitsisuppliantqueleslarmesen

coulaientpratiquement.

«Ha!»Ellecraquaunœufdanslapoêleetl’écoutagrésiller.«Ettunepeuxpaslivrerce

messagetoi-mêmeparcequetuesrecherchéparlesagentsfédéraux.C’estça?»

«C’estunmessagequirègleraunlégermalentendu.»

L’odeurdecuissondesœufsdevintsoudainaigreaunezd’Annika.Elleeutunhaut-le-cœur.

Sonestomacseretourna,etelleplaçarapidementunemaindevantsabouche.

LecomportementdeVadirsefitpragmatique.«Qu’est-cequinevapas?»

«Jevaisêtremalade!»

Ellerepoussasonpèreetseprécipitadanslasalledebain.Ellearrivaauxtoilettesjusteà

temps.Agrippantlesbordsdeporcelaine,ellevomitjusqu’àcequ’elleaitl’estomacvide.

Tâtonnantpourtrouverlapoignée,elletiralachassesurlecontenuets’affalaenmassesurle

sol.Commedurantladernièresemaineetdemie,ellesesentaitmieuxaprèscesépisodesbrefsde

malaisesviolents,bienqu’ellesesentetoujoursépuiséeetpasdanssonassiette.

«Tuvasbien?»Sonpèreétaitappuyécontrelechambranledelaporte,lesbrascroisés.

«Super.»Elleluilançaunregardnoir.«Jesuispresquesûrequetesaffairesillégalesme

rendentmalade.»

Ilrenifla,choisissantdepasseraurusseaulieudel’anglais.«Etjesuiscertaindemesouvenir

àquoiressembleunefemmequandelleaunpolichinelledansletiroir.»

Annikasefigea.Cevieuxfouavait-ilraison?Ellen’avaitmêmepasconsidérécettepossibilité

avantqu’ilnelamentionne.Soncerveauvagabondaimmédiatementàlarecherchedesesdernières

règles.

«Tuasl’aird’acceptercettepossibilité,»songea-t-il.«Quivais-jedevoirliquiderpouravoir

touchémafille?»

«Tun’aurasàdescendrepersonne.Jesuisunefemme.Jefaismespropreschoix.»

«Detouteévidence,»dit-ild’unevoixtraînante.«Maistuferaismieuxdeteremettredeboutet

d’emmenermonmessageauFBI.Après,tupourrast’occuperdetespropresproblèmes.»

Elleseremitdebout,sesentantétourdiemaisplusfurieusequ’ellenel’avaitétédepuis

longtemps.«Jesuisdansunbeaupétrin,ettutepréoccupesplusd’avoirmonaidepourréglertes

problèmesidiotsavecleFBI!»Elleledépassaenlepoussant.«Sorsdemonappartementetn’y

remetspaslespieds.Jenerigolepas.J’enaimarrequetum’utilisespourtesaffaireslouches.J’enai

finid’êtretonpion.»

Vadirplissalesyeux,etAnnikaputsentirlachaleurdesacolèregrésillercontresapeau

commesic’étaitphysique.Elles’enfichait.Elleenavaitsaclaquedebaignerdanscemilieumalgré

elle.Ill’avaitutiliséecommeaccessoiredesescrimesdepuisqu’elleétaitcapabledesourireet

d’avoirl’airmignonne.Ellesefichaitpasmald’aliénersonpère.Ellevoulaitreprendrelecontrôle

desavie.

Ilsedirigeaverslaporteàgrandspas,lançantunregardàsacuisinière.«Tonœufbrûle.»

«Alorspourquoinet’enes-tupasoccupé?»Elleseprécipitapourretirerlapoêledela

cuisinière,labalançantdansl’évieroùellefumaetsiffla.«Tupensesparfoisàautrechosequetoi-

même?»

«Jevoulaisjustetevoir,tusais?»LecomportementdeVadirsefitdédaigneux.

«Pourquoi?»

Ilposalamainsurlapoignéedelaporte,prêtàpartir.«Lesyndicatenaaprèsmoi,princesse.

Jesuispresquesûrqu’ilsontenvoyéunassassin.»

«Ettuesvenuici?Tunepensaispasmemettreendanger?»

Quelquechosedanssonexpressionsuggéraunsoupçonderegret.«Jevoulaisjustetevoir,

princesse.»

«Etmaintenanttum’asvu.Fichelecamp.»

Annikaleregardapartir.Elleétaitinquiètequ’ilsemblesisûrquelesyndicatenaitaprèslui.

Maispourl’instant,sespenséesétaienttournéesverssonpropredrameimminent.Silesréflexionsde

sonpèreétaientcorrectes,elledevraitserendreàlapharmacieetespérerqu’elleneferaitpasune

découvertequichangeraitsaviepourtoujours.

ChapitreQuatre

Annikaurinamaladroitementsurlepetitbâtonblanc.Ellefermalebouchonenplastiqueetle

posasurl’évierdelasalledebain.Elleserelevaetcommençaàfairelescentspas.Ellepassadansla

pièceprincipaledesonpetitstudioetfitdescerclesautourdesonfuton.Touteslesquelques

secondes,elleregardaitl’horlogepourvoircombiendetempss’étaitécoulé.Aumomentoùlapetite

aiguilleavaitpasséledouzepourlacinquièmefois,quelqu’untoquaàlaporte.

«Vraiment?»murmura-t-ellesombrementavantdeserendrecomptequeWrendevaitêtre

venuelavoir.«Jet’aiditdenepasvenir.Cen’estvraimentpaslemoment!»

Sesentantirritéeparsonamieetpascomplètementsûredequoidireàproposdesasituation,

Annikatournalapoignéeens’attendantàvoirlevisagefamilierdeWren.Aulieudeça,laporte

explosaversl’intérieur.Annikafutdéséquilibrée.Elleagitalesbraspouressayerdesestabiliser,

renverséeenarrièrejusqu’àcequ’elleheurtelefuton.

Desbotteslourdespassèrentlaporte,etpuisquelqu’unlareferma.Luttantpoursortirdufuton

etseremettresurpied,Annikanevitmêmepasquic’était.Soncœurmartelaitsapoitrine,etlebruit

desonsangemplissantsesoreillesétaitpresquenoyéparlesondesarespirationhaletante.

Elleroulasurlecôtéopposédumatelasettombaausol.Chaqueinstinctgravédanssoncorps

luicriaitdecourir,maisiln’yavaitnullepartoùaller.Qu’était-ellecenséefaire?Tenterde

s’échapperparlasortiedesecours?

Jetantuncoupd’œilderrièrelebordducanevasdeboisépaisdufuton,Annikatenditlecou

pourvoirsonassaillant.«Toi!»Soncœurfutsurlepointdes’arrêter,etelleseremitdeboutpar

réflexe.«Qu’est-cequetufousici?»

Feliksnesouritmêmepasencroisantsonregard.«Jesuisdésolé,Annika.»

«Attends.»Ellesefaufilaverslasalledebain,leseulendroitoùellepourraittrouverun

endroitsûr.«Tueslàpourmekidnapper?»

Songloussementgravehérissalescheveuxdesanuque.«J’aimeraisqueçanesoitqueça.»

«M’assassiner,alors?»Ellecommençaitàsentirlamoutardeluimonteraunez.«C’estpour

çaquetum’asdraguéel’autresoiraubar?Tuavaisl’intentiondemedescendre,maistuasdécidéde

mebaiseràlaplace?»Sontonsefitindigné.

«Non.Cequis’estpasséentrenousétaitunecoïncidence.»Unairderegretéclairasonvisage

sibrièvementqu’ellepensal’avoirimaginé,maisunsoupçondechaleurrestasurseslèvres.Par

contre,sesyeuxétaientplusfroidsquel’arctique.Puisilhaussalesépaulesdemanièrenonchalante.

«Jenesavaispasquituétaiscesoir-là.»

L’instinctluiditqu’ilmentait.«Etquisuis-je?Pourquoifais-tucequetufais?»

«Tonpèreafâchélesyndicatparsoncomportementirrespectueux,»ditFeliksplatement.«On

nepeutpasregarderailleursquandilignorenosrègles.Undesmembresduconseilaététuéàcause

delatéméritédetonpère.»

«Etjevaisypasserparcequemonpèreestunimbécile?»Annikanepouvaitpasexpliquer

l’ironiedelasituation.«Etçateparaîtjuste?»

«Cen’estpasjuste,»murmura-t-il.«Maisladécisionnereposepasentremesmains.»

Elleplantasespieds,prêteàseruerverslasécuritédelasalledebain.«Pasentretesmains?

Tueslàpourmetuer!Mavieesttoutàfaitentretesmains!»

Àcesmots,ellesprintadanslasalledebain.Ellen’étaitqu’àmoinsdetroismètres.Feliksétait

restédel’autrecôtédustudio.Elleattrapalaporteetlaverrouilladèsqu’ellefutàl’intérieur.Elle

l’entenditàquelquespasderrièreelle,jurantenrusse.

«Tunepeuxpastecacherpourtoujours.Jenepensaispasquetuétaislâche.»

«Jenesuispaslâche.»Sonaccusationl’irrita.«Etjedéfiequiconqueditlecontraire.Jesuis

unesurvivante.»

«Ahoui?»Ilsemblaitpresqueamusé.Quelgenred’hommejoueraitainsiavecelle?C’était

tordu.«Etquelsoutilsdesurviecaches-tudanstasalledebain?»

Sesyeuxpassèrentenrevuel’espaceferméminusculeettombèrentsursontestdegrossesse.

Ellesaisitlaboîtepourvérifierlesinstructions.Puiselleramassalebâtonnet.

Enceinte.

Quelquechosequin’avaitétéqu’unepossibilitéeffrayanteunedemi-heureplustôtétaità

présentdeuxfoisplusterrifiant,etpourtantassezbienvenu.Elleinspiraàfondetbranditlebâtonnet

devantelle.Letenantd’unemain,lesinstructionsdansl’autre,elledéverrouillalaportedelasallede

bain.

«Tuveuxunoutil?»demandaAnnika.«J’enaiun.Etcen’estpasunearme.»

«Ahouais?»

Elleouvritlaporteduboutdupiedetsortit.Tenantletestavecprécautiondevantellecomme

unbouclier,elleluifitsignedeprendrelesinstructions.«J’aimanquémesrègles.»

Lapeaulissedesonfrontseplissa.«Qu’est-cequec’est?»

«Contente-toidelire.»

Ilécarquillalesyeuxenserendantcomptequec’étaituntestdegrossesse.Laconfusionéclaira

sonregardsombre.«Qu’est-cequetuveuxdire?Tuesenceinte?»

«Oui.»

«Cen’estpasunpeutôtpourêtresûrdecegenredechoses?»Ileutl’airsceptique.

«J’aimeraisbien.Maisj’aiplusdequatresemainesderetard,j’aidesnauséesmatinalesetje

suisconstammentfatiguée.C’estunelistedesymptômesassezspécifique.Doncj’aiachetéuntest.»

Illuipritlebâtonnetdesmainsetletintàcôtédesinstructions.«Deuxlignessignifieune

grossesse,uneseulenon.»

«Deuxlignes,»grommelaAnnika.

Ilrenifla,agitantlebâtonnetdanssadirection.«Cetteligneesttellementpâlequ’onpeutà

peinel’appeleruneligne.»

«Peuimporteàquelpointlaligneestpâle,imbécile.Jesuisenceinte.»

«C’esttoiquiledis.»

«Tuveuxvraimentprendrelerisqued’assassinertonpropreenfantquandtumedescends?»

FELIKSAVAITL’IMPRESSIONdetomberdansunpuitssiprofondqu’iln’envoyaitpasla

sortie.Assassinerunefemmeétaitunechose.Lefaitqu’ilaitpasséunesoiréeàsavourerlanature

douceetsensuelledecettefemmeparticulièrenefaisaitquerendresonjobplusdifficile.Mais

maintenantelleétaitenceinteetl’enfantétaitprobablementlesien?

Pourlapremièrefoisenplusd’unedécenniedeboulotsréussispourlesaffairesdusyndicat,il

n’avaitaucuneidéequoifaire.Puisilserenditcomptequ’Annikaavaitditquelquechosed’assez

important.Elleavaitappelésonpèreunimbécile.Sisonpèreetelleneseparlaientpratiquementplus,

commentOrlovpouvait-ilaffirmerquetuerAnnikaauraitunimpactsignificatifsurVadirPolzin?

«Es-tuprochedetonpère?»luidemanda-t-il.

Ellesecoualatête,l’airperplexe.«Non,pourquoi?»

«Tul’astraitéd’imbécile.»

«Parcequ’ill’est,»lâcha-t-elle.«Regarde-le,àtoujourssemettredumauvaiscôtédusyndicat

etmettantd’autresendangerpoursefairedufricfacile.»

«Selontoi,tonpèresesouciedetoi?»

Ellefronçalessourcils.Ilpouvaitvoirqu’elleétaitéreintée,maisellesemblaittenirlecoup

mieuxqu’ilnel’auraitimaginé.C’étaitunefemmeforte.

Ellefinitparsecouerlatête.«Tudoiscomprendremonpère.Ilsesoucieprobablementdemoi

autantquecedontilsesouciedanslavie.Ilm’aimedanslalimiteoùjepeuxluiêtreutile.Sijevenais

àdisparaître,ilverraitçacommeundésagrément.»Ellesemblaconsidérerleschoses.«Disonsque

çaleferaitvraimentchier.»

«Suffisammentpoursevenger?»Unesuccessiond’évènementsseformaitdansl’espritde

Feliks.

«Oui.»Ellehochasévèrementdelatête.«S’ilpensaitqu’onluiavaitmanquéderespect.

Pourquoi?»

«Quandas-tuparléàtonpèrepourladernièrefois?»

Ellepressaleslèvres,semblantnepasvouloirrépondreàlaquestion.«Aujourd’hui.Ilestvenu

mevoircematin.»Quelquechosesemodifiadanssonexpression,etFelikseutlesentimentqu’elle

venaitd’assemblerlespiècesd’unpuzzle.

«Dis-moiàquoitupensais,»exigea-t-il.

Annikan’eutpasl’airravie.«Monpèrem’aditquelesyndicatenavaitaprèsluipouravoir

violéleursrègles.Ons’estdisputéssurlesujet.Jenepensaispasqu’ilavaitraison.»

«Ilavaittort.Ilsn’ontjamaiseul’intentiondes’enprendredirectementàsonpère.Tuas

toujoursétéleurcible.»Sonespritétaitailleurs,etilnes’arrêtapaspourpenseràcommentellele

prendrait.

«Detouslesenfoirésarrogantssurterre!»railla-t-elle.«As-tuunsoupçond’humanitédans

tonâme?»

«Pasparticulièrement.»

«J’aidumalàycroire.»

Ilinclinalatête,l’observantetsedemandantcommentelleparvenaitàseglissersoussapeau.

«Qu’est-cequetucrois,etpourquoidevrais-jem’ensoucier?»

«Parcequel’autresoir,quandonacouchéensemble,cen’étaitpasqu’unebaise.C’étaitplus

queça.J’aivutonvisagequandtuasjoui.Unhommen’apascetairlàquandilestmortàl’intérieur.

Tufaispeut-êtresemblantdet’enfoutre,maisc’estfaux.»

Ilétaitsurlepointdelacorriger,maissontéléphonevibradanssapoche.Ilnedoutaitpasqui

l’interrompait.Ceseraitleconseil,demandantlapreuvedutrépasd’Annika.Génial.

«Maisc’estpasvrai!»Ellelançalesmainsenl’air.«Tutesouciesdetontéléphone

maintenant?Tuesenpleinmilieudemonassassinat.»

«Nesoispassigrognon!»Lataquinait-il?C’étaitunepenséehorrible,maisilserendit

comptequec’étaitlavérité.«Tuestoujoursenvie,non?»

Ellelaissaéchapperungrognementétranglé,etavantqueFeliksnepuissesepréparer,elle

lançasasilhouetteathlétiqueverslui.L’instinctlepoussaàl’attraper,maisiln’étaitpasprêtpourle

coupdepiedqu’elleluilançadansl’entre-jambe.

Auderniermoment,Felikstournaleshanchespourprotégersesbijouxdefamille.

Malheureusement,sonacteprotecteurluidonnaduretardsursaproie,quiseruahorsdeson

appartement.Tournantlestalons,ilsprintaderrièreelle.

Lecouloirétroitétaitdifficileàmanœuvrerpoursacarruretandisqu’iltournoyaitautourdela

ramped’escalier.Ilpouvaitentendresespasbruyantsdeuxétagesplusbas.Jaugeantladistance,il

sautapar-dessusl’anciennerampeenboisettombademanièrecontrôlée.Atterrissantenposition

accroupieunétageplusbas,ilneperditpasdetempspourrecommenceràlavoléed’escaliers

suivante.Deuxfoisencore,etilarrivaavantAnnikaaurez-de-chaussée.

«Enfoiré!»hurla-t-elle.«Dégage!»

«Annika,attends.»Illevalesmains.«Jen’aipasdécidécequej’allaisfaire.Nesautepas

hâtivementauxconclusions.»

«Hâtivement?Tuesfou?»Ellepivotaetsemitàremonterlesescaliersencourant.

Feliksgrognaetlasuivit.Àcettecadence,ilallaits’évanouiravantmêmededécouvrircequi

sepassaitvraiment.Ilserenditcomptequ’aufonddelui,ilavaitdéjàdécidéd’épargnersaviepourle

moment.IldevaitdécouvrirpourquoiOrlovvoulaitladescendre.PourquoiattirerVadirPolzinde

cettemanière?Dansquelbut?

«Va-t’en!»Elleluilançalesmotspar-dessussonépauleavantdetenterdeluifermerlaporte

desonstudioàlafigure.

Felikspoussasabotteentrelaporteetlechambranle,faisantlagrimacelorsqueleboismassif

rebonditsursesorteils.Mêmedanssesbottescercléesd’acier,ilsentitladouleur.«Annika,calme-

toi.»

Ellereculaitverslafenêtre,etilserenditcomptequ’elleavaitsansdoutel’intentiond’utiliser

lasortiedesecours.Levantunemain,lapaumeouverte,elleregardapar-dessussonépauleversla

sortie.«Resteoùtues.»

«Oualors?»réprimanda-t-ildoucement.«Asseyons-nouspourparleruninstant,Annika.Je

nevaispastetuer.Franchement,jedoisdirequetum’asvraimentimpressionné.Laplupartdes

hommesd’âgemûrseraitentraind’implorercommedesbébésàtaplace.»Ilsetutbrusquementen

serendantcomptedesonchoixdemots.

«Lesbébésnepeuventpasimplorer,»murmura-t-elle.«Mêmepasquandilsdépendent

complètementdetoi.»

ChapitreCinq

«Tunepeuxpasmegarderprisonnièrepourtoujours,»déclaraAnnikaavecirritation.«Ça

faitdesheuresqu’onroule.Àunmomentdonné,tuvasteretrouversanspétroleousansroute.»

Iljetauncoupd’œilaurétroviseurpourcequiluisemblaêtrelamillionièmefois.«L’unou

l’autre.Maisaumoins,onaseménotrefilature.»

«Quoi?»Ellesetorditdanssonsiègepourregarderenarrière.Elleétaittellementfatiguéeet

affaméequ’ellen’avaitpasremarquéqu’ilsétaientsuivis.«Çaveutdirequ’onpeuts’arrêter?»

«Pourquoi?»

«J’aivraimentbesoindepisser.»Ellenepritpaslapeined’adoucirsontondevoix.«Etjene

croispasqu’onnousaitsuivis.Pourquelleraison?»

«Jen’aipasderéponse.Pourledécouvrir,ilfaudraitquejem’arrêteetquejelestabasseà

mortpourleursoutirerdesinformations.»

«Outupourraissimplementleurposerlaquestion.»Toutecetteviolenceneluiplaisaitpas.

«Pasbesoindetabassertouslesgensqueturencontres,si?»

«C’estlemoyenleplusrapide.»

Elleplissalesyeux,serendantcompteavecsurprisequ’ilétaitentraindelataquiner.«Tu

essaiesd’êtredrôle?Parcequec’estcomplètementdément.»

«Pourquoi?»

«Tum’askidnappé!»

«Jet’aisauvélavie.»

«Ahoui?Explique-moicomment!»

Ilpinçaleslèvres,virantsavoituredesportsurbaisséenoiredansleparkingd’unesupérette.

«Lesyndicatveuttamort.Sij’avaisrefusédefaireleboulot,tun’auraispaseulachancedepouvoir

convaincremonremplaçantdetondroitderesterenvie.»

«Tuescomplètementtordu.»Enfait,sonestomacs’étaitnouéenpensantàsasituation.«C’est

pascomplètementfoireuxquetusoismaseulechancedesurviedumoment?»

«Complètementfoireux.»Ilgaralavoiture.«Allez.Jetelaissesortirpourpisser.Situ

décidesdet’enfuir,necomptepassurmoi.»

«Pardon?»

«JeveuxdirequejenevaispastepourchasserdanstoutBoston,doncsitupréfèresprendretes

chancesavecleremplaçantenvoyéparlesyndicatpourteliquider,alorsamuse-toibien.»Son

expressionn’avaitrienderéconfortant.

Elledéglutitlenœuddanssagorge.«D’accord.Jesaisquejeferaismieuxderestertranquille.

Maissitunemelaissespassortirmaintenant,tuvasdevoirnettoyerlessièges.»

Illuilançaunregardnoiretpressaleboutonpourdéverrouillerlaportière.«Alorsvas-y.

J’attendsici.»

Elleouvritlaportièredetoutessesforcesetroulapresquehorsdelavoiture.Aenjugerpar

sonmanquedegrâceaupremiersemestre,elleavaitdumalàimaginercommentelleseraitquand

elleseraitenceintedehuitmois.C’étaitquelquechoseàprendreencomptesielleallaitdevoir

échapperausyndicat.

Annikasefrayaunchemindanslasupérettebondée,tellementconcentréesurlesfoliesdesa

viequ’ellenevitpaslepolicieravantdeluitombernezànez.

«Pardon,m’dame.»Lepolicierlaremitsurpiedsavecunsourired’autodérision.«Vous

devriezfaireattentionoùvousallez.»

«Oui,jedevrais,»dit-ellefaiblement.Jetantunregardfurtifpar-dessussonépaule,ellelevit

sortirdumagasinetserendreàsavoituredepolicegaréeducôtéopposédecelledeFeliks.

Oserait-elledemanderl’aidedelapolice?Elletournalestalonscommesielleallaitcourir

aprèslepolicier,maissonpapaluiavaitinstilléuneméfianceprofondeenverslapolicequi

l’empêchadeprendrecerisque.Engrommelant,elleserenditàlasalledebain.

Laporteétaitfermée,etelleputentendrequelqu’unbougeràl’intérieur.

«Zut!»siffla-t-elleàvoixbasse.

Croisantlesbras,surladéfensive,ellebaissalesyeuxetserenditcomptequ’elleportait

toujourssonpantalond’intérieuretunsweat-shirtmiteux.Fabuleux.Çaremontaitvraimentson

estimedesoi.

Del’autrecôtédumagasin,ungrandhommeàl’aircadavériqueetavecunebarbichettepointue

ladévisageait.Elleremuaettentadereculerquelquepeupours’abriterderrièreuntasdebières.Le

regarddel’hommenevacillapas.Sapeausemitàfourmiller.Elleauraitdonnén’importequoipour

quelafemmesedépêchedesortirdesputainsdetoilettes.

Laportes’ouvritenfinetunefemmeobèsesortitentrébuchant.ElleaplatitpresqueAnnikaen

sortant.«Bouge-toi,brindille!»

«Vraiment?»Lemotluiéchappaavantqu’ellenepuisseleravaler.

Lagrossefemmeseretournaextrêmementvitepourunefemmedesonpoids.Revenantsurses

pas,elleregardad’unairméprisantlasilhouetteathlétiqued’Annika.«T’asquelquechoseàmedire,

petitegarce?»

Annikasoupira.Leperversàl’airlouchelalorgnaittoujourscommes’ilallaitlabouffer,et

elleétaitsurlepointdesepisserdessus.Cen’étaitpaslemomentd’entamerunedispute.

«Alors?»lâchalagrosse.«T’asperdutalangue?»

«Non.»Annikadisparutdanslasécuritédelasalledebainetfermalaporte.

Unefoisàl’intérieurducabinet,ellesepressadefairesesaffaires.Çasentaitlerenferméet

d’autresodeursdéplaisantesetsonsensdel’odoratmultipliéparlagrossessefaisaitpuerl’endroit

dixfoispirequ’ilnel’étaitvraiment.

Annikatiralachassepuisselavalesmains,toutensedemandantsiellenefaisaitpasqueles

rendreplussales.Ellefinitparretournerdanslemagasinetserenditcomptequeleperversavait

bougé.Ilsetenaitàprésentàcôtédufrigosituédirectementenfacedestoilettes.

Lescheveuxsehérissèrentdanssanuque.Annikal’ignoradélibérémentetsedéplaçadansla

directionopposée.Passantuncoin,elles’aplatitcontreuneétagèreetlevalesyeuxpours’assurer

qu’iln’yavaitpasdemiroirau-dessusd’elle.Iln’yenavaitpas,etelleenprofitapourjeteruncoup

d’œilverslepervers.

Ilétaitentraindes’éloignerdestoilettesverslasortie.Quelquessecondesdeplus,etilse

seraitpositionnéentreelleetsaportedesortie.Cen’étaitpasbon.

Annikaselançaverslaported’entrée.Ellesefichaitpasmaldequilaverraitseprécipiter

dehors.Elledevaitjustes’échapper.Saisissantlaporte,ellel’ouvritetcontinuasacoursefolle.

FELIKSSAVAITQUElesfemmesavaienttendanceàpasserplusdetempsauxtoilettesqueles

hommes.IlenprofitapourenvoyerunmessageàPyotrluiexpliquantcequis’étaitpasséetpourquoi

ilavaitdûsuspendrelecontratsurAnnikaPolzin.PyotrvenaitderépondrequandFeliksvitAnnika

sortirdumagasin.

Toutenellesemblaitébranlé.Enfait,ellesemblaitsibouleverséequeFelikssepenchasousle

siègepourrécupérersonarme.Puisillavitregardersauvagementverssagauche.Lorsqu’ellese

renditrapidementverslavoituredepatrouillesituéeàquelquesdizainesdemètresdelà,Felikssaisit

sonarmepouruneraisontoutedifférente.

Soncerveau,sesinstinctsluicriaientqu’Annikal’avaittrahietdénoncéàlapolice.Mais

quelquechosedanslevoisinagedesoncœurrefusadelecroire.

Alorsilobservaetattendit,sachantqu’ildevraits’enfuird’unesecondeàl’autre.Annikafitun

gesteverslepolicier,pointantdudoigtverslemagasinetutilisantsesmainspouraccompagnerses

paroles.Soitelleétaitvraimentsouslechoc,soitelleétaitunebonneactrice.Felikssoupçonnaitun

peudesdeux.

Sonestomacsenouaenobservantlesdeuxflicssortirdeleurvéhiculedepatrouille.S’ils

avaientsembléintéressésparsonvéhicule,ilauraitagiavecextrêmepréjudice,maisçan’était

apparemmentpaslecas.

Unhommeparladanslaradioaccrochéeàl’épauledesonuniforme.L’autretenaitsonflingue

àdeuxmains.Ilsétaienttousdeuxconcentréssurlasupérette.Ilsregardèrentànouveaudansla

directiond’Annika.Feliksenprofitapourdescendresavitredequelquescentimètrespourles

entendreparler.

«Ilestlà-dedans,»ditAnnikad’untonfrénétique.«Grand,superminceetvraimentlouche.Il

m’afaittellementpeurquej’aicourud’icicommesij’étaisenfeu.Heureusementquevousétiezlà.Il

pourraitêtreunvioleurouunpervers.»

«Ons’enoccupe,madame.Restezici,etonprendravotredéclarationquandceseraréglé.»

«Okmonsieurl’agent.Mercibeaucoup!»AnnikasetournaitdéjàverslavoituredeFeliks.

Elleobservalapolicedeprès.Dèsqu’ilsfurentconcentréssurlebâtimentetentrèrentà

l’intérieur,elleseprécipitaverslecôtépassagerdesavoiture.

Ilneluifallutpasplusd’unesecondepourouvrirlaporteetsejeteràl’intérieur.Ellefermala

portièrederrièreelleetluifitsignededéguerpirdelamain.«Jenesaispascequetuattends,maistu

devraisfoncer.Notrefilaturevaprobablementêtreunpeuoccupéeaveccesdeuxflics,alorscassons-

nous.»

«Notrefilature?»Felikspassalapremière.

«Jepensequeoui.»Lapeaudélicateentresessourcilsseridaalorsqu’ellerepensaitàcequi

s’étaitpassé.«Ilétaitgrand,àpeuprèstataille,jepense.Lescheveuxblonds,desyeuxbleus,et

tellementmincequ’onauraitditunépouvantailavecunebarbepointue.»

Feliksjuraenrusse,enanglaispuisenukrainienpourbienfaire.«C’estYuriOrlov.»

«J’imaginequ’ilesttonconcurrent.»

«Apeine,»renifla-t-il.

«Jevoulaisdirequ’ilvoulaittuertacible,pasqu’ilétaittonégal.»Ellesemitàrire.Leson

étaitgaietvivantcomparéauxténèbresdeleursituation.

Feliksréintégralacirculationetcherchaunendroitoùilspourraientseposerensécurité

pendantquelquesjours.Maisàprésent,ilpensaitqueceseraitimpossible.«Yuriveutunposteau

conseil.»

«Lesyndicataunconseil?»Annikalevalessourcilsdesurprise.

«Biensûr.Commentpourrait-onaccomplirquoiquecesoitautrement?»

«Jeneveuxpasêtreinsultante.C’estjusteunpeufoudepenserqu’uneimmenseorganisation

criminelleaitungenred’hiérarchieetdegouvernementquidictelesrèglesd’affairesdugroupe.»

Ellehaussalesépaules.«Vousêtesdestruands.Cen’estpasuncomportementquej’associeavecles

truands.»

«J’aivraimentl’aird’untruand?»

«Oui.»

Felikssesentitoffenséavantdeserendrecomptequec’étaitellequiletaquinaitàprésent.Il

ravalasonsourireetfitlagrimace.Ilnevoulaitpasqu’ellesacheàquelpointsonimpertinencelui

plaisait.

«Tun’espasaussiméchantquetuleprétends,»annonça-t-elle.

«Etjen’avaispasl’intentiondetetuer?»

Elleagitaunemaindédaigneuse.«Çan’arienàvoiraveclefaitd’êtreméchantoupas.C’est

tonboulot.Jesuissûrequetupeuxfairetonjobquandtuledois.Jeveuxjustedirequecontrairement

àdesmecscomme…jenesaispas…monpère,parexemple,tuasréellementunepersonnalitésous

cecomportement.»

Dieuluivienneenaide,elleavaitprobablementraison.

ChapitreSix

AnnikaregardaFelikschangerdevitesseenlesmenantversunedestinationinconnue.Ses

mainsétaientgrandesetbronzées.Elleremarquaàquelpointsesdoigtsauxonglesémoussés

semblentsûrsenconduisantlavoituredesport.Ilavaituneforcetranquillequil’attiraitdemanière

primaire.

Unesensationdetiraillementdanssonbas-ventrelafitsedéplacerinconfortablementdansson

siège.Ellepouvaitsesouvenird’autreschosesconcernantlesmainsdeFeliks.Commecequ’elle

avaitéprouvélorsqu’ill’avaittouchée.Lamanièredontlespaumesdesesmainsavaientexploré

l’intérieurdesescuissesetl’avaitcajoléepours’ouvriràlui.

Lapenséedeleurpremièrerencontresuffitàaltérersarespirationetàlafairemouiller.Ellese

tortillaànouveau.Pourquoidevait-ellepenseràçamaintenant?Cetypeavaitétéenvoyépourlatuer.

Elleavaitautrechoseàfairequetourneràlapoésieenpensantàsesmainsetlamanièredontilavait

sucésesseins.

Ellecroisalesbrassurceszonesenquestion,quifourmillaientàprésentdubesoind’être

caressées.Feliksétaitdouéavecsesmainsetavecsabouche.Çaneservaitàriendelenier.C’était

peut-êtreunassassin,maisilétaitmeilleuraulitquetoutleshommesqu’elleavaitconnusavant.

«Aquoitupenses?»demanda-t-ilsoudain,luilançantunregardoblique.

«Destrucs.»

«Commequoi?»

Est-cequeçavaudraitlapeinedeposerlaquestion?«Tupensesqu’unfœtuspeutreconnaître

laprésencedesongéniteur?»

«Quoi?»Ilfronçalessourcils.«Tumedemandessiceminusculeamasdecelluleshumaines

quetutransportesdanstonventrepeutressentirnotreprésence?»

«Ouais.»

«Jen’enaiaucuneidée.Pourquoiteposes-tucettequestion?»Ilavaitl’airconfus.

«Parcequejedevraisêtresifuraxcontretoiquejedevraisêtreprêteàtedéchirerlagorge.

Maisaulieudeça,jemesensd’humeuramicale.Laseuleraisonquimevientàl’espritestquele

bébétereconnaîtcommesonpèreetdoncrefusedemelaissertedétester.»

«C’estcomplètementdément.»

«Jesais,maisaumoinsilyaunecertainelogique,»grommela-t-elle.«Parcequemes

émotionsnesontpasdutoutlogiquespourlemoment.Etc’estpeudire.»

Unsouriregénéreuxsedessinasurseslèvres.«Onn’estplustrèsloin.J’espèrequ’avecunpeu

dereposetdenourriture,tudirasunpeumoinsdeconneries.»

«Super.Merci.»

«C’esttoiquivientdedirequ’unfœtust’empêchaitdemedétester.»

«C’estvrai,»concéda-t-elle.«Quandtulediscommeça,çasonneunpeuloufoque.»

Ellevenaitdereprendresonsoufflepourdemanderoùilsserendaientquandelleaperçutune

voiturequicirculaitàgrandevitesseetsedirigeaitdroitverseux.

«Feliks!»

Sesréflexesrapideslessauvèrentdudésastre,maisàpeine.Lavoitureheurtaleurparechoc.La

voituredesportsemitenvrille.Annikas’accrochafermementalorsquelavoiturefaisaituntrois

centssoixantedegrésunefois,suivid’unautredemi-tour.

«Accroche-toi!»ordonnaFeliks.

Lemoteurrugitlorsqu’ilembraya,passaunevitesseettournajusqu’àcequ’ilsoitdenouveau

danslabonnedirection.Lesbâtimentsfilèrentàtoutevitesse.Ilsvolaientdanscetterueétroite.

Feliksfinitpartournerlevolantetfreiner.Annikafutpropulséeverslaportièretandisqu’ils

tournaientlecoindelaruesurdeuxroues.L’allées’ouvritdevanteuxetsemblacontinuersansfin.

Annikatenditlecou,tentantdevoirsiquelqu’unlessuivait.

«Ilsn’ontpassuquitterlecarrefour,»dit-ild’untonsec.«Maisaupointoùonenest,

j’imaginequecen’étaitpasnotreseulami.»

«Eneffet!»cria-t-elletandisqu’unvéhiculeaccéléraitverseuxdel’autreboutdel’allée.

LapetitevoiturefituneembardéequandFeliksaccéléra.Ilsseprécipitaientàprésentversleur

deuxièmeassaillantàtoutevitesse.

«Qu’est-cequetufous?»luilança-t-elle.«Arrête!»

«Fais-moiconfiance.»

Auderniermoment,iltournalevolantverslagaucheetilsvirèrentdansuneruepluslarge.

Annikaavaitmêmepuvoirlevisagebourrudel’autreconducteurunebrèvesecondeavantqu’ilsne

tournent.L’autrevoiturelesdépassaàtoutealluredansl’allée.Lecrissementdespneusremplitl’air

lorsqu’ellesemitàfreiner.

Feliksappuyaànouveausurlechampignonavantdetournerdansuneautreallée.Ilsse

frayaientuncheminsinuantdanslavillecommes’iln’yavaitnicodedelaroute,nitrafic.Les

klaxonsretentissaienttandisqued’autresvoituresfreinaientàbloc,leschauffeurscriantetagitantles

poingsdansladirectiondeFeliks,quinesemblaitpasdérangé.

«T’asapprisàconduireoù?»demandaAnnika.«Al’écoleducirque?»

«EnRussie,enfait.»

«OhmonDieu,noussommesmorts,»gémit-elle.

Ilritcommeunforcené.Puisunrond-pointsurgitdevanteuxetilviracommesuruncircuitde

course,sortantdansladirectiond’oùilsétaientvenus.

«Qu’est-cequetufous?»Ellesedemandasisonespritavaitlâché.

«Jevaislàoùilleurfaudraleplusdetempspourfairedemi-touretnouspourchasser.Tu

croyaisquoi?»

«Ok.C’estpascon.Maisquandtuconduissivite,çamedonnelevertige.»

«Fermelesyeux.»

«Nonmerci.Jepréfèrevoirvenirlamortd’enface.»

Aumilieudetoutecettefolie,Felikspritletempsdelaregarderetdeluisouriredoucement.

«Oui,jevoisça.»

«Tuveuxbienregarderlaroute?»lâcha-t-elle.«Jepréfèrenepasmourirenfonçantdansun

building.»

IléclataderiretoutenmanœuvrantviragesetcontresensdanslesruesdeSouthie,enroute

versunedestinationqu’ilétaitseulàconnaître.Puisiltournalevolantunedernièrefois,etselança

dansunespaceétroitentredeuxgrillesprivéesimmenses.L’espaceétroitdonnaitsurunespaceplus

grandavecunparkingcouvert.Ilsegaradansunspotsituédanslecoinleplussombreetprofondet

éteignitlemoteur.

«Jesupposequ’onyest,»demanda-t-elleavechésitation.

«Enquelquesorte.»

***

«Tuasperdul’esprit?L’amenerici?»demandaPyotrd’unevoixsuffisammentfortepour

signifieraurestedelamaisonleursujetdedispute.

Felikslevalesmainsensignedereddition.«Calme-toi,Pyotr.Cen’estpaspourlongtemps.

Justejusqu’àcequejedécouvrepourquoilemondeentiersemblemeprendrepourcible.»

«Nesoispasstupide,»ditPyotrenrusse.«Tusaispourquoi.C’estparcequetutraînestacible

avectoicommeunbouletaulieudet’endébarrassercommec’étaitprévu.»

«Jenepeuxpasm’endébarrasser,commetudis,»ditFeliksàvoixbasse.

«Pourquoipas?»

«Elleestenceinte.»

Pyotrselançadansunesériedejuronsàvoixbasse,loind’êtredescompliments.«Tues

sûr?»

«Oui.J’aivuletest.»

«Etalors?Tuneferasquedébarrasserlaplanèted’unautrebâtardnondésiré.C’estquoile

problème?»

Pouruneraisonquelconque,leméprisapparentpourlaviederrièrecettedéclarationdérangea

Feliks.Ilrepoussacettepenséeetseconcentrasurl’autrepriorité:lavied’Annika.«L’enfantestde

moi.»

Cettefois-ci,iln’yeutpasdejurons.Justedusilence,etc’étaitbienpire.

Pyotrserassitensilencedanssachaisedebureauencuir,derrièresonimmensebureau

d’acajou,etcroisalesdoigts.«Commentpeux-tulesavoir?»

Feliksexaminalebureau.Lesétagèresdeboissombresétaienttrèsvieuxcontinent.Une

collectiondepremièreséditionsdeclassiquesétaitexhibéedansunebibliothèquevitrée,etdes

œuvresd’artd’artistesrussespendaientauxmurs.Combiendefoiss’était-iltenuàcetendroitpour

recevoirlesordresdePyotroudeVasily?Lesdeuxhommesavaientétéaussiprochesqu’onpuisse

l’être.Feliksavaitétéleurpetitprotégé.Ilavaittoujourspenséqu’ilconnaissaitceshommesaussi

bienqu’ilseconnaissaitlui-même.Maintenant,iln’enétaitplussûr.

«Lapremièrefoisquej’aitentédecompléterlecontratsurAnnika,»ditFeliksd’unevoix

vided’émotions.«Jemesuisrendudansunbaretj’aiconvaincuAnnikademeramenerchezelle

quelquesheures.Onacouchéensemble.Àl’époque,j’avaisl’intentiondel’injecterjusteaprèseten

avoirfini.Malheureusement,Vadirs’estpointé,etj’aidûm’échapperavantdepouvoircompléterle

contrat.»

«Unefemmecommeçaauraitpucoucheravecunedizained’hommeslasemainedernièreet

autantlasemained’avant.Tun’asaucunmoyendesavoirdequiestl’enfant.Pourquoisupposes-tu

qu’elleaitunmoyendepressionsurtoi?»

Felikssentitinstantanémentlafureurlebrûlerenentendantl’accusationdePyotrenvers

Annika.«Ellen’estpascommeça.Tupensesquejenesaispasfaireladifférence?»

«Jen’aipasditça.Jenefaisaisqu’exposerl’impossibilitédesavoiraveccertitudequece

gosseestletienjusqu’àcequ’untestdepaternitésoiteffectué.»

«Jevois,»ditFeliksdoucement.Lacolèrefrémissaitsouslasurfacecommeunebêtesauvage.

«Etlameilleuresolutionseraitd’étoufferlesdeuxviesavantd’avoireul’occasiondeconnaîtrela

réponse?»

«Jen’aipasditçanonplus.Tuveuxmefairediredeschosesquejenepensepas.»

«Jenefaisquedéduiretesintentions!»

Pyotrplissalesyeuxdesuspicion.«Queveux-tuexactementdecettefemme?»

«Jen’ensaisencorerien.»

«Tun’espaslegenred’hommeàt’installeravecunefemmeetàéleverunefamillecommesi

tuétaisunoursapprivoisé.Tuesunassassinsanguinairedeboutenbout.C’estcequetuasétédurant

toutetavieadulte.Pourquoivoudrais-tuarrêtermaintenantpourjoueraupapaetàlamamanavec

unefemmequetuconnaisàpeine?»

«C’estvache.»

«C’estlavérité.»

«Tuasunefamille.»

Pyotrrenifla.«Jenesuispasunassassin.Jesuisunhommed’affaires.»

«Alorspeut-êtrequetudevraisavoirplusdecouilles.»

Levieilhommeéclataderire,levantlesmainsetlesagitantcommes’ilserendait.«Calme-toi,

Feliks.S’ilteplait.Assieds-toietraconte-moiànouveaulerôledeYuridanscettehistoire.»

FeliksseperchasurlebordducanapédePyotr.Ils’assitlesjambestenduesetlescoudesposés

surlesgenoux.Ilétaittropnerveuxpoursedétendre.«Ilnousasuivipratiquementtoutlecheminde

l’appartementd’Annikajusqu’àlasupérette.Aprèsqu’onaitquittélemagasin,deuxvéhiculesnous

ontattaquédanslaville.Aucunedesdeuxn’étaitlavoiturequeYuriconduisaitplustôt.»

«Putaind’enfoiréd’Orlov!IltentesûrementdedonnertaplaceauconseilàYuri.»

«Ceseraitunvraidésastre.Cemecpeutàpeineépeler,encoremoinsfairetournerun

commerce.»

«Oui,maisonesttousaveuglesetstupidesquandilenvientauxtalentsouàl’intelligencede

nospropresenfants,»soupiraPyotr.

«Yuriestcertainementunidiot.Maisilasoifdesang.»

«Oui.C’estpourquoijenepeuxpastepermettreàtoiouàtapassagèrederesterchezmoi.»Il

yavaitunsoupçondecensuredansl’expressiondePyotr.

«Jenem’attendaispasàcequetunousabrites.Jevoulaisjustesavoirsitupouvaismedire

quoiquecesoitàproposdel’implicationdeYuri.»

«Ettudoisaussilaissercoulercertaineschoses.Jenesuispasnéd’hier,jeunehomme.»

«Personnenepourraitledeviner,»blaguaFeliks.

Pyotragitaundoigtdanssadirection.«Tudevraisfairegaffe.Undecesjours,tuvasavoirles

yeuxplusgrandsqueleventre.»

«Tupensesquelesautresremettentenquestionmondroitdem’asseoirauconseil?»Feliksse

demandaitsilevieilhommeluirépondraitfranchement.Ildevaitessayer.

«Difficileàdire.»Pyotrsegrattalabarbe.«Personnen’arienditdevantmoi,maisc’est

possiblequ’ilsendiscutentderrièremondos,comptetenudemaproximitéavectoietVasily.»

«J’aimeraisqueVasilysoittoujourslà,»marmonnaFeliks.

Pyotrfitlagrimace.«Moiaussi.»

ChapitreSept

AnnikaarpentaitlepetitsalonoùFeliksluiavaitditderester.Elledétestaitdevoirrester

tranquille.Elleavaitl’habitudedefairecequ’ellevoulait.Attendrequequelqu’und’autreprennedes

decisionspourelleétaitirritant.

Unpetitvisagepassaparl’encadrementdelaporte.Annikasouritetfutrécompenséeparun

petitsourireédenté.PuisAnnikafitsigneàsapetitevisiteuse.Ilyeutungloussement,maispasde

signedemain.

«Tupeuxentrer,»ditAnnikaàlapetitefille.

Pasderéponse,maisl’enfantsepenchaunpeuplusversellepourmieuxvoirl’intruse.

Annikarecommença,cettefois-cienrusse.«N’aiespaspeur.Tupeuxentrermeparlersitu

veux.»

Lapetitefillefitquelquespashésitantsdanslapièce.Elleportaitunejolieroberoseavecdes

rubansassortisaubasdesestressesblondes.Annikadevinaqu’ellenedevaitpasavoirplusdecinq

ousixans.

Lapetitefillepenchalatêtesurladroitecommeunpetitoiseau.«Mamèreditquetuescensée

êtremorte.»

«Ilparaît.»Annikainterrompitsescentspasetchoisitdes’asseoirsuruntrèslaidcanapévert.

«Maisjesuisassezcontentedenepasêtremorte.»

«PapaPyotraditquetonpapafâchebeaucoupdegensetc’estpourçaquetuescenséeêtre

morte.»L’airperplexesefitplusinsistant.

Est-cequepersonnenesecensuraitdevantcettegamine?Annikasedemandaquoirépondre.

Ellenepouvaitpasvraimentappelerlepapadecettegosseunenfoiré,si?

Annikavenaitdereprendresonsoufflepourrépondrequandunefemmeapparutsurleseuilde

laporte.«Oksana,rentredanstachambreimmédiatement,»lâcha-t-elledansunrussesaccadé,etla

petitefilleprécoceseprécipitahorsdelapièce.

«Neparlezpasàmafille,»ditlafemmedansunanglaisàl’accenttrèsprononcé.

«Jeneluidisaisrienqu’ellenesachedéjà,»expliquaAnnika.«Enfait,elles’estchargéede

m’informerquej’étaiscenséeêtremorte.»

Lafemmeécarquillabrièvementlesyeux.«Jem’excuse.Elleesttropjeunepourserendre

comptequ’elleestgrossière.»

«Jem’enrendsbiencompte.»

C’étaitévidentquelafemmevoulaitendireplus.Annikasedemandaquielleétait.«Vous

pouvezmedemandercequevousvoulez,voussavez?»

«Quoi?»

«J’aiditquevouspouviezmeposerdesquestions,»répétaAnnika.«Jevoisbienquevous

avezquelquechoseàl’esprit.»

«Votrepère.»Lafemmesemblaavoirdumalàparleranglais.

Annikalapritenpitié.Quiétait-elle?Ungenred’épouserussesurcatalogue?Annikapassaau

russe.«Vouspouvezmeparlerenrussesivousvoulez.»

«Pourquoivotrepèrea-t-iltuémonmari?»

Annikaeutl’impressionquequelqu’unvenaitdeluiverserdel’eauglacéedansledos.

«Pardon?Vouspensezquemonpèreatuévotremari?»

«Oui.»

«Quiétaitvotremari?»

«VasilyVolkov.»

Annikasecreusal’espritpourseremémorersisonpèreavaitunjourmentionnécenom.Rien

neluivintàl’esprit.Vadiretelleneparlaientpasbeaucoup.Etelleneluiposaitjamaisdequestion

sursesaffaires.

«Cematinmonpèrem’aditquelesyndicatenavaitaprèslui,»réponditAnnikalentement.«Il

étaitsûrd’avoirfaitquelquechosedemal.Peut-êtrequevotremariétaitimpliqué.»

«Monmariétaitunhommebon!»Lafemmeréprimaitseslarmes.

«Vousvousappelezcomment?»demandagentimentAnnika.

«Irina.»

«Toutesmescondoléances,Irina.Jepeuximaginerquemonpèrepuisseêtreimpliqué,maisje

nesaispaspourquoioucomment,jenesaisrien.»Annikarepensaàtoutcequiluiétaitarrivédepuis

quesonpères’étaitpointéchezellecematin.«Croyez-moi,jesaisdepuislongtempsquemonpère

n’estpasunhommebon.Jesuisdanslepétrinmoiaussiàcausedecequ’ilafait.»

Irinasoupira.«Jenedevraispasvousblâmerpourlespêchésdevotrepère.»

«Jecomprendsquevouslefassiez.»

Irinasemblaréfléchirsérieusementàquelquechose.Ellecommençaàparlerpuiss’arrêta.

Enfin,sonexpressionchangeacommesielleavaitprisunedécision.«Ilyaunearrièreporteici.»

«Ok.»

«Personnenelasurveillepourl’instant.»

Annikaseremitdebout.«Aquelledistancesetrouvelagare?»

«Aquelquespâtésdemaisond’ici.»Irinapointaversunedirectionqu’Annikaestimaêtrele

nord-est.«Lagareestparlà,maisvousdevezvousdépêcher.PyotretFeliksaurontbientôtfinide

parler.»

«Merci.»Annikatouchal’épauled’Irina.«Jemesouviendraidevous.Sijepeuxunjourvous

rendrelapareille,jeleferai.»

«Sortezdecettepièceettournezàgauche,»expliquaIrina.«Voustrouverezlechemin.»

Annikasortitensefaufilantd’unpaslégerhorsdusalon.Elleentenditdesvoixbruyantes

conversantenrusseàsadroite.S’éloignantdesprobableshommesdemaindusyndicat,ellese

dirigeaverslagauchedansuncouloirétroit.

Ilyavaitdesantiquitésetdesbibelotspartout.Annikadutcontourneruneimmensehorlogeou

risquerdesecognerlegenou.Heureusement,lesépaistapispersansétouffèrentlebruitdesespas.

Unefoisatteintleboutducouloir,elleserenditcomptequ’ildonnaitdansunecuisine.Lapièce

derniercriétaitremplied’ustensilesbrillantseninox,maisiln’yavaitpersonneenvue.Annika

contournal’îlotdecuisinejusqu’àlaporte.Elleaccéléralepas,anticipantsalibertéetsedemandant

siellefaisaitlebonchoix.

Saisissantlapoignéedelaporte,etlatournaetl’ouvritprudemment.Elleretintsonsouffleet

écoutaattentivementpourdétecterlaprésenced’hommesàl’extérieur.Leseulbruitétaitle

grondementdutraficd’unerueproche.

Annikamitlepieddehorsetrefermadoucementlaportederrièreelle.Ellejaugeasadirection

etsemitenrouteenespérantmonterdansuntrainarrivantàlagare.Ellejetaunregardderrièreelle

endescendantlesmarchesversl’allée.Feliksseraitsansaucundoutefurieux.Lavéritablequestion,

c’étaitpourquoielles’ensouciait.

***

FeliksremarqualediablotinquilesregardaitparlafentesouslaportebienavantPyotr.Ilfitun

gesteàsonamipourluifairesavoirquequelqu’unécoutaitauxportes.

«Ah,ellealecœurbrisédepuislamortdesonpauvrepapa,»déclaraPyotravecchagrin.«Ça

luiremonteraitlemoraldesavoirqu’oncleFeliksestvenunousrendrevisite,tusais.»

Felikssemitàgenouxetrampaverslaporte.Enutilisantsondoigt,ill’enfonçadansle

voisinagedel’ombredelasilhouettederrièrelaporte.Ilentenditungloussementetunpetitcride

joiedepetitefille.

«Jepensequ’onaunesouris,»ditFeliksàvoixhauteetenrusse.«Onferaitmieuxd’appeler

l’exterminateur.»

«Oupeut-êtrequ’ondevraitprendreunchat,»suggéraPyotr.

Feliksenfonçaànouveauledoigtversl’ombre.«Pourunesourisdecettetaille?Tupeux

imaginerlatailleduchatqu’ilnousfaudrait?»

«Unchaton?»Oksanapensaitàl’évidencequec’étaituneidéemerveilleuse.Laportes’ouvrit

engrand,etlafilledesixansdeVasilyseprécipitadanslebureaudePyotr.«Jeveuxunchaton,

oncleFeliks!Tupeuxm’enapporterun?»

«Jenesaispas,»FeliksjetaunœilversPyotr.«TuvasdevoirposerlaquestionàpapaPyotr

parcequec’estsamaison.»

Felikspritlapetitefilledanssesbrasetserassitsurlecanapé.Elleseblottitcontrelui,etilse

demandacequ’ilressentiraitenprenantsonpropreenfantdanssesbras.IladoraitOksana.Enfait,

Felikssesouvenaitmêmedujourdesanaissance,etcequ’ilavaitressentientenantsonpetitcorps

danssesgrandesmains.Maissonpropreenfantseraituneexpériencetrèsdifférente.

«Jepourraiséchangerquelquechosecontreunchaton,»offritOksana.

Pyotrluisouritavecindulgence.«Etqu’est-cequetuasàéchanger,mapuce?»

«J’aiunsecret.»

Felikssedemandaquelsecretmerveilleuxcettepetitefillepensaitpouvoiréchanger.Peut-être

qu’ilyavaitvraimentdessourisdanslamaison.«Etquelesttonsecret,malenkaya?»

«Ilyavaitunefemmedanslamaison,»annonçaOksana.

FelikséchangeaunregardavecPyotr.Ilssous-estimaientsouventlepouvoird’observationde

cetenfantprécoce.Feliksluitiraunetresse.«Oui,ilyaunefemmeici.»

«Ellen’estpluslà.»

Feliksseretintderéagirviolemment.Oksananecomprendraitpas.«Qu’est-cequetuveux

dire?»

«Jeveuxdirequeladameaquittélamaisonparlacuisine.»Ellefitlagrimace.«Elleétaittrès

gentille.Jepensequemamanl’aimebienaussi.»

FeliksetPyotrseregardèrentsansexpression.Oksanan’étaitpaslegenred’enfantàraconter

deshistoires.Elleexagéraitdetempsentemps,cequiétaitnormalpourunenfant,maisellene

mentaitpas.Irinaavait-elleaidéAnnikaàs’échapper?Pourquoiferait-elleça?

FeliksembrassaOksanasurlesommetdesescheveuxblondssoyeuxetlareposasurlecanapé.

Serelevant,iltentaderestercalme.Enréalité,ilétaitprochedelapaniqueàl’intérieur.

Lecouloiràl’extérieurdubureaudePyotrétaitsilencieux.Feliksmarchaàpasfeutréssurles

tapisépaisenserendantverslacuisine.L’odeurdebiscuitslefitsaliver.Combiendetempss’était

écoulédepuisqu’ilavaitmangéquelquechose?Lesfemmesenceintesnemangeaient-ellespas

fréquemment?EtsiAnnikaavaitfaim?Pourquoin’yavait-ilpaspensé?

Irinaétaitseuledanslacuisine.Ellenelevapaslesyeuxlorsqu’ilentra.Encoreetencore,elle

utilisaitunespatuleplatepourdétacherlesbiscuitscroustillantsdelapoêle.Puisellelessoulevaetles

mitdecôtéavantdepasseràlarangéesuivante.Cetravailsemblaitêtreassezcathartique.

«Irina,as-tufaissortirAnnikaparlacuisine?»demandaFeliksàvoixbasse.

«Da.»

«Pourquoi?»

«Elleétaiticicontresongré.»Sontonsuggéraitquesonchoixavaitététrèssimple.

«Jelesais,Irina,maisAnnikan’estpasensécuritélà-dehorstouteseule.Lesyndicatveutsa

mort.»Pourquoiexpliquait-ilceciàIrina?Cen’étaientvraimentpassesaffaires.Elleavaitvioléla

confiancedelamaisondePyotr.Cen’étaitpasàprendreàlalégère.

Irinaattrapaleboldepâteàcookieetcommençaàformeruneautrerangéesurlafeuillede

cuisson.«Alorslaisse-luiprendresachanceelle-même.Aucunefemmen’aimeêtreprisonnièred’un

hommequ’elleneveutpas.»

«C’estçaqueturessens?»demandaFelikscalmement.

Irinatournadegrandsyeuxsombresverslui.LadouleurqueFeliksyvitneconnaissaitaucune

limite.Elleavaitperdusonmari,etétaitàprésentforcéed’accepterlacharitédesonami.Direqueça

neluicoûtaitpasétaitunefolie.Felikslesavaitaussibienqu’Irina.

Irinaévasalesnarines.«Jeluiaidonnéunechance.Mêmelafilled’unassassinlemérite.»

«Puis-jefairequoiquecesoitpourtoi,Irina?»

Elleseraidit.«Trouvel’hommequiestvraimentresponsabledelamortdemonVasily.Ce

pland’Orlovnetientpaslaroute.Quelgenred’hommesfaitlaguerreauxfemmesetauxenfants?»

«Leslâches.»

Irinaledévisagea,inclinantlatêtedecôtécommesielleletransperçaitduregard.«Tula

désires,Feliks?»

«Elleportemonenfant.»Ilnesavaitpaspourquoiilpartageaitcetteinformation,maisIrina

étaitunefemmequiinvitaitàlaconfidence.

«Alorssuis-laselonsestermes.Nefaitpasd’elleunecaptive.Elledoitvenirdesonpleingré.

Jepensequetulesaisdéjà.»

Iltouchal’épauled’Irinaetfutsurprisdelavoirtressaillir.«Merci.»

Ellebaissalatête.«Etnecroispastoutcequ’onteditàproposdusyndicat.Nefaisconfianceà

personne,Feliks.Mêmepasàceuxquitesontproches.Ilyadesmauvaiseschosesquisepassentdans

cetteorganisation.Vasilylesavait,etçaluiacoûtésavie.»

Feliksvoulaitluiendemanderplus.Ilvoulaitsavoircequ’ellesavaitàproposdelamortde

Vasily.Pourrait-ilyavoiruntraîtredansleursrangs?EtcommentYuriOrlovrentrait-ildanstout

ça?Maispourlemoment,ildevaittrouverAnnikaavantquiconque.C’étaitlaseuletâchequi

importait.

ChapitreHuit

Annikacommençaitàcroirequesaquêtedelibertéétaitpurefolie.Sontrajetdanscequartier

maléclairéétaitaumieuxpénible.Siellen’avaitpasvulastationdetraindebanlieuebienéclairée

devantelle,elleauraitpuêtretentéedetoquerchezuninconnuetlesupplierdepouvoirutiliserson

téléphonepourfairequelquechosedestupide,commeappelersonpapa.

«Ceseraitlecombleduridicule,»murmura-t-elle.

Separleràelle-mêmelafitsesentirmoinsseule.Commentunquartierpopulaired’unezone

métropolitainedynamiquecommecelle-cipouvait-ilêtrecomplètementdésert?Nedevrait-ilpasy

avoirdesgensautourd’elle?

Alorsqu’Annikaapprochaitdelagare,elleserenditcomptequ’ellen’avaitpasd’argent.Feliks

luiavaitpermisdeprendredeschaussuresetunsweat-shirt,maispassonsacousontéléphone.Ça

avaitétéunmouvementstratégiquedesapart,maisçalalaissaitsansriendutout.

Ellefarfouillalespochesdesonsweat-shirtenmontantlesmarchesverslagaredeuxpardeux.

Sesdoigtseffleurèrentunseulbillet.Annikalesortit,soulagéedevoirquelebilletabiméetdélavéde

dixdollarssuffiraitàluipermettrederentrerchezelle.

«Quellechance.»

Ellefutsurpriseparlavoixmasculinerauque.Puiselleserenditcomptequ’ilyavaituneautre

personnedanslagare.L’hommedegrandetailleetmincecommeuncadavredelasupérette.Ilétait

ici.Maintenant.

«Qu’est-cequetumeveux?»demanda-t-elle,tentantdegarderuntonfermeetconfiant.

«PetiteAnnika,»ditl’homme.«Toujoursunelongueurderetard.»

Deuxpersonnespouvaientjoueràcejeu.Ellepenchalatêtesurlecôtéets’approchadubord

delaplateforme.«C’estYuri,c’estça?»

Illuifitunerévérenceridicule.«Leserviced’éliminationdescorpsdeYuriàvotre…hum,

service,j’imagine.»

«Pathétique.»

Sonexpressionsefitgravepuismenaçante.«Ilneterestepluslongtempsàvivre.Tunecrois

pasquetudevraischoisirtesderniersmotsplusefficacement?»

«Quiditqu’ilsnesontpasefficaces?»

Avantqu’ilnepuisseréagir,Annikaselaissatomberdanslatranchéeentrelesplateformes.La

chutedepresque2mètresluiéraflalesgenouxsurlemurdesoutènement,maiselleétaittoujoursen

vie.

«Annika!»raillaYuri.«Qu’est-cequetufous?»

Elleseposalamêmequestionenentendantlesifflementd’untrainfairebriserlesilencedela

nuit.Leslumièreséblouissantesduvéhiculeapprochantl’empêchèrentdebienvoirlapisterocheuse.

«Salopeimbécile!»Yuricouraitlelongduborddelaplateforme.«Tuesentraindefaire

monboulot.Ilmesuffitd’attendredepouvoirprouvertamortetvoilà!J’auraimonfric!»

Ellel’ignora.Cen’étaitpaslemomentdediscuter.Ellen’avaitpasnonplusletempsdedouter.

Marchantàpetitesenjambéesetécartantlesbraspourgardersonéquilibre,ellecourutdanslesens

inversedeslumières.Ellen’auraitqu’àdépasserlafindelaplateformedelagareettrouverun

moyendequitterlerail.Puiselledevraitsecacher.Yurin’abandonneraitpas.C’étaitevident.

«Oh,Annika!»LavoixchantantedeYurilasuivaitpartout.

Deslarmesluipiquèrentlesyeuxtandisqu’ellecherchaitànepasperdrepiedsurlesrochers.

Enfin,l’extrémitédelaplateformedevintvisible.Ellepleurapresquedesoulagement.Puisellevit

qu’ilyavaitunechutede6mètreslelongd’unecollineherbeusepentuedechaquecôtédesrails.

Aprèsça,unpontavaitétéconstruitpourmenerletrainau-dessusdesruesétroitesetdensesde

Boston.

«Tuvois,petitesalope,»raillaYuridusommetdelaplateforme.«Tuferaismieuxde

t’apprêterpourletrain,parcequ’iln’estplustrèsloin.»

Nerépondspas.Nerépondspas.C’étaittoutcequ’ellepouvaitfairepoursetaire.Cemecétait

unvraiconnard!Sonirritationrenforçasadétermination.Etalorsqueletrainsifflasiprèsd’elle

quesesdentss’entrechoquèrent,elles’assitsurlacollineherbeuseetselaissaaller.

«Qu’est-cequetufous?»Ilsemblasoudainincertaindurésultatdésiré.«Tunepeuxpasfaire

ça!»

Ellechutarapidement,commesielleétaitsurunimmensetobogganquitombaitàdesangles

dangereux.Ellecherchafrénétiquementàralentirsachutedanslesténèbresenplantantsesdoigts

danslegazonàcôtéd’elleetsepenchaenarrièrejusqu’àsentirsescheveuxsecoincerdansl’herbe.

Letrajetauraitpuluidonnerunepousséed’adrénalinedansn’importequelleautre

circonstance.Maispourl’instant,elleavaitenviedepleurer.Laseulechosepirequecettechutefolle

futl’atterrissage.Sesfessess’écrasèrentausolsifortqu’ellesemorditlalèvre.Elleavaitfroid,faim

etétaitfatiguée,etelleavaittellementbesoindepisserqu’elleallaitendevenirfolle.Pleurerétait

l’étapelapluslogique,etAnnikaseforçaàretenirseslarmes.

Pendantl’espacedequelquesminutes,ellenebougeapasd’unpouce.Yuriétaitprobablement

toujourslà-haut.Oupeut-êtreétait-ilenroutepourlarattraper.Quoiqu’ilensoit,ellevoulaitrester

immobilejusqu’àcequ’ildécidequ’iln’auraitaucunechancedelaretrouver.

L’airnocturneétaitfraisetcalme.Ellesentitlesodeursdelaterremouillée,desarbresetdes

gazd’échappementpersistantsdestrainsetvoiturescirculantàquelquesdizainesdemètresdelà.Elle

nepouvaitpasvoirleciel,maiselles’imaginaquedansunendroitsanslumières,ilyauraitdes

étoilesàobserver.Justeunefois,ellevoulaitvoirlesétoiles.

«Annika.»

Elleeutdumalàserasseoir.Soitelleentendantdesvoix,soitquelqu’unappelaitsonnom

d’unevoixtrèsbasse.

«Jepeuxt’entendreiciquelquepart.»

Quelquechosedanslerythmeetleton-AnnikaserenditcomptequeçadevaitêtreFeliks.

Commentl’avait-iltrouvée?Était-ilfâché?S’ensouciait-ellevraiment?

«Feliks!»murmura-t-elled’unevoixrauque.

«Tevoilà,»chuchota-t-iljusteassezfortpourqu’elleentendesavoixflottersurlabrise

nocturne.

Elleseconcentrasurlesondesavoixetluttapourseredresser.Sesjambesflageolaient,etson

culluifaisaitmal;ilseraitcouvertdebleuslelendemain.MaisFeliksétaitlà,etpourl’instant,la

seulechoseàlaquelleellepouvaitpenserétaitlasécuritédesonétreinte.

«Annika.»

Ilsematérialisaderrièrelefouillissombred’arbresetdebuissons.Elleneperditpasdetemps.

Courantdanssadirection,ellefutreconnaissantelorsqu’ilécartalesbraspourlarecevoir.Se

blottissantcontrelui,elleenfonçasonvisagecontresontorseetinhalasonodeurfamilièrede

sécurité.

FELIKSN’AVAITPASnécessairementmisbeaucoupdefoidansl’histoired’Irina.Çalui

semblaitabsurdequelameilleuremanièrederesteravecAnnikasoitdelalaisserchoisird’êtreavec

lui.Pourquoiunefemmechoisirait-ellederesteravecl’hommequiavaitétécommanditépour

l’assassineretl’avaitmaintenuecaptiveplusieursfoiscontresongré?

Etpourtant,tandisqu’ilsetenaitdansl’obscuritéetserraitlasilhouettetremblanted’Annika

contresapoitrine,ildevaitavouerqu’Irinasavaitdequoielleparlait.Iln’yavaitaucunsoupçonde

résistancedanslamanièrequ’Annikas’accrochaitàlui.Elleluifaisaitentièrementconfiance.

«Toutvabienmaintenant,»murmuraFeliks.«Tuesensécurité.»

«Jen’auraisjamaisdûpartircommeça.»

Ilconsidérasadéclaration.«C’estvrai,maisjecomprendsquetul’aiesfait.Personnen’aime

êtreemmenécontresongréetconsidérécommeuncaptif.»

«Aupointoùonenest,jepensequ’onesttouslesdeuxdanslemêmebateau.»Sesépaules

tremblèrentlorsqu’elleéclatad’unrireamer.«Oualorsjedépendsdufaitquetuneremplissespasle

contrat.MaisDieusaitquetuferaismieuxdememettreuneballedanslecrâneetenavoirterminé.»

Étrange,maiscetteidéeneluiplaisaitpasdutout.«Jenepensepasquecesoitaussisimple.»

«Tupensesqu’unautrequeYuritirelesficelles,»devina-t-elle.Ilpouvaitpratiquement

l’entendrepenser.«TonamieIrinasemblaitassezcertainequemonpèreavaitassassinésonmari.»

«Oui,maisellem’aaussiditd’êtreprudent.ElleaditqueVasilyconnaissaitdeschosesquise

passaientdanslesyndicatetquec’estcesavoirquil’atué.»

«Etsionsupposaitquequelqu’undanslesyndicataengagémonidiotdepèrepourassassiner

Vasily?»

Ilnepouvaitpasvoirsonexpressiondansl’obscurité,maisilpouvaitsentirlatensiondansson

corps.Ellesavaitcommentilréagitaitsurcesujet,maiselleavaitquandmêmeeulecouragede

pointerdudoigtsesassociés.Illarespectaitpourça,mêmes’iln’aimaitpaslesimplications.

Felikschoisitsesmotsavecsoin.«Jen’aimeraispassavoirqu’unhommequej’appelleamiou

camaradesoitcapabledecegenrededuplicité,maisjevoiscequetuveuxdire.»

«Jen’essaiepasd’excuserlerôledemonpèredanslemeurtredeVasily,s’ilétaitimpliqué».

Ellefitunepause.«Maisjeconnaisaussimonpère.Siquelqu’unluiavaitoffertdel’argentpourtuer

unhommecommeVasily,ilnel’auraitpasfait.»

Ils’apprêtaàargumenter,maiselleposalapaumedesamainsursapoitrine.

«Non.Jeneveuxpasdirequ’iln’auraitpasdescenduVasily,»clarifia-t-elle.«Jedisjustequ’il

auraitfalluplusquedupognonpourleconvaincredeprendrecegenrederisque.»

«Alorstusuggèresquequelqu’unluiaoffertl’immunitésurautrechose?»Feliksdevait

admettrequesatournured’espritétaitbienplusruséequ’ilnel’auraitsoupçonné.

«Papaaimeopérersursesproprestermes.Siquelqu’unoffraitderegarderailleurs,ilserait

plusenclinàpasserunmarché.»

«Regarderailleurspourquoi?»

Ellesoupira.«Jen’ensaispasgrandchosesursesaffaires.J’aiessayédem’enécarter.»

«A-t-ilditquelquechoserécemmentquitedonnedessoupçons?»

«Cematin,»commença-t-ellelentement.Ellefitunpetitbruit.«Ouplutôthiermatin?Jesuis

tellementfatiguéequej’aidumalàsuivreletempsquis’estécoulédepuisqueçaacommencé.»

Feliksluifrottalesbras,sedisantqu’ilnefaisaitçaquepourladétendreetl’encourageràlui

donnerdesinformations.Çan’avaitrienàvoiravecdessentimentsoudel’affection.«Ques’est-il

passécematin?»

«Ilvoulaitquej’emmèneunmessageaubureauduFBIpourlui.»Ellerenifladecolèreetde

dérision.«Ilm’ajuréquelemessageéclairciraitunpetitmalentenduetquelaseuleraisonpour

laquelleilnepouvaitpasyallerlui-mêmeétaitàcausedecemalentendu.»

«Ettuaspenséquec’étaitunmensonge?»

Elles’éloignadeluietpassasesbrasautourdesataille.Ilcommençaitàfairefroid.Lanuit

étaittombéedesheuresplustôtetlatempératurechutaitrapidement.Feliksdevaitpenseràlasuite,et

ilavaitbesoinderéponses.Etvite.

«Tudoiscomprendremonpère,»dit-elledoucement.«Sapremièrepréoccupationatoujours

étélui-mêmeetsesaffaires.Toutleresten’existequepourluiservird’outilpouratteindreses

objectifs.Ilesttrèsmotivé.»

«Tuveuxdirequ’ilt’autiliséepourréalisersesplanspendanttoutetavie,»ditFeliks

platement.«Cemecestinsupportable,Annika.Maiscequejen’arrivepasàcomprendre,c’est

pourquoiOrlovainsistédevantleconseilquetuétaisl’instrumentpourfairepayersescrimesàton

père.Qu’ilt’aimaittellementqu’ilseraitcomplètementdétruitsituétaisblessée.»

Elleéclataderire.«Ilseraittriste.C’estunminimum.Maisjeseraissurprisequeçaletracasse

trèslongtemps.IlareçusacitoyennetéauxÉtats-Unisquandj’étaisadolescente.Çaamarquélafinde

monseulbutdanssavie.»

«Etdepuis?»

Ellehaussalesépaules.«Ilmecontactequandilabesoindequelquechose.Àpartça,onnese

fréquentepas.»

Ilpritsamainetcommençaàsedirigerverslagare.«Jepensequ’ilesttempsqu’oncontacte

tonpèreetqu’onextraiedeluitoutel’informationdontonabesoin.»

ChapitreNeuf

L’estomacd’Annikaétaitretournélorsqu’ilsarrivèrentàl’entrepôtdusuddeBostonoùson

pèrevivaitettravaillait.L’endroitétaitétrangementcalme.Iln’yavaitpasdelune,etlabriseétait

fraîcheetdésagréable.Ellenepouvaitsedécidersilanuitétaitvraimentsinistreousiellecraignaitla

missionquilesavaitamenéssurleseuildechezVadir.

Elletentadecontrôlerletremblementdesesmainsensonnantàlaportedel’entrepôt.Ellene

doutaitpasunesecondequesonpèreparanoaitdescaméraspoursurveillertousleursgestes.

Uncrépitemententrecoupéaccompagnalavoixdésincarnéedesonpèredansl’intercom.«Tu

aschangéd’avisàproposdelatâchequejet’aiassignée?»demanda-t-ilenrusse.

«Nyet.»Elleserralesdents,tentantdecontrôlersonhumeur.«Jesuisvenuedeparlerdeces

truandsdusyndicatquitententdem’ôterlavie.»

«Quoi?»Ilyeutunbourdonnementetleclicdelaportequis’étaitouverte.«Entre,etvite!»

AnnikaouvritlaporteetlatintouvertetandisqueFelikssortaitdel’ombreetpénétraitdansle

bâtimentdevantelle.Elleletalonna,sedemandantsicettenuit,safidélitéseraittestée.VadirPolzin

étaitunbâtard,unmenteuretuntricheur.Ill’avaitutiliséetoutcommeilavaitutilisésamèreavant

elle,maisilrestaitsonpère.Ilétaittoutcequ’elleavait,toutcequ’elleconnaissait.

MaisalorsqueFeliksmontaitprudemmentlesescaliersmétalliquesquimenaientdurez-de-

chausséedel’entrepôtauloftdel’étage,elleneputs’empêcherdepenserqued’unemanière,Feliks

étaitsonfutur.Elleportaitl’enfantdecethomme.Quelgenredefidélitédevrait-elleluidonneràlui?

«Annika!»Vadirapparutausommetdesescaliers.PuisilvitFeliksetcommençaàmaudireen

russe.«Pourquoias-tuemmenécedémonmeurtrierchezmoi?Tuvasmetrahir?Maproprefille

Ilsarrivèrentausommetdesescaliers.Annikavitsonpèredégainersonarme.Felikspointait

déjàlasiennesursonpère.Ellesavaitcequiarriveraitensuite,etçaneleurserviraitàrien.

«Stop!»ContournantFeliks,elleseplaçaentreluietsonpère.«Non,Feliks.Situletues,on

n’aurajamaisnosréponses.»PuisellesetournaversVadir.«Ettoi!Tumedoisuneexplication.

Feliksauraitpumetuerunedizainedefoisaujoud’hui,maisilm’asauvélavieàchaquefois.Situas

toujoursunsoupçondesentimentspaternels,tupourraisdéposertonarmeetleremercierd’avoir

prissoindetafilleaprèsquetum’aiesmiseendanger.»

«Moi?»Vadirseglissaverslacuisinedesonloft.Annikasavaitqu’ilavaitd’autresarmes

cachéesdanslestiroirsetplacards.Mêmequandelleétaitgosse,ilavaitconservésonarsenaldans

leurcuisine.

«Papa,resteoùtues.»Ellejetauncoupd’œilàFeliks.«Ilgardeunflingueetuntasde

couteauxàlancerdanslacuisine.»

Vadirs’arrêtaetseretourna,dévisageantAnnikacommes’ilnel’avaitjamaisvueavant.«Ça

meblessedepenserquemaproprefillesesoitliguéeavecl’ennemi.»

«Vasilyétait-ilvotreennemi?»demandaFeliks.«C’estpourçaquevousl’avezassassiné?»

LepetitriredeVadirhérissalescheveuxdelanuqued’Annika.«Cejeunechiotpensequ’ilsait

toutcequisepassedanssonprécieuxsyndicat,Annika.Maiscen’estpaslecas.»

EllejetaunbrefregardàFeliks,espérantqu’ilsetairait.«Alorspourquoinenousexpliques-tu

pas,papa?»

«L’assassindeVasilyestlejeuneYuriOrlov,»déclaraVadiravecarrogance.

Cen’étaitpassuffisantpourAnnika.«Maistuétaisprésent.»

«Oui.C’étaitlemarché.»

«Attends.Dequelmarchéparles-tu?»Ellefronçalessourcils.«SiYuriatuéVasily,qu’est-ce

quetufoutaislà?»

Vadirsoupira.«J’attendaisunecargaisondemarchandisecettenuit-là.Orlovétaitaucourant.

Jelepaiedepuisdesannéespourqu’ilnes’intéressepasàmesaffairespersonnelles.»

C’étaitévidentqueFeliksavaitdumalàdigérertoutecetteinformation.Lamâchoireetles

poingsserrés,ildit,«Orlovaacceptédespotsdevin.»

«Oui.MaisVasilyl’adécouvert.»

«EtilsontattiréVasilyàl’endroitoùtuavaisrendez-vousavecOrlovpourluidonnersa

part,»devinaAnnika.

«Da,maisjenesavaispasqueVasilyseraitlà.Jepensaisqu’Orlovétaitfoutu,»Vadirne

semblapasdérangéparlapossibilité.«PuisYuriestsortidel’ombreetadescenduVasily.Illuiatiré

deuxballesdanslapoitrineetunedanslatêtepourêtresûr.»

Felikssecouvritlevisagedesmainsetjuraencoreetencoreenrusse.Lacolèredesonton

suffitàbriserlecœurd’Annika.

Ellesavaitqu’elledevaitcontinuersesquestions.«Maispourquoiessaies-t-ildemetuer?Le

mondeentiersaitquetutevalorisesenpremier,tesaffairesensecond,etpuismois’ilterestedu

tempsàrevendre.»

«Jenesuispasunsimauvaispère,»grommelaVadir.«Mêmesij’avouequejenesuispas

trèsattentionné.»

«Cen’estpaslemoment,»lâchaAnnika.«Pourquoimoi?»

VadirfitungesteversFeliks.«Çan’arienàvoiravectoiouavecmoi.Jesupposequedansun

mondeparfait,Orlovaimeraitmamort,maisjeluifournisaussiunesourceimportantederevenus

indépendammentdusyndicat.»IlagitalamaindansladirectiondeFeliks.«Maiss’ilprendle

pouvoirauconseil,ilpourraitmettreunfreinànotremarché.»

«Maispourquoinepasletuerlui?»Annikafronçalessourcils.Quelquechoseluiéchappait.

Vadirrenifla.«Letuerseraitbientropsuspect.Maiss’ilspeuventprouverqu’ilesttroplâche

pourprendrelesdécisionsnécessairesàsonposte,alorsilneseraplusconsidérécommeune

menace.»

Felikséclataderire.Doucementaudébut,puisjusqu’àcequelesonrouledanslapiècecomme

s’ilprovenaitdesprofondeursdesonâme.

«Quoi?»demanda-t-elle.«Tumefouslesboules.»

«Ilsveulentmepiégerentantquelâcheenutilisantmesscrupulescontremoi.»Ilfitungeste

vagueverselle.«Tuerdesfemmesetdesenfantsestimpensablepourlaplupartdeshommes.Maissi

çadevientnécessaire,çadoitêtrefaitpourprotégerlesyndicat.Enprouvantquejenepeuxpas

effectuercetacte,ilsmerendentimpuissant.»

«Maistum’auraistuésansproblèmesijen’avaispasété…»Annikajetaunregardversson

père,nesouhaitantpasendirepluspendantqu’illesécoutait.

VadirregardaFeliksdemanièrespéculative.«Alorsvoicil’hommequiaengendrélebâtard

quetuportes.»

«Tupeuxlafermeretmelaisserréfléchir?»suggéraAnnikaavecirritation.

«Qu’est-cequ’ilyaàréfléchir?»Feliksseretournaetsedirigeaverslesfenêtres

surplombantlefleuveNeponset.

ÇALEBLESSAITplusqu’ilnepouvaitlecroiredepenserqueVasilyavaitétéassassinépour

quelquechosed’aussiinsignifiantetinutile.Derrièrelui,Annikacontinuaitàsoutirerdes

informationsàsonpère.Ils’enfichait.Cen’étaitplusnécessaire.Feliksavaitàprésentcomprisce

quisepassaitvraiment.Laseulechosequ’illuirestaitàfaire,c’étaitdécouvrircombiendemembres

duconseilétaientaucourantdecetteinformation.

«Tuesépuisée,»lâchaVadir.«Regarde-toi.Tutesouciestellementdecetassassinpour

menacertasantéetcelledetonenfant?»

LesparolesdeVadirjugeaientlecomportementdeFeliks.Annikasemblaiteffectivement

épuisée.DanslalumièredoucedelacuisinedeVadir,Felikspouvaitvoirlescernessoussesyeux.

Quandavait-ellemangéous’était-ellereposéepourladernièrefois?C’étaitlamèredesonenfant.Il

voulaitêtrepluspourellequecequesonpèreavaitété.

«Çasuffit,»ditFeliksenseretournant.«Peut-onvousfaireconfiancepoursurveillernos

arrièrespendantqu’onsereposeunpeu?»FelikshochalatêteversAnnika.«Etelledoitmanger

quelquechose.»

Vadiracquiesça.«Simafillepensequetuvauxleprixd’uneballe,jepensepouvoircontrôler

monintinctmeurtrier.»

«Votregénérositéestsanspareille,»raillaFeliks.

Annikasecouvritlabouchedesamain,étouffantapparemmentunrire.«Machambreest

toujourslà?»

«Oui,exactementcommetul’aslaissée,»ditVadird’untonégal.«Jevaistelaisserle

Stroganovquej’aipréparéplustôt.Tupeuxmangerça.»

«Merci.»

FeliksvitlamaladresseaveclaquelleAnnikaetVadirsecomportaient.Ildevintcurieuxde

savoircequis’étaitpassépourtournerlafillecontresonpère.PuisAnnikas’approchadelui.Ellese

mitsurlapointedespiedseteffleurasajouedeseslèvres.

«Neluifaispasconfiance,»murmura-t-elleàsonoreille.Puisàvoixhaute,«Jevaisprendre

unedouche.Nevousentretuezpasdurantmonabsence.»

FeliksdevaitrespecterVadirpoursapatience.Ilattenditquesafillesoitcomplètementhorsde

portéedevueetd’oreilleavantdeviserFeliks.Cen’étaitpasvraimentsurprenant.Vadirsecontenta

d’ouvrirletiroirdelacuisineetd’ensortirunearme.IlpritFelikspourcibleetposaledoigtsurla

détente.Uneseulepression,etFeliksneseraitprobablementplusdecemonde.

L’adrénalinecoursadanslesveinesdeFeliks.Ilseforçaàrestercomplètementimmobile,les

mainsouvertesetdétendueslelongdesflancs.Sonarmeétaitcoincéedanssaceintureaubasdeson

dos.Maisiln’allaitpastirersurlepèred’Annika.Peuimportesacolèrecontresonpère,ilne

pourraitjamaisjustifiersonacte.PasàunefemmecommeAnnika.

«Jedevraistetuersurlechamp,»ditVadird’untonraide.«Pourcequetuasfaitàmafille.»

«Vousdevriez.»

Saréponsesembladéstabiliserlevieilhomme.«Tuesd’accord?C’esttastratégiepourrester

envie?»

«C’estunestratégieréaliste.Vousn’allezpasmetuerparcequemalgrévoschoixégoïstes,

vousaimezvotrefilleetvoussavezqu’elleasesraisonsdemevouloirenvie.»

«Cetenfant,»crachaVadir.«Ilestvraimentdetoi?»

«Jenesaispas.»C’étaituneréponsehonnête,maisellel’irritaitunpeu.«Annikaditqueoui,

etjelacrois.»

«Pourquoi?»

«Pasvous?»

Vadirbaissasonarme.«Si.Mêmesiparfoisjemedemandecommentj’airéussiàéleverun

enfantaussihonnête.»

«Jesoupçonnequec’estvivreavecundétraquécommevousquil’arenduehonnête.»Feliks

s’attendaitàlevoirleverl’armeànouveau,maisVadirsecontentad’éclaterderire.Cemecétaitfou.

C’étaitlaseulechosedontFeliksétaitcertain.

«Tul’asprotégée,»déclaraVadiràcontrecœur.«Jevaist’épargnerlaviepourça.Rien

d’autre.J’enaidéjàditplusquejedevrais.»

«Orlovestunenfoiré.Yuriestpirequeça.»Feliksréfléchitàlaconduiteàtenir.

«Tudoisletuer.»Vadirsemblaitpenserquec’étaitlasolutionlaplusévidente.

«Personnen’assassineunautremembredusyndicatsansraisonousanspreuve.»Feliksse

demandacommentilpourraitobtenirdepreuves.

«LapreuveestavecYuri.»Vadirsegrattalabarbeéparse.«Cepetitconnardnepeut

s’empêcherdesevanterdetoutcequ’ilfait.Mêmesileconseilsetenaitdevantlui,ilsevanterait

d’avoirtuéundeleursmembres.Ilestbientroparrogant.»

«Vousavezraison.Cequiveutdirequej’aibesoind’unpiègeàrat.»

«Tuasl’appât.»Vadirsepinçaleslèvres.«Mêmesijetetueraisiquelquechosearriveàma

petitefille.»

Felikssecoualatête.Ilétaitdeplusenplusévidentquelaparentéfaisaitperdreleurbonsens

auxhommes.Ilpouvaitseulementserésoudreàêtrel’exceptionàlarègle.

ChapitreDix

LadouchevenaitdecesserdecoulerdanslasalledebainquandFeliksentradanslachambre

d’Annika.IldéposaleboldeStroganovsurledessusdelacommodeetexaminalapièce.

C’étaitdifficiledesavoiravecprécisionàquelpointcetendroitlareprésentait.Ilétaitévident

quepersonnen’avaitutilisécettechambredepuislongtemps.Unemincecouchedepoussière

recouvraitlemobilier,etlelitdoubleétaitimpeccable.Ilpouvaitquandmêmefacilementimaginer

Annikaadolescentedanscetendroit.

C’étaitpropretd’unemanièreassezpratique.Ilyavaitquelquespaysagespendusauxmurs,

ainsiqu’unephotoennoiretblancdel’horizondeMoscou.Uneseulephotoétaitsurlatablede

chevet.Felikslaramassaetfutfrappéparlabeautédelafemmephotographiéedanslecadred’argent.

«C’estmamère,»luiditAnnikaàvoixbasse.

Illevalesyeux,serendantcomptequ’ellen’étaitvêtuequed’uneserviette.Sescheveuxétaient

encoremouillés.Leurhumiditénefaisaitqu’intensifierleurcouleur.Elletamponnaitetpressaitses

mèchesavecuneautreservietteenledévisageant.Laformedesoncorpslefascinait.Sesseinspleins

suffisaientàtenirlaservietteenplace.Lacourbegénéreusedesondécolletéau-dessusdutissuétait

séduisante.Ilyavaitdelaforcedanslesmusclesfermesdesesbrasetdeseslonguesjambes.Ilne

pouvaitpasvoirsonventreplat,maisilpouvaitfacilementsesouvenircommentilsetransformaiten

petittriangledepoilscourtsrecouvrantsonentre-jambe.

Iltentades’éclaircirlesesprits.«Tamèreétaitunefemmemagnifique.»

«Merci.»Ellesemblapasserquelquessecondesàréfléchiràcequ’ellevoulaitdire.«Elleétait

folleamoureusedemonpère.Jenepensepasqu’elleaitjamaissucequ’ilétaitvraiment.»

«Tupensesqu’ill’autilisée?»C’estcequeFelikssupposaitdéjà.

«Oui.»Annikajetalaserviettesurlecôtéetramassaunpeigne.Perchéesurleborddulit,elle

commençaàdémêlersescheveux.«Etaprèslamortdemamère,monpèreacontinuésonhéritage

enm’utilisantàsaplace.»

«Ilt’aime.»Ilsedemandasicettedéclarationlarendraitfurieuse.

«Asamanière,jecroisqu’ilm’aime.»Elleinclinalatêtesurlecôté.«Toutcommejecrois

qu’àtamanière,tum’aimesaussi.»

Feliksfuttellementchoquéparsesparolesqu’ilrecula.Aimer?Elleétaitfolle.Ilavaitentête

del’assassinervingt-quatreheuresplustôt.

Ellel’étudiacommesielleattendaitdevoircequisepasserait.Puiselleselevaets’approcha

delui.Felikspouvaitàpeinerespirer.Ilperçutuneboufféedesonlégerparfumfémininetdusangse

précipitaverssonaine.

Ellelevalesmainsetdétachasaserviette,quitombaausol.«Jenem’attendaispasàune

déclaration,Feliks,»murmura-t-elle.

Ilnesavaittoujourspasquoirépondre.Pourquoiavait-elleditunechosepareille?

«Tuauraispumetueretenfinir.»Ellesemitsurlapointedespieds,laissantseslèvresdouces

frôlersamâchoire.«Maisnon.Tum’aslaissévivre.Tuaschoisidemelaisservivre.Tunete

demandespaspourquoi?»

Biensûrqu’ilsedemandaitpourquoi.Maisencemoment,laseulechoseàlaquelleilparvenait

àpenserétaitlafemmenuetellementprochedeluiqu’ilpouvaitsentirlachaleurdesapeauirradier

verssoncorps.Ilnepouvaitpasfairemarche-arrière.Pasmaintenant.

Ilpassalesbrasautourd’elleetcouvritsabouchedelasienne.Ildévoraseslèvres,poussantsa

languedanssaboucheetlaclamantd’unemanièrequinepouvaitêtrerefusée.Prenantsesfesses

rondesdanssesmains,ill’attiracontrelui.LabossedesonérectioncorrespondaitparfaitementauV

desonbassin.Ellelaissaéchapperunpetitbruitetpassalesbrasautourdesoncou.Lorsqu’ellegriffa

soncuirchevelu,Feliksneputattendrepluslongtemps.

IllibéraAnnikaettritural’ourletdesont-shirt.Quelquessecondesplustard,ill’avaitpassé

par-dessussatêteetlaissétomberausol.Ilcontinuaavecsonpantalon,qu’ildéboutonnaetglissale

longdesesjambesavecsonboxer.

Elleattrapasabiteentresesmainsavantqu’ilnesoitparvenuàenleversesbottes.Feliksgémit

etretombasurlelit.Sesmainsétaientsidoucescontrelapeauenfiévréeetétiréedesaqueue.

Lorsqu’ellecommençaàlemasturber,ilperdittoutcontrôle.

«Tuestellementdur,»murmura-t-elle.Penchéeenavant,elleposaleslèvressursonglandet

luidonnaunbaisertendre.«Jeveuxtechevaucher,Feliks.Jeveuxjouirentebaisant.Jepeuxfaireça

Ilallaitmourir.Ilneparvenaitmêmepasàtrouversesmotspourluidireoui.Unsourire

entendusedessinasurseslèvres,etellemontaàcalifourchonsurlelit.Ellen’avaitjamaisétéune

mauviette,maislaValkyriequilataquinaitsurpassaittoutcequ’ilavaitjamaisrêvédetrouverchez

unefemme.

Elletraînasesseinsnuslelongdesontorse.Lapeaudoucelechatouillait,maislorsqu’il

voulutlestoucher,ellesaisitsespoignetsetlesimmobilisa.

«Non,»luidit-elle.«Tuvasmelaisserjouercettefois-ci,sinonj’arrêteetjemerhabille.»

Feliksn’argumentapas.Ilsavouraitbientropsatéméritépourça.Etdanslalumièretamiséede

salampedechevet,ilpouvaitlavoirdanstoutesasplendeur.C’étaitunrêvedevenuréalité.

ANNIKAETAITENIVREEparcequ’elleauraitappelésonpouvoirféminin.Alorsqu’elle

frottaitsoncorpscontreceluideFeliks,elleabsorbaitchaquenuancedesesréactions.Lamanière

dontilretenaitsonsouffleetlavuedesesmusclestendusétaientflatteuses.Ellelefaisaitsetortiller.

Ellelecontrôlait.

Soncentreétaittrempé.Toutcequisesituaitsoussonnombrilétaitenflédedésir.Elleécarta

lesjambesetsentitsonsexetremblerquandelletraînadoucementsafentesurlalongueurdesabite.

Larencontreglissantedeleurchairétaitincroyable.Ellesebaissaplusets’ancracontrelui.Il

émitunbruitdegorgequinefitqu’embrasersonbesoin.Elleavaittellementenviedelui.Elleavait

enviedeça.C’étaitcommesiseshormonesbrûlaientpourcethomme.

Ellebaissalesyeuxversluietéprouvaunfortsentimentdepossession.Prenantsesmains,elle

leslevaverssapoitrine.Ilcaressasesseinsetellepoussauncrideplaisir.Ilsétaientbienplus

sensiblesquedanslepassé,etplusiltaquinaitsestétons,plusellesentaituneréponsecorrespondante

entresesjambes.

Feliksroulalespetitsboutsdurcisdesesmamelonsentresesdoigts,lespinçantlégèrement

jusqu’àcequ’ellenepuissepluslesupporter.Lebesoindesachattenepourraitêtresatisfaitque

d’uneseulemanière.Cambrantledos,elledéplaçaleshanchesjusqu’àsentirsonglandcontreson

trou.

Ilsifflalorsqu’elles’ouvritpourlaissersabiteplongerprofondémentenelle.Annikapoussa

uncri,etlesonrésonnadanslapiècecommeceluid’unanimalenrut.Elles’enfichait.Elleavait

dépassécestade.Laseulechosequiimportaitétaitd’êtrecomblée.

Elleposalesmainssursontorse.Feliksglissalessiennesversseshanches.Illapressade

bouger,desebalancerau-dessusdeluienutilisantsesgenouxpourlechevaucher.Lafrictiondans

soncorpsnefitqueluidonnerplusd’envies.Ellepouvaitsentirsonorgasmesedéployer.Sesjambes

semirentàfourmillertandisquelachaleurdudésirs’accumulaitàlabasedesacolonnevertébrale.

Souselle,Feliksutilisaitseshanchespourpoussersaqueueenelleàchacundeses

mouvements.Lasensationétaitexquise.Ellelelaissamenerlacadence,nesesouciantplusdequi

avaitlecontrôle.Iln’yavaitplusdeluioud’elle.Ilsétaienttousdeuxunisdanslacourseausommet

pourvoirquiretomberaitleplusvite.

Ellepoussauncri,nesachantpluscequ’elledisait,sachantseulementqu’ellenepouvaitplus

arrêter.Elleétaittellementhautqu’ellepouvaittoucherlesétoiles.Lafrustrationlasubmergea

lorsqu’ellesentitsonorgasmeluiéchapper.PuisFelikscaressasonclitorisdurcientreseslèvres

enfléesduboutdesonindex.

Leplaisirexplosadanssoncorps.Ellerejetalatêteenarrièreetselaissaaller.Ensebalançant

etengémissant,ellebaisaFeliksaussifortqu’ellelepouvait.Etlorsqu’ellesentitsoncorpsentierse

raidir,ellesutqu’ilétaitsurlepointdejouir.

«Annika!»

«Baise-moi,Feliks.Prends-moi!»

Ilgémitettrembla.Delachaleurremplitsachatte.Lasensationlafitgrimperaurideau,etelle

sentituneondedechocdeplaisirlatraverser,sesmusclessecontractantenluicoupantlesouffle.

Elles’affalasurlapoitrinedeFeliks.Illapritdanssesbras.C’étaittellementétrangedese

sentirprotégéeparl’hommequiavaitétéengagépourlatuer.Riendeçan’étaitimportant.Plus

maintenant.Elleluiappartenait,etilluiappartenait.Peuimportecequisepassait,Annikasavait

qu’ellesetiendraitàsescôtés.

«Etsiontrouvaitunepositionplusconfortable,non?»murmura-t-il.

Ellegloussa,repoussantlescouverturesdesouseux.Feliksfitpareil.Elleseblottitàsescôtés

etsentitsespaupièress’alourdir.

«Tupeuxéteindrelalumière?»demanda-t-elleenbâillant.

Ilcaressadoucementsescheveux.«Jet’aiapportéàmanger.»

L’idéedemangerétaittentante,maisAnnikaétaittropfatiguéepourypenserpourl’instant.

«Peut-êtreplustard.»

«Tutesensbien?»

«Tuveuxsavoirsituasendommagénotreenfant?»taquina-t-elle.

Ilsetut,etelleserenditcomptequ’ilétaitentraind’yréfléchir.Elleseretintdeleverlesyeux

auciel.Leshommesétaienttellementridicules.

«Jesupposequec’estunequestionvalable,»commença-t-ildoucement.«Jen’yavaitjamais

penséavant.»

«Avoirdesrelationssexuellespendantlagrossessen’estpasunproblème.Jepensequec’est

okjusqu’àcequeçadevienneinconfortableparcequelafemmeestsurlepointd’accoucher.»

«Jen’avaisjamaispenséàçaavant.»

«Quoi?Afairel’amouràunefemmeenceinteouàaccoucherd’unbébé?»

Sesdoigtstracèrentdescerclesdanssondos.Ellesedemandas’ilserendaitcompteàquel

points’étaitrévélateurqu’ilchercheconstammentcecontact.Peut-êtrequenon.Peut-êtrequeFeliks

n’avaitaucunconceptdecequ’étaitunerelation.Merde.Peut-êtrequ’ellenonplus.C’étaitpresque

tropàcontemplerpourl’instant.

«J’imaginequejen’avaisjamaisréfléchiàaucunesdeceschoses,»avoua-t-il.«Jen’aijamais

penséàfonderunefamille.»

«Jecroisquemoinonplus.Maismaintenantqueçanousarrive,jeneleregrettepas.»

Ilyeutunelonguepause.Puisillaserradoucement.«Moinonplus.»

«Tantquej’arrêtedediredestrucscraignoscomme‘aimer ’,c’estça?»Ellesutqu’elle

l’avaitànouveaudéstabilisé.C’étaitpresquecomique.«Legrandméchantassassindelamafiaqui

criecommeunepetitefillequandquelqu’unditlemot‘amour ’.Wow.Jedevraism’ensouvenirsije

suisunjourconfrontéeàunautreassassin.»

Ilgrogna.«Prionslecielqueçan’arrivejamais.»

ChapitreOnze

Aprèss’êtrehabillée,Annikas’assitsurleborddulitlesjambescroisées,mangeantlebolde

StroganovqueFeliksluiavaitlaissé.Lasaucecrémeuseetlesmorceauxtendresdebœuf

réconfortaientsonâme.Danslafaiblelueurdesalampedechevet,elleregardadormirFeliksettenta

dedécidercequilafascinaittantàsonsujet.

Mêmeendormantilressemblaitàunmurimpénétrabledeforce.Samâchoireétaitcommedu

fer.Ilyavaitquelquechosed’incroyablementcertainàproposdelui.Annikapouvaits’imaginer

dépendredecethomme.Etpourunefemmequiavaitapprislongtempsauparavantànedépendreque

d’elle-même,c’étaitaussiterrifiantqu’exaltant.

Ungrandfracasbrisalesilencedelanuit.Annikacessademâcher,sentantsesinstinctsse

réveillerbrutalement.Surlelit,Feliksouvrittoutgrandlesyeux.Ils’assit.Maintenant,onpouvait

entendredeséclatsdevoixenbas,dansl’entrepôt.Lecœurd’Annikacessadebattrequandelle

reconnutcelledesonpère.

«Enfileteschaussuresettrouveunmanteau,»ordonnaFelikssèchement.

Ellesedépêchadeluiobéir,reposantsonbolsurlacommodeetcherchantunevestedans

l’armoirepresquevide.«Qu’est-cequisepasse?»

«Jenesaispas.»Ildégainasonarmeetvérifiasesmunitionsdanslechargeur.«Maisceque

jesais,c’estqu’onnevapasattendreicidevoirsitonpèread’autresennemis.»

«Oùirons-nous?»Elleseditqu’ilsétaientàcourtd’option.«Est-cequ’onaunplan?»

«Pasvraiment.»Felikssedirigeaverslafenêtreetouvritlesrideaux.«Maisondoitsortir

d’ici,etcettesortietombevraimentàpic.»

«OhmonDieu!»Sonestomacseretourna.«Jenesupportepaslessortiesdesecours.»

«Tuasvouluutilisercelledetonappartementl’autrejourpourchercheràt’échapper.»

«Ouais.Maisjenel’aipasfait.»

Ilglissalafenêtrepourl’ouvrir.Uneboufféed’airfraiss’engouffradanslapièce.Annika

frissonna,maisc’étaitplusàcausedesesnerfsqued’autrechose.«Jepeuxyarriver,Feliks.»

«Oui.Tupeuxyarriver.»

Ilneluidonnaitpasd’autrechoix.Lasaisissantparlataille,illajetapratiquementparla

fenêtresurlepalierdemétal.Elles’accrochaàlarambardeetsefigea.Ellebaissalesyeuxvers

l’alléeténébreusederrièrel’entrepôtdesonpère.Lesolétaitàpeinediscernabledansl’obscurité.Il

n’yavaitaucunlampadaireiciderrière.Sonpèren’aimaitpaséclairersesaffairesillégales.

«Toutvabien,»murmuraFeliks.Ilsortitderrièreelleetrefermalafenêtre.

Elletrembla.L’odeurdespoubellesétaitforteetcachaitl’odeurhumidedepourrituredufleuve

Neponsetproche.Elleseforçaàbouger.Soncœurbattaitlachamade,etelleétaitcomplètement

conscientedenepasseulementêtreresponsabled’elle-même.Elledevaitsesoucierdelapetitevie

quigrandissaitenelle.

Cettepenséerenforçasadétermination.«Qu’est-cequejedoisfaire?»demanda-t-elled’une

voixrauque.

«Grimpepar-dessuslabalustradeetrejoinsl’échelle.»Sesmainsétaientdoucestandisqu’il

l’aidaitàs’accrocherauxbarreaux.«Jevaist’aider.»

Annikaseforçaàrespirernormalement.Ellemitunpiedsurlebarreaududessous.Lemétal

étaitfroidetdursouslasemelledesachaussure.Ellepassal’autrejambepar-dessusetfourrason

piedcontreunetraversepoursoutenirsonpoids.Avecl’aidedeFeliks,elleparvintàtrouver

l’échelle.

Elleétaitentrainderespirerpluscalmementquandsonpoidsfitgrincerettomberl’échelle

danslevide.Lachuteabrupteluidonnadesvertigesetlarenditmalade.Elleluttapourrester

accrochéeauxbarreauxavecsespaumesmoitesetengourdies.

«Feliks,»geignit-elle.

«Toutvabien.Elleestcenséetombercommeça.Ellecontinueraàtomberplustut’approches

dusolcommeçailn’yaurapastropd’espaceentrelesoletnous.Continue.Jesuislà.»

Semordantlalèvre,Annikaseforçaàdescendre.Ellepassad’unbarreauàl’autre,tentant

d’accélérer.Labagarredansl’entrepôtseraitsûrementterminée,non?Arriveraient-ilsausoljuste

pourrentrerparl’avantcommesiderienn’était?

Unfracassoudaindanssachambrelafitrevoirsathéorie.Annikapoussauncriquandduverre

briséplutau-dessusdesatête.L’urgencelapressaàatteindrelesol.

«Espèced’enfoiré!»criaunhommedeladirectiongénéraledesachambre,commes’ilétait

àl’intérieur.

«Toutesmesexcuses,Yuri.»LetondeFeliksétaitpleindesarcasme.«Ai-jeinterromputes

enviesdemeurtre?»

«JemesuisdéjàoccupédecetimbéciledeVadir,»criaYuri.«Maintenantjevaisme

débarrasserdesasalopedefilleetçasuffirapouraujourd’hui.»

Annikaseforçaàcontinuer.Ellesentitl’échelleglisserjusqu’enbas.Lâchantledernier

barreau,elleselaissapendreau-dessusdusol.C’étaitunesensationatroce.Ellenepouvaittoujours

pasvoirlesol,maisellesavaitqu’ilétaitlà.Selaissanttombercommeunepierre,elletrébucha

lorsquesespiedsheurtèrentletrottoir.

«Annika?»criaFeliks.

«Jevaisbien.»

«Paspourlongtemps!»hurlaYuri.

Entendrelesdeuxhommesauxprisesl’unavecl’autreétaithorrible.Ellen’avaitaucunmoyen

desavoircequisepassait.Labagarresepassaitbientrophautau-dessusdesatête.Maisellene

parvenaitpasàs’empêcherdesedemandercequeYuriavaitvouludirequandilavaitaffirmés’être

‘occupé’desonpère.Vadirétait-ilseulementblessé?Oupirequeça?

IlnefallutàAnnikaquequelquessecondespoursedécider.Elledevaitsavoirsisonpèreallait

bienoupas.Sefrondantdanslesombresprofondesdupourtourdubâtiment,ellesedirigeaversla

ported’entrée.

Lavuequil’accueillitluidonnaenviedecrier.Annikapressasamaincontresabouchepour

étouffersoncri.Ellen’avaitaucunmoyendesavoirsiYuriétaitvenuseul.Laporteavaitétéarrachée

desesgondscommesiquelqu’unavaitutiliséunegrenadeouungenredebombe.Lesbordsdu

chambranledelaporteenmétalétaientnoircis.Onauraitditunezonedeguerre.

Ellepénétraprudemmentdansl’épave.Ellesavaitqu’ellenedevraitpasêtrelà.C’étaitévident.

Seuleunedemi-douzainedelampesd’urgenceéclairaitl’entrepôt.Ellesétaientespacéesàintervalles

régulierslelongdesmursextérieursetn’éclairaientpasassezpourbienvoir.

Ellesefaufilaentrelescaissesretournéesetlespalettesrenversées.Ellefinitparvoirune

formeavachiequiressemblaitàuncorpsgisantsurlesol.Annikas’accroupitàcôtédelaforme

immobiledesonpèreetluipritlamain.Sesjointuresétaientensanglantéescommes’ils’étaitbien

défendu.Maisl’orificedelaballeaucentredesonfrontl’avaitempêchédecontinuerlecombat.

«Papa,»murmura-t-elle.«Jesuistellementdésolée.»

FELIKSSENTITLAmorsuredubarreauenmétaldanssondostandisqueYuritentaitdele

pousserpar-dessuslepalierétroitdelasortiedesecours.Iln’yparvintpas,engrandepartieparce

queFeliksavaitplusdepoidsetdemuscle.

«Meurs!»grondaYuri.

FeliksrepoussaYuri,tenditlamainetattrapaundesespieds,s’enservantpourluifaireperdre

l’équilibre.«Jenepensaispasquetusouhaitaismamort.»

«Jeveuxtaplace!»YuriemmêlasesjambesentrecellesdeFeliks,lefaisanttrébucheret

atterrircontrelabalustradeenmétaldupalier.Yuriroula,tentantdepiégerFeliks.«Tuastoujours

étélefavori.CetimbéciledeVasilyn’ajamaisvulelâchequetuétais.»

«Aucontrairedubâtardsadiquequetues?»Felikssetordit,pliantlegenouetenroulantune

jambeautourducorpsdeYuripoureffectuerunretournementtrèsefficace.«Tun’esriend’autre

qu’unlâcheassoiffédesangquitueraittapropremèrepouratteindretesobjectifs.Tuesméprisable

ettoutlemondelesait.»

Yurimarmonnaquelquechosed’inintelligibleenrusse.Felikscompritjusteassezpourêtre

choqué.Cettedistractiondonnal’avantageàYuri.IlenvoyasabottedansleventredeFelikspuisse

remitdebout.Ilrentraparlafenêtreetdisparut.

FeliksvoulaitrattraperYuri.Ildevaitsavoirsicepetitenfoiréavaitditlavéritéous’ilavait

mentipoursauversonpetitcul.MaisAnnikaétaitplusimportantepourl’instant.

Seforçantàserelever,Feliksgrognaensentantlesecchymosesquisedévelopperaientdans

quelquesheures.Ilignoraladouleur.Çan’avaitpasd’importance.Seglissantpar-dessusla

balustradejusqu’àl’échelle,ilserenditjusqu’ausolenpeudetemps.Ilselaissatomberdansune

positionaccroupiepournepasendommagersesgenoux.Balayantlesyeuxdegaucheàdroite,illes

laissas’ajusteràl’obscuritéetcherchal’endroitoùAnnikas’étaitcachée.

«Feliks?»Sonchuchotementprovenaitdesombresprèsducoindubâtiment.

Feliksserenditcomptequ’elleavaitdûrentrerdanslebâtiment.Elleétaittropprochede

l’entrée.Yuriétaitrentréàl’intérieur.Ilpourraitensortiràtoutmoment.SprintantversAnnika,

Felikslasaisitparlatailleetsetournajustequanduncoupdefeuretentit.

Unedouleurluitraversal’épaule,etFelikstombasurlesol,emmenantAnnikaaveclui.Ilroula

surlecôté,dégainantsonarmeenmêmetemps.IlmaintintAnnikaausoletvisadansladirection

d’oùétaitpartilecoupdefeu.

Felikspressadeuxfoisladétente.Ilentenditlapremièreballeheurterlemurd’unbâtimenten

briquesdel’autrecôtédelarue.Ladeuxièmefitéclaterleparebrised’unevoituredontlespneus

crissèrentendévalantlarue.

«Feliks!»Letond’Annikaétaitcomplètementpaniqué.«Tuestouché!OhmonDieu,tues

touché!»

«Jevaisbien.»Ilsavaitquelaballeavaittraversésonépauledepartenpart.«Ondoitarrêter

lesaignement.»

«OnferaitmieuxdedéguerpiravantleretourdeYuri.»

«Ilnereviendrapasici,»dit-il,certaindesonévaluation.«Ilaeucequ’ilvoulait.»

«Jesais.»Savoixsebrisa.«Monpèreestmort.»

«Jesuisdésolé.»Illuttapourseremettredebout.Chaquemouvementenvoyaunlancementde

douleuratrocedanssonbras.

Elles’installasoussonbonbrasetl’aidaàretourneràl’entréeprincipale.Feliksessayadene

passereposertroplourdementsurelle,maisilétaitsoulagédel’avoiràsescôtés.

«Tuesvraimentincroyable,tusais?»dit-ildoucement.«Jen’imagineaucuneautrefemmeau

mondequipourraitresteraussicalmequetoi.Tuesincroyable.»

«Wow.Toutescesflatteriesmemontentdroitaucerveau.»

Ilvoyaitbienqu’elletentaitdeprendreàlalégèrequelquechosequilarongeaitdel’intérieur.

Mêmesileurrelationdepère-filleavaitétéantagoniste,leperdreétaitunchoc.

«Qu’est-cequeYurivoulaitdire?»demanda-t-elleenseglissantdansl’entréeexplosée.«Tu

sais,quandilacriéquelquechoseàproposdetonpère.»

FelikspouvaitvoirlaformeobscureducorpsdeVadirPolzinaffaléeausolàdroitedela

porte.Ilsedéplaçadélibérémentverslagaucheàlarecherchedequelquechosepourépancher

l’écoulementdesang.Ilpouvaitsentirlatracehumideetgluantesursonbras.Encetinstant,lesang

ruisselaitdesesdoigtssurlesol.

«Feliks?»pressaAnnika.«IladitqueVasilyétaittonpère.»

Ilserralesdents.Ilnevoulaitpasypenserpourlemoment.«Laissetomber.»

«C’estvrai?»

«Jenesaispas.»

«Commentpeux-tunepassavoir?»

Iltrouvaquelqueschiffonsqu’ilpressamaladroitementsursonépaule.«Jenesaispas.»

Ellelefixaduregard.Mêmedansl’entrepôtsombreilpouvaitvoirsonexpressionde

contemplation.«Tunevoudraispaslesavoir?»

«Ettoi?»

«Si.»

Felixrenifla.«Tuasprouvéplusd’unefoisquetuétaisbienpluscourageusequemoi.»

ChapitreDouze

QuandFelikspassaenfinlaported’entréedelamaisondePyotr,Annikaàsescôtés,l’aubese

devinaitàl’horizon.Lesdernièresvingt-quatreheuresressemblaientàunmauvaisrêvedontilne

parvenaitpasàseréveiller.

«Feliks?»LessourcilsbroussailleuxdePyotrselevèrentdesurprise.

C’étaitdifficiledenepassedemandersiPyotrn’étaitpassurprisdelevoirparcequ’ilpensait

queYuris’étaitdéjàdébarrassédelui.

Feliksécartacespensées.Iln’avaitpasletempspourçamaintenant.«Ondoitdiscuter.»

LeregarddePyotrpassaàAnnika.«Sivousvoulezbiennousexcuser?»

«Non.»Feliksn’attenditpassonami.IlsedirigeaitdéjàverslebureaudePyotr.«Annikareste

avecmoi.»

«Commetuveux.»LevisagedePyotrétaitraided’émotionscontenuesqu’ilneparvenaitpas

àcacher.

Feliksentradanslebureaumaisneputs’asseoir.Sonbraslefaisaitatrocementsouffrir.Ilavait

l’impressiondetoujourssaignerdepartout.Enplusdeça,ilcommençaitàsoupçonnertousses

prochesdeluiavoirmenticommedesarracheursdedentsdepuisaussilongtempsqueremontaient

sessouvenirs.

«Allez,»ditPyotrenfermantlaporte.«Pourquoinemedis-tupascequiteperturbe?»

Annikas’étaitinstalléesurlecanapéoùquelquesheuresplustôt,Felikss’étaitassispour

discuteravecPyotrdesessoupçonsausujetduconseil.Sonexpressionétaitstoïque.Elleavaitl’air

épuisée.Sescheveuxétaientemmêlésetsesvêtementschiffonnés,maisilyavaitunfeudanssesyeux

quil’avertitqu’ellen’étaitpasencoreabattue.

FelikspenchalatêteversPyotr.«Tun’asrienàdiresurlefaitqu’onm’atirédessus?»

Levieilhommeneréponditpasdesuite.Ilcontournasonbureauets’installadanssachaiseen

cuirconfortable,quiluidonnaitunpointdevuesupérieursurlapièce.«Jepensaisquel’histoirede

cetteblessurefaisaitpartiedelaraisonpourlaquelletusouhaitaismeparler.»

Feliksdétestaitsesentirsoupçonneuxdel’hommequ’ilavaitconnupresquetoutesavie.Mais

cen’étaitpassansraisons.«LablessureestuncadeaudeYuriOrlov.»

«Yurit’atirédessus?»L’incrédulitédePyotrsemblaitauthentique,maisFelikssoupçonnait

qu’ilétaitdéjàaucourantdesévènements.

«Oui,»confirmaFeliks.«EtVadirPolzinestmort.»

«Quoi?»

Felikssentitsacolèreluimonteraunezenvoyantl’expressionsurlevisagedePyotr.«Alors

ça,c’étaitunchoc.»

«Excuse-moi?»

Feliksjetauncoupd’œilàAnnika,souhaitantconfirmercequ’ilsavaitdéjà.Elleluilançaun

hochementdetêteàpeineperceptible.Elleavaitégalementnotéladifférencedanslesréactionsde

Pyotr.

«Tun’espassurprisqueYurim’aittirédessus,»expliquaFeliks.«Maistuesstupéfait

d’apprendrelamortdeVadir.»

«Ques’est-ilpassé?»demandaPyotr,lesdentsserrées.

Annikapritenfinlaparole.«YuriOrlovluiatiréuneballedanslatête.Ilsluttaient,maisjene

saispasvraimentpourquoi.Monpèrenousavaitdéjàditpasmaldechosesausujetdevotresyndicat

etdesaffairessouventconcluesentreluietleconseil.»

«Pourquoinenousdis-tupaslavérité?»demandaFeliks,letontranchantcommeunelamede

rasoir.

«Quellevérité?»demandaPyotr.

«Quetuacceptaisdespots-de-vintoutcommelesOrlov?»devinaFeliks.

Pyotrnepritpaslapeinedecacherlavérité.Ilsecontentadehocherlatête.«Lesaffairessont

lesaffaires,tusais.Peuimportecommentlesbutssontatteints,tantqu’ilslesont.»

Felikssentittoutlerespectqu’ilavaiteupourcethommes’envoler.«Etamasserdel’argent

étaittoujourslebut.Etpeuimportaitcommenttuyparvenais,tantqu’ilcontinuaitàs’amasser.»

Feliksarpentalapièceavecplusd’énergie,sentantl’écoulementdesangs’intensifierdanssonbras

tandisquesacolèrefaisaitpompersonsangplusfortdanssesveines.«Touscesgrandsidéauxde

respecterlesrèglesetlesdécisionsduconseiletdusyndicat.Quedesconneriessic’étaitenconflit

avectesrevenus.»

«Epargne-moitesidéologiesnaïves,»raillaPyotr.«Vasilyetmoi,onétaitendésaccordau

sujetdecetavantaged’êtreunmembreduconseil.Ilavaitlesmêmesidéesquetoi.»

«Etc’estpourçaqueçaten’apasdérangéqu’ilsoitassassiné.»

Pyotrsepenchaenavant,sonvisageunmasquedecolère.«Tuosessuggérerquejesuis

responsabledelamortdeVasily?»

«Tul’aslaissésurvenir,»accusaFeliks.IlsetenaitdeboutdevantlebureaudePyotretplaçala

paumedesesmainsdessus.Sepenchantenavant,ilfusillalevieilhommeduregardcommes’ilallait

lefendreendeux.«Tunel’aspasempêchée.Ettuauraispu.Tusavaisqu’ilserendraitàl’entrepôt

pourtenterdeprendreVadiretlesOrlovsurlefait.Tusavaisqu’iln’ensortiraitjamaisvivant.»

«Vasilyn’étaitpascensémourir,»lâchaPyotr.«C’étaitcenséluiservirdeleçon.»

«Etmonpère?»demandaAnnikaamèrement.«Vouspensezqu’ilacomprislaleçon

également?»

«Tonpèreétaitunepetitmerdeuxinsolentquirefusaitdesuivred’autresrèglesquelessiennes.

Ilestmortparcequ’ilétaittropstupidepourrespectersessupérieurs,»bouillonnaPyotr.

Ellesautasursespieds.«C’estvousquiavezenvoyéYuridescendremonpère?»

Pyotrfrottasonvisaged’unemainetsoupira.«Encemoment,personnen’envoieYurioùque

cesoit.Ilestcomplètementhorsdecontrôle.Legarçonatoujoursétéentêté.Maintenantilasoifde

pouvoiretdéterminéàtoutdétruire.»

«J’avaisremarqué,»ditFeliksavecsarcasme.«Ilsembleavoirbienplusd’informationqu’il

neseraitsagedeluifournir,etilaundésirardentdel’utiliseràsonprofit.Ondiraituncafard.»

Pyotrdéglutitvisiblement.«Quelgenred’information?»

Était-cel’imaginationdeFeliks,ouPyotravaitl’airnerveux?«Ilaffirmequelaseuleraison

pourlaquelleleconseilasoutenumacandidatureauposteétaitparcequeVasilyétaitmonpère.»

ANNIKAN’AVAITPASBESOINdebienconnaîtrePyotrAlkaevpourvoirlavéritéinscritesur

sonvisageridé.L’hommeavaitl’airmalade.Elletentad’imaginercommentilsétaientparvenusà

garderuntelsecretsansqueFeliksnel’apprennejamais.

Feliksgloussa,lebruithorriblementamerdansl’airrenfermédubureau.«Jevoisquejen’ai

pasvraimentbesoindeconfirmation.Tonexpressionveuttoutdire.»Feliksserralepoing,lacolère

évidentedanstoutesleslignesdesoncorps.«MonpèreétaitIoannKoslov.Leconseilplaisantait

mêmesurlasignificationdesonnomilyaquelquessemaines.Commentest-cepossible?»

«Koslovestl’hommequeVasilyachoisipourépousertamèrequandelleesttombéeenceinte.

Ilétaitdéjàmariéàsapremièrefemme.Vasilyaimaittamère,maisc’étaitsamaîtresse,passa

femme.»LapitiédePyotrétaitpresqueaussiméprisablequesesparoles.

«EtIoannKoslov.Ilétaitaucourant?Pourquoiétait-ilsigentilavecmoienfants’iln’avait

aucunliendeparenté?Ilétaitparfoisdistant,maisc’étaitunhommeoccupé.Ilnem’ajamaistraité

autrementquecommesonfils,»insistaFeliks.Annikasesentitdéchiréedel’intérieurenvoyantce

qu’ilencoûtaitàFeliksderepensersarelationentièreavecl’hommequ’ilavaitprispoursonpère.

Pyotrseraclalagorge,malàl’aise.«JenesavaispasqueYuriétaitaucourantdulienentre

Vasilyettoi.»

«MaislepèredeYuriétaitaucourant.»Felikscherchaitàdécouvrirlavérité.«Depuisquand

MotyaOrlovest-ilaucourantduliendeparentéentreVasilyetmoi?»

«Jenesuispastotalementsûr.»Pyotrcroisalesdoigtsdevantluietfermalesyeux.

«J’imaginequeçafaitdesannées.VasilypensaitavoirbutropdevodkaunsoiravecMotyaetavoir

tropparlé.»

AnnikavoyaitqueFeliksdevaitseforceràmettredecôtécettevéritépourseconcentrersur

leursituationactuelle.Saforcedesadéterminationétaituneinspiration.Ellesentitunéclairdefierté

etdepossessivitéluidonnerenviedecriersurlestoitsquecethommeluiappartenait.

Feliksexpiralentement,seconcentrantsurlachoselaplusimportanteàl’heureactuelle.

«Doncpourquoiest-cequeYuriaffirmequec’estlaseuleraisonquiaitpousséleconseilà

approuvermacandidature?»

«Jenesaispas.»

«Si.Tulesaistrèsbien.»

Pyotrjuraenrusse,laissantglissersonmasquedecivilitésuffisammentpourqu’Annikaet

Feliksvoientl’égoïstequisecachaitdessous.«Vasilyallaitrévoquerledroitdesmembresduconseil

defairedesaffairesavecdeshommescommeVadirPolzin!»

«Excellent.»

«Pasexcellent!Sais-tucombiend’argentçam’auraitcoûté?»

«Atoi?EtàOrlov?Jepensaisquec’étaitluiquiavaitunerancuneenversVasily!»gronda

Feliks.«Etmaintenantj’apprendsquetucomptaissurl’argentdecespotsdevin.QuiatuéVasily,

Pyotr?»

«YuriOrlovatuéVasily.»Pyotrseremitsursespieds.«Cen’étaitpascenséarriver,mais

Vasilyn’ajamaissulaboucler.Ilamenacédetoutdireauxautresmembresduconseil.»

Feliksretroussaleslèvresdedégoût.«Vasilyétait-ilaucourantquetoiaussituétaisun

menteurquiprenaitdespotsdevin?»

AnnikaétaitsiconcentréesurPyotr,attendantsaréponse,qu’ellemanquadevoirqu’une

quatrièmepersonneétaitentréedanslapièceavantqu’ilnesoittroptard.YuriOrlovl’attrapadeson

siègesurlecanapé.Ilpassaunbrasautourdesanuqueetfitpressionsursonomoplate.Ladouleur

futterribleetinstantanée.

Elleémitunsonétranglé.

FeliksétaitégalementconcentrésurPyotr.Ils’éloignadubureauetsetournapourfairefaceà

AnnikaetàYuri.

«Relâche-la,Yuri,»ditdoucementFeliks.

Yurirenifla.«Jenepensepas,non.»

Annikaavaitpeurdebouger.S’illuitordaitlecouunpeuplus,elleallaityrester.Ellerespiraà

petitesgoulées,tentantderesterimmobile.Ducoindel’œil,ellepouvaitvoirlaragemeurtrièredans

lesyeuxdeFeliks.Maisellenevoulaitpasqu’ilfassequoiquecesoitd’irréfléchi.Ilétaitdéjàblessé.

Cen’étaitpaslemomentdeluttercontreYuri.Cethommeavaitprouvéqu’ilétaitunopposantrusé.

Pyotrsortirunearmedesonbureau.IllevalecanonetvisadansladirectiondeYuri.«Yuri,ce

n’estpascequ’onavaitconvenu.»

«Cequenousavonsconvenunemeconvientplusvraiment,»raillaYuri.«Doncj’aidécidéde

changerleschosesselonmespréférences.J’espèrequeçanetedérangepas.»

Yuripivota,traînantAnnikaderrièrelui.Ellegémitdedouleurlorsqu’illuitorditencoreplus

lecou.Sesarticulationsprotestèrentencraquant.Unéclaird’horreurglacéeremontasacolonne

vertébrale.Çaallaitmalsefinir.Elleenétaitcertaine.

«Libère-la!»Unevoixfémininestridenteretentitdanslebureau.

Lavoixàl’accentprononcénepouvaitappartenirqu’àuneseulepersonne.Annikasentitles

larmescoulerenvoyantIrinaentrerdanslapièceentenantunearme.Sesmainstremblaient,etle

canondupistoletrebondissaitaurythmedesessoubresauts.

«Dégage,Irina.»LavoixdeYuridégoulinaitdemépris.«Mêmesijenepeuxpast’envouloir

d’interférer.Lesputesseserrentlescoudes,non?»

«J’aientenduparlerceshommes,»ditIrinad’unevoixsaccadée.«Tuastuémonmari!»

«Vasily?»LemanquederespectflagrantdeYuripoursonrivalvaincusemblaenragerIrina

encoreplus.«Oui.J’aituécevieilimbécile.»

«Tulepaierasdetavie!»hurlaIrina.

AnnikafermalesyeuxquandIrinapressaladétente.ElleétaitsiprochedeYuriqu’ellelui

serviraitdebouclierhumain.SoitIrinaétaitunetireused’élite,soitAnnikaallaitseretrouvercriblée

deballes.Leschancesnesemblaientpasvraimentdesoncôté.

Laballesiffla,maisellenesentitaucunedouleur.Annikaouvritlesyeux,perplexe.Puisellevit

Irinas’écroulersurlesol.Elleavaitététouchéeaufront.Derrièreelle,lemurdubureaudePyotr

étaitrecouvertdesangetdeboutsdecervelle.

Annikavomitàcettevue.L’odeurcuivréedusangétaitécrasante.Ellepouvaitàpeinerespirer,

maisYurilatraînaittoujoursverslecouloir.Ilétaitsurlepointdesesauver,encoreunefois.Cet

hommequiméritaittantdemourir.

«YuriOrlov!Jenetelaisseraispast’ensortircommeça!»criaFeliks.

Yurilançaunregardpar-dessussonépaule.«Oh,maisj’ycomptebien.Rendez-vousdansune

heuredanslamaisondemonpère.Ilyauneréunionduconseil,ettaprésenceestrequise.»

ChapitreTreize

Feliksneparvenaitpasàréfléchir.PasaveclessanglotsincessantsdePyotrtandisqu’il

étreignaitlecorpssansvied’Irina,etpasaveclapeurquiluinouaitleventreenpensantàAnnika.

Feliksn’avaitjamaiséprouvécegenred’indécision.Sonmondeétaithabituellementsiordonné,

complètementgravédanslemarbre.Ilavaitunjob.Ildéveloppaitsastratégiepourcompléterson

job,etpuisquandilenavaitterminé,ilpassaitausuivant.

«Jem’enveuxtellement,monvieilami,»sanglotaPyotr.«Vasily!Jet’avaispromisde

prendresoind’elleetmaintenantelleestmorte.Morte!»

«Maman?»Oksanapointasapetitetêtedanslapièce.

PyotrluitournaledospourempêcherOksanadevoirsamèreainsi.«Feliks!EmmèneOksana

horsd’ici.S’ilteplait.»

Feliksserelevaetpritlapetitefilledanssesbras.Ellesemitàpleurer.Ilétaitimpuissant,ne

sachantpascommentlaconsoler.Ilnesavaitmêmepascommentseconsolerlui-même.

«OncleFeliks,pourquoiest-cequemamanestparterre?»demandaOksana,leslarmes

ruisselantsursesjoues.

«Elleestpartierejoindretonpapa,mapuce,»ditFeliksàvoixbasse.«Toutvabiense

passer.»

«Maisquiprendrasoindemoi?»

Oksanasemblaitsipetiteetimpuissante,etFeliksserenditcomptequ’unenfantdecetâgene

pouvaitpascomprendrecequ’étaitlamort,etnepouvaitserendrecomptedecequisepassait

vraiment.Cettepenséelerenditincroyablementtriste.

Ilcaressalatêteblonded’Oskana.«Jeprendraisoindetoi,mapuce.Jelepromets.»

«Jeviendraivivreavectoi?»voulut-ellesavoir.

Feliksrepensaàl’horreurdesaviecesdernièresvingt-quatreheures.Maisils’étaitpassédes

tasdechosespositiveségalement.Pourlapremièrefoisdanssavie,iltenaitàquelquechose.Ilse

souciaitderesterenvie.Ilavaitunfutur,unefamille,etunefemmequileregardaitcommes’ilétait

sonmondeentier.

«Oui,»ditFeliksàOksana.«Tupeuxvenirvivreavecmoiunefoisquej’aurairéglécette

histoire.»

Ilentradanslapièceetjetaunœilauxalentours.Ilyavaitunlit,unepetitetableetdeschaises.

Quelquesjouetsétaientéparpillésausol,maispourlaplupart,c’étaitlachambred’unenfantqui

cherchaitàplaireauxpersonneslesplusimportantesdesavie.

DéposantOksanaausol,Felikss’agenouillaàsonniveau.«J’aimeraisqueturestesdansta

chambrejusqu’àcequejereviennetechercher.C’estd’accord?»

Ellehochalatête,sesgrandsyeuxremplisdelarme.«Mamanestpartie,c’estça?Comme

papaetpartiaussi.Commetuviensdeledire.»

«Oui,»convint-il.«C’estvrai.»

«Mamanmemanque.»

Degrosseslarmesroulèrentsursesjouespotelées,etFeliksaccueillitlasensationdesespetits

brasautourdesoncou.Ilserenditcomptesoudainquecepetitangeétaitenfaitsademi-sœur.Ce

savoirlerenditencoreplusdéterminéàsurvivrecettenuit,àsauverAnnikaetàrevenirchercher

cettepetiteorpheline.

YuriOrlovavaitruinélaviedetantdegens.Ilétaittempsqu’ilpaieleprixdesonarrogance.

«Etsionteremettaitaulit,d’accord?»suggéraFeliks.

Elleacquiesça.

Ilpouvaitvoirauxdrapschiffonésqu’IrinaavaitdéjàcouchéOksana.Ilsentitunmalaisele

gagnerenpensantàcettepauvrefemmemettantsonenfantaulitpourladernièrefoissanss’en

rendrecompte.Lavieétaittellementéphémère.

«J’aimeraisqueturestesdanstonlit,bienaufonddesdraps.Ok?»luiditFeliks.«Peu

importecequisepasse.Turestesicijusqu’àcequejereviennetechercher.»

«Oui,oncleFeliks,»réponditdoucementOksana.«Bonnenuit.»

«Bonnenuit,malenkaya.»

Illançaundernierregardpar-dessussonépauleverslepetitlitetsonprécieuxchargement

avantd’éteindrelalampe.Ilallumaensuitel’interrupteurdelaveilleuse.Instantanément,leplafond

futrecouvertdelicornescaracolantetdechâteaux.L’innocencedecettescènestimulasa

détermination.Lasurvien’étaitpasuneoption.C’étaitunimpératif.

Refermantlaported’Oksana,Feliksserenditaurez-de-chaussée,danslebureaudePyotr.

Celui-ciétaitexactementlàoùFeliksl’avaitlaissé.Ilétreignaitlecorpsd’Irinaetregardaitlemur

dansunétatcatatonique.

«Jesuisdésolé,»ditPyotrquandFeliksentradanslebureau.

Feliksenpritpaslapeinederépondre.Ilsecontentad’appuyersurleboutonsouslebureau

pourouvrirlecompartimentsecretcachédansunmur.Unvéritablearsenald’armesfutexposé.

Choisissantlesquelquesélémentsdontilauraitbesoin,Felikstentadenepaspenseràla

possibilitéd’unéchec.IlseremémoraOksanaetAnnika.Ilseconcentrasurcesdeuxpersonnesetsur

laminusculeviequeportaitAnnika,quideviendraitunjoursonpropreenfant.

«Jevoudraist’accompagner,»déclaraPyotrsourdement.

Feliksrenifla.«Jenepensepasvraimentquetusoisd’aucuneutilité.»

«Jesaisencoretenirunearme.»

«Alorschoisis-enuneetallons-y.»

Pyotrluttapourseremettredebout.Marchantentitubant,ils’approchapourramassersonarme

personnelle.

«J’emmèneraiOksanadèsquetoutseraterminé,»ditFeliksàPyotr.«Jepensaisquetudevais

lesavoir.»

«Magouvernanteenseraravie.»Pyotrenfilasavestedecostumesursonarme,lissantles

reverscommes’ils’apprêtaitvraimentpouruneassembléeduconseilordinaire.«Elleseplaintsans

cessedelanuisanced’avoirunenfantdanslamaison.»

Cettedéclarationnefitqueraffermirl’étatd’espritdeFeliks.Annikaetluidevaientsurvivreà

cetteépreuve.Pourlasimpleetbonneraisonqueledestinsemblaitdéterminéàfaired’euxdes

parents.

ANNIKAINSPIRAAFONDplusieursfois,tentantdeseconcentrersurl’idéedes’enfuir.

C’étaitunepossibilité.Çadevaitl’être.Ellerefusaitdebaisserlesbras.Etdonctandisquelavoiture

sombrefonçaitdansl’aubeapprochante,ellesecreusal’espritpourtrouverunleviercontreYuri

Orlov.

«C’estvraimenttropconpourtonpère.»LetondécontractédeYuriétaitpresqueuneinsulteà

lamémoiredeVadir.«Ilétaitbonpourlepognon.Jelevoiscommeunhommequisavaitcequiétait

important.»

Annikaneputs’enempêcher.Elledevaitdirequelquechose.«End’autresmots,tuappréciessa

natureégoïsteparcequetupensesqu’ellevalidetonpropreégoïsme.»

Iléclataderiresifortqu’illuiblessalesoreillesdanslesconfinsétriquésdelavoiture.«Da!

Exactement!C’estbondevoirquetucomprendslesaspectspratiquesdeschoses.Çarendrales

chosesbienplusfacilespourtoiaujourd’hui.»

«Oh,tuveuxdirequandtuvasmetuer?»C’étaitdifficiledeprononcercesparoles,maiselle

n’étaitpasprêteàabandonner.Ellevoulaitquecetenfoiréserendecomptequ’illuivolaitsavie.Il

voulaitqu’illavoiecommeunepersonneavantdelaluiôter.

Yuriviralavoitureentredeuxmaisonsdegrèsrougeétroites,sedirigeantversunpetit

parkingsituédanscequiétaitprobablementuneanciennecouràcalèches.Ilsegaraetéteignitle

moteur.Ellen’aimaitpaslamanièredontillaregardait.Ilyavaitquelquechosedecalculateurdans

sonregardquiluidonnalachairdepoule.

«Tun’espascequetusemblesêtre,tusais?»Iln’yavaitplusriendedésinvoltedanssonton.

«Tupensesqu’enmontranttoncôtéhumain,j’auraidumalàteliquider?»

«Saufsituesunsociopathe,»luidit-elleplatement.«Etsijedevinebien,c’estcequetues.»

«Jepréfèremevoircommequelqu’undemotivé.»Ilhaussalesépaules.«Maisjesuppose

qu’unemauviettecommetoipeutlevoird’uneautrefaçon.»

«Ouais,onpeutdireça.»

«Ilesttempsdesortir.»Yuriouvritsaportièreetsortitdelavoiture.«Tut’enfuis,jetetire

dessus.Simple.Compris?»

Annikasortitavecprudencedusiègepassager.Sicecrétincontinuaitsaroutine,elleallait

devoirledescendreelle-même.«Puisquejenesuisnisociopatheniattardée,jecomprends,oui.»

EllesuivitYuridanslamaison.Lastructureétroitesemblaitendormie.Iln’yavaitqu’uneseule

lumièredanslacuisine,etAnnapouvaitvoirunefemmecorpulentetravailleraucomptoir.Ellese

demandasilepèredeYuriconnaissaitlesplansdesonfils,etespéraqu’aucundesmembresdu

personnelneseraitblessédanslafusillade.

«MonsieurYuri!»crialafemmedesurpriselorsqu’ilentradanslacuisineparlaporte

arrière.«Mr.Orlovnem’apasditquevousseriezlàpourlepetit-déjeuner.»

«Cen’étaitpasprévu.»Ilfitunsignedédaigneuxverslafemme.«Valeréveillerpourmoi.Je

doisluiparler.»

«Mr.Orlovn’appréciepasêtreréveilléavantseptheures,MonsieurYuri,»l’avertit-elled’un

tonferme.

Ilétaitévidentquelagouvernanteavaitl’habitudedegérerlefilsgâtédesonemployeur.

Annikaretintsonsouffle,attendantdevoirlasuitedesévènements.Yuriavaittellementperdule

contrôlequ’iln’allaitcertainementpasapprécierlesobstacles.

Eteneffet,Yuridégainasonarmeetlafourradanslevisagedelafemme.Sonexpressionse

figea,sabouches’ouvritdansunOdesurprise.Yuriagital’arme,dirigeantsansdoutelecanondans

ladirectiondelachambredesonpère.

Ladames’enallaàtoutevitesse,apparemmentconvaincuequ’elleferaitmieuxd’obéirà

‘MonsieurYuri’ouleregretter.Annikanelablâmeraitpassiellequittaitsonpostepournejamais

revenir.

«Tuesvraimentdouéaveclesgens,»plaisantAnnika.

«Ettuasvraimentenviem’agaceravectonimpertinence.»

«Qu’est-cequej’aiàperdre?Tum’asdéjàditquetuallaismetuer.»

Ilhaussalesépaules,voladeuxviennoiseriesducomptoiretlesfourradanssabouche.

Soncomportementluiparutétrangementjuvénile.«Personnenet’ajamaisposédelimitesen

tantqu’enfant?Ondiraitunadopourrigâtéavecunflingueetbientropdelibertésdefaireses

propreschoix.»

«Tagueule,»gronda-t-il.

Intéressant.Detoutesleschosesqu’elleluiavaitdites,c’étaitlapremièrequisemblaitvraiment

toucherunecordesensible.AnnikaclassacetteinformationetsuivitYuridanslapiècesuivante.

L’espaceétaitbourrrédemobilieretdecanapésanciens.Onauraitditunanciensalondécoréde

couleurssombresmasculinesetdetissusopulents.LorsqueYuris’assitaumilieudelapièce,Annika

décidaquec’étaitsansdouteiciqu’ilavaitl’intentiondemettreenscènesaréunionduconseilbidon.

«Yuri!»Ungentlemanâgéàlacirconférencegénéreusedescenditlesmarches.«Olgam’adit

quetuluiavaispointéunearmeàlafigure!Qu’est-cequinevapascheztoi?»

L’hommequ’AnnikapritpourêtreMotyaOrlovportaitunpyjamaensoieetunerobede

chambre.Ilavaitlespiedsfourrésdansdespantouflesettoutessessixouseptmèchesdecheveuxgris

étaientenépi.Ilvenaitclairementdeseréveiller.

PuisMotyaOrlovremarquaAnnikadeboutderrièresonfils.Iléquarquillasesyeuxsombres

cupidesdepanique.«Qu’est-cequ’ellefoutici?TuaskidnappélafilledeVadir?Tuesfou?»

«Jepensaisquec’étaitlebutdujeu,papa,»raillaYuri.«ForcerFeliksKoslovàchoisirdela

tuerounon.Quandilaéchoué,ilaeul’airfaible.Alorsj’auraisprissaplaceauconseiletFeliks

auraitétémisendisgrâcepourlelâchequ’ilest.»

«Personnen’ajamaisparlédelakidnapper.»Motyaavaitl’airmalade.«Vadirmefait

suffisammentchiersansça.»

«Vadirestmort.»Yuriagitanégligemmentlecanondesonarmedegaucheàdroite,comme

pourbalayerl’incident.«Ilneposeraplusdeproblème.»

«Deproblème?Vadirvalaitbeaucoupd’argent,Yuri.»Orlovregardasonfilsavec

consternation.«Qu’est-cequetuasfait?»

Annikapensaàs’esquiververslaportedelacuisine.Ellesavaitqueçaallaitmalfinir.Sielle

avaitdelachance,ellepourraits’enfuiravantquetoutnetourneàlacatastrophe.

«Nebougepas,salope!»grondaYuri.

Annikasefigeasurplace.Chaquecentimètrel’approchaitdelaliberté.

Yuriseretournaverssonpère.«Appellelesautresmembresduconseil.Onvaavoirunepetite

réunion.»

ChapitreQuatorze

Annikaregardaattentivementlapièce,sedemandantsiceseraitlittéralementledernier

spectaclequ’elleverraitavantdemourir.Sic’étaitlecas,elleétaitvraimentfurieuse.Cettefausse

réunionduconseilétaitunediscussiondetablerondeentredesvieillardségoïstesquinesemblaient

pasavoirlevélepetitdoigtpourautrechosequeboufferdurantdesannées.

«Pourquoidevrions-noustenommerauconseil?»demandaunhommebedonnantaux

cheveuxrouxfanés.«OnadéjàunOrlov.Çadonneraittropdepouvoiràtafamille.Etsijevoulais

mettremonneveuàlaplacedeVasily?»

«Tonneveuestunimbécilemaladroitquinesaitpasfaireladifférenceentreunboutoul’autre

d’unflingue,»ditYuriavecimpatience.«SileconseilmenommepourprendrelaplacedeVasily,

leschosesirontmieux.J’aidegrandsprojetspourlesyndicat!»

«Quelsprojets?»demandaquelqu’und’autre.«J’aientendudirequetuavaistuéVadir

Polzin.»L’hommefitungesteversAnnika.«Ettutraînessafillederrièretoicommeunboulet.Ça

neditriendebonpourtoientantqu’homme.»

LamaindeYuritrembla,etAnnikaleregardaavecfascinationreprendrelecontrôledeson

humeur.Àl’évidence,ilnevoulaitpaslamortduconseil.Pasencore.

Laported’entrées’ouvritsiviolemmentquetoussaufYurietAnnikasursautèrentdesurprise.

Pyotrentradanslapièce,Felikssurlestalons.Lecœurd’Annikabonditunpeuquandleregardde

Feliksbalayal’assembléeavantdeseposersurelle.Ilsemblaitétudiersonétatgénéral.Ellelui

adressaunpetithochementdetêtepourmontrerqu’elleallaitbien.Jusqu’àmaintenant.

«Necroyezpascepetitenfoiré,»déclaraPyotràsescamarades.«C’estluiquiatuéVasily.

MotyaetluisesontarrangéspourqueVasilysoitprésentcettenuit-là.Yuriestceluiquiluiatiré

dessus.PasVadir.»

«Commentlesais-tu?»demandalerouquin.

Pyotreutl’airhonteux.«ParcequeVadirmepayaitenpotsdevin.Jepensaisqu’onpourrait

convaincreVasilydecesserdeluttercontrecettepratique.Jenesavaispasqu’ilseraitdescendu.»

«Menteur!»criaMotyaOrlov.«Tuétaisaucourant!»Sonregardbalayalecercle,tentantà

l’évidencedevoirquicroyaitqui.Àcestade,ilsétaienttousenterrainglissant.

«Jedislavérité,»insistaPyotr.«Jen’aiplusrienàperdre.YuriaassassinéVasily,Vadir

PolzinetmêmelaveuvedeVasily.»IlpointaundoigtaccusateurversYuri.«Vousnecomprenezpas

?Cethommeaassassinéunefemmedesang-froidalorsquesonenfantétaitprésentdansla

maison!»

Lebourdonnementdevoixsefitplusbruyanttandisqueleshommeschanegaientd’aviscomme

dechemise.Yurisemblaitdeplusenplusagité.Ilpourraitexploseràtoutmoment.Etlà,ilyaurait

desmorts.

«Etqu’enest-ildufilsdeVasily?»criaAnnikadanslevacarme.«Vousnevoulezpassavoir

cequelefilsdeVasilyaàdire?Siquelqu’unméritedeprendrelaplacedeVasilyauconseil,ne

serait-cepassonpropresang?»

Feliksladévisageaitcommesielleavaitperdul’esprit.Maissoncommentaireeutl’effet

désiré.LapièceentièreétaitàprésentconcentréesurFeliks,mêmeYuri.Feliksseredressaetadressa

unregardd’aigleàchacundesmembresdel’assemblée.

Lorsqu’ilouvritlabouche,savoixétaitjusteassezfortepourporterdanslapièce,maisleton

étaitferme.«YuriOrlovs’estamuséàmanipulerceconseiletlesyndicatdepuisquesonpèreluia

transmislachargedeleursaffairesfamiliales.Lerésultat,c’estqu’onnepeutpasluifaireconfiance.

Ilmettratoujourssespropresintérêtsavantceuxdusyndicat.»

Yurigrondaquelquechosed’inintelligibleenrusse,àl’évidenceoffensé.Puisilsautadesa

chaiseenagitantsonarmedanslesairs.«Commentoses-tu?Toi!Tuesl’hommequiétaittropfaible

pouraccomplirlatâcheordonnéeparleconseil.»

Ilyeutunevagued’assentimentsparmilesautresmembres.Lerouquinparlaenpremier.

«Yurin’apastort,Feliks.Pourquoin’as-tupascomplétélatâche?»

«Parcequeseulsleslâchesfontlaguerreauxfemmesetauxenfants,»ditfermementFeliks.

«Maistunousavaisditquetucomplèteraiscettetâche,»insistalerouquin.«Peux-tula

compléter?Oucettefemmesignifie-t-ellepluspourtoiquelesyndicat?»

L’estomacd’Annikasenoua.Detouteslesconséquencespossibles,ellen’avaitjamaisvraiment

cruquececiarriverait.L’expressiondeFeliksétaitdemarbre.Maisellepouvaitvoirdanstoutesles

lignesdesoncorpsqu’ilnecomplèteraitpascettetâche.Elleluiavaitenvoyélemot‘aimer ’àla

figurepourjouer,maisàlavérité,ellepensaitvraimentqu’ilavaitdessentimentsfortspourelle.

Encequilaconcernait,Annikasavaitqu’elleaimaitFeliks.Alors,sedirigeantverslecentrede

lapièce,elles’agenouilladevantlui.Ellelevalesyeuxversluietespéraqu’ilpouvaitvoirses

sentimentsdanssesyeux.

«Qu’est-cequisepasse?»MotyaOrlovritnerveusement.«Cettesalopeveutmourir?»

«Non,»corrigeaAnnika.«J’aimeFeliks.Jeneleforceraipasàfaireunchoix.Jepréfèrerais

donnermaviedemonpleingréplutôtquequelqu’unletraitedelâche.»

L’armedeFelikstressautadanssamain,maisilnelalevapas.Annikaétaitsûrequ’ilnela

blesseraitjamais.Elleneleblesseraitjamaisnonplus,cequiluidonnauneidéeintéressante.

«Vousnevoyezpasqu’ilyauneautremanièredeneutraliserunemenace?»demandaAnnika

desavoixlaplusforte.«VousvouliezqueFeliksmetuepourvousassurerquemonpèrenesoitplus

unemenacepourlesyndicat.MaisFeliksn’a-t-ilpasaccomplicetobjectif?Ilamaloyauté.Jenesuis

plusunemenacepourlui.Jesuisunealliée.»AnnikalançaunregardobliqueversYuri.«Et

maintenantqueYuriOrlovaassassinémonpère,Vadir,j’aihéritédesesaffaires.Etçaveutaussidire

queFeliksenahérité,etdoncqu’ilestdevenuunhommetrèspuissant.»

FELIKSPUTVOIRtousleshommesdelapièceébranlésparlaforcedel’annonced’Annika.

Ladonneavaitchangé.Mêmesipourdirevrai,c’étaitAnnikaquiavaitchangéladonne.Elleavait

acculéleconseildansuncoin.Etellel’avaitfaitentordantleurspropresidéauxetenlesforçantà

fairefaceàleurpropremanquedecourage.

LepetitriredePyotrsemblabriserlatensionquiavaitfigélapièce.«Jen’imaginepas

commentnouspourrionsargumentercontrecettelogique,messieurs.»

LerouquinYurovichacquiesçaàcontrecoeur.«Vasilyauraitapprouvé,jepense.Cethypocrite

moralisateuratoujourseuuncôtédoux.»

Quelqu’und’autrebâilla.«Ilestbientroptôtpours’occuperdecesaffaires.J’aimeraisrentrer

chezmoietmereposersionenafiniaveccepoint.»

«C’esttout?»ditYuri.«Vousêtestoussatisfaitsavecça?Felikspeuttoutsimplementvalser

devantvousetavoircequ’ilveutparcequ’ilestlebâtardd’unhommemortquiétaittropfaiblepour

fairecequ’ildevaitfaire?»

«Da.»Yurovichhaussalesépaules.«Lesplacesduconseilsonthéréditaires,Yuri.Tulesais

bien.QueVasilypuisselereconnaîtreoupas,Feliksestsonfilsetdoncsonsuccesseur.»

LesentraillesdeFeliksseserrèrentlorsqu’ilserenditcomptequ’uneboîtedePandorevenait

d’êtreouverte.IlsebaissaetramassaAnnikasurlesol.Lapoussantdanslacourbedesoncorps,il

tombaausoletroulaversunabrijustequandYuripressaladétente.

DescrisdecolèreetdedouleurrésonnèrentdanslapiècetandisqueYuritruffaitlamaisonde

sonpèredeballes.Desaplacederrièrelecanapélourd,FelikssetintentreAnnikaetYuri.

«Tudoisl’arrêter!»plaida-t-elle.

Feliksneréponditpas.Iln’yavaitpasdetempsàperdre.Ilsepenchaautourdesépaispiedsen

boisducanapéetvisaYuri.Lefou-furieuxétaitdeboutdevantlecorpssansviedesonproprepère,

souriantcommeunmalade.

PuisYuripivotasoudain,éclatantderireàlavuedeFeliks.Illeval’armeetfitfeu.Feliks

replongeaderrièrelecanapéalorsqu’unnuagedeplumesetdetissuséclataitdansl’air.

«Tuveuxm’avoir,FeliksKoslov?»criaYuri.«Alorsviensmechercher!»

Felikssecomposa,sachantqu’iln’yavaitpasd’autresmoyens.IldevaitarrêterYuripour

pouvoirprotégerAnnika.Feliksrefusaitdelaissercettemenaceenvie.

Roulantdederrièrelesofa,ilseremitsursespieds.Yuriétaitdéjàentraindeleviser.Feliks

ignoralesconséquences,vitsacibleetsepréparasoigneusementàrépondreaucoupdefeu.

«Non!»PyotrplongeaentreFeliksetYuri.

TandisqueFelikss’attendaitàlamorsured’uneballedanssachair,ilvitPyotrs’effondrer.La

soifdesangluifitpresquetournerlatêtetandisqu’iltiraitencoreetencoresurlecorpsdeYuri.

«Feliks!»

Annikalerejoignit,etFelikslapritlentementdanssesbras.Maisc’étaitPyotrquiretenaitson

attention.Levieilhommeavaitdumalàrespirer,sonderniersouffleprochetandisquelesang

s’écoulaitdesapoitrine.

FelikstombaàterreettiraPyotrsursesgenoux.«Espèced’idiot,àquoipensais-tu?»

«Jet’aiditquejepouvaistoujourstenirunearme,»haletaPyotr.«Jevoulaisêtreceluiquile

tuerait.PourIrina.»

Felikstouchalesjouespâlesetterreusesdesonami.

«Reprendsleschosesenmain,etaméliores-les,»luiditPyotr.«C’estcequeVasilyaurait

voulu.»

Feliksauraitvouluaccepter,maisc’étaittroptardpourdespromesses.Laviequittalesyeuxde

Pyotr,etsoncorpssedétendit.

Feliksbaissalatêtedechagrin.Pyotravaitfaitdeschosesqu’ilnepourraitjamaispardonner,

maisilavaitétéunepartimportantedelaviedeFeliks,etriennepouvaitychanger.

«Tantdemorts,»murmuraAnnika.Elles’accrochaàFeliks,sesbrasentourantsoncou,sa

jouepresséecontresonépaule.«Pourquoin’ont-ilspasvucequiallaitsepasser?»

«Ilssontdevenuscomplaisants,»réponditdoucementFeliks.«C’estquelquechosequenous

devronséviter.»

«Onvavraimentfaireça?»Ellebalayalapièceduregard,absorbantlecarnage.«Iladécimé

presquetoutleconseil.»

«Onpeutrecommenceràzéro.»

EllesemblatransfiguréeparlavuedeYuribaignantdansunemaredesangsurletapisdeson

père.«MotyaOrlovavaitd’autresenfants?»

«Unfils,»admitFeliks.«Ilesteninternatàl’école.»

«Ildoitprendresaplaceauconseil,»décida-t-elle.

Feliksrenifla.«AucunOrlovneserabienvenu.Pasaprèsça.»

«Tuastort.»Sonexpressionétaitsicertaineetsicalmequ’ilsesentitobligédel’écouter.

Annikasouritettouchasonvisage.«Lesvendettasnefontquefairecoulerplusdesang.Parleàce

jeuneOrlov.Raconte-luicequis’estpassé.Donne-luiunevoix,etlachancederachetersafamille.

C’estlameilleuremanièredecréerunsyndicatsoudé.»

Felikshochalatête,ressentantuneincroyablevagued’émotionsdanssoncoeur.«C’étaitun

jourdechance,lejouroùilsm’ontordonnédetetuer,AnnikaPolzin.»

Lesongaidesonrireétaitpresquemacabresurcettetoiledefonddesangetdemort,mais

Feliksfutreconnaissantdelalumièrequ’ilapportaitàsesténèbres.

Elletouchaseslèvres.«J’auraisplutôtditquec’étaitunjourdechance,lejouroutum’asmis

enceinteparaccident.»

Etiln’avaitaucuneréponseàça.

ChapitreQuinze

Unanplustard…

Annikatiralacouverturelégèresurleminusculecorpsdesonbébé.Ilfitlamoueetsuçasa

tétineparreflexeavantdes’endormird’unsommeilprofond.L’observernecessaitjamaisde

l’émerveiller.Ilétaittellementpetitetimpuissant,etpourtant,dansvingtans,ilseraitunparraindela

mafiadeBoston,commesonpapa.

Feliksapparutdansl’embrasuredelaporteets’appuyacontrelecadre.«Tuestoujourslà?»

«Detouteévidence.»

«Lebébépeutdormirsansquetulesurveilles,tusais.»

Ellelesavait,maisparfoisellevoulaitresterdanslamêmepiècequesonfilspourleprotéger.

Feliksouvritlesbras,etAnnikaseblottitcontreluipourchercherduréconfort.

«Ilestensécurité,»promitFeliks.«Lamaisonestbiengardée,etenplus,onn’apas

d’ennemis.»

«Pourlemoment.»Ellesoupira.«Qu’est-cequisepasseradanssixmoissionfâche

quelqu’un?Notrefamillepourraitdevenirunecible.Yurin’étaitpasleseulsociopatheaumonde.»

«Non.Maisparfoisc’estplussûrd’êtredumauvaiscôtédelaloi.Aumoinsonconnaitles

dangers.»

«CommentvaOksana?»Ellejetauncoupd’oeilverslachambreoùleurfilleadoptive

dormait.

«Elledortvraimentcommeunloir,»dit-ilenriant.«Jesuisentréetellemetournaitledos

danssonlit.Ellen’apasbougépendantquejemebaladaisdanslapièce.»

«Super.»ÇarendaitAnnikatrèsheureuse.«Notrepetitefilleméritedesesentirensécurité

aprèstoutcequ’elleatraversé.»

«Pareilpourtoi,»luirappelaFeliks.

«Jesuisensécurité.Jesuislafemmeduplusgrandetduplusméchantroidelamafiarusseen

ville,»luirappela-t-elle.

«D’accord,mareinedelamafia,est-cequetuveuxbienvenirtecoucher?»

«Tuvasmefaireoublieràquelpointjesuisstressée?»taquina-t-elle.

Illapritdanssesbrasetlatransportadanslecouloirjusqu’àleurchambreàcoucher.Ils

avaientchoisid’emménagerdansunenouvellemaison.Cen’étaitnil’anciennemaisondeVasily,ni

celledePyotr,nicelledesonpère.C’étaitleurmaison.

«Jesuiscontented’avoirchoisinotrepropremaison.»Elleposalapaumedesamainsurla

jouedeFeliks.

Ilrefermalaportedeleurchambredupied.«Jesuiscontentqu’elleoffresuffisamment

d’espaceprivé.»

«Ettuasbesoind’espaceprivépourquoi?Hein?»Ellesavouraittellementcebadinage.«Tu

aspeurquejetedérangependanttonsommeil?»

«Jenesuispasd’humeuràdormir.»

«Tuveuxplutôtlirealors?»Ellefitsigneverssonfauteuildanslecoin.«Jepeuxtelaisser

tranquille.Jesaisàquelpointtuvalorisetontempsseul.»

«Femme,tumerendsfou.»

«C’étaitlebut.»Elleseblottitdanssoncouetembrassalecreuxdesonépaule.Sonmuscle

tremblasousseslèvres.«Jet’aidéjàditàquelpointjemesentaispuissantedesavoirqueje

t’allumaisautant.»

Ilplaçaseslèvresjusteàcôtédesonoreillejusqu'àcequesonsoufflechatouillesapeau

sensible.«Oui,maisjenemelassepasdel’entendre,doncn’hésitepasàterépéter.»

Feliksladéposasurlelitetgrimpadoucementàsescôtés.Ellesentitdesboufféesdechaleur

alorsqu’elleneportaitqu’unechemisedenuitetunerobedechambrefine.Illaregardadehauten

bas.Laseulelumièredelapiècevenaitdelalampedechevet.Lalumièretamiséerendaitsonregard

d’autantplusintense.

Tirantdoucementlaceinturedesarobe,ill’ouvritetlaissaletissusoyeuxtomberdeson

corps.Puisilplaçaunemainsursonventreettraçadeslignesverslacourbedesesseins.

«Feliks.»Ellechuchotasonnom.

Ilbaissalatêteetdéposaunbaiserdanssondécolleté.Lachaleurdesaboucheétaitexquisesur

sapeau.L’excitationpritledessus,etellefutimpatientequ’ilcomblesonbesoin.Ellemouillaitdéjà

tellement.Posantlesmainssursonbas-ventre,elleexploralescontoursdesontorsenu.

Ilgémitetcambraledostandisqu’elleéraflaitsapeau.Elletrouvasestétonsetlespinça

doucementjusqu'àcequ’ilsdurcissent.Ellesentitsespropresmamelonsdurciretpulsercommes’ils

cherchaientlamêmeattention.

Lorsqu’ilabaissaledessusdesachemiseetembrassasonseindroit,Annikaeutl’impression

qu’elleallaitmourirdeplaisir.Ils’occupadugauchedelamêmemanièreavantdeglisserletissude

sarobelelongdurestedesoncorps.

Ellesoulevaleshanchespourluipermettredel’enlever.Lorsqu’ilapparutau-dessusd’elle,elle

saisitsaceintureetdétachasonpantalon.Latiretteétaitbruyanteàcotédeleursrespirations

haletantes.Elleluttapourledébarrasserdesonpantalonetfutenfinrécompenséequandsesmains

entrèrentencontactaveclesmusclesfermesdesoncul.Ellel’attiraverselle,sentantsonérection

presserdemanièreérotiquecontresonentre-jambe.

«Annika,j’aitellementenviedetoi,»ditFeliksenpoussantuncri.«Jeveuxteprendre.»

Commesielleallaitluirefuserça.«Ohoui!»

Elleécartalesjambespourl’accueillir.Soncentreétaittrempé,etlespetitesbouclesqui

couvraientsamotteétaienthumidesdemouille.Ilposalesbrasdechaquecôtédesesépaulesetse

penchapourembrasserseslèvres.Ildévorasabouchecommes’iln’enauraitjamaisassez.Et

pendanttoutcetemps,ilfrottasabitecontresonsexejusqu'àceque’elleaitl’impressionqu’elleen

perdraitlatête.

FELIKSNES’HABITUAITpasàl’idéequ’ilaitpus’accaparerunefemmecommeAnnikaet

enfairesonépouse.Alorsqueleurslanguessemêlaient,luttantpourdominer,ils’émerveilladu

privilègedesetrouverauxcôtésdecettefemme.

Sapeaudouceétaitsublimecontrelasienne.Unfinvoiledesueurrecouvraitleurscorpsqui

dansaientensemble.Dansquelquessecondes,ilglisseraitsabitedanssachatteetlaferaitsienneà

nouveau.Maispourl’instant,ilvoulaitsavourerl’attente.

Ellelevaunejambeetcaressal’arrièredesacuisseavecsonmollet.Cettepositionouvritson

sexejusteassezpouravalersabiteentreseslèvreschaudesethumides.Sachairétaitincroyablement

envoûtante.Lefrottementcontresonglandsensiblefutpresquesuffisantpourluifaireperdrele

contrôle.

«Annika,»grogna-t-il,commes’ilsetrouvaitauborddelafolie.

«N’attendsplus,Feliks,»luidit-elle.«Prends-moimaintenant.Fais-moitienne.»

Commes’ilavaitbesoind’uneautrepreuvequecettefemmeluiappartenait.Soncorpss’ouvrit

tandisqu’elleécartaitlesjambespourl’accueillirdanssachatteenfiévrée.Chaquemuscledesachatte

secontractacontresabite.L’étreinteétroitelefitpresquejouir.Maisilserralesdentsetcommencaà

alleretvenirdanssachaleur.

Ilavaitvouluyallerlentement,fairel’amourtendrementàsafemmeetlacomblerd’unplaisir

indescriptible.Maisellenesemblaitpasvouloirdeça.Elleplantalesonglesdanssesépaulesen

cambrantledosetfléchitleshanchespourl’empalerenelle.Ilapprofonditsescoupsderein,sentant

songlandeffleurersonpointGàchaqueva-et-vient.

Lefeufrémitdanssesveines.Ilsentitlasensationfamilièredesesmusclessepréparantà

l’orgasme.Sarespirationsefitpantelante,chaqueexpirationungémissementdebesoin.Ellesemità

balancerleshanchespourrencontrersescoupsderein.Etlorsqu’elleatteintenfinleseptièmeciel

danssesbras,Felikssavourachaquesecondedecettemerveilleuseexpérience.

Sescrisrésonnerentsurlesmursdeleurchambrequandellejouit.Feliksnes’interrompitpas.

Ilplongeaenelleetsentitsonorgasmel’attirerdanssesbras.Soncerveauembruméparleplaisir

pouvaitàpeineenregistrercequisepassait.Puisilcambraledossifortqu’iléprouvalasensation

quesacolonnesebriseraitendeux;unesecoussed’extaselefitexploser.

Iléjaculadetoutessesforces,remplissantAnnikadesasemencejusqu'àcequ’ilsoit

completementvidé.Sesbrassemirentàtrembler,etilroulasurlecôtépouréviterdel’écraser.

Incapabledesedistancerd’elle,ill’attiradanslecreuxdesoncorpsetlapritdanssesbras.

«Parfoisj’ail’impressionquetuvasmetuer,»luidit-elleenriant.

«Oui,maisquellemanièredemourir.»

«Leshommesdisenttoujoursça,maisaimerais-tuvraimentmourirainsi?»

Ilconsidéracetteidée.«Etsijetedisaisquejen’avaisaucuneenviedemourir?»

«Çameplaitmieux,»murmura-t-elle.

Ilpouvaitpresqueentendresoninquiétude.«Toutvabiensepasser.»

«Jesais.Maisest-cequ’onaraisondefairecequ’onfait?»

Feliksréfléchit.Iltraçadoucementlecontourdesesépaules,profitantdutoucherdesapeau

soussesdoigts.«Jevoiscequetuveuxdire.Toutesceszonesdedoutes,onal’impressionquec’est

impossibledefairedeschoixéthiques.Maisaufinal,nousnesommesquedesgensquiessaientde

vivre.»

«Enviolantlaloi.»

«Quidécidecequ’estlaloi?Tupensesquetousleshommesd’affairesquigagnentleurfric

dansleslimitesdelaloisontmeilleursquenous?»Ilauraitaiméqu’ellevoieleschosesàsa

manière.«Onessaied’êtredesgensbien.C’estcequeVasilym’aappris,etc’estcequej’apprendrai

àmespropresenfants.»

«C’estpourçaquejetefaisconfiance,»murmuraAnnika.«Parcequ’aufinal,tune

ressemblespasdutoutàmonpère.»

«C’estpourçaquetuasnomménotrefilsVadir?»Ill’avaittoujourssoupconné,maisn’avait

jamaisétésûr.

«J’ail’espoirquetuenseignerasàVadiràêtreunhommemeilleurquenel’étaitsongrand-

père.Tul’aiderasàcomprendrelesacrificedesoiaulieudel’égoïsme,etl’importanced’êtrebonet

honnêteenverslespersonnesqu’ilaime.»Elleseblottitcontresapoitrine.«Doncoui.J’ainommé

notrefilsVadirpourquepeut-êtremonpèreaitunesecondechancedeseracheter.»

«Ilt’aimait,tusais?»

Elleembrassasanuqueets’étirapourquechaquecentimètredesoncorpstouchelesien.«Et

Vasilyt’aimaitaussi,mêmes’iln’ajamaisputereconnaitreenpublic.»

«Doncjesupposequenotreseulboulotsoitd’aimernosenfantsdumieuxqu’onlepeutetde

leséleverpourêtredesmembresproductifsdecemonde.»Feliksdutreniflerdevantl’arrogance

écrasantedecettedéclaration.

«Wow.Aucunepression.»

«Tuesquelqu’und’incroyable,Annika.»Ilcaressadoucementsonvisage.«Nosenfantsont

delachancedet’avoircommemère.»

«Est-cequeçaveutdirequetuasdelachancedem’avoirpourépouse?»

Ilsedemandasiellecomprendraitunjour.«Parfois,j’ail’impressionquej’aicomplètement

retournéledestinenteprenantpourfemme.»

Elleleroulasursondos,lechevauchantetlaissantsesseinsfrôlerdoucementsontorse.«Ah

oui?»

«Quoi,tuasditquelquechose?Jen’arrivepasàréfléchirquandtapoitrineestsiprochede

moi.»Illespritdanssesmainsetlesembrassachacunàleurtour.

«Jepeuxtedireunechose,»dit-elled’untonneutre.«Jenemesuisjamaisimaginém’amuser

autantavecmonmari.»

«Promets-moiqu’ons’amuseratoujours,»pria-t-il.«Ouaumoinsqu’onessaierades’amuser

mêmelesmauvaisjours.»

Legloussementd’Annikafutsaseulepromesse.«Mêmelesmauvaisjours,»convint-elle.

LAFIN

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ChapitreUn

Trisha lança lesmainsen l’airetpoussauncrid’excitation tandisqu’unepetitebilleblanche

roulaitetrebondissaitsurlaroulette.Autourd’elle,lesnouveauxamisqu’elles’étaitfaitslorsdeson

programmed’échanged’étude s’étaient soulés à la bibine, célébrant la liberté d’être sortis de leur

dortoir.Labilles’arrêtaenfinsurunecaserouge,etlecroupierréglalesgains.Trishasaisitlebras

desonamieMinka,etlesdeuxfillesfirentunepetitedansedevictoire.

« On a gagné ! » Trisha criait presque pour être entendue par-dessus les acclamations et

gémissementsdesautrespersonnesautourdelatable.

CecasinodeMoscoureprésentaittoutcequeTrisharêvaitd’uneaventure.Lesplafondshauts

étaientcouvertsdegravuresornéesrecouvertesdefeuillesd’or.Desdraperiesopulentespendaientdu

plafond jusqu’au sol. Les sols étaient enmarbre serti de joli quartz rose.Et il y avait des joueurs

russescanonàchaquetable.Cetendroitétaitunparadispourétudiants.

MinkapoussaTrishasurl’épaule.«Cemeclà-bas.Iltemate.T’avaisremarqué?»

IlfallutaucerveaubaignédeplaisirdeTrishaquelquessecondespourtraduirelesmotsdesa

nouvelle amiedu russe à l’anglais.Puis elle lançaun regardhésitant dans ladirectionpointéepar

Minka.

«Non!»Trisharetintsonsouffle.«Wow.Ilal’airsérieux.»

«Mais il est canon. Ça vaudrait la peine de s’approcher et lui sourire, tu ne crois pas ? »

demandaMinkatimidement.

Trishasouritàsonamie.«Facileàdirepourtoi.Tuesmagnifique.»Contrairementaulook

rouquinstéréotypédeTrisha.

«JeressembleàtouteslesfillesdeMoscou.»Minkalevasesyeuxbleusauciel.

Avecseslongscheveuxblonds,sapeaupâleetsasilhouettesvelte,Minkaressemblaitbienàla

moitiédesfemmesdeMoscou.L’autrecinquantepourcentsde lapopulationféminineétaitbruneet

jolie.DecequeTrishaavaitpuvoirjusqu’alors,lepaysentierétaitremplidefemmesmagnifiques.

«Viens.»MinkacommençaàtraînerTrishadanscettedirection.«Allons-y,maintenant!»

«Oh,d’accord!»Trishagloussaetrécupérasesjetonssurlatablepourlesverserdanslepetit

sacenveloursqu’elleavait reçudanscebut.«Maisquandilsefoutrademoi, je teblâmeraipour

ça.»

Trishalissalajupedesarobenoirecoquine.

Minkahochalatêteavecapprobation.«Cetterobetevasuperbien.»

«Vraiment?Parcequejepensequedépenserlerestedemonallocationvestimentairesurune

seulerobeétaitunemauvaiseidée.»Trishasoupira.«Jen’aipasenviederetourneràClevelandce

week-end.JepréfèreraisresteràMoscou.»

«AumoinstunevispasenSibérie,»plaisantaMinka.«Jedoisrentrerchezmoidansun

villageminusculeoùtousleshommesmesontapparentés.»

«Tuasraison.»Trishalevalesmainsensignedereddition.«Tuasgagné.»

Lesdeuxfemmesfaisaientexprèsdesemontrerdramatiquesetcoquettestoutens’approchant

deleurcible.Plusellesserapprochaient,plusTrishadevenaitfascinéeparlemecquisetenaitdebout

prèsdesdraperies.Ilsemblaitregarderl’ensembledelasallecommeunroientraindesurveillerson

royaume.

Minkacommençaàjurerenrusse,safluiditédanslalanguerendantlatâchedelacomprendre

impossiblepourTrisha.Elleparlaitdufaitquelemecavaitl’airdélicieux,etc’étaitcertainementle

cas.

PuisellepoussaTrishaducoude.«Iltedévisagetoujours.Regarde!»

Toutcequitouchaitàcethommeétaitsombre.Ilétaitgrand,ellelejugeaitàplusd’unmètre

83. Il portait un costumenoir fait surmesure et impeccable.Desboutonsdemanchette endiamant

scintillaientàsespoignets,etlachemiseenlinqu’ilportaitmoulaitsesabdos.Maiscen’étaitpasle

costumeoulafortuneévidenteannoncéeparsamontreincrustéedejoyaux.Ilyavaitquelquechose

d’indéniablementpuissantàproposdecethomme.

Ses yeux étaient foncés, comme des bains de minuit dans son visage ciselé. Son regard fit

fourmiller la peau de Trisha. Elle avait l’impression qu’il l’avait touchée sans faire contact. Il ne

souritpas.Seslèvresrestèrentpincées.Maisellepouvaitfacilementimaginerunsouriresensuelse

dessinersurseslèvres.Sesyeuxfoncésscintilleraient,etTrishasavaitqu’ellefondraitdel’intérieurà

l’extérieur.

Minka saisit Trisha par le bras. « Il me fait mouiller, et je ne lui ai même pas adressé la

parole,»murmura-t-elleavecferveur.

Trishaneputs’enempêcher.Elleéclataderire.Audiablelemystérieuxet lesexy.Cen’était

apparemmentpasdanssanatured’êtreaguicheuse.Sesentantaudacieuse,ellelançaàl’inconnusexy

undesesplusbeauxsourires.Pasunsouriredragueur.Pasunsourire‘viensmecroquertoutcru’.

Justeunsourireauthentique,désinhibé,pourvoirsiellepouvaitluifaireperdresonsang-froid.

Àsagrandesurprise,illuirenditsonsourire.

EllefaillittrébucherettomberàgenouxtandisqueMinkaetelledépassaientl’étranger,debout

prèsdelabaievitrée,encheminverslestoilettesdesdames.

«Purée,»soupiraTrisha.

Elleavaiteuraison.Lesourireavaittransformésonvisageenquelquechosed’angélique.Ses

yeuxbrillaientcommes’ilpensaitconnaîtresonplusdélicieuxsecret.Lacourbelégèredesabouche

étaitaccueillante.EtTrishasentitsoncorpsentierréagirenseraidissant.

Enfin,Minkaetelledépassèrentl’objetdeleurtentation.Ellesefaufilèrentdanslestoilettesdes

femmes. Trisha éventa sa main devant son visage comme pour se débarrasser des bouffées

d’embarrasetdedésir.Çaavaitététrèsamusant,mêmesirienn’enressortiraitjamais.

«OK,»commençaTrisha,passantàl’anglaispourpouvoirdireexactementcequ’ellepensait.

«Cemecestépoustouflant!Sérieux!Ilal’aird’undieu!»

Minka gloussa. Elle se regarda dans lemiroir quelques secondes avant de sortir un tube de

rouge-à-lèvredesonsac.«Ah.Onauraitditl’hommedemesrêves.Tunecroispas?»

«J’aifréquentéquelquesmecsenAmérique,»songeaTrisha.«Maisjepeuxt’assurerqueje

n’aijamaisvuquelqu’und’aussicanon.Jemedemandequic’est.»

Les deux jeunes femmes se rendirent compte aumêmemoment qu’elles n’étaient pas seules

dans les toilettes. Dans le coin le plus éloigné du salon des dames se trouvait une femme si

sophistiquéequeTrishasesentitpresquemaladed’envie.Une‘bombeblonde’étaitunedescription

appropriée.Desjambesdeplusieurskilomètresdelong,unerobeargentéemoulantequidévoilaitses

cuisses,unebonnepartiedesondoslisseetungénéreuxdécolleté,etlafemmeavaitunvisagemince

quiressemblaitàceluid’unmannequin.

«Ridicule!»déclara-t-elleenrusseàl’accentprononcé.Elleseremitdebout,balayantMinka

etTrishad’unregardmoqueur.«Vousparlezdechosesdontvousnesavezrien.»

Trishafronçalessourcils,sedemandantcequ’ellesavaientfaitpourmériterlacolèredecette

femme.Elle pensa auxmots qu’elle voulait lui répondre en russe. «Les gens parlent de ce qu’ils

ignorent pour pouvoir apprendre. Ou ils peuvent choisir de rester en colère et ignorants comme

certainsautres.»

La femme comprit de suite à qui Trisha faisait référence. Elle se raidit tant que Trisha

s’attendait presque à entendre ses vertèbres craquer. « Cet homme dont vous parlez avec un tel

manquederespectestAnatolyZaretsky.»

«Ok.»Trishapinçaleslèvresethochalatête.«Mercipourleconseil.»

«Espèced’idiote!»Lafemmereniflapresquedélicatement.«C’estlepropriétaireducasino.»

Minkapoussaunpetitcri.

« Je vois quequelqu’un comprend. »La femme se retourna et sortit des toilettes des dames

commesielleétaituneprincesse.

« C’est important ? » demanda Trisha à son amie. « Bien sûr qu’un propriétaire de casino

traîneraitdanslesparages.C’estsondomaine.Ilveutsavoircequ’ils’ypasse.»

«Oui,»réponditMinkaprécipitamment.«Maiscecasinoappartientàlamafia.»

Trishaétaitcertained’avoirmalcompris.«Pardon.Qu’est-cequetuasdit?»

ANATOLYSEDEMANDAOUBiankas’enétaitallée.Nonpasqu’ils’ensoucievraiment,mais

il était fatigué,etpuisqu’il avaitacceptéde l’escorterpour la soirée,çavoulaitdirequ’ildevait la

ramenerchezelle.Ilétaitplusqueprêtpourlarameneràsonappartementetrentrerchezluipouren

finiraveccettesoirée.

«Monsieur?»Fyodrs’approchaitdeladirectiondelasalledesécurité.

En tant que chef de la sécurité des casinos d’Anatoly, Fyodr quittait rarement son antre. Ça

voulaitdirequ’ilyavaiteuunincidentetqu’Anatolynepourraitpasrentrerchezluidesitôt.

Ilsoupira.«Rapport?»

«Ilyaeuunincident.»

‘Incident’signifiaitquequelqu’unavaitfraudélamaison.

Anatolylevaunsourcil,surpris.«Vraiment?»

«Oui.Ungrouped’étudiantsde laMoscowAcademyqui jouaientà la roulette.Avantça, ils

étaientaublackjack.Quelqu’uncomptaitlescartes.Onl’asurvidéo.»

« Amène-les moi. » Anatoly se frotta le visage, se sentant fatigué et de mauvaise humeur.

«Dansmonbureau.Toutlegroupe.»

«Oui,monsieur.»

Bianka le rejoingnit juste quandAnatoly s’apprêtait à se rendre dans son bureau au dernier

étagedel’hôtelattenantaucasino.Sonapparitionnefitquel’irriter.Siellen’avaitpaspassétantde

tempsàseremaquillerdans les toilettes, ilsauraientpuêtreenrouteet iln’auraitpasdûgérercet

incident.

«Oùétais-tu?»demanda-t-il.

Elle haussa un sourcil élégant de surprise. « Baisse d’un ton quand tu me parles, Anatoly

Zaretsky.»

«Etarrêtedemeprovoquer.»Ilplissalesyeuxdanssadirection.«Frederickvateramener

cheztoi.»

« Quoi ? » Elle avait l’air véritablement furieuse. L’expression transforma son visage

habituellementbeauenquelquechosedevraimentmoche.«Tuavaispromisdem’escorter.»

«Etmaintenantj’aidesproblèmesàrégler.»

Ellefitlamoue.«Tum’asignorétoutelasoirée.Etpuisj’entendsdeuxjeunesfemmesdansles

toilettessoupirantausujetdetabeautéetdufaitquetuleurassouri.»

«Cen’estpasvraimentuneraisonpourpiquerunecrise,si?»Ilnepritmêmepaslapeinede

cachersonirritation.«Lesdeuxjeunesfemmesdont tuparlesm’ont justedépassé.Jene lesaipas

encouragées. Je ne leur ai même pas adressé la parole. De quoi m’accuses-tu ? Parce que je te

rappelleque je suiscélibataire,etque jepourraisbaiser toutes les femmesdanscecasinoetçane

seraittoujourspastesoignons.»

Biankaretintsonsouffle,choquée.«Jamaistuneferaisça!Tuasacceptédem’épouser!»

«Non.»Ilsedemandaitvraimentpourquoiellepersistaitdanscetteillusion.«C’estfaux.Ton

pèrem’aapprochéàcesujet,etsijemesouviensbien,j’airefusédemanièrecatégorique.»

«Mais lesZaretskyet lesSokolovdoivent s’allier s’ilsveulentprospérer àMoscou !Tune

peuxpasnoustournerledos!»

«Ettun’utilisessûrementpasçacommemoyendepressionpourmeforceràt’épouser,»dit-il

d’untonsuave.«Tuneveuxpasd’unhommequiveuilleêtreàtescôtésparcequ’ilt’aimebien?»

«Tum’aimesbien.»Elleposaunemainsursonépauleets’approcha.Ilavaitdumalàrespirer

outrel’odeurécrasantedesonparfumdanssonnez.Maisellen’enavaitpasfini.Ellesemitsurla

pointedespiedseteffleurasajouedeseslèvres.«Tusaisquetuasenviedemoi.»

«En vérité, non. » Il la fit dégager. Saisissant sesmains, il tenta d’être doux en l’éloignant

délibérémentde sonespace.«Tuesunserpent. Jen’imaginepascomment jepourrais savourer ta

viscositédansmonlit.»

«Enfoiré!»Reculant,elletentadelegiflerauvisage.

Anatolyattrapasamain,latenantfermementdanslasienne.«Personnenemefrappe,Bianka.

C’étaittadernièreerreur.Jemefichedequiesttonpère.Mêmesitudevraissavoirquelevieillard

serait vraiment honteux de ton comportement. Aumoins, lui sait comment une femme devrait se

comporter.»

Ilclaqualesdoigtsversl’undesesagentsdesécurité.

L’hommesursauta,maisserapprochaavantd’inclinerlatête.«Monsieur?»

«Mercid’escorterMlleSokolovàlasortieducasino.Ellen’estpluslabienvenue.Demandeà

Frederickdelaramener,s’ilteplait.»

Une autre révérence, celle-là accompagnée d’un froncement de sourcils tandis que l’agent

absorbaitlarequête.«Ouimonsieur.Toutedesuite,monsieur.»

Anatoly observa Bianka quitter le casino de manière théâtrale, et n’avait jamais été plus

heureuxdevoirquelqu’unpartir.

Àprésent,s’occuperdes imbécilesd’étudiantsquipensaientpouvoir l’escroquer.Lesgamins

avaientsouventbesoind’unepetiteleçondevie,etilétaitplusqueravidelaleurfournir.

ChapitreDeux

«Qu’est-cequ’ilveutdirepartricher?»murmuraTrishaàsonamie.

Minka semblait figée par la peur tandis que leur groupe attendait dans unbureauopulent au

dernierétagedel’hôtelducasino.Trishaétaitperplexe.LerestedugroupeétaitnatifdeRussie,sauf

pourungarçonallemandquifaisaitunéchangescolaire.CommeTrisha,ilsfaisaienttouspartied’un

programme d’étude de laMoscowAcademy. Trisha était venue terminer la composante d’histoire

russedesondiplômed’art.Lesautresétaientlàpourtouteunevariétéderaisons.

Etmaintenant,ilsétaienttousenfermésàl’intérieurd’unbureauparcequelegérantducasino

affirmaitqu’ilsavaienttriché.

Trishanecomprenaittoujourspas.«Jen’aipastriché.Pourquoisuis-jeici?»

«Chut,»soufflaMinka.«Tais-toi.Neparlepas.Sionadelachance,ilsnouslaisserontaller

avecunsimpleavertissement.»

«Quelqu’un a appelé la commission du jeu, c’est ça ? » Trisha avait entendu parler de ces

chosesdanslessériesaméricaines.

«Lacommissiondujeu?»Minkafronçalessourcils.«Qu’est-cequec’est?»

«Ungenredeflicsdecasinos,»expliquaTrisha.

Mishaéclatad’un rire sombre.«OnestàMoscou.Dansuncasinoquiappartientà lamafia.

Aucunservicedepoliceneviendraitfairechierlamafia.Cesontunpeudesrois,ici.»

«Oh.»Trisharetombadanslesilence.

Elledéglutitetsedemandas’ilétaittempsd’envoyerunmessageàsonpère.Ilétaitundétective

deCleveland.Dugenretrèsprotecteur.Etc’estcequilafaisaithésiteràdemandersonaide.Sielle

foiraitmaintenant,elleauraitdelachanced’êtreautoriséeàsortirdechezelleavantsesquaranteans.

Soudain,lesdoublesportesmagnifiquementornéess’ouvrirentetunhommeentra.C’étaitbien

évidemmentcemec,AnatolyZaretsky,quelapétasseblondeavaitprésentécommelepropriétairedu

casino.Iln’avaitriendemignonàprésent.Ilétaitplutôteffrayant.

Trisha serra les poings pour s’empêcher de trembler. L’homme la dévisageait toujours.

Pourquoi ? Ne devait-il pas se concentrer sur la personne qui avait vraiment triché ? Pas que

quiconqueaitavouéquoiquecesoit.Petitsconnards.

«Alors,»commençaAnatoly.«Toutlemondeparlelerussecouramment?Ouest-cequeje

doismerépéterenanglais?»

«Onleparletouscouramment,»ditl’undesgarçonsd’unevoixpleinedebravade.

Anatolyacquiesça.«Bien.Alorslaissez-moiallerdroitaubut.Notreéquipedesécuritévousa

filméentraindetricherauxtablesdeblackjack.»

«Qui?»demandal’allemand.«Qu’ilsoitséparédugroupe,etlaisseztouslesautrespartir.Je

doisrentreràBerlindemain.»

« Ce n’est pas si simple, » répondit calmement Anatoly. « Dansmon casino, tous ceux qui

soutiennentuntricheursontconsidéréscommedesassociés.»

Unedesautresfillessetordaitlesmains,l’airtellementeffrayéequ’ellesemblaitprêteàéclater

ensanglot.«Maisonn’arienfait!Onnesavaitpasqu’ilyavaituntricheur!»

ANATOLYOBSERVAL’AMERICAINE.Commentaurait-ilpus’enempêcher?Sonsang-froid

étaitincroyable.Sesamisétaientpratiquementfigésparlapeur,maisellesemblaitpresqueennuyée

par toute cette procédure. Il l’avait remarquée dès qu’elle avaitmis le pied dans son casino. Il ne

voyaitpassouventdefemmesquiluiressemblaient.Avecsescheveuxrouxcourtsetbouclés,sapeau

pâleetsesyeuxvertsbrillants,elleétaituniquedanscettemerdeblondes.

Il s’adressa enfin à elle, la démarquant spécifiquementmême si elle se tenait à l’arrière du

groupe.«Ettoi?Tun’asrienàdireàproposdececrimequetuascommis?»

«Jetrouveçaridiculed’êtreaccuséed’uncrimesanspreuvesquej’aiefaitquoiquecesoitde

mal, et sans rien savoir de cet incident. Apparemment, dans ce pays, c’est normal d’être reconnu

coupableparassociation.Etdanscecas,jetrouveçaassezhypocritedevotrepartdenouspointerdu

doigt.»

Anatoly réprimadifficilement sonéclatde rire.Sescompagnonss’éloignaientd’ellecomme

s’ilsavaientpeurqu’elleleurvalleàtousungenredepunition.

Anatoly rassembla ses pensées, prit un air impassible tout en ayant l’air aussimenaçant que

possible.«Tuosesmecontredire?»

«Quelqu’undoitbienlefaire,»rétorqua-t-elle.«Sinon,onvatousseretrouverenprisonpour

lecrimed’unseul.Jenesaispaspourlesautres,maisjetrouveçatristedepenserquelecriminelde

notregroupenesesoitpasidentifié.»

«Etsilecrimineln’étaitpasunhomme?»murmuraAnatoly.«Etsijedisaisquelecriminel,

c’étaittoi.»

«Alorsvousseriezentraindementir.»

«Tumetraitesdementeur?»Ilétaitdélicieusementchoquéparsatémérité.

Elleplissasesyeuxverts,etposalesmainssurleshanchesdansungested’irritation.«Jene

voustraitepasdementeur.Jedisjustequevousmentezàproposdecetincident,parcequejen’aipas

triché.Jenesauraismêmepascomment.»

« Vous pouvez tous sortir. » Anatoly fit un geste vers ses hommes, qui commencèrent à

regrouperlerestedesétudiantshorsdesonbureau.«J’aitrouvémoncriminel.Jem’occuperaid’elle

enconséquence.»

Il remarquaque lablondequ’il avaitvueplus tôt avec la rousseenflamméeavait l’airde se

sentirmal.Lesdeux jeunes femmess’étreignirent.La roussechuchotaquelquechoseà l’oreillede

sonamie.Lafilleacquiesça.Unaccord,peut-être?Quesedisaient-elles?PourquoiAnatolyétait-il

tellementobsédéparcettequestion?Riennel’affectait.Ilpouvaitfairecequ’ilvoulait.Lapolicede

Moscouneluirefuseraitrien.

TRISHA N’AVAIT JAMAIS été si terrorisée de toute sa vie. A quoi voulait donc jouer cet

homme ? Si l’incident de fraude avait été filmé, alors il savait très bien que Trisha n’était pas

coupable. Pourquoi avait-il menti ? N’était-ce pas illégal ? Elle avait déjà demandé à Minka de

contacter l’Ambassade Américaine. Si elle avait de la chance, un peloton complet de marines

envahiraitl’endroitpouremmenerTrishaensécurité.Maispourl’instant,elledevaitfairepreuvede

prudence.

Les portes doubles se refermèrent. Le son était doux, et pourtant, sa signification était de

mauvais augure. Trisha se retrouvait seule avec cet homme qui dégageait un genre de puissance

impitoyablequ’ellenepouvaitpasdéfier.

«Alors.»AnatolyZaretskyseretournapourluifairefaceavecunsourireglacial.«Etsion

papotait.»

«Jesuisunecitoyenneaméricaine,»dit-elleavecraideur.«J’aidesdroits.»

Trishasesentaithorriblementexposée,enpleincentredelapièce,devantlebureaud’Anatoly.

Çan’avaitpasétésimalaveclerestedugroupe.Maismaintenantellesesentaitvulnérableetassez

nerveuse.Elleavaitàpeinelulasectionlégaleconcernantsonprogrammed’échange.Pourtant,ily

avaiteudesprospectusetdessitesinternetdédiésauxdroitsdescitoyensaméricainssurlesolrusse.

Trishanes’ensouvenaitquevaguement.Ilneluirestaitqu’uneseuleoption.Lebluff.

«Ahoui,machèrecitoyenneaméricaine.»Ilnefaisaitaucundoute:Anatolysemoquaitd’elle.

Illevalessourcils,etlecoindesabouchesetorditenunrictus.«Quelsdroitspenses-tuavoirdans

moncasino?Surtoutsituasétésurpriseentraindetricher.»

«J’ailedroitdecontactermonambassade.Vousnepouvezpasmereteniricicontremongré.

Vousdevezmeremettreàlapolice.»

«Non.»Ilsecoualatêtepresqueimperceptiblement.«Jenedoispas.»

Cet hommeémerveillaitTrisha.Elle ne put détourner le regard lorsqu’il déambula vers son

bureau et s’affala dans sa chaise. Il avait l’air d’un prélat romain paresseux. Il prit un stylo et

commençaàletapersurlebureau.Lebruitlarendaitfolle.Ilfinitpararrêter,etellefutcapabledese

concentrerànouveau.

Ilinclinalatêteetfitsigneverslaporte.«Lapolicerusseest–commentdirait-onenAmérique

–dansmapoche.Ilsfontcequejeveux.JesuislaloiàMoscouquandjeleveux.»

«C’estméprisable,»murmura-t-elle.«Alorsvousfaitesçaexprès.Voussavezbienquejen’ai

rienfait.Maisvousvoulezjoueravecmoi?Pourquelleraison?Pourquoiferiez-vousça?»

Ilsemblabrièvementdécontenancé.«Parcequejelepeux.»Ilhochalatête,sescheveuxfoncés

étaientsexyetébourifféscommes’ilvenaitdesortirdulit.

Trisha se châtia de penser à ce genre de chose. Pourquoi se souciait-elle de savoir à quoi

ressemblaitAnatolyZaretskyausautdulit!Elledétestaitceconnard!C’étaitunvraienfoiré!

Elleinspiraàfond.Restecalmeetrationnelle.«M.Zaretsky,jenesaispascequej’aifaitpour

mériter cette animosité, mais soyez assuré que c’était tout à fait inconscient. Mon vol décolle de

Moscoudemain,etjedoisvraimentêtreàsonbord.»

POURUNERAISONqu’il ne comprenait pas, l’idéequeTrishaquitteMoscou le lendemain

étaittoutàfaitinacceptableauxyeuxd’Anatoly.Ilneparvenaitpasàdécidercequil’irritaittant.Ilne

connaissaitpasTrishadutout.Elleétaitmagnifiqueàsamanièretoutàfaitunique.C’étaitévident.Il

auraitpusimplementl’inviterchezluipourlanuitets’encontenter.Maisilnepouvaitpasimaginer

une femme comme Trisha accepter ce genre d’invitation. Donc il devait rendre les enjeux plus

importants.Unefoisqu’ill’auraitcomprise,ildépasseraitcetengouementétrange.

«Vousserezretenueici,»annonça-t-il.

Ellepoussauncri.«Pardon?»

«J’aiparléenanglais.Vouspréférezquejevousparledansuneautrelangue?»Ilsavaitqu’il

étaitarrogant,maisilneparvenaitpasàs’empêcherdelataquinerunpeujustepourvoirsaréaction.

Sonespritlefascinait.

«Oh,j’aibienentendu.Etj’aicompriscequevousavezdit.»Elleposaunemainsursahanche

etlefusilladuregard.«C’estjustequej’aidumalàimaginerquevoustrouviezçanormalderetenir

unefemmecontresongrépoursatisfairevotresoifdepouvoirdegangsteràlanoix!»

Cette fois-ci,Anatoly ne put retenir son rire. Il éclata d’un rire profond qui résonna sur les

murs de son bureau et rameuta deux gardes qui enfoncèrent sa porte, paniqués. Il fit signe à ses

hommes.Ilsleregardèrentcommes’ilavaitperdulatête.C’étaitpeut-êtrelecas.Ilavaittoujoursdu

malàsecontenir.

«Voustrouvezçadrôle?»demandaTrisha.«Jesuisparfaitementsérieuse!Vousêtesmalade!

Cen’estpasjuste.Vousnepouvezpasmeretenirici.»

«Jevaismegêner!»répliquaAnatolyenreniflant.«Turesterasicisousmagardependant

unesemainepourremboursertoncrime.»

«Pour remboursermon…»Elle eut l’air horrifié. «AunomdeDieu !Vous avezperdu la

boule?Mesparentsvontêtredanstousleursétats!»

«Non.»Anatolyhaussalesépaules.«IlsvontrecevoirunappeldelapolicedeMoscoupour

leur dire que tu as été prise sur le fait en train de tricher dansun casinode lamafia.Ça suffira à

expliquertapeine.»

AnatolydevaitavouerquesilabravadedeTrishaservaitd’indicateur,sonpèreétaitsansdoute

uneforceànepasprendreàlalégère.Maisils’enfichait.Sonpèreétaitàunmilliondekilomètreset

àunocéandedistance.Trishaétaitpiégéedanssonbureau.

«Quelqu’unvat’emmenerdanstonnouveaulogement.»Anatolysereleva,neprenantpasla

peinedeprononcerunautremotavantdequittersonbureau.

Ils’arrêtadanslecouloir.«Ilyaunefemmeàl’intérieur,»dit-ilàYakov.«Enferme-ladans

unedemessuitesd’invités.»

«Patron?»Yakovneputcachersasurprise.

Anatolyrecourbaleslèvres,montrantàseshommesqu’ilferaitleschosesàsamanière.«Fais-

le.»

L’argument s’arrêta là, etAnatoly en fut ravi. Il n’avait pas vraiment de raison sensée pour

justifierseschoixactuels.Maisileninventeraitunebientôt,etc’étaittoutcequiimportait.

ChapitreTrois

«Vousnepouvezpasmeretenir ici !»criaTrisha,martelant laporteàchaquesyllabepour

soulignersacolère.«Enfoirésdemafieuxrusses,vouspouveztousallerenenfer!»

Evidemment, les deuxgorilles qui l’avaient poussé dans cette prison-palais ne prirent pas la

peinedeluirépondre.Queluiarrivait-il?C’étaitunpeucommeunescènedefilmdesérieB.

Elles’éloignadelaporte,inspirantàfondpourtenterdecalmersacolère.Çaneluiserviraità

rien de perdre la tête comme ça. Elle devait rester calme, rationnelle et concentrée.À unmoment

donné,cetAnatolyferaituneerreur,etellel’attendraitautournant.Elles’enfuiraitpourserendreà

l’AmbassadeAméricaine.Puis elle rentrerait chez elle.Elle n’avait rien fait demal.EtAnatoly ne

pouvaitpasprouverlecontraire.

Pivotant lentement en cercle au centre de la pièce, Trisha tenta d’avaler tout ce qui lui était

arrivé.Ellen’avaitjamaisvudechambrepareillesaufaucinéma.Lesplafondsàcaissonsde6mètres

dehautétaientincrustésd’oretd’azur.Lesolétaitcouvertd’untapismoelleuxsiépaisqu’elleavait

l’impressiondemarchersurunnuage.Le litàbaldaquinsétaitentourédedraperies.À traversune

porte, elle pouvait voir une salle de bain qui semblait tout aussi somptueuse. C’était comme être

enferméedanslatourd’uneprincesse.C’étaitpeut-êtremagnifique,maisçanechangeaitrienaufait

quec’étaituneprison.

Trishaeffleuraduboutdesdoigtslasurfaceimmaculéedelapetitetabled’écriture.Pourquoi

Anatoly avait-il une pièce comme celle-ci ?Était-ce une habitude pour lui de prendre des femmes

otage?Ellen’avaitpasencoreconsidérélapossibilitéqu’illaforce.Ouqu’ilessayedelaforcer.

«Commesij’allaisécarterlesjambessansriendireetlelaisserfaire!»renifla-t-elle

Maissontraîtredecorpspourraitlepermettresansqu’ellepuisserefuser.Mêmesiellevoulait

ledétester,cetenfoirél’attiraitquandmême.

Quelqu’untoquaàlaporte.

Elleseretournaetcherchaquelquechose–n’importequoi–qu’ellepourraitutilisercomme

arme.Au final, ellene trouva rien.Elledut se contenterde tirer la chaisede sous l’écritoire etde

l’utilisercommebarrièrevisuelleentreelleetlaporte.

Anatolypassalatêtedanslasuite.Lesouriresursonvisageprétendaitqueriennes’étaitpassé.

C’était toutaussiétrangequ’irritant.«Tuas toutcequ’il te faut?Cettepièceestassezconfortable

j’espère?»

«Tuasoubliédeprendretesmédocs?»grondaTrisha.«Jesuis tenueprisonnièreet tume

demandessij’aitoutcedontj’aibesoin?»

«J’essaiejusted’êtrepoli.»Ileutleculotdeparaîtrevexé.«Pasbesoind’êtregrossière.»

ANATOLY OBSERVA L’INDECISION qui planait sur les beaux traits de Trisha. Ses joues

étaientrosiesparlacolère.Elleétaitencoreplusattiranteenétantagacée,sic’étaitpossible.Celadit,

iljouaitunjeuavecelle.

«Grossière,»dit-ellelentement.«Tum’accusesd’êtregrossièrealorsquetum’enfermessans

raison?»

«TuasgagnéuneautresemainegratuiteàMoscou,»dit-ild’untonléger.«Jesuissûrquecet

endroit est bienplus sympaque tonhôtel. »Ellene commentapas. Il considéra ça commeunbon

début.«Etsitutecalmaisetquetuappréciaiscesvacances?»

«D’accord.Sicesontdesvacances,laisse-moiappelermafamille.»

« Jenepensepasqueça soitungeste intelligentdemapart. »Sa ténacité était admirable. Il

voulaitjustequ’ellecomprennequ’elleétaitégalementfutile.

«Tuasfaim?»demanda-t-ild’untondécontracté.«Jemangehabituellementàcetteheure-ci.

Tejoindrais-tuàmoipourunrepassurlaterrasse?»

«Mangerensemblecommesionétaitdesamisquipartagentunrepas?»Elleagrippaitledos

de la chaise devant elle. Ses jointures étaient blanchies par la force qu’elle appliquait dessus. « Et

pourquoiferais-jeuntrucpareil?»

Anatolyhaussanonchalammentdesépaules.Illaconsidéraitcommeunanimalsauvage,qu’il

seréjouissaitvraimentdedompter.«Commelaplupartdesêtreshumains,tuasbesoindemanger.Je

suis aussi un êtrehumain.Doncc’est logiquequ’onmangeensemble, non?Si tuveux, jepeux te

faireapporterunplateaurepas.Maislavuedubalconestvraimentbelledenuit.Tuaimeraispeut-être

lavoir.»

Ilpouvaitvoirqu’ilavaittouchéunecordesensible.Commelaplupartdesanimauxsauvages,

Trishaaspiraitàl’extérieur,àl’odeuretaugoûtdelaliberté.Mêmesicen’étaitquepourquelques

minutes,ellenerefuseraitpas.

«D’accord.»Ellepinçaleslèvresetluilançaunregarddedégoût.«Maisçanechangerienau

faitquejesouhaitetamort.»

«Biensûr.»Ilneprenaitpascettemenacesérieusement.

Anatolynedoutaitpasquesil’occasionseprésentait,Trishapuissebiensedéfendre.Maisson

comportement était mal placé. Anatoly avait beaucoup d’expérience en matière de violence. La

violencebourgeonnanteavaitquelquechosedesinistre.Trishaéprouvaitunecolèreimpuissante.Ce

n’étaitpaspareil.

«Trèsbien.»Anatolyouvritlaporte.«Joins-toiàmoisurlaterrasse,MlleTrisha.»

«Copeland,»dit-elleàvoixbasse.«MlleCopeland.»

«TrishaCopeland,»répétaAnatoly.«Çameplais.»

ElleémitunsontrèspeufémininquirappelaàAnatolylebruitd’uncochonreniflanttouten

roulantdanslaboue.«Commesijemesouciaisdecequetupensaisdemonnom.»

TRISHASAVAITQU’elleprenaitunemauvaisedécision,maisellecrevaitdefaimetenavait

marre d’être enfermée dans cette putain de chambre. Elle suivit Anatoly dans le couloir. Ils

dépassèrentlesdeuxgorilles,etellerésistal’enviedeleurfaireundoigtd’honneur.Enréalité,ilsne

faisaientqueleurboulot.Ilsavaientchoisidescarrièresdemerde,maiscen’étaitpasleproblèmede

Trisha.

QuandTrishaavait été emmenéedans cet appartement au sommetde l’hôtel, ellen’avaitpas

vraimentfaitattentionàsonentourage.Elleavaitétéavecsesamis.Ilss’étaientregroupésets’étaient

rendusdelaported’entréeaubureaud’Anatolysansvoirgrand-chose.

Maintenant elle se rendait compteque sa suite n’était que le sommetde l’iceberg enmatière

d’opulence de l’endroit. Dans le salon, elle s’arrêta et fit un cercle complet pour absorber ses

environs.

«Mamaisont’impressionne?»

Son ton de voixmi suffisant,mi curieux fit se raidir Trisha. Elle ne pouvait pas cacher ses

réactions,maiselledétestaitamplifiersonégo.«C’estjoli.Jepensequec’estunpeuexagéré,mais

qu’est-cequej’ensais?»

«Unpeuexagéré?»Ilpinçaleslèvresetfitungestedelamainpourl’inviteràs’expliquer.

Trisharegardalesfenêtresdetoit,l’éclairageencastrédanslesplafondsvoûtés,lesrichestapis

Persansetl’immensecheminéeenverre.«C’estcommesicetendroitétaitd’uneopulenceextrême

justepourquetoutepersonnequientresoitimpressionnéepartafortune.»

«Cen’est pas ceque font tous les riches ?» Il ne semblait pas fier cette fois-ci. Il semblait

honnêtementcroirequ’ilénonçaitunesimplevérité.

Ellebaissalesyeuxdesdétailsdelapiècecaverneuseàl’hommequisetenaitaumilieu.Ilétait

sexy,puissantetdominantd’unemanièrequipouvait soit intimider, soit impressionnersuivantson

humeuretsesintentions.Pourquoisesouciait-ildetoutescesimpostures?Soupirantlentement,elle

tenta sans succès de ne pas semontrer curieuse au sujet de ses origines et de sesmotivations. La

vérité,c’étaitqu’AnatolyZaretskylafascinaitdemanièredangereuse.

«Alors?»insista-t-il.

Ellechoisit soigneusementsesmots.«Dansmonexpérience,ceuxquisont lesplus richeset

ontlesrichesseslesplusstablesn’ontpasbesoindesepavaner.Ilsviventsimplementleurvieselon

leurgoûtetleurconfortetsefichentbiendecequepensentlesautres.»

Anatolyrejetalatêteenarrièreetéclataànouveauderire.Elleétaitdéconcertée.Pourquoicet

hommeriait-il?Çaladépassait.Maisaulieudepenserqu’ilsemoquaitd’elle,elleeutlesentiment

qu’ilsavouraitl’humourqu’iltrouvaitdanssesparoles.C’étaitétrangementflatteurd’êtrecapablede

fairerireuntelhomme.

Ohoui,elleétaitvraimentdanslepétrin.

Trisha passa du salon à la cuisine.Elle était grande, avec un îlot central et des ustensiles de

gastronomequiauraientfaitgémirsamèred’envie.Unefoisencore,elleeutl’impressionquec’était

unemiseenscène.QuiétaitvéritablementAnatoly?

«Viens,»dit-il.«Lesoupernousattendssurlaterrasse.»

ANATOLYOBSERVALAprogressiondeTrishadanslepenthouseetsedemandapourquoiil

éprouvait ce sentiment de satisfaction étrange en voyant évoluer cette femme dans son espace

personnel.Ilpouvaitressentirsaprésencederrièrelui.Sarobenoiremoulantegalbaitchaquecourbe

de son corps athlétique. Il doutait qu’elle se rende compte à quel point elle bougeait de manière

sensuelle. La grâce de sa démarche, le balancement de ses hanches, etAnatoly sentait sa libido se

réveiller.

Maisildevaitéviterdepenseràçapourlemoment.

Ilfitcoulisserlesbaiesvitréesdonnantsurlaterrasse.«Joins-toiàmoi,s’ilteplait.»

La table avait été dressée pour deux avec une nappe blanche, des bougies et des assiettes en

porcelaine.Ilavaitdemandéaurestaurantdel’hôteldeleurpréparerundînerdesaumonbraisé.Les

platsétaientposéssurunchariotargentéàcôtédelatable,etunserveurenuniformeattendaitdeles

servir.C’étaitexactementcequ’ilavaitcommandé.

Trishachoisitunechaise.Avantqu’ellenepuisses’asseoir,illatiraetl’assitensemettantaux

petits soins. Puis il s’assit sur l’autre chaise, en face d’elle.Même cette distance était trop grande.

Malgrél’arômedélicieuxdelanourriture,ilpouvaitsentirlalégèreodeurfémininequisemblaitêtre

sonparfumnaturel.Vraiment,cettefemmeétaitunmystèrequ’ilvoulaitpercer.

«Ettuauraisévidemmentdînécommeçatoutseulsij’avaisrefusétoninvitation,c’estça?»

Ellehaussaunsourcil.

«Evidemment.»Quenon!Maisellen’avaitpasàlesavoir.Anatolyavaitplanifiécettesoirée

pourlaséduire,etledouten’avaitpassaplacedanssesplans.

«Duvin?»demanda-t-ilenlevantlabouteille.

Elleposaunemainsursonverre.«Jepensequejevaismecontenterd’eau.Ilvautmieuxrester

lucideencampantenterritoireennemi.»

«Commetuveux.»Ilhaussalesépaulesetseversaunverre.

Unhochementdetêteetleserveurplaçalessaladesdevanteux.Anatolylaregardaprendresa

fourchetteetseservirsansréserve.Sonanxiétécommençaàrefluer.

«Dis-m’enplussurtoi,TrishaCopeland,»amadoua-t-il.

«Moi?»Elleavalasabouchéedesaladeetlevalesyeuxverslecielnocturnesurplombantla

terrasse.«Tuagiscommesic’étaitungenrederendez-vous.»

«Peut-êtrequec’estlecas,»suggéra-t-il,justepourvoirsaréaction.

Elleavalaquelquesbouchéesdesasalade,àl’évidencepaspresséedeluirépondre.Anatolydut

lutterpourresterpatient.Ilavalaquelquesbouchéesdesoncôté,justepouroccupersabouche.

«JeviensdeCleveland,enOhio.»Elleroulauneépaule,etledécolletédesarobeluidonna

unebellevuedesonomoplatedélicate.«Jenesaispass’ilyagrand-chosed’autreàdire.»

Anatolycachasonsourirederrièreleborddesonverredevin.Trishanepensaitpeut-êtrepas

qu’ilyenavaitplus,maisiln’étaitpasdutoutd’accord.

ChapitreQuatre

Trishasentitlabrisenocturnefraîchesursesjoueschaudesetsedemandaquandcettesituation

avaitcomplètementéchappéàsoncontrôle.Ilétaittempsd’êtrefrancheenverselle-même.Elleavait

un rancard avec un gangster russe qui l’avait prise en otage en raison d’une fausse accusation de

tricheriedanssoncasino.Lasituationétaitrisible,maiselleétait lààrireetàsavourerlemeilleur

tiramisuqu’elleaitjamaisgoûté.

«Letiramisu,cen’estpasitalien?»taquina-t-elle.«Quoi,lesdessertsrussesnesontpasassez

bonspourtoi?»

Anatolysemitàrire.Quelquesverresdevinl’avaientdétenduunpeu.Dumoins,c’étaitceque

pensait Trisha. Il ne semblait plus voiler ses intentions. Il ne faisait que prendre du bon temps.Le

résultatétaitdévastateur.Sesyeuxsombresbrillaientetétincelaientdemalice,et lesanglesdursde

sonvisagesedétendaientenquelquechosed’encoreplusérotique.

«Ah, » répliqua-t-il d’une voixmusicale. «Nous avons de nombreux excellents desserts et

sucreries dans ce pays.Mais j’ai toujours eu un faible pour certainsmets. C’est pour ça que j’ai

engagéuncheffrançaisetunchefitalienpourtravaillerdansl’hôtel.»

«Trèssnob,»dit-elled’untontaquin.«Rienn’estplusclassqu’uncheffrançais.»

«Çasembleêtrelaperceptiondumondeentier,non?»

Trishaneputréprimersacuriosité.«Tupossèdesd’autreshôtels?»

«Da,»dit-il.Jusqu’alors,ilsavaientdiscutéenanglais.Ilparlaittoutàfaitcouramment,bien

qu’ilnesemblepasbiencomprendrecertainesexpressions.Ilpassaaurusse.«Jepossèdedeshôtels

dans lemondeentier. IcienRussie, j’enaideuxàMoscou,unàSaint-Pétersbourgetdeuxspasen

Sibérie.»

«C’estquoil’attraitdelaSibérie?»Trishaneputréprimerungloussement.«EnAmérique,

onpensequec’estunendroitdésoléoùlesgenssontenvoyésparpunition.»

«Enréalité,c’estassezmagnifique,etbienpluspeupléquedanslepassé.»

Trishadégrisa.EllepensaàMinka.Sonamieétaitprobablementmaladed’inquiétude,etTrisha

étaitlààrireetàflirterenmangeantdusaumonaveclecriminelquilamaintenaitprisonnière.

«Qu’est-cequinevapas,mapetite?»Saquestiondouceétaitunparadoxecompletàl’image

dugangstersanscœurqu’elles’étaitfaitedeluidanssatête.

Ledévisageantdanslafaiblelueurdeslampescochèresaccrochéesauxmursdebriquedela

terrasse,elletentaderéconcilierlesdeuxmasquesd’AnatolyZaretsky.Ilyavaitledirigeantstoïque

etpuissantd’uneorganisationqu’ellepouvaitàpeineimaginer.Puisilyavaitaussil’hommequiriait

devantelle.C’étaitunmecqui auraitpu facilement la séduiredansunbar,dansunclub,oumême

dansungrandmagasin.Ilétaitcharmant,pleind’esprit,grandcauseur,etétrangementsensibletouten

mêmetemps.

«Jenecomprendspas,»finitpardéclarerTrisha.«Tusemblesêtreunmecsupersympa.»

«Peut-êtrequejesuisunmecsupersympa.»Ilseradossaàsachaise,faisant tournoyerson

verreparlepied.

«Sic’estvrai,»dit-ellelentement,conscientequ’elleétaitsurlepointd’entrerenterrainminé.

«Alorspourquoitunemelaissespasrentrerchezmoidemain?»

L’ESPRIT D’ANATOLY REJETA cette possibilité avant même qu’elle ne l’ait terminée.

Pourquoi demanderait-elle une telle chose ? C’était ridicule ! La laisser partir ? Pourquoi ? Pour

qu’elle s’envole à desmilliers de kilomètres et le prive de ce sentiment étrange etmerveilleuxde

normalité?

Non. Il était temps de retourner les choses. « Et où irais-tu ? Tu sembles bien t’amuser. Je

comprends de notre conversation que tu as passé du bon temps à Moscou. En fait, tu sembles

t’ennuyerdetavieenAmérique.Pourquoinepasapprécierl’opportunitéquejet’aifournie?»

«Opportunité?»

Letonplatdesavoixauraitdûêtrelepremiersignequecetteconversationallaitmaltourner.

MaisAnatoly insista.«Oui.Je t’aidonnéuneopportunité raredevivredans le luxecomplet

pourdesvacancesétenduesdansunpaysquetuaimes.Jesuisenpositiondetemontrerplusquece

qu’uncircuit organisé le ferait.Onpourrait visiter desmusées, des endroits historiques, oumême

faireunpetittourdansundemesspassituveux.»

« Vacances. » Elle cracha le mot. Ses joues s’étaient empourprées, et il regarda avec une

horreurfascinéesonrougissementsepropagerverssoncouetsapoitrine.Mêmelesommetcrémeux

desesseinspleinsétaitdevenurose.«Tupensesquejedevraisêtreheureused’avoirperdumaliberté

etd’apprécierl’opportunitédeprendredesvacancesavecmongeôlier?»

Trisha se remit sur ses pieds si rapidement que sa chaise tomba en arrière.Elle trébucha en

s’éloignantdelatable,vacillantsurseshautstalons.Ellemarchad’unpasraideverslabalustradede

laterrasse.Lesgrandspiliersenpierreétaientassezsolides,maisAnatolysedemandasidanssonétat

actuel,elleneseraitpascapabledelesarracherdeleursocle.

«J’avaisraisontoutàl’heure,»gronda-t-elle.«Tuescomplètementfou!Pourquelleraison

voudrais-jeprendredesvacances avecunhommequivient tout justedem’accuserde tricherdans

soncasinopourpourvoirm’apprivoisercommeunanimaldomestique?»

Ilvoyaitsalogique,biensûr,maisiln’allaitpasleluidire.Seremettantdebout,ilserapprocha

d’elleenquelquesgrandesenjambées.Ellereculapresquecommesielleavaitpeurderecevoirdes

représaillesphysiquespoursesparoles.

Ça le rendit furieux. Quand avait-il jamais montré un penchant pour la blesser ainsi ?

Quelqu’und’autrel’avait-ilblessé?L’idéefitmoussersonsang.Ilvoulaitluimontrerqu’iln’avait

aucuneintentiondelablesser.Enfait,sesintentionsétaienttoutàfaitàl’opposé.

Lasaisissantparlataille,ill’attiraverslui.Lasensationdesescourbescontresoncorpsétait

exquise.Ilgémitpresqueauplaisirquibalayasessens.Sansluilaisserletempsdecomprendrecequi

sepassaitoude le repousser,Anatolyposa ses lèvres sur les sienneset captura sabouchedansun

baiserprofonddedominationtotale.

ILETAITENTRAINdel’embrasser,etTrishan’avaitpaslesmoyensdelerepousser.Qu’est-

cequine tournaitpasrondchezelle?Mais ilavaitsibongoût !Commentpouvait-ilavoirsibon

goût?Ellepassalesbrasautourdesanuqueettouchasescheveuxsoyeuxduboutdesdoigts.

Les lèvres d’Anatoly étaient plus que douces. Elle soupira, émettant un petit gémissement. Il

profitadesonétatconfuspourglissersalanguedanssaboucheetlafrottercontrelasienne.Trisha

futchoquéedesentirunegicléedemouilleentresesjambes.Enfait,ellefondaitcomplètementsous

lenombril.Toutcequi se trouvaiten-dessousétait en feu.Elle se tortillaunpeu,et lemouvement

pressasesseins fermesencorepluscontreson torse. Il laserraencoreplus,etses tétonsdurcirent

soussarobe.

Le frottement était à en mourir. Le tissu de son soutien-gorge en satin, de sa robe, de sa

chemisecontresesseinssensibleslarenditpresquefollededésir.Ellesentitsesmainsglisserpour

prendre ses fesses. Il les serraentre sesmains, et ellegémitune foisdeplus.Soncorps réagissait

pourluicommeilnel’avaitjamaisfaitpourunautre.Salisted’amantsn’étaitpaslongue,maiselle

n’avaitjamaisconnuquelqu’uncommeAnatolyZaretsky.

Cettepenséefutcommeunsceaud’eaufroidelancéàsafigure.Qu’était-elleentraindefaire?

Sedégageantdel’étreinted’Anatoly,ellereculapourtenterderetrouversessens.Oupeut-être

sonbonsens,quisemblaitavoircomplètementdérapé.

«Qu’est-cequienvapas?»Savoixétaitdouce,presquecâline.

Ellerefermalaportesursondésiretseforçaàrassemblersesesprits.«Cen’estpasbien.»

«Commentça?»

Ilétait tellementbeau.Ses lèvresétaientpleines,sescheveuxébouriffésparsesdoigts,etses

yeuxbrillaientdedésir.Ellepouvaitvoirsapassion.Peut-êtrequec’étaitçaleproblème?Ellen’avait

jamaisrienvudetelchezunautrehomme.Commentquelqu’undesifroidetmanipulateurpouvait-il

êtreaussiàl’écoutede…etbien,deça?Ledésirirradiaitdesoncorpscommedesvagues.Ellese

sentitdésiréepourlapremièrefoisdepuistoujours.

«Jevaisrentrerdansmachambre,»marmonna-t-elle.

Tournant les talons, elle s’approcha des baies vitrées et les ouvrit.À l’intérieur. Le long du

couloir.Lesgorillesétaienttoujoursdevantsaporte.Cettefois-ci,elleneréprimapassonbesoinde

leurdonnerdudoigt.Ellefitundoigtd’honneuràchacun,complètementinterloquéequandleurseule

réactionfutderetrousserleslèvresd’amusement.

Elleentradanssachambre,etclaqua laportesur lanuitquivenaitdesepasser.Elle irait se

coucher,etlelendemainmatinelleserappelleraitqu’AnatolyZaretskyétaitsonennemi.Mêmesison

corpsnesemblaitpasêtred’accord.

ANATOLY SENTIT LA déception se mêler à la satisfaction jusqu’à ce qu’il se mette à se

sourireàlui-mêmesurlaterrasse.Ellel’avaitbiensouslapeau.Enfait,ilensavaitplussurTrisha

qu’ellenesembleensavoirelle-même.Cettefemmeétaitlapassionincarnée.Lapremièrefoisqu’il

l’avaitvuedanslecasinocesoir-là, ilavaitsuqu’elleseraitunetentatriceaulitpourl’hommequi

sauraitprendreletempsdel’yconduire.Ilsuffisaitqu’ilcontinueàjouersonjeujusqu’àcequ’illa

convainquedeselaisseralleràcequ’ellevoulaitvraiment.

«Patron?»LavoixdeYakovréveillaAnatolydesonrêve.

Seretournant,illevaunsourcil.«Oui?»

«Lecommissaireestlàcommetul’asdemandé.»

«Merci.Fais-lesortir.»

«Sortirici?»Yakovlevaunsourcil.

C’était la seconde fois que l’homme semblait remettre en question ses petites déviations de

routine.Anatolyétait-ilvraimentsiprévisible?Sic’étaitlecas,ilallaitdevoirfairequelquesefforts.

«Oui,»ditAnatolyenvoilantàpeinesonexaspération.«C’estcequej’aidit,non?»

«Ouiboss.Toutesmesexcuses.»Yakovinclinalatêteensignederespectetdisparut.

Quelquesinstantsplustard,lecommissairearrivasurlebalcon.Yakovrefermalesportes,et

Anatolysetournaversl’hommequiétaitdevenusonlaquaisdepuisquatreansqu’iltenaitsonposte.

«J’aiune requête,»ditAnatoly lentement.«Je retiensunefemme iciquia trichédansmon

casino.»

« Oui. » Le commissaire Polzin hocha brièvement de la tête. « Ses parents m’ont déjà

contacté.»

Anatolyhaussa les sourcilsdechoc,mais reprit rapidementunvisage impassible.«Etvotre

réponse?»

« Je leur ai rappelé qu’en tant que visiteuse dans notre pays, elle est sujette aux lois de ce

territoire.»Polzinsemblaitassezmalàl’aise.«Sonpèreestunhommeassezdéterminé,M.Zaretsky.

J’imaginequ’ildeviendraasseztêtusivouschoisissezdegardercettefemmepluslongtemps.»

« Je la garderai aussi longtemps que je le veux, » déclara Anatoly fermement. « Ou aussi

longtempsqu’elleretiendramonattention,j’imagine.»

Polzinacquiesça.«Avosordres.»

«Vousdirezàsonpèreetàl’ambassadequ’elleestretenueparlamafiajusqu’àcequ’elleait

payérétributionpoursescrimes.»Voilà.Çasemblaitraisonnable,non?Mêmesienvérité,Anatoly

sefichaitpasmaldecequiétaitraisonnableounon.Ilavaitdécidéqu’ilvoulaits’approprierTrisha

Copeland. Il ne faisait jamais grand cas des barrières entre lui et ses désirs. Il obtiendrait ce qu’il

voulait,commeill’obtenaittoujours.

«Ceseratout,»ditAnatoly,excusantPolzind’ungestedelamain.

«Sijepeuxvousmettreengarde.»

Anatolyseretourna,choquéparlatéméritéducommissaire.«Memettreengarde?»

«Oui,monsieur.»Polzins’agita.«Cesaméricainspeuventêtrevraimentcasse-pieds.Jevous

suggèrejusted’êtreprudent,monsieur.»

«Vouspouvez trèsbien le suggérer,Polzin.»Le tond’Anatolyétaitglacial.«Mais je ferai

commejel’entends.»

«Biensûr.»

Polzinsortit,etAnatolyrestaseulavecsespensées.Sonpèreétaitséparéd’euxparunocéan.

Quelsgenresdeproblèmespourrait-ilbienluicauser?

ChapitreCinq

Trisha pressa le dos contre la tête de lit sculptée et remonta ses genoux vers sa poitrine.

Entourantsesbrasautourdesesjambes,elleposalementonsurlesgenouxetsoupira.Seulunruban

delumièrepassaitparlesépaisrideauxpouréclairerl’obscuritédelapièce.Ellesesentaitoppressée,

cequiétaittoutàfaitapproprié.

Ellesedégoûtait.Enfait,elleétaithonteusedesoncomportement.Pourquoiétait-elletombée

souslecharmed’Anatoly?Cen’étaitpassongenre.Elledevaitsortird’icietrentrerchezelle.

Soupirantlentement,Trisharampahorsdulit.Elleselevaetredressalacolonnevertébrale.Se

recroquevillerdanscetteprisondoréen’étaitplusuneoption.Elleenavaitfinid’êtretimide.Ilétait

tempsdeprendresondestinentresesmainsetdefaireunchoix.

Elleauraitespéréavoird’autresvêtements.Trishapressaledoscontrelemuràcôtédelaporte

d’entréeetretintsonsouffle.Iln’yavaitpasdebruitdel’autrecôtédelaporte,maisellenepouvait

pasêtresûrequ’iln’yaitpasdegardespostéslà.Ellerassemblasoncourageet tournalapoignée.

Elle futchoquéede lavoir tourner.Çan’avaitaucunsensde l’enfermer ici sans faireaucuneffort

pourlaretenir.Peut-êtrequ’ilétaitnégligent,ouqu’ilavaitpenséqu’ellen’auraitpaslecouragede

s’échapper.

Lecouloirétaitdésert.Leclairdelunesedéversaitparlesfenêtresetbaignaitleplancheren

boisd’une lueurbleupâle.Ellechercha lesgorilles,mais l’appartementsemblaitêtredésert. Iln’y

avaitpasunmouvement,etaucunbruit.Ellemarchaprudemment,portantsestalonsaiguilleetposant

sespiedsnusàplatsurlesol.

Elle suivit un itinéraire qu’elle se rappelait à moitié. Elle n’avait pas prêté suffisamment

attentionlorsqu’elleétaitentréedansl’appartementavecsesamis,audébutdetoutecettehistoire.Elle

avaitl’impressionqueçac’étaitpassédesmillionsd’annéesplustôt,alorsqu’enfait,çac’étaitpassé

plustôtcetaprès-midi-là.

La porte d’entrée se dressait devant elle.Trisha accéléra le pas, empressée.Mais lorsqu’elle

posalamainsurlapoignéeornéedelaporte,ellerecula.Sesentraillesgrondaientd’anxiété,etson

cœurbattait sivitequ’elle l’entendaitdanssesoreilles.C’étaitbien trop facile. Ildevaityavoirun

piège.

Elleinspiraprofondémentpoursestabiliseretseforçaàsaisirlapoignéedelaportemêmesi

samaintremblait.

À ce moment-là, elle fut contrainte de confronter une question très importante : vers quoi

s’enfuyait-elle?

DANSL’OBSCURITEDUvestibule qui se situait entre la porte du penthouse et l’ascenseur,

Anatoly attendit que Trisha sorte de l’appartement. Il ne doutait pas de la voir apparaître à tout

moment.Illuiavaitlaisséuneopportunitéenorjustepourvoircequisepasserait.Maisalorsquele

tempss’écoulaitetquelesheurespassaientdetardàtôt,ilcommençaàsedemandersiellen’étaitpas

parvenueàescaladerl’extérieurdubuildingetàs’échapperdecettemanière.

Lapaniquelesubmergea.Anatolysautadesachaise.Danssaprécipitation,ilrenversaunetable

antiqueposéeaucentrede l’espace.La tables’inclinaàunangledangereux,et levaseposédessus

glissapar-dessuslebord.Anatolytenditlamainpourl’attraperetlemanqua.

Lebruitdelaporcelainequis’écrasaitcontrelemarbrefutassourdissantdanslepetitvestibule.

Il résonna sur le plafond et ricocha sur les murs comme des coups de feu. Les détecteurs de

mouvement clignotèrent dans l’obscurité.Quelques secondes plus tard, l’alarme se déclencha.Des

bottescoururentd’unpaslourdducouloirdel’autrecôtédelaported’entrée.

Anatolyeutàpeineletempsdereprendresarespirationavantquelaported’entréenes’ouvreà

lavolée.Yakovapparut,sonarmebraquéedirectementdanslevisaged’Anatoly.

«Patron?»Yakovbaissasonarme,faisantsigneàSergeidefairepareil.«Toutvabien?»

«Jevaisbien.»Anatolyétaitplusfurieuxcontrelui-mêmequecontreseshommes.Ilagissait

demanièreridicule.Maisils’étaitvraimentattenduàcequeTrishatentedes’évaderdurantlanuit.Il

avaitlaissésaportedéverrouilléeetcomplètementsanssurveillance,justepourcetteraison.Ilavait

vouluêtrelàquandelleauraitcomprisquesonescapadeétaitfutile,mêmesielleparaissaitpossible.

EtmaintenantAnatolynepouvaitquesedemandersielleétaitparvenueàledoubler.

Il se souvint de ce qui l’avaitmené à casser le vase. Pointant vers le carnage, il s’adressa à

Yakov.«Mercid’appelerquelqu’unpourvenirnettoyerça.»

«Biensûr,patron.»Yakovfronçalessourcils.«Tuessûrquetoutvabien?»

MaisAnatolyneréponditpas.IlarpentaitdéjàlecouloirverslachambredeTrisha.Ilouvritla

porteàlavoléesansmêmefrapperetappuyasurl’interrupteur.

Elle se redressadans son lit, clignantdesyeuxcommeunechouette tandisque leplafonnier

éclairaitlapièce.

«Qu’est-cequetufiches?»Ellesemitàbâiller.

Illâchalapremièrechosequiluivintàl’esprit.«Pourquoies-tutoujourslà?»

«Parcequejesuismaintenueprisonnière,non?»Elleeutl’airperplexe.«Tuessaoul?»

Anatolymitunfreinsursonanxiétéettentadesesouvenirqu’ilétaitcenséêtrecalmeetmaitre

desesémotions.Ilexaminasesongles,tentantdeparaîtreennuyé.«Jem’attendaisàcequetuessaies

det’enfuir.»

«Pouralleroù?»

Iln’avaitpasderéponsepourcelle-là.Toutcequ’ilpouvait luidirepourraitpotentiellement

l’aideràmettreaupointsonpland’évasion.

Ilnepritpaslapeinederépondre,posantuneautrequestionàlaplace.«Pourquoin’as-tupas

essayéderentrerdemain?»

«Peut-êtrequej’aichangéd’avis,»dit-ellesèchement.«Jesuisunefemme.Çaarrive.»

Lechocl’étourdit.«Changéd’avis?TuneveuxplusrentrerauxÉtats-Unis?»

«Non,pasça.»Elleagitaunemainlégère.«J’aijustechangéd’avissurlefaitderentrerchez

moi.»

TRISHANEVOULAITpasendireplus.Elleauraitrévélétropdechoses.Elletentad’éviterde

seconcentrersursabeautéavecsescheveuxébouriffés,sachemiseàmoitiéouverteetdéboutonnée

etlesslashsàsespiedsnus.Cethommeétaitabsolumentdélicieux.Maisc’étaitclairqu’iln’allaitpas

s’enalleretrespectersavieprivéeaprèsqu’elleaitlaissétombercettebombeau-dessusdesatête.

«Tuneveuxplusrentrer?»demanda-t-il, incrédule.«Qu’est-cequiestarrivéàtacertitude

quetonpèreétaitunhommetêtuquinecesseraitjamaisdetechercher?»

«Jen’aipasmentiàcesujet.»Elledécidaqu’iln’yavaitaucuneraisondenepasêtreclaireà

proposdecedangerparticulier.«Ilvaêtreunvéritablecasse-pied.Jenerigolepas.»

«Etrange,maisc’estlasecondefoisaujourd’huiquej’aientenducesmotspourqualifierton

père.»Ilsemblaitplusamuséqu’irrité.Excellent.

«Peut-êtrequ’ilmecasselespiedsaussi,»suggéra-t-elleprudemment.

Quelquechose semblachangerdans l’expressiond’Anatoly. Il se raidit, sesmains se serrant

lentementenpoingssursescôtés.«Tuveuxdirequetonpèretefrappequandilestencolère?»

«Ohnon!»dit-ellerapidement,réalisantsonerreur.«Non,certainementpas.Jesuisdésolée.

Jen’aijamaisvoulutedonnercetteimpression.»Trishaeutdumalàexpliquer.«Monpèrem’aime

beaucoup.Maisilm’aimeunpeutropettropsérieusement.»

«Ultraprotecteur?»

Elleacquiesçadelatête.«Très.Jevoulaisétudieràl’étrangerpourm’éloigneruntemps.»

«Etmaintenant?»

« Et maintenant, je ne sais pas. » Cette conversation mettait Trisha mal à l’aise. Pourquoi

discutait-elledesesplansd’aveniravecl’hommequil’avaitcapturéecontresavolonté?Maisvoilà

pourquoi!Parcequesiellejouaitbiensonjeu,ellepourraitl’utiliserpourobtenircequ’ellevoulait.

«Tum’offresunmoyenderesterici.Jenesaispascequisuivra.Jedevraisuivremesinstincts.»

Ilrépliquaquelquechoseenrussequ’ellenecompritpasvraiment.Puisilgloussa.«Tuesune

femmetrèsintéressante,TrishaCopeland.Quandj’ail’impressiondet’avoircompris,tuchangesla

donneetjedoistoutrecommencer.»

«Excellent.Jedétesteraisêtresiprévisible.»Ellesedéplaçadanssonlit,malàl’aise.C’étaitsi

étrange.Elleétaitaulitenportantlamêmerobe.EtelleignoraittotalementsiAnatolysavaitàquel

pointelleavaitétéprochedequitterlepenthouse.

ANATOLYDEVISAGEATRISHAparcequ’ilneparvenaitpasàs’arrêter.Elleétaitassiseau

milieu du lit, les couvertures remontées sur sa poitrine. Ses cheveux roux étaient légèrement

ébouriffés, ses boucles courtes retombant vers ses joues et encadrant son visage. Les yeux verts

étaientensommeillés,maisl’intelligencequiybrillaitétaitconsidérable.Elleétaittellementadorable

etcomplètementenvoûtante.

Anatoly s’assit au bord du lit. À certains moments, Trisha semblait être une séductrice

expérimentée.Àd’autres,pasdutout.Lecontrasteleravissait.Ilsepenchaenavantpourprendresa

maindanslasienne.Iltraçaleslignesdesapaumedemainetlasentitfrissonnersoussontoucher.

«Tuvaspasseruneexcellentesemaineenmacompagnie,»décida-t-il.

Elleretirasamain.«Est-cequ’onvaarrêterdeprétendrequej’aicommiscecrimebidondans

toncasino?»

Ilavaitréussiàoubliercetincident.Étrange.«C’estimportant?»

«Tum’asinsulté,»dit-ellecalmement.«Doncoui,c’estimportant.»

«Ah, ta fiertéaétéblesséepar lanotionque tupourraisêtreperçuecommeunecriminelle.

C’estça?»

«Oui.»Elleleregardaitcommes’ilétaitsimplet.Quellenouveauté.

Anatolyhaussalesépaulesetrepritsamainsursesgenoux.Iltouchal’intérieurdesonpoignet

et sentit sonpoulscourir sous sapeau.Elleétait tellement féminine,etpourtant iln’yavaitpasun

soupçonducalculoudelamanipulationquifaisaientpartiesintégrantesdesesexpériencesrécentes

aveclagentféminine.

Il leva son poignet vers ses lèvres et embrassa la peau tendre. Elle trembla. Il sourit et

recommença,laissantcettefois-ciseslèvresremonterl’intérieurdesonbras.Ilparvintàsoncoudeet

profitadesadouceuravantdecontinuersonascension.Ilpouvaitsentirsonabandondanslamanière

dontellesepenchaverslui,commesiellecherchaitàaugmenterleurcontact.

«Trisha,»murmura-t-ilàvoixbasse.«Nesais-tupasàquelpointtuesbelle?»

« Ce n’est pas quelque chose que j’entends souvent. » Elle renifla d’incrédulité. « C’est

probablementlanouveauté.Çanedurerapastrèslongtemps.»

«Non.»Ilsedemandapourquoiellerefusaitdecroireàsespropresattraits.«Çanesepassera

pascommeça.Voudrais-tuenvoirlapreuve?»

«Impossibledeprouverquelquechosecommeça.»

Ilentraînasamainverslabossedesonentre-jambeetpressalapaumedesamaincontreson

érection.Sentirsesdoigtsfinscontresachairenfléeétaitérotique.Retenantsarespiration,ill’étudia

etattenditquelacompréhensionsemanifestesursonvisage.

«C’est…?»Ellesemblalutterpourtrouversesmots.«Tu…bandes…àcausedemoi?»

«Oui.»

«Maisjen’airienfait.»

Anatoly éclata de rire. Quelle innocence ! Et pourtant, il pouvait dire que ce n’était pas la

premièrefoisqu’elletouchaitl’érectiond’unhomme.«Tun’aspasbesoindefairequoiquecesoit,

malenkaya.C’étaitcequejevoulaisdire.»

ChapitreSix

Trishasentitunesecoussed’excitationnerveusetraversersoncorps.Lapremièrefoisqu’elle

avait vu Anatoly Zaretsky, elle avait été impressionnée par sa beauté et par sa puissance. Penser

qu’elle–unemoinsqueriendeCleveland–puissel’affectercommeçaétaittrèsflatteur.

«Jedevraistediredesortitd’ici,»dit-elleàvoixbasse.«Jedevraistedirequejenesuispas

intéresséeetquejeveuxquetupartesetquetunereviennesjamais.»

«Mais?»

«Jenesaispassijepeuxyarriver.»

«Alorsnelefaispas.Laisse-moitemontrerlesplaisirsquejepeuxtefaireressentir.»

«Etlestiens?»sedemanda-t-elle.«Qu’est-cequetuygagnes?Parcequejenesuispasaussi

naïvequepourcroirequetuferaisquoiquecesoitsansprofitpersonnel.»

« Oh malenkaya, parfois j’ai l’impression que tu es un mélange étrange d’expérience et

d’innocence.»Ileffleurasajouedesdoigts.«Commentpeux-tumêmeimaginerquejen’ygagnerai

pas?Tefaireplaisirestautantpourtoiquepourmoi.»

« Je trouve ça difficile à croire. » Elle avait fréquenté des hommes dans le passé. Elle

connaissaitlaroutine.

«Tesautresamantsontdûêtreterriblementégoïstes.»Ilsemblaitpresquesemoquerd’elle.

«Ouais,jesuisvraimentdésoléedenepasavoircouchéavectouslesmecsdeClevelandjuste

pourtenterdetrouverunmecquiétaitbonaupieu.»Elleétaitassezirritéequ’illuireprochedene

pasavoirétéunesalope.

«Non.»Illarapprochadeluisurlelitetsemitàfrotterdoucementsesbrasnus.«Nepense

pasquejetereprochedenepasavoirassezd’expérience.Tuesparfaitejustecommetues.Enfait,

j’aimeraissuggérerquetonmanqued’artificeestrafraîchissant.»

«Ettoitutraînestropavecdespétasses,»grommela-t-elle.

Un sentiment étrange passa entre eux. Une pause assez lourde. Puis il passa une main sur

l’arrièredesatêteetcapturasabouchedansunbaiserprofond.

Trisha oublia comment respirer. Son esprit se transforma en purée, et la seule chose sur

laquelleelleparvenaitàseconcentrerétaitsongoûtdivin.Sontoucherétaitélectrique.

Illarepoussaenarrière,lasuivantjusqu’àcequesoncorpsseretrouveau-dessusdusiensur

le lit. Elle aurait dû protester. Faire quelque chose. C’était une si mauvaise idée. Mais quand il

l’embrassaànouveau,toutepenséededirequoiquecesoits’envoladesonesprit.Ellepassalesbras

autourdesanuqueetentremêlasesdoigtsdanssescheveuxfoncés.

S’abandonnantaubesoindeletoucher,ellesentitlaforcedesesépaulesàtraverssachemise.

Ellegriffadoucementsondos.Puiselletintsesbicepsetremontapoursentirsachaleurcontreson

corps. Il était tellement chaud. Ses tétons pointèrent sous le tissu de sa robe. Elle avait enlevé son

soutien-gorge avant de se coucher. Elle aurait tellement voulu être complètement nue. Elle voulait

sentirlapeaud’Anatolycontrelasienne,delamanièrelaplusintimepossible.

ANATOLYDANSAITAUborddesaretenue.Iln’avaitjamaiseuplusenvied’unefemmedesa

vie. Ses mains tremblaient en la touchant. Pinçant doucement un pli de tissu entre ses doigts, il

remonta sa jupesuffisammentpourglisserunemainsur sacuisse soyeuse.Sapeauétait chaudeet

élastiquesoussesdoigts.

Ilplaçasonpoidssursesgenouxetlesdeuxmainsàl’intérieurdesescuisses.Baissantlesyeux

vers elle, il attendit de voir si elle se débattrait. Aucun mot de déni ne passa ses lèvres. Elle le

regardaitplutôtavecunregardenfiévréquisemblaitsidéplacéentredeuxpersonnesquiavaientété

desadversairesquelquesheuresplustôt.

«Etsionenlevaitcetterobe,non?»pressa-t-ilàvoixbasse.

Elleneprotestapas,etlevalesbraspourl’aideràlibérersoncorpsdecetrop-pleindetissu.Il

laissasespropresvêtementspourseforceràseretenir.Puisiljetasarobeausol.Elleneportaitpas

desoutien-gorge,etsaculotteétaitnoireavecunpetitnœudrosejustesouslenombril.

«Tuesexquise,»souffla-t-il.«Sibelle.»

Sapeauétaitpâlecommedel’albâtre.Unepoignéedepointsderousseurparsemaitsapoitrine,

maissonventreétaitplatetlisse.Ilutilisaundoigtpourfairedescerclesautourdesontétongauche,

etlecerclepâlesedurcit.Ellecambraledos,poussantsesseinsverslui.

Ilpassaàsonseindroit,massantsontétonjusqu’àcequ’ellesetortilledebesoin.Ilfinitpar

baisserlatêteverssapoitrinepourlécherchaquetéton.Soncorpsentierseraiditlorsqu’illatoucha.

Il n’avait jamais vu de femme aussi réactive. Son excitation creva le plafond lorsqu’il pensa au

momentdel’union.

Laissant ses doigts courir vers son nombril, il prit son temps en arrivant à l’élastique de sa

culotte.Sonventre frissonnaet secontractapar réflexe tandisqu’ilchatouillait lapeau tendre.Elle

l’étudiait.Ilpouvaitsentirsonregardlourdsurluitandisqu’ilglissaitlesdoigtsdanssaculottepour

taquinersonentre-jambe.

Ses poils étaient épais,mais il était si avide de la voir pour la première fois. Elle planta la

plante des pieds dans le lit et leva les hanches pour l’aider à retirer sa culotte. Il la glissa sur ses

jambesetlalaissatomberàterreavecsarobe.Puisilregardasachattepourlapremièrefois.

«Parfaite,»dit-il.«Jen’aijamaisvuquoiquecesoitdesibeau.»

Unéclairdedoutebalayasestraits,maisils’enfichait.Elleétaitexactementcommeill’avait

décrite.Labandedepoilscourtsquicouvraitsonentre-jambeétaitd’unmagnifiquetonrouxpâlequi

correspondaitàsescheveux.Il l’encourageaàplierlesgenouxetàexposerlecentredesoncorps.

Lorsqu’ellelefit,ilputvoirsesbelleslèvresroses.

«Tumouillespourmoi,malenkaya,»murmura-t-il.«Sitrempée.Puis-jetetoucher?»

C’ETAITPLUTOTCOMMEsielleallaitmourirs’ilnelatouchaitpas.Trishan’avaitjamais

étéaussiexcitéedesavie.Elle se tortilla sur le lit,gémissant légèrementen tentantdesoulager la

brûlure qui s’accumulait en elle. Il la regardait avec un tel émerveillement. Elle avait du mal à

comprendre. Elle était juste une femme. Quelqu’un comme lui pouvait se trouver une femme

différentetouslesjoursdelasemaine.Qu’est-cequilarendaitsispéciale?

Puis il frôla doucement les lèvres de sa chatte du bout des doigts, et elle oublia comment

penser.Unsentimentdélicieuxd’anticipationlaheurta.Toutsecontractadanssoncorps.Leboutde

son indexmassait son clitoris. Il trouvaune zone érogène juste àgauche et commença à fairedes

cerclesautour.Enquelquessecondes,elleseretrouvaperchéeaubordd’unorgasmedebéatitude.

«Anatoly!»haleta-t-elle.«OhmonDieu.OhmonDieu.»

Ellerecourbalesorteilsetcambraledoscommesielletombaitd’unefalaisedansunpuitsde

désiretdesatisfaction.C’étaitsibon.Ellenes’étaitjamaissentieaussicomblée.Cen’étaitpaspareil

quandelleutilisaitsespropresdoigts.

Elle pensait qu’il arrêterait là, mais ce ne fut pas le cas. Il continua à faire des cercles,

accélérant puis ralentissant avant de glisser un doigt en elle et d’étaler sa mouille sur ses lèvres

enflées. Elle n'avait jamais mouillé autant, été si prête dans sa vie. Ses muscles internes se

contractèrentànouveauetellesentitsoncorpsentiers’apprêterpourjouirunedeuxièmefois.

Anatolysedéplaçasursesgenoux,tentantdesedébarrasserdesesvêtements.Elleregardaavec

fascinationsabite jaillirdesonpantalon.Elleétaiténorme.La longueurétait là,mais ilétaitaussi

épaisquesonpoignetà sabase,avecdes testicules lourdsparsemésdepoilsnoirs.Ellepoussaun

petitcri,impressionnéeetpeut-êtreunpeunerveuse.

«Tuessiprêtepourmoi,malenkaya,»chantonna-t-il.«Tuesmouillée,etglissanteetparfaite

pourmoi.Tuesfaitepourmoi.»

Ses paroles la réconfortèrent de manière étrange. Elle écarta les jambes un peu plus pour

accueillirsamassetandisqu’ils’apprêtaitàlapénétrer.Songlandrondetdouxrebonditàl’entréede

sachatte.Ilseglissadanssontroulisseetlapénétra.

Elle poussa un cri devant l’intrusion soudaine. Ce n’était pas son premier, mais c’était

certainementlemieuxfourni.Leurunionsemblaprendreuneéternité.Sesmusclesinternesbrûlèrent

ens’étirantaumaximum.Puisilcessadepousser,etelleserenditcomptequ’ilétaitplongédansson

corps.

Ilsefigea.Enfin,elleneputplusattendreetellepassalesjambesautourdesataille.S’apprêtant

àlacharge,ellecambraledosetancrasachattecontreluijusqu’àcequ’ellesentesabites’enfouir

complètementdanssoncorps.

Lasensationétaitvraimentincroyable.Ellen’avaitjamaisexpérimentéquelquechosedepareil.

Envoulantplus,ellerecommença,encoreetencore.Anatolyfinitparagripperseshanchesetparla

baisersérieusement.Ilfitduvaetbienenelle,encoreetencore,jusqu’àcequ’ellepensemourirde

désir.

«Encore,Anatoly,»supplia-t-elle.«Encore!»

SESMOTSL’ENVOYERENTauborddelafolie.Ilraffermitsonemprisesurelleetclaquasa

bite dans sa chatte encore et encore jusqu’à ce qu’il n’arrive plus à penser à autre chose que la

sensationdesachatteétroite.Rienn’étaitplusparfait.Ellemouillaitetétaitchaude.Lefrottementsur

lafaceinférieuredesonsexeétaitmeilleurquedanstoussesrêves.

Sescouillessecontractèrenttandisqu’ilapprochaitdelajouissance.Maisilvoulaitlacombler

pendantqu’ilétaitenelle.Çanesuffisaitpasdedéversersasemenceenelle.Ilvoulaitqu’ellejouisse

enmêmetempsquelui.

Baissant lamain vers leur union, il plaça ses doigts contre le gland enflé de son clitoris. Il

frissonnaàladécadencedelasensation.Icietmaintenant,ilpouvaitsentirlachaleurprofondedesa

chattecontresabiteetsentirsaréactiondanslespulsionsdesonclitoris.Sonsangs’accumuladans

sonbassin.Elleseraitbientôtmûrepourunautreorgasme.Trèsdoucement,ilpressasondoigtcontre

sonclitoris.

Ellecambraledosetrejetalatêtecontrelematelas.Uncrisaccadés’échappadeseslèvres,et

quelquessecondesplustardellesentitsesentraillesseraidirtantqu’ellepouvaitàpeinebouger.Elle

étaitancréesursabite.Iln’avaitjamaisressentiquelquechosedepareil.

«Jenepeuxplusmeretenir,malenkaya,»gronda-t-il.«Jevaisjouir.»

«Vas-y!»haleta-t-elle.

Ilplongeaànouveauenelleetsentitsabitepulsertandisqu’ildéversaitsasemencedansson

corpsaccueillant.Ilmitsonpoidssursesbrasavantdes’affalerpournepasl’écraser.Sesfessesse

contractèrent,poussantsabiteencoreplusprofondémentdanssoncorps.Elleétaitserréeautourde

lui.Tant et si bienqu’il pouvait à peine bouger.Enfin, il roula sur le côté, l’entraînant avec lui et

passantsesbrasautourdesoncorpsrecouvertdesueur.

«Tuesuniqueaumonde,»murmura-t-ilenrusse.

Ellebâillavigoureusement.«Tudevraisvraimentsortirplus.»

Iléclataderire,sedemandantsielleserendaitcomptequ’elleavaitprouvéqu’ilavaitraison

encoreunefois.«Ettudoisaccepteruncomplimentlorsqu’ilestoffert.»

«D’accord,»grogna-t-elle,irritée.«J’acceptetoncomplimentidiot.»

«Merci. » Il gloussa, incapable de retenir l’humour qu’elle lui apportait. « Je devrais sans

doutetelaisserdormir.»

Ellemarmonna quelque chose, et puis le silence se fit complet. Il écouta le son doux de sa

respiration. Il n’avait jamais ressenti le besoin de passer la nuit avec une femme auparavant. En

général,ilquittaitleurlitetrentraitchezlui.Ilnelesavaitjamaisinvitéesdanssonappartement.

Cettefois-ci,c’étaitétrangementdifférent.

Secouantlabizarreriedumoment,illadéposadoucementdanssonlit.Ilroulaverslebordet

serassit.Sonpantalonn’étaitqu’àmoitiéenlevé.Sachemiseétaitouverte.Etlaseulechoseàlaquelle

ilpouvaitpenserétaitàquelpointilvoulaitsedéshabilleretseremettreaulit.

Maisç’auraitétéunemauvaiseidée.Cen’étaitpaslemomentdesecompliquerlavieavecune

vraie relation.Sefrottant levisage, il remontasonpantalon.Quitter lachambrefutdurpour lui. Il

éteignitlalumière,fermalaporteetsefélicitapoursonincroyablevolonté.

Oui,ilétaitdanslamerde.

ChapitreSept

Trisha roula dans le lit et cligna des yeux pour évacuer le sommeil. Elle avait eu un rêve

merveilleux. Anatoly était présent. Il l’avait embrassée, et peut-être touchée, et elle avait eu plus

d’orgasmesendixminutesavecluiqu’ellen’enavaitjamaiseuavecunautre.

S’étirant, Trisha se rendit compte qu’elle était nue. Elle ouvrit grand les yeux et se rassit.

Agrippantlesdrapsautourdesesseins,ellepoussauncrienseremémorantlanuitpasséed’unseul

coup.

C’était pareil que dans ses films romantiques sur les chaînes pour femmes. Trisha mit son

visageentresesmainsetgrogna.Qu’avait-ellefait?Avait-ellecomplètementperdularaison?

«OK.»Elleexpiraunsoufflerapideetdécisif.«Çan’estarrivéqu’unefois.Cen’estpaslafin

dumonde.Cen’estpascommesij’allaisrecommencer,si?C’estcenséêtredesvacances.C’estun

peubizarre,maisjenevaispastropypenser.»

«Etmaintenantquetuasterminétonpetitdiscoursd’encouragement,»déclaraAnatolyd’une

voixtraînanteenlaregardantparl’embrasuredelaporte.«Jepensequ’ilesttempsdesortirdulitet

demangerlepetit-déjeuner.Pastoi?»

Ellesursautadefrousse,sansparlerdupetitcriquiluiéchappadeslèvres.Sescheveuxétaient

complètementemmêlés,etelleétaitsûred’avoirdestracesdemaquillagesurlevisage.«Maissors

d’ici ! » Elle le chassa des mains. « Je dois au moins prétendre d’être présentable. C’est déjà

suffisammentembarrassantdepenserquej’aivraimentunesaletête.»

«Tun’aspasunesaletête.Tuestrèsmignonne.»

Ellecherchadésespérémentunoreiller,etelledénichaunmonstrueuxoreillerornéàluilancer.

Ellelejetaverslaporteaussifortquepossible.«Sorsd’icimaintenant,ouleprochainobjetqueje

lanceraineserapasaussimou!»

Iléclataderire.«J’yvais.J’yvais!»

Anatolydisparut,etTrishaselaissatombersurlelit.Ellesecouvritlevisagedesmainsettenta

denepassourire.Ellenedevraitpasêtreentraindesourire.Ellenedevraitpassesentirheureuse.

Elledevraitvraimentsebotterlecul…

ANATOLYTENTASANSsuccèsd’effacerlesourireidiotsursonvisage.Ilserendaitcompte

de la folie de son expression, et se demanda ce qui ne tournait pas rond chez lui. Trisha était

seulementunefemme.Ilavaitunempired’affairesàfairetourner:deshôtelsdanstreizevillesetdes

casinosdanstoutelaRussie.Iln’avaitpasletempsdesecomportercommeunadoamoureux.

«Anatoly?»Yakovavaitl’aircomplètementconfus.«Quelqu’unestmort?»

«Mort?»

«Engénéraltun’asl’airaussiheureuxquequandundetesrivauxsecasselapipe.»

Anatolyconsidéracetteidée.«Tuasraison.Maispersonnen’estmortcematin.Dumoins,ce

quej’ensais.»

« Ah. » Yakov hocha la tête en signe de compréhension exagéré. « Tu as passé une bonne

soirée.»

«Oui.Excellente.»

Yakov hocha brièvement la tête. « Le petit-déjeuner est servi sur la terrasse, et les rapports

matinauxsontsurtonbureau.SituasbesoindeSergeioudemoi,nousseronsdanslacuisine.»

«Merci.»

ToutenobservantYakovs’éloigneràgrandesenjambéesdanslecouloir,Anatolydutavouer

qu’ilétaitheureuxquesesjournéessoient toujourssibienordonnées.Ilsifflotamêmeunairense

dirigeantverslaterrasse.Lamétéoétaitmagnifiquecematin.Enfait,laseulechosequirendraitce

jourplusparfaitseraitdepouvoirlepartageravecquelqu’un.

Anatolysefigeasurplace.Ils’étaitinterrompuàmoitiédedans,àmoitiédehors,auniveaudes

portescoulissantesquimenaientàlaterrasse.Avait-ilperdul’esprit?Qu’est-cequil’avaitpousséà

penserunetellechose?

Lajournéesemblaperdredesonéclat.Anatolygrognaets’assitàsonspothabituel.Lepetit-

déjeunerluipluttoutdesuitemoins.Sesœufsétaientbaveux,etletoastsemblaitbrûlé.Illevasatasse

decaféetserenditcomptequ’elleavaitrefroidiàunetempératuredésagréable.

«David!»hurla-t-ilendirectionduserveur.«Vamerefaireducafé.Etpourquoicetoastest-il

noir?Tupensesvraimentquej’aimemonpetit-déjeunermoitiébaveuxetmoitiébrûlé?Vraiment,ce

n’estpassidifficile!»

David leva les sourcilsmais ne dit rien. Il ne disait jamais rien.Mais pourquoiAnatoly lui

criait-ildessus?Engémissant,ilmitsatêteentresesmainsetsedemandas’ilperdaitvraimentlatête.

«Tuvasbien?»

LavoixdoucedeTrishafutpresquesaperte.Aprèstoutcequis’étaitpasséentreeux,pourquoi

sesouciait-elledelui?Ounefaisait-ellequeprétendredesesoucierdeluiparcequ’elleavaitbesoin

deluipoursespetitesvacancesetpours’éloignerdesonpèreautoritaire?

«Jevaisbien,»répondit-ilsèchement.

Elle recula, les sourcils froncés et l’air confus. Puis il se sentit mal. Trisha n’avait rien de

calculateur en elle. Elle n’était pas comme Bianka. Elle neméritait pas de supporter sa mauvaise

humeurmêmes’ilétaitincertaindesesintentions.Ilétaittempsdemettreunfreinetd’êtreprudent

sansattirer ses soupçons.Découvrir lesvéritables intentionsdesgensétait toujoursplus simplede

cettemanière.

TRISHANEPARVENAITpasàcomprendrecequin’allaitpasavecAnatoly.Cemecavaitde

cessautesd’humeur !Un instant ilétaitcharmant,et lesuivant il secomportaitcommeunenfoiré.

Maintenant il souriait, et elleavaitpeurdeprononcerunautremotqui le fassedévierdans l’autre

direction.

Elles’assitàlatableetseservitprudemmentdanslacarafedejusd’orange.L’odeursucréedu

jusd’orangeluirappelachezelle.Ellesentitunepointedenostalgieetdedoute.Avait-elleraisonde

fairecequ’ellefaisait?Ellen’avaitpasvraimentlechoix.MêmesiAnatolysemblaitdétendu,Trisha

avaitlesentimentqu’ilredeviendraitleseigneurdominantsiellementionnaitencorelefaitdepartir.

«Qu’est-cequetuaimeraisfairecematin?»demanda-t-ilavecunairindulgent.

Trishatentadenepasleregarderbouchée-bée.Cemecétait-ildéséquilibré?«Jesupposeque

tedirequej’aimeraisprendremonvolàl’aéroportseraitinutile?»

« Complètement inutile, surtout depuis que tu m’as fait savoir que tu ne veux pas

particulièrementrentrercheztoi.»Ilseradossasursonsiège.Unserveurenuniformeposaunautre

plateau petit-déjeuner devant lui avec du café.Anatoly le souleva sansmême remercier le garçon.

«Doncoublionscemensongequetuveuxrentrercheztoi.»

«Et si je disais que j’aimerais aller récupérermes affaires ? »Trisha signala la robenoire

qu’elle portait toujours. Cette tenue avait besoin d’une bonne lessive, et elle avait besoin d’autres

vêtements.«Ceseraitunréelplaisirdeporterdesvêtementspropres.»

«Onpourraitsimplementacheterdenouveauxvêtements.»Ilagitalamainenl’air.

«Jeneveuxpasdenouveauxvêtements,»dit-ellecalmement.Trishasirotasonjusetgrignota

une petite pâtisserie appeléeblini. « J’ai d’autres objets personnels en plus demes bagages. Sans

oublierdementionner tousmesbouquinset lesaffairesdemonprogrammed’échange. J’aimerais

récupérercesaffaires.Etjepréfèreraisportermesvieuxvêtementsqued’enacheterdenouveaux.»

«Tun’aimespasfairedushopping?»Illaregardaitcommesiellevenaitd’uneautreplanète.

«Non.»Trishaluilançaunregardnoir.«Pourquoileshommesassument-ilstoujoursqueles

femmesaiment le shopping?C’estvraimentpénible. Jedéteste le shopping. Jedéteste essayerdes

vêtements. J’achète la plupart demes trucs en ligne et j’évite les centres commerciaux comme la

peste.»

«Tuasraison.»Ilplaçaunemainsursoncœur.«Jevaiscesserdepenserenstéréotypes.»

«Merci.»

«Maistudoiscesserdepenserquejesuisuncriminelordinaire,»dit-ilrapidement.

Trishalevaunsourcil.«Ceseradifficile,considérantquetuenesun,tunecroispas?»

«Maisjesuisloind’êtreordinaire.»

ANATOLYVITL’INSTANToùTrisha se rendit compte qu’il la taquinait. Les lignes de son

frontselissèrent,etelleseradossaàsachaisecommesielledevaitl’observerplusendétailavantde

sefaireuneopinionfinale.Elleétaittellementbelle,mêmeenportantlamêmerobequelaveille.Il

trouvait tout ce qui la concernait rafraîchissant. Et d’entendre qu’elle n’aimait pas le shopping…

Existait-ilunefemmeplusparfaite?

Anatoly se pencha sur la table avec l’intention de lui prendre lamain.À sa surprise, elle la

reculaavantqu’ilnepuisselatoucher.Ilfronçalessourcils,neprenantmêmepaslapeinedecacher

sonirritation.«Qu’est-cequinevapas?Pasbesoind’êtretimideaprèscequenousavonspartagé

hiersoir.»

«Hiersoirétaituneanomalie.»Ellesecoualatête,sescheveuxemmêlésvolantautourdeson

visage.«Jenesaispasàquoijepensais,maisjenepeuxpaslaissermeshormonesdirigermavie.Ce

seraitidiot.»

«Et tu vas prétendre que ça n’est jamais arrivé ? »La bonne humeur d’Anatoly chuta. Il se

redressa, reculant sa chaise. « Comment peux-tu penser que c’est acceptable ? » Son accent russe

devenaitplusprononcétandisqu’ils’agitaitdeplusenplus.

«Oh,crois-moi,»dit-elle,serelevantpourluifaireface.«Jenesuispasprêtedeprétendre

queçan’estpasarrivé.Jedoism’enrappeler!Jedoism’ensouvenirpourempêcherunautreécartde

conduitemomentanédemonbonsens!»

«Ecartdeconduit,»marmonna-t-il.C’étaitétrangedel’avoirdanssonespacepersonnel.Elle

neselaissaitpasfaire,etçaneluiétaitjamaisarrivéavant.Lesfemmesneluitenaientpastête.Même

pasBianka.Putain,mêmeleshommesneluitenaientpastête.«Recule.Lesgensnediscutentpasavec

moi.Tulesais?»

« Qu’est-ce que tu vas faire ? » Elle recourba les lèvres comme un animal enragé.

«M’emprisonner?M’enfermercontremongré?Refuserdemelaissercherchermesaffaires?Te

moquerdemoi?Laissermoncorpsmetrahirpuistefâcherquandjereprendslecontrôle?Laliste

n’enfinitpas,AnatolyZaretsky,maisjenetelaisseraipastoucheruncentimètredemapeau.Jamais

plus!»

Anatolyreculad’unpasavantdeserendrecomptedecequ’ilavaitfait.Ilancrasespiedsausol

etseredressadetoutesataille.«Tucontinuesàdiscuter,»luirappela-t-ild’untonraide.

«Etjem’enbalance.»Sontondégoulinaitdesarcasme.

Soudain,ilneputplusgardersacontenance.Lasituationluisemblaittropridiculepourgarder

sonsang-froid.Anatolysemitàsourire,puiséclataderire.Trishaenfutclairementperplexe,cequi

lefitriredeplusbelle.

«Mongars,t’abesoindetefairesoigner.»Trishasemblaitfatiguée.«Jenerigolepas.Jel’ai

déjàditplusieursfoishier.Ilfaudraitvraimenttefaireaider.»

Lorsqu’ilparvintenfinàparler,ils’avançatrèslentementpourtouchersonépaule.«Jepense

quetum’aidesdéjà.»

«Pardon?»

Ileutdumalàtrouversesmots.«Enraisondemaposition,lesgensnemeremettentjamaisen

question.Ilsn’ontjamaisd’opinionsopposéesetnemedisentjamaisquej’aitort.»

«Ce n’est pas bien. »Elle pinça les lèvres. « Si personne ne te dit jamais que tu as tort ou

n’offreunautrepointdevuepourinciteràladiscussion,commentpeux-tuvraimentsavoirquetuas

raison?»

Ilnes’étaitjamaisposécettequestion.Cettepenséesortaittoutàfaitdesoncadrederéférence

habituel.«Tusais,lapremièrefoisquejet’aivuedansmoncasino,jesavaisquetumefascinerais.

Maisjenem’étaispasdemandépourquoi.»

Ellerenifla.«Nediscutejamaisavecunerousse,Zaretsky.Tuvasperdre.Àchaquefois.»

ChapitreHuit

Trisha se sourit à elle-même tandis que la longue voiture noire circulait dans les rues de

Moscou,enrouteverslesdortoirsdelaMoscowAcademy.Ellen’auraitpasdûsourire.Elledevrait

êtreentraindepiquerunecrisedecolère.Saufqu’elleavait l’impressiond’avoirmarquéunpoint

lorsdesadernièrejouteverbaleavecAnatoly,aprèslepetit-déjeuner.Aprèstout,elleétaitenroute

pourallercherchersesaffaires,non?

Lavoitures’arrêtaàcôtédutrottoir.Lavitreséparantl’avantdel’arrièresebaissaenronflant.

« Nous sommes arrivés, Mlle Copeland. » Le chauffeur était un homme appelé Frederick. Il lui

souriaitdanslerétroviseur.«Jepeuxvousattendreici,saufsivousavezbesoindemonaide?»

«Non,Frederick.Mercibeaucoup,maisjevaismedébrouiller.»Trishasaisitlapoignéedela

portière.«Jevaismedépêcher.Jesuissûrequevousavezd’autreschosesàfairedevotretemps.»

LessourcilsdeFrederickselevèrentdesurprise.«Non,m’dame.J’aitoutletempsqu’ilfaut

pourcettetâche.»

«Etbien,mercibeaucoup.»Ellesedemandasicesmecsétaientparfoisappréciésouremerciés

pourleurboulot.Ilssemblaienttoustellementsurprisparunsimplemerci.

Bonsang,cesriches.

Trishadescenditdevoitureetfermalaportièresanslaclaquer.C’étaitunedesbêtesnoiresde

son père.Mais elle ne voulait pas penser à lui pour le moment. Elle voulait courir chercher ses

bagagesdanssachambre.Minkaetelleavaientemballétoutesleursaffairesavantd’alleraucasino

pourcettedernièreaprès-midid’amusement.Ilnerestaitquequelquesaffairesàrassemblerdanssa

chambre.SaufsilagérantedudortoiravaitrassemblélesaffairesdeTrishaetlesavaitjetéesparce

qu’ilnepensaitpasqu’ellereviendrait.

Trisha grimpa les marches du vieux bâtiment en trottant. Elle avait un peu l’impression de

rentrerchezelle,nostalgique.Trishaavaitvécuicipendanthuitsemaines.Ellen’avaitjamaisétéaussi

loindechezellependantsi longtempsjusqu’alors.Elleouvrit laporteetentradanslebâtiment.La

géranteétaitàsonbureau,àlafenêtresituéeàgauchedel’entrée.

Trishas’arrêtaaucomptoir.«BonjourOlga,jeviensrécupérermesaffaires!»Elleparlaen

russeparcequec’étaitcequ’Olgapréférait.«Toutesttoujoursdansmachambre?»

«Ohpour l’amourduCiel !»Olgasautadesachaise.«Trisha?Jenem’attendaispasà te

revoir. Après que Minka m’ait raconté… enfin, peu importe ce que Minka m’a dit. J’ai laissé ta

chambretellequelle.Turentrescheztoi?Qu’est-cequis’estpassé?»

Trishaéclataderire.«C’estdifficileàexpliquer.Jerestechez…unami.Puisjerentreraichez

moidansunesemaineoudeux.»

« Tes parents n’ont pas arrêté d’appeler, » déclara Olga, les yeux écarquillés d’irritation.

«Qu’est-cequejedevraisleurdire?»

Ellen’avaittoujourspassontéléphone.Enfait,Trishaavaitcomplètementoubliésontéléphone

jusque-là.Leshommesd’Anatoly avaient confisqué tous leurs téléphones au casino.Elle supposait

quelesautresavaientrécupérélesleursaprèsavoirétérelâchés.CeluideTrishamanquaittoujoursà

l’appel.

« Dis à mes parents que je les appellerai quand je peux, » répondit Trisha en forçant son

enthousiasme.ElleétaitpresquecertainequelapolicedeMoscouavaitdéjàcontactésesparents,ce

qui ne serait pas une bonne chose. « Je les contacterai à unmoment donné. » Trisha chercha une

explicationplausible.«Leschosessont–compliquées–pourl’instant.»

«Biensûr.»

Sil’expressiond’Olgaétaituneindication,elleensavaitplusqu’ellen’endisait.Étrange.Qui

étaitAnatoly?Ungenrederoyauté?Pasétonnantquetoutlemondeletraitecommes’ilétaitfaitde

verreetrépondeàtoussescaprices.

«Jevaismedépêcherenhaut,alors.»Trishafitsigneversl’escalierprincipalquimontaitaux

étagesdubâtiment.

«Biensûr,monte.»Olgaagitalamainverslesommetdesescaliers,maissembladélibérément

évitertoutcontactvisuel.

C’était étrange. Olga était habituellement avide de ragots. Elle avait une curiosité naturelle,

presque comme un espion du KGB. Trisha ne parvenait pas à décider si c’était l’implication

d’Anatoly ou autre chose qui la retenait. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était aller chercher ses

affairesàl’étage.

Les couloirs étaient déserts à chaque étage. Trisha balaya l’endroit du regard, se demandant

pourquoi c’était si sinistre. Le trimestre était terminé.Mais le silence lourd du bâtiment semblait

rempli d’appréhension. Elle se souvenait que cet endroit n’avait jamais été silencieux ces huit

dernièressemaines.Entrelesjeunesétudiantsdedix-huitansetceuxentre25et30anscommeTrisha,

l’endroitavaittoujoursétébondéetbruyant.

Elleparvint enfin auquatrièmeétage.Minkaet ellepartageaient la troisièmechambre sur la

droite.Ellevitsesvalisesferméessurleseuildelaporte.C’étaitétrange,maispeut-êtrequeMinka

les avait placées là pour elle.La seule chose quimanquait était son petit sac de voyage.Elle avait

laisséquelquesaffairesdedanspouravoirdesvêtementsderechange.

Ceseraitunsoulagementderentrerdanssachambrepoursechanger.Elleenjambalesvalises

ettrouvasonsacdevoyage.Retraçantsespas,elleserenditdanslasalledebaincommunepourse

rafraîchir.Quandelleeutterminédesenettoyerlevisage,desebrosserlesdentsetd’enfilerunjeans

etunt-shirt,ellesesentitànouveauhumaine.

Elleétaitderetourdanslecouloirpourrassemblersesaffairesquandellevitapparaîtredeux

hommes dans la volée d’escaliers. Son attention était concentrée sur ses bagages. Elle devrait les

empilercorrectementpourpouvoirlesdescendresanssetuerenchemin.

«TrishaCopeland?»hélaleplusgranddesdeuxhommes.

Ellelevaàpeinelesyeuxdesesbagages.Lepetitsacdevoyageetsonsacàmainétaienttous

deuxpassésenbandoulière.Elledevaitàprésents’occuperdesdeuxgrandssacs.Ellelevalesyeux

seulementpourrépondreàl’homme.«Oui,jesuisTrisha.Vousêtesperdus?»

« Non, nous sommes exactement où nous sommes censés être. » L’homme sourit, la vue

presqueirréelle.«Resteztranquilleetnevousdébattezpas,ettoutseraplusfacile.»

UnfrissondeprisedeconscienceglissadanslacolonnedeTrisha.Elleseredressaquandles

hommessemirentàavancerversellelesmainstendues.

Restertranquille?Aucunechance.

Elles’apprêtaitàlutteràmort.

ANATOLYNEPARVENAITpasàsedépartirdusentimentquequelquechosen’allaitpas.Ilprit

unstyloàbillesursonbureauetnotauncommentaireenmarged’unrapportqu’ilétaitcensérelire.

C’était inutile. Ses casinos prospéraient bien. Oui. C’était fabuleux. Il y avait apparemment un

problème récurrent de vols de serviettes dans un de ses hôtels. Pourquoi était-ce son problème ?

N’engageait-ilpasdesgérantspours’occuperdecesproblèmes?

Ils’apprêtaitàsereleveretàpartirquandBiankaSokolovetsonpèreMotyaentrèrentdansson

bureau.Biankaenglissant,Motyaensedandinant.Lecorpsronddupèreressemblaitàundesœufsde

Fabergésicélèbresdans lemondeentier,unfaitquin’étaitpasaidéparsonamourpour lesgilets

ridiculementornés.

« Bonjour, Anatoly, » ronronna Bianka. « Mon père et moi sommes ici pour finaliser les

arrangementsdenotremariage.»

De toutes les choses queBianka aurait pu dire pour le fâcher, c’était au sommet de sa liste.

Anatolysentitsonhumeurbasculer.Iln’étaitpasd’humeurpours’occuperdecesconneries.«Jesuis

vraimentdésolé,maisj’aid’autrestâchesimportantescematin.SivousvousarrangezavecYakov,il

vousdonneraunrendez-vous.»

MotyaSokolovouvritlabouche,maisaucunmotn’ensortit.Ilpostillonna,àl’évidencefâché,

tandis que son visage tournait au violet. Enfin, il reprit une respiration qui eut l’air d’unmoteur

d’avionprêtàdécoller.«Tunemanqueraspasderespectàmafilleainsi,AnatolyZarestky!»

« Pardon ? »Anatoly sentit lamoutarde luimonter au nez. « Je n’ai aucune intention de te

manquerderespect,ouàtafille.Enfait,jepourraisdiscuterdufaitquec’estvousquimemanquezde

respectenvousruantdansmonbureauetenexigeantmontemps!Commesijen’avaisriendeplus

importantàfairedemesjournéesquededivertirlesillusionsmaritalesd’uneprincessedelamafia

pourriegâtée!»

Dèsqu’ilprononça sesparoles,Anatoly se rendit comptequ’ilvenaitde leur lancerundéfi.

Motyaplissasesyeuxcupides.«LesZaretskyontvraimentprofitéd’uneassociationlucrativeavec

lesSokolovdurantcettedécennie,Anatoly.Penses-tuvraimentprofiterdecetteassociationsansen

payerleprix?»

«Tune veuxpas plutôt dire, » ditAnatoly, les dents serrées. «Que lesSokolovont profité

d’uneassociationlucrativeaveclesZaretskys?»

«Roquetimpudent!»grondaMotya.

Anatolyposalesmainsàplatsursonbureauetsepenchaenavant.«Corrige-moisij’aitort,

maismesprofitsdépassentd’aumoinsquatrefoisceuxdesopérationsSokolov,etilsaugmententà

unrythmequetonentrepriseentièrenepourraitjamaiségaler.»

Motyaagitaundoigtenl’airdevantlevisaged’Anatoly.«Seulementparcequetunefaispas

desaffairesdemanièretraditionnelle!»

« Pourquoi suivrais-je vos traditions moyenâgeuses si je peux gagner plus d’argent à ma

manière ? » demanda Anatoly. « Ça n’a aucun sens de conserver de vieilles traditions qui sont

embourbéespardesprotocolesquin’ontaucunbut.»

«Aucunbut?»Motyairradiaitdecolère.«Tonpèrecomprenaitetrespectaitlestraditionsqui

ontpermisderenforcernotremafiaaufildesans.»

«Monpère?»Anatolysecoualatête,sonirritationatteignantunniveaudangereux.«Tuoses

utilisermon père pour défendre cet argument ridicule ?D’abord,mon père n’aurait jamais voulu

mariersonfilsauxSokolov,etcertainementpasàunepoupéeinutilecommetafille,quiestincapable

defaireautrechosequeservirsespropresintérêtségoïstes.»

Bianka tapadupiedenpoussantuncrid’indignation.«Commentoses-tu?Commentoses-tu

m’insulterainsi?Jen’aifaitquepardonnertoncomportementoutrancierdepuislepremierjouroù

tum’asinvitéàsortir!»

«Oui,»dit-ild’untoncinglant.«Parcequetoutcequetuvoulaisàl’époque,c’étaitaccéderà

mesavoirs financiersafinde financer tesdépenses frénétiques.Dis-moi,Bianka,combiend’argent

as-tudépensésurtagarde-robel’andernier?»

« Ce n’est pas important ! » cria-t-elle. « Je suis une personne importante. Mon apparence

reflètesurceuxquim’entourent.Necomprends-turienderien?»

« Apparemment pas. » Anatoly décida qu’il en avait assez. Il ressentait le besoin urgent de

trouverTrishaetderecommencerleursjoutesverbalesavantdel’attirerunedeuxièmefoisdansson

lit. Il ramassa unmorceau de papier et prit son stylo. Notant un nombre sur le bout de papier, il

choisirsoigneusementsesmots.«TuveuxunmariageentrelesSokolovetlesZaretsky?D’accord.

Voicimonoffre.Cemontantreprésentel’allocationannuelledeBianka.Jenousfourniraiunemaison

etjem’occuperaidetouslesaspectsbudgétairesdecedomicile.J’auraiunemaisonséparée.Jenelui

donneraipasunroubledeplusquecemontant,etjeneluipermettraiaucunaccèsàmesfichiers,mes

avoirs,mesinvestissements,mesentreprisesoutouteautrepartiedemesaffairespassées,présenteset

futures.AucunSokolov ne recevra de traitement de faveur en raison de cette association. Et je ne

permettrai pas de réduction supplémentaire ou de bonus en faveur des Sokolov en raison de ce

mariage.»

Anatolytournaleboutdepapieretleglissadel’autrecôtédubureaupourqueMotyaetBianka

puissent levoir. Ilsavoura l’airmaladifduvisagedeBianka.Ilétaitassezcertainqu’elledépensait

plusquecettesommeenunesemaine.C’étaitpourçaqu’elleétaittellementdéterminéeàsedégotter

unrichemari.Ellen’avaitpaslesressourcespourgagnersonpropreargent.

Elle plaça sa main pâle délicate sur la feuille de papier et la lui rendit. « C’est insultant !

Commentoses-tumefaireunetelleoffre?»

«Situn’espassatisfaite,alorsilneresterienàdiscuter.»Anatolylissalesreversdesaveste,

puissesboutonsdemanchette.Ilsesentaitassezsatisfait.«Jenenégocieraipascemontant.»

L’airdedéfaitesurlevisagedeMotyadéplutàAnatoly.Ilbalayasonmalaise,l’écartantdeses

pensées.Iln’avaitpasletempspourça.IldevaitappelerFredericketdécouvrircequileretenaitsi

longtemps.

«Excusez-moi. »Anatoly inclina la tête en direction deBianka, bouche-bée, et de son père,

avantdequittersonbureau.

ChapitreNeuf

Trishamorditaussifortqu’ellelepouvait,sentantlemuscledubrasdesonravisseurtressaillir

soussonassaut.L’hommedegrandetaillejuraetretirasamain,cequidonnaàTrishal’opportunité

decomplètementtordresoncorpsetderuerdesdeuxpieds.

«Pourquoifaites-vousça?»haleta-t-elle.«Laissez-moitranquille!Cassez-vous!»

L’hommedehautetailles’avançaànouveauverselle.«Vousdeveznousaccompagner.»

« Et si j’avais su qu’elle allait nous faire chier comme ça, » déclara l’homme plus mince.

«Jepensaisqu’elleseraitcontentederentrer.»

Une pensée heurtaTrisha tandis que les hommes tentaient de la traîner au bas des escaliers,

jusqu’au rez-de-chaussée du dortoir. Elle passa ses bras autour de la rampe et refusa de bouger.

«Vousavezétéembauchéspardesaméricainspourfaireça?»

«Vos parents nous ont embauché ! » Le plus grand se démena pour détacher ses doigts de

l’anciennerampeenmétal.

«Stop!»Trisharepoussasamain.«Arrêtez!»

La scène qui se déroulait sembla se figer pendant un instant. Heureusement, les hommes

cessèrentdetenterdelatraîneraubasdesescaliers.

Elleinspiraàfondquelquesfoisettentaderetrouversonéquilibre.Lanuitdernière,elleavait

eu l’opportunité de s’enfuir. Maintenant qu’elle comprenait Anatoly un peu mieux, elle avait

l’implacable certitude qu’il ne la laisserait pas partir. Cependant, l’option s’était présentée, et elle

n’avaitpassautédessus.

Maintenant,elleavaitdevantelleunesolutionencoreplussimpleàson‘problème’.«Monpère

vousaembauchépourme ramenerà lamaison. Jen’ai rienà faire.Vousallezme remballerchez

moi.Pasdechoix,pasdeprisededécision,jepourraisuivreleprogrammeétablicommejel’aifait

toutemavie.»

Leshommesselancèrentdesregardsperplexes.Puisleplusminceseraclalagorge.«C’estça,

m’dame.Noussommesdesexpats.Onfaitpartied’unréseaumondiald’hommesetdefemmesqui

ontpourbutderamenerlesAméricainschezeuxquandilsontétéprisenotage,capturésousesont

empêtrésdansdesproblèmesétrangersdontilsnesaventrien.»

«Commelamafiarusse,»ajoutaTrisha.

Lepluspetithochalatête.«Exactement.»

«Normalement, on négocie avec de l’argent ou des faveurs, » offrit le plus grand. « Et on

utilisehabituellementl’aidedelapolice.MaisvousavezétécapturéeparAnatolyZaretsky.Etrienni

personnenesemetentraversdesoncheminàMoscou.Zaretskyfaittournercetteville.»

«Jesais.»Etellelesavait.Ouplutôt,ellel’avaitdevinécesdernièresvingt-quatreheures.«Ma

vieàlamaisonestvraimentrasanteetsolitaire,voussavez?»

Ils eurent l’air confus.Elle supposait que lesgensne comprendraient pasvraimentque cette

déviationrécentedesavieauxcôtésd’unroidelamafiarussesembleêtreuneaméliorationpourune

fille deCleveland qui, a presque trente ans, devait convaincre son père pour emprunter sa voiture

pouralleraucentrecommercialtouteseule.Elleavaiteudesdizainesdepremiersrendez-vousces

dixdernièresannées.Sonpèrelesavaittouschassés.Ilavaitunelistedemarispotentielslongued’un

kilomètre,chacunvérifiéparsessoins,etc’étaittousdesflicsquesonpèrepensaitappropriéspour

s’uniràsafilleunique.

Trishan’étaitpasd’accord.

«Ilesttempsd’yaller,»pressaleplusgrand.

«Non.»Ellesecoualatête.«Rentrezdireàmonpèrequejeveuxrester.JesuisavecAnatoly

demonpleingré.»Trishagloussa.«Ditesàpapaquej’aienfinfaitunchoixsansquequiconqueme

disequoifaire.Ouplutôt,jesupposequetoutlemondemeditunechoseetquej’aidécidédefaire

autrement.Monpèrecomprendra.Ilneserapasheureux,maisilcomprendra.»

Lesdeuxhommesselancèrentunregardchoqué.Lefreluquetseraclalagorge.«Trisha,jene

suispassûrquevouscompreniezlesconséquencesdevotrechoix.»

« Anatoly est un monstre, c’est ça ? » demanda-t-elle. « J’ai remarqué quelques défauts de

personnalitéassezenvahissants,maisvousaveztort.Cen’estpasunmonstre.»

Leplusgrandsecoualatête.«Vousignorezcequ’ilafait.»

«Monpère estun flic. »Elle repensa auxhistoiresque sonpère lui avait contées au fil des

années. « Il n’est pas non plus tout rose, vous savez ? Les gens agissent pour des tas de raisons

différentes.Ces choix ne sont pas toujours bons,mais à cemoment-là, ils semblent probablement

justes.»Trishalevalesyeuxversl’horlogeducouloir.«Vousferiezmieuxdevousbarrer,lesmecs.

Vraiment.SiAnatolypointesonnez,jenesuispassûrdel’influencequejepeuxavoir.»

«Vousn’allezvraimentpasnousaccompagner?»Lepluspetitsemblaitconfus.

Trishasecoualatête.«Non.Etpetitconseilpourlefutur,vousdevriezexpliquercequevous

venezfaireaulieudefairepenseràunenlèvement.Vouséviterezdevouscréerdesennuiscomme

ça.»

ANATOLYTENTAD’ABSORBERcequ’ilvenaitdevoiretd’entendre.Avecl’opportunitéde

s’échapperprésentée surunplateaud’argent,Trisha avaitdécidé de ne pas sauter sur l’occasion ?

Elledevaitêtrefolle.

Ilpressasoncorpscontrelemurderrièreleschaisesétroites.AprèsqueFrederickluiaitditle

tempsqu’ilavaitattendupourqueTrisharéapparaisseavecsesaffaires,Anatolyavaitsupposélepire.

Ils’étaitattenduàcequ’ellesesoitenfuie.Illatenaitenotage,aprèstout.S’enfuirétaituneréaction

naturelle,non?

«Trisha,»hélaAnatolyendépassantlecoinetendéambulantdanslecouloir.«Retourneen

basetvadanslavoitureavecFrederick,s’ilteplait?»

Elleseretournacommesielleétaitchoquéedelevoir.Ils’étaitdemandéàunmomentdonnési

elleavaitsoupçonnésaprésenceetquec’étaitpourçaqu’elleavaitdéclinéleuroffre.Maintenant,il

nedoutaitplus.Pouruneraisonquelconque–uneraisonqu’ilallaitdécouvrir–elleavaitdécidéde

restersacaptive.

«Anatoly,»dit-elled’untonraide.«S’ilteplait,neblessepasceshommes.Ilsnefaisaientque

lejobpourlequelilsavaientétéembauchés.»

«J’ensuisbienconscient.»Iln’était toujourspashabituéauconceptquequelqu’unluioffre

gratuitementsonopinion,encoremoinsluidisequoifaireoucommentréagir.C’étaitdéconcertant,

surtoutparcequ’ilnesentaitaucunepressiondesapart.Lapressionvenaitdelui-même.Ilvoulaitlui

faireplaisir.Etrange.

«Merci,Anatoly.»Trishaluienvoyaunsourirequiluidonnal’impressionquelesoleilétait

sorti. Puis elle se retourna et s’éloigna. Il l’entendit descendre les marches, et puis la porte du

bâtimentsereferma.

Ilreposasonattentionverslesdeuxhommesdevantlui.Ilsn’avaientpasl’aireffrayés,cequi

l’impressionna. En fait, ils avaient plutôt l’air d’hommes face à un serpent, sachant bien que leur

ennemiétaitcomplètementimprévisible,etattendantdevoircequiallaitsepasseravantdedécider

d’unpland’action.

« Son père vous a envoyé, » déclara Anatoly d’un ton suave. « C’est ça que je dois

comprendre?»

«Oui.»Leplusgrandacquiesça.

«Vousgagnezvotreviecommeça?»

L’hommehaussaàmoitiédesépaules.«D’unecertainemanière.»

«J’aiunmessageàfairepasseràM.JonathanCopeland,»annonçaAnatoly.

Leplusgrandhaussalessourcils.Sonchocétaitévident.«Etlemessage?»

« Sa fillem’appartient à présent. » Anatoly sentit une sensation de satisfaction profonde en

prononçantcesparoles.«Vousl’avezentendudesespropreslèvres.C’estlavérité.TrishaCopeland

m’appartientetresteraàmescôtésjusqu’àcequejeneluitrouveplusd’utilité.»

Le plus petit fit mine de se jeter sur Anatoly. Son compagnon écarta un bras pour l’en

empêcher.Leplusgrandseraclalagorge.«Avez-vousdéjàrencontréJonathanCopeland?»

«Non.»

Unauthentiquesourired’amusementsedessinasurleslèvresduplusgrand.«Alorsjeluiferai

passerlemessagedesafilleainsiquelevôtre,etlelaisseraidécidercommentilveutprocéder.»

Anatoly eut un pressentiment momentané en voyant ce sourire étrange. Cet homme était-il

vraimentsatisfaitdecerésultat?Ilavaitmanquéàsondevoir,non?Pourquoiserait-ilsatisfait?Ce

puzzleneplaisaitpasdutoutàAnatoly.«Voustrouvezçadrôle?»exigea-t-ildesavoir.

«VouspouvezvraimentvouslapétericiàMoscou,»ditl’hommed’untonégal.«Onlesait

tous.C’estpourçaquevouspouvezvouspermettredesdéclarations idiotescommecellequevous

venezdemelivrer.»

«Idiotes?»Anatolyn’appréciapasdutoutl’insinuation.«Commentça?»

L’hommeagitalamain.«Oh,qu’ellevousappartientjusqu’àcequevousneluitrouviezplus

d’utilité.Commentpensez-vousque sonpère réagira?Sa fillecroit à l’évidencequevousêtesun

hommemeilleurquecequevousmontrezàlafacedumonde.Ellenousaditdebutenblancquevous

n’étiezpaslemonstrequ’onpensaittous.»

Maintenant,c’étaitautourdufreluquetdel’ouvrir.«Doncmêmesionsaittrèsbienquevous

luitireriezplutôtuneballedanslecrânepourvoussauverlaface,elleestprêteàtournerledosàsa

familleetsavieparcequ’ellevoitquelquechoseenvousquelerestedumondenevoitpas.»

Anatoly se sentit étrangement flatté par ce savoir.Cependant, il lemettait aussimal à l’aise.

S’était-il perverti aux yeux de Trisha ? Sûrement pas. Il était l’homme qu’il était. Ce n’était pas

commes’ilessayaitdepasserpourquelqu’und’autre.Il l’avaitcapturéecontresongréaprèsavoir

fabriquédefaussesallégationsimpliquantqu’elleavaittrichédanssoncasino.Iln’avaitenriencaché

sanaturedanscescénario.

Leplusgrandseretournapours’éloigner.«Bonnechance,M.Zaretsky.»

«Jesuisdésolé,»lâchaAnatoly.«Maisjenevousaipasdonnélapermissiondepartir.»

«Nousavonsdéjàperdutropdetemps,»continua-ild’unairamusé.«Etçaneserviraitàrien

detuerlemessager,si?»

Anatolyregardalesdeuxhommess’éloigneretsesentitencoreplusperplexeetdéséquilibré

quelorsqu’ils’étaitcachédansl’escalierquelquesmomentsplustôt.Quelétaitleproblèmedecette

Trisha?Pourquoinesecomportait-ellepasdemanièreattendue?Lesgensétaientégoïstes.C’étaitla

seulechoseconstantedanssavie.OuçaavaitétélaseuleconstanteavantderencontrerTrisha.

ChapitreDix

Trisha s’assit sagement sur la banquette arrière de la limousine. Elle était inquiète pour ces

hommes.Et siAnatoly se fâchait sur eux?Cen’étaitpas commesi ellen’avaitpas consciencedu

genre de violence dont il était capable. Mais elle pensait qu’il pouvait contrôler ce besoin pour

montrerdelacompassion,oudelamiséricorde.

Laportières’ouvritetAnatolyseglissadanslavoiture.«Frederick,ramène-nousàlamaison

s’ilteplait.»

«Etmesaffaires?»

« Je les aimises dans le coffre. » Il inclina la tête vers elle. « Tu pensais qu’après tous les

problèmesrencontréspourvenirici,j’oublieraidereprendretesvalises?»

«Non.»Ellesentitsesjouess’empourprer.«Jenemerendais justepascompteàquelpoint

j’étaisdistraite.Jenet’aipasvuouentendumettrequoiquecesoitdanslecoffre.»

«Jevois.»

Letond’Anatolysuggéraitqu’ilenavaitfinideparlerdel’incidentdudortoir.Mince.Trisha

voulaitsavoirsilesdeuxhommesallaientbien.Elleleuravaitdemandédepasserunmessageàson

père.Et s’ilsn’étaientpas enétatde le faire ?Trishadevait parler à sonpère,ou il continuerait à

envoyerd’autreshommespourlaramener.

Mais sonhôtene se rendait pasdu tout comptede cebesoin. «Tuas exprimé ton intérêt de

visiterd’autrespartiesducontinent.Voudrais-tuallerdansundemeshôtelsenSibérie?»

« Pour des vacances ? » Les problèmes avec son père furent momentanément oubliés.

«Oui!Ceseraitgénial.»

Ilinclinalatête,etunemèchedecheveuxnoirsglissasursonfront,luidonnantunairenfantin.

«Ondiraitquetun’esjamaispartieenvacances.»

« Oh, pas depuis que je suis gamine, » dit-elle d’un ton dédaigneux. « Mes parents m’ont

emmenéàl’obligatoireDisneyWorldquandj’avaisseptans.Monpèrenecroitpasauxvoyagesou

auxvacances.Ilaimedirequelesvacancessontmieuxpasséesàsedétendreàlamaison.»

«Jenesuispasdutoutd’accord.»Letond’Anatolysuggéraitquec’étaitsonjugementfinalet

qu’aucuneautreopinionsurlesujetnevalaitlapeined’êtrediscutée.«AlorsallonsenSibérie.»

«Quand?»

Il sourit, et elle sentit son ventre se nouer d’excitation. « Je pense que c’est maintenant ou

jamais,pastoi?»Ilfitungesteverslecoffredelavoiture.«Tesbagagessontdéjàprêts.»Ilpoussa

unbouton,etlavitresebaissaentrel’avantetl’arrièredelavoiture.«Frederick,emmène-nousàla

gare,s’ilteplait.»

«Untrain?»Ellenepritmêmepaslapeinedecachersonempressement.«Onvavraiment

monteràbordduTranssibérien?»

«Biensûr.J’aimonproprewagon.»

Trisharenifla.«Biensûr.»

«Qu’est-cequetuveuxdire?»

«Justequetuesunhommequialesmoyens,doncpourquoin’aurais-tupastonproprewagon,

contrairementànousgensordinairesquidevonsacheterunsiègecommelecommundesmortels.»

«Tun’espasquelqu’und’ordinaire.»Ilsemblaitunpeuraide.L’avait-elleoffensé?«Tues

avecmoi.Etdonctuesausommetdetoutesleslistes.»

«Merci.»Elledécidad’arrêterdelecharrieretdeletaquiner,etdesimplementapprécierce

qu’il faisait. « Je ne veux pas sembler ingrate. C’est juste que je n’ai pas l’habitude que les gens

s’occupentdemoi.»

«Peut-êtreque tudevrais t’yhabituer.Tantque tuserasavecmoi,c’estcommeçaqueçase

passera.»

Ilsepenchaverselleetluipritlamain.Trishadéglutit,sentantlevrombissementd’excitation

courirdanssesveines.Anatolyretournasapaumedemainettraçaleslignesavecleboutdesdoigts.

Malgrétoutcequic’étaitpassé,ellesentitlachaleurs’accumulerdanssonbas-ventre.C’étaitsibon

delesentirlatoucher.L’électricitéentreeuxsemblaittoujoursprésente.

Sonesprit se remémora les imagesde laveille.Elle se souvint de sesmains sur ses cuisses

nuesetde lamanièredontelle s’était sentie lorsqu’ilavaitpénétrésoncorps.Unedouleurhumide

s’accumulaentresesjambes.Ellesetortillaunpeusursonsiège.C’étaitpresqu’inconfortabled’être

assiseaulieudebouger.Ilcontinuaàcaressersapaumedemain.Puissesdoigtsglissèrentversson

poignetetremontèrentlelongdesesbras.Iltouchalapeautendreducreuxdesoncoude.

Sonregardétaitinsistant.Lesprofondeurssombresdesesyeuxsemblaienttraversersapeauet

pénétrerdanslenoyaudesonâme.Ellesedemandacequ’ilyverrait.Serait-ilcapabledevoirqu’elle

avaitplongéeneauxbien tropprofondesencequi leconcernait?Verrait-il lepouvoir incroyable

qu’ilavaitsurelle?

«Çateplais?»murmura-t-il.

Elledéglutitetparvintenfinàparler.«Oui.C’esttrèsagréable.»

«Tuveuxquejecontinue?»

«Çadépend,»taquina-t-elle.«Queveux-tudireparcontinuer?»

Lavoituresegaradevant l’énormegareferroviairedeMoscou.Anatolyouvrit laportièreet

sortitdelavoiture.«Jesupposequejevoulaisdirequenouscontinuerionscettediscussiondansle

wagon.»

«Jevois.»Elledescenditduvéhicule,presqueétourdie.«Etoùvanousmenercettediscussion

«EnSibérie,évidemment.»Iltapotaleboutdesonnez,savourantàl’évidenceleurpetitejoute

verbale.

« Et si je préfère rester avec les autres passagers pour profiter à fond de l’expérience du

Transsibérien ? Que dirais-tu ? » Elle n’avait même pas considéré cette possibilité avant de la

mentionner,maismaintenantqu’ellel’avaitexposée,ellesedemandacommentilrépondrait.

Ilfronçalessourcils,sonexpressionsefaisantpresqueméchante.«Iln’yapasdeplacedans

lesautreswagons.»

«C’estvrai?»

«Oui.Iln’yapasd’autreplacepourtoiqu’àmescôtés.»

Trisha soupçonnait qu’Anatoly lui-mêmene comprenait pas complètement ce qu’il venait de

dire.

Elleétaitvraimentdanslamerde,etlasituationempiraitàchaquesecondequipassait.

LEPAYSAGEDEFILAITàl’extérieurdesfenêtresdutrain.Àl’intérieur,Anatolyétaitinstallé

dansunfauteuil,uncocktailàlamainetunefemmemagnifiquepourl’accompagner.Ilauraitpudire

quec’étaitcommeçaunweek-endsurdeux,saufquelafemmeétaitTrishaetquesonbutprincipal

n’avaitrienàvoiravecladéshabiller.Enfin…çafaisaitpartiedubut,maiscelui-cicomprenaitbien

plusqu’unsimpledésirdelarevoirnue.

«Tuvoyagestoujourscommeça?»demandaTrisha.

Anatoly l’avait observée tandisqu’elle explorait leur logementdepuisplusdevingtminutes.

«Tuasprobablementexaminécewagonplusendétailsquemoiquandonmel’alivré.»

« Sans rire ? » Elle se retourna et lui lança un petit sourire avant de secouer la tête de

consternation.«Vous,lesriches,vousnefaitesjamaisvraimentattentionàcequevousachetez.Vous

jetez de l’argent par les fenêtres et vous assumez que vous allez obtenir ce pour quoi vous avez

payé.»

«Jenediraispasça.»

Ellerenifla.«Moibien.»

«Etquelleseraittonévaluationduproduit?»poussa-t-il,curieuxdeconnaîtrelefonddeses

pensées.

Ellefituncerclelentaucentreduwagon.«Laconstructionsemblesolide.Sûrementétancheet

insonoriséepuisqu’onentendpasvraimentlebruitdel’airquipasse.Etonn’entendpastellementnon

pluslebruitdesappareilsélectriques.»

«Etlemobilier?»Illevasonverreverselleavantd’ensiroterunegorgée.

«Lebarestsympa.Ilestclairementbienfourni.Jepariequecescanapésseconvertissenten

lit.»Ellefitungesteversl’autrecôtéduwagon.

Ilremualessourcils.«Tuaimeraisledécouvrir?»

«Wow, laisse-moiy réfléchir ; s’envoyeren l’air enpleinmilieude la journéeàbordd’un

trainoùn’importequipourraitentrerounousvoirparlesfenêtres.Nonmerci!»Elleritàcetteidée.

«Maistuesmignon,tusais?»

« Tu as mentionné plusieurs fois les gens riches, » commenta-t-il, souhaitant l’éloigner du

sujet.«Ilsembleraitquetuaiesunpréjudicecontrelesgensquiontdel’argent.»

«Seulementceuxquipensentqueçaleurdonneledroitdefairetoutcequ’ilsveulent.»Ellelui

lançaunregardquiendisaitlong.

« Je suppose que vu ton regard évocateur, tu faisais référence à moi ? » Il n’aimait pas

particulièrementêtregroupéavec tous‘cesrichards’,mais ilnepouvait rienfairepourréfuterses

accusations.

« J’ai connu plusieurs gens riches dansma vie, » songea-t-elle. «Aucun d’entre eux n’était

particulièrementsympa,etmêmes’ilspouvaientsepermettred’êtregénéreux,ilsnel’étaientpas.»

«Siondistribuaitl’argentpartout,alorstoutlemondeseraitlemême.»

Elle lui lança un regard rempli de sarcasme. « Ah oui, est-ce que ça ne s’appelle pas le

communisme?»

« Touché, » dit-il, savourant son trait d’esprit. « Sauf que la seule différence entre le

communismeetlecapitalismeestquelescommunistesprennentmieuxsoindeleurspauvres.»

«Aie!»Elleplaçaunemainsursoncœur.«Jenepensepaspouvoirargumentercontreça!»

Ilagitalamain.«Assezdepolitique.»

«Et si on passait à la religion ? »Elle leva un sourcil et passa un doigt sur les rideaux de

brocartquipendaientauxvitres.

Il l’étudia en trainde toucher le tissu richeetperdit complètement lanotionde tout, saufdu

souvenirdesentirsesmainssursapeau.S’était-ilentichéd’elle?C’étaitunpeueffrayant.

«Parle-moidetontravail.»Sontondouxétaitencourageant,commesielleéprouvaitvraiment

delacuriosité.«Qu’est-cequirendlamafiadifférentedesautresentreprises?Dansmonexpérience,

touteslesentreprisesbalancentauborddelamoralitédetoutemanière.»

«C’estvrai.»Se réinstallantconfortablementdanssonsiège, ilpensaàcequ’il faisaitpour

gagnersavie.Pouruneraisonqu’ilavaitdumalàcomprendre,ilétaitavidedeluiexpliquer.C’était

absurde,maisildevaitavouerquec’étaitcequ’ilressentait.«Jepossèdedeshôtelsetdescasinos.Ce

n’estpaslavoietraditionnelledelamafia,maisc’estunevoieassezlucrative.»

«Quelleestladifférence?»

«Etbien, laplupartdes famillesmafieusesvendentde ladrogueouorganisentdes combats

illégaux,etellessontaussiimpliquéesdansletrafichumain.»Ilhaussalesépaules.«Jenetrouvepas

quecesoientdesentreprisesprofitables.»

Quelquechosedanslapositiondesonmentonluidonnal’impressionqu’ellen’approuvaitpas.

Puisellehaussalesépaules.«Jesupposequec’estbonpourtoi,maisqu’est-cequirendtesaffaires

illégalesetlesclassifiecomme-»Ellefitdesguillemetsenl’air«-mafieuses?»

«Jen’aimepaslapaperasserie,»dit-ilplatement.«J’utilisedespotsdevinoul’intimidation

pour éviter les lois et règlements qui neme conviennent pas, et j’ai la police deMoscoudansma

poche.»

«Ahalorsça,çasonnepluscommelamafia,»marmonna-t-elle.

«Ettoi?»IlrecentrarapidementladiscussionsurTrisha.«Onapresquepasparléenanglais,

et pourtant tu ne sembles pas avoir de mal à me comprendre. Ta maîtrise du russe est

impressionnante.»

«J’aipasséundiplômeenhistoire russe.Ceprogrammed’échangede laMoscowAcademy

était le dernier cours demes études. » Elle soupira, détourna le regard vers la fenêtre et eut l’air

mélancolique.

«Qu’est-ceque tuavais l’intentiondefaireaprès tondiplôme?»Enfait, ilsedemandaitce

qu’ellepouvaitfaireavec.Çasemblaitvraimentinutile,maisiln’allaitpaslediretouthaut.

Ellegloussa.«Jecroisquej’aichoisicemasterjustepourfairechiermonpère.Ilvoulaitque

j’étudiel’assistancesociale.»

«Ettun’aimaispascetteidée?»

«Pasparticulièrement.Jetrouveçadéprimant.»

«Ah.» Il ne comprenait pasvraiment le conceptdu travail d’une assistante sociale,mais ça

n’avaitpasvraimentd’importance.«Ettonpères’estfâché?»

«Iln’estjamaisfâché.»Elleseretournaetluioffritunsourire.«Ilestdéçu.C’estdifférent.Je

suisunenfantunique. J’aigaspillémon tempsetmonargentdanscediplômeridicule,blablabla.

C’estpourmeculpabiliser.»

«Et pourtant tu es icimaintenant et il n’y a pas de place pour la culpabilité. » Il haussa les

épaules.Pourlui,lesujetétaitclos.«Onserabientôtàmonhôtelettoutsepasserabien.»

«Oui,»convint-elleàvoixbasse.«Toutsepasserabien.»

ChapitreOnze

Trishan’avaitjamaisadmirédeplusbeaupaysagequeceluidesmontagnesboiséesdeSibérie

quientouraientl’hôteld’Anatoly.L’endroitdisposaitd’unestationdeskiquifonctionnaitdudébutde

l’automne à la fin du printemps,mais pour l’instant, l’attraction phare semblait être la tyrolienne.

C’étaitévidentquepourlesfortunésdecemonde,cetendroitétaitavanttoutunendroitdespas,de

luxeetdedétente.

Anatolynelogeaitpasaveclepeupledanslapartieprincipaledecethôtel-châteautentaculaire.

Ilavaitunemaisonprivéenichéeàflancdecolline.Le‘chalet’étaitpeut-êtrefaitdebois,maisc’est

toutcequ’ilavaitdechalet.Ildisposaitd’immensesplafonds,degrandesfenêtresquidonnaientvue

sur la vallée, et d’unvaste terrasse couverte de fleursmauves.L’odeurde la florequi entourait le

chaletd’Anatolyremplissait l’air,etTrishaneput résisteraubesoindes’installerdansunechaise-

longueetdeprofiterdusoleiletdel’airfrais.

Anatolyposauncocktailsurlapetitetabledechevet.«Tut’amusesbien?»

« Je n’arrive pas à croire que cet endroit t’appartienne vraiment, » murmura-t-elle avec

appréciation.«C’estmagnifique.»

«Enhiver,lamontagneestcouvertedeskieurs.Parfoisjefermelastationjustepourpouvoir

fairequelquespistessansrencontrerunedizaineouplusdeskieursdébutants.»

«Lesgensriches,»dit-elleenreniflant.

Il leva les yeux au ciel et s’installa dans la chaise longue à côté d’elle. « Non. Les gens

égoïstes.»

Elleseretournapourledévisager,choquée.«Tuviensdetetraiterd’égoïste?»

Iltraçadoucementsonavant-brasavecundoigt.«Peut-être.»

Sescaressesladistrayaient.Ellesenvoyaientunfourmillementagréabledanssoncorpsetlui

faisaientpenseràs’envoyerenl’airsurlaterrasseprivéedel’hôtelsibérientandisquelecoucherde

soleil rougissait lecielde tonsorangeet rose.Saufqu’ellen’étaitpascenséepenseràcegenrede

choses.

«Tunages?»

«Oui,maisjen’aipasamenédemaillot.»Elleenfutunpeudéçue.Elleaimaitvraimentbien

nager.

«L’endroitauqueljepensaisn’estpasvraimentunepiscine.»Ilétaitàl’évidenceentrainde

l’amenerversquelquechosedeprécis,parcequ’ellepouvaitpresquevoirlesrouagestournerdans

sonesprit.

« Allez, vas-y, » pressa-t-elle. « Crache le morceau. Tume donnes des vertiges à force de

tournerautourdupot.»

Iléclataderire.«Pasmoyendetecacherquoiquecesoit,si?»

«Aupointoùonenest?Non.»

«Ilyaunesourcechaudeàmoinsde2kmduchalet.C’estsurunterrainprivé.Jen’autorise

pasdeclientssanspermissionspéciale.»

Trisha tenta de contrôler son empressement. Ilpossédait une source chaude aumilieu d’une

étendue sauvage aussi belle ? Comment un criminel pouvait-il avoir si bon goût ? Elle en était

abasourdie.

ANATOLYLAREGARDAretournerl’idéedanssonesprit.Ilsavaitqu’ill’avaitsurlesujetdes

sources chaudes.Elle n’était pas seulement curieuse,mais aussi excitée. Il pouvait le lire dans son

langagecorporel.

Ellefinitparserelever.«Allonsvoircetendroitmagiquedonttuparles.»

«Tudisça,»songea-t-il,nebougeantpasdesonsiège.«Maisd’untonsarcastique.»

Trishapoussaunimmensesoupir.«D’accord,Anatoly.Veux-tubienm’emmeneràcettesource

chaude?Çaal’airmagnifique,etj’aimeraisvraimentyaller.»

«Beaucoupmieux.»

Ilselevadesachaiselongueetpritlecocktaildesesmains.Ildéposalesdeuxverresdecôté.

Mêlantsesdoigtsauxsiens,ilsedirigeaverslesescaliersduboutdelaterrasse.Lorsqu’elleserendit

comptequ’ilspartaient,elleleforçaàs’arrêter.

«Attends.Onnedoitpasemmenerquelquechose?»Mêmesonfroncementdesourcilsétait

adorable.

«Non.C’estàunpeuplusd’unkilomètre,et lesentierestenbonétat.Onseraconstamment

souslaprotectiondemeshommes,etcrois-leounon,maisilyaduréseauaucasoùondoitappeler

pourquelquechose.»

«Oh.»

«Tuesdéçue?»Ileutdumalàcomprendre

«Jepensaisallerrandonneraumilieudenullepart,tusais?»Ellepinçaleslèvres.«Maisje

suissûrequec’esttoutdemêmemerveilleux.»

Anatolyéclatade rireetprissonbrassous lesien.«Peut-êtrequ’ondevraitaller randonner

danslamontagneunjour.Çanousdonneraitlepleind’expériencessauvages.»

«Tuutilisesparfoislesremontéesmécaniquesjustepourt’amuser?»

Ilhochalatête.«Toutletemps.»

Le chemin descendait la colline où le chalet avait été construit et pénétrait dans la forêt une

centainedemètresplusloin.Ilssuivirentlalargepistebienbalisée,dépassantlesarbresetdegrands

rocherscouvertsdemousse.Ilfaisaitfrais,maispasfroid,dansl’ombredelaforêt.Leparfumdes

arbresàfeuillespersistantesremplissaitl’air.

Ilnefallutpaslongtempsavantdevoirlavapeurdelasourcechaudes’éleverdansl’air.Son

excitationpritledessus.Trishaapprécieraitl’endroitautantquelui.Pouruneraisonqu’ilignorait,il

repensaàlaseulefoisoùilavaitconsidéréemmenerBianka.Cettefemmeétaitunefilledelaville

dans l’âme. La seule mention de ces hôtels la faisait tressaillir d’inconfort. Elle s’imaginait cet

endroitmanquantcomplètementdesinstallationsqu’elleconsidéraitcommenécessairesàsasurvie.

«Aquoitupenses?»demandaTrisha.

Ilseretournapourlavoirledévisageraveccuriosité.«Justeàquelqu’unquejeconnais.»

«Unefemme,»devina-t-elle.

Cen’étaitpasdutoutlesujetdontilvoulaitdiscuterpourl’instant.«Jel’appelleraisplutôtune

princessepourriegâtée,maisoui.C’estbienunefemme.»

TRISHAESSAYADEnepassesentiroffenséedesavoirqu’Anatolypensaitàuneautrefemme

alorsqu’ilétaitavecelle.Était-elletellementpeuintéressante?Elleavaitpenséqu’ellepourraittenir

son intérêt. Elle savait qu’elle ne correspondait pas à ses standards habituels, et qu’il y avait une

bonnechancequ’ilsefatigued’elleplustôtquetard,maisc’étaitquandmêmehumiliant.

«Jefaisaisuneétudedecontrastes,»ajoutasoudainAnatoly.

Trishaétaitdésorientée.Dequoiparlait-il?«Pardon?»

« C’est pour ça que je pensais à une autre femme, » dit-il lentement. « Je pensais que je

n’amèneraisjamaisuneautrefemmeici.Jeneconnaispersonned’autrecommetoi.Tun’aspaspeur

depetitstreksdanslaforêt.»

«Oh!»Aulieudesesentirembarrassée,elleétaitàprésentnerveuseetexcitée.

Puis ils tournèrent un virage, et toutes pensées de femmes ou de ce qui plaisait à Anatoly

s’envolèrentde sonesprit.Elledécouvrit unepetite clairière aumilieud’arbresqui entouraientun

bassind’eau.Unmurrocheuxabruptsetrouvaitdel’autrecôtédusentier,quiseterminaitdansl’eau.

Delavapeurmontaitenvolutesdelasurfacelissedemiroirdubassin.

«Anatoly,c’estmagnifique,»souffla-t-elle.«Commesortitoutdroitd’uncontedefée.»

« Je suis ravi que ça te plaise. » Il fit un geste vers l’eau. « Mets tes doigts dedans. C’est

merveilleusementchaud.»

Elle s’agenouilla au bord du bassin et effleura l’eau du bout des doigts. L’odeur légère du

sulfure persistait dans l’air, mais ce n’était pas désagréable. Elle se retourna pour faire un

commentaire,maiselleoubliasurlechampcequ’elleallaitdire.

Anatolyavaitretirésachemiseets’étaitdéjàdébarrassédeseschaussuresàsemellesépaisses.

Il avait les mains posées sur le bouton de son jeans. Trisha retint son souffle en l’admirant. Pas

qu’ellen’aitjamaisvusontorsenuavant,maisc’étaitunevueassezépoustouflante.

Chaquecentimètrede sapeaudorée recouvraitdesmusclesbien formés.Ellenepouvaitpas

détournerleregard.Ildescenditsonjeanssursesfesses,avecsonslipdanslafoulée.Lespoilsnoirs

épaisquirecouvraientsonainefurentexposés,ainsiquelediamètreépaisdesonpénis.Sonérection

étaitimpressionnante.Sabiterebonditcontresonventretandisqu’ilretiraitsonjeans,sonboxer,puis

seschaussettes.

«Jevaisfairetrempette,»luidit-ilavecunsouriremalicieux.«Tudevraism’accompagner.»

Trishabaissalesyeuxverssonjeansetsont-shirtdécontractés.Ellenes’étaitjamaisbaignée

nuedesavie.Sonpèreétaitunflic.Elles’étaittoujoursimaginéavoirlachancedesefairearrêter

pour exhibitionnisme et que son père se retrouve avec son dossier. Mais maintenant, avait-elle

quelquechoseàperdre?L’eausemblaitsiaccueillante.

Anatolyentradanslebassinpuiss’immergeacomplètement.Ilémergeaaucentreetdébarrassa

l’eaudesonvisage.Sescheveuxfoncésbrillaientdans la lumièredusoleilquifiltraità travers les

branchesd’arbres, et sa peau semblait aussi parfaite que la soie.En fait, son corps entier semblait

parfait.

«Allez,Trisha,»cajola-t-il.«Tuviens?»

«Jenesuispasaussibellequetoitoutenue.»Enfait,c’étaitsonsouciprincipal.Elleétaitune

vraierousse,avecunepeaupâleetcouvertedetachesderousseurquinebronzait jamais.«Jesuis

commeunpoissongluant.»

«J’aivutoncorps.Tuesmagnifique.Viensmerejoindre,s’ilteplait?»

ANATOLYPOUVAITVOIRsonhésitationdanser sur sonvisage.Puis elle finitpar céder. Il

sourit quand elle se débarrassa de son t-shirt et se dépêcha de dégrafer son soutien-gorge. Elle

semblaitsedébarrasserdesesvêtementsaussirapidementetefficacementquepossiblesansuneseule

penséeàcequipourraitêtrevucommeunstrip-tease.Ilretintsonrireàsonmanqued’artifice.Puis

elleposaunpieddansl’eau,etiloubliaderespirer.

«Malenkaya,tuesmagnifique,»murmura-t-il.

«Vraiment?»

Anatoly fit un bruit de dégoût. « Quel idiot ne t’a pas dit que tu étais belle ? J’aimerais le

tabasseretluiarracherlescouilles.»

Elleéclataderire.«Jen’aipasvraimentlephysiqued’unmannequin.»

Incapablederésister,Anatolys’approchapourtouchersonépaulenue.Elles’étaitavancéesous

lasurfacedel’eau.Sesseinsperçaientàpeinelasurfacefumante.Ilsrebondissaientsurlasurface,et

sestétonspointèrent.

«J’aibesoindetetoucher,»murmura-t-ild’unevoixrauque.«Tumedonneslapermission?»

Sagorgebougeavisiblementlorsqu’elledéglutit.«Oui.»

Il prit ses seins dans ses mains. Caressant ses tétons des pouces, il savoura le fait que son

attention lui donne du plaisir. Sa peau se raidit. Il caressa ses mamelons durcis jusqu’à ce qu’ils

pulsentsoussesdoigts.Puisilsebaissaetenpritundanssabouche.

Le goût était exquis. Passant ses doigts dans ses cheveuxmouillés, elle tira sa tête plus près

d’elle, commesi elle le suppliaitde continuer. Il suçaplus fort, prenant autantde son seindans sa

bouchequepossible.Ilretournasontétondelalangueetpuisreculapourluifaireunpetitsuçonavec

lesdents.

«OhmonDieu,qu’est-cequec’estbon!»murmura-t-elle.«Encore,Anatoly!Continue!»

Ilsouritetglissalesmainspar-dessusseshanchesetsursachutederein.Ilpritsesdélicieuses

fessesentresesmainsetl’attiratoutcontresoncorps.«Jevaistefairel’amour,Trisha,»luidit-il

d’unevoixâpre.«Jevaisglissermabitedans tachatteet te fairecrier jusqu’àcequeces rochers

résonnentdesbruitsdetonplaisir.»

Puiselleposaunemainàplatsursonventreetlaglissajusqu’àlabasedesabite.Laprenant

danssapaume,elleluiretournalecompliment.«D’accord.Maisjeteferaihurleràmescôtés.»

ChapitreDouze

Trishaétaitenfeupourcethomme,etiln’yavaitaucunmoyendeprétendrelecontraire.Être

danslesbrasd’Anatolytandisqu’ilcaressaitetmassaitsesseinsétaitépoustouflant.Puisilannonça

qu’ilvoulait luifaire l’amour,etelleeut l’impressionqu’elleallaitmourirdedésir.Toutcequise

situait sous sonnombril était enfiévré.Sesmuscles internes se contractaientdebesoin, et tout ceà

quoiellepouvaitpenserétaitlemomentoùlabited’Anatolyplongeraitenfindanssoncorps.

Ellepressalalongueurépaissedesonsexeetfutrécompenséeparungrognement.Ilplongea

lesmainsdanssescheveuxetl’attirapourl’embrasser.Elleécartaleslèvresetsentitsalangueglisser

danssabouche.Songoûtdécadentenveloppasessens.Ellepouvaitsentirleclapotisdel’eauchaude

contresesbrasetladouceurdelapeaud’Anatolypresséecontreelle.

Elle flottait, et Anatoly était sa seule ancre dans l’eau. Ses pieds semblaient être fermement

plantés au fonddubassin.Trisha enprofita pour lever les jambes et les passer autourde sa taille.

Cettepositionouvritsonsexeetellelepressafortcontresonérection.Lemerveilleuxfrottementde

sahampecontresonclitorislafitfrissonner.

«Anatoly,jevaisjouir!»dit-elled’unevoixrauque.

«Alorsjouis,malenkaya.»

Ellesentitunesensationbrûlanteàl’arrièredesesjambestandisqu’ellelesserraitautourdesa

taille. Puis la sensation écrasante d’une décharge électrique submergea son système nerveux. Elle

poussauncritandisquel’orgasmefaisaitconvulsersoncorps.Sesmusclesinternessefléchirentet

se serrèrent encherchant labited’Anatoly.Elle se tortilla contre luipour enavoirplus.Elle avait

tellementenviedeluiqu’ellepouvaitàpeinelesupporter.

«Doucement,»luidit-il.Sesmainsétaientdanssescheveux,lissantlesmècheshumideshors

desonvisageetl’apaisantgrâceàsontoucher.«Tuaurascedonttuasbesoin.Jelepromets.»

Elle geignit, serrant ses cuisses autour de ses hanches. Il serra son cul plus fermement et

l’éloignalégèrementdelui.Elleflottaitdansl’eau,lecocondechaleurlamaintenantdanslaposition

idéale.

Songlandsondal’entréedesachatte.Elleinspiraàfond.Ilglissasonglandàl’intérieurdesa

chatte.Cen’étaitpassuffisant.Enfin, ilplongeaenelleet la remplitcomplètement.Ellegrognade

satisfactionetpassalesbrasautourdesanuque.

À cet instant, elle riva ses yeux aux siens. Cette intimité la secoua, et elle se sentit presque

intimidée.Sesyeuxsombresétaientsibeaux.Ellepouvaitvoirtellementdechoses,etpourtantellene

savaitpasdutoutcommentlelienquilesunissaitallaitsedévelopper.

Ilcommençaàbougerenelle.L’eaubougeaautourd’eux,éclaboussantlégèrementleurpeauet

créantunéventaildélicieuxdesensations.

Trisha rejeta la tête en arrière et admira le ciel bleu au travers des arbres épais. Sa poitrine

frottait contre le torse dur d’Anatoly demanière séduisante. Ses tétons semirent à pointer et son

clitorisàpulser.Ilaccéléralerythme,claquantcontreelleetlafaisantcrieràchaquecoupderein.Le

plaisir était presque trop intense. Elle se sentait perchée au bord d’un autre orgasme, et voulut

l’atteindreavectoutcequ’elleavaitenelle.

ANATOLYN’AVAIT JAMAIS rien savouré plus que cet instant à l’intérieur de Trisha. Elle

représentaittoutcequ’unhommepouvaitvouloir.Elleétaitsexy,désinhibée,etaussiexcitéeparlui

qu’on pouvait l’être. Il sentit qu’elle était à nouveau sur le point de grimper au rideau. Il voulait

grimperavecelle.Sescouillesétaientserréesentresesjambes,etlachattedeTrishatenaitsabitesi

fermementqu’ilpouvaitàpeinebougerenelle.

Ellepoussauncri,ungémissementpassionnéquirésonnasurlafaçaderocheuseetfittrembler

Anatolydedésir.Ellesecontractaànouveauautourdeluiavantqu’ilnelasentefondre,libéréepar

sonorgasme.Cettesensationmagiquelecombla.Rejetantlatêteenarrière,Anatolyconvulsatouten

déversantsasemencedanslecorpsdeTrisha.Illatinttoutcontrelui,selaissantretomberdansl’eau.

Ilsflottèrentensemble,sabitetoujoursplongéedanssoncorps.

Une vague de tendresse le submergea, et il la serra fort dans ses bras. Cette femme était

différente de toutes celles qu’il avait rencontrées auparavant. Elle n’avait pas de motifs cachés à

découvrir, et n’était pas là pour le manipuler. Elle correspondait exactement au visage qu’elle

présentaitaumonde.Etc’étaitinestimable.

« Je n’arrive pas à croire que j’ai fait ça, »murmura-t-elle. «C’est officiel. Je n’ai aucune

volonté.»

Ilgloussa.«Jesuiscertainquetun’aspasfaitçatouteseule.»

«Non.Tuasraison.Toutestdetafaute.»

«Commentça?»Ilbaissalesyeuxverssonvisageetremitunemèchedecheveuxmouillés

derrièresonoreille.

«Tu t’esmis à poil et tu t’es foutu dans l’eau.C’estça qui a commencé toute cette histoire

absurde.»

«Jesuisdésolé,maisiln’yavaitriend’absurde,»argumenta-t-il.«C’étaitincroyable.»

«Lesexeavectoisembleeneffettomberdanscettecatégorie.Maispeut-êtrequec’estcomme

çaavectousceuxquisaventcequ’ilsfont?Jenepensepasavoirassezd’expériencepourémettrece

jugement.»

«Tunevaspasallerrécolterdesdonnéessurcesujet,sic’esttasuggestion,»gronda-t-il.«Tu

encoucheraspasavecunautrehomme.Plusjamais.»

«Ahoui,vraiment?»Trishasemblaitamusée.Çaledérangea.Pensait-ellequ’ilétaitsivolage

?«Tuterendscomptequetuasgénéralementladuréed’attentiond’unepuceencequiconcerneles

femmes?»

«Commentlesais-tu?»gronda-t-il,irrité.«Tumeconnaisàpeine.»

«C’estpeut-êtrelecas,maisjesaiscequetum’asracontéetcequed’autresm’ontditsurton

compte.»Ellepressaleboutdesonindexdanssonsternum.«Combiendefoisas-tuditquetume

gardaisseulementtantquejeretenaistonattention?»

Anatolyn’avaitpasderéponseàça.C’étaitvrai.Ilavaitbienditça.Etceseraitprobablement

inutiled’essayerd’expliquer lamyriaded’émotionsetdepenséesqui lui traversaient l’espritet lui

avaitfaitdireça.Enfait,ilnevoulaitpasenparler.

« Et bien, pour le moment, tu m’appartiens. Rien d’autre n’a d’importance, » lui dit-il

fermement.

Ellelevalesyeuxauciel.«Commetudis.»

LETRAJETDUretourverslacabineétaitbienmoinssympathiquequel’allerverslessources

chaudes.L’éclatdecettejournéeavaitenpartiedisparu.Trishasesentaitraideetdéséquilibréeavec

Anatoly.Cemecavaituneautresauted’humeuretsemblaitpresquemaussade.

Ilsécrasèrentdesaiguillesdepin,etlaforêtquilesentouraitétaitrempliedeschantsd’oiseaux

danslesarbresetdesbruissementsdepetitescréaturesquiretournaientenvitesseversleurabri.Et

fait,c’étaitcommesilemondeentiersesentaitbien,àpartl’exceptionnotabled’AnatolyZaretsky.

Unnuagetraversaleciel,cachantlesoleil.Lerythmedeparaded’Anatolysemblaitrendrele

trajet vers le chalet plus court. Ils se baissèrent pour passer sous des branches dans un endroit où

l’herbeétaitépaisseetlesbranchesentrelacéesau-dessusdeleurtêteobstruaientcomplètementlavue

duciel.

UnfrissonparcourutTrisha.«Tuasentenduça?»chuchota-t-elleàAnatoly.

«Entenduquoi?»Ilsemblaitimpatient.

« Exactement. Les oiseaux ont cessé de chanter. C’est unmauvais présage. » Lemalaise se

transformaenunterriblesentimentd’inquiétude.

«Turacontesdeshistoires…»

Ilneputterminersaphrase.Quatrehommessautèrenthorsdessous-boisépais.Ilsportaientdes

tenues de camouflage etmême leurs visages étaient peinturlurés. Deux d’entre eux se ruèrent sur

Anatoly.Ellelevitpasserunemainsursoncôtécommes’ilavaitoubliéqu’ilneportaitpasd’arme.

Maisiln’allaitpasabandonnersanssebattre.Ilenvoyaquelquescoupsdepoings,heurtantunhomme

àlamâchoire,quireculadequelquespasentrébuchant.

«Venezavecnous,»ordonnaundeshommesàTrisha.

«Quoi?Non!»Ellelibérasamaindesonemprise.«Jesuisicidemonpleingré!Jeneveux

paspartir!»

Ellesurpritlesdeuxhommeséchangerunregardentendu.Puislesecondlabalayadusold’un

seulgeste.

«Hé !Vous ne pouvez pas faire ça ! » Ellemartela son dos de coups,mais il se comporta

commesiellen’avaitpasd’autreseffetsqueceuxd’unemouche.

Anatolyl’entenditcrieretredoublad’effortspoursedébarrasserdesdeuxautresgorilles.Ils

s’attaquèrenttousdeuxàluienmêmetemps.Enfait,lestroishommesroulaientsurlesoldelaforêt

ensetabassant.Ellenepouvaitmêmepasdirequelpoingappartenaitàquelhomme.C’étaitunepile

dechairmuscléeetcamouflée.

Maisçan’aidaitpasnonplusqu’elleassisteàcettebagarreenlaregardantàl’enverstouten

pendant de l’épaule du gorille.Et tout en s’éloignant de plus en plus d’Anatoly et des deux brutes

attardées.Ellecommençaitàsesentirmalade.Deplus,ellenevoulaitpaspartir.Anatolyavaitpeut-

êtrelemauvaistempéramentd’uneadolescente,maisellen’étaitpasencoreprêteàl’abandonner.

Trishafrappaànouveausonkidnappeur tandisqu’ils tournaientetqu’elleperdaitAnatolyde

vue.«Tuvasmelâcher,oui?»

Lemeceutleculotdetapotersesfessestandisqu’ill’emmenaitenjoggant.«MonnomestTaft

etl’autrecrétins’appelleJack.Détends-toi,chérie,tonpèrenousaenvoyés.»

«Maisputain,»grogna-t-elle.«Vousrigolez?Cemecnecomprendpaslemessage!»

«Quoi?»Sonravisseursemblaitconfus.

En tendant le cou,Trishaput apercevoir l’autrehommeappelé Jack.Taft et lui échangeaient

encoreunregardentendu.Maiselleavaitbesoindeplusqueça.Elledevaitlesarrêter.Voircommese

débrouillaitAnatoly.Lesdeuxautrescrétinsl’avaient-ilsblessé?

« J’ai vingt-sept ans, » déclara sèchementTrisha à l’homme. «Mon père vous a envoyé ici

parcequ’ilveutmerameneràlamaison.Jesuisicidemonpleingré.Doncsivouscontinuezcomme

ça,vousêtesentraindemekidnapper.Etsoyonshonnêtes,lesgars,personneneveutêtreaccuséde

kidnapping.»

« Est-ce que Copeland a mentionné qu’elle avait vingt-sept ans ? » demanda Jack à son

partenaire.«Jenemesouvienspasd’avoirluçadansledossier.»

«Ouais,ilatendanceàomettrecegenred’infos,»raillaTrisha.«Voussavez,ilditdestrucs

comme‘mapetitefille’pourvousmettreentêtequejesuisuneadoimpuissante.»

«Ettuasvingt-septans?»Taftlabaissadesonépauleetlaremitsursespieds.

«Oui,»assuraTrisha.«J’ail’âgelégaletplus.»

Taftluienvoyaunregardpleindesoupçons.«Tonpèreaditquetuétaisretenuecontretongré

parlamafiarusse.»

« Ça a commencé comme ça,maismaintenant je suis un hôte. J’avais l’air d’être captive ?

Franchement,onnefaisaitquerandonnerjusqu’auxsourceschaudes.Jenesuispaspiedsetpoings

liés,si?J’auraispum’enfuiràtoutmoment.»Etellenepouvaits’empêcherdepenserqu’elleaurait

dûs’enfuirjustepourpunircetidiotd’Anatoly.

Jack fit signe à Taft. « Le protocole stipule que s’il n’y a pas de preuve qu’une cible non-

mineuresoitdétenuecontresongré,alorsonnepeutpasl’emmenersielleproteste.»

« J’ai compris,mec, pasbesoindeme le rappeler. »Taft leva lesmains comme s’il voulait

fairesavoirqu’iln’avaitplusl’intentiondetoucherTrisha.

« Hé, attendez une minute, » lâcha-t-elle. « Vous m’avez traînée au milieu de la forêt et

maintenantvousm’abandonnez?»

«TucroisqueBoetLeedsenontfiniavecZaretsky?»songeaTafttouthaut.

«Allo!»ElleagitalesmainsdevantlevisagedeTaft.«Jevousparle!Vousm’aveztraînée

jusqu’ici.Vouspouvezmeramener,non?»

Taftrenifla.«Désolé,petite,maisc’esttoiquiadécidédecoucheravecl’ennemi.Situneveux

pasdenotreaide,alorstutedébrouillestouteseule.»

«Connards !»grommela-t-elleen les regardant s’éloigneretdisparaître rapidementdans la

forêtsombre.

Ellen’avaitplusqu’àretrouversonchemin.

ChapitreTreize

Anatolytrébuchasurlesmarchesmenantàlaterrassedesonchalet.Saisissantlarampe,ilse

hissa sur les dernières marches. Il saignait d’une coupure au-dessus d’un œil. Sa chemise était

déchirée.Sonjeansétaitrecouvertdemousseetdebouedelaforêt,etilnes’étaitjamaissentiaussi

frénétiqueaunomd’uneautrepersonnedanssavie.

«Yakov!»cria-t-il.«Yakov,amène-toi!»

Sonombrepresqueconstantedéboulasurlaterrasseenprovenancedelacuisine,oùildraguait

probablement lacuisinière.«Qu’est-cequisepasse,boss?»Yakovfronçadessourcilsenvoyant

l’apparenceécheveléed’Anatoly.«Est-cequejedoisappelernoshommes?»

«Oui !»haletaAnatoly.«Etdépêche-toi.Quelqu’unakidnappéTrisha.Putaindemerde !»

Anatolysavaitexactementcequis’étaitpassé.«Çadoitencoreêtresonpère.Quid’autreenverrait

uneéquipearméeaprèssafille?»

Anatoly radotait. Il en était conscient. Il était vraiment bouleversé par la situation. « Si

seulement j’avaisprêtéattention !»dit-ilàYakov.«Trishaa remarqué lesilencedesoiseauxbien

avant moi. Je ne l’ai même pas prise sérieusement ! Maintenant je mérite probablement ce qui

m’arrive!»

«Boss,calme-toi.»Yakovleregardaitcommes’ilavaitperdul’esprit.«Oùas-tuvuTrishaen

dernierlieu?»

«Ilscourraientdanslaforêtenlatransportantsurleurépaule.»

«D’accord.»LetondeYakovétaittoutàfaitraisonnable.«Etilsdoiventtrouverunmoyende

sortirdudomaine.»

«Oui.»Anatolyrepoussaunemèchedecheveuxraidesdesonvisage.«Faisfermertoutesles

entrées du domaine. On doit la trouver. Envoie un avertissement à la police locale. Ferme les

autoroutess’illefaut.Putain,jeferaifermerlesputainsd’aéroportssijenelaretrouvepas!»

Ilcommençaàarpentersaterrassed’unboutàl’autreavecénergie.Satêtepalpitaitàcausedu

coupqu’ilavaitreçuàl’œil.Ilpouvaitsentirlaplaieenfleretsavaitqu’elleseraitnoirelelendemain.

Maisriendetoutçaimportaits’ilneretrouvaitpasTrisha.

«Patron?»ditYakovavecuneexpressionétrangesurlevisage.

«Quoi?»Anatolylançaunregardnoiràsonamietcompagnondelonguedate.«Lesroutes

sontdéjàfermées?Ilspourraientêtreentraindes’échapper!»

«Anatoly,»répétaYakov.

«Quoi?»

«Jel’aitrouvée.»

«Oùça?»Anatolyseretourna,tombantpresquesursoncul.Al’évidence,lecoupqu’ilavait

reçuàlatêteétaitplusgravequ’ilnelepensait.Ilsesentaitunpeupatraque.

«Ellevientdesortirdelaforêtetsedirigeversnous.»Yakovinclinalatêtedecôté,unsourire

sedessinantaucoindesabouche.«Elleal’airvraimentfurieuse,patron.»

Anatoly ne s’était jamais senti aussi soulagé de sa vie. « Alors elle n’est pas blessée. Dieu

merci!»

TRISHATRAVERSAL’HERBEépaisseenlapiétinant,puismontalesescaliersd’unpaslourd.

Elle continua sur la terrasse et tenta de se rappeler qu’Anatoly n’était pas celui qui envoyait ces

crétinsverselle.Enfait,ilsemblaittellementsoulagédelavoirqu’unepartiedesacolères’évapora.

« Trisha ! Je suis tellement heureux de voir que tu n’es pas blessée. » Anatoly l’attrapa et

l’étreignitdetoutessesforces.

Elleposaune jouecontreson torseet sentit la tensions’écoulerdesoncorps.«Monpèrea

envoyéceshommes.»

«Commentt’es-tuéchappée?»Ilreculajusteassezpourqu’ellepuissevoirleregardnoirqui

déformaitsonbeauvisage.«J’aieudumalàm’occuperdedeuxàlafois.Ilsétaientbienentraînés.»

«Jepensequecesontdeskidnappeursprofessionnels,»dit-ellelentement.«Tusais,comme

une équipe d’extraction ? Sauf que leur protocole leur interdit d’enlever quelqu’un demajeur qui

n’estpastenucontresongré.»

Ilpritsesjouesentresesmains.«Ettuneteconsidèrespascommetel?»

«Jesuis iciparcequec’estmonchoix.Parfois jepenseque jesuis folledenepas tenterde

m’échapper,maispeut-êtrequejen’aijamaisvraimentétécomplètementsained’esprit.»

«Trisha,»murmura-t-il.

Anatoly embrassa son front, puis ses joues, et puisplaça ses lèvres sur les siennes etTrisha

oublia comment respirer. La tendresse de son baiser était l’opposé de la réputation brutale de cet

homme. Il suça doucement sa lèvre inférieure entre ses dents et lamordilla un peu. Elle sentit un

frissonlaparcourirdelatêteauxpieds.

Puis il se sentit soudain vaciller sur ses pieds.Trisha eut la présence d’esprit de le rattraper

pourl’empêcherdetomber.

«Anatoly,qu’est-cequinevapas?»

«Aenjugerparlaplaiedesonœil,ilaprisunsacrécoupsurlatête.»Unhommemassiftira

undesbrasd’Anatolyautourdesanuqueetl’aidaàentreràl’intérieur.«JesuisYakov,aufait.»

«Cen’estriendegrave?»Trishalessuivitàl’intérieur,sesentantunpeucommeunemère

poule.Anatolymarmonnaitquelquechoseàproposdevoirdouble.

Yakov fit signe à un autre homme, et ensemble ils menèrent Anatoly jusqu’au sofa. Ils

l’installèrent sur le canapé et puis reculèrent de quelques mètres. Ils penchèrent la tête l’un vers

l’autre,conférantdecequ’ilsdevaientfaire.

Trishas’agenouillaauxcôtésd’Anatolyettouchadoucementsonvisage.Sapeauétaitchaude,

presqueenfiévrée.Ilavaitplusieursplaiesetecchymoses.Ellesesentitmal.Sanselle,riendececine

seraitarrivé.Elledevraitpeut-êtrerentrerchezelleavantquesonpèren’ordonnequelquechosede

plus extrême. Deux équipes avaient essayé de ‘l’extraire’ enmoins de vingt-quatre heures. Il était

tempsdeprendresondestinentresesmains.

«Yakov?»héla-t-elle,interrompantleurpowwow.

«Oui,MlleCopeland?»Yakovlevaunsourcil.

Trishatentaderassemblersoncourage.«J’aivoudraisrécupérermontéléphone.»

« Je ne sais pas siM.Anatoly le permettrait, et il n’est pas vraiment en état de prendre une

décision.»

«Jelesaisbien.Maisjedoispasserunappel.C’estmonpèrequienvoietouscesgensaprès

moi.Jedoisluiparleretluidired’arrêteravantquequelquechosedegraven’arrive.»Elleétaitplus

sûre sur ce point que de toute autre chose depuis longtemps. « S’il vous plait, rendez-moi mon

téléphone.»

ANATOLY AVAIT L’IMPRESSION de nager dans la colle. Il y avait de la lumière et des

couleurs, mais il ne savait pas d’où elles venaient. Sa tête lui faisait mal, et ses yeux souffraient

commesiquelqu’untentaitdelesluienleveravecunecuiller.

Il se rendit peu à peu conscience du fait qu’il était étendu sur le canapé de son chalet. Il se

souvintdessourceschaudesavecTrisha.Puisdeshommesquilesavaientembusquésdanslesbois.

Après ça, il n’avait aucune notion du temps qui s’était écoulé. Son estomac était noué, et il était

presquesûrques’iltentaitdequitterlecanapé,ilsemettraitàvomir.

«Patron,»ditdoucementYakov.«Tuesréveillé?»

«Enquelquesorte,»parvintàmarmonnerAnatoly.«OùestTrisha?»

Mêmesoussespaupièresgonflées,AnatolypouvaitvoirlagrimacedeYakov.«Elleavoulu

récupérer son téléphone pour pouvoir appeler son père et lui demander de cesser de vouloir la

ramenerdeforce.»

«Quoi?»Unéclairdepanique traversaAnatoly, luiprêtantunpeude force. Ilparvintà se

rassoir, mais Yakov le repoussa sur le canapé. Anatoly gronda. « Qu’est-ce que tu fais ? Je dois

l’arrêter.Etsielleorganiseunrendez-vousavecuneautreéquipe?Jeneveuxpaslaperdre.»

«Patron,écoute-moi.»Yakovpoussaunlongsoupir.«D’abord,siTrishavoulaitpartir,elleen

aeul’occasionplusd’unefois.»

«Oh.»Lapaniqued’Anatolycommençaàs’apaiser.«Jesupposequetuasraison.»

«Ensuite,»ditYakovavecirritation.«Jepensequetudevraislarenvoyerchezelledetoute

manière.Cetengouementestassezridiculeetnemèneraàrien.»

«Dequoituparles?»Anatolyn’appréciaitpaslefaitqu’onluidisecequ’ildevaitfaire.«Je

m’amusebienavecTrisha.»

«Oui,maisquelfuturvois-tudanscetterelation?»Yakovseperchasurlebordducanapéà

côtédelui.«TuesleroidelamafiaàMoscou.Personnen’oseraitdirelecontraire.Maislavérité,

c’estqu’onabesoindesSokolov.»

«Delachairàcanon,»rappelaAnatolyàsonlieutenant.«Voilàcequ’ilssont.»

«Etpourtantlachairàcanonàsonbut,non?»

Anatolyauraitaiméqu’ilyaitdescouverturessurlecanapépourpouvoirlestirersursatête.

«JenevaispasépouserBiankaSokolov.Cettefemmeestunesalopedepremièreclasse.»

«Alorsrange-ladansunemaisonàMoscouetnel’approcheplusjamais,»suggéraYakoven

haussantlesépaules.«Considèreçacommeleprixdesaffaires.»

«C’estvraimentdesconneries,»grognaAnatoly.

«Oui.Maisc’estlavie.»

TRISHASOUFFLATRES,trèslentement.Ellesavaitqu’écouterauxportesapportaitrarement

debonnesnouvelles,etelleétaitcomplètementd’accordavecledicton.Ellen’avaitpaseul’intention

d’écouterauxportes,maiselleétaitrevenuepourvoirsiYakovpouvaitsuggérerunmeilleurendroit

pourcapterunréseautéléphonique.

Maintenant,elleseretournaetsortitdelacuisineetsurlaterrasse.Unefoisàl’extérieur,elle

mit lesmains sur la tête et tenta de retrouver un sens de l’équilibre. Elle avait toujours su que sa

situationavecAnatolyétaittemporaire.Ilnes’étaitpasretenudeleluidire.

Alorspeut-êtrequ’elledevaitseconcentrersurleprésent,cequiimpliquaitdeconvaincreson

père qu’elle n’avait aucune intention de rentrer à Cleveland. Sortant son téléphone, elle vérifia le

réseau. C’étaitmieux ici. Elle avait aumoins 3 barres. Elle cliqua sur son répertoire et poussa le

boutondutéléphonepourappelersonpère.

Ilréponditàladeuxièmesonnerie.«Trisha?OhmonDieu,c’esttoi?»

«Oui,papa.C’estmoi.»Lesoulagementdanssavoixlafitsesentirencorepluscoupabledece

qu’elles’apprêtaitàdire.«Papa,ondoitdiscuter.»

«Discuter ?Tu vas bien ?L’équipe a dit qu’elle t’avait trouvée,mais que tu ne voulais pas

partir.Qu’est-cequisepasse?»Ilélevaitlavoix,sesmotsdeplusenplusacéréstandisqu’ildevenait

plusagité.

«Papa,calme-tois’ilteplait.Situcommencesàcrier,jeraccroche.»

«Attends!Ok,jesuiscalme.Jesuiscalme.»

Elle se sentait unpeu coupable,maisquandmême.Quand sonpère semettait à crier, c’était

impossibledeluiparler.

Trishatentadesesouvenirdecequ’ellevoulaitluidire.«Papa,c’estvraimentimportantquetu

arrêtesd’envoyerdesgensaprèsmoi.»

«Quoi ?Pourquoi ?»hurla-t-il au téléphone.«Tues tenuecontre tavolontéparun truand

russe ! Bien sûr que je vais te sauver. Mon partenaire Skaggs a déjà prévu une autre équipe

d’extractionquinetravaillequ’enSibérie.Ilsvonttefairesortirdelà,chérie.»

«Papa.Non.Cen’estpasçaquejeveuxdire.Jeneveuxpasrentreràlamaison.»

Ilyeutunlongsilenceépaisàl’autreboutdelaligne.«Est-cequ’ilstiennentunearmeàtatête,

Trisha?C’estçaquisepasse?»

«Papa,non!»Ellecommençaitàêtreexaspérée.«Personnenemeforceàquoiquecesoit.Je

parlesurmontéléphone,etiln’yapersonneàcôtédemoi.J’aitoutl’espaceprivéquejeveux,etje

passedesvacancesfabuleusesenSibérieavecunmecvraimentcanon.C’estmonchoix.C’estceque

j’essaiedetefairecomprendre.»

Unautrelongsilence,maisellesentitdelacolèredanscelui-là.Commentpouvait-ellesentirla

fuméesortirdesoreillesdesonpèreàdesmilliersdekilomètres?C’était impossible,maisc’était

commeça.

Elledéglutitlenœudquis’étaitformédanssagorge.«Papa?»

« Je suis désolé, Trisha, » dit-il lentement. «Mais j’ai du mal à comprendre le fait que tu

préfèrespartirenvacancesavecuncriminelplutôtqued’êtreresponsableetderentrercheztoi.»

«Papa,cheztoi,cen’estpluschezmoi.J’aivingt-septans.Jedevraisavoirmapropremaison

etfairecequejeveuxfaire.Jesuisunefemmeadulte.Sic’estmonchoix,alors levoilà.»Ellene

savaitpaspourquoi,maisdireçatouthautétaittellementbon!«Tumedistoujoursd’arrêterd’être

passiveetdefaireactivementdeschoix.C’estcequejefais.»

«Cen’estpasçaquejevoulaisdire!»

«Non.Jesais.Tuvoulaisquejefasseactivementlechoixquetuavaisdéjàfaitpourmoi.Que

jesuivetespaspourtefaireplaisir.Etbien,jechoisisdefairequelquechosepourmoi-même.»Elle

sesentaitplus légère.Elle flottaitpresque !«Alorscalme-toi,arrêted’envoyerdeshommesaprès

moi,etjet’appelleraidansquelquesjourspourtedonnerdesnouvelles.»

Trisharaccrochaetsesentitpluscommeuneadultequejamaisauparavant.

ChapitreQuatorze

Anatoly regardapar la fenêtrede lachambredesonchaletd’unairmaussade.Cen’étaitpas

ainsi qu’il avait prévu de passer sa première nuit chez lui avecTrisha. Il se sentait trop étourdi et

patraquepoursortirdulit.Troispointsdesuturerefermaientlaplaieau-dessusdesonœil,etTrisha

s’occupaitdeluicommesielleétaitinfirmièreetluihandicapé.

«Etvoilà,»dit-ellechaudementenposantunplateausurson lit.«Jen’étaispassûreque tu

veuillesdîner,maisj’aipenséqu’onpouvaitessayer.»

Envérité, l’odeurdelanourritureluiretournait l’estomac,maisiln’allaitpasluidireça.Ce

sentiment de vulnérabilité était très gênant. Il était Anatoly Zaretsky. Il n’était pas censé se faire

tabasser par une paire d’ex-militaires américains qui lui avaient sauté dessus dans les bois.C’était

pathétique,etilsesentaitgrognon.

«Anatoly,qu’est-cequinevapas?»demanda-t-elled’untondoux.

Il la regarda monter au lit avec lui et se blottir contre les oreilles. Son expression était

accueillante,etellesemblaitplusinquiètepourluiquequiconquel’aitjamaisété.Lepluschoquant,

c’estqu’elle se souciaitde luipour lui-même,etpasparcequ’il était à la têted’uneentreprise,ou

qu’ilétaitl’hommequicommandaitlamafiaZaretskyàMoscou.Çaluisuffisaitqu’ilsoitlui-même.

Étrange.

TRISHAVOYAITBIENqu’Anatolyne savait pasquoi fairedes soinsqu’elle lui prodiguait.

EllesedemandasielleneferaitpasmieuxderentreràClevelandetdes’occuperdesconséquences

delaconversationavecsonpère.Maismêmeaprèsavoirapprisqu’Anatolydevaitépouserunenana

appeléeSokolov,Trishanevoulaitpaslequitter.Surtoutquandiln’étaitpasdanssonassiette.

«Tatêtetefaismal?»demanda-t-elle,anxieuse.«Lemédecinalaissédesmédicamentspour

ça.»

«Jeneveuxpasdemédocs,»lâchaAnatoly.«Ilsmefontmesentirmaletfatigué.»

«Peut-êtrequetudoistereposer.»

Sonregardnoirlaterrifiaitiln’yapassilongtemps,maislà,elleluisouriait.S’avançantvers

lui,ellecaressadoucementsamain.Ellelapritdanslasienneetsemitàfrottersesdoigtscommesi

ellepouvaitlefairesesentirmieuxsimplementenmassantsamain.

«Pourquoifais-tuça?»murmura-t-il.

C’étaitçalaquestion,non?«Parcequetuesunêtrehumainetquequelqu’undoits’occuperde

toi.»

«Maistun’ygagnesrien.»Ilsemblaitsicertain.

«Anatoly ? » commença-t-elle lentement tout en traçant les contours de samain. «Qui est

BiankaSokolov?»

Il sembla se figer un instant, et puis son corps entier sembla se détendre comme s’il était

soulagé.«BiankaSokolovestlafilledudirigeantdel’autrefamillemafieuseàMoscou.»

«Ettuvasvraimentl’épouseretl’envoyerdansunemaisonetneplusjamaislavoir?»Une

foisqu’elleavaitcommencé,Trishaneputretenirleflotdequestions.«Jem’excuse,maisçasemble

horriblepourvousdeux.»

«Franchement, je ne suis pas sûr queBianka s’en soucie tant qu’elle a plein d’argent.Cette

femmeestplussuperficiellequ’uneflaqued’eau.»Ilavaitl’aird’avoirmangéquelquechosed’aigre.

«Tunousaécoutéparler,Yakovetmoi?»

«Oui. »Ellehaussa les épaules. « Je suisdésolée,maisvousn’essayiezpasnonplusd’être

discrets.»

«Non.»Songloussementavaitunetraced’humour.«Jepensequemacommotionm’arendu

incapabledesubtilitéaujourd’hui.»

«Qu’est-cequi sepassemaintenant ? » insista-t-elle, sentant un sentiment d’urgence étrange

qu’elleneparvenaitpasàdéfinir.

«Jenesaispas.»Ilavançapourluipasserunbrasautourdesépaules,l’attirantplusprèsde

son côté. « J’apprécie ta présence, Trisha. Tu es différente de toutes mes autres conquêtes. Dès

l’instantoùjet’aivueavectonamieaucasino,j’aiétéfasciné.Tut’exprimessifranchementavecles

autres.Turis,etturâlesettugrimacesettudisexactementcequetupenses.Toutcequejepouvais

penser,c’étaitquejevoulaist’avoir.»

«Avoirquoi?»Elleneseseraitjamaisimaginéqu’ilpuisseêtresihonnête.

«Jetevoulaispourmoitoutseul.»

Ellesourit,plaçantunemainsursapoitrinepoursentirsonpoulsrégulier.«Tunepeuxpas

posséderuneautrepersonne.Pasvraiment.»

ANATOLYSEDEMANDAsiTrishaserendaitcomptequ’ilpouvaitavoirexactementças’ille

voulait. Ce n’était sûrement pas lemoment de suggérer quemême s’il épousait Bianka – comme

Yakovavaitinsisté–ilpouvaittoujoursgarderTrishacommemaitresse.Elleauraittoutcequeson

cœurdésirait.Ils’enassurerait.

«Jeveuxt’emmenerdîner.»Ilpressaseslèvrescontresonfrontet inspirasonparfum.«Je

voudraistemontrerlabeautédecethôtel.Jen’aiépargnéaucunedépensequandjel’aiconstruit,et

j’aimeraistelefairepartager.»

«Anatoly,jenesaispassic’estunebonneidée.»Samanièredoucedeparlerlefitsesentir

chéri.

Il se força à sortir du lit. «Unmédecinm’a examiné. J’ai quelques points de sutures et des

bleus.Çaneveutpasdirequemes jambesne fonctionnentpas.Yakovnousconduira.Cen’estpas

loin.»Illuilançaunregardoblique.«Tun’aspasfaim?»

«Jeviensdet’amenerunplateau-repas.»EllefitungesteverslerepasfrugalqueYakovlui

avaitfaitenvoyer.

«Jepréfèreraismangerdansmonrestaurant.»

Trishagrogna.«Alorsjesupposequeçanesertàriendeterefuser,si?»

«Yakov!»cria-t-il.

Sonlieutenantapparutsurleseuildesaporte.«Oui,patron?»

«Jesorsd’ici.JeveuxemmenerTrishaaurestaurantdel’hôtel.Tupeuxnousyemmener?»

À la surprise d’Anatoly,Yakov et Trisha échangèrent un regard entendu.Apparemment, ces

deux-la avaient fait connaissance pendant qu’il était inconscient. Ce n’était pas nécessairement une

mauvaisechose.Tantqu’ilsneseliguaientpascontrelui.

«Jevaisapporter lessacsàvomi,»ditYakovsèchement.«MlleTrisha,vousêtesprêteày

aller?»

« Laissez-moime changer rapidement, puis oui. Je n’ai pas vraiment envie d’aller dîner en

pantalondetraining.»Ellesignalasatenuedécontractée.

Anatolydéposaunlégerbaisersurseslèvres.«Jepensequetuesmagnifique.»

«Ouais, et tu as reçu un coup sur la tête, donc on sait très bien ce que vaut ton opinion, »

plaisanta-t-elle.

«Commevousledites,MlleTrisha,»convintYakov.

«Hé,vous!»protestaAnatoly.«Onnevapasjoueraujeududeuxcontreun.Trishaestcensée

êtredansmoncamp.»

« Je suis dans ton camp, » l’assura-t-elle. « Même quand tu n’apprécies pas ma stratégie

d’équipe.»

«C’estparcequec’estmoilecapitaine,»luirappela-t-il.

EllelançaunsourireàYakovetsortitdelapiècesansluirépondre.

«Pourquoiai-jel’impressiond’avoirétécontourné?»sedemandaAnatolyàvoixhaute.

Yakovgloussa.«ParcequeTrishaCopelandestunefemmeintelligenteetindépendantequine

selaissepasterrasserpartonstatutdechefdesZaretsky.»

TRISHAFOUILLASESvalisespourtrouverunetenueappropriée.Elleportaithabituellement

unensembledejeansetdet-shirts,etelleavait trèspeudetenuesourobesdesoirée.Ellefinitpar

choisirunejupeàfleursquitombaitàmi-cuissesetallaitbienavecsontopfavori.Lescouleursvives

flattaientsapeau,maisellesesentaitàl’aiseetnaturelle.

Lorsqu’ellerevintdanslachambred’Anatoly,ilétaitdeboutetportaitunpantalonnoiretune

chemisebleue.

Elleluilançaunregardchaleureux.«Tuestrèsbeau.»

«Toiaussi.»Illuitenditunbras.«Yallons-nous?»

«C’estpourm’escorter?Oupourquejeteporte?»taquina-t-elle.

«Ohhaha.»Maisilsouriaitetsemblaitêtredebonnehumeur.

Elletentadejaugersoninconfortenétudiantsonexpression.«Commenttutesens?»

«JevaisbienTrisha.Arrêtedetetracasser.»

Ils sortirent prudemment du chalet et montèrent dans la voiture qui les attendait devant les

marches.PuisYakov lesconduisitvers lecomplexe tentaculairequiétaitéclairécommeunebalise

danslecielnocturne.

«Çasemblemagnifique,»l’assura-t-elle.«Unpeucommeuncontedefée.»

« C’était l’objectif visé, » avoua-t-il. « Je voulais que les clients aient l’impression

d’abandonnerlavraievieetdevenirdansunendroitoùtoutpouvaitarriver.»

Elleétaitimpressionnéeparl’attentionetlapenséequ’ilavaientmisesdanssondesign.«Tuas

vraimentduflairpourlesaffaireshôtelières.»

«C’estassezplaisant.Maispasaussiamusantquedetefairevisiter.»

Elle se força à ne pas penser à Bianka Sokolov ou aux autres femmes, ou aux obligations

auxquelles elle ne pouvait rien. Ils se garèrent bientôt devant l’hôtel.Unmembre du personnel en

uniformeseprécipitapourleurouvrirlaporte.Ilssemblaienttoussavoirquiétaitvenuleurrendre

visite.

«M.Zaretsky,c’estunplaisirdevousvoirparminous.»L’hommefituneprofonderévérence.

«Merci,Pyotr.»AnatolysortitdelavoitureetaidaTrishaderrièrelui.PuisAnatolylançaun

sourire à l’homme.«Pyotr est undemesgérants les plus assidus. Impossiblede faire tourner cet

hôtelsanslui.»

Pyotrsegorgeadefierté.C’étaitétrange,maisellen’avaitjamaisconsidéréAnatolycommeun

patronattentif.Maintenant,elledevaitànouveaurévisersonopinionàsonsujet.

Anatolylamenaenhautd’unecourtevoléed’escaliersetdanslasalleàmanger.Illuisignala

quelques caractéristiques antiques qui pourraient l’intéresser avec son diplôme d’histoire. Ils

papotèrentdumobilieretdesmagnifiqueschandeliersdecristalquidataientdel’époquedesTsars.Et

justequandTrishapensaitquelasoiréenepourraitêtreplusparfaite,quelquechosed’assezhorrible

sepassa.

«Anatoly!»Unevoixdefemmefitexploser l’atmosphèrepaisiblede lasalledurestaurant.

«AnatolyZaretsky,petitdiable!Jet’aicherchépartout!Ilsm’ontditquetuétaislà,maispersonne

nesemblaitsavoiroùexactement.»

Trisha sentitAnatoly se figer à ses côtés.Puis, choquée, ellevit la femmequeMinkaet elle

avaientrencontréesdanslestoilettesducasinosedandinerdevanteuxetembrasserAnatolysurles

deuxjoues.PuisellelançaunregardméprisantàTrishaetfitlamoue.

«Maisoùl’as-tudénichée,celle-là?»EllefitungesteversTrisha.«Cettefillenesaitmême

pasassortirsesvêtements,Anatoly.Vraiment.Nepeux-tupasêtreplusdiscret?»

ChapitreQuinze

Anatoly était à peu près sûr que l’Apocalypse lui était tombée sur la tête. Il n’avait jamais

anticipél’horreurdetombersurBiankaSokolovdanssonhôtelpendantqu’ilétaitcenséprofiterde

sonescapaderomantiqueavecTrisha.

«Anatoly?»Biankalevalessourcils.«Jesuisentraindeteparler.»

Àcôtédelui,AnatolypouvaitpresquesentirlamaréemontantedelafuriedeTrisha.Bianka

portaitunerobedecocktailquidévoilaitplusdepeauquedetissu.Letissuétaitunesortedevoile

noireavecdespaillettes.Ledécolletéplongeantmontraitautantdepoitrinequedeventre.Ilpouvait

mêmevoirlavraieémeraudequ’elleavaitplacéedanssonpiercingaunombril.Desémeraudeslui

pendaientaussiauxoreilles,etsescheveuxblondsétaientempilésau-dessusdesoncrâneettenusen

place par des peignes de diamants et d’émeraudes.Elle portait des talons aiguilles de 12 cm et un

sourirequiressemblaitàdeséclatsdeverre.

«Bianka,»Anatolybaissa la tête.«J’espèreque tuprofitesde tonséjour,mais j’aidéjàdes

planspourlasoirée.»

Ilprit lebrasdeTrishasous lesienetsemitenroute.Mais il savaitdéjàqu’ilse faisaitdes

illusionss’ilpensaitdévierBiankadesonobjectif.Elleluisaisitlebrasetplantasesonglesjusqu’à

cequ’ilpensequ’elleallaitlefairesaigner.

«Excuse-moi,»lâchaBianka.«Maisoùcrois-tuallercommeça?»

«Jetel’aidit,»dit-ilcalmement.«Jenesuispaslibrecesoir.»

«Tuestropoccupépourtafiancée?»EllefusilladuregardlamaindeTrishaposéesurson

bras.«Tuluiasbienditquetuétaisfiancé,non?»

« La vache, en Amérique, l’homme doit d’abord accepter avant que les fiançailles soient

officielles,»raillaTrisha.

Anatolytournalatêtesibrusquementquesesvertèbrescraquèrent.Trishaétaitentraindelui

sourire.Ils’étaitattenduàcequ’ellesoitfurieuse.Apparemment,elleréservaitsonjugementsurla

situation concernantBianka.Si c’était le cas, il nepouvait pas la laisser tomber. Il plaça son autre

mainsurlebrasdeTrishaetl’emmenaversleurtabledanslameilleurepartiedurestaurant.Derrière

lui,ilputentendrelesifflementoffensédeBianka.

«Wow,»murmuraTrisha.«C’estunange.Oùl’as-tutrouvée?»

«Tumecroiraissijetedisaisquec’étaitunmariagearrangé?»s’aventura-t-il.

Elle s’assit sur la chaise qu’il lui présenta à leur table. Lissant sa jupe sur ses cuisses, elle

semblaréfléchiràcetteinformation.«Alorsquil’aarrangé?Tesparents?Ouungroupedegensqui

veulentcréerunmonopoledepouvoirsurlaville?»

« Un peu des deux, je pense, » avoua-t-il en s’installant à table. Une hôtesse leur tendit les

menusavantdes’éloigner.

Anatolylevalamainpourfairesigneàlaserveuse.Elleseprécipitaverseuxetilcommanda

duvin,dessalades,desamuse-boucheetleplatprincipaltoutdego.Lorsqu’ellelesquittapouraller

chercherleurvin,ilsepenchasurlatablepourprendrelamaindeTrisha.Ilfrôlasesjointuresdes

lèvres.

«Tuesincroyablementcalmeàproposdetoutceci.»

TRISHASEDEMANDAs’ilpouvaitvoirsonautremainserréeenpoingsouslatable.«Jesuis

raviequetupensesça,»luidit-elleamicalement.«Parcequej’ail’impressiond’avoirétéprisede

court,etjen’aimepasvraimentça.»

«Tupeuxexpliquerce‘prisedecourt’?»demanda-t-il.«Est-ceuntermeaméricain?»

«Çaveutjustedirequej’aiétéattaquéedansunedirectionquejen’attendaispas.»Ellesoupira.

Laserveuseposaunverredevindevantelle.

Elletrituralepiedduverre,tentantdetrouverlesbonsmots.«Jesaisquej’aiécoutéauxportes

etquej’aientenduYakovmentionnercetteBianka.Jesavaismêmequetuétaiscensél’épouser.»

«Mais?»

«Dans le casino le premier soir,mon amieMinka etmoi l’avons vue dans les toilettes des

femmes. C’était vraiment une connasse ! Sans rire. Je n’arrive pas à imaginer un monde où je

voudraisvivredanslemêmebâtimentqu’elle,encoremoinsdanslamêmemaison.»

«Moinonplus.»Ilsirotasonverredevin,tentantdegagnerdutemps.«Franchement,jepeux

àpeineavalerl’idéed’êtreàcôtéd’elle.Jen’imaginepasvivreavecelle.»

«Alorspourquoil’épouser?Tusaisquandjeparlaisdeprendredesdécisionsactives?Etque

c’estdifficilequandonnesaitpascequivaendécouler?C’estundecesmomentsoùtudoisfaireun

choix,parcequel’optionpassive,ceseraitdetelaisserserrerlescouillesdansunétau.»

«C’estexplicite,»dit-ilenfaisantlagrimace.

«C’estcequ’elleest.Est-cevraimentimportantde,jeciteparcequec’estridicule,joindretes

forcesaveclesSokolov?Celienest-ilsuffisammentimportantpourgaspillertonbonheur?»

Ilpenchalatêtedecôté.«Tuveuxdirequemonbonheurt’importetant?»

Trishasaisitsonverredevinetpritunelonguegorgée.Ellen’étaitpasencoreprêtepourça.

« Ecoute, il y a encore deux mois je n’avais pas quitté ma maison pour plus de quelques jours

d’affilée.Maintenant je passedes vacances enSibérie avec le baronde lamafia et ilme taquine à

proposdemesplansromantiquesàlong-terme?C’estbeaucoupàabsorber,tunepensespas?»

Ilpinça les lèvres.«Oui, tu as raison.Etpourtant, tuesassise ici àme faire la leçon sur le

bonheursansvouloirmedirecequetuvoudraispourtoi-même.»

«Mince,»marmonna-t-elle.«Tonraisonnementestbientroplogique.»

ANATOLYNEPUTs’empêcherdesourireàl’expressionboudeusedeTrisha.«Jen’essaiepas

deminimisertoutcequetuasfaitpourtoi-mêmedernièrement.»

«Wow, » commenta-t-elle. « C’est une déclaration incroyablement humaine que tu viens de

faire.»

La serveuse leur apporta les salades et un autre serveur la suivit avec un plateau d’amuse-

bouche.Unefois la tablepleinedebonnenourritureetdevin,Anatolys’autorisaàrépondreàson

observation.

«Tumefaisdel’effet,TrishaCopeland,»dit-ilcalmement.«Tuesdifférente.Etçamedonne

envied’êtredifférent.J’aienviedevoirlemondecommeplusqu’unmoyendegagnerdel’argentou

d’avoircequejeveux.»

« Alors je suggère que tu commences par ne pas te vendre aux enchères comme un genre

d’étalon.»Ellepointasafourchettedanssadirection.«Parcequec’estuneconditionpermanentequi

peutdevenirhorrible.»

Il l’avait sur le bout de la langue, l’explication au sujet des Sokolov et des ennuis qu’ils

pouvaientcréeràl’organisationdesZaretsky,maisilnevoulaitpasbaisserdanssonestime.Puisil

aperçutducoindel’œilquelquechosedeterrible.

BiankaSokolovtraînaunechaisejusqu’àleurtableets’installacommesielleavaitétéinvitée.

EllefusilladuregardAnatolypuisTrishaavantdesaisirlafourchettedeTrishaetdeseservirdans

lesamuse-bouche.Lagrossièretédesongesten’étaitpasseulementincroyable,maiscomplètement

horsdepropos,mêmepourBianka.

« Qu’est-ce que tu fous ? » lui demanda Anatoly platement. « Tu n’as pas été invitée, et tu

devraist’éclipser.»

Bianka réagit comme si elle ne l’avait pas entendu. « Je dois te parler de la proposition de

mariagequetum’asfaitel’autrejour.»

Anatoly avait oublié cedétailmalheureux, surtout parcequ’il avait fait cette propositionpar

défi.Maisapparemment,c’étaitmaintenantl’offresurlatable.Excellent.Trishaleregardaitavecplus

quedelaconfusiondanslesyeux.

«Bianka,»ditAnatolyd’untonferme.«Jeplaisantaisquandj’aifaitcetteoffre.»

«Non,tuétaissérieux,»insistaBianka.Elleprituneautrebouchéeduplateaud’hors-d’œuvre.

«Mêmepapal’apensé.»

«Ok,maistusaisqu’iln’yaabsolumentaucunepossibilitéquetuacceptescesconditions,»lui

rappelaAnatoly.«C’estpourçaquej’aifaitcetteoffresarcastique.Jevoulaisqueturefuses.»

«Queldommage.»Elleluilançaunsouriresatisfait.«Parcequej’accepte!Enfait,j’accepte

avecplaisir!»

«Tuvasm’épouser,vivresuruneallocationquiestmoinsduquartdetonbudgetactuelpour

t’habiller,etmelaisserpayerlesdépensesménagèrespourquetun’aiesaucuncontrôlesurtousmes

autresavoirs?»Anatolynelacroyaitpasunseulinstant.

«Biensûr,»acceptaBianka.«J’aijusteunepetitequestion.»

«Laquelle?»Ils’attendaitàcequ’elledemandedel’argentouunepropriété,ouleplusgrand

diamantdumonde,quelquechosedefinancier.

«Vas-tuinstallercette-»EllefitungesteeffrontéversTrisha«-putaindansunemaisonaussi

extravagantequelamienne?Jedoisjustetedirequejeveuxuneplusbellemaisonetplusd’argent

puisquejeseraitafemme.Àpartça,jemefichedecequetufais.»

Iln’oublieraitjamaisl’expressionsurlevisagedeTrisha,mêmes’ilvivaitplusdecentans.

TRISHANES’ÉTAITjamaissentieplusinsultéeethorrifiéeenmêmetemps.Elles’étaitforcée

à convaincre Anatoly qu’il devait refuser pour son propre bonheur, ou au moins d’épouser une

femme qu’il ne détestait pas. Mais apparemment, ça importait peu dans ce milieu. C’était

culturellementacceptablepourunhommedanslapositiond’Anatolyd’avoirlebeurreetl’argentdu

beurre.

Trishaeneutsoudainlaclaquedetoutescesconneries.Elledéposatrèssagementsaserviette

surlecôtéetseredressa.«Veuillezm’excuser,maisjepensequejevaisdemanderàYakovdeme

ramenerauchalet.»

«Attends.»BiankaseretournabrusquementpourdévisagerTrishaavantdeseretournervers

Anatolyetdelefusillerd’unregardsiférocequeTrishapouvaitlesentirgrésillersursapeau.«Ne

medispasquecetteprostituéelogeauchaletavectoi?»

Trisha allait perdre la tête si elle restait dans les parages une seconde de plus.Elle posa les

mainssurleshanchesetpoussaunsoupir.«J’yvaismaintenant,Anatoly.Parcequesijeresteiciune

secondedeplus,jevaisattrapercettegarceparsaperruqueetluifaireboufferdutapis.»

Ellesesentitmieuxetpireenmême tempsquandAnatolysecontentadeglousser.Puis il fit

signeàBianka.«Sij’étaistoi,jeferaisattentionàêtreplusrespectueuse.Detouteslespersonnesque

jeconnaisse,Trishaestdeloinlapluscapabledemettreàbiensesmenaces.EtBianka,jenelèverais

paslepetitdoigtpourl’arrêter.»

«Ciao.»Trishan’attenditpaspourlereste.Mêmesilesparolesd’Anatolyressemblaientàun

compliment,ellesentaitaussiqu’ilutilisaitTrishapourremettreBiankaàsaplace,etcen’étaitjuste

nipourl’une,nipourl’autre.

Le trajet n’était pas long jusqu’à la sortie du restaurant, etTrisha se sentit bienmieux après

avoirinspiréquelquesgouléesd’airfrais.Àsagrandesurprise,Yakovl’attendaitaubasdesescaliers

aveclavoiture.

«Commentlesaviez-vous?»demanda-t-elle,s’approchantdurussedehautetailleetbasé.

Sesyeuxbrillaient.«J’aivuBiankaentrerdanslerestaurant,l’aird’avoirunemission.Jevous

ramèneauchalet?»

«Oui,s’ilvousplait.»

Trishamontadanslavoitureetfutreconnaissanteducalme.Elleétaitconscienteduregardde

Yakovdanslerétroviseur.Ellerepensaàlaconversationqu’elleavaitentendueplustôt.Peut-êtreque

detouteslespersonnesconcernées,ilseraitleplusàmêmedeluidirelavérité.

«Yakov?»

«Oui?»

«Pourquoiavez-vousditàAnatolyqu’ildevaitvraimentépousercettefemmehorrible?»

Yakov sepinça les lèvres et attendit si longtempsavantde répondrequeTrishapensait qu’il

allaitrefuser.Ilfinitpardéclarer,«AMoscou,AnatolyZaretskyestleroidesaffairesdelamafia.Il

estbrillant.Ilestriche.Lesgensfonttoutcequ’ilspeuventpourluirendreservice.Ilsl’adorent.»

«Mais?»

«LesSokolov sont les rois de la pègre. Ils écoulent plus de drogues et commettent plus de

crimesodieuxqu’Anatolynepensenécessaire.»

«Doncpourquoicombiner lesforcesavecdesgensquisont justedescriminelsassoiffésde

sang?»

«Pourqu’ilsnedécidentpasd’assassinerAnatolyjustepourluivolersonroyaume,»répliqua

Yakovd’unairsinistre.

Trishadéglutit.Sabouchesemblaitfaitedecoton.«Jesupposequec’estunebonneraison.»

ChapitreSeize

Anatolyserassitsursachaiseetétudialafemmequiétaitparvenueàdevenirsonennemijuré.

Toutlepouvoiretl’argentqu’ilavaitàdispositionnesuffisaitpasàl’éloignerdelui.Peut-êtreavait-

ilbesoind’unenouvellestratégie.

Pour le moment, Bianka avait tordu ses lèvres dans un sourire satisfait. Elle pensait avoir

gagné.«Jesuisdésoléequetonrancardaitabandonnélecombat.»

«Jepeuxt’assurerqu’ellen’arienabandonné.»Cen’étaitpaslemomentdeperdresonsang-

froid.Ildevaits’enrappeler.

Un soupçondemalaise sembla traverser le visage deBianka. Puis elle reprit sonmasque et

regarda autour d’eux. Le restaurant était bondé de clients qui venaient déguster les spécialités

copieusesoffertes.

«Tunem’asjamaisemmenéiciavant,»songea-t-elle.

Ilneluirappelapasqu’ilnel’avaitpasnonplusemmenéeicimaintenant.

Laserveuseleurapportaleplatprincipal,leposantàtabled’unairassezconfus.Elleregarda

Anatoly.«Dois-jemettreunautrecouvert?»

«Pasbesoin,»ditBiankad’untonimpérieux.Ellesemitàmangerdansl’assiettedeTrisha.

Les parts fumantes de poulet à la Kiev faisaient saliver Anatoly, mais il se retint. Il n’avait

aucuneintentiondelaisserBiankagagner.

«Elizabeth?»héla-t-ilàlaserveuse.«J’aimeraislesemporter.»IllançaàBiankaunregard

dédaigneux. « Et merci de jeter le contenu de cette assiette et de repasser la commande pour

emporter.»

«Ouimonsieur.Toutdesuite.»Elizabethbalayal’assiettedesouslafourchettedeBianka.

Biankaeutl’airgrognon.«C’étaitgrossier.»

«Grossier?»OK.Ilavaitdumalàcontrôlersonsang-froid.«Aprèstoncomportementdece

soir,tupensesquec’étaitgrossier?»

«Oui,absolument.»

«Bianka,pourquoiveux-tum’épouser?»Ildécidadeprendreletaureauparlescornes.

Elle sembla légèrement déconcertée. « Parce que tu es l’héritier Zaretsky et que je suis

l’héritièreSokolovetquec’estmondroitd’êtrelareinedecetteville.»

«Vraiment.»

«Oui.»

«Donctun’asaucunssentimentspourmoi?»pressa-t-il.

Del’autrecôtédelapièce,ilpouvaitvoirunjeunecoupledîner.Ilssetenaientlamainsurla

table. À certains moments, leurs expressions étaient si tendres l’un envers l’autre que c’était

physiquementdouloureuxàregarder.Connaîtrait-ilunjourcegenrederelation?

«Tulesvois?»Ilhochalatêteverslecouple,etBiankasuivitsonregard.

Ellehaussalesépaules.«Ilssontridicules.Onnepeutpasmangerl’amour,oulevendrequand

lestempssontdurs.L’amourn’apportepaslepouvoir.Quelestl’intérêt?»

«Parlécommeunefemmequiatoutsaufdel’amour.»Alorsqu’ilprononçaitcesmots,ilsse

renditcomptequ’ilss’appliquaientégalementàlui.«J’aitoutesceschoses.Del’argent,dupouvoir,

deshommesquiobéissentàtousmesordres,etdusuccèsdansmesaffaires.»Mêmetouthaut,çalui

semblaitsivide.«Cequimemanque,c’estd’unepersonnedanslemondeavecquilespartager.»

«Oh,commec’estmignon!»Sesmotsdégoulinaientdesarcasme.«LepetitAnatolycherche

l’amouravecungrandA.»Ellerecourbaleslèvresdemépris.«Désolée,maissituveuxgarderton

argentettonpouvoir,ilvafalloirquetum’épousespourempêcherlesSokolovdet’assassinerdans

tonsommeil.»

« Est-ce unemenace ? » demanda-t-il d’un ton suave. Il croisa les doigts sur la table et se

demandasi levieilhommeavaitenvoyésa fillepour l’enquiquiner jusqu’àcequ’ilaccepte.«Ton

pèreest-ilaucourantquetumemenaces?»

«Monpèreferatoutcequ’ilfautpourobtenircequ’ilveut.»Ilpouvaitlavoirserrerlesdents.

Soussonbeauvisage,elleétaitaussiaigrequeMotyaSokolov.«Etilmeremercieradefairecequ’il

fautpoursécurisermonavenir.»

« Je ne suis pas un taureau qui se laisseramener par un anneau dans le nez.M’épouser ne

t’apporterarien.»

«Toutescesannéesettun’yconnaistoujoursrienauxfemmes,»dit-elleenriant.«J’auraice

quejeveux.Toutcequejeveux.Etsicen’estpaslecas,tapetiteputeensouffriralesconséquences.»

Samenaceauraiteuplusdepoidssielleavaitmenacéuneautrefemme.Illuimontraplutôtson

amusement.«TupensesquemaTrishaestcommetoi.»

«Toutes lesfemmessontcommemoi,»dit-elleavecarrogance.«Nousfaisonstoutpourle

pouvoiretl’argent.»

«Tuastort.Etsitut’attaquesàTrisha,tuteretrouverassurleterraindesvaincus.»

«Tumetstantdefoidansunefemmequetutraitesenfaitcommeunepute.»Biankainclinala

tête,semoquantdeluiàchaquemot.«Peut-êtrequetuauraisdûluiglisserlabagueaudoigtquandtu

enavaislachance.»

«Cedouble langagedevientfatigant.Si tu insistespourresterà l’hôtel,alorsprofitesde ton

séjour.Maisjesuisenvacances,et jeneseraipasdisponiblependantlerestedelasemaine.»Ilse

relevaets’éloigna.Ilsesentaitmalàl’aiseetvoulaits’assurerqueTrishaallaitbien.

Laserveuseluiapportasonpaquetdenourriture,etilsortitdurestaurantpourchercherYakov.

TRISHAPLACASESmainsàplatsurlarampedeboislissedelaterrasseetobservalavallée

sombrequi s’étendait auxpiedsduchalet.Lesarbresprojetaientde longuesombres sur lesherbes

drues,etlalunerecouvraittoutlepaysaged’unéclatbleu.C’étaitvraimentmagnifique.Elletentade

sel’imaginerenhiver,avecdestonnesdeneigeetdesglaçonsquipendraientdesbranchesd’arbre.

Ceseraitcommeuneféeriehivernale.

«Tevoilà.»Lavoixbassed’Anatolyselaissaportersurl’airnocturne.

Ellese tournaet lui lançaunpetitsourire.«Jepensaismedétendredehorsunmomentavant

d’allermecoucher.»

«Tuesfâchée.»

Elle ne se retourna pas.Mais elle sentit sa présence juste derrière elle sur la terrasse. Elle

pouvaitsentirlachaleurdesoncorpsprèsdusien.C’étaitréconfortant,mêmesiçan’auraitpasdû

l’être.Cethommen’avaitrienderéconfortant.Pasvraiment.

«Aquoitupenses?»demanda-t-il,lavoixrauque.

«Jemedemandesituasaméliorémavieousitum’asencouragéàladétruirecomplètement.»

C’étaituneréponsefranche,maisellefutunpeusurprised’avoireulecouragedeladiretouthaut.

«Depuisquetuesentrédansmavie,j’aidéfiémonpère,inquiétémesparents,envoyélaprudence

parlafenêtreetdonnémoncorpsàunhommequinesaitmêmepass’ilmeveut.»

Iltouchasanuque.«Nepensejamaisça.»

«Non.Jevaisypenser.»Elleseretournapourleregarderdroitdanslesyeux.Lesombresde

laterrasselecouvraientàmoitiéd’ombres,àmoitiédelumières.«Tumedésires,dumoinsausens

physique.Toncorpsmedésire.Tuveuxmebaiser–sic’estcommeçaquetuveuxl’entendre.Mais

pourcequiestdureste?»Ellefitungesteenglobantsapersonneentière.«Tun’esmêmepassûrde

savoircequetuveuxfaireavec.»

«Jen’aijamaiseuderelationamoureuse.»

Trisharenifla.«Jepensequejem’enétaisdéjàrenduecompteparmoi-même.Merci.»

«Jetedemandeseulementd’êtreindulgente.»

Lapriait-ilpourunesecondechance?C’étaitperturbant,surtoutparcequ’ellesemblaitcourt-

circuitée pour dire oui. « J’ai déjà été indulgente, » lui dit-elle calmement. « Je n’ai même pas

mentionnélefaitquecettepétasseettoiparliezdemonstatutdemaitressecommesijen’étaispaslà

etquejen’avaisaucunavissurlaquestion.»

Ellevit samâchoireseserrer.Puis il semblahausserprudemmentdesépaules.«Ça rendrait

simplementleschosesplusfaciles.C’esttout.»

«Quoi?»Trishaétaitsûred’avoirmalcompris.PuisellepensaàcequeYakovluiavaitdit.

«Yakovm’aditque lesSokolovétaientdesmonstresqui trafiquaientde ladrogueetassassinaient

leursrivauxavecextrêmepréjudice.»

«Yakov a raison. »Anatoly passa les doigts dans ses cheveux, l’air perturbé. « Le père de

Bianka–Motya–estconnudanstoutMoscoucommelemafieuxlepluscruel.»

«Ettoi?Lesgenssemblentbiens’accommoderdetoi.Ilstedonnentdeschosesettetraitent

commeuneroyauté.ÇaneveutriendirepourceMotya?»

«Pasparticulièrement.»Ilfitunegrimace.«Lesgensmetraitentcommeçaparcequejesuis

riche. C’est bien connu que j’ai des tas d’entreprises et que je fais circuler de l’argent dans les

infrastructuresdeMoscouparcequeçam’arrangepouraugmentermesrevenus.»

Ellerenifla,serendantcompteoùcettediscussionlesmenaitetcequ’elledevaitfaire.«Donc

tuesunpeuleRobindesBoisdeMoscou.»

«C’estquiceRobin?»Ilfronçalessourcils.

Elleéclatad’unriresanshumour.«C’estuncontepourenfants.Peuimporte.»

«EpouserBiankaraffermiraitlelienentrelesZaretskyetlesSokolov.Alorsceneseraitplus

dansl’intérêtdeMotyadevoirmachute.Pasquandsafillegagneraittantdemonsuccès.»

«Et lespréférencesdespersonnesconcernéesneveulent riendire?»Ellenepouvaitmême

pasimaginercegenredechoses.

«Non.»

«Alorstuvasallerpromettredevantunprêtred’aimeretdechérircettefemmequetudétestes.

Etpuistuvaslatromperconstamment?C’esthorrible!»

«Elles’enficherait,»dit-ilamèrement.«Jepeuxtel’assurer.Jepourraist’acheterunemaison

àMoscou,quelquechosedansunbeauquartieroùtupourraisallervisiterdesmuséesett’immerger

dansl’histoiretouslesjours.»

Ilsemblaitvraimentvouloirluivendrecetteidée.Ellesavaitqu’ilsnefaisaientqu’apprendreà

seconnaître,maisilauraitdûlaconnaîtremieuxqueça,non?

«Trisha?»Ilfitcourirsesdoigtslelongdesonbrasnu.

Elleéloignasamainavantqu’ilnepuisselaprendre.«Tuferaisd’elletafemmeetdemoita

pute.Commentpeux-tupenserque je te laisseraisme toucher après ça ?N’as-tu aucun conceptdu

respect?Est-cequetucomprendsàquelpointceseraitinsultantpourmoi?Jenesuismêmepassûre

quejepourraismeregarderdansunmiroirlematin.»

«Cen’estpascommeça.»Ilclaquasesdentsetpressaseslèvresensemble.«IcienRussie,les

chosessontdifférentes.Leshommesinfluentsontsouventdesmaîtresses.»

«Oui.J’ailuAnnaKarenine,»dit-elle,irritée.«Jesaiscommentças’estterminé.»

«C’étaitunefiction,Trisha.»Ilavaituntonpatient,presqueinstructeur.

Ça la rendit encoreplus furieuse.Commentosait-il ?Peut-êtren’était-il tout simplementpas

prêt à changer. Il en avait envie,mais le changement était difficile, et un changement durable était

presqu’impossiblequandlemondeentiersemblaitvouloirlecontraire.

Comptetenudeça,Trishasavaitcequ’elleavaitàfaire.

«Jesuisfatiguée,»murmura-t-elle.«Jevaismecoucher.»

«Maisjet’airamenéàmanger.»Ilfitsigneverslesachetdenourrituresurlatable.

«Tuauraissimplementdûpartagertonrepasavectafuturefemme.Jen’aipasvraimentfaim.»

Etsansunautremot,elleseretiradanslachambreoùYakovavaitdéposésesaffairesplustôt

cejour-là.Elleétaitàcôtédecelled’Anatoly,maiselleétaitséparée.C’étaittoutàfaitapproprié.

ChapitreDix-sept

Trishaavaitl’impressiondes’êtreretrouvéeexactementaumêmeendroitsquelquesjoursplus

tôt.Lamaison était étrangement silencieuse.La lueur de la lune filtrait des fenêtres et peignait les

planchers en bois en nuances de bleu. Elle sécurisa la sangle de son petit sac de voyage en

bandoulière.

Regardantpar-dessussonépaule,elles’autorisaleluxedepleurerlapertedesesvalises.Elle

était parvenue à garder toutes ses affaires jusqu’ici. Mais elle n’allait pas pouvoir s’échapper en

traînantdeuxvalisesderrièreelle.Cen’étaitpassigrave.C’étaitjustedestrucs.Ellepouvaitracheter

des trucs. Surtout qu’elle était résolue à vivre sa vie seule. Elle ne rentrait pas à la maison pour

reprendre son ancienne vie. Ce n’était pas ce qu’elle voulait, et il était grand temps que ce fait

devienneclair.

Trisha vérifia une dernière fois ses affaires pour assurer qu’elle avait son passeport et ses

effets personnels. Puis elle tourna la poignée de la porte et l’ouvrit. Le couloir était silencieux.

Anatolyavaittoquéàlaporteséparantleurschambresunefoisquandelleétaitalléesecoucher.Elle

n’avaitpasrépondu,etiln’avaitpasrecommencé.

Le plancher craqua lorsqu’elle sortit dans le couloir. Se figeant, elle retint son souffle et

compta jusqu’àdixavantdefaireunautrepas.Lesilenceenglobait tout lechalet.Apparemment, il

n’yavaitpasdegardes.C’étaitassezinhabituelauvudesmenacesrécentes.Saufsiquelqu’unavait

décidéquelaisserTrisha‘s’évader ’neseraitpasunesimauvaisechosepourAnatoly.

Comme si ses pensées l’avaient appelé,Yakov apparut comme un fantôme à l’autre bout du

couloir. Trisha sentit son estomac se nouer. Elle ne pensa pas une seconde qu’il était là pour la

découragerdepartir.Ellecomprenait.

Inspirantàfondetsepromettantd’agircommeunadulte,Trishasedirigeaensilencejusqu’au

boutducouloirpourrejoindreYakov.Ilbaissalesyeuxverselle,levisageimpassible.

«Jesupposequevousn’êtespaslàpourm’arrêter,»dit-elledansunmurmuredoux.

Ilsecoualatête.Faisantungesteverssonsac,illevaunsourcil.

«Jenepeuxpastoutportertouteseuleetsortird’iciensilence,»expliqua-t-il.

Entroisenjambées,ilavaitatteintlachambre.Ilyeutunepausebrève,etpuisYakovémergea

enportantsesdeuxsacs,undanschaquemain.Çanesemblaitluicoûteraucuneffort.Ellesoupira.Il

yavaitpeut-êtreeuunepartd’ellequiauraitvouluqu’Anatolyressentelebesoindeluirapporterses

affaires.Alorsilsauraientpusevoirunedernièrefois,etpeut-êtreaurait-ilchangéd’avisàpropos

decetteridiculeunionfamiliale.

«Jesuisprête,»dit-elleàYakov.

Portanttoujourssesaffaires,ilsortitduchaletetdescenditjusqu’àlavoiture.Ildéposasessacs

danslecoffreavantdeluiouvrirlaportièrepassager.C’étaitvraimenttrèscivilisé.

Maisvraiment,elleavaitenviedepleurer.

Aulieudeça,ellemontadanslavoiture,croisalesmainsbiensagementsursesgenoux,etjeta

undernierregardauchaletoùtantetsipeus’étaitpassé.

ANATOLYOUVRITLESyeux.Ilsesentaitpatraque.Yakovavaitinsistépourqu’ilprennedes

antidouleursavantd’allersecoucher.Anatolydétestaitcestrucs.Ilsluidonnaientlabouchepâteuseet

luiramollissaientlecerveau.Cedontilavaitvraimentbesoin,c’étaitTrisha.Ilvoulaitlasentirblottie

contreluiaulit.

Lorsqu’ilseredressa,lapiècecommençaàtournerautourdelui.Ilfermalesyeuxetattendit

que ça s’arrête. Son estomac se retourna. Ce n’était pas seulement les antidouleurs. Il avait

l’impression d’avoir été drogué. Tâtonnant sur la table de nuit, il trouva une bouteille d’eau. Il

l’ouvritetavalalamoitiéenuneseulegorgée.

Enfin,ilmitlespiedsàplatausoletparvintàseremettredebout.L’eaul’avaitunpeuranimé.

Maisilavaittoujoursdumalàs’orienterdanslachambre.Iltombacontreunecommode,saisissant

lescôtéspoursestabiliser.Puisilparvintàtrouverlapoignée.Lorsqu’ilouvritlaporte,ilreçutune

boufféed’airfraisducouloir.Ilsesentaitmieux.Ilsecoualatêteavecprécaution,tentantd’éclaircir

sespensées.

Trisha.C’étaitlaseulechoseàlaquelleilpouvaitpenser.

Trébuchant dans le couloir, il posa une main sur le mur. Il n’y avait que deux mètres à

parcourir jusqu’àsaporte.Ilclignadesyeux,confus.Laporteétaitgrandeouverte.Pourquoiétait-

elleouverte?Ilfituneembardéeenavantetagrippalechambranledeportepournepastomber.Il

observabêtementlachambredeTrisha.Elleétaitlà.Elledevaitêtrelà.Trishan’étaitpasdugenreà

s’enfuir.Elleavaiteutellementd’opportunités,etpourtant,elleavaitchoisideresteraveclui.

«Trisha?»héla-t-il,lesmotsindistincts.«Oùes-tu?»

Il traversa la courtedistance entre laporte et le lit avecdespasdélibérés et lents.Lesdraps

étaient chiffonnés. Se cachait-elle sous la pile de draps ? Enfin, il arriva à côté du lit. Il s’assit

immédiatement,soulagéd’êtrearrivésiloin.

Il pouvait la sentir. L’odeur de son parfum féminin persistait dans la pièce et sur les draps.

Étirantunemain,ilcherchalaformed’unejambeoud’unbrassouslesdraps.Maisilnetrouvaqu’un

litvide.

«Trisha?»Plusfort.Savoixl’auraitcertainementréveillée,non?

Clignantdesyeuxpourévacuersatorpeurmédicamenteuse,Anatolydutfairefaceàlaréalité:

Trishaétaitpartie.

TRISHAREGRETTASAdécisionaumomentoùl’aviondécolla.Auvudesonitinéraireetdu

nombredefoisqu’elledevaitchangerd’avionpourrentreràCleveland,elleauraituneéternitépour

regretterlechoixqu’elleavaitfait.

«Mlle,bonjour,mercid’attachervotreceinture.»L’hôtessedel’airfrôlagentimentsonépaule.

TrishasedemandasilafemmepouvaitvoirqueTrishaétaitaubeaumilieud’unecriseexistentielle.

«Désolée. »Unevoix féminine à sa droite attira son attention. «Vousn’avezpas l’air dans

votreassiette.Dois-jeappelerquelqu’un?»

«Ohnon,»réponditTrisharapidement.«Jevaisbien.Vraiment.Justeque…enfin,jemesuis

disputéeavecmoncopain,etmaintenantj’aidécidéderentreraulieud’arrangerleschoses.»

L’autrepassagerpartageantsarangéededeuxsiègesétaitunedameâgéeauxyeuxchaleureux.

Trishasedemandapourquoiunedameâgéevoyageaittouteseule,maislafemmesemblaanticipersa

question.

« J’ai décidé de rendre visite àma fille et àmon petit-fils àMoscou. » La femme semblait

excitée.Ellesortitunephoto.«Vousvoyez?Nesont-ilspasbeaux?»

«Trèsbeaux,»convintTrisha.

«Vousparlezbienlerusse,maisvousavezunaccent.»LafemmetapotalegenoudeTrisha.

«Américaine?»

«Oui.»

«Pauvrefille.Vousêtestombéeamoureused’ungentilgarçonrussependantvosvacances?»

Alorsça,c’étaitvraiment laversionpourenfants.«Oui,quelquechosedugenre.Maisnous

sommestrèsdifférents.Ilad’autresidéessurcequereprésenteunerelation.»

«Plusd’unefille,c’estça?»

«Commentavez-vousdeviné?»sedemandaTrisha,abasourdie.

Lafemmesoupira.«C’esttoujourslecas,machère.»

«Maisiln’aimemêmepascetteautrefemme.»

«Alorspeut-êtrequ’ilesttempsdefaireleménage.»Ladameâgéecaqueta.«Vousvoulezcet

hommeoupas?Sinon,alorscontinuezsurvotrevoie.Maissioui,alors ilestpeut-être tempsde

prendreposition.»

«Peut-êtrequevousavezraison,»songeaTrisha.«Maisjepensequejevaisdanslamauvaise

directionpourça.»

«Non.Voussaurezquandilseratemps.Jusqu’alors,unpeudedistanceneferapasdemal.»La

vieilledameluifitunclind’œil.

Trishaneputs’empêcherdepenserqu’elleétaitunevieillemamietrèscool.

Il était tempsde rentrer,d’arranger leschosesavecsesparents, etpuisdedécidercequ’elle

voulaitvraiment.

ANATOLYETAITETALEsurlecanapéenattendantYakovquandsonlieutenantpassalaporte.

«Oùétais-tu?»

«Al’aéroport.»

C’étaitdifficiledesavoir siAnatolys’était attenduàcequeYakov luimenteoupas,mais le

manquederespectflagrantpoursessouhaitsétaitplusduràavaler.«Etpourquoias-tufaitça?Mes

ordresétaientclairs. JevoulaisqueTrisha reste ici à toutprix. Jemesuisdonnébeaucoupdemal

pourqueçaarrive.Pourquoias-tutoutfoutuenl’air?»

«Jen’airienfoutuenl’air,commetudis.»Yakoventradanslesalonàpasmesurés.Ils’assit

danslecanapéenfaced’Anatolyetallumaunelampe.«Enfait,jepensequej’aiarrangéleschoses.»

«EnéloignantTrishaetenlarenvoyantchezelle?»Anatolynecomprenaitpasdutoutenquoi

çaarrangeaitquoiquecesoit.

«Anatoly,»déclaraYakovlentement.«Toietmoi,noussavonstousdeuxquetunepeuxpas

épouserTrisha.»

«Peut-être.»

« Il n’y a pas de peut-être. »Yakov lança les clés sur la table basse. «Tu dois arranger les

chosesaveclesSokolovleplustôtpossible.Trèsbientôt,enfait.Noussommessurlepointdesigner

desaffairestrèslucratives.UneguerreaveclesSokolovneseraitpasànotreavantage.Nousn’avons

pasassezd’hommes.Tous lesassassinset les trafiquantset lesautres truandsprendraientnos rues

d’assautetlesgensauraientpeurdequitterleursmaisons.»

«Etdoncjemefaisintimiderversunmariage?»criaAnatoly.«Horsdequestion,Yakov!»

Yakovhaussalesépaules.«Tun’aspaslechoix.Çaneteplaitpeut-êtrepas,maistuasbesoin

deMotyaSokolov.»

«Alors peut-être devrais-je l’approcher et lui faire une offre. Il est à vendre comme tout le

reste de la planète. » Le cerveau d’Anatoly tournait toujours au ralenti. Il n’avait pas la vivacité

mentalepourpenserauxdétails,maisilsavaitqu’ildevaityavoiruneautresolution.

Yakovsegratta lementon.« Ilya sansdouteunmoyendeconvaincre levieuxd’unaccord

tacite.»

«Ondoitdécouvrircequ’ilveutvraiment.»Anatolyagitalamaind’agacement.«Autreque

passerdevantlemaireavecsafille.»

«Duterritoire,»expliquaYakovlentement.«Ceshommesveulenttoujoursduterritoire.»

«MaisilpossèdeletoutMoscou.»

«Non.LesUkrainiensontunebandedeterreprèsduchantiernaval.»

« Motya veut cette petite bande de terre ? » Anatoly recourba les lèvres de dégoût.

«Pourquoi?»

«Tuoubliesquetoutneserapportepasàlavaleurdesbiensimmobiliers.»

«Alorsletraficdedrogueyestflorissant?»

Yakovhochaitdéjàlatête.

«Alors va la racheter auxUkrainiens. »La solution semblait simple dans l’esprit embrumé

d’Anatoly.«OndoitpossédercequeveutMotya.C’estsimple.»

«Etpuis?»

«Etpuisjevaisluitapersurlecrâneavecjusqu’àcequ’ilacceptemaproposition.»Anatolyse

frottalevisage.Ilavaitbesoindesommeil.Debeaucoupdesommeil.

«DonctuvasépouserMotyaaulieudeBianka?»plaisantaYakov.

Anatolygrogna.«Non.JevaisépouserTrisha.»

« Tu penses vraiment que c’est une bonne idée ? » Quelque chose dans le ton de Yakov

suggéraitqu’iln’enétaitpassisûr.

Anatolyavait faitconfianceàcethommesur tellementdesujetscesdernièresannées.C’était

difficiledepenserqu’ilsnesoientpasdutoutdumêmeavissurcelui-ci.«Quelesttonproblèmeavec

Trisha?Jepensaisquetul’aimaisbien?»

«Jel’aimebien.Maisellen’estpascommenous.Elleestlégale,etrespectueusedelaloi.»

« Comme elle l’a signalé elle-même, la plupart des entreprises sont à peine à la limite de

l’éthique.Jenesuispasunmafieuxtraditionnel.»

«Non.Maistuesquandmêmeunmafieux.Tucroisqu’elles’enaccommodera?»Yakovleva

lesmainsensignedereddition.«C’esttoutcequejevoudraisquetuconsidères.»

ChapitreDix-huit

« Des choix actifs, Trisha, » se murmura-t-elle à elle-même. « Il suffit de rester ferme et

décisive,etdenepaslâcherprise.»

«Mademoiselle ? » Le chauffeur de taxi la regarda dans le rétroviseur et leva un sourcil.

«Vousallezbien?»

«Voussavez,parfoisdanslavievousavezcesgensquiexigenttoutdevousetvousdonnent

l’impressionqu’iln’yapasd’autrechoixquedeleurobéir?»

«Çaoui!»Lechauffeurhochalatêteavecinsistance.

Ils prirent le dernier virage avant d’arriver dans la rue de Trisha. Elle regarda défiler les

maisonsetsedemandapourquoic’étaitsiétrangedeseretrouverdanslarueoùelleavaitvécutout

savie.

« Alors, » déclara Trisha au chauffeur. « Prenez ces gens autoritaires, multipliez-les par

environ un million, puis donnez-leur un badge et du pouvoir. C’est ce que je m’apprête à

confronter.»

«Alors je suis bien content de ne pas être à votre place, » répliqua le chauffeur d’unevoix

traînante.

Ils se gara à côté du trottoir devant unemaison étroite à deux étages qui avait représenté le

mondedeTrishajusqu’àhuitsemainesetdemiplustôt.«Ouais,merci.»

Ellelaissaungénéreuxpourboireauchauffeurpuissortitdelavoiture.Ilsortitàsontourpour

l’aideràprendresesbagagesdanslecoffre.Samèresprintaitdéjàverselle.C’étaitimpressionnantà

voir.Mamanétaitunedameavanttout,etlesdamesnecouraientpascommedespouletsétêtés.

«Trisha!»couinasamère.«OhmonDieu,tuesunrégalpourlesyeux!»

«Maman!»Trishaécartalesbras.

Samèrelaserrafortcontreelle,etelless’étreignirentpendantlongtemps.Letaxis’étaitdéjà

éloignéquandsamèrelarelâchaenfin.Puiscelle-cireculaetétudiaTrishaendétail.

«Tuaschangé,jeunefille.»Samèrepinçaleslèvres.«Ons’estrongéslessangsàtonsujet.»

«Jevousaiditquejerentreraisquandjeseraisprête.Jedevaisprendreletempsderéfléchir.»

«Etàquoitupensais,resteraveccethomme?»Samèrepassaunbrasautourdesépaulesde

Trishaetcommençaàl’entraînerverslesmarchesdel’entrée.

Lesdeuxfemmestraînaientchacuneunevalisederrièreelles,etTrishaavaitsonsacdevoyage

autourdel’épaule.Etmaintenant,samèreallaitluifairelaleçon.Excellent.Cettegranderésolution

denepaslâcherprisen’avaitpasdurélongtemps.

«Siturefaisquelquechosecommeça,jeunefille,jevaistedonnerlafesséecommequandtu

étaispetite!»Samèreluiserralebrasunpeuetl’aidaàmonterlesmarches.«Jet’aiditquej’avais

vuKennyPearsonl’autrejour?»

«Non,maman.Etjem’enfiche.Jen’aimepasKennyPearson.»

« Je lui ai dit que tu suivais toujours ton programme d’étude en Russie, » lui dit sa mère

allègrement.«Maisquetuseraisbientôtderetouretquevouspourriezsortirdînerensembleunde

cesjours.»

«Maman!»Trishasedébarrassadel’étreintedesamèreetplantalespiedsfermementàterre.

Ellen’allaitpasfaireunpasdeplusavantd’avoiréclairciaumoinsceproblème.«Maman,jen’aime

pasKennyPearson.Jenel’aijamaisaimé.C’estunenfoiréarrogantquialegroscouetsepavane

parcequ’iltravailledansungaragedevoituresd’occasion.Jenevaispassortiraveclui.Jamaisplus.

Compris?»

« Mon Dieu ! » Sa mère pressa la paume de sa main sur son cœur. « Pas besoin d’être

grossière,jeunefille!»

«Etpourquoim’appelles-tucommeça?»demandaTrisha.«J’aivingt-septans.Tuterends

comptequejesuisbientropvieillepourhabiterchezmesparents?C’estpathétique!»

«Tonpèrem’aavertiquetelaisserpartirenRussiepourcesétudesétaitunemauvaiseidée.Ila

ditquetureviendraisàlamaisonaveclatêteremplied’idioties.»LamèredeTrishasecoualatête.

«Jeluiaiditquenotrechèrefilleétaitbientropintelligentepourça,maisjevoisqu’ilavaitraison.»

«Non.J’essaiejusted’êtrenormale.Maman,cen’estpasnormalpourquelqu’undemonâge

devivrechezvous.»Trishasoupira.«Jenevoulaispasvraimentparlerdeçaavantd’êtrerentrée

danslamaison,maisapparemment,tuvasmeforceràtoutdéballersurlepasdelaporte.»

Sonpèreécartalaporte-moustiquaireenlaclaquant.«Toutdéballerquoi?»

«Papa,»ditTrisha,sesentantcomplètementpartagéedelerevoir.«Tum’asmanqué.»

« Difficile à dire au vu de ton comportement. Tricher dans un casino. Puis sortir avec un

criminel,tefairekidnapperetprobablementfinirenceinte.»

Trishalevalesyeuxauciel.«Papa,c’esttaréponseàtout.Jen’airienfaitdestupide,etjene

suiscertainementpastombéeenceinte.Maisest-cequelapenséedemoienmamanseraitvraimentle

piredestinquetuimaginespourmoi?Parcequesic’estlecas,vousferiezmieuxdesortirpluset

d’avoirunpeuplusd’imagination!»

Unsilencecompletsuivitsacrisedecolère.Enfait,Trishasemitàs’agiteretdutseforcerà

resterenplace.C’était commeuneeau infestéede requins.Ne jamais leur laisser ressentir tapeur.

Danscecas-ci,nejamaismontreràsonpèrequ’ilavaittouchéunpointsensible.

«C’est quoi ton problème, jeune fille ? » grogna son père. «Et viens ici pourme faire un

câlin!Tuespartiepresquetroismois!»

«Passilongtemps,papa.»

Maisc’était étrangede seblottirdans lesbrasde sonpère. Il avait lamêmeodeur, celledes

bonbonsà lamenthequ’ilmâchaitpourson indigestion,etunepointed’EaudeCologneépicéeau

boisdeSantal.Elleauraittantaiménepasdevoirluitenirtête.Maisc’étaitinévitable.Luietsamère

nevoulaientpasqu’ellegrandisse.Jamais.EtçaneconvenaitplusdutoutàTrisha.

« POURQUOI EST-ON assis dans la voiture dans une allée sombre à minuit ? » demanda

Anatoly.

Yakovsemblaitcomplètementdétenduderrièrelevolant.Ilpritunegorgéeducaféamerdans

unetasseenpolystyrènequ’ilavaitachetéedansuncaféouverttoutelanuit.«Tudoistecalmer.On

diraitunpetitchienquis’excitesursonsiègeensautantpartoutparcequ’ilabesoindepisser.»

«Tutesouviensquetubossespourmoi.Non?»grommelaAnatoly.«Ilt’incombedenepas

faireréférenceàmoiendetelstermes.»

« Comment dit-on en Amérique ? » demandaYakov d’un air amusé. « J’le dis comme j’le

vois.»

«Alors je vais décider d’en arrêter là. »Anatoly gigota sur son siège, sentant une humeur

sinistres’installer.«Etsicetenfoiréd’ukrainienn’arrivepasdanstroisminutes,ons’enva.»

«Jepensaisquetuavaisbesoindeceterritoire.»

Anatolypoussaunsoupir.«Ouais,c’estça.»

«Alorspeut-êtrequ’unpeudepatience…»Yakovluifrappal’épaule.«Tufaisaffairesavec

descriminels,aprèstout.»

Justeàcemoment-là,despharesilluminèrentlaruelledevanteux.Anatolycommençaàsortir

delavoiture,maisYakovlançaunbrasversluipourl’arrêter.«Non.Attends.»

«Quoi?Jeveuxenfinir.»

«Parcequec’estlaprudencequitegardeenvie,»murmuraYakov.

Ilobservaattentivementlavoiture.

C’étaitpourçaqu’Anatolypréféraitlesaffairesaumondemiteuxdestransactionsdelapègre.

Ilétaitunhommed’action.Etdonc iln’appréciaitpasd’attendreetne trouvaitpas lapatienceutile

quandréglerunproblèmefacilementetefficacementétaitlamanièrelaplusproductivedeprocéder.

Lesportièresconducteuretpassagers’ouvrirent.Deuxhommesdégingandésavecdescheveux

blondsenbrosseetdessweat-shirtsblancssortirentduvéhicule.

Anatoly renifla. « Tu te fous de ma gueule. Tu crois qu’ils essaient de ressembler à des

d’acteursdesérieB?»

«Chut,» lâchaYakov.«Fermetonclapet.Auvude tamauvaisehumeur, ilspourraientnous

tirerdessussitunelafermespas.»

«Alorsriposte,»ditAnatolyenhaussantlesépaules.«Tufaiscegenredetrucstoutletemps,

non?Jepensaisquetuétaisleparfaittruanddelamafia‘traditionnelle’.»

«Pascommecesdeux-la.»LetondeYakovétaitsinistre.

QuelquechosedanslaprudencedeYakovcommençaàdéteindresurAnatoly.Ilsesentitmalà

l’aise. Les deux hommes marchèrent d’un pas délibérément décontracté jusqu’aux fenêtres de la

voituredeYakovetd’Anatoly.

«Yakov,»ditleplusgrandd’untonrespectueux.«Monfrèreetmoiavonsentendudirequetu

voulaisnousfaireuneoffrepourleterritoireadjacentauchantiernaval.»

«C’estça,»convintYakov.«Monassociévoudraitvousfaireunebonneoffre.»

Leplusgrandéclataderireetditquelquechoseenukrainienàproposd’Anatolyetd’unblanc-

bec.

Anatolyétaitdeplusenplusirritéparleurmanquederespectetleuridiotie.Illeurréponditen

ukrainiensansfaute,«Jen’aipeut-êtrepaslemot‘voyou’gravésurlefront,maisjenesuispasné

de la dernière pluie.Donc si vous voulez quevotre patron se fasse unpaquet d’argent, vous vous

dépêcherezdememeneràluiavantquejenechanged’avisetquejeneperdemonsang-froid.»

Lesdeuxlascarssemirentàmurmurer.Enfin,lepluspetitmontralesdentsdansunsemblantde

sourire.«Venezparici.Danscebâtimentlà-bas.Notrepatronestàl’intérieur.Onpeutenparler.»

«D’accord.»Anatolysentitsoncœurmartelercontresescôtesetespéraitnepasavoirfaitune

erreur.

«J’espèrequetusaiscequetufais,»marmonnaYakov.

Anatolynecommentapas.Ilsecontentadesortirdelavoitureavecunelenteurquisuggérait

qu’iln’étaitnullementpréoccupépar l’horaired’unautre. Ilportait sabravadecommeunecapeet

espéraitqu’elleseraitàl’épreuvedesballes.

Ilssuivirentlesukrainiensdansunepetiteported’accèssousl’escalierprincipaldel’entrepôt.

Leur chemin les mena dans un couloir étroit qui aboutissait dans une pièce immense remplie de

conteneurs.Anatolyneprêtapasattentionauxconteneurs,saufàleuragencement.

La plupart du contenu de la pièce avait été repoussé le long des murs. Il semblait que les

Ukrainiensutilisent l’endroit comme leurbased’opérationcar aucentrede lapièce se trouvaitun

tapispersan,deuxcanapés,unfauteuiletunekitchenette.

Lesdeuxblondsentrèrentets’installèrentdansuncanapé.Unautrehommeétaitdeboutdansla

cuisineetversaitdelavodkadansunverreàshot.Ilétaitpluspetitquelesdeuxautres,maisblondlui

aussi.Ilétaittrèsbaraqué.Sil’apparenceétaituneindication,lestroishommessemblaientapparentés,

peut-êtremêmefrères.

«Alors,»ditleurchefavantd’avalerleshotdevodka.«Vousaimeriezmefaireuneoffrepour

monterritoire?»

«C’estça,»ditAnatolyd’unevoixbasseetcalme.«J’enaibesoin.»

«Maisilm’appartient.»L’hommehaussalesépaules.«Etjenesuispaspressédelerevendre.

Revenezl’anprochain.Peut-êtrequej’auraichangéd’avis.»

Lestroishommessemirentàrire.Derrièrelui,AnatolyentenditYakovjurer.

Lesangseprécipitadanslesoreillesd’Anatoly,etilsedemandas’ilspouvaientvoirlavapeur

sortir de ses oreilles. Il examina plusieurs stratégies dans sa tête avant d’en choisir une. Ils ne

l’appelaientpasassoiffédesangpourrien.Maisilavaitunemanièrevraimentuniqued’éviscérerses

opposants.

«Jesuisdésolé,»ditAnatolyd’untoninsolent.«Quies-tu?»

Lechefcessaderire.Ilfronçalessourcils.«JesuisSasha.»

«Sasha,»songeaAnatoly.«Jamaisentenduparler.Quelletristesse.»

«Anatoly,»murmuraYakov.«C’estunemauvaiseidée.»

Anatolyl’ignora.«Etsais-tuquijesuis?»

«Unconnardimbécileavecdel’argent?»reniflaSasha.

«MonnomestAnatolyZaretsky.»Ilputvoirlemomentoùilscomprirent.Leurexpressionse

fitméfiante.Anatolycontinua,parlantd’untonsecetlaissantsacolèreenroberchacundesesmots.

«Voussavezcequeçaveutdire?»

«Queturestesunconnard,»grondaSasha.

« Non, crétin, » siffla Anatoly. « Ça veut dire que je peux me permettre d’embaucher des

mercenairespourbraquerleursfusilssurvousdechaquebâtimentauxalentours.Çaveutdirequeje

peuxacheterchaquepropriétéduterritoirequevouspensezposséder.Jepeuxconstruiretoutceque

j’yveux.Etpuis,puisquelapoliceestdansmapoche,jepeuxlanceruneguerreoffensivecontrela

drogue et vous rendre complètement incapables de déplacer un gramme de vos produits. Vous

comprenezcequejeveuxdire?»

LesyeuxdeSashaétaientféroces,maisAnatolyputvoirqu’ilavaitcomprislemessage.

«A présent. »Anatoly adoucit le ton et tira ses boutons demanchette en diamant. «Ce que

j’aimerais faire, c’est passer un marché honnête et vous payer pour votre territoire, même si

techniquement,ilnevousappartientpas.Vousm’avezcompris?»

«Oui,»convintSashad’untonmaussade.«Nousavonsparfaitementcompris.»

«Alorsmettons-nousàtable,»pressaAnatoly,plusqueprêtd’enavoirfiniaveccesconneries.

ChapitreDix-neuf

«Non,Trisha.Jetel’interdisformellement,»ditsonpèreenbalayantfermementsamaindans

l’air.

Trisha reconnut le geste. C’était celui qui voulait dire ‘jamais de la vie’. Son père parlait

beaucoupaveclesmains.Maiscettefois-ci,ellen’allaitpaslelaissergagner.Elleétaitrésolue.

«Trisha,» samèreparlad’unevoixplusdouce.C’était la tentativedemamand’encourager

Trishaàêtreraisonnable.«Tuesnotrefille.Notrefilleunique.Tucomprendssûrementàquelpoint

c’esteffrayantpournousdenerienfaireetdeteregarderfairedemauvaischoix.»

Trisha soupira. Elle balaya du regard les attributs de samaison d’enfance. La collection de

poupéesenporcelainedesamèredanslavitrine, lescopiesreliéesencuirdeSherlockHolmesde

sonpèresurl’étagère.Lesfauteuilsenchintzetrideauxendentellesdupetitsalondesamère,etle

mobilier plus lourd du bureau de son père, tous des attributs d’une maison confortable pour un

coupleallantsurlasoixantaine.Sonpèreseraitbientôtretraité.Samèren’avaitjamaistravaillé.Juste

unvieuxcouplemignonetleurseulenfantquin’avaitjamaisvraimentgrandi.

«Maman.»Elleregardasamère.«Papa.»Elletournalatêteverssonpère.«Vousm’avezdit

ceque jedevais fairedemaviedepuisque je suisnée. Je comprends.Vousêtesdesparents.Vous

avieztoutprévu.J’étaiscenséêtreungarçonquisuivraitlestracesdepapa.Puisjesuisnéefille,etil

voulaitquandmêmequejesuivesestraces.Malheureusement, j’aisuquejen’entreraispasdansla

policedepuisquej’étaissuffisammentâgéepourt’accompagnerenpatrouille.»

«Tun’as jamaisvraiment essayé.»L’airgrognonde sonpère suggéraitqu’il était toujours

blesséparça.

Trisha tripota ses mains, tentant de trouver comment elle pourrait les convaincre. « J’aime

Anatoly.C’estaussisimplequeça.Iln’estpaslemonstrequ’ilsembleêtre.Ilyaunhommebonsous

toutecettebravademasculine.»

«Tuferaismieuxdenepasparlerdemoicommeça,»grognasonpère.

Avecsurprise,elleserenditcomptequ’ilsavaientpasmaldesimilitudes.Étrange.«Tuesun

hommebonsoustoutestesfanfaronnades,papa.Maistuesbeaucouptropprotecteur.Tunem’aspas

écoutéquandjet’aiditquej’allaisbienetquejerentreraisbientôt.Tun’asfaitqu’envoyerd’autresà

marescousse.J’auraispuêtreblessée,ouAnatolyauraitpuêtreblessé.Cesderniersconnardsl’ont

bienamoché.»

Jonathan Copeland lâcha un grognement moqueur. « S’il ne sait même pas se défendre, il

mérited’êtretabassé.»

« Et, je suis presque sûre que dans ta jeunesse tu aurais eu du mal à gérer deux anciens

militaires qui te sautent dessus dans les buissons et commencent à te rosser sans avertissement. Si

Anatoly avait eu son arme, il y aurait eu des victimes, et ç’aurait été injuste puisque ces hommes

n’agissaientquesurlesordresd’uncrétinsurprotecteur,»dit-ellefurieusement.«C’estexactement

cequejeveuxdire,papa.Tunevoispas?»

«Voirquoi?»

Samères’étaitmiseàsetortillerd’inconfortsursachaise.«Chérie,calme-toi.»

«Non!»Ellesereleva.«Jeneveuxpasmecalmer.J’aivingt-septans.C’estàmontourdene

pas être calme si j’en ai envie.Vous n’arrêtez pas deme dire de faire des choix, d’arrêter d’être

spectatricedemavieetd’allercherchercequejeveux.Maisdèsquejelefais,vousmeditesqueje

faisdesmauvaischoixetvouspensezdevoirvousimmiscerpourarrangerleschoses.Voussavezce

quevousaimeriezquejefassedemavie,etvouspensezquejedevraisjusteacceptervotreavis!»

Sonpèreseredressa.Illadominacommeuntitanencolère.«Ecoute-moibien,jeunefille.Je

t’aime.Tuesmafille.Jevaisteprotégerjusqu’aujouroùjemourrais.»

«Etqu’est-cequisepasserasitumeursetquejen’auraisjamaisprisdedécisionmoi-même,

ou vécu ma vie, ou fait quoi que ce soit toute seule ? Quoi ? Je devrais juste me suicider à tes

funéraillespourqu’ilsm’enterrentavectoi?»

Sonpèrelaregarda,choqué,bouche-bée.Apparemment,iln’avaitjamaispenséleschosessous

cetangle.

Puisilsereprit,parcequ’illefaisaittoujours.«Tamèreetmoions’occuperadetoi.»

«Maismerde!»Ellelançalesmainsenl’air.«C’estdeçaquejeparle!Jeneveuxpasque

vousvousoccupiezdemoi.Jeveuxdevenirindépendanteetm’occuperdemoi-même!»

«Enépousantuntruanddelamafiarusse?»demandasonpère.

«Non!»Ellelevalesyeuxauciel,àboutdenerfs.«Endéménageantdansmonchezmoieten

trouvantunputaindeboulotpoursubveniràmesbesoins!»

«Oh,chérie,tun’aspasbesoindedéménager,»argumentasamère.«C’estsicher.»

« Vous savez, parce que je n’ai jamais payé de factures, j’ai un compte bien fourni pour

commencer, » les informa-t-elle. « Peu importe ce qui se passe avec Anatoly, j’ai déjà appelé

quelquespropriétairesetjevaisallerlesvisiterdemain.»

«Quoi?»rugitsonpère.«Situveuxdéménager,alorsjetetrouveraiunendroit.»

«Non,papa,»dit-elleensoupirant.«Jem’enoccupe.Vraiment.»

ANATOLYDEVISAGEAMOTYASokolovdel’autrecôtédelatabledeconférencedusiègede

ZaretskyEnterprises.LevisagedeMotyaétaitplissécommeceluid’unroquet.Ilfronçaitintensément

dessourcilsenlisantlapropositionqu’Anatolyvenaitdeplacersurlatabledevantlui.Enréalité,il

auraitdû fairedesbonds.Anatolyavaitdû jouer lesgrosbrasetmanœuvreren terrainminépour

parvenir à rassembler cette proposition en moins de 5 jours. Il voulait en finir, parce qu’il avait

l’intentionderamenerTrishaàlamaisonavantlafindelasemaine.

«Qu’est-cequec’est?»MotyaglissaledossiersurlatableetfusillaAnatolyduregard.

Anatoly s’appuya sur le dossier de sa chaise, refusant de laisser ses nerfs prendre le dessus.

«C’estunepropositiond’accordentrelesZaretskyetlesSokolov,etçac’estlagarantiequejet’offre

pourscellernotremarché.»

«Tuétaiscenséépousermafille.C’étaittrèssimple.Lesfamillesmafieusesfontleursaffaires

commeçadepuisdesdécennies.»

«C’estpourçaqu’unchangementferaitdubien,tunecroispas?»déclaraAnatolyd’unton

plaisant.Ilfitsigneversl’accord.«Cecitepromettouslesdroitssurunboutdeterritoirelucratifque

tucherchaisàt’approprier.Maintenantilm’appartient,àuncoûtconsidérableetbeaucoupdepeine,si

jepeuxajouter.Doncjepensevraimentquecetaccordestvraimentéquitable.»

«Jemefichedesavoirs’ilestéquitableoupas,»grognaMotya.«Jeveuxmariermafille.»

Une pensée commença à se former dans l’esprit d’Anatoly. « Tu veux dire que toute cette

affairevientdufaitquetuveuxmariertafillepourpouvoirt’endébarrasser?»

«Exactement!»Motyaseradossaàsonsiège,l’airsatisfait.«Sais-tucombiend’argentcette

fillemecoûtetouslesmois?»

«Jepeuximaginer,»ditAnatolysèchement.«C’estenpartielaraisonpourlaquellejeneveux

pasl’épouser.C’estunearracheused’argentautempéramentaigre.Biankaneveutvéritablementpas

êtresatisfaite.Ellepréfèreseplaindre.»

«Jesais.»Motyapoussaunlongsoupir.«Samèreétaittropindulgente,jecrois.»

Anatolyavaitdumalàcroirequ’ilsoitentraindeconseillerMotyasurlaparentalité.«Tusais,

quandj’aiundépartementdemonentreprisequicoûtetropd’argent,jen’aiqu’àleurserrerunpeula

ceintureetdireauxgérantsdefaireavec.»

«Tucroisquec’estcequejedoisfaireavecBianka,c’estça?»songeaMotya.«Essaie,toi,de

luidirenon.»

« Enlève-lui ses cartes de crédits, donne-lui son allocation directement sur un compte en

banque,achète-luiunappartement,etarrange-toipourpayerlesfacturesàpartirdecescomptes.Ne

lalaissemêmepaslesregarder.Puisfourre-làdansl’appartetnerépondsplusàsesappels.Assure-

toiqu’ellevabienunefoisparsemaineetqu’ellegrandisseunpeu.Elles’yfera.»

«Tucroisvraimentqueçafonctionnerait?»L’hommeavaitl’airabsolumentexcité.

Anatolyserenditcomptequec’étaitsachance.Ilposalescoudessurlatabledeconférenceet

sepenchaenavant.«Oui.Maistuvasdevoirêtreferme.Ellevatefairechierpendantunmoment,

pour avoir de l’argent.C’est ce qui a toujours fonctionné dans le passé, donc elle continuera à le

faire.Situnetienspastaposition,tuneferasquet’attirerplusd’ennuis.Responsabilise-la.Peut-être

qu’ellefiniraparenavoirmarreetqu’ellesetrouveraunboulot.»

«Ha!»reniflaMotya.«Tuconnaismafille.Tupeuxl’imaginerentraindetravailler?»

«Pasvraiment.»

Lesdeuxhommesgloussèrent.Ilsétaiententraindecréerunlienàcausedesonemmerdeuse

defille.C’étaitaussiamusantqu’inattendu.

PuisAnatolyfitsigneverslaproposition.«Jesuistoujoursprêtàsoutenirnotreaccordavec

cetteproposition.Rienn’achangé.»

Motyarepritlepapierverslui.«C’estéquitable.»

«Excellent, Sokolov, » déclaraAnatoly d’une voix traînante. «Parce que je neme laisserai

jamaismenotteràBianka.Elleestmagnifique,maisc’estunevraiegarce.»

Motyaeutl’airfier.«C’estvraimentunechieuse,non?»

«Etçaterendheureux?»

«Oui.»

«Ettunevoispaslelienavecsacrisefinancière?»déclaraAnatoly,tentantdedécidersile

vieilhommesefoutaitdelui.

Motyaavaitouvertlabouchepourrépondrequandlaportedelasalledeconférencefutouverte

àlavoléeetclaquacontrelemur,laissantunemarquesombresurlapeintreblanche.BiankaSokolov

fitirruptiondanslapièce.

«Qu’est-cequeçasignifie?»cria-t-elle,pointantunonglerougepointucommeunpoignard

vers son père. « Tum’as dit que tu passais un accord à propos demonmariage ! Etmaintenant,

j’entendsparcecrétinquetuappellestonlieutenantquetunégociesunaccorddeterritoire?»

LebeauvisagedeBiankaétaittachetéderouge,sonexpressionvraimenttordue.Anatolyattira

l’attentiondeMotyaet lui lançaunregardd’encouragement.S’ilneposaitpas lesnouvellesrègles

immédiatement,ilétaitfoutu.

Motyaseraclalagorgeetseredressa.Sonpetitcorpsrondn’étaitriencomparéaucorpssvelte

deplusd’unmètre70desafille.Ils’éclaircitànouveaulagorge.«Anatolyetmoiavonspasséun

autreaccord.Iln’yaurapasdemariage.Tudevrastetrouverunmaritouteseule,Bianka.Deplus,je

vais t’acheter un appartement. Tu vas y emménager et vivre d’une allocation. Je paierai toutes les

facturesdelamaison,doncnet’enpréoccupespas,maistudevrasgérertonbudgetpourlereste.»

«Quoi?»LecrideBiankarésonnadanslesoreillesd’Anatoly.

«Tum’as bien entendu. »Motya se releva de sa chaise et glissa l’accord dans le dossier. Il

souritàAnatoly.«Jeprendsceciet jevais lesigner.C’estunplaisirdefairedesaffairesavectoi,

AnatolyZaretsky.»

«Demême,»réponditAnatolyavecunhochementdetêterespectueux.

Biankaluilançaundernierregardaavantdepartir.Elleétaittoujoursfurieuseenverssonpère.

Anatolysedemandas’ils’étaitenfindébarrasséd’elle,etsoupçonnaitquenon.

ChapitreVingt

Trisharegardaparlafenêtreducaféaucoindelaruedesesparents.Ellesesentaitvraiment

déprimée.Aprèsavoirdéclaréqu’elletrouveraitunjobetunappartement,illuiétaitrestélatâchede

vraimentfaireceschosesetdemettreaupointunplan.Çan’auraitpasnormalementétéunproblème,

saufqu’ellen’arrêtaitpasdepenseràAnatoly.

Elle entoura sa tassede café chaudedesmains et se remit à lire le journal étalé sur la table

devant elle. Elle avait déjà posé sa candidature pour une demi-douzaine de boulots et visité trois

appartements. Mais ce qu’elle ne parvenait pas à décider, c’était si elle était assez brave pour

retourneràMoscoutouteseule.

«Excusez-moi,Mademoiselle.»

Lavoixmasculinevenaitdederrièresondos.Elleseretournaetseretrouvafaceàfaceàun

beaujeunehomme,probablementlapetitetrentaine.Ilétaitpropreetbienhabillé.Enfait,ilavaitl’air

d’êtresurlepointdeserendreàl’église.C’étaitunmardimatin.Était-ilunbanquier?

Enfin,ellesedécidaàluirépondrequelquechose.«Jepeuxvousaider?»

«Jen’aipaspum’empêcherdevousremarquerassiseici.»L’hommebaissalesyeuxcomme

s’il avait peur de l’offenser. « Je vous ai déjà vue ici.Disons qu’ilm’a fallu quelques jours pour

rassemblerlecouragedevenirvousparler.»

«Etpourquoiça?»Qu’est-cequin’allaitpaschezelle?C’étaitunbelhommed’àpeuprès

son âge qui semblait en bonne santé et avoir un emploi. Elle devrait désirer ça.Mais elle avait le

sentiment étrange de ne pas pouvoir faire confiance à la situation. Alors, quel était vraiment le

problème?

«Puis-jevousoffriruneautretassedecafé?»demanda-t-il.

Trishapinçaleslèvres.«Lesrechargessontgratuites.Doncvouspouvezallerremplirmatasse

àl’appareil,sivousvoulez.»

«Ah,d’accord.»Legarssemblaitgêné.

Sesinstinctsluidisaientquecegarsavaitquelquechosedelouche.Suruncoupdetête,ellelui

parlaenrusse.«Pourquoiêtes-vousvenumeparler,vraiment?»

Ilhaussalessourcils.«Pardon,qu’est-cequevousdites?Jeneconnaispascettelangue.»

Elle lui lança un long regard soupçonneux. D’accord. Il n’était pas russe. Se creusant les

méninges,elleétudiaànouveausonapparence.Puisellecomprit.«Vousêtesunflic?»

«Quoi?»Sonregardbalayalapièce,évitantàtoutprixsonregard.

«OhmonDieu!»grognaTrisha.«C’estluiquivousaenvoyé,c’estça?Pasbesoindefaire

semblant.Cen’estpasvotrefautesimonpèreestuncrétin!»

Le mec avait l’air de vouloir se fondre au sol. « Il n’a pas vraiment eu besoin de me

convaincre,Trisha.Vousêtesunefemmemagnifique.J’aimeraisvraimentsortiravecvous.»

« Ouais, j’apprécie la flatterie, mais je ne fréquente pas de flics, » lui dit-elle en souriant.

«Alorsbonnechance.Vraiment.Maisjenesuispasintéressée.»

Ses jouessegonflèrentcommedesballons,et ilpoussaungrandsoupir.«Votrepèrevame

tuer.Vouslesavez,non?»

«Neleregardezpasdanslesyeuxetrappelez-vousqu’ilnefaitquedesmenacesenl’air.Et

évitez peut-être de lui dire que j’ai découvert le pot aux roses. Ça ne vous aidera pas. Dites-lui

simplementquejevousaiditquejesortaisdéjàavecquelqu’un.»

«Oh.»Ilsemblasoulagé.«C’estlecas?»

« En quelque sorte. » Elle posa les yeux sur le journal. Soudain, rien ne semblait plus

prometteur.Enfait,riendanscepaysneluisemblaitprometteur.

«Alorsbonnechance,Trisha.»Sonsupposé rendez-voushocha la têteet sourit.«Quiqu’il

soit,iladelachance.»

Elle ne répondit pas. Elle contempla plutôt les derniers jours à faire face aux tentatives

sournoisesdesonpèrepourvirersaviedansla‘bonnedirection’.Combiendetempsavantqu’ellene

devienneparano?Ellecesseraitdefaireconfianceàcequiluiarrivaitetsetracasseraitdesavoirsi

çaavaitétéorchestréparsesparentsbienintentionnésmaiscomplètementàcôtédelaplaque.

Trishamitsesmainssursonvisageetsemitàrire.C’étaittellementridiculequ’ellenesavait

pasquoifaireavec.

«Trisha?»

« Ecoutez, je vous ai déjà dit que je ne fréquentais pas de flics, » dit Trisha, s’apprêtant à

vraimentl’envoyerbouler.

Puisellelevalesyeuxetserenditcomptequelapersonnequisetenaitdevantellen’étaitpas

l’hommequesonpèreluiavaitenvoyé.

«Anatoly?»demanda-t-elle,complètementémerveillée.«Qu’est-cequetufaisici?»

Il prit doucement sa joue dans samain. « Je suis venu pour toi,malenkaya, » répondit-il en

russe.

Sontouchersuffitàlafairefondre.S’était-ellerenducomptequ’illuimanquaitautant?Tout

luisemblaittellementplusintenseavecluiàsescôtés.Sessentimentsrevinrentpercerlasurfaceen

rugissant,etellefutperduedansunmomentd’anticipation.

ANATOLYSEDEMANDAIT parfois s’il comprendrait un jour les femmes. Trisha semblait

trèsheureusede levoir.Pourtant,ellepleurait.Enfin, ilcroyaitqu’ellepleurait.Degrosses larmes

dégoulinaientdesesyeux.

«Trisha?»UnjeunehommeavecuncostumepascheretunecoupeenbrossetapaTrishasur

l’épaule.«Cethommevousdérange?»

«Quoi?»Ellefronçadessourcilsaujeunehomme.«Ecoutez,justeparcequemonpèrevous

a demandé de faire semblant de ne pas me connaître pour m’inviter à sortir avec vous ne vous

transformepasengardeducorps.»Trisha secouaundoigtdevant sonvisage.«D’abord, jepeux

m’occuperdemoi-même.Etensuite,voicimoncopain.»

Anatolyregardad’unairamusélejeunehommeleverlessourcilsdesurprise.«Cevoyouest

votrecopain?» Il regardaAnatolydespiedsà la tête.«Votrepèreestaucourantquevoussortez

aveccegars?Parcequejevousdis,Trisha,iln’estpasàvotrehauteur.»

«Vraiment. »Elle semblait agacée. Se relevant de table, elle posa l’index sur la poitrine du

jeunehommeetlerepoussad’uncran.«Vousvoulezdire,pasàlahauteurcommequandvousavez

mentiàproposdevosintentions?»

Intentions?Anatolyneputseretenirdelesinterrompre.IlparlaàTrishaenrussed’untonsec.

«Cemect’afaitdesavances?»

« Et pas des bonnes, » répliqua-t-elle. « Mon père lui a demandé de m’inviter à sortir, je

supposepourquejet’oublie.»

«Jenesuispascontentdeça,Trisha,»grognaAnatoly.«Ets’iltetoucheencoreunefois,je

vaisluiarracherlamain.»

«Calme-toi,»dit-elled’untonapaisant.«Jenesuispaspresséededevoirprotégeretnourrir

unautreégomasculin.»

« Parlez anglais, putain ! » gronda le jeune homme. « C’est vraiment grossier d’exclure

quelqu’unexprèsdevotreconversation.»

«Trèsbien,»ditAnatoly,seretournantpourfairefaceà l’homme.«Jedisaissimplementà

Trishaquesituposaisuneautremainsurelle,jelaretireraisdetoncorpsettelarenverraisdansune

boîte.»

«Cen’estpasexactementcequetuasdit,»taquina-t-elle.«Maisc’estl’idée.»

«Vouspensezquevousallezparvenir àmebotter le cul ?»Lesmanièresdu jeunehomme

atteignirentd’autressommetsincroyablesdestupiditétandisqu’ilfaisaitfaceàAnatoly.«Regardez-

vous!Ondiraitunputaindegratte-papier.»

«Qu’est-cequeçaveutdire?»AnatolyregardaTrishad’unairconfus.

Ellegloussa.«Ilveutdirequ’ilteprendpourunfaible.»

«Ilestsuicidaire?»grommelaAnatoly.«Etpourquoiest-ceque lesgensnecessentdeme

sous-estimerjusteparcequejesaiscommentacheteruncostumesurmesure?»Anatolyfitungeste

verslecostumebasdegammedujeunehomme.«Parcequejeneportepasdecostumeprêtàporter,

tupensesquejenesaispasmedéfendre.Quelimbécile!»

Trishanegloussaitplus.Ellesemarraittellementqu’ellepensaits’évanouirparmanqued’air.

Anatolys’interrompituninstantpourapprécierlavueetleson.Elleluiavaittellementmanqué.Son

humour, les piques débonnaires qu’elle lui lançait, et le fait qu’elle le traite comme une véritable

personne.Çan’avaitpasdeprixpourunhommetelquelui.

«Trisha.»Lejeunehommen’enavaitàl’évidencepasfinideseridiculiser.«Jepensequ’ilest

tempsd’yaller.Jevaisappelervotrepère.»

Ellepassaunbras sousceluid’Anatoly.« Jene saispasquellepartiede ‘voicimoncopain’

vousnecomprenezpas,maisvoicimoncopain,alorsdégagez.J’apprécielefaitquevousvouliezme

protéger,mêmesic’estparcequevousavezpeurquemonpèrevousarrachelapeaudescouillessi

vousrentrezluidirequevousavezéchoué.»

« C’est vraiment une possibilité, » avoua-t-il. « Vous ne voulez pas simplement

m’accompagner?»

«Allez-vous-en.»Anatolyenavaitsaclaque.«Malenkaya,allons-y.»

IlpritlamaindeTrishaetposasamainlibredanslecreuxdesesreins.Apparemment,lejeune

hommes’enindigna,parcequ’unesecondeplustard,ilavaitattrapélebrasdeVitaly.

Anatoly réagit instinctivement. Il tordit son avant-bras, brisant son emprise et faisant un arc

jusqu’àcequ’ilattrapesonassaillantetluitordelebrasderrièreledos.Quelquesinstantsplustard,

Anatolyavaittordulebrasdujeunehommecommeunbretzeletlemaintenaitimmobile.Ungeste,et

sonépauleseraitdéboîtée.

Touteactivitéavait cessédans lecafé.Tout lemondeavait lesyeux fixés surAnatolyet son

captif.

«Anatoly,»réprimandadoucementTrisha.«Tudoislaisserlegarçonpartir.Ilesttropconque

pourserendrecomptedesonerreur.»

«Alorsilmériteuneleçon,»argumentaAnatoly.«Etjenesuispasprêtàlelaissers’ensortir

aprèst’avoirmanquéderespect.»

«Anatoly.»Elletouchasajoueavecsesdoigts.«Allons-y.S’ilteplait?Çan’envautpasla

peine.»Ellepassaau russe.«Tun’aspas lapolicedans tapocheàCleveland.Monpèrebien.Ne

tentonspaslediable,d’accord?»

Anatolypoussaungrand soupir.Puis il fusilla le jeunehommedu regard.«Ne sous-estime

jamaistonennemi.Compris?»

«Ouimonsieur.»Lejeunehommesemblaitàboutdesouffle.

«Allez,» répétaTrisha.«Laisse-lepartir. Jepensequ’onadéjàsuffisammentd’ennuissans

ajoutercelui-lààlaliste.»

Anatolyéclataderire.Toutbienconsidéré,elleavaitraison.Cen’étaitpassongenredeprier

pour l’approbation de son père. Demander la permission n’était pas quelque chose qu’il pensait

nécessaire.MaisTrishas’indigneraitprobablementdesamanièrehabituelledeconvaincrelesgens.

Jetantlejeunehommesurlecôté,AnatolypritlebrasdeTrisha.«Allons-y,monamour.Ilest

tempsdeplanifiercequ’onvadireàtesparents.»

«Çavaêtregai,»marmonna-t-elle.«Maispromet-moidenepastenterdelesacheter.»

«Jenepeuxrienpromettre,»taquina-t-il.Etc’étaitvrai.Surtoutparcequ’ilferaittoutcequi

étaitensonpouvoirpourobtenircequ’ilvoulait.

ChapitreVingt-et-un

«Tuesvenueàpied?»Anatolyavaitl’airdedéchiffrerleshabitudescomportementalesd’une

autreespèce.«Pourquoi?Tun’aspasdevoiture?»

Ellelepoussadel’épaule.«Parcequecen’estmêmepasàquatrepâtésdemaison?»

Ilémitunbruitquiressemblaitàdudégoût.«Marcher,c’estpourceuxquinepeuventpasse

permettred’acheterunevoiture.»

«Puisquejesuissansemploi,jesupposequejesuisincluedanslelot.»

Anatolyrenifla.«Mafemmen’apasbesoindetravailler.»

«Pardon,maisest-ceque tum’asdemandéenmariageetque jen’aipasentendu?»Trisha

avaitl’impressionquesessourcilsallaientdécollerdesonfront.«Parcequejenemesouvienspas

d’avoirditoui.»

«Tuvasm’épouser.»Ilavaitl’airsatisfait.«Voilà.Voicimademande.»

«Désolée,l’ami,maisilvafalloirfairemieuxqueça.»

Il s’arrêta demarcher si rapidement queTrisha fut tirée en arrière par lamainqu’elle avait

passéesoussoncoude.L’expressionsursonvisageétaithorribleàvoir.Ilneressemblait tellement

peuà l’Anatolyconfiantetparfoisarrogantqu’elleavait l’habitudedevoirqueTrishasedemanda

quoifaire.

«Anatoly,qu’est-cequinevapas?»murmura-t-elle.

Puisilsemitsurungenou.«Jen’aijamaissuppliépourquoiquecesoit,TrishaCopeland,»

dit-ild’unevoixgrave.«Maissic’estcequ’ilfaut,alorsjetesupplieraidemedonnertamain.»

«Anatoly,tun’aspasbesoindesupplier.»Ellelerelevasursespieds.«Ilsuffitdedemander.»

«Veux-tum’épouser?»

Ellesejetaàsoncouetleserrasifortqu’ellepensaitêtreentraindel’étrangler.«Biensûrque

oui!Jesuisflattée,ethonoréeettoutça,maisaussiassezconfuse.EtBianka?»

Il se tournavers lamaisonde ses parents et se remit enmarche comme s’il avait besoinde

tempspourréfléchir.«J’aipasséunaccordavecsonpère.Nousavonsunetrêveetunaccordtacite

quifaitdenousdesalliés.»

«Et tu ne dois plus épouserBianka ? » Elle tentait toujours de comprendre la situation.Ça

semblaitbientropfacile.

« Non. » Il gloussa, balançant sa main dans un geste joueur qu’elle trouva affectueux. « Il

s’avère queMotya cherchait seulement à se décharger de son enfant mal élevé sur un mari sans

méfiance.»

Trishaéclataderire.«Jesupposequec’estunvraicauchemarpoursonpère.Ilestd’accord

quetunel’enaiespasdébarrassé?»

« On a trouvé une autre solution qui implique qu’il lui coupe les ressources et la force à

grandiretàprendresesresponsabilités.»Ilsemblaitsatisfaitparlatournuredesévènements.

Trishan’étaitpasconvaincue.«Ettupensesqu’ellevasimplementoubliersesplansd’êtrela

reinedelaville,ousesautresrêvesidiots?»

Anatolyhaussalesépaules.«Elleestàdesmillionsdekilomètresd’ici.Quelsennuispourrait-

ellecausermaintenant?»

Ilsapprochèrentdelamaisondesesparents,etTrishaluttapoursedébarrasserdumalaisequi

s’était installé dans son ventre. Elle n’arrivait pas à croire que le problème nomméBianka ait été

neutralisésansplusd’efforts.

Maispourl’instant,elledevaitseconcentrersurleproblèmesuivant.PrésenterAnatolyàses

parentsetannoncerleursfiançailles.

«Ok,laisse-moiparler.S’ilteplait?»Ellesetournapourluiparler,parlantenanglaiscarelle

étaittendueetçaluisemblaitplusfacile.«Jesaisquetudétestestefairebaladerparlesgens,maisje

suismieuxplacéepourgérermesparents.Ilssontvraimentdestêtesdemules.»

«Jenevaismêmepasdemanderlatraduction,»dit-ilsèchement.«Etoui.Jepeuxlabouclerle

tempsquedufassesfaceàtonpèreetàtamère.»

«Jeneniaispaslefaitquetuaiescettecapacité.Jet’encourageaisjusteàl’exercer.»Trishalui

prit lamainetouvrit laported’entréedesamaisond’enfance.«Maman?Papa? J’aimeraisvous

présenterquelqu’un.»

«Oh,allez,entrezetquelafêtesoitaucomplet!»

Trisha sourcilladechocenenregistrant le faitqueBiankaSokolov se tenaitdans son salon,

l’armebraquéesursesparents.C’étaitabsolumentirréeldevoirBianka,parfaitementcoiffée,debout

surletapiscrèmeimmaculédusalondesamère.

«Tuescenséeenleverteschaussures,»lâchaTrishaparréflexe.

Biankafronçalessourcilsdeperplexité.«Quoi?»

«Tumarchessurletapisdusalondemamèreavecteschaussuresdepétasse.Ellenepermetà

personnedeporterdeschaussuresdanslesalon.C’estgrossier.Cesera tafautesi tufaisdes trous

dansletapisavecceshorriblesescarpinsquetuportes.»

Du coin de l’œil, Trisha vit sa mère fermer les yeux, sa détresse évidente en entendant les

parolesdesafille.Oui.Cen’étaitvraimentpaslemomentdediscuterdechaussuresetdetapis,mais

TrishaenavaitmarredelaisserBiankasecroiretoutpermis.

«Jepensequejen’aijamaisentenduquelquechosedeplusridiculedetoutemavie!»répliqua

Bianka,amusée.«Tusaisquelestachesdesangserontbienpiressurleprécieuxtapisdetamèreque

meschaussures?»

«Tuasraison,»convintTrisha.«J’aidumalàimaginerquelleshorribleschosesontrouverait

danstonsang,espècedesorcière.Pourcequej’ensais,tusaignesdugoudron.»

Derrièreelle,elleentenditAnatolygémirdoucement.Oui.Elleétaitentraindeprovoquercette

folledingue,maisvraiment.Quelqu’undevaitremettrecettefemmeàsaplace.

«Tuessoittrèsbrave,soittrèsstupide.»L’expressionaigriedeBiankadisaitàTrishaqueses

insultestouchaientbienunecordesensible.

«Bianka,»avertitAnatolyd’unevoixgraveetferme.«Çanet’apporterapascequetuveux.»

«Commentpeux-tusavoircequejeveux?»criaBianka.«Tuasconvaincumonpèredeme

destituer ! Je suis sans ressources ! Cette allocation demisère ne durera pas une semaine, encore

moinsunmois!»

ANATOLY SE RENDIT compte qu’il avait gravement sous-estimé la férocité de la cupidité

matérielledeBianka. Il commençaà sedéplacerpour sepositionnerprudemmentdevantTrisha. Il

aperçutsonpèreducoindel’œil.Ilétaitassisdansunfauteuil,sondosraidecommeunpiquet,les

yeuxexaminantchaquechosequisepassait.Ilattendaituneopportunité.C’étaitévident.Samèreétait

complètement à l’opposé. Elle était complètement figée dans son fauteuil bergère. Il se demandait

comment Bianka les avait trouvés et était entrée chez eux.Malheureusement, Anatoly soupçonnait

savoircommentças’étaitpassé.

IlparlaàBianka,concentrantsonattentionsurlui.«Etqu’est-cequetuveux?»

«Jeveuxde l’argent ! Jeveuxdupouvoir. Jeveux toutça,et tuvasme lesdonner,oucette

pétasseetsesparentsvontypasser.Tucomprends?»LesyeuxdeBiankaexprimaientunelueurde

folie,suggérantqu’elleétaitcomplètementdéséquilibrée.

«D’accord.»AnatolyabandonnalasubtilitéetsemitdirectemententreBiankaetTrisha.«Et

commentveux-tuquejefasseça?Unversement?Outuveuxquejet’écriveunchèque?»

«Oh!»Biankacriadecolère.«Arrêted’agircommesitunemecroyaispas!»Ellebraquale

pistoletsurlamèredeTrisha.«Jevaistuercettefemme,etpuistusaurasenfinquejeneplaisante

pas!»

«Situtiressurcettefemme,çamedonneraamplementletempsdetetordrelecou,»grogna

Anatoly.«Nemelaissepascetteopportunité,Bianka.Braquel’armesurmoi,oujet’assassineraià

mainsnuesetjenesourcilleraipasenversanttonsangsurletapis.Jemecontenteraideluiacheterun

nouveautapis.»

Anatolyavaitpenséquelatensionavaitatteintseslimitesdanslapièce,maisBiankan’enavait

pasfini.Ellecommençaàtaperdupiedetàagitersauvagementl’armeenl’airenpiquantunecrisede

colère.Elle jurait etmaudissait en russe. Sonmajeur était pointé principalement dans sa direction.

Puisellebraquasonarmeetlevisa.

Aumomentoùilserenditcomptequelasituationallaitempirer,ilentendituncoupdefeu.La

balleheurta leplafond,entraînantunepetiteavalanchedeplâtras surBianka.Lebruit soudainétait

assourdissantdans lepetit salonfermé.Biankanes’yétaitpasattendu,parcequ’elle jeta l’armede

côtépoursecouvrirlesoreilles.

Le temps sembla s’arrêter tandis que tout tournait au ralentit et qu’Anatoly regardait l’arme

toucher le sol. Il plongeaversTrisha, la prenant dans sesbras et roulant au sol jusquederrière le

canapéjustequandlepistolet tiraunautrecoup.Lecanonflashaet laballesiffla.Ellerebonditsur

uneplaquemétalliquependueaumuravantdetoucherBiankaàlajambe.

Soncrifutsibruyantqu’Anatolyauraitjurévoirlesfenêtrestrembler.Lesonétaitpirequele

coupdefeu.Roulantens’éloignantdeTrisha,ilatteignitlepistoletaumêmemomentquelepèrede

Trisha.

« Ne t’avise même pas, criminel ! » Jonathan Copeland prit l’arme dans sa paume avec la

pratiqued’unhommequiavaitpassétoutesavieàlefaire.

«Papa,non!»Trishabonditsursespiedsettentadesepositionnerentreeux.

AnatolypassaunbrasautourdelatailledeTrishaetlatiraderrièrelui.«Non,malenkaya!Je

neveuxpasteblesser.»

«Ilvatetueretdirequ’ellel’afait,»sanglotaTrisha.«J’ensuissûre.»

«Parleanglais,putain!»criaCopeland.«Sijenecomprendspas,jevaisjusteappelerçala

légitimedéfenseetenfinir.»

Jusqu’alors,Anatolynes’étaitpasrenducomptequ’ilsparlaientenrusse.Il inspiraàfondet

tintTrishaderrièrelui.«Jedemandaisàvotrefilledenepasseblesserensemettantdanslalignede

tir.»

«Trisha,appellele911,»ordonnaCopeland.«Jevaistuercetenfoiréetlefairesortirdenos

viesunefoispourtoutes.»

DeslarmescoulaientsurlevisagedeTrisha.«Non!Situletues,jenetepardonneraijamais.

Jamais.Tucomprends?Jequitteraicettemaisonsurlechamp,etvousnemereverrezjamais.»

Samèreémitunpetitcrid’horreur.Àterre,AnatolyvitBiankas’apprêteràserelevercomme

si elle allait tenter de s’enfuir. Avant qu’Anatoly ne puisse l’avertir, Bianka saisit la jambe de

Copeland.

L’hommesursautadechocetlecoupdefeupartittoutseul.Laballeperçal’épauled’Anatoly

departenpart,laissantunéclairdedouleurdanssonsillage.Ilseretourna,paspours’enfuir,mais

pours’assurerqueTrishan’étaitpasblessée.

Pendantcetemps,CopelandfrappafurieusementBiankaavecsabotte.Lecoupportéàlatête

lui fit perdre conscience.Mais ça ne fit rien pourmettre fin à la confrontation entre Copeland et

Anatoly.

«OhmonDieu!Tuesblessé!»gémitTrisha.Elletouchadoucementsonépaule.

Ilvoulaitluidired’arrêter,maisilsavaitqu’iln’avaitpasletempsdesesoucierd’uneblessure

superficiellequandsonpères’apprêtaitàluifaireexploserlatête.

«M.Copeland,»ditAnatolyd’unevoixcalme.Illevalesmainsenl’air,montrantqu’iln’était

pasarméetespérantquel’hommeretrouveraitsonbonsens.«Jecomprendsquevoussoyezfâchéet

confus.Maismetuern’estpaslasolution.»

«Papa,tudoisbaissertonarme.Maintenant!»suppliaTrisha.

Sonpèresemblaitfurieuxetconfus.Iljetaunœilverslafemmeévanouieàterre,etpuisàsa

fille.«Qu’est-cequej’aifait?»murmura-t-il.Puisilbaissasonarme.

ChapitreVingt-deux

Trishaenvoyaunregardnoiràsonpèretandisquel’ambulancierexaminaitlaplaiedel’épaule

d’Anatoly.«Monsieur,vousdevriezalleràl’hôpitalpourvousfaireexaminer.»

« Pouvez-vous bander la plaie ici ? » Anatoly semblait tout à fait décontracté, comme s’il

discutaitdetraiterunongleincarné.

«Oui.»L’ambulancierhochalatêteetcommençaàassemblersesaffaires.«Maisilvaudrait

mieuxfaireuneradioetassurerqu’iln’yapasdedommagesinternes.»

«Jeferaiçaenrentrant.Merci.»

Trisha tint lamaind’Anatolydans lasienne.Elle lamenaverssabouche, tellementsoulagée

quesablessurenesoitpasmortelle.«Tuessûrquetuvasbien?»

«Jevaisbien.»Ilfitungesteverssonpère.

Son père était assis à la table de la cuisine, la tête entre lesmains. Samère se tenait debout

derrièrelui,unbrasautourdesesépaules.Ilsparlaientparfoisàvoixbasse,maisilsavaientétépour

laplupartsilencieux.Danslapièced’àcôté,Trishapouvaitvoirlespoliciersetlesdétectivesqueson

pèreavaitréquisitionnéschezlui.Ilss’occupaientdeBianka.Ellecriaitcommeunputoisàproposde

laplaiedesajambe.

Un des détectives entra dans la cuisine pour faire son rapport à son père. « Ils doivent

l’emmeneràl’hôpital,Capitaine.»

« D’accord, » dit-il d’une voix sourde. « Faites-la surveiller. Et prenez son passeport. Je

demandequ’unjugelaconsidèrecommeunrisquedefuite.»

«Pasdeproblème.Pour autant qu’on en sache, elle est arrivée en jet privé.On l’amis à la

fourrière.»

Anatolysemblaseréveillerenentendantça.Enfaitilavaitl’airoutré.«Sonpèren’apasdejet

privé.Pouvez-vousvérifierlepropriétaire?Jesuissûrqu’elleaintimidéundemeséquipagespour

l’amenerici.Sic’est lecas, j’aimeraisdemanderleurretourà la libertépourqu’ilspuissentrentre

chezeux.Mondeuxièmeéquipagem’attendàl’aéroportavecmonjetprincipal.»

«Vousavezdeuxjets?»Sonpèresemblaitsidéré.

« Bien sûr. » Anatoly haussa les épaules. « Je dois parfois envoyer un membre de mon

personnel quand je suis occupé ailleurs. C’est plus facile de garder un autre jet plutôt que de se

préoccuperdesvolspublics.»

«Biensûr,»raillasonpère.«Apparemment,lecrimepaiebien.»

«Vousnem’aimezpas,»ditAnatolyplatement.«Mêmesijenecomprendspaspourquoi.J’ai

protégévotrefille.J’aimêmedéviél’attentiondeBiankadevotrefemme.»

«Vousavezamenécedangersurlepasdenotreporte!»criaCopeland.

Trishacommençaàprotester,maiselleremarquaensuitelamanièredontAnatolyregardaitson

père.Enfait,sonpèreavaituncomportementétrange.Ilnecessaitdegigotersursachaiseetavait

l’airmalà l’aise. Ilne la regardaitpasdans lesyeux,et il refusaitnetde regardersamère,cequi

attiral’attentiondeTrishaverssamère,sedemandantquelsecretilstaisaient.

«Maman,qu’est-cequisepasse?»demandaTrishacalmement.«Vousnouscachezquelque

chose.»

ANATOLYREGARDALAvieillefemmesetortillernerveusement.Elletentaitàl’évidencede

protégersonmari.Anatolysavaitdéjàcequi s’étaitpassé. Il sedemandas’ildevait juste luiéviter

l’horreuragonisantedelasituation.

«Ceque tamèreessaiede tedire,»ditAnatolyàTrisha.«C’estqueBianka lesacontactés

dans les dernières vingt-quatre heures pour leur offrir une sorte de marché. Ça impliquait

certainementdesedébarrasserdemoidanstavie.Alorsilsontacceptédelarencontreraujourd’hui

pendantquetuétaisjustementhorsdelamaison.PuisBiankaestarrivée,etleschosesnesesontpas

passéesaussibienqueprévu.»AnatolylevaunsourcilverslamèredeTrisha.«J’airaison?»

Sonsoulagementétaitpalpable.«Commentlesaviez-vous?»

«JeconnaisBianka,»dit-ilavecirritation.«Cettefemmeestuneputemanipulatricequiaun

motifpourmeblesseretblesserTrisha.Malheureusement, j’aisous-estiméjusqu’oùelle iraitpour

accomplirsonobjectif.»

«Ellesemblaitsidouceetserviable,»répliquasamèred’unetraite.«Etelleavaitunsi joli

sourire.Personnen’auraitpuimaginerqu’ellesoitsimeurtrière!»

Trisharenifla.«Ouais,elleaungenredecôtéDrJekylletM.Hyde,maman.Maispourquoi

avez-vousfaitçadansmondos?Çameblessedepenserquevousmefassiezaussipeuconfiance.»

Trishaseretournaverssonpère.«Papa,tuasfaitlamêmechose,encoreetencoremalgrétoutesles

foisoùjet’aidemandédemelaisserfairemavie.»

Sonpèreneréponditpas.Ilavaitl’airpâleetépuisé.Étrangement,Anatolypouvaitsympathiser

avec sa situation. Ilpensait savoir cequi était lemieuxpour sa famille,mais il avait eu tort.Et ça

auraitpufairedesvictimes.Çasecouaitl’intérieurd’unhommedevoirsesmeilleursplanstourner

audésastre.

«Anatolym’a demandé enmariage, papa, » annonça Trisha. « J’ai dit oui. Je t’aime.Mais

j’aime aussi Anatoly. Et si tu ne vois pas l’homme bon qu’il est après tout ce qui s’est passé

aujourd’hui, alors tu es un idiot et j’ai pitié pour toi. Je ne veux pas vous perdre, mais si vous

n’acceptezpasmonchoix,alorsc’estvotredécision.»

L’ambulancierenavaitterminéaveclebrasd’Anatoly.

AnatolyserelevaetpassadoucementunbrasautourdeTrisha.Ilétaitprêtàyaller.«Jeramène

Trishaavecmoi.Maintenant.Aujourd’hui.Vousêteslesbienvenuscheznous.Jevousenverraiunjet

privésivouslevoulez.MaisjenevaispaslaisserTrishacontinueràêtremanipuléeouintimidéeau

nomdesaprotection.»Anatolycherchalesbonsmots.«Vousnelavoyezpascommeelleestnon

plus, jepense.C’estunefemmefortequisaitcequ’elleveut.Elleaboncœur.Ellefaitdemoiune

meilleurepersonne.Enfait,jen’aijamaisrencontréquelqu’uncommeelle,etjedoisvousremercier

pourça.»

«Çanevapasvousempêcherdenousvolernotrefille,»marmonnaCopeland.

«Papa,arrête,»priaTrisha.«Nesoispasfâché.C’estcommeçaqueçasepasse.Lesenfants

grandissentetviventleurproprevie.C’estcequejeveux.MavieestàMoscou.J’adorecetendroit.Et

j’aimeAnatoly.»

Anatoly prit sa main et l’entraîna vers la porte. Il posa un baiser sur sa paume de main.

«Allons-y,monamour.»

«Etmesaffaires?»

Ilpinçaleslèvres.«Qu’est-cequetuveuxemmener?»

Puissonvisagesedurcitdedétermination.«Rien,cenesontquedesaffaires.»

TRISHAOBSERVALAvuehorsd’undeshublotsdujetalorsqu’ilsatteignaientunealtitudede

croisièrededixmillemètres.Lemonden’étaitquecielbleuetnuagesblancs.Çasemblaitsipaisible.

Ici,ellenedevaitpassesoucierdesesparents,oudecequisepasseraitàMoscou.Ilsplanaientdans

leciel.

«Tutesensbien,monamour?»Anatolys’assitàcôtéd’elle.

Elle remonta les jambessursonsiègeet seblottitcontre lui.C’étaitmerveilleuxd’êtreàses

côtés.«Jesuissiheureusequetusoisvenumechercher.»

Il lissa quelques mèches de ses cheveux hors de son visage. « J’ai été surpris que tu sois

partie.»

«Jel’airegrettépresqueaussitôt,maisj’étaistellementfâchée.Etj’étaisinquièteparcequeje

savaisquecequeYakovavaitditétaitvrai.TudevaispasserunaccordaveclesSokolov.»

« Je pense que Yakov a été surpris quand j’ai trouvé cette alternative pour ne pas épouser

Bianka.»

Trishaplaçasamaindanscelled’Anatolyets’émerveilladelatailleetdelaforcedesesmains.

«JenepensepasqueYakovtesous-estimeraànouveausurlesujetd’obtenircequetuveux.»

«Non.Probablementpas.»

«As-tuannoncéàMotyaSokolovquesafilleétaitemprisonnéepourtentativedemeurtreaux

USA?»

«Pasencore.»Anatolysemblaitmorose.

Trishasongeaàlasignificationdesonton.«Tusemblespresquetriste.Jepensequetuaimes

bienlevieilhomme.»

«Enfait,oui.Çam’asurpris,maisonapasmaldechosesencommun.Et jen’imaginepas

voirunefillecommeBianka.»

Trisharenifla,nesouhaitantpasquelepères’ensortecommeunevictimedanscemélodrame.

«Ilsontdûêtretrèsindulgentspourqu’elledevienneaussisordide.»

« Plus que probablement, » convint-il. « Est-ce que ça veut dire que nos filles seront des

sorcièresmatérialistesquinevoudrontqueplusd’argentetderessources.»

Trisha éclata de rire.Elle s’installa sur les genoux d’Anatoly et semit àmordiller sa lèvre.

«Ellespeuventessayer.Jeleurmettraiunefessée.»

«Ahoui?»

«Oui.»

Elle l’embrassa, fondant dans ses bras comme si elle ne pouvait en avoir assez. Il réagit

presqueinstantanément.Illapritdanssesbrasetl’attiraaussiprèsquepossiblejusqu’àcequ’iln’y

aitplusd’espaceentreeux.

«Trisha,jeveuxteprendre,»murmura-t-ilavecferveur.

«Ici?»

«C’estunavionprivé.Ilsnouslaisseronttranquille.»

«Oh,c’esttrèscoquin!»Ellefrissonnaàcettepensée.

Seremettantdebout,elledéboutonnasonjeansetlefitglisserlelongdesesjambes.Puiselle

enlevasaculotte.Latournoyantsurundoigt,ellel’envoyavolersurlarangéedesiègesderrièreelle.

S’agenouillantdevantsonfuturmari,Trishadétachasonpantalon.Ellesortitsabiteentreses

mains. Il bandait déjà. Elle le masturba quelques fois et il réagit en sifflant. Elle avait un millier

d’idéessurcequ’ellevoulaitfaire.Ellepouvaitlegoûter,oulesentirjouirdanssaboucheetavaler

sasemence.Maisau final, la seulechosequicomptaitétaitdes’unirpour raffermir le lienqui les

unissait.

Ellegrimpasursesgenouxetplanajusteau-dessusdesonentre-jambe.Illaregardadansles

yeux,etellefrissonnadudésirqu’ellevitserefléterdanssesyeux.C’étaitsibondesesentirdésirée

commeça.Etquandelle sentit sabitedure tiraillerdevant son trou trempé, elle trembla.C’était si

bon. Elle mouillait d’envie de lui. Sa chatte était enflée, et sa mouille si épaisse qu’elle couvrait

l’intérieurdesescuisses.

«Prends-moi,»dit-ild’unevoixrauque.«Maintenant,Trisha.Surlechamp.»

Ellebaissalamainetl’enveloppaautourdesabite.Plaçantsonglanddevantsoutrou,ellese

baissa sur son sexed’un seul coup.La sensationd’être remplie jusqu’à éclater la fit presque jouir

instantanément.C’étaitsibon!

Sesmainsseposèrentsurseshanches.Ill’aidaàtrouversonrythme.Elleplaçalesmainssur

son épaule, évitant soigneusement son bandage. En se balançant contre lui, elle sentit sesmuscles

internes se raidir tandis qu’elle approchait de l’orgasme. Il la regardait. Ce savoir lui envoya des

bouffées de chaleur. Cet homme incroyable, beau, puissant et fortuné la désirait, elle seule. Il ne

voulait pas faire d’elle samaitresse. Il ne la voulait pas pour quelquesmois ou années jusqu’à ce

qu’elleperdesonintérêt.Ilvoulaitl’épouseretvivresavieavecelle.

Rejetant la tête en arrière, Trisha laissa échapper un gémissement d’extase. Un orgasme

submergeasoncorps,etsoncorpssesentitfaibleaprèsavoirétécomblé.SiAnatolynel’avaitpas

tenue en place, elle se serait effondrée en arrière. Elle se pencha de tout son poids sur ses bras

puissant.Illatintenplacesursabiteavecsesmainssurseshanches.Underniercoupdereindanssa

chattetrempée,etellelesentitéjaculersasemencedanslesprofondeursdesoncorps.

«Magnifique,»murmura-t-il.«Etmienne.Tum’appartiens.»

«Oui,»convint-elle.«Tienne.»

«Prometsquetunem’abandonnerasplusjamais,»supplia-t-ildoucement.

Trishaseredressaetouvritlesyeux.Ellepritsesjouesentresesmainsetposasespoucessur

seslèvres.«Tum’appartiens.Jenevaispast’abandonner.Jetepromets.»

«Jesaisquecesontmesactionsquit’yontpoussé,»dit-ilàvoixbasse.«Jeteprometsqueje

netemanqueraijamaisplusderespectcommeça.»

Trisha sourit, et laissa échapper un petit gloussement amusé. « Je te crois. Mais si tu

recommences,jenepartiraipas.Jeteferaichierjusqu’àlafindetesjours.»

Epilogue

Deuxansplustard…

«Maman, je ne suis pas sûre d’aimer l’idée de laisser Papa etAnatoly dans lamême pièce

qu’Ana,»s’inquiétaTrisha.

Samèrebalayal’argumentdelamain.«Nesoispasbête.Cesdeuxhommesneferontjamais

rienpourtoucheràuncheveudelatêtedecebébé.»

Trishadevaitavouerquesamèreavaitsansdouteraison.Ladécisiondesesparentsdeneplus

luiparlerpourlapunird’avoirdécidéd’épouserunroidelamafiarussen’avaitduréquejusqu’àce

queTrisha tombe enceinte.Une fois la naissance de leur petite-fille, ils avaient reçu une demande

immédiatepourquelejetsoitenvoyéàClevelandpourlesemmener.Depuislors,ilsleurrendaient

visiteaumoinsquatrefoisparan.Etchaquevisiteétaitunpeumoinsinconfortable.Plutôt,sonpèreet

sonmarinesefusillaientplusduregardchacunàunboutd’unepièce.Àl’occasion,ilss’adressaient

mêmelaparole.

«Anatolysembleêtreunpapapoule,»commentasamère.

Trishahochalatêteenpréparantunplateaudejamboncoupépourledéjeunerdesonbambin.

«Oui.Ilchangelescouches,lanourritlanuitetluifaitprendresonbainaussisouventqu’illepeut.»

«Jenemerappellepasquetonpèreaitfaitceschosespourtoi,»ditsamèreenpréparantavec

nostalgielachaisehautepourlerepasdemidid’Ana.«Ilétaittoujourstellementoccupéautravail.

Lavien’étaitqu’àproposdepromotionsetdetravaildenuit.»

«Jesuisdésolée.»Trishanementaitpas.«Jenesauraispasimaginerêtreparentsansl’aide

d’Anatoly.»

Samèretouchasonépaule.«Tuaschoisiunbonmari.»

«Jepensaisquevousdétestiezcequ’ilétait.»

« Plus j’y pense, et plus jeme rends compte qu’Anatoly n’est pas très différent de tous les

policiers avec lesquels ton père travaille. Ils se font tous des faveurs, tirent des ficelles et trichent

quandlavieledemande.»

«Çaressembleàpeuprèsàlaversiond’Anatolydelamafia,»convintTrisha.«J’aitoujours

suqu’iln’étaitpascommelesautres.»

« Je supposequ’onaurait dû faire confiance à ton jugement, » avoua samère.Puis elleprit

Trishadanssesbrasetlaserracontreelle.«Jesuistrèsfièredetoi,mapetitefille.»

«Çaveutdirebeaucoupdetel’entendredire,»avouaTrisha.

«Tonpèrel’estaussi,»assurasamère.«Parfois,ilajusteplusdemalàledire.»

«Peut-être.»

Samèresepinçaleslèvres,pensive.«Jevaisappelerlesgarçonsetleurdirequeledéjeuner

estprêt.»

«Merci,maman.»Trisha regarda samèrequitter lacuisine, soulagéequ’elles s’entendentà

nouveaubien.Elleespéraitseulementpouvoirsentirquesonpèreacceptaitvraimentsonchoix.

ANATOLYENAVAIT un peumarre des regards noirs constants de son beau-père. Jonathan

Copeland donnait la douche à sa petite-fille Ana avec beaucoup d’amour et d’attention, tout en

fusillantAnatolyduregarddèsqu’illepouvait.

«Voussavez,»raillaAnatoly.«Cebébéacinquantepourcentsdemoienelle.»

«C’estlafilledemafille,»argumentalevieilhommetêtu.

Anatolyneselaissapasfaire.«C’estaussimafille.»

«J’auraisaiméquecesoitdifférent.»

«Alorselleneseraitpasquielleest,»fitremarquerAnatoly.

Anasouritdesonsouriredebébéédentéàsongrand-pèreet luicrevapresquelesyeuxavec

sespetitsdoigts.Anatolyaimaitsafemme,maisiln’avaitjamaiséprouvéquelquechosedeplusfort

quecequ’ilressentaitpourAna.Çaluiavaitdonnéunautreaperçuduvieilânedel’autrecôtédela

pièce.

«Jevouspardonne,voussavez,»ditAnatolycalmement.

«Pourquoi?»

«Pourvotrestupiditédenousavoirmis,Trishaetmoi,àrisqueeninvitantBiankadansvotre

maison.»Copelands’étaitmisàpostillonner,doncAnatolycontinuaàparler.«VousaimezTrisha

toutcommej’aimeAna.J’auraisfaitpareiletpluspourcontrer lesmenacesquipesaientsur lavie

d’Ana.Jenepeuxplusvousenvouloir.Mais jepeuxvousrappelerquesivousaimezvotrepetite-

fille,vousdevriezvraimentréparerlefosséquivousséparedesamère.»

«Quelfossé?»grondalevieilhomme.

«Celuiquilafaitparfoispleurerlanuit.»

AnatolyputvoirlemomentoùsesmotstouchèrentlecœurdeCopeland.Deslarmesperlèrent

auxyeuxduvieilhomme.Ilpoussaunsoupiretsereleva,portantlapetiteAnad’unanetdemicontre

sapoitrine.

Copelandinspirademanièresaccadée.«Vousêtesunbonpèreetvousvousoccupezbiende

votre famille. Je n’approuve pas ce que vous faites,mais je respecte un homme qui sait comment

gagnerdel’argentetprendresoindesafamille.»

«Merci.»Anatolyenavaitterminésurcesujet.

IlregardaCopelandporterlebébéjusqu’àlacuisineetlesuivit.Ilposalebébédanslachaise

hauteetpuistouchadoucementl’épauledesafille.Trishaseretourna,surprise.

«Qu’est-cequinevapas,papa?»

Copelands’éclaircitlagorge.«Jevoulaistedirequetut’esbiendébrouillée,petite.»

«Quoi?»

«Jedisquetuasfaitdebonchoix.Tuasunmariquit’aimeàlafolieetlapetitefillelaplus

adorable sur la planète. »Copeland avança pour prendreTrisha dans ses bras. « Et je suis désolé

d’êtresigrognon.»

«Papa,»ditTrishaavecleslarmesauxyeux.«Jemefichequetusoisunvieuxronchon.C’est

toutcequejevoulaist’entendredire.»

«Alorstupeuxl’entendremaintenant.»

Trishabalayalacuisineduregardjusqu’àleposersurAnatoly.Ellesouriaittellementqueson

cœurenflad’amour.Illuifitunclind’œiletfitunpetitgesteencourageantdesmains.

Elle se racla la gorge. Samère venait de revenir dans la cuisine, et elle se tourna vers ses

parents.«Jevoulaisvousdirequenousattendionsunautrebébé.»

« Quoi ? » Sa mère commença à sauter d’excitation. « Quelle bonne nouvelle ! C’est

merveilleux!»

CopelandseretournaetdonnaàAnatolyunhochementdetêted’approbation.«Félicitations…

fils.»

C’était unpeuétrange,mais c’était bon.Anatolyn’aurait jamaispu imaginerune telle chose

danssavie.Maisilétaitplusheureuxmaintenantqu’ilnel’auraitjamaiscrupossible.

Oui.Lavieétaitbelle.

LAFIN

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