l'exploitation des peintures en spray en
Post on 05-Jan-2017
288 Views
Preview:
TRANSCRIPT
-
Unicentre
CH-1015 Lausanne
http://serval.unil.ch
Year : (2015)
LEXPLOITATION DES PEINTURES EN SPRAY EN CRIMINALISTIQUE : MISE EN PLACE DUNE PROCDURE DE GESTION ET DE COMPARAISON DES SPECTRES INFRAROUGES LAIDE DES STATISTIQUES MULTIVARIES
Cyril Muehlethaler
Cyril Muehlethaler (2015) Lexploitation des peintures en spray en criminalistique : mise
en place dune procdure de gestion et de comparaison des spectres infrarouges laide
des statistiques multivaries
Originally published at : Thesis, University of Lausanne Posted at the University of Lausanne Open Archive. http://serval.unil.ch
Droits dauteur L'Universit de Lausanne attire expressment l'attention des utilisateurs sur le fait que tous les documents publis dans l'Archive SERVAL sont protgs par le droit d'auteur, conformment la loi fdrale sur le droit d'auteur et les droits voisins (LDA). A ce titre, il est indispensable d'obtenir le consentement pralable de l'auteur et/ou de lditeur avant toute utilisation d'une oeuvre ou d'une partie d'une oeuvre ne relevant pas d'une utilisation des fins personnelles au sens de la LDA (art. 19, al. 1 lettre a). A dfaut, tout contrevenant s'expose aux sanctions prvues par cette
loi. Nous dclinons toute responsabilit en la matire.
Copyright The University of Lausanne expressly draws the attention of users to the fact that all documents published in the SERVAL Archive are protected by copyright in accordance with federal law on
copyright and similar rights (LDA). Accordingly it is indispensable to obtain prior consent from the author and/or publisher before any use of a work or part of a work for purposes other than personal use within the meaning of LDA (art. 19, para. 1 letter a). Failure to do so will expose offenders to the sanctions laid down by this law. We accept no liability in this respect.
-
UNIVERSIT DE LAUSANNE
FACULT DE DROIT, DES SCIENCES CRIMINELLES, ET DADMINISTRATION PUBLIQUE
ECOLE DES SCIENCES CRIMINELLES
INSTITUT DE POLICE SCIENTIFIQUE
Prsente linstitut de Police Scientifique
de lUniversit de Lausanne par
-
Srie criminalistique LXV (65)
ISBN 2-940098-69-7
-
- i -
REMERCIEMENTS
Ce travail a t ralis lInstitut de Police Scientifique de lUniversit de Lausanne sous
la supervision de Madame la Professeure Genevive Massonnet. Le jury de ce travail tait
compos de Monsieur le Professeur Christophe Champod, vice-directeur de lInstitut de
Police Scientifique et prsident du jury, de Monsieur le Professeur Claude Roux, directeur
du dpartement forensique lUniversit Technologique de Sydney (UTS), de Monsieur le
Professeur Patrick Buzzini de lUniversit de Virginie Occidentale (USA), du Docteur Yves
Roggo, Manager contrle-qualit chez Hoffmann-La Roche (Ble), et de Monsieur le
Professeur Pierre Esseiva de lInstitut de Police Scientifique de lUniversit de Lausanne.
Je tiens dbuter ces remerciements par ma famille, qui a toujours t derrire moi
durant toutes ces annes. Mes parents, pour mavoir soutenu durant les annes dtudes,
durant mon anne passe en Australie, et durant ces cinq annes de thse. Vous avez
toujours t l. Jai galement pris un peu de retard dans lcriture du manuscrit afin de
pouvoir inclure Tho dans ces remerciements ;-) Merci Emilie et Valentin.
Merci galement tout le groupe microtraces : Line, Danny, Agathe, Marie, Andr, et
Michael. Merci pour lambiance au sein du groupe, les nombreuses discussions et
collaborations quon a eu durant ces annes. Un grand merci Virginie en particulier, qui
tait prsente toutes les tapes importantes de cette thse. Un grand merci pour ton
aide lachat, la prparation et la mesure des chantillons, et aussi pour mavoir
pouss et motiv quand jen avais besoin.
Le groupe interprtation pour tous les conseils et les nombreuses discussions sur
linterprtation des peintures en spray. Ces remerciements ne se limitent pas uniquement
cette thse mais galement tous les autres cas dont on a pu discuter durant ces
annes, que cela soit Proficiency Tests ou Expertises.
Une partie importante de ce travail aurait galement t impossible sans le soutien de
certaines personnes des Services Forensiques ou des SIJ de Suisse. Mes anciens collgues
de classe : Damien et Alban (VD), Stphane et Simon (NE), Pascal (JU) et Ema ( ? ;-)), qui
mont transmis beaucoup dinformations sur les cas graffitis recenss dans les diffrents
-
- ii -
cantons. Tous ces changes auraient galement t impossibles sans le Caf des
Bouchers, qui nous a accueillis chacune de nos runions de crise.
Je tiens remercier galement Mr. David Cordey (Inspecteur, Lausanne) et ses collgues
du groupe graffiti qui mont transmis de prcieuses informations sur les pratiques et sur
certaines statistiques des dlits recenss. Finalement la KAPO Thurgovie (Police
cantonale) et notamment Nathalie Meyer pour mavoir mis disposition le cas pratique
qui ma permis dillustrer la procdure mise en place.
Tous les collgues de lInstitut de Police Scientifique galement. Jai pass un tiers de ma
vie lIPS et ctoy normment de monde. Je narriverais pas faire une liste qui soit
suffisamment exhaustive. Un grand merci pour mavoir support chaque jour, chaque
pause, et chaque repas. Nino et le Vinci ne sont pas reconnus pour leur source de
motivation, mais vous avez tout de mme russi me garder de bonne humeur toutes
ces annes. Un grand merci vous tous qui vous reconnatrez.
Merci galement aux potes de la Tchaux. Merci pour nos petites vires devenues une
presque habitude chaque anne. Le meilleur moyen de se vider la tte aprs des
semaines passes devant lordi. Sans doute aussi la raison pour laquelle je revenais
encore plus motiv bosser. Ces vacances ont beaucoup compt pour moi durant ces 5
ans. Si un jour je vois ma thse la bibliothque, je lui fais la prise du tronc =)
Pour finir, un trs grand merci Liv. Tu as toujours t l pour me soutenir, me motiver et
mcouter parler de ma thse (linverse aussi parfois ;-)). Tu mas t dune aide norme
et je te remercie vraiment du fond du cur.
Merci tous.
-
- iii -
RSUM
La spectroscopie infrarouge (FTIR) est une technique de choix dans lanalyse des
peintures en spray (traces ou bonbonnes de rfrence), grce son fort pouvoir
discriminant, sa sensibilit, et ses nombreuses possibilits dchantillonnage. La
comparaison des spectres obtenus est aujourdhui principalement faite visuellement,
mais cette procdure prsente des limitations telles que la subjectivit de la prise de
dcision car celle-ci dpend de lexprience et de la formation suivie par lexpert. De ce
fait, de faibles diffrences dintensits relatives entre deux pics peuvent tre perues
diffremment par des experts, mme au sein dun mme laboratoire. Lorsquil sagit de
justifier ces diffrences, certains les expliqueront par la mthode analytique utilise, alors
que dautres estimeront plutt quil sagit dune variabilit intrinsque la peinture et/ou
son vcu (par exemple homognit, sprayage, ou dgradation).
Ce travail propose dtudier statistiquement les diffrentes sources de variabilit
observables dans les spectres infrarouges, de les identifier, de les comprendre et tenter
de les minimiser. Le deuxime objectif principal est de proposer une procdure de
comparaison des spectres qui soit davantage transparente et permette dobtenir des
rponses reproductibles indpendamment des experts interrogs.
La premire partie du travail traite de loptimisation de la mesure infrarouge et des
principaux paramtres analytiques. Les conditions ncessaires afin dobtenir des spectres
reproductibles et minimisant la variation au sein dun mme chantillon (intra-variabilit)
sont prsentes. Par la suite une procdure de correction des spectres est propose au
moyen de prtraitements et de slections de variables, afin de minimiser les erreurs
systmatiques et alatoires restantes, et de maximiser linformation chimique pertinente.
La seconde partie prsente une tude de march effectue sur 74 bonbonnes de
peintures en spray reprsentatives du march suisse. Les capacits de discrimination de la
mthode FTIR au niveau de la marque et du modle sont values au moyen dune
procdure visuelle, et compares diverses procdures statistiques. Les limites
infrieures de discrimination sont testes sur des peintures de marques et modles
identiques mais provenant de diffrents lots de production. Les rsultats ont montr que
-
- iv -
la composition en pigments tait particulirement discriminante, cause des tapes de
corrections et dajustement de la couleur subies lors de la production.
Les particularits associes aux peintures en spray prsentes sous forme de traces
(graffitis, gouttelettes) ont galement t testes. Trois lments sont mis en vidence et
leur influence sur le spectre infrarouge rsultant teste : 1) le temps minimum de
secouage ncessaire afin dobtenir une homognit suffisante de la peinture et, en
consquence, de la surface peinte, 2) la dgradation initie par le rayonnement ultra-
violet en extrieur, et 3) la contamination provenant du support lors du prlvement.
Finalement une tude de population a t ralise sur 35 graffitis de la rgion lausannoise
et les rsultats compars ltude de march des bonbonnes en spray.
La dernire partie de ce travail sest concentre sur ltape de prise de dcision lors de la
comparaison de spectres deux--deux, en essayant premirement de comprendre la
pratique actuelle au sein des laboratoires au moyen dun questionnaire, puis de proposer
une mthode statistique de comparaison permettant damliorer lobjectivit et la
transparence lors de la prise de dcision. Une mthode de comparaison base sur la
corrlation entre les spectres est propose, et ensuite combine une valuation
Bayesienne de llment de preuve au niveau de la source et au niveau de lactivit.
Finalement des exemples pratiques sont prsents et la mthodologie est discute afin
de dfinir le rle prcis de lexpert et des statistiques dans la procdure globale danalyse
des peintures.
-
- v -
SUMMARY
Infrared spectroscopy (FTIR) is a technique of choice for analyzing spray paint speciments
(i.e. traces) and reference samples (i.e. cans seized from suspects) due to its high
discriminating power, sensitivity and sampling possibilities. The comparison of the spectra
is currently carried out visually, but this procedure has limitations such as the subjectivity
in the decision due to its dependency on the experience and training of the expert. This
implies that small differences in the relative intensity of two peaks can be perceived
differently by experts, even between analysts working in the same laboratory. When it
comes to justifying these differences, some will explain them by the analytical technique,
while others will estimate that the observed differences are mostly due to an intrinsic
variability from the paint sample and/or its acquired characteristics (for example
homogeneity, spraying, or degradation).
This work proposes to statistically study the different sources of variability observed in
infrared spectra, to identify them, understand them and try to minimize them. The
second goal is to propose a procedure for spectra comparison that is more transparent,
and allows obtaining reproducible answers being independent from the expert.
The first part of the manuscript focuses on the optimization of infrared measurement and
on the main analytical parameters. The necessary conditions to obtain reproducible
spectra with a minimized variation within a sample (intra-variability) are presented.
Following that a procedure of spectral correction is then proposed using pretreatments
and variable selection methods, in order to minimize systematic and random errors, and
increase simultaneously relevant chemical information.
The second part presents a market study of 74 spray paints representative of the Swiss
market. The discrimination capabilities of FTIR at the brand and model level are evaluated
by means of visual and statistical procedures. The inferior limits of discrimination are
tested on paints coming from the same brand and model, but from different production
batches. The results showed that the pigment composition was particularly
discriminatory, because of the corrections and adjustments made to the paint color
during its manufacturing process.
-
- vi -
The features associated with spray paint traces (graffitis, droplets) were also tested.
Three elements were identified and their influence on the resulting infrared spectra were
tested: 1) the minimum shaking time necessary to obtain a sufficient homogeneity of the
paint and subsequently of the painted surface, 2) the degradation initiated by ultraviolet
radiation in an exterior environment, and 3) the contamination from the support when
paint is recovered. Finally a population study was performed on 35 graffitis coming from
the city of Lausanne and surroundings areas, and the results were compared to the
previous market study of spray cans.
The last part concentrated on the decision process during the pairwise comparison of
spectra. First, an understanding of the actual practice among laboratories was initiated by
submitting a questionnaire. Then, a proposition for a statistical method of comparison
was advanced to improve the objectivity and transparency during the decision process. A
method of comparison based on the correlation between spectra is proposed, followed
by the integration into a Bayesian framework at both source and activity levels. Finally,
some case examples are presented and the recommended methodology is discussed in
order to define the role of the expert as well as the contribution of the tested statistical
approach within a global analytical sequence for paint examinations.
-
- vii -
LEXIQUE
ACR Acrylique
ALK OPH Alkyde orthophthalique
ALK ISO Alkyde isophthalique
ALK TER Alkyde trphthalique
ASTM American Society for Testing and Materials (Socit amricaine des tests et matriaux)
AUC Area Under the Curve (Aire sous la courbe)
BS Barium Sulfate (Sulfate de Barium)
CARS Competitive Adaptive Reweighted Sampling
DA Discriminant Analysis (Analyse discriminante)
EMSC Extended Multiplicative Scatter Correction (Correction multiplicative tendue de la diffusion)
ENFSI European Network of Forensic Science Institutes (Rseau europen des instituts de sciences
forensiques)
EPG European Paint & Glass group (Groupe europen peinture et verre)
FTIR Fourier Transform Infrared Spectroscopy (Spectroscopie infrarouge transforme de fourier)
FN Faux ngatifs
FP Faux positifs
GA Genetic Algorithm (Algorithmes gntiques)
GCMS Gas Chromatography Mass Spectrometry (Chromatographie en phase gazeuse et spectromtrie de
masse)
HALS Hindered Amines Light Absorber (Stabilisant la lumire de type amine encombre)
HCA Hierarchical Clusters Analysis (Analyse hirarchique par clusters)
HPLC High Performance Liquid Chromatography (Chromatographie liquide haute performance)
LDA Linear Discriminant Analysis (Analyse discriminante linaire)
LR Likelihood Ratio (Rapport de vraisemblance)
MEL Mlamine
MSC Multiplicative Scatter Correction (Correction multiplicative de la diffusion)
MSP Microspectrophotomtrie
MUT Martens Uncertainty Test (Test dincertitude de Martens)
NCL Nitrocellulose
NIR Near Infrared (Proche infrarouge)
-
- viii -
Py-GCMS Pyrolyse Gas Chromatography / Mass Spectroscopy (Pyrolyse couple la chromatographie en
phase gazeuse et spectromtrie de masse)
PCA Principal Component Analysis (Analyse par composantes principales)
PLS Partial Least Squares (Moindres carrs)
POL Polyester
QDA Quadratic Discriminant Analysis (Analyse discriminante quadratique)
RMSEC Root Mean Squared Errors of Calibration (Erreur quadratique moyenne de calibration)
RMSEV Root Mean Squares Errors of Validation (Erreur quadratique moyenne de validation)
ROC Receiver Operating Characteristic (Fonction defficacit du rcepteur)
RSD Relative Standard Deviation (Dviation standard relative)
SEM-EDX Scanning Electron Microscope Energy Dispersive X-Ray Spectroscopy (Microscope lectronique
balayage spectroscopie de rayons X dispersion dnergie)
SIMCA Soft Independent Modeling of Class Analogies (Modlisation indpendante des analogies de classes)
SNV Standard Normal Variate (Variable normale standard)
STY Styrne
SVD Singular Value Decomposition (Dcomposition en valeurs singulires)
SVM Support Vector Machine (Machine vecteurs de support)
SWGMAT Scientific Working Group on Materials science (Groupe de travail scientifique des sciences des
matriaux)
UR Urthane
UVA Ultra-Violet Absorber (Absorbeur ultra-violet)
VN Vrais ngatifs
VP Vrais positifs
XRF X-Ray Fluorescence (Fluorescence de rayons-X)
-
- ix -
TABLE DES MATIRES
Chapitre 1 Problmatique et buts de la recherche ...................................................................................... 1
1.1 Lanalyse forensique des peintures en spray ................................................................................... 1
1.2 Orientation du travail ....................................................................................................................... 4
1.2.1 Problmatique gnrale .......................................................................................................... 4
1.2.2 Problmatique des donnes spectroscopiques ...................................................................... 9
1.3 Objectifs du travail ......................................................................................................................... 12
1.4 Structure de la thse ...................................................................................................................... 14
Chapitre 2 Cadre thorique ....................................................................................................................... 17
2.1 Les peintures en Sciences Forensiques .......................................................................................... 17
2.1.1 Composition .......................................................................................................................... 18
2.1.2 Production ............................................................................................................................. 23
2.1.3 Vieillissement et dgradation ............................................................................................... 24
2.2 Lanalyse des peintures en sciences forensiques ........................................................................... 27
2.2.1 Exploitation ........................................................................................................................... 27
2.2.2 Spectroscopie Infrarouge ...................................................................................................... 29
2.3 Lapport des mthodes multivaries ............................................................................................. 31
2.3.1 Principal Component Analysis (PCA) ..................................................................................... 33
2.3.2 Analyse hirarchique par clusters ......................................................................................... 38
Chapitre 3 Optimisation de la mthode analytique FTIR ........................................................................... 43
3.1 Lorigine de la variabilit dans les spectres FTIR ............................................................................ 43
3.1.1 Thorie FTIR - Interaction lumire vs matire....................................................................... 43
3.1.2 Appareillage et instruments FTIR .......................................................................................... 48
3.1.3 Contrles de qualit et performances .................................................................................. 56
3.1.4 Appareillage utilis dans le cadre du travail ......................................................................... 58
3.2 Les principaux types derreurs ....................................................................................................... 59
3.2.1 Erreurs alatoires .................................................................................................................. 60
3.2.2 Erreurs systmatiques ........................................................................................................... 62
3.2.3 Remarques gnrales ............................................................................................................ 64
3.3 Limiter la variabilit lors de la mesure ........................................................................................... 64
3.3.1 Design Experimental Design factoriel fractionn ............................................................... 65
3.3.2 Rsultats FTIR ........................................................................................................................ 69
3.4 Conclusion ...................................................................................................................................... 86
-
- x -
Chapitre 4 Corriger la variabilit prsente dans les spectres ..................................................................... 93
4.1 Les prtraitements ......................................................................................................................... 93
4.1.1 Drives spectrales ............................................................................................................... 94
4.1.2 Correction de la diffusion ...................................................................................................... 94
4.1.3 Choix du meilleur prtraitement ........................................................................................... 96
4.2 La slection de variables .............................................................................................................. 108
4.2.1 Critre dcisionnel .............................................................................................................. 110
4.2.2 Mthodes manuelles ........................................................................................................... 111
4.2.3 Mthodes squentielles ...................................................................................................... 112
4.2.4 Mthodes stochastiques ..................................................................................................... 113
4.2.5 Choix de la meilleure technique de slection de variables ................................................. 114
4.3 Conclusion .................................................................................................................................... 128
Chapitre 5 La discrimination des peintures au niveau de la marque et du modle .................................. 131
5.1 Les tudes de population dans le domaine des peintures en spray ............................................ 132
5.1.1 Lapport des statistiques multivaries ................................................................................ 134
5.2 Construction du set de donnes .................................................................................................. 136
5.3 Mthodes chimiomtriques ......................................................................................................... 140
5.3.1 Techniques non-supervises (Exploratoires) ...................................................................... 140
5.3.2 Techniques supervises (Classification) .............................................................................. 140
5.3.3 Validation des mthodes statistiques ................................................................................. 142
5.4 Rsultats ...................................................................................................................................... 144
5.4.1 Etude exploratoire des peintures ........................................................................................ 144
5.4.2 Classification des peintures ................................................................................................. 158
5.5 Application une procdure comparative forensique ................................................................ 163
5.6 Conclusion .................................................................................................................................... 165
Chapitre 6 La discrimination des peintures au niveau du lot de production ............................................ 167
6.1 Les particularits de la discrimination au niveau des lots de production .................................... 168
6.2 Etude de lots de production de peintures en spray ..................................................................... 169
6.2.1 Lhomognit des peintures en spray ............................................................................... 171
6.2.2 La variabilit des lots de peintures en spray ....................................................................... 179
6.2.3 Lutilisation des pigments dans la production des peintures .............................................. 188
6.3 Le Projet Batch (ENFSI) ................................................................................................................ 189
6.3.1 Rsultats .............................................................................................................................. 190
6.3.2 Comparaison des techniques .............................................................................................. 195
6.4 Conclusion .................................................................................................................................... 198
-
- xi -
Chapitre 7 La gestion des traces .............................................................................................................. 201
7.1 Les particularits lies aux traces de peinture ............................................................................. 201
7.1.1 Influence du support ........................................................................................................... 202
7.1.2 Effets environnementaux .................................................................................................... 204
7.2 Tests de dgradation des peintures en spray sur des supports diffrents .................................. 210
7.2.1 Dgradation physique ......................................................................................................... 212
7.2.2 Dgradation chimique ......................................................................................................... 214
7.2.3 Influence du type de support .............................................................................................. 224
7.2.4 Etudes complmentaires..................................................................................................... 228
7.3 Les traces provenant de graffitis .................................................................................................. 230
7.3.1 Rsultats .............................................................................................................................. 232
7.3.2 Les donnes statistiques des bonbonnes squestres ....................................................... 236
7.3.3 Recherche de sources potentielles laide des bases de donnes ..................................... 236
7.4 Conclusion .................................................................................................................................... 238
Chapitre 8 La comparaison des spectres et leur valuation dans des cas pratiques ................................ 243
8.1 La situation actuelle ..................................................................................................................... 243
8.1.1 Questionnaire Survey on Infrared Spectral Comparison ............................................ 245
8.2 La comparaison des spectres un compromis entre objectivit et opinion dexpert ................. 262
8.3 Les mthodes statistiques de comparaison ................................................................................. 264
8.3.1 Modles bass sur le Likelihood Ratio (LR) ......................................................................... 264
8.4 Application aux donnes infrarouges de peintures en spray....................................................... 268
8.4.1 Ajustement des courbes de distribution aux populations .................................................. 272
8.4.2 Evaluation des courbes de distribution pour diverses populations .................................... 284
8.4.3 Recouvrement des courbes de distribution ........................................................................ 298
8.4.4 Evaluation du Likelihood Ratio ............................................................................................ 305
8.4.5 Procdure standard de traitement statistique des spectres ............................................... 311
8.5 Conclusion .................................................................................................................................... 316
Chapitre 9 Application la gestion de cas pratiques ............................................................................... 319
9.1 Application aux donnes du questionnaire survey on infrared spectral comparison ............ 319
9.1.1 Casus #1 .............................................................................................................................. 320
9.1.2 Casus #2 .............................................................................................................................. 321
9.1.3 Casus #3 .............................................................................................................................. 324
9.1.4 Casus #4 .............................................................................................................................. 325
9.1.5 Casus #5 .............................................................................................................................. 326
9.2 Application un test de comptence .......................................................................................... 327
-
- xii -
9.2.1 Contexte .............................................................................................................................. 327
9.2.2 Rsultats .............................................................................................................................. 327
9.2.3 Lapport des statistiques multivaries ................................................................................ 329
9.3 Application un cas pratique ...................................................................................................... 337
9.3.1 Contexte .............................................................................................................................. 337
9.3.2 Mission ................................................................................................................................ 338
9.3.3 Procdure suivie .................................................................................................................. 338
9.3.4 Rsultats .............................................................................................................................. 338
9.3.5 Lapport des statistiques multivaries ................................................................................ 343
9.4 Conclusion .................................................................................................................................... 361
Chapitre 10 Discussion finale .................................................................................................................. 363
10.1 Discussion finale ...................................................................................................................... 363
10.2 Perspectives ............................................................................................................................. 374
Chapitre 11 Conclusion ........................................................................................................................... 377
Chapitre 12 Bibliographie ....................................................................................................................... 379
-
- xiii -
Liste des travaux associs la thse
Articles
C.Muehlethaler, G.Massonnet, P.Esseiva, Discrimination and classification of FTIR spectra of red, blue and green spray paints using a multivariate statistical approach, Forensic Science International 244 (2014) 170-178.
C.Muehlethaler, G.Massonnet, P.Buzzini, Influence of the shaking time on the forensic analysis of FTIR and Raman spectra of spray paints, Forensic Science International 237 (2014) 78-85.
G.Massonnet, L.Gueissaz, C.Muehlethaler, Paint Interpretation, Wiley Encyclopedia of Forensic Sciences, edited by A.
Jamieson & A.A. Moenssens. John Wiley and Sons (2014).
C.Muehlethaler, G.Massonnet, M.Deviterne, M.Bradley, A.Herrero, I.Diaz de Lezana, S.Lauper, D.Dubois, J.Geyer-Lippmann, S.Ketterer, S.Milet, M.Bertrand, W.Langer, B.Plage, G.Gorzawksi, V.Lamothe, L.Marsh, R.Turunen, Survey on batch-to-batch variation in spray paints: a collaborative study, Forensic Science International 229 (2013) 80-91.
C.Muehlethaler, L.Gueissaz, G.Massonnet, CHEMISTRY/TRACE Forensic Paint Analysis, Encyclopedia of Forensic Sciences Second Edition, edited by J. Siegel & P. Saukko. Waltham: Academic Press (2013) pp. 265-272.
C.Muehlethaler, G.Massonnet, P.Esseiva, The application of chemometrics on infrared and raman spectra as a tool for the forensic analysis of paints, Forensic Science International 209 (2011) 173182.
Prsentations orales
C.Muehlethaler, G.Massonnet, Spray paints examination and multivariate statistics: the benefits of a common approach, Prsentation orale, 10
th Annual Meeting of European Paint and Glass Group, ENFSI, Coventry, United
Kingdom (2014).
C.Muehlethaler, G.Massonnet, The benefits of multivariate statistics for handling spray paint cases. Prsentation orale, 22
nd International Symposium on Forensic Sciences, Australian and New Zealand Forensic Science Society, Adelaide,
Australia (2014).
C.Muehlethaler, G.Massonnet, P.Buzzini, Forensic spray paint analysis: homogeneity and stability of batch production. Prsentation orale, 2
nd doctoral summer school in forensic science and criminology, Zermatt, Suisse (2013).
C.Muehlethaler, G.Massonnet. Reducing the variability in infrared spectra of spray paints for forensic purposes. Prsentation orale, Confrence Chimiomtrie 2012, Lille, France (2012).
C.Muehlethaler, G.Massonnet, M.Deviterne-Lapeyre, M.Bradley, S.Milet, M.Bertrand, W.Langer, J.Geyer Lippmann, S.Lauper, L.March, S.Ketterer, R.Turunen, V.Lamothe, A.Herrero, I.Diaz de Lezana. Paints: Survey on batch-to-batch variations 2011. Prsentation orale, 17
th Annual Meeting of European Paint and Glass Group, ENFSI, Vilnius, Lithuania
(2011).
Autres publications
D.Lambert, C.Muehlethaler, L.Gueissaz, G.Massonnet, Raman analysis of multilayer automotive paints in forensic
science: measurement variability and depth profile, Journal of Raman Spectroscopy, 45, 11-12 (2014) 1285-1292.
C.Conti, J.Striova, I.Aliatis, E.Possenti, G.Massonnet, C.Muehlethaler, T.Poli, The detection of Copper Resinate pigment in works of art: contribution from vibrational spectroscopy, Journal of Raman Spectroscopy, 45, 11-12 (2014) 1186-1196.
-
- 1 -
Chapitre 1
PROBLMATIQUE ET BUTS DE LA
RECHERCHE
Ce premier chapitre prsente les raisons et les enjeux qui ont conduit la
ralisation de ce travail. Une premire partie expose la procdure usuelle
danalyse des peintures en spray telle quelle est effectue en Science
Forensique, puis la problmatique associe plus particulirement aux
donnes spectroscopiques. Les objectifs du travail sont ensuite prsents, et
les diffrents chapitres constituant ce manuscrit dtaills.
1.1 LANALYSE FORENSIQUE DES PEINTURES EN SPRAY
Lanalyse forensique de peintures en spray est souvent conscutive aux actes de
vandalisme ou de dommages la proprit. Lorsque des graffitis ( tags ) ou inscriptions
murales sont observs sur des murs ou objets, le ls peut dposer plainte dans le but
douvrir une procdure judiciaire. Bien que certains considrent cela comme une forme
dart ou un moyen dexpression, les cots de remise en tat sont non ngligeables et
reprsentent la principale motivation au moment de dposer une plainte. Pour certaines
compagnies publiques comme les Chemins de Fer Fdraux (CFF), cela reprsente des
sommes importantes: plus dun million et demi de francs sont allous chaque anne la
rparation des dgts. Une fois lenqute ouverte, le but est principalement didentifier le
(les) auteur(s), et de lier les cas entre eux sur la base de la signature, du motif, ou de la
couleur des graffitis.
-
- 2 -
Dans ces situations, lanalyse des peintures reprsente lun des meilleurs moyens de relier
plus spcifiquement un graffiti une personne ou une bonbonne de peinture en spray
squestre. Le lien entre un suspect et un graffiti peut tre indirect, par le biais dune
bonbonne de peinture en spray squestre chez ce dernier. Il peut galement tre direct,
par transfert de peinture sur les habits ou la peau de lauteur. La procdure habituelle
implique une comparaison dune peinture indiciaire prleve directement sur le graffiti
avec une ou plusieurs bonbonnes de comparaison squestres chez un suspect ou
retrouves sur les lieux, ou encore des gouttelettes de peinture retrouves sur les habits
du suspect et qui sont conscutives au sprayage.
Pour lexploitation des peintures en criminalistique, de nombreuses techniques
analytiques sont utilises en laboratoire, notamment afin de dfinir les proprits
physico-chimiques de la peinture. La plupart des mthodes utilises actuellement ont
connu un dveloppement important durant les dernires dcennies, et sont aujourdhui
utilises en routine dans les laboratoires. Leur utilisation courante a permis didentifier un
certain nombre de limitations.
Les peintures sont des matriaux extrmement htrognes, consistant principalement
en un mlange complexe dingrdients organiques et inorganiques. Il est ds lors
ncessaire dutiliser un nombre important de techniques diffrentes afin de caractriser
leur composition. Parmi ces dernires, la spectroscopie infrarouge est sans doute la plus
utilise en routine. En plus de fournir de prcieuses informations sur la composition
chimique elle est trs discriminante et permet de facilement distinguer deux peintures
diffrentes. Lorsquelle est associe dautres techniques telles que la spectroscopie
Raman ou la Pyrolyse GC/MS (Py-GC/MS), on obtient une squence danalyse trs
puissante permettant de distinguer des chantillons chimiquement proches.
Un exemple typique danalyse de peinture sur des graffitis laide de spectroscopie
infrarouge est rsum en Figure 1.1. Des chantillons sous forme de traces des
abrasions prleves dun mur et/ou des gouttelettes retrouves sur des habits sont
compars des chantillons de rfrence, produits partir de bonbonnes de spray. Les
spectres infrarouges mesurs peuvent permettre de distinguer les chantillons
-
- 3 -
prsentant des compositions chimiques diffrentes et donc dexclure une possible source
commune.
Figure 1.1 : Exemple typique danalyse de peinture telle quelle est actuellement effectue dans les laboratoires. Source des images : cas pratiques traits lIPS et internet (www.google.com).
Dans lexemple illustr, lune des tapes les plus dlicates de la procdure concerne la
comparaison des spectres infrarouges, et notamment les critres de dcision quant leur
ventuelle diffrenciation. Cette phase se base sur la prsence/absence de pics (notion
qualitative), ainsi que les ventuelles diffrences dintensits relatives entre ces derniers
(notion semi-quantitative). Il sagit dune tape mene visuellement, ce qui implique une
part de subjectivit lors de la prise de dcision. Toute dcision repose donc sur les choix
de lexprimentateur, qui justifie gnralement sa dcision sur la base de la littrature
disposition ou de son exprience personnelle.
Cest dans ce cadre et selon cette problmatique principale que sinscrit ce travail. Le but
de ce manuscrit est de prsenter une approche alternative des critres de dcision
appliqus lanalyse des peintures, laide des possibilits offertes par le traitement
statistique des spectres. Lanalyse statistique des donnes chimiques (chimiomtrie), et
notamment les possibilits de calcul informatiques, ont les moyens dapporter une
confirmation et une justification plus objective et plus transparente aux notions
Comparaison visuelle des
spectres
-
- 4 -
subjectives de la comparaison visuelle. Le but principal est dainsi amliorer
linterprtation des rsultats analytiques et supporter la formulation des conclusions.
1.2 ORIENTATION DU TRAVAIL
1.2.1 Problmatique gnrale
Considres dans leur ensemble, les sciences forensiques comportent principalement
deux axes de dveloppement et de recherche. Un premier axe analytique, qui comprend
toutes les nouvelles mthodes instrumentales, les dveloppements dans la gestion et le
traitement des traces et tout ce qui concerne le travail en laboratoire ou sur les lieux.
Le deuxime intervient plus tard dans le processus et concerne lvaluation et
linterprtation des rsultats. Il sagit dun domaine trs vaste qui couvre le traitement
statistique des donnes ainsi que la formulation des conclusions. Ce domaine est trs
important, puisque ce sont les conclusions, et surtout la manire dont elles sont
formules, qui seront transmises au magistrat et lui seront utiles pour la prise de dcision
(jugement).
Appliqus plus particulirement au domaine des peintures, ces deux axes de recherche
ont connus des volutions distinctes. Afin dillustrer cela, une recherche a t effectue
laide de mots-cls parmi les 5 journaux les plus rputs et spcialiss en Sciences
Forensiques1. A cela il faut rajouter toutes les publications peintures dans dautres
journaux analytiques, non spcialiss en sciences forensiques, qui ne sont pas inclus dans
ce chiffre. Alors que lvolution des publications analytiques ou instrumentales sest faite
de manire constante avec une moyenne de 2 articles par anne durant les dernires
dcennies (Figure 1.2), les publications sur linterprtation ou lvaluation des rsultats se
sont stabilises et ont connu un dveloppement beaucoup moins important. Il semble
quune fois les principes gnraux dicts, les dveloppements supplmentaires dans le
domaine ont t minimaux.
1 Science & Justice (anciennement Journal of the Forensic Science Society), Forensic Science International, Journal of Forensic Sciences, Journal of the Canadian Society of Forensic Sciences.
-
- 5 -
Figure 1.2 : Evolution des publications lies aux peintures durant les 50 dernires annes. Deux catgories sont compares : a) celles traitant de linterprtation et de lvaluation des rsultats, et b) celles traitant des techniques
analytiques et des dveloppements instrumentaux.
Toutefois dans la pratique ces deux domaines de recherche sont importants. En effet,
suite aux examens et la procdure de comparaison entre chantillons, deux types de
rapports peuvent tre fournis aux magistrats ou services de police [1]. Premirement un
rapport analytique, prsentant les rsultats chimiques uniquement et se basant sur une
conclusion du type les chantillons sont analytiquement (in-)diffrentiables .
Deuximement, lorsque les lments et les circonstances le permettent un rapport
dexpertise (valuatif) peut tre fourni. Ce dernier se base sur une approche logique et
tente dexpliquer les rsultats analytiques selon deux hypothses alternatives [2]. Une
interprtation de ce type fait intervenir de nombreux paramtres tels que la frquence
dapparition des caractristiques de la peinture (niveau source), ainsi que leur prsence
en bruit de fond, leur transfert et leur persistance (niveau activit). Elle est donc
beaucoup plus complexe traiter quune conclusion de type analytique, mais permet
galement de fournir des rsultats plus informatifs aux mandants (magistrats ou corps de
police). Toutes ces tapes lies linterprtation ncessitent de nombreuses recherches
fondamentales afin dtre applicables en pratique et cest actuellement ce qui fait dfaut
au domaine de lanalyse des peintures.
Pour cette raison, les conclusions dun rapport dans le domaine des peintures restent
dans la plupart des laboratoires limites aux informations analytiques. Les experts
voulant fournir des rapports interprtatifs se confrontent principalement aux
problmatiques suivantes :
-
- 6 -
- Les casus et expertises dans le domaine des peintures font appel de nombreuses
techniques utilises en squence, et il est difficile de combiner ces rsultats de
manire objective. La solution serait de les traiter sparment, ce qui demande
davantage de temps et de ressources consacrer linterprtation des rsultats.
- La discrimination des peintures par les diffrentes techniques analytiques fait
principalement appel lavis personnel de lexprimentateur, ses connaissances,
et son exprience dans le domaine. Le manque de connaissances sur les limites
de discrimination, comme par exemple entre des lots de production diffrents,
conduit des divergences dans lvaluation des rsultats analytiques.
- Lutilisation du thorme de Bayes pour valuer lindice ncessite de comprendre
et deffectuer des recherches sur les paramtres de transfert, persistance, bruit de
fond et frquence dapparition des peintures. Bien que certaines tudes se soient
intresses ce sujet pour des problmatiques particulires [3], elles constituent
des cas isols et il est difficile de gnraliser les principes des peintures en spray,
domestiques, et automobiles (multi-couches).
Actuellement, la pratique au sein des laboratoires nous montre quune valuation
chiffre peut aussi tre obtenue en justifiant correctement les observations sur la
littrature [4]. Cest ce qui est actuellement utilis dans la plupart des laboratoires, o les
conclusions sont formules selon une chelle verbale (et largement bases sur
lexprience), sans que des formules complexes ne soient utilises.
Nanmoins cette faon de procder, davantage subjective, prsente des problmes de
rigueur dans la comparaison. Il y a 20 ans dj, le domaine de lanalyse des peintures tait
point du doigt pour ses difficults. Dans une srie darticles publis en 1995, Peterson et
Markham ont compar les rsultats de tests de comptence effectus par des
laboratoires durant la priode 1978-1991 [5, 6]. Ils ont compar de nombreux types de
traces, dont entre autres les peintures, fibres, produits stupfiants et inflammables,
explosifs, documents, et traces digitales. Les tests concernant les peintures taient
toujours bass sur une question de comparaison (attribuer une source un ou plusieurs
chantillons inconnus). Des erreurs taient comptabilises lorsque les conclusions des
laboratoires allaient lencontre des informations fournies par les producteurs. Sur la
priode tudie, 18% des rsultats comptabiliss concernaient des laboratoires ayant
-
- 7 -
conclu de manire errone, ce qui fait du domaine des peintures le moins bons parmi
ceux tudis, suivi des comparaisons de verre (13%), des mlanges de fluides biologiques
(11%) et des fibres (11%). Parmi les raisons voques par le comit dorganisation des
tests de comptence (PAC) figuraient notamment [5, 6]:
- Les causes les plus communes derreurs dans les conclusions taient : 1) slection
de tests inadquats, 2) mauvaise dtermination de la solubilit2 et 3) mauvaise
manipulation ou interprtation des rsultats danalyses FTIR ou Py-GC/MS.
- En prenant lexemple de la Py-GC/MS, le PAC indique quil apparat clairement que
les laboratoires emploient diffrents critres quant la signification attribue de
petites diffrences de pyrogrammes3.
- Un test en particulier impliquait des comparaisons de diffrents lots de production
de peintures automobiles, et plus de 75% des laboratoires ont conclu une non-
diffrenciation alors que la rponse attendue tait une exclusion de source
commune.
Dans leur conclusions ils voquent le fait que les dveloppements dans la production des
peintures saccompagnent de diffrences toujours plus minimes entre les produits et que
la discrimination est de plus en plus difficile laide des techniques disposition. Les
peintures possdent galement des caractristiques de classe, en opposition aux
caractristiques individuelles rencontres dans dautres domaines tels que lADN ou les
traces digitales.
Paralllement, dans un rapport sur le futur et le renforcement des sciences forensiques,
financ par le dpartement amricain de la justice, les conclusions concernant le domaine
des peintures sont les suivantes (traduction libre de langlais) : [] les diffrents groupes
de travail ont tabli des recommandations sur le domaine, mais nont pas conseill de
formulations pour les rapports, ni de critres pour dterminer les conclusions, []. Des
travaux additionnels sont ncessaires afin de produire un langage commun et une
manire de reporter les conclusions ainsi que les sources dincertitudes. Des travaux de ce
genre ont t raliss dans les autres disciplines forensiques. [] Lanalyse des peintures
2 Bien que trs rarement utiliss aujourdhui, les tests de solubilit taient largement employs lpoque pour dterminer le type de rsine et les proprits des peintures. 3 Les mmes conclusions sappliquent galement la spectroscopie infrarouge.
-
- 8 -
et revtements est base sur de solides fondations chimiques pour permettre
lidentification de classe. [] Cependant la communaut na pas dfini de critres prcis
pour dterminer lorsque deux chantillons proviennent dune source commune [7].
Les sciences forensiques dans leur ensemble ont dbouch ces dernires annes sur un
grand effort commun de samliorer et dtre considres comme une science, valide, et
qui puisse tre utilise au tribunal. Parmi les principales critiques, et pour beaucoup de
domaines pas uniquement les peintures, on reproche une certaine subjectivit ainsi que
des biais contextuels dans la prise de dcisions [8]. Dans un article traitant de la
performance des experts et de lobjectivit, Dror estime que (traduction libre de
langlais):
Lambition dtre scientifique et objectif est admirable et doit tre encourage.
Dvelopper des mthodes scientifiques et des protocoles stricts et dtaills, masquer les
informations non pertinentes et viter les biais contextuels non pertinents, utiliser des
outils statistiques et des mesures permettant une quantification prcise et objective, ainsi
que des procdures pour la collecte et lanalyse dindices [], sont des tapes importantes
et justifies dans le but damliorer le travail forensique en tant que science [8].
Dans le cadre de cette thse de doctorat, apporter une solution gnrale aux problmes
de lvaluation des rsultats semble utopique et trop vaste. Il a donc t dcid de se
focaliser sur la technique la plus populaire parmi les laboratoires forensiques, la
spectroscopie infrarouge.
Afin dtudier les plus faibles diffrences visibles entre les chantillons, lensemble du
travail reposera donc sur la notion de variabilit spectrale. Le but est dtudier dun point
de vue statistique linfluence des diffrents paramtres sur lallure gnrale des spectres.
Cela permettra de fournir des critres objectifs venant en aide lexpert lors de la
comparaison de spectres infrarouges afin de faciliter la phase interprtative. Cest
pourquoi, afin de mieux cerner les enjeux de ce travail de recherche, il est ncessaire de
prsenter les difficults lies lutilisation de donnes spectrales dans la pratique telle
quelle est effectue aujourdhui.
-
- 9 -
1.2.2 Problmatique des donnes spectroscopiques
Lutilisation en routine de la spectroscopie infrarouge soulve des difficults qui peuvent
tre rsumes en 4 points.
1.2.2.1 Visualisation des donnes
La principale difficult consiste visualiser de nombreux spectres simultanment et, en
second lieu, en extraire les informations pertinentes.
Dans lexemple ci-dessous (Figure 1.3), 16 spectres infrarouges (4 rplicas de 4 peintures
de compositions chimiques diffrentes) sont reprsents. Alors que lon devrait
remarquer 4 groupes distincts, il est trs difficile dobserver lensemble des spectres en
une fois, et il devient alors ncessaire de procder par tapes. La procdure habituelle
consiste slectionner un rplica reprsentatif parmi tous ceux disponibles pour chaque
peinture. Ces rplicas sont ensuite compars deux--deux afin de mettre en vidence les
diffrences/concordances existantes. Cette faon de procder comporte deux principaux
dsavantages : a) en slectionnant un rplica uniquement, on perd de vue la notion de
variation au sein dune mme peinture (intra-variabilit) et subsidiairement b) les
comparaisons ne se basent que sur des paires de spectres et ne reprsentent pas une
vision globale du jeu de donnes.
Figure 1.3 : 16 spectres infrarouges (4 rplicas de 4 peintures diffrentes). Bien que ces derniers prsentent des caractristiques distinctes il est trs difficile de les diffrencier sous cette forme.
0.10
0.20
0.30
0.40
0.50
0.60
0.70
0.80
0.90
1.00
1.10
1.20
1.30
1.40
Ab
so
rba
nc
e
1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000
Wav enumbers ( cm-1)
-
- 10 -
1.2.2.2 Filtrage de linformation
Toute mesure effectue sur un spectromtre comporte invitablement une partie de
bruit , une variation systmatique induite par lappareil ou lchantillon lui-mme, qui
peut cacher la vritable information chimique que lon cherche mettre en vidence. Afin
de filtrer et minimiser (ou liminer) cette variation parasite il est ncessaire de lidentifier,
de comprendre son origine, et de dfinir sa nature (quelle soit stochastique ou linaire).
Actuellement la gestion des spectres infrarouges ne comprend pas dtape systmatique
de filtrage de linformation. On utilise gnralement le spectre indiciaire brut superpos
un spectre de comparaison. On ne peut donc pas garantir que les diffrences spectrales
sur lesquelles se base la prise de dcision ne soient dues des lments non pertinents
qui ne reprsentent pas de linformation chimique.
1.2.2.3 Analyses quantitatives
Quantifier la prsence dun compos partir de son spectre est possible mais nanmoins
trs difficile mettre en uvre. Contrairement aux mthodes chromatographiques
(GCMS, HPLC), la relation linaire entre labsorbance et la concentration nest pas triviale
et, bien que des modles existent (p.ex. la Loi de Lambert-Beer pour la spectroscopie
Infrarouge), la quantification nest possible que pour des chantillons idaux qui sont
rarement approchs dans la ralit. Le besoin en mthodes statistiques pour sapprocher
de conditions dites idales est donc invitable afin de construire des mthodes de
calibration (directe, indirecte, moindres carrs) [9, 10]. A laide de ces mthodes il est
alors possible dutiliser des courbes de calibration produites laide dchantillons connus
afin de quantifier un chantillon inconnu, sans obligatoirement connatre ni dvelopper
une formule complexe.
1.2.2.4 Comparaison visuelle des spectres
A lheure actuelle, la plupart des dcisions concernant lassociation ou lexclusion de deux
spectres sont prises par lexprimentateur lui-mme, lequel justifie ses dcisions par son
exprience dans le domaine. Les comparaisons sont essentiellement visuelles et lallure
gnrale du spectre, la position et lintensit des pics sont utilises conjointement pour
prendre une dcision.
-
- 11 -
La plupart des groupes de travail europens (EPG4) ou amricains (SWGMAT5) ont crit
des guides de travail, censs aider les scientifiques dans lanalyse et linterprtation des
rsultats. Le Tableau 1.1 en rsume les points les plus importants pour les peintures.
SWGMAT Paint ASTM [11] EPG IR Guidelines [12]6
- La classification des peintures se fait par une valuation des bandes dabsorption prsentes, notamment leur position, forme et intensit.
- Les spectres peuvent ensuite tre compars. - La comparaison entre un spectre inconnu et une
rfrence peut se faire en absorbance et/ou transmittance.
- Les facteurs considrer lors de la comparaison sont : la prsence/absence de pics, leur position, leur forme et leurs intensits relatives.
- Les absorptions caractristiques prsentes dans un spectre doivent ltre galement dans lautre. Leurs positions peuvent varier de 5cm-1.
- Des mesures rpliques peuvent tre ncessaires afin dvaluer la reproductibilit des positions dabsorption.
- Lune des trois conclusions suivantes est utilise lors de la comparaison des spectres : - Ils sont diffrenciables sils comportent des
diffrences. - Ils sont indiffrenciables sils ne contiennent
aucune diffrence. - La comparaison spectrale est inconclusive si la
taille de lchantillon ou les conditions danalyse empchent de se dterminer sur les diffrences.
- La qualit des spectres doit tre estime - Domaine de transmission - Correction signaux H2O, CO2 - Niveau de bruit de fond - Traitement des donnes - Interfrence
- Il est hautement recommand de rpter les mesures dchantillons (au moins 2 fois), et ceci doit tre fait dans tous les cas lorsque suffisamment de matriel de comparaison (ou indiciaire) est disposition
- Aucune autre consigne concernant la comparaison
Tableau 1.1 : Rsum des guides de travail et procdures standardises concernant lanalyse des peintures par spectroscopie infrarouge.
Dans la majorit des cas, la comparaison visuelle des spectres sur la base de ces
guidelines est suffisante pour dcider dune exclusion. La discrimination se base sur la
prsence/absence ainsi que sur les diffrences dintensits relatives des pics
caractristiques des groupes fonctionnels. Ces derniers sont relativement bien dfinis et
la comparaison aise.
Cest cependant diffrent lorsquil sagit de trs petits pics ou de lgres modifications
dans la ligne de base. Il est plus difficile dattribuer ces variations des absorptions de
groupes fonctionnels et leur prsence est davantage lie la prparation ou la nature
physique de lchantillon. Dans ces cas de figure, le scientifique est beaucoup moins
laise pour expliquer ces diffrences et se contente souvent de conclure une non-
diffrentiation impliquant gnralement lutilisation subsquente dune ou plusieurs
techniques complmentaires.
4 European Paint & Glass Group, groupe de travail de lENFSI (European Network of Forensic Science Institutes).
5 Scientific Working Group on Material Analysis.
6 Document interne non destin la publication.
-
- 12 -
1.3 OBJECTIFS DU TRAVAIL
Comme expos, lobjectif principal de ce projet de recherche traite de la comparaison
objective des spectres infrarouges afin dapporter une aide la prise de dcision dans des
situations dites compliques. Ces situations particulires concernent les spectres qui ne
peuvent pas immdiatement tre considrs comme (in)diffrenciables car ils prsentent
seulement dinfimes variations qui sont trs difficiles interprter.
Le choix sest port sur la spectroscopie infrarouge car cest la mthode la plus
couramment employe afin de caractriser les chantillons de peinture, et que
linterprtation de ses rsultats soulve un certain nombre de problmes qui ont t
prsents. Il a galement t choisi de se concentrer sur les peintures en spray, qui
constituent un chantillonnage permettant de tester lintgralit des paramtres
dintrt. Ainsi le cadre principal de la recherche est fix.
Cependant, il nest pas possible de sattaquer directement la problmatique de la
comparaison sans comprendre les facteurs dinfluence et les potentielles sources de
variation dans les spectres. Il faut donc repartir du tout dbut de la procdure et tenter
didentifier et de comprendre linfluence de chacune des tapes sur les spectres
rsultants, les unes aprs les autres. De la production des peintures au prlvement ou
lanalyse chimique, toutes ces tapes sont potentiellement susceptibles dintroduire une
part de variabilit dans les spectres infrarouges et donc de produire de lgres
diffrences quil faut russir expliquer. Il est donc primordial de les matriser avant de
pouvoir objectivement soccuper de la phase de comparaison des spectres. La Figure 1.4
prsente un rsum des tapes considres et servira de fil conducteur tout au long du
travail.
-
- 13 -
Figure 1.4 : Rsum de la problmatique du travail, qui consiste comprendre et minimiser la variabilit associe chaque tape de la procdure analytique. Source des images : cas pratiques traits lIPS et internet
(www.google.com).
Sur la base des problmatiques exposes ci-dessus, ce projet de recherche prendra
lorientation suivante :
Lobjectif principal est de mettre en place une procdure de gestion des
chantillons de peinture en spray par spectroscopie infrarouge, allant de la
mesure initiale jusqu la formulation des conclusions.
La procdure mise en uvre permettra galement de rpondre de nombreuses
questions annexes qui apparaissent durant les phases initiales des analyses/expertises
dans le domaine des peintures, telles que :
1. Production : Comment sont produites les peintures ? Existe-t-il des diffrences
entre des lots de production successifs ?
2. Commercialisation : Quelle est la diversit des peintures en spray ? Existe-t-il des
peintures de marques diffrentes ayant une composition chimique similaire ?
Comprendre et minimiser la variabilit
Squence
danalyse des
peintures
-
- 14 -
3. Utilisation : Est-ce que des diffrences chimiques peuvent apparatre suite un
secouage insuffisant de la bonbonne de peinture ? Est-ce que le sprayage est
homogne sur lentiret de la surface recouverte?
4. Vieillissement : Est-ce que les peintures subissent des effets environnementaux ?
Cela a-t-il une influence sur leur composition chimique ? Est-il possible destimer le
temps depuis lequel une peinture a t applique sur un support ?
5. Prlvement : Quels sont les risques de contamination lorsque de la peinture est
prleve de son support ? Comment les prvenir ?
6. Analyse chimique : Existe-t-il une meilleure faon dacqurir les donnes
infrarouges, de meilleurs paramtres danalyse ou de meilleures prparations des
chantillons? Est-il ncessaire de corriger ou diminuer les erreurs (systmatiques
ou alatoires) afin damliorer le signal chimique ?
7. Comparaison : Quelle est la meilleure mthode de comparaison des spectres ?
Quel est lavantage par rapport une dcision manuelle base sur lexprience ?
8. Prise de dcision : comment prendre des dcisions selon une approche Bayesienne
continue?
Le but principal du travail nest pas de refaire de manire exhaustive toutes les tudes
dj effectues dans le domaine des peintures, mais plutt de fournir une procdure
globale danalyse selon un point de vue statistique. Tout au long du travail, les spectres
infrarouges serviront de base la rflexion et seront valus dans ce but. La mise en
place dune procdure de ce type dans un temps restreint implique de choisir un
chantillonnage limit mais tout de mme adapt chacune des tapes concernes,
raison pour laquelle les chapitres seront traits de manire indpendante.
1.4 STRUCTURE DE LA THSE
Le travail est spar en 10 chapitres individuels et abordant des problmatiques distinctes
qui ont t prsentes dans la Figure 1.4. Les chapitres seront traits selon un ordre
dfini par la squence analytique, dbutant par la mesure, et sont rsums dans la Figure
1.5. Chacun des chapitres ayant ses propres spcificits, il a ainsi t dcid de les traiter
indpendamment. Au dbut de chaque chapitre, une partie thorique rsume la
-
- 15 -
thmatique aborde, puis les donnes utilises et les rsultats pratiques obtenus sont
exposs et discuts.
Le chapitre 2 prsente le contexte thorique ainsi que la littrature sur lesquels
lensemble du travail sest fond.
Le chapitre 3 traite de loptimisation des paramtres analytiques afin dobtenir des
spectres infrarouges reproductibles. Le chapitre dbute par une prsentation de
linstrumentation FTIR ainsi quune analyse dtaille des facteurs influenant la qualit
des spectres. La seconde partie prsente les rsultats dune optimisation laide de plans
dexprience (design of experiments) et fournit des directives afin de mesurer les
chantillons de peinture dans des conditions optimales.
Le chapitre 4 dmontre que les spectres, bien que correctement mesurs, comportent
tout de mme une part d erreurs (systmatiques et alatoires) quil est ncessaire de
corriger. Les principales techniques de prtraitements et de slections des variables sont
prsentes et appliques sur un set de donnes afin de dmontrer leur efficacit.
Le chapitre 5 vise dfinir les capacits de discrimination des mthodes spectroscopiques
au niveau des marques/modles de peintures. Il compare une approche base sur
linspection visuelle des spectres avec des mthodes statistiques de discrimination et de
classification.
Le chapitre 6 prsente quant lui la discrimination au niveau des lots de production. Ces
tudes permettent dobtenir de prcieuses informations sur les limites lintrieur
desquelles il est possible de diffrencier des chantillons.
Le chapitre 7 traite de la gestion des traces de peintures. La problmatique principale lie
aux traces est expose (quantit de matriel limite, contamination du support, ou
dgradation/vieillissement lis leur environnement). Des tests de vieillissement et de
dgradation dchantillons de peinture sur des supports diffrents sont ensuite
prsents.
Le chapitre 8 concerne la comparaison des spectres. La premire partie prsente un
questionnaire online qui a t transmis aux personnes membres du groupe de travail
europen dans le domaine des peintures, afin didentifier les lments-cls du processus
-
- 16 -
de comparaison. Ensuite, diffrentes mthodes de comparaison sont confrontes et
testes, puis leur implmentation dans une procdure classique est discute.
Finalement le chapitre 9 traite de la systmatisation de tous les rsultats obtenus et
propose un canvas de raisonnement pouvant tre utile dans le travail quotidien, puis
appliqu une expertise relle traite dans nos laboratoires.
Figure 1.5 : Illustration des chapitres traits dans le travail de thse.
Chapitre 3Optimisation de la mthode
analytique
Chapitre 4Correction de la variabilit prsente
dans les spectres
Chapitre 5Discrimination au niveau des marques
Chapitre 6Discrimination au niveau des lots de
production
Chapitre 7Gestion des traces de peinture
Chapitre 8Comparaison des spectres Prise de dcision
Chapitre 9Proposition de systmatique pour la gestion de cas pratiques
Chapitre 2Cadre thorique
-
- 17 -
Chapitre 2
CADRE THORIQUE
Ce chapitre a pour but de prsenter les notions thoriques de base
ncessaires la comprhension des lments prsents dans les chapitres
suivants. Il comporte trois parties, une premire prsentant les peintures de
manire gnrale, leur composition, leur production et leur vieillissement.
La deuxime partie traite de lanalyse des peintures en sciences forensiques,
dabord de manire gnrale, puis adapte plus particulirement la
spectroscopie infrarouge. Finalement la dernire partie prsente les
principales catgories de mthodes statistiques utilises dans la suite du
manuscrit.
2.1 LES PEINTURES EN SCIENCES FORENSIQUES
Les peintures font partie des traces frquemment rencontres en criminalistique. Elles
sont appliques sur de nombreux objets de notre quotidien et se transfrent facilement
lors de contact(s) entre ces derniers. Le transfert de peintures peut se faire sous la forme
de fragments lorsquelle se spare de son support, dabrasions lorsque la force nest pas
suffisante pour dtacher un morceau, ou finalement de taches ou gouttelettes lorsque
des peintures liquides sont utilises. Les accidents de la circulation, cambriolages ou
vandalismes sur des btiments sont autant de situations o lon peut retrouver des traces
de peinture. Lors de leur exploitation forensique, ces fragments sont analyss et leurs
proprits physico-chimiques dtermines.
-
- 18 -
On distingue les peintures automobiles (gnralement sous la forme dun systme de
plusieurs couches) des peintures domestiques (peintures doutils, dobjets, de dcorations
ou en spray). Ces dernires peuvent ventuellement comporter plusieurs couches mais se
retrouvent dans la majorit des cas sous forme monocouche. On peut galement citer les
analyses de peintures dans le domaine des arts, o il sagit plus spcifiquement de
dtecter des contrefaons, des anachronismes ou des altrations. Dans le cadre de ce
travail lintrt sera port aux peintures en spray uniquement.
Les peintures tant des produits de masse de notre entourage, leurs compositions sont
trs variables selon les fonctions prvues et selon les proprits recherches par les
industries. Cette varit conduit nanmoins un risque non ngligeable que deux
peintures prsentent des spectres infrarouges indiffrenciables. Cependant, cette
diversit des formulations constitue galement un avantage lorsquil faut en estimer la
raret [13].
2.1.1 Composition
Les peintures consistent, sous leur forme la plus basique, en une dispersion de particules
solides, appeles pigments, dans un milieu liquide appel vhicule [14]. Le vhicule est
constitu dun mlange de rsine et de solvant. Aprs dposition sur un support le solvant
svapore et les pigments forment une couche solide avec la rsine qui polymrise.
Dautres substances peuvent tre ajoutes au vhicule pour en amliorer lapplication et
les proprits.
Rsine
Les rsines sont les composants les plus importants des peintures, car ce sont elles qui
offrent la protection requise afin de rsister aux attaques de lenvironnement. En schant
et durcissant elles forment une couche protectrice apportant la cohsion, la flexibilit et
les proprits physiques propres la peinture. La proportion de rsine peut varier entre
20-50% du poids de la peinture avant dposition [15, 16]. Les rsines les plus populaires
dans les peintures en spray sont de types alkydes ou de type acryliques.
Les rsines alkydes sont des polymres forms partir de la conjugaison dalcools et
dacides [17]. Les principaux alcools (glycerol, butylne glycol, pentaerythritol) combins
-
- 19 -
aux principaux acides (orthophthalique, isophthalique, terephthalique) fournissent dj
une trs grande varit de possibilits faible cot (Figure 2.1). Ces rsines sont
galement modifies laide dhuiles, dacides gras ou dautres rsines afin dobtenir les
proprits dsires. On distingue par exemple les rsines souples schant facilement
lair libre et les rsines dures et cassantes ncessitant de la chaleur pour scher
correctement. Certaines des rsines alkydes sont galement appeles polyesters dans des
ouvrages spcialiss. Une peinture alkyde fait gnralement rfrence lacide
orthophtalique, alors que les polyesters font rfrences aux acides isophtaliques et
terephtaliques [14].
Figure 2.1 : Illustration de la structure dun polymre dalkyde glycrophthalique, form partir du glycrol et danhydrides phthaliques par estrification. Illustration provenant de [18].
Les rsines acryliques, trs largement utilises dans les peintures base deau, sont des
drives de monomres acrylates et methacrylates (Figure 2.2). Elles sont constitues de
chanes (formule gnrale (C=CCOOH)n) desters des acides acryliques et mthacryliques
(avec comme principaux groupements mthyl, thyl, butyl ou 2-ethyl hexyl).
Figure 2.2 : Exemple de monomres utiliss dans les rsines acryliques. A gauche : polymethylmethacrylate (PMMA), droite : polyethylacrylate (PEA). Illustrations provenant dun document interne ESC.
Tout comme les rsines alkydes, on peut modifier les acryliques laide dautres rsines
et/ou huiles. Les rsines nitrocelluloses, epoxy et urthanes sont principalement utilises
comme rsines additionnelles en combinaison avec les types de rsines principales.
-
- 20 -
Solvants
Le solvant est utilis principalement dans le but de rduire la viscosit de la rsine afin de
permettre le mlange homogne de tous les constituants [19]. Par la suite, il doit
rapidement svaporer afin de permettre la rsine de durcir et former un film
protecteur dpaisseur uniforme. Il ne fait ainsi gnralement plus partie des composs
analyss lorsque la peinture est sche. Le choix du solvant se base sur divers facteurs
comme sa toxicit, sa volatilit, son cot, et sa polarit, ce dernier paramtre tant trs
important afin de garantir une bonne dissolution de la rsine et des pigments [20].
Pigments
Les pigments servent principalement apporter la couleur et laspect visuel des
peintures. On distingue les pigments organiques et les pigments inorganiques.
Les pigments organiques peuvent tre dorigine naturelle ou synthtique, mais sont
gnralement regroups sous le mme terme car tout pigment naturel organique a trs
probablement un quivalent synthtique dune plus grande puret. Les pigments
organiques possdent une couleur (brillance et clart) quil est trs difficile dapprocher
avec des pigments inorganiques. Ils sont donc trs largement rpandus et reprsentent
les meilleures options pour produire des couleurs vives.
Les pigments inorganiques se caractrisent pour leur part par une meilleure stabilit face
aux UV, sont plus rsistants la chaleur et possdent de bonnes proprits anti-
corrosion. Les principaux pigments colors sont lists dans le Tableau 2.1.
Les pigments de couleur blanche sont trs largement utiliss pour apporter une nuance
dopacit aux peintures. Le plus utilis tant le dioxyde de titane (TiO2), qui est jusqu dix
fois plus opaque que les autres pigments blancs (p.ex. oxyde de zinc ou carbonate de
plomb). Il est galement bon march et non toxique.
Les pigments noirs forment galement une catgorie part, car il en existe 4 types
principaux : le noir de carbone (synthtique), le charbon (minral), le bone black et
enfin le furnace black produit par les rsidus de combustion dhuiles et de gaz. Le noir
de carbone est le plus utilis dans les peintures domestiques.
-
- 21 -
Tableau 2.1 : Liste des principales classes de pigments colors organiques et inorganiques. Inspir de [21, 22].
-
- 22 -
Matires de charge
En plus des pigments qui fournissent la couleur et lopacit, des matires de charge
peuvent tre ajoutes afin de modifier les proprits mcaniques, laspect et/ou
lapplication de la peinture. On considre galement les matires de charge comme des
pigments dont lindice de rfraction est identique la rsine [14]. Ils nont ainsi aucune
influence sur les proprits optiques de la peinture. Parmi les plus utilises, les barites
(sulfate de barium) servent principalement dpaississant et renforcent les proprits
mcaniques du revtement. Le silicate daluminium est galement utilis comme matire
de charge, et permet de rduire la brillance de la peinture. Finalement le talc (silicate de
magnsium) amliore la flexibilit et la durabilit de la peinture [15]. Leur usage dans les
peintures en spray est moins rpandu que pour les peintures automobiles ou
domestiques mais reste possible pour certaines marques.
Additifs
Finalement des additifs peuvent tre ajouts au mlange en infimes quantits afin de lui
fournir des protections particulires. On distingue en ce sens les siccatifs, les plastifiants,
les anti-flammes, les fongicides, les antigel, les anti-UV, ou les insecticides. La liste est non
exhaustive et de trs nombreuses possibilits de combinaison existent. De par leur trs
faible prvalence dans les peintures en spray, et du fait que lorsquils sont prsents cest
en proportions trs infimes, les additifs ne sont gnralement pas (ou difficilement)
dtects/identifis.
Gaz propulseur
Les peintures en spray ont la particularit de possder un gaz propulseur dans leur
composition. Ce dernier expulse la peinture (sous forme liquide) au travers dune buse
afin de la disperser (sprayer) de manire uniforme sous forme darosol (Figure 2.3).
-
- 23 -
Figure 2.3 : Image tire de http://www.madehow.com/Volume-7/Spray-Paint.html (le 21.02.14).
Le chlorofluorocarbone (CFC) a t largement utilis avant 1978, date laquelle son
utilisation a t bannie pour ses effets sur la couche dozone. Dautres gaz tels que le
butane et le propane ont ensuite t utiliss en remplacement [23]. Plus rcemment, les
hydrofluorocarbones (HFC) ont t introduits et se montrent encore moins nocifs que les
hydrocarbones (butane et propane). De par sa nature trs volatile, le gaz propulseur nest
plus prsent lorsque la peinture sche et, par consquent, ne peut pas tre dtect lors
des analyses subsquentes.
2.1.2 Production
La production des peintures se fait presque exclusivement par une srie successive de
mlanges. Les pigments, matires de charge et autres additifs tant inertes, ils ne font
donc intervenir aucune chimie dans la prparation. Les diffrentes tapes sont toutes
surveilles, contrles et au besoin ajustes afin de garantir les proprits de la couleur
et de la qualit gnrale des peintures. Pour la production des peintures en spray, on
distingue gnralement les 8 tapes suivantes [23]:
1. Dispersion des pigments dans une rsine.
2. Les additifs, les matires de charge, les solvants et les colorants sont ensuite ajouts et
mlangs afin de donner la peinture les proprits recherches.
3. Lavage des bonbonnes par air comprim pour liminer toutes traces de dpts et poussires.
4. Remplissage des contenants laide de chanes de production automatises.
5. Ajout du gaz propulseur sous forme liqufie et fermeture des bonbonnes.
6. Passage des bonbonnes dans un bain chauff pour dceler la prsence de trous ou de fuites.
7. Schage laide dair comprim et pose du couvercle.
8. Stockage de la peinture en vue dune commercialisation.
-
- 24 -
La dispersion des pigments dans la rsine est ltape la plus importante du processus. Il
est ncessaire dobtenir une bonne homognit de la peinture, dans la distribution de
taille et rpartition des pigments. Ces derniers sont gnralement reus sous forme
dagglomrats de poudre sche et il est dlicat de les ajouter tout en gardant une solution
stable prsentant des pigments isols et uniformment distribus.
Contrle qualit de la peinture
Le contrle qualit des peintures est effectu plusieurs tapes durant la production. Ce
sont des tapes importantes du processus car cest ce moment quinterviennent la
comparaison avec les standards de couleur ainsi que les diffrents ajustements qui en
dcoulent. Ces ajustements sont potentiellement trs intressants en Sciences
Forensiques car ils peuvent apporter des lments distinctifs et propres chaque lot de
production. Une couleur trop ple sera renforce par lajout de pigments, et une couleur
trop forte dilue par lajout de solvant ou claircie laide de dioxide de titane (TiO2). De
plus, lutilisation de pigments dautres couleurs peut compenser des dviations dans les
proprits optiques, sur le principe des couleurs complmentaires. Par exemple un
dcalage dans le jaune peut tre compens par des pigments bleus et vice-versa.
Ce contrle et la comparaison avec des standards peut tre fait visuellement ou laide
de techniques instrumentales plus labores. La spectrophotomtrie est la technique de
rfrence car elle permet lanalyse objective de la couleur par mesure de son spectre
dabsorption dans le domaine visible. Le spectre dabsorption exprim en coordonnes
CIELAB7 permet de quantifier le niveau de similarit entre lchantillon et la rfrence et
de surveiller les dviations. Historiquement lanalyse en rflexion des chantillons secs
tait la technique la plus rpandue. Mais de rcents dveloppements permettent de
mesurer des chantillons nayant pas encore schs ( wet samples ), ce qui comporte
un gain de temps considrable dans lajustement des lots de production [24].
2.1.3 Vieillissement et dgradation
Ltude du vieillissement des peintures et de leur capacit rsister aux effets
environnementaux ( weathering ) sest principalement dveloppe dans deux secteurs.
7 Systme de reprsentation des couleurs bas sur 3 valeurs (L*a*b) que sont la clart (L), la gamme de laxe rouge-vert (a) et de laxe jaune-bleu (b). Systme dfini par la Commission Internationale de lEclairage (CIE).
-
- 25 -
Lindustrie automobile principalement, a cherch analyser les signes prcurseurs dune
dgradation de la peinture, au niveau chimique, physique et optique pour ainsi amliorer
les formulations et gagner en stabilit dans le temps. Le domaine de lart dautre part, a
tudi les compositions de peintures anciennes (gommes et rsines) et de leffet du
temps sur celles-ci dans des perspectives de restauration.
Les premiers travaux visaient comprendre les principes chimiques derrire le
vieillissement des peintures et identifier les facteurs principaux les affectant. Parmi ces
derniers, trois ont pu tre distingus : les dgradations thermiques (pyrolyse,
hydrogenation, gasification), les dgradations chimiques (solvolyse, ozonolyse, oxydation)
et finalement les dgradations biologiques (champignons, moisissures, enzymes, algues)
[25, 26]. Leffet de lenvironnement est, pour sa part, particulirement marqu sur les
peintures cause de laction combine des effets physiques et chimiques du
rayonnement UV, de laction oxydative de loxygne atmosphrique, et de laction
hydrolytique de leau (pluie, humidit) [17, 27, 28].
Le principal mcanisme la base de la dgradation se produisant en surface de polymres
tels que les peintures est la photo-oxydation. La photo-oxydation est un processus
cyclique qui sinitie par labsorption de photons (provenant de la lumire naturelle, UV, ou
artificielle) puis lutilisation de lexcdent dnergie fourni pour fractionner ses liaisons
chimiques. Il existe des mcanismes spcifiques propres chaque type de polymres [29]
mais les principes gnraux peuvent tre rsums de la manire suivante [28]:
1. Initiation : absorption de photons, fraction des liaisons chimiques et cration de
radicaux libres (R*). Sensuit une raction des radicaux libres avec loxygne
prsent dans latmosphre pour crer des radicaux peroxydes (RO2*).
2. Propagation : les radicaux ainsi crs forment une raction en chane avec le
polymre qui conduit la cration de nouveaux radicaux (R*, RO* et HO*). Grce
ce processus exponentiel, dinfimes quantits de radicaux initiaux peuvent
conduire une dgradation assez significative de la peinture en peu de temps.
-
- 26 -
+ 2 2
2 + +
+
+ + 2
(1)
Lenvironnement extrieur tant trs complexes, de nombreux facteurs peuvent modifier
ou acclrer ces mcanismes, tels que des effets thermiques, la prsence de polluants ou
une forte humidit. La dgradation sinitie toujours en surface et pntre graduellement
dans le matriau.
La photo-oxydation peut produire des groupements carbonyles (C=O), carboxyles (COOH),
hydroxyles (OH) ou peroxydes (ROOR) au sein mme du polymre et ce sont ces derniers
qui sont la cible d
top related