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Université de Strasbourg
Institut d’Etudes Politiques de Strasbourg
LES PRÉOCCUPATIONS
ENVIRONNEMENTALES À L’ÉPREUVE
DES MARCHÉS PUBLICS FRANÇAIS
Théophile MEGALI
Mémoire de 4ème année
Direction du mémoire : M. Gabriel ECKERT
Professeur agrégé de Droit Public à l’Université de Strasbourg
Juin 2014
L'Université de Strasbourg n'entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme propres à
leur auteur.
REMERCIEMENTS
Je tiens tout d’abord à remercier M. le Professeur Gabriel ECKERT pour ses conseils, sa
disponibilité et sa confiance dans la rédaction de ce mémoire.
Je souhaite remercier M. Olivier FUCHS pour sa participation en tant que juré pour la
soutenance de ce mémoire.
Je tiens également à remercier M. Bruno KOEBEL pour l’entretien qu’il m’a accordé, et dont
les réflexions m’ont permis de mieux entrevoir la portée de cette question.
Je remercie M. Salim ZIANI pour ses conseils avisés et sa présence tout au long de cette
année.
Enfin, je souhaite remercier tous les membres de ma famille, ainsi que mes amis, pour leur
lecture et leur soutien.
« Que voulons-nous ? Un capitalisme qui s’accommode des contraintes
écologiques ou une révolution économique, sociale et culturelle qui abolit les contraintes du
capitalisme, et, par la même, instaure un nouveau rapport des hommes à la collectivité, à leur
environnement et à la nature ? Réforme ou révolution ? »
André GORZ, Écologie et politique, Paris, Gallilée, 1975, p.9
TABLE DES ABREVIATIONS
ADEME : Agence de l’environnement et de maîtrise de l’énergie
CAA : Cour Administrative d’Appel
CC : Conseil Constitutionnel
CCAG : Cahiers des Clauses Administratives Générales
CCTG : Cahiers des Clauses Techniques Générales
CIDD : Comité Interministériel pour le Développement Durable
CE : Conseil d’État
CGDD : Commissariat Général au Développement Durable
CMP : Code des Marchés Publics
CJCE : Cour de Justice des Communautés Européennes
CJUE : Cour de Justice de l’Union Européenne
EMAS : Environnemental Management Audit System
GIEC : Groupement Intergouvernemental pour l’Evolution du Climat
GPEM-DDEN : Groupe Permanent d’Etude des Marchés Développement Durable
Environnement.
HQE : Haute Qualité Environnementale
IFORE : Institut de Formation de l’Environnement
ISO : International Standard Organisation
LOLF : Loi Organique Relative aux Lois de Finances
MAP : Modernisation de l’Action Publique
NF : Norme Française
OEAP : Observatoire Economique de l’Achat Public
PAE : Plan Administration Exemplaire
PNAAPD : Plan National d’Action pour des Achats Publics Durables
PNUE : Programme des Nations Unies pour l’Environnement
RGPP : Révision Générale des Politiques Publiques
RT : Régulation Thermique
SEDD : Stratégie Européenne pour le Développement Durable
SNDD : Stratégie Nationale pour le Développement Durable
TA : Tribunal Administratif
TFUE : Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne
TUE : Traité sur l’Union Européenne.
1
SOMMAIRE
Sommaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
In t roduct ion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
Part ie I . L ’acheteur publ ic à la base de la pr ise en compte de l ’env i ronnement dans les marchés publ ics . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
Sec t ion 1 . La sens ib i l i sa t ion de l ’acheteur pub l i c aux préoccupat ions env i ronnementa les 11
A. Différents plans gouvernementaux pour promouvoir l’achat public durable ................................................. 11 B. Une refonte progressive du droit applicable .................................................................................................. 25
Sect ion 2 . La pro fess ionna l isa t ion de l ’acheteur pub l i c . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 A. Un achat mieux défini et rationalisé ............................................................................................................... 40 B. Des outils pour aider l’acheteur dans sa mission .......................................................................................... 54
Part ie I I . L ’ impact de l ’achat publ ic durable sur les opérateurs économiques . . . . . . . . . 68 Sec t ion 1 . Le respect des grands pr inc ipes de la commande pub l ique comme ob l iga t ion fondamenta le . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
A. L’impératif de transparence comme garantie pour l’opérateur économique ................................................. 72 B. Le principe fondamental d’interdiction de toute discrimination à l’égard des candidats .............................. 82
Sect ion 2 . La pr ise en compte de la demande env i ronnementa le par l ’opéra teur économique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
A. L’opérateur économique, acteur indispensable au développement des marchés publics environnementaux ............................................................................................................................................................................ 93 B. L’adaptation de l’offre à la demande : la consécration de l’objectif poursuivi ? ......................................... 103
Conc lus ion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
Part ie I I I . Annexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113 Part ie IV . Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122 Table des mat ieres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135
2
INTRODUCTION
La préoccupation des Hommes envers leur environnement n’est pas née de ce
siècle. À l’âge des Lumières, Carl von LINNE affirmait déjà que « les êtres créés sont
donc les témoins de la puissance et de la sagesse divine ; ils constituent seuls la vraie richesse
de l’homme, lui procurent un solide bonheur1 ». LINNE, de même que le Révérend WHITE,
développait alors une « vision providentialiste, téléologique, anthropocentrée2 ». Plus d’un
siècle plus tard, le biologiste allemand Ernst HAECKEL développe le terme
« d’écologie » et contribue à faire de ce champ d’étude une discipline scientifique à
part entière3. Au 20ème siècle, l’écologie va acquérir une audience scientifique à la
mesure de ses enjeux, notamment par le développement d’une modélisation
mathématique4. C’est également à cette époque que l’environnement devient un
problème politique, relatif à la prise de conscience de l’urgence écologique.
L’émergence d’un problème environnemental
Mais comment est-on passé de cette vision très scientifique de l’écologie à
celle, politique, popularisée dans les années 1970 ? Lorsque René DUMONT, candidat
aux élections présidentielles, affirme sur un plateau de télévision, verre d’eau à la
main, que « nous allons bientôt manquer d’eau (…) parce qu’avant la fin du siècle, si nous
1 C. VON LINNE, Abrégé du système de la nature : histoire des mammaires ou des quadrupèdes et cétacés, Traduction 2 P. MATAGNE, « Écologie, économie et incitations au changement », Innovations, n°37, 01/2012, p.57. 3 « Nous ignorons malheureusement le plus souvent presque tout des interdépendances hautement intriquées des organismes parce que l’on y a jusqu’à présent, prêté guère attention. C’est donc un champ tout aussi immense qu’intéressant et important qui s’ouvre à la recherche » in E. HAECKEL, Generelle Morphologie der Organismen: allgemeine Grundzüge der organischen Formen-Wissenschaft, mechanisch begründet durch die von Charles Darwin
reformirte Descendenz-Theorie. Berlin, Verlag von Georg Reimer, Berlin, 1866, p.234-236. Traduction inédite de l’allemand par T. CHAZAL, Flammarion, 2013. 4 « L’essor de la théorie des écosystèmes, le processus de mathématisation de l’écologie des années 1930-40, expliquent sans doute pourquoi les dictionnaires généraux retiennent cette période comme celle de la naissance de la science écologique moderne » in P. MATAGNE, « Écologie, économie et incitations au changement », Ibid., p.61.
3
continuons un tel débordement, elle manquera5», il traduit une préoccupation récemment
émergée. En effet, la seconde moitié du 20ème siècle voit l’essor du concept de
« développement », théorisé notamment par l’économiste François
PERROUX comme étant « la combinaison des changements mentaux et sociaux d’une
société qui la rendent apte à faire croître cumulativement et durablement son produit réel
global6 ». Les bouleversements mondiaux démographiques, industriels, énergétiques
et sociaux, dans le contexte des Trente Glorieuses introduisent la nécessité du
changement. À cette époque, « les premiers théoriciens du développement durable
remettent en question le modèle de développement mis en œuvre dans les sociétés industrielles,
fondé sur le « toujours plus »7 ». En 1972, le Club de Rome publie, sous la direction de
Dennis MEADOWS, un rapport alarmiste intitulé The Limits of Growth / Halte à la
croissance. La même année, une conférence des Nations Unies à Stockholm porte sur
le thème de l’environnement humain. La nécessité de protéger la nature grandit et
devient une thématique récurrente des sommets mondiaux (exemple du Sommet de
Rio en 1992, cf. infra). Dans ce mouvement émerge la notion de sustainable
development - traduite couramment par développement durable - et issue d’un rapport
commandé par l’ONU sur l’écodéveloppement, puis proposée par la commission
BRUNDTLAND, du nom de sa présidente. Comme le résume S. BRUNEL, « pour la
première fois, le rapport Brundtland en donne une définition claire, qui va frapper les esprits
par sa clarté et son aspect universaliste : « Le développement soutenable est un développement
qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de
répondre aux leurs. (…) Au sens le plus large, le développement soutenable vise à favoriser un
état d’harmonie entre les êtres humains et entre l’homme et la nature » (rapport Brundtland ,
5 Allocution télévisée de R. DUMONT, 19 Avril 1974, ORTF. Disponible sur : http://www.ina.fr/video/CAF88000834 6 F. PERROUX, L’Economie du XXème siècle, Presses Universitaires de France, 1969, p. 191. 7 S. BRUNEL, « Chapitre 2 : le développement durable, un concept ancien », Le Développement Durable, Coll. Que Sais-je ?, Presses Universitaires de France, 2012, p. 22.
4
chap. II)8 ». Il est nécessaire de préciser que le développement durable repose sur
trois piliers : le pilier écologique, le pilier social et le pilier économique. Nous nous
concentrerons, dans notre analyse, sur le développement durable dans son aspect
environnemental.
Le traitement de la question environnementale par l’action publique
Cette construction de la notion de développement durable, et l’affirmation de
la nécessité de sa prise en compte témoignent de ce que la sociologie de l’action
publique désigne par la « construction d’un problème public9 ». Ce problème a pu
être rendu public d’autant plus naturellement que les alertes écologiques ont été
fondées sur des évaluations scientifiques. À ce titre, le Groupement d’Experts
intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a été créé en novembre 1988
par l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) et le Programme des Nations
Unies pour l’Environnement (PNUE). Des catastrophes industrielles 10 ont pu
également renforcer la prise de conscience générale, et le développement d’une
conscience écologique diffuse dans l’opinion publique. Ce problème désormais
rendu public, et appréhendé de manière transversale devait alors être traité par les
gouvernants. Il est possible de constater, au niveau national, avant les années 1990,
une difficile prise en compte de ce problème : « au départ, la notion existe à peine, les
questions environnementales sont totalement dispersées, et la mise en cohérence d’une action
8 Ibid. p. 44 9 La construction d’un problème est « l’ensemble des problèmes faisant l’objet d’un traitement, sous quelque forme que ce soit, de la part des autorités publiques et donc susceptible de faire l’objet d’une ou plusieurs décisions » in P. GARRAUD, « Politiques nationales : l’élaboration de l’agenda », L’année sociologique, p. 27 10 Les exemples les plus marquants sont sans doute le naufrage des pétroliers Amoco Cadiz (1978), Exxon Valdez (1989) et Erika (1999), mais aussi les accidents industriels de Three Miles Island (1979), de Bhopal (1984) et de Tchernobyl (1986), ou très récemment, la catastrophe de Fukushima (2011).
5
publique s’effectue progressivement11». Un changement s’effectue progressivement, par la
création de structures administratives permettant la prise en compte de ces
problématiques12. En 1971, Robert POUJADE se voit confier le portefeuille de l’écologie
par le Premier Ministre CHABAN-DELMAS, qu’il qualifie alors de « ministère de
l’impossible13 ». Les fonctions attribuées évoluent, de même que les structures. En
1988, des directions régionales (DIREN) coordonnent au plan local les missions
énoncées par le ministère, de même que des agences sont créées pour améliorer les
connaissances techniques des personnes publiques au sujet des questions
environnementales (exemple de l’ADEME, établissement public industriel et
commercial créé en 1991). Les années 1990 voient le développement, notamment au
niveau européen, d’une meilleure prise en compte des questions écologiques.
Comme l’affirme P. LASCOUMES, « comparativement à d’autres États, ceux qui forment les
deux premières générations de l’Union Européenne ont été aussi des pays pionniers dans la
définition de politiques environnementales14 ». Dès lors, on a pu constater, notamment au
moment de changements de gouvernements de réelles avancées en matière de
politiques publiques environnementales (Politique de verdissement de
l’administration, lois Grenelle 1 et 2, création d’un ministère de l’Écologie, de
l’Énergie, du Développement durable et de l’aménagement du territoire en 2007, cf.
infra). Comme le précise J. KINGDON, dans le registre de la sociologie de l’action
publique, lorsqu’« un problème est reconnu, une solution est développée et disponible au
sein de la communauté des politiques publiques, un changement politique en fait le moment
adéquat pour un changement de politique et les contraintes potentielles ne sont pas trop
11 P. LASCOUMES, Action publique et environnement, Coll. Que sais-je ?, Presses Universitaires de France, 2012, p. 50 12 Ibid. p. 62 13 R. POUJADE, Le Ministère de l'impossible, Coll. Questions d'actualité, Calmann-Lévy, 1975, 278 p. 14 P. LASCOUMES, Action publique et environnement, Ibid., 2012, p. 15
6
fortes15 ». De nos jours, le Ministère de l’Ecologie se voit attribuer un budget
d’environ 8 milliards d’euros par an, soit autant que le Ministère de l’égalité des
territoires, du logement et de la ville, et davantage que le Ministère de la Justice16. On
peut donc en déduire que la place du poste environnemental dans la hiérarchie
budgétaire des ministères traduit une véritable prise en compte, de la part des
pouvoirs publics, de cette question.
Les marchés publics environnementaux : un outil des politiques publiques ?
Nous proposons de focaliser notre analyse sur un mode inhabituel des
politiques publiques : les marchés publics. Représentant un montant d’environ 75,5
milliards d’euros par an pour l’achat public national17, les marchés publics sont un
type de contrat administratif qui se définissent comme étant des « contrats conclus à
titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs définis à l'article 2 et des opérateurs
économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de
fournitures ou de services18 » selon l’article 1er du Code des marchés publics. Ils sont
réglementés par des normes de droit européen (originaire et dérivé), et de droit
national. On retrouve, passim, dans la doctrine juridique, la qualification de
« rigide » appliquée au droit des marchés publics19. En effet, la volonté originelle du
législateur était de garantir la protection des deniers publics et de lutter contre la
corruption. L’apport du marché commun a été d’inclure, dans ces finalités nationales,
15 J. KINGDON, Agendas, Alternatives and Public Policies, Boston, Little Brown and Company, 1984, p. 174. 16 Ministère de l’Economie et des Finances, Budget 2014 : Cap sur la croissance et l’emploi – l’essentiel et chiffres clés, 2014, p.14. Disponible sur : http://www.economie.gouv.fr/files/plf2014-essentiel.pdf 17 « Selon les données recensées par l’observatoire économique de l’achat public, le montant des marchés publics recensés était de 75,5 milliards d’euros en 2012 » in OEAP, « Les différents chiffrages de la commande publique », 16/05/2014. Disponible sur : http://www.economie.gouv.fr/daj/oeap-differents-chiffrages-commande-publique 18 Code des marchés publics, art. 1. 19 Selon F. WILINSKI, « un droit rigide de type kelsennien, [est] basé sur une articulation de normes en une hiérarchie dont le respect est le pilier de la stabilité juridique » in F. WILINSKI, « De l’intégration du développement durable dans les contrats de la commande publique », Contrats et Marchés Publics, n°12, 12/2011, étude 11.
7
des objectifs complémentaires, à savoir la stimulation de la concurrence et l’efficacité
administrative. Une dernière finalité a pu émerger, plus récemment : l’utilisation des
marchés publics à des fins de mise en œuvre des politiques publiques20 . Les
« marchés publics environnementaux », c’est à dire les marchés publics contenant
des considérations environnementales à divers stades de la passation, sont relatifs à
cette tendance. Dénommé de diverses manières21, l’achat public respectueux de
l’environnement s’inscrit dans un courant qu’il apparaît intéressant de développer,
notamment dans la mesure où cet objectif est en « rupture » avec les objectifs et
modes de fonctionnement traditionnels de la commande publique.
En d’autres termes, il est possible de s’interroger sur la façon dont les
préoccupations environnementales ont pu être introduites dans l’équilibre juridique
et économique constituant les marchés publics.
Il sera donc possible de s’interroger tout d’abord sur les solutions proposées
pour développer le recours à ce type de marchés publics auprès des pouvoirs
adjudicateurs (Partie I), puis d’évaluer l’adaptation des opérateurs économiques à
l’égard de cette pratique (Partie II).
20 F. ALLAIRE, L’essentiel du droit des marchés publics, 6ème édition 2013/2014, Coll. Gualino, Lextenso éditions, pp.11-16 21 Nous utiliserons les vocables suivants : achats publics verts, achats publics écoresponsables, achats publics durables, pour désigner l’approvisionnement des pouvoirs adjudicateurs en biens et services respectueux de l’environnement, dans leur conception, leur production et leur utilisation, par le biais de marchés publics.
8
PARTIE I. L’ACHETEUR PUBLIC A LA BASE DE LA PRISE EN COMPTE DE
L’ENVIRONNEMENT DANS LES MARCHES PUBLICS
Le Code des Marchés Publics dispose en son article 2, que « les pouvoirs
adjudicateurs soumis au présent code sont : 1° L'Etat et ses établissements publics autres que
ceux ayant un caractère industriel et commercial ; 2° Les collectivités territoriales et les
établissements publics locaux22». Ces pouvoirs adjudicateurs sont donc les personnes
juridiques qui ont pour objectif de satisfaire les besoins qu’elles ont identifiés pour
leur service, et qui ont la possibilité de le faire via la passation d’un marché public.
Ces pouvoirs adjudicateurs sont parfois caractérisés de façon plus précise – voire
métonymique – par le terme « d’acheteur public ». Les acheteurs publics sont les
agents de l’administration chargés de mettre en œuvre les procédures de marché
public. Selon le répertoire des métiers ministériels, l’acheteur public voit sa fonction
caractérisée ainsi : « [il] effectue les achats de biens et de prestations de service en vue de
satisfaire les besoins des services23 ». Véritable incarnation du pouvoir adjudicateur au
moment de la passation du marché public, il est le plus à même de pouvoir prendre
en compte les préoccupations environnementales dans ce contexte, car il peut
contribuer à définir les besoins en accord avec le service24 (art. 5 du Code des marchés
publics de 2006), détermine le cahier des charges et les conditions d’exécutions
attendues (art. 11 à 14), puis participe au choix de la meilleure offre avec le pouvoir 22 Code des marchés publics, art.2. 23 Répertoire des métiers ministériels, publié par le Secrétariat général du Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie. Pp. 402-403. http://www.economie.gouv.fr/files/repertoire-metiers-ministeriels.pdf. 24 Le Code des marchés publics de 2004 évoquait en son article 20 : « La personne responsable du marché est chargée de mettre en œuvre les procédures de passation et d'exécution des marchés. Elle signe les marchés ». Selon la circulaire du 7 janvier 2004 portant manuel d'application du Code des marchés publics, la « personne publique « acheteuse » » (terme correspondant à celui de « pouvoir adjudicateur » en droit communautaire) ne devait pas être confondue avec la « personne responsable du marché » désignée par celle-ci : « Le rôle de la personne responsable du marché est de choisir, dans le respect des règles de droit en vigueur, la procédure d'achat appropriée et de la mener à bien sous sa responsabilité ». Le Code des marchés publics de 2006 a regroupé ces deux termes sous l’unique mention de « pouvoir adjudicateur ». Nous utiliserons ici le terme d’« acheteur public » pour désigner « la personne responsable du marché ».
9
adjudicateur25, suivant des critères d’attribution (art. 52 à 56). À ces différents stades
de la passation, l’acheteur public a la possibilité, et même le devoir de « prendre en
compte » les préoccupations de développement durable dans le marché public en
question26. Dans le contexte de sa profession, et au regard de la politique menée
depuis les années 1990 pour promouvoir et développer l’achat public durable,
notamment dans son aspect environnemental, il est confronté à différentes
incitations visant à influencer sa pratique des marchés publics. D’autre part, sa
profession subit des modifications non-négligeables. Basée au départ sur une
connaissance accrue des règles encadrant la passation de ces marchés, on constate
une évolution des compétences attendues de l’acheteur public. De juriste, il devient
manager (« le Service des achats de l’État illustre dans le domaine des marchés publics
l’érosion de la position des juristes au profit des managers » selon G. CANTILLON27), mais
également technicien. Sa profession évolue selon le travail demandé au regard de
l’achat public et de la protection de l’environnement : il est désormais de plus en
plus confronté à la nécessité d’avoir une connaissance technique du marché sur
lequel il intervient.
L’acheteur public, protagoniste principal dans la passation des marchés
publics, est donc sujet à une véritable politique de sensibilisation au principe de
l’achat public écoresponsable tant au niveau national qu’international (I). En outre, il
25 Pour les collectivités territoriales et les établissements publics locaux, c’est la Commission d’appel d’offres (CAO) qui exerce cette fonction depuis le décret n° 2009-1086 du 2 Septembre 2009 tendant à assurer l'effet utile des directives 89/665/CEE et 92/13/CEE et modifiant certaines dispositions applicables aux marchés publics. Pour les concours ou marchés publics de conception-réalisation, il s’agit d’un jury de concours. 26 « [Concernant l’article 5] Cet article impose au pouvoir adjudicateur une obligation de s’interroger sur la définition de ses besoins eu égard à des objectifs de développement durable ». Réponse du Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie (J.O. du Sénat du 11 janvier 2007) à la question écrite n° 25167 de M. Bernard PIRAS (J.O. du Sénat du 9 novembre 2006). http://www.senat.fr/questions/base/2006/qSEQ061125167.html 27 G. CANTILLON, « L’achat public durable, un outil au service de l’Etat régulateur » in Revue Française d’Administration Publique, n°134, 02/2010, p. 341, citant J. CHEVALLIER, « Conclusion » in L. ISRAEL, G. SACRISTE, A. VAUCHEZ, L. WILLEMEZ dir., Sur la portée sociale du droit, Paris, PUF, 2005, p. 378.
10
tend à se « professionnaliser » par la passation de ces marchés publics
environnementaux, c’est à dire voir sa fonction évoluer vers un aspect plus technique
(II).
11
Section 1. La sensibilisation de l’acheteur public aux préoccupations
environnementales
L’acheteur public est celui qui mène à bien le marché public, et plus
précisément, définit les besoins qui devront être satisfaits. Il est donc la cible
principale à atteindre pour permettre le développement de l’achat public éco-
responsable. Pour cela, les initiateurs de ce type de politiques (du gouvernement aux
différents échelons de coordination au niveau local) ont tout d’abord édicté des
mesures indicatives (ou programmatiques) puis réglementaires définissant les cadres
de l’action à mener. Suite à cela, le droit interne relatif aux marchés publics a été
profondément rénové dans le but de mettre en œuvre efficacement ces mesures.
L’acheteur public étant, dans ce sens, l’artisan principal d’une stratégie décidée au
niveau politique : il est au cœur de la promotion et du développement des marchés
publics environnementaux.
Tandis que de nombreux plans gouvernementaux ont cherché à développer
la pratique de l’achat public écoresponsable à l’ensemble des administrations (A), la
réglementation en vigueur en matière de marchés publics environnementaux s’est
adaptée dans ce sens (B).
A. Différents plans gouvernementaux pour promouvoir l’achat public durable
Il est possible de constater, en France, une véritable stratégie de nature
programmatique favorable au développement de l’achat public durable. Celle-ci a
émergé à la faveur de la prise en considération au niveau international des questions
12
environnementales, puis s’est déclinée en droit interne au niveau institutionnel et
réglementaire, principalement. L’objectif de ces différentes politiques a été, et reste
de faire de l’administration, à tous les échelons, un modèle pour une consommation
éco-responsable. Au-delà du cadre strictement planificateur et coordinateur, le
gouvernement a ensuite souhaité développer des mesures réglementaires afin de
pouvoir donner des objectifs concrets à la politique nationale en faveur de l’achat
vert. Les mesures relatives à la commande publique durable et à l’exemplarité de
l’administration ont ainsi connu des déclinaisons chiffrées au travers de différents
plans et guides. Il conviendra de se limiter à étudier les étapes majeures de ces
différentes démarches.
Il peut être constaté que c’est tout d’abord au niveau international que des
engagements ont été formulés à l’égard de l’achat public vert (1). Après des premières
tentatives au milieu des années 1990 (2), les prescriptions gouvernementales
formulées à l’attention des acheteurs publics en faveur des marchés publics
environnementaux se sont multipliées et précisées (3).
1. Les programmes internationaux à l’origine des politiques nationales
L’implication de la France en matière d’achat public environnemental s’est
tout d’abord concrétisée en 1992 lors du Sommet de Rio (a). Dans le sillon de ces
engagements, des déclinaisons locales ont permis le développement de cette pratique
(b).
a. Le programme fondateur « Action 21 » du Sommet de Rio (1992)
13
Le premier « Sommet Mondial de la Terre » de Rio de 1992 constitue à ce titre
un point de départ important : les 173 pays et gouvernements qui y ont participé y ont
signé un document, « l’Agenda 21 » (ou Action 21, pour 21ème siècle), ou « Stratégie
Mondiale pour le développement durable ». Il s’agit de promouvoir le
développement durable comme mode d’existence dans tous les pays signataires. Les
préoccupations environnementales y tiennent donc une place prépondérante,
comme en atteste le préambule du programme :
« si nous intégrons les questions d'environnement et de développement et si nous accordons
une plus grande attention à ces questions, nous pourrons satisfaire les besoins fondamentaux,
améliorer le niveau de vie pour tous, mieux protéger et mieux gérer les écosystèmes et assurer
un avenir plus sûr et plus prospère. Aucun pays ne saurait réaliser tout cela à lui seul, mais la
tâche est possible si nous œuvrons tous ensemble dans le cadre d'un partenariat mondial pour
le développement durable »28.
Pour mettre en œuvre cette politique, le programme Action 21 précise notamment en
son point 4.23 que la commande publique doit être revue au regard des
préoccupations de développement durable :
« 4.23. Les gouvernements eux-mêmes jouent également un rôle dans la consommation,
notamment dans les pays où le secteur public représente une part importante de l'économie, et
peuvent avoir une influence considérable tant sur les décisions des entreprises que sur les
perceptions du public. Ils devraient donc réexaminer les politiques d'achat de fournitures de
leurs organismes et départements afin d'améliorer si possible l'élément environnement de
leurs procédures d'acquisition, sans préjudice aux principes du commerce international29 ».
28 Point 1.1. du préambule du programme « Action 21 » adopté lors du Sommet de Rio de Janeiro de 1992. http://www.un.org/french/ga/special/sids/agenda21/action1.htm 29 Chapitre 4 : « Modification des Modes de Consommation », point 4.23, du programme « Action 21 ». http://www.un.org/french/ga/special/sids/agenda21/action4.htm
14
b. Les déclinaisons locales
Le programme « Action 21 » a été décliné en programmes locaux. Cela a
notamment mené à la signature de la Charte d’Aalborg ou « Charte des villes
européennes pour la durabilité » le 27 Mai 1994, qui invitait les collectivités
signataires à appliquer les principes qui n’étaient jusqu’alors que des vœux30 : « nous
nous encouragerons mutuellement à concevoir des plans d'action locaux à moyen et à long
terme (Actions Locales 21), renforçant ainsi la coopération entre les autorités et intégrant ces
initiatives à celles de l'Union européenne en matière d'environnement urbain31 ». Cette
Charte, qui rassemblait 2 400 collectivités, dont 42 pays européens sont signataires,
dont 38 françaises32 a donc été déclinée en « agendas 21 locaux » sur la base du
volontariat lors de la Conférence de Lisbonne du 8 Octobre 1996. Cette conférence a
vu le ralliement de « 250 pouvoirs locaux et régionaux »33. S’en est suivi en 2000
« l’Appel de Hanovre, lancé par les maires européens à l’aube du XXIème siècle »,
qui, de façon plus précise et pour la première fois, appellent leurs voisins édiles à
« donner l’exemple chez eux en appliquant une politique d’achats « verts », qu’il s’agisse de
biens ou de services »34. La stratégie d’achat vert au niveau local pour les collectivités
est donc initiée par cet appel européen de 2000, qui découle directement du
programme « Action 21 » de 1992. Il est loisible d’observer une volonté constante de
suivre et d’accompagner ce programme dans le temps, notamment à des dates
30 « L’Agenda 21 fixe des priorités qui n’ont rien de sociales, et pour le reste, s’en tient à des vœux : il n’est assorti ni d’un échéancier précis ni d’engagements financiers fermes. Chaque pays doit cependant adopter avant 1995 une stratégie nationale de développement durable » in S. BRUNEL, Le Développement Durable, Ibid., p. 48. 31 Charte d’Aalborg, Danemark, signée le 27 Mai 1994. Disponible sur le site du Conseil Général des Bouches-du-Rhône : http://www.cg13.fr/uploads/tx_elydocumentsenligne/2.3_La_Charte_d__Aalborg_01.pdf 32 Portail des Agenda 21 en France, section « Agenda 21 de Territoires ». http://www.agenda21france.org/agenda-21-de-territoire/pour-agir/cadre-institutionnel.html 33 « Le Plan d’Action de Lisbonne : de la charte à la pratique », document approuvé par les participants de la deuxième conférence européenne sur les villes durables, le 8 Octobre 1996 à Lisbonne, Portugal. Disponible sur : http://www.territoires-durables.fr/upload/pagesEdito/fichiers/DateLisbonne.pdf 34 Conférence de Hanovre, 2000, point D.4.e. http://ec.europa.eu/environment/urban/pdf/hancall_fr.pdf
15
régulières, comme en témoigne le Sommet de Johannesburg de 2002 (« Rio+10 »), le
renouvellement de la Charte d’Aalborg en 2004 (« Aalborg+10 ») et la Charte de
Leipzig sur la Ville européenne durable signée en 2007 par les 27 pays membres de
l’UE. Même si ces chartes et engagements relèvent avant tout d’une preuve de bonne
volonté de par leur contenu programmatique, on y trouve en germe la construction
d’une coopération en vue de faire des villes d’Europe des villes exemplaires en
termes de développement durable. L’achat public pensé de manière « durable »,
incluant donc l’aspect environnemental, fait partie de façon explicite à partir de 2000,
de cette stratégie. Selon B. KOEBEL, l’adoption des « agenda 21 locaux » a été une
décision fondatrice pour la promotion de l’achat public durable, dans la mesure où
c’est à cet échelon qu’il se développe principalement35.
2. Les premières tentatives de « verdissement » de l’administration (1995)
En contrepoint du contenu déclaratoire développé dans les chartes signées
par de nombreuses collectivités en l’espace d’une quinzaine d’années, le
gouvernement français a pris acte de la nécessité de mettre en œuvre ces
engagements. Dès Avril 1995, a été promu le « verdissement » de l’administration :
cette initiative faisait « suite à la déclaration, adoptée par les ministres de l'environnement
du G7 lors du sommet de Hamilton, au Canada, au printemps 1995. Cette déclaration
demande aux gouvernements nationaux de montrer l'exemple aux populations et au secteur
privé en général en intégrant les préoccupations environnementales dans leurs activités
internes36 ». Développée lors du Comité Interministériel du 11 Avril 1995, sous
35 Entretien réalisé avec M. Bruno KOEBEL, chef de service des Achats et de la Commande Publique de la Ville et de la Communauté Urbaine de Strasbourg, le 24/04/14. 36 Réponse du Ministre de l’Aménagement du Territoire à la question écrite n°07341, JO Sénat, 02/04/1998, p.2227. http://www.senat.fr/questions/base/1998/qSEQ980407341.html.
16
l’impulsion du Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’environnement, les
objectifs ciblés étaient d’assurer, à des postes précis (notamment
l’approvisionnement de matières consommables, de biens matériels et mobiliers) une
meilleur gestion environnementale des administrations centrales et services
déconcentrés de l’Etat. L’idée centrale est la suivante : l’administration doit montrer
l’exemple en matière de changement des modes de consommation courants. Pour y
parvenir, le ministère en question « a pu financer la réalisation de guides méthodologiques
et la mise au point de modules de formation destinés à l'ensemble des gestionnaires des
services de l'Etat37 ». « Tout ce travail s'est réalisé, pour l'essentiel, au cours du second
semestre 1998 et 60 gestionnaires environ ont pu bénéficier des formations (…) dans les
domaines prioritaires que sont (…) les achats plus respectueux de l'environnement38 ». Dès
1995, la formation des personnels de l’administration (incluant les acheteurs publics)
est apparue comme un moyen de favoriser l’exemplarité de l’Etat en matière de
consommation respectueuse de l’environnement. C’est en ce sens que s’est
poursuivie l’action gouvernementale en matière de promotion de l’achat public
écoresponsable.
3. L’institutionnalisation de la politique d’exemplarité de l’Etat
La politique d’exemplarité de l’État, consubstantielle à la promotion de la
commande publique respectueuse de l’environnement s’est institutionnalisée à la
faveur de la création d’une institution dédiée à cette mission (a). Parallèlement au
développement d’une stratégie nationale consacrée à cet objectif (b), la sensibilisation
37 Ibid. 38 Réponse du Ministre de l’Aménagement du Territoire à la question écrite n°13606, JO Sénat, 01/04/1999, p.1059. http://www.senat.fr/questions/base/1999/qSEQ990113606.html.
17
de l’acheteur public à la protection de l’environnement dans le cadre de ses achats
s’est trouvée incluse dans la réforme de l’action publique (c).
a. Le Commissariat Général au Développement Durable (CGDD)
Le Commissariat Général au Développement Durable (CGDD) est une
création du gouvernement FILLON II, par le décret n° 2008-680 du 9 juillet 2008
portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'écologie, de
l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. L’article 3 du
décret dispose que le CGDD « est chargé de l'élaboration, de l'animation et du suivi de la
stratégie nationale de développement durable, qui doit être mise en œuvre au travers de
l'ensemble des politiques publiques ainsi qu'au travers des actions de tous les acteurs socio-
économiques ». Cet organisme, rattaché au Ministère de l’Ecologie, du
Développement Durable et de l’Énergie, a pour objectif de coordonner de façon
transversale ces stratégies. Cette transversalité s’exerce tant sur les acteurs publics
que privés et y insère notamment la thématique des modes de consommation
durables. Selon Michèle PAPPALARDO, première commissaire générale au
développement durable :
« La « délégation interministérielle » reste effectivement une administration de mission ; je
pense qu’il y a environ une centaine de personnes au sein du commissariat général (…) Elles
appartiennent pour moitié à la « délégation au développement durable » qui comprend environ
cinquante personnes et pour moitié aux autres services dans lesquels je me suis efforcée de
développer cette dimension à la fois interministérielle et tournée vers les autres acteurs que
18
l’État. Cela représente environ un doublement des moyens qui étaient précédemment dédiés à la
politique de développement durable dans les gouvernements précédents39 ».
On constate ainsi qu’un réel effort (financier, notamment) a été consenti pour
promouvoir l’achat vert au sein des administrations afin de les rendre
« exemplaires » sur ce point. Ce thème est devenu par ce biais une mission
particulière assignée à un service du ministère chargé de l’environnement, obtenant
ainsi un caractère officiel et visible.
b. La Stratégie Nationale de Développement Durable (SNDD)
En Février 2003, le gouvernement français a décidé la création du Comité
Interministériel pour le Développement Durable (CIDD), suite aux prescriptions du
Conseil Européen de Göteborg des 15 et 16 Juin 200140. Le décret 2003-145 du 21
Février 2003 portant création du comité interministériel pour le développement
durable a institué cet organe, désormais codifié aux articles D. 134-8 à 134-10 du Code
de l’Environnement. Réuni annuellement et coordonné par le Ministre en charge du
développement durable et rattaché au CGDD, il contribue à définir « la stratégie
nationale de développement durable 41 ». Cette Stratégie Nationale pour le
Développement Durable (SNDD) a été adoptée une première fois en 2003 (pour la
période 2003-2008), puis actualisée en 2006 au regard des évolutions apportées par la
Stratégie Européenne pour le Développement Durable42 (SEDD). La dernière en date
39 M. PAPPALARDO, « Le développement durable en action : entretien avec madame le commissaire général au développement durable, Michèle Pappalardo », Revue française d'administration publique, 02/2010, n° 134, p. 269. 40 « Pour améliorer la coordination des politiques au niveau des États membres, le Conseil européen: − invite les États membres à élaborer leurs propres stratégies nationales de développement durable » in Conseil européen de Göteborg: Conclusions de la présidence, 16 juin 2001. Conseil de l'Union Européenne, 15/04/2005. http://ue.eu.int/ueDocs/cms_Data/docs/pressData/fr/ec/00200-r1.f1.pdf 41 Code de l’Environnement, édition 2014, art. D. 134-9. al. 1. 42 « Les autorités publiques ont un pouvoir d'achat suffisant pour générer la dynamique de changement. Dans l'Union par exemple, les instances publiques (…) acquièrent des produits et des services pour un montant de 1 600
19
a été adoptée le 27 Juillet 2010 par le CIDD pour la période 2010-2013 et décrit son
objet ainsi : « La SNDD propose une architecture commune à tous les acteurs de la Nation,
publics et privés, pour les aider à structurer leurs propres projets de développement durable
autour de choix stratégiques et d’indicateurs qui ont fait l’objet d’un large consensus43 ». Le
premier des neufs choix stratégiques s’intitule « Consommation et production
durables » et vise cet objectif : « l’enjeu est d’orienter nos modes de production et de
consommation vers une économie plus durable, qui limite ses impacts sur l’environnement
tout en améliorant notre compétitivité, notre qualité de vie ainsi que les conditions sociales de
production44 ». Pour parvenir à cela, la SNDD évoque différents leviers d’action au
niveau du mode de consommation pour l’ensemble des acteurs nationaux :
particuliers, entreprises, pouvoirs publics. Ces leviers d’actions sont de différentes
natures : mesures d’incitation pour les consommateurs et les entreprises, soutien aux
technologies vertes de leur conception à leur promotion, harmonisation du droit
interne au regard du droit européen et exemplarité des achats publics. Cette
exemplarité de l’Etat vise naturellement l’achat public durable et donc par extension
l’achat vert, via deux moyens principaux :
« généralisation de la mise en œuvre de la circulaire Etat exemplaire du 2 décembre 2008 afin
de réduire les impacts liés aux consommations courantes des administrations (…) [et]
réalisation des plans administration éco-responsable (PAE) : favoriser notamment les marchés
publics durables et la rénovation thermique des bâtiments45 ».
À nouveau, le gouvernement met l’accent sur la nécessité pour l’Etat de « montrer
l’exemple » à travers des mesures qui, dans le temps, tendent à devenir de plus en
milliards d'euros, soit 16 % de notre PIB. Cela peut être utilisé pour créer la masse critique nécessaire au succès commercial des technologies durables » in COM/2005/0658 : Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur l'examen de la stratégie en faveur du développement durable - Une plate-forme d'action – 14/12/2005. http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX:52005DC0658 43 « Stratégie Nationale de Développement Durable 2010-2013. Vers une économie verte et équitable », décembre 2010, p.5. http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/SNDD-3.pdf 44 Ibid., p. 8 45 Ibid., p. 10-11
20
plus concrètes. Ces structures, et cette stratégie nationale, attestent également de
l’institutionnalisation de la politique d’exemplarité de l’Etat, devenue une mission
primordiale clairement définie.
c. Achat vert et réforme de l’action publique
Il apparaît nécessaire de mentionner que cette politique qui vise à faire de
l’achat public un acte rationnalisé, dans un souci de gestion des deniers publics et de
modernisation de l’action de l’administration, fait écho à des politiques récentes de
réforme. Selon J.-F. BOUDET, « La mise en place du plan « administration exemplaire »
(PAE) a pour conséquence de systématiser le contrôle de gestion et du pilotage de la dépense.
Ces dispositifs, sous-tendus déjà dans la loi organique relative aux lois de finances du 1er août
2001 (LOLF), annoncent une évolution orientée vers une plus grande maîtrise de la gestion
publique, modélisée sur celle de la gestion privée46 ». La loi organique relative aux lois de
finances, la révision générale des politiques publiques 47 et désormais la
modernisation de l’action publique48 se sont donc emparées de l’achat durable
comme d’un aspect de la réforme de l’action de l’Etat. L’inclusion de l’achat public
durable dans cette réforme, au cœur de la politique actuelle du gouvernement,
démontre l’actualité de ce sujet.
46 J.-F. BOUDET, « La gestion publique au prisme du développement durable : l’« administration exemplaire » », Politiques et management public, Vol 28/4, 2011, p. 541. 47 « La révision générale des politiques publiques (RGPP) dispose dans son chapitre consacré à la réforme des achats de l’État, que « le dispositif de commande publique poursuit plusieurs finalités complémentaires : le moindre coût pour les finances publiques ; (…) le développement durable » in G. CANTILLON, « L’achat public durable, un outil au service de l’Etat régulateur », op. cit. p. 336, citant : Conseil de modernisation des politiques publiques du 12 décembre 2007. 48 Exemple : « Le programme national « Performance hospitalière pour des achats responsables » (PHARE) visera à accompagner les hôpitaux dans la mise en place d’une démarche durable de progrès sur tous leurs achats, et ainsi dégager des « économies intelligentes » », in Synthèse des programmes ministériels de modernisation et de simplification, publié par le Secrétariat Général pour la Modernisation de l’Action Publique – CIMAP du 17 Juillet 2013. http://www.modernisation.gouv.fr/sites/default/files/fichiers-attaches/pmms-cimap3.pdf
21
4. Des plans chiffrés pour promouvoir concrètement l’achat vert
Soucieux de donner des objectifs précis afin d’accélérer le verdissement des
achats publics, le gouvernement a adopté successivement un plan d’action
d’envergure nationale (a), une loi (b) ainsi qu’une circulaire (c) qui ont tous trois
influencé fortement la pratique des marchés publics écologiques en France.
a. Le Plan National d’Action pour des Achats Publics Durables
(PNAAPD)
L’actualisation de la SNDD en 2007 suite à la prise en compte de la SEDD a
incité le gouvernement français à élaborer un Plan National d’Action pour des Achats
Publics Durables (PNAAPD). Il a été élaboré de manière collégiale (une volonté
constante en matière de développement durable) entre les services du Ministère de
l’Ecologie et du Développement Durable, du Ministère de l’Economie, des Finances
et de l’Industrie, et un collège de hauts-fonctionnaires, d’associations d’élus locaux et
d’organismes d’experts. Son objectif est de « faire de la France, d’ici 2009, l’un des pays
de l’Union européenne le plus engagé dans la mise en œuvre du développement durable au
sein de la commande publique49 ». Ce plan résume l’ensemble des mesures qui ont été
utilisées, tant au niveau national qu’au niveau local, pour développer l’achat public
durable : mesures réglementaires, formation, sensibilisation et accompagnement des
acheteurs publics dans leur démarche, suivi et évaluation des mesures. Le plan
développe également des objectifs sectoriels, en énumérant l’ensemble des bonnes
49 Plan National d’Action pour des Achats Publics Durables, Printemps 2007, p.1. http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/002-3.pdf
22
pratiques applicables à ces secteurs50. Il présente enfin tous les moyens de mise en
œuvre pratique de l’achat public durable, de manière progressive et adaptée aux
différentes tailles des collectivités susceptibles de mettre en œuvre ces objectifs.
Largement documenté, parcouru de références techniques concrètes et de conseils,
ce Plan est donc le « guide pratique officiel pour toutes les collectivités publiques51 ».
Toutefois, malgré la présence d’objectifs chiffrés, il n’a pas de caractère réellement
impératif52. La révision de ce plan a été lancée en 2013 sous la présidence du Délégué
Interministériel au Développement Durable.
b. Le Grenelle de l’Environnement et l’article 48 de la loi du 3 août
2009.
Le grand rassemblement qu’a constitué le Grenelle de l’Environnement
durant l’été 2007 a permis la négociation collégiale de mesures concrètes autour de la
protection de l’environnement. Selon D. BOY, « l’idée d’une gouvernance à cinq
réunissant l’État, les collectivités locales, les organisations non gouvernementales (…), les
employeurs et les salariés constitue une novation intéressante53 ». On retrouve ici le
caractère transversal de la décision s’appuyant sur l’idée que le développement
durable est l’affaire de tous, y compris de l’État. En outre, la loi n° 2009-967 du 3 août
2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement
définit plus précisément les contours du rôle que l’administration doit jouer, et plus
précisément en son article 48 intitulé « État exemplaire ». En substance, le 50 Par exemple : « 100. En matière de fenêtres (travaux de construction neuve ou travaux de rénovation), les autorités adjudicatrices françaises se fixent pour objectif d’intégrer aux cahiers des charges, une valeur maximale de 1,8 W/m2K pour le coefficient de transmission surfacique de l’ensemble de la fenêtre », Ibid., p. 38 51 G. CANTILLON, « L’achat public durable, un outil au service de l’Etat régulateur », Ibid., p. 338 52 « Le plan national d’action pour les achats publics durables ne revêt pas de caractère juridiquement contraignant » in A. POHARDY, Le Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie n° 45 05-06/2007, p. 161 53 D. BOY, « Le Grenelle de l'environnement : une novation politique ? », Revue française d'administration publique, 02/2010, n° 134, p. 324.
23
législateur précise que « l’Etat favorisera le respect de l’environnement dans l’achat public
par un recours croissant, dans les marchés publics des administrations et services placés sous
son autorité, aux critères environnementaux et aux variantes environnementales54 ». On
trouve ici une occurrence particulièrement précise de la notion de commande
publique durable, par le biais d’objectifs précis : de façon exclusive, dès 2009,
acquisition de véhicules neufs éligibles au « bonus écologique », recours à la
vidéoconférence, achat de bois certifié issu de forêts gérées durablement dès 2010,
généralisation du recyclage de papier dans les administrations dès 2012,
approvisionnement en produits biologiques pour la restauration collective à hauteur
de 20% dès 2012, mise en place du covoiturage dans l’administration, et enfin
amélioration de la consommation énergétique de 20% pour l’administration d’ici
2015 55 . Outre ces objectifs relatifs à la commande publique pour les services
administratifs, le législateur insiste sur la nécessité d’accentuer la formation des
agents de l’Etat en ce qui concerne le développement durable56.
c. La circulaire « administration exemplaire » du 3 Décembre 2008
et ses déclinaisons sectorielles
Cette circulaire adressée par le Premier Ministre à l’ensemble des ministres et
secrétaires d’Etat, entend accentuer la prise en compte du développement durable
dans la commande publique, et particulièrement dans les dépenses de
fonctionnement des services de l’Etat, dans la mesure où celles-ci représentent 15
milliards d’euros. Selon la circulaire, les « préoccupations [environnementales] doivent
54 Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, art. 48, al. 2, JORF, 5 août 2009. http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/01-16.pdf 55 Ibid., al. 3. 56 Ibid., al. 6.
24
être prises en compte dans tous les volets de l’action de l’Etat. (…) Ces dépenses doivent
désormais être faites dans une approche de développement durable57 ». La circulaire entend
promouvoir l’achat public durable comme un levier pour développer les modes de
production et techniques respectueux de l’environnement. Cette promotion doit se
faire par l’exemplarité des administrations, afin que les consommateurs et les
entreprises puissent prendre acte de la nécessité de se tourner vers de nouveaux
modes de consommation, à l’image de la consommation de l’État. Faisant référence
au PNAAPD de 2007, le Premier Ministre insiste alors sur la nécessité de mettre
l’accent sur la formation et l’accompagnement des agents de l’Etat chargés de l’achat
public et demande aux différents services concernés d’établir un rapport annuel
récapitulant leur mise en œuvre de cette circulaire. S’en suivent alors 20 fiches
pédagogiques qui déterminent, par secteur et de façon très précise, les objectifs à
atteindre et les moyens d’action pour y parvenir. Ces fiches présentent enfin des
indicateurs sectoriels de suivi pour permettre au service concerné d’évaluer
périodiquement ses performances58. Comme le remarque G. CANTILLON, « on notera
que sur ces vingt fiches, quatorze concernent directement l’introduction d’objectifs de
développement durable dans la commande publique59 ». On constate que par cette
circulaire, le gouvernement entend directement favoriser l’achat vert pour les
administrations en leur donnant des pistes concrètes de travail et des notices « prêtes
à l’emploi ». Une circulaire de 2011 est venue compléter le dispositif de manière
incitative en prévoyant un fonds spécial d’un montant de 100 millions d’euros
(correspondant à 1% du montant annuel des achats courants de chaque ministère).
57 Circulaire du 3 décembre 2008 relative à l’exemplarité de l’État au regard du développement durable dans le fonctionnement de ses services et de ses établissements publics. http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/02-14.pdf 58 cf. Annexe 1. Extrait de la circulaire du 3 Décembre 2008 relative à l’exemplarité de l’État au regard du développement durable dans le fonctionnement de ses services et de ses établissements publics. « Annexe : Fiche n°2 : Solutions d’impression ». 59 G. CANTILLON, « L’achat public durable, un outil au service de l’Etat régulateur », op. cit., p. 337.
25
« Ces crédits sont restitués dans le courant de l’été en fonction des résultats obtenus pour les
actions menées au cours de l’année précédente en matière d’éco-responsabilité et de
responsabilité sociale [suivant] 14 indicateurs de performance60 ». Le bilan des PAE
(applications sectorielles de la circulaire) édité à l’occasion de l’exercice 2011 précise
que « tous les ministères sont parvenus à atteindre le seuil de 11 indicateurs nécessaire pour
qu’au moins la moitié de la contribution au fonds financier soit attribuée ». On constate
donc que ce plan très novateur et très précis a sans aucun doute contribué à
développer la pratique de l’achat durable au sein des services de l’Etat. En effet, le
caractère financièrement incitatif, parallèle aux mesures préconisées par la circulaire
originelle, est un premier élément qui confère un aspect relativement impératif à la
politique d’achat public écoresponsable.
Il peut donc être constaté qu’en matière de sensibilisation de l’acheteur public
à la question de l’achat vert, du chemin a été parcouru. De chartes déclaratoires à des
mesures incitatives pesant concrètement sur le budget de l’Etat, une nette évolution
en faveur du développement de l’achat public durable, et donc de l’achat vert, est
apparente. Désormais, les collectivités publiques pourront difficilement contourner
cette modification du mode de consommation. En parallèle à ces mesures de
sensibilisation et d’incitation, il s’est avéré nécessaire d’adapter la réglementation
française en matière de marchés publics.
B. Une refonte progressive du droit applicable
60 Bilan des Plans pour une Administration Exemplaire (PAE) – Exercice 2011, p.11. http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/RAPPORT_PAE_2011.pdf
26
Le volume de chartes, de programmes, de textes réglementaires visant à
promouvoir l’achat écoresponsable au sein des administrations qui se doivent de
devenir « exemplaires » au regard de la sauvegarde de l’environnement est
abondant. Cependant, la commande publique relève de procédures réglementées qui
couvrent l’ensemble des achats de l’Etat, des collectivités et des établissements
publics. Comme le résume F. WILINSKI, « l’ensemble des biens et des services sont
aujourd’hui soumis à des procédures de passation, que ce soit en vertu des marchés publics ou
d’autres contrats61 ». Les procédures régissant la passation des marchés publics sont
codifiées depuis 196462 dans le droit français, et ont connu diverses réformes et
modifications par la suite, notamment dans le but d’ouvrir ces procédures aux
préoccupations environnementales. Ces réformes du droit en vigueur, indispensables
à la mise en œuvre des plans gouvernementaux précédemment cités (qui n’avaient
pas de caractère juridiquement contraignant), ont permis d’encadrer juridiquement
la passation des marchés publics environnementaux. Le pouvoir adjudicateur a pu
ainsi trouver dans ces textes régissant les marchés publics les jalons nécessaire à la
mise en œuvre de l’exemplarité de l’Etat.
L’adaptation de la réglementation autour des marchés publics en matière
environnementale a tout d’abord connu l’influence majeure du droit communautaire
(1) avant d’entamer parallèlement une réforme du droit interne (2).
1. L’influence du droit de l’Union Européenne
61 F. WILINSKI, « De l’intégration du développement durable dans les contrats de la commande publique », Ibid. 62 Décret n° 64-729 du 17 juillet 1964 portant co-définition des textes réglementaires relatifs aux marchés publics, modifié par les décrets n° 66-887 et 66-888 du 28 novembre 1966 portant codification des textes réglementaires relatifs aux marchés publics.
27
Ce sont principalement deux directives (a) et deux communications de la
Commission (b) qui ont permis l’introduction des préoccupations environnementales
dans les marchés publics. Par ailleurs, l’idée d’utiliser les marchés publics comme un
moyen de développer la production respectueuse de l’environnement pourrait être
avant tout une considération d’origine européenne plus que nationale.
a. L’influence des directives « marchés publics »
Il est aisé de constater que ces différentes réformes ont été menées
principalement sous l’influence du droit de l’Union Européenne. En effet, « les
directives « marchés » constituent le cadre juridique de l’attribution des marchés publics
d’ampleur communautaire 63 ». Les marchés dépassant les seuils européens de
passation64 se doivent en effet de respecter les procédures de passation prévues par
ces directives. Elles se doivent également d’être transposées dans le droit interne. Or,
dès 2002, la Cour de Justice des Communautés Européennes dans son arrêt Concordia
Bus Finland avait entendu autoriser dans un marché public (en l’espèce concernant
un marché public de transports en commun par autobus), le recours à des critères
environnementaux pour le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse à la
condition du respect des principes de la commande publique : « [lorsque] le pouvoir
adjudicateur décide d'attribuer un marché au soumissionnaire ayant présenté l'offre
économiquement la plus avantageuse, il peut prendre en considération des critères
63 O. SCHMITT, « La commande publique et le développement durable », La Gazette du Palais, n°169, 18/06/2005. 64 « 134 000 € HT pour les marchés de fournitures et de services de l’État, 207 000 € HT pour les marchés de fournitures et de services des collectivités territoriales, 414 000 € HT pour les marchés de fournitures et de services des entités adjudicatrices et pour les marchés de fournitures et de services passés dans le domaine de la défense ou de la sécurité, 5 186 000 € HT pour les marchés de travaux » in Direction des Affaires Juridiques, « Augmentation des seuils européens de passation des marchés publics au 1er janvier 2014 », publié le 08/10/2013. http://www.economie.gouv.fr/daj/augmentation-des-seuils-europeens-passation-des-marches-publics-au-1er-janvier-2014
28
écologiques65 ». Partant de cette jurisprudence, la directive « marchés publics »
2004/18/CE66 (dont la transposition était fixée au 31 Janvier 2006) est venue intégrer
pleinement la possibilité de prendre en compte le développement durable dans la
commande publique67 en se fondant sur l’article 3 du Traité sur l’Union Européenne
(« 3. L'Union établit un marché intérieur. Elle œuvre pour le développement durable de
l'Europe fondé sur (…) un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de
l'environnement68 »). La directive précise notamment qu’elle « clarifie donc comment les
pouvoirs adjudicateurs peuvent contribuer à la protection de l’environnement et à la
promotion du développement durable tout en leur garantissant la possibilité d’obtenir pour
leurs marchés le meilleur rapport qualité/prix 69 ». Les articles 23 (spécifications
techniques), 26 (conditions d’exécution), 27 (obligations relatives à la protection de
l’environnement), 48 (capacités techniques ou professionnelles), 50 (normes de
gestion environnementale) et 53 (critères d’attribution des marchés) incluent des
considérations environnementales. Le Parlement Européen et le Conseil entendent
notamment laisser la possibilité aux pouvoirs adjudicateurs d’établir un critère
environnemental pouvant contribuer à choisir l’offre économiquement la plus
avantageuse. Cela doit toutefois se faire dans le respect des principes de la
commande publique et de la libre concurrence. En Février 2014, une nouvelle
directive 2014/24/UE70 (transposable par les Etats sous deux ans) est venue actualiser
65 CJCE, 17 sept. 2002, aff. C-513/99, Concordia Bus Finland : Rec. CJCE 2002, I, p. 7213 et p. 7215, concl. J. MISCHO. - Chron. J.-M. BELORGEY, S. GERVASONI et C. LAMBERT : AJDA, 4 nov. 2002, p. 1124. - F. BERROD : Europe 2002, comm. 376, obs. p. 22. - D. BLAISE : AJDA, 10 mars 2003, note p. 433. - M. DEGOFFE : RDI mai-juin 2003, obs. p. 272. - B. GENESTE : JCP A 2002, 1043. - F. LLORENS : CMP, nov. 2002, note p. 16. - M.-C. M. : AJDA, 23 sept. 2002, obs. p. 780. - A. MENEMENIS :Dr. adm. 2002, comm. 174, p. 15. - S. PIGNON : LPA, 23 déc. 2002, n° 255, p. 4. 66 Directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services. 67 Hors marchés publics dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux concernés par une directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004, reprenant les mêmes avancées en matière de marché public environnemental, que nous ne traiterons pas ici. 68 Traité sur l’Union Européenne, Journal officiel de l’Union européenne, n° C 326 du 26/10/2012. 69 Directive 2004/18/CE, op. cit. 70 Directive 2014/24/UE du Parlement Européen et du Conseil du 26 février 2014
29
les règles européennes en matière de marchés publics71. G. CLAMOUR observe que,
« présentes au titre des spécifications techniques (art. 42), des critères d'attribution du
marché (art. 67) et de ses conditions d'exécution (art. 70), les exigences sociales et
environnementales sont également consacrées par le recours aux labels de l'article 4372 ». Il
est aisé de déduire l’influence majeure des directives « marchés publics » de l’Union
européenne, dans la mesure où leur portée rejaillit sur le droit interne applicable.
b. Les communications de la Commission
La Commission Européenne a également joué une influence importante dans
la modification des normes nationales, par le biais de deux communications relatives
aux marchés publics environnementaux, sans portée juridiquement contraignante.
La première communication, datant de 200173, présentait les moyens permis par le
droit communautaire pour introduire des critères et conditions environnementaux
dans les marchés publics. De prime abord, la Commission précise que « les principales
possibilités "d'achat écologique" se situent au début du processus d'achat public, c'est-à-dire
lorsque l'on décide de l'objet d'un marché. Ces décisions ne sont pas visées par les dispositions
des directives sur les marchés publics, mais par les règles et principes du Traité en matière de
libre circulation des marchandises et de liberté de prestation de services74 ». La Commission
décrit par la suite les possibilités de prise en compte de spécifications techniques,
conditions d’exécutions, critères de sélection des candidatures et d’attribution des
sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE. 71 Hors secteurs concernés par la directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE, que nous ne traiterons pas ici. 72 G. CLAMOUR, « Nouvelle directive, premier panorama », Contrats et Marchés publics n° 3, Mars 2014, comm. 71. 73 Communication interprétative de la Commission des Communautés européennes sur le droit communautaire applicable aux marchés publics et les possibilités d'intégrer des considérations environnementales dans lesdits marchés, COM(2001) 274 final, 04/07/2001. 74 Ibid., p. 3
30
offres. Elle suggère également d’analyser les exigences environnementales à l’aune
de l’avantage économique qu’elle procurent : à titre d’exemple, l’analyse du coût
d’un produit sur l’ensemble de son cycle de vie peut contribuer à cela75. En substance,
comme l’analyse O. SCHMITT, « cette communication de la Commission présente donc
l’intérêt de montrer aux acheteurs que leurs possibilités ne se limitent pas aux seuls critères de
sélection des candidats ou de choix de la meilleure offre76 ». Une communication de la
Commission de 2008 relative à des marchés publics pour un environnement
meilleur est venue rappeler que « les marchés publics peuvent déterminer les tendances
en matière de production et de consommation ; une importante demande de biens
« écologiques » de la part du secteur public fera apparaître ou agrandira des marchés de
produits et de services respectueux de l’environnement77 ». Cette communication entend
prolonger cette démarche de « levier » en accentuant le recours aux marchés publics
environnementaux à travers plusieurs éclaircissements : mise en commun de critères
utilisables, information sur le calcul du cycle de vie des produits, appui juridique,
opérationnel et mise en place d’objectifs suivis. Ces deux communications,
marquantes en matière de marchés publics écologiques, ont pu inciter relativement
tôt les pouvoirs adjudicateurs à faire preuve « d’audace » en matière d’inclusions de
critères et de conditions environnementales.
c. Le marché public comme levier de la politique publique
environnementale : une idée d’origine communautaire ?
75 Ibid., p. 22 76 O. SCHMITT, « La commande publique et le développement durable », op. cit. 77 Communication de la Commission au Parlement Européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, relative à des marchés publics pour un environnement meilleur, COM(2008) 400/2, 16/07/2008.
31
La directive 2014/24/UE précise dans son deuxième considérant l’orientation
qu’elle compte donner aux marchés publics :
« Les marchés publics jouent un rôle essentiel dans la stratégie Europe 2020, exposée dans la
communication de la Commission du 3 mars 2010 intitulée «Europe 2020, une stratégie pour
une croissance intelligente, durable et inclusive» (…) dans la mesure où ils constituent l’un des
instruments fondés sur le marché à utiliser pour parvenir à une croissance intelligente, durable
et inclusive, tout en garantissant l’utilisation optimale des fonds publics78 ».
Le Parlement et le Conseil précisent encore aujourd’hui l’utilité des marchés publics
comme vecteurs d’une demande respectueuse de l’environnement, et donc comme
moyen pour mettre en œuvre la protection de l’environnement dans la
consommation et la production. Cette ligne politique qui a guidé toute la réforme
européenne et nationale en matière de marchés publics environnementaux serait-
elle d’inspiration communautaire ? En effet, à l’origine, la ligne juridique française
était de considérer que la procédure de passation du marché public devait permettre
de garantir le meilleur achat au meilleur coût. Dans la décision Fédération nationale
des Travaux Publics et Fédération nationale du bâtiment de 1996, le commissaire du
gouvernement FRATACCI avait pu écrire à propos d’un critère social (inclus dans les
préoccupations de développement durable) 79: « Faire de la politique de l’emploi un
critère de sélection des offres revient à nier le caractère strictement instrumental assigné au
choix des offres par l’article 1er du Code des marchés publics (…) il y a là un mélange des
genres qui n’est pas loin (…) d’une erreur de droit au regard de la finalité de la commande
publique80 ». Selon le professeur SYMCHOWICZ, « Cette position de la jurisprudence
78 Directive 2014/24/UE, Ibid. p. 1. 79 Les critères sociaux sont évoqués parallèlement aux critères environnementaux de manière constante dans la mesure où le pilier social est, au même titre que le pilier environnemental, une des trois composantes du développement durable. 80 Conclusions du commissaire du gouvernement Stéphane FRATACCI sur l’arrêt CE, 10 Mai 1996, Fédération nationale des Travaux Publics et Fédération nationale du bâtiment, Rec. CE 1996, p. 164, CJEG 1996, p. 427, cité par F. WILINSKI, « De l’intégration du développement durable dans les contrats de la commande publique », op. cit.
32
française n'était cependant guère en phase avec la jurisprudence communautaire. (…) De fait,
aux yeux du droit de l'Union, la commande publique pouvait ainsi constituer autre chose
qu'une pure satisfaction économique d'un besoin public, à savoir une composante d'une
politique publique81 ». Le droit communautaire a donc joué un rôle important dans
l’évolution du regard porté par le juge français sur les règles inhérentes aux marchés
publics. L’utilisation de ceux-ci comme leviers pour la mise en œuvre de politiques
publiques, et notamment en ce qui concerne la commande publique respectueuse de
l’environnement est dès lors devenu une possibilité que le juge et que le législateur
avaient refusé d’envisager.
2. L’adaptation du droit interne
Face aux évolutions préconisées par le droit communautaire, le législateur a
fait en sorte que la prise en compte des préoccupations environnementales dans la
passation des marchés publics trouve sa place au niveau constitutionnel (a) comme
dans les codes des marchés publics (b).
a. La constitutionnalisation du principe
Annoncée le 3 Mai 2001 par le Président de la République française Jacques
CHIRAC, la Charte de l’Environnement a été adoptée par la loi constitutionnelle
n°2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement82. Placée dans le
bloc de constitutionnalité, ce qu’elle recouvre a donc obtenu, depuis 2005, une valeur
81 N. SYMCHOWICZ, « Le concept de développement durable appliqué à la commande publique », Contrats Publics, n°96, 02/2010. 82 Loi constitutionnelle n°2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement (JORF n°0051 du 2 mars 2005 page 3697). http://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Charte-de-l-environnement-de-2004
33
constitutionnelle dans la hiérarchie des normes. Son article 6 dispose que « les
politiques publiques doivent promouvoir un développement durable83 ». De plus, la Charte
précise dans un considérant « que la diversité biologique, l'épanouissement de la personne
et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de
production 84 ». Le Conseil d’Etat a pu par la suite prendre acte de cette
constitutionnalisation du principe de protection de l’environnement85, de même que
le Conseil Constitutionnel depuis 2008 86 . Selon F. WILINSKI, « le concept [de
développement durable] dispose donc d’une réelle portée normative87 » par l’entremise
de cette Charte constitutionnelle, qui retient notamment la nécessité d’adapter le
mode de consommation et de production général aux contraintes
environnementales. La démarche de commande publique respectueuse de
l’environnement a ainsi pu être entérinée : l’acheteur public s’est donc vu conforté
dans la pratique de celle-ci par le biais de la norme suprême.
b. L’adaptation successive des codes des marchés publics
Le Code des marchés publics, qui règlemente la pratique de ceux-ci dans le
droit français a connu plusieurs refontes dans une période relativement restreinte. En
2001, 2004, puis 2006, chaque code est venu préciser de nouvelles possibilités offertes
en matière de commande publique écoresponsable. Le Code des marchés publics de
196488, resté en vigueur jusqu’en 2001, était basé sur une conception « neutre » de
83 Ibid. 84 Ibid. 85 « L'ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement, et à l'instar de toutes celles qui procèdent du Préambule de la Constitution, ont valeur constitutionnelle ; qu'elles s'imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leurs domaines de compétence respectifs » cité dans CE, Ass., 03/10/2008, Commune d’Annecy, req. N° 297931. 86 Décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008 sur la loi relative aux organismes génétiquement modifiés. 87 F. WILINSKI, « De l’intégration du développement durable dans les contrats de la commande publique », op. cit. 88 Code des Marchés Publics, édition 1964.
34
l’achat public (cf. supra) liée à la primauté du « moins-disant » économique au
moment du choix de l’offre. La seule possibilité d’introduction de critères relatifs au
développement durable, et par extension de critères environnementaux, était située
au niveau des spécifications techniques et des conditions d’exécution du marché, et
non au niveau des critères de sélection des candidatures ou d’attribution du marché.
La doctrine administrative a donc pu suggérer l’inclusion d’obligations à caractère
social dans le cahier des charges pour permettre la prise en compte de considérations
de développement durable dans les marchés publics89. Ainsi, comme l’affirme O.
SCHMITT, « sauf à prévoir des sanctions particulières (par exemple des pénalités) en cas de
non-respect de ses obligations, la commande publique ne pouvait pas prendre en compte de
façon prégnante le développement durable90 ». Cela étant, la doctrine administrative a
semblé se concentrer exclusivement sur la prise en compte de critères sociaux,
délaissant l’opportunité des critères environnementaux. Le Code des marchés
publics institué par le décret n°2001-210 du 7 Mars 200191 n’a pas constitué un
bouleversement de ce point de vue, dans la mesure où seule la possibilité de
conditions d’exécutions soucieuses de l’environnement ont été, dès lors,
explicitement admises. En son article 14, le code de 2001 dispose que « la définition des
conditions d'exécution d'un marché dans les cahiers des charges peut viser (…) à protéger
l'environnement92 ». Cette possibilité est venue valider une pratique déjà existante, à
ceci près que la possibilité environnementale était désormais explicite. L’article 53 du
code de 2001 relatif au choix des offres précise que « pour choisir l'offre économiquement
89 « Des solutions peuvent être mises en œuvre, en matière de marchés publics, pour concilier, d'une part, des aspects sociaux et, d'autre part, le principe d'égalité d'accès des entreprises à la commande publique (…). Les acheteurs publics peuvent prévoir, dans leurs cahiers des charges, des obligations à caractère social, à la double condition que celles-ci n'aient pas de caractère discriminatoire et qu'elles ne soient pas retenues comme critère de choix des entreprises lors des procédures d'appels d'offres ». Réponse ministérielle n°44645, publiée au JOAN le 30/10/2000, p.6235. 90 O. SCHMITT, « La commande publique et le développement durable », op. cit. 91 Code des marchés publics, édition 2001, institué par le décret n°2001-210 du 7 Mars 2001. 92 Ibid., article 14.
35
la plus avantageuse, la personne publique se fonde sur des critères variables selon l'objet du
marché (…). D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du
marché ou ses conditions d'exécution 93 ». Ces autres critères – cette fois-ci non-
mentionnés – auraient pu être ceux relatifs au développement durable. Mais la
nécessité de justification par l’objet du marché rendait cette possibilité inopérante,
dans la mesure où « n’étaient considérés comme justifiés par l’objet du marché que les
critères qui permettaient la réalisation du meilleur achat au meilleur coût94 ». A ce titre,
l’article 1er du code de 2001 prévoyait que « l'efficacité de la commande publique et la
bonne utilisation des deniers publics sont assurées par (…) le choix de l'offre économiquement
la plus avantageuse95 », à savoir l’offre la moins couteuse. La refonte du Code des
marchés publics en 200496 est venue augmenter les possibilités de développement
des marchés publics environnementaux. En effet, si l’article 14 relatif aux conditions
d’exécutions reste inchangé, l’article 53 dispose désormais que « pour attribuer le
marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, la personne
publique se fonde sur divers critères variables selon l'objet du marché, notamment (…) ses
performances en matière de protection de l'environnement97 ». Le critère d’attribution de
nature environnementale est donc introduit, conformément à la jurisprudence
communautaire Concordia Bus Finland98. Toutefois, ces critères ne sont pas laissés à la
discrétion du pouvoir adjudicateur dans la mesure où ils « sont pondérés ou à défaut
hiérarchisés ». L’article 45 du code de 2004 relatif à la présentation des candidatures
dispose également que peuvent être exigés « des renseignements permettant d'évaluer les
capacités professionnelles, techniques et financières du candidat (…) Au titre de ces capacités
93 Ibid., article 53. 94 O. SCHMITT, « La commande publique et le développement durable », op. cit. 95 Code des marchés publics édition 2004, article 1. 96 Code des marchés publics, édition 2004, institué par le décret n°2004-15 du 07/01/2004. 97 Ibid., article 53. 98 CJCE, 17 sept. 2002, aff. C-513/99, Concordia Bus Finland, préc.
36
professionnelles, peuvent figurer des renseignements sur le savoir-faire des candidats en
matière de protection de l'environnement99 ». Néanmoins, les principes fondamentaux de
la commande publique (liberté d’accès, égalité de traitement et transparence) doivent
être respectés par l’utilisation de ces critères et conditions nouvellement admises. Sur
la base de la transposition de la directive communautaire 2004/18/CE100, le législateur
a de nouveau souhaité réformer le Code des marchés publics en 2006101. Désormais,
la démarche de protection de l’environnement peut intervenir à chaque étape de la
passation du marché. Dès la définition des besoins, à l’article 5, le législateur dispose
que « la nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision (…) en
prenant en compte des objectifs de développement durable102 ». Cette « prise en compte »
est obligatoire, dans la mesure où le « pouvoir adjudicateur a une obligation de
s’interroger sur la définition de ses besoins eu égard à des objectifs de développement
durable103 ». La prise en compte d’un éventuel besoin relatif à la protection de
l’environnement impose son introduction dans les documents de consultation104. A ce
titre, l’article 6 relatif aux spécifications techniques suggère l’utilisation de
performances ou d’exigences fonctionnelles pour définir le besoin précis que le
soumissionnaire devra satisfaire105. Le pouvoir adjudicateur peut également exiger
des conditions d’exécution comportant « des éléments à caractère social ou
99 Code des marchés publics, édition 2004, article 45. 100 Directive 2004/18/CE, Ibid. 101 Code des marchés publics, édition 2006, institué par le Décret n°2006-975 du 1 août 2006. 102 Code des marchés publics, art. 5 103 Réponse du Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie (J.O. du Sénat du 11 janvier 2007) à la question écrite n° 25167 de M. Bernard Piras (J.O. du Sénat du 9 novembre 2006). 104 « Les documents de la consultation sont constitués de l’ensemble des documents et informations préparées par le pouvoir adjudicateur pour définir l’objet, les caractéristiques et les conditions d’exécution du marché ou de l’accord-cadre », article 41 du Code des marchés publics. 105 « Les prestations qui font l'objet d'un marché ou d'un accord-cadre sont définies, dans les documents de la consultation, par des spécifications techniques formulées : 1° Soit par référence à des normes ou à d'autres documents équivalents accessibles aux candidats, notamment des agréments techniques ou d'autres référentiels techniques élaborés par les organismes de normalisation ; 2° Soit en termes de performances ou d'exigences fonctionnelles. Celles-ci sont suffisamment précises pour permettre aux candidats de connaître exactement l'objet du marché et au pouvoir adjudicateur d'attribuer le marché. Elles peuvent inclure des caractéristiques environnementales », Code des marchés publics, art. 6.
37
environnemental qui prennent en compte les objectifs de développement durable en conciliant
développement économique, protection et mise en valeur de l'environnement et progrès
social 106 ». Ces conditions d’exécutions et spécifications techniques lient le
soumissionnaire au titre de l’article 35107. De plus, selon l’article 45, et comme dans la
version précédente du code, des renseignements établissant la capacité technique ou
professionnelle du candidat peuvent être demandés, notamment en matière
environnementale108. L’article 53 n’apporte pas de modification majeure et reste
similaire à celui du code de 2004 dans la mesure où un critère d’attribution relatif aux
« performances en matière de protection de l’environnement109 » est possible à condition
qu’il soit, comme tout autre critère, pondéré et hiérarchisé afin de respecter les
principes fondamentaux de la commande publique. Le législateur innove toutefois
en proposant d’autres possibilités de critères plus précis relatifs à la protection de
l’environnement tels que « les performances en matière de développement des
approvisionnements directs de produits de l'agriculture, (…) le coût global d'utilisation, les
coûts tout au long du cycle de vie110 ». Enfin, le Code de 2006 dispose, dans son article
75-1 (institué par le décret n°2011-493 du 5 mai 2011 - art. 5) que :
« le pouvoir adjudicateur, lorsqu'il achète un véhicule à moteur relevant des catégories M et N
définies à l'article R. 311-1 du code de la route et que la valeur estimée du marché ou de l'accord-
cadre est égale ou supérieure au seuil à partir duquel il doit recourir aux procédures formalisées
106 Code des marchés publics, art. 14 107 « Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation », Code des marchés publics, art. 35. 108 « Pour les marchés de travaux et de services dont l'exécution implique la mise en œuvre de mesures de gestion environnementale, ces certificats sont fondés sur le système communautaire de management environnemental et d'audit (EMAS) ou sur les normes européennes ou internationales de gestion environnementale », Code des marchés publics, art. 45-2 al. 3 109 Code des marchés publics, art. 53. 110 Ibid.
38
pour la passation de ses marchés de fournitures, tient compte des incidences énergétiques et
environnementales de ce véhicule sur toute sa durée de vie111 ».
Cet article est une innovation dans la mesure où, selon B. KOEBEL, il transpose en
euros tous les coûts liés au cycle de vie du produit112, et est en ce sens une véritable
illustration de la démarche de coût global113 (cf. infra). A tous points de vue, le Code
de 2006 constitue une avancée réelle dans la volonté de permettre aux pouvoirs
adjudicateurs de pratiquer les marchés publics environnementaux.
Le droit applicable aux marchés publics en France a donc connu
d’importantes modifications en l’espace d’une décennie. Cette évolution a été
influencée par le droit communautaire, dans la mesure où l’utilisation des marchés
publics comme levier à la politique de développement durable n’y était pas vue
comme une démarche contre-nature, mais bien comme un objectif réaliste au regard
de l’objet même de la commande publique. En effet, si l’encadrement des marchés
publics est étroitement lié au souci d’économie des deniers publics, la téléologie
relative au développement durable y voit une autre finalité. Cette finalité est celle du
long terme et de la consommative envisagée de manière qualitative, et ce pour le bien
du plus grand nombre. C’est également dans cette optique que l’acheteur public doit
désormais concevoir son rôle, tendant ainsi à modifier les canons de sa profession. La
politique de sensibilisation aux marchés publics écologiques qui a été mise en œuvre
par différents moyens a ainsi été prolongée par l’encadrement juridique et les cadres
de l’action publique visant à rendre exemplaire l’administration.
Section 2. La professionnalisation de l’acheteur public
111 Code des marchés publics, art. 75-1. 112 Cf. Arrêté ministériel du 5 mai 2011 relatif aux modalités de prise en compte des incidences énergétiques et environnementales des véhicules à moteur dans les procédures de commande publique. 113 Entretien avec B. KOEBEL, op. cit..
39
Afin de réaliser les objectifs souhaités par l’Etat et les conventions
internationales qui tendent à rendre « exemplaire » l’administration, l’acheteur
public doit avoir recours aux marchés publics environnementaux. Selon B. KOEBEL,
le but recherché par les administrations quand elles veulent se rendre exemplaires
est double. D’une part, il est communicationnel dans la mesure où l’entité
administrative qui suit la démarche d’achat public écoresponsable peut se prévaloir
d’une bonne image : celle d’une collectivité soucieuse de l’environnement et de
l’avenir de ses administrés. D’autre part, le but est celui de la cohérence, car il est peu
probable d’obtenir des changements de comportements de consommation et de
production de la part de la population, si l’administration n’applique pas d’abord ses
préceptes à elle-même114. L’acheteur public se doit donc de développer la pratique des
marchés publics environnementaux. Toutefois, sa tâche est compliquée par la
connaissance technique que nécessite cette démarche. Il doit donc, pour mener à
bien sa mission, bénéficier de conseils et de réseaux pour développer la pratique des
marchés publics environnementaux. L’acheteur public ne peut plus se contenter de
procédures faisant apparaître l’offre la moins chère, et doit désormais se résoudre à
définir ses besoins, exiger des capacités techniques et des conditions d’exécutions
précises, afin de pouvoir comparer des offres à l’aune du respect de l’environnement.
En outre, les acheteurs publics se doivent de prendre en compte toujours davantage
des considérations d’ordre économique liées au respect des lois du marché. La
conjugaison de ces nouvelles exigences attendues de la part de l’acheteur public
concourent à sa « professionnalisation115 ».
114 Entretien avec B. KOEBEL, op. cit. 115 « L'un des enjeux de la professionnalisation des achats est, en effet, de favoriser l'émergence d'un métier d'acheteur public, sachant concilier les impératifs juridiques et les objectifs économiques » selon l’annexe 2 de la Circulaire du 10 février 2012 relative à la professionnalisation des achats des établissements publics de l'Etat. Le
40
L’achat public écoresponsable est tout d’abord typique d’une démarche
faisant appel à une évaluation des besoins que l’acheteur public doit mener, non sans
difficultés (A). Néanmoins, il bénéficie de réseaux d’aides et de sources
d’informations diverses pour mener à bien sa tâche devenue très technique (B).
A. Un achat mieux défini et rationalisé
La directive 2014/24/UE, en son considérant 91, dispose que « la présente
directive précise comment les pouvoirs adjudicateurs peuvent contribuer à la protection de
l’environnement et à la promotion du développement durable tout en garantissant la
possibilité d’obtenir pour leurs marchés le meilleur rapport qualité/prix116 ». Ce meilleur
rapport qualité/prix ne peut s’obtenir que grâce à une définition précise des attentes
du pouvoir adjudicateur.
Des besoins clairement définis permettent la présentation d’offres les plus
adaptées (1) et il échoit au pouvoir adjudicateur de s’assurer que les besoins qu’il a
définis puissent être correctement satisfaits (2).
1. La nécessité d’une meilleure définition des besoins
Selon F. ALLAIRE, « la définition préalable du besoin est appréhendée juridiquement
par le Code des marchés publics. Elle consiste à préparer la passation du marché en rédigeant Ministère de la Défense évoque également la « professionnalisation de la fonction achats » : « La professionnalisation a pour objectif la réalisation de l’ensemble des actions garantissant le niveau de compétences des acheteurs du ministère » in « Professionnalisation des achats » publié par le Secrétariat Général pour l’Administration du Ministère de la Défense, le 23/10/2012. 116 116 Directive 2014/24/UE, op. cit.
41
les obligations contractuelles qui correspondent aux besoins de l’administration 117 ».
L’objectif du marché public est la satisfaction d’un besoin double : celui résultant du
fonctionnement propre au service concerné, et celui lié « à son activité d’intérêt
général et qui le conduisent à fournir des prestations à des tiers118 ». Cette demande doit
être exprimée clairement afin qu’une offre puisse y répondre. L’essence même de la
procédure de marché public est de provoquer cette rencontre. Selon le professeur
RICHER, « cette adéquation des attentes aux besoins relève largement d’une démarche
économique et technique qui fonde la description générale de l’objet du marché aussi bien que
le choix des critères et de leur pondération119 ». L’acheteur public est donc confronté à la
nécessité de définir correctement ses besoins afin d’optimiser son achat. Il doit le
faire, notamment en « prenant en compte des objectifs de développement durable120 »,
parmi lesquels figure la protection de l’environnement. Un achat public est donc
optimal s’il a été pensé en cohérence avec cette exigence.
La détermination est liée à une obligation légale que le pouvoir adjudicateur
doit satisfaire (a). Cette étape est essentielle dans la passation du marché public et lui
permettra d’en retirer une optimalité au regard de la protection de l’environnement
(b). Pour autant cette obligation légale de prise en compte du développement durable
se justifie-t-elle (c) ?
a. La définition des besoins, une exigence légale
117 F. ALLAIRE, « Chapitre 2 : La rédaction du marché », L’essentiel du droit des marchés publics, Ibid., p. 47. 118 Circulaire du 14 février 2012 relative au Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics, publié par le Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie. 119 L. RICHER, « Les procédures de passation permettent-elles de mettre en adéquation l’offre et la demande ? », Contrats Publics, n°69, 09/2007. 120 Code des marchés publics, art. 5
42
L’article 5 du Code des marchés publics dispose à ce titre que « I. - La nature et
l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision (…) en prenant en compte
des objectifs de développement durable. Le ou les marchés ou accords-cadres conclus par le
pouvoir adjudicateur ont pour objet exclusif de répondre à ces besoins. II. - Le pouvoir
adjudicateur détermine le niveau auquel les besoins sont évalués121 ». Les besoins obtenus
sont alors définis, comme l’affirme le Guide des Bonnes Pratiques en matière de marchés
publics, « en recourant à des spécifications précises. Ces spécifications sont des prescriptions
techniques, qui décrivent les caractéristiques d’un produit, d’un ouvrage ou d’un service122 ».
Or, la définition des besoins doit être établie précisément, en nature et en étendue,
dans la mesure où elle conditionne deux éléments principaux : le choix de la
procédure retenue et la définition des prestations attendues. De cela, il résulte qu’une
mauvaise définition du besoin peut provoquer, indirectement, l’irrégularité du
marché : inadaptation de la procédure à l’objet du marché, irrégularité de
l’attribution résultant de l’imprécision des critères exigés, non-satisfaction du besoin
réel à l’issue de la passation du marché. Selon P. DE BAECK, « la définition des besoins
est, donc, une obligation primordiale, tant juridique que pratique : c’est une exigence de bonne
gestion. Elle est contrôlée comme telle par le juge123 ». Comme le rappelle le Guide des
Bonnes Pratiques, des manquements à la définition de la nature et de l’étendue des
besoins ont ainsi pu être sanctionnés dans divers cas : sous-estimation des quantités
de marché124, renvoi de la définition de certains besoins à des dispositifs ultérieurs125,
possibilité pour les candidats de proposer des « services annexes » non-définis126. Si
le pouvoir adjudicateur est incertain à définir la régularité et l’étendue de ses besoins, 121 Code des marchés publics, art. 5 122 Circulaire du 14 février 2012 relative au Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics, op. cit. 123 P. DE BAECK, « Détermination des besoins à satisfaire, III.300.1.1, Définition et présentation générale », Droit des Marchés Publics, Feuillet mobile, Editions du Moniteur, Mars 2014. 124 CE, 29 juillet 1998, Commune de Léognan, req. N°190452, mentionné aux tables du recueil Lebon. 125 CE, 8 août 2008, Région de Bourgogne, req° N°307143, mentionné aux tables du recueil Lebon, Notes P. LABAYLE-PABET et N. GARDERES, A.J.D.A. 2009, p. 54 et D.A., novembre 2008, Comm. 148, p. 35. 126 CE, 15 décembre 2008, Communauté urbaine de Dunkerque, req. n° 310380, AJDA 2009. 614.
43
le code prévoit la possibilité d’avoir recours à des accords-cadres ou des marchés de
bons de commande127. S’il est incertain sur les moyens à utiliser pour satisfaire ses
besoins il peut avoir recours à une procédure négociée 128 ou à un dialogue
compétitif129. Enfin, de façon plus précise, l’article 5 du Code des marchés publics
évoque le devoir de prise en compte du développement durable. Cela signifie
notamment que le pouvoir adjudicateur doit évaluer ses besoins à l’aune de la
protection de l’environnement. A ce titre, cette « prise en compte », qui n’est pas un
terme juridique précis, a été rendue contraignante par la doctrine administrative :
« Cet article impose au pouvoir adjudicateur une obligation de s'interroger sur la définition
de ses besoins eu égard à des objectifs de développement durable (…) il n'a pas à justifier vis-
à-vis des opérateurs économiques, de son impossibilité de prendre en compte des objectifs de
développement durable dans les documents de la consultation du marché public. En revanche,
dans la mesure où il s'agit d'une obligation qui lui est imposée par le code, le pouvoir
adjudicateur doit être en mesure de justifier à tout moment, à l'égard des organismes de
contrôle du marché130 ».
b. Les gains tirés d’une meilleure définition au regard de la
protection de l’environnement
Outre le respect de la légalité, la bonne détermination des besoins peut
permettre de tirer des gains en termes environnementaux. En effet, la détermination
des besoins revêt un caractère gestionnaire et managérial indispensable à l’acheteur
public qui souhaite rationnaliser son achat en termes économiques. Mais si l’on
127 Code des marchés publics, art. 35 128 Code des marchés publics, art. 35 129 Code des marchés publics, art. 36 130 Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie publiée dans le JO Sénat du 11/01/2007, p. 75 à la Question écrite n° 25167 de M. Bernard Piras publiée dans le JO Sénat du 09/11/2006 - page 2793.
44
considère cette démarche à la lueur de l’objectif plus général d’achat public
respectueux de l’environnement, cette évaluation des besoins du service peut
permettre plusieurs types d’optimisation, comme l’affirme M. PALIS : « faire évoluer
un achat vers des achats d’une autre nature131, (…) réduire le besoin d’achats, (…) constater la
disparition de certains besoins (…) ce qui peut permettre un transfert de dépense au besoin sur
d’autres achats durables comportant un éventuel surcoût 132 ». Le besoin, s’il est
précisément défini, et envisagé sous l’angle du développement durable, peut
permettre de développer la pratique du marchés public environnemental. À fin
d’exemple, on pourrait citer celui du besoin en chauffage. Si la température d’un
bâtiment est ressentie comme trop basse malgré la présence d’un système de chaleur,
alors le besoin en question est celui d’obtenir d’une température plus élevée dans
cette enceinte. Ce besoin, défini comme tel, et non d’une autre manière peut alors
renvoyer à plusieurs types d’offres : l’installation d’un système de chauffage
nouveau, plus performant (moins consommateur d’énergie) mais nécessitant le
remplacement des appareils en place bien qu’encore en état de marche, ou
l’amélioration de l’isolation (par les fenêtres, les huisseries, etc.). La préoccupation
environnementale peut ici être prise en compte en matière d’économies d’énergies et
parfaitement conciliée avec la recherche d’un avantage économique (le
remplacement de fenêtres peut apparaître moins coûteux que celui d’un système de
chauffage). À titre d’exemple, la Réglementation Thermique (RT), révisée tous les 5
ans, et visant à réduire la consommation énergétique des bâtiments « s’exprime sous
forme de performances à atteindre pour laisser toute liberté de conception aux architectes et
aux bureaux d’étude afin de favoriser l’innovation technologique et l’optimisation de leurs
131 Certains achats respectueux de l’environnement permettent de réaliser des économies d’énergie, à l’image des véhicules électriques ou hybrides. Le besoin est satisfait de façon équivalente, mais permet de surcroît des économies budgétaires et en termes d’externalités environnementales. 132 M. PALIS, « Vers une intégration globale du développement durable ? », Contrats Publics, n°72, 12/2007.
45
projets133 ». Cette démarche de « bon sens » n’est pas forcément propre aux marchés
publics environnementaux, mais on constate qu’elle permet la prise en compte du
développement durable dans son analyse. La définition des besoins est donc une
étape transversale à toutes les préoccupations auxquelles est soumis le pouvoir
adjudicateur (économiques, pratiques, environnementales, …). Selon le PNAAPD,
« la décision d’achat doit être considérée comme une décision d’investissement, s’étalant dans
le temps, et se justifiant par une étude de ses impacts économiques134 ».
c. L’obligation de « prise en compte » du développement durable
Faut-il rendre obligatoire la prise en compte de l’environnement dans la
définition des besoins en vue de la passation d’un marché public ? Cette question
divise la doctrine. En effet, d’aucuns constateront le caractère imprécis de la
formulation du Code des marchés publics en son article 5, qui évoque la nécessaire
« prise en compte » du développement durable135. Cette formulation juridique,
caractérisée par l’usage du présent de l’indicatif semble lier juridiquement le pouvoir
adjudicateur à une nécessité difficile à évaluer. Le caractère contraignant de cette
formule ne semble pas pour autant de nature à engager une jurisprudence sur ce
terrain, et comme l’affirme le professeur LINDITCH, « ici encore on attend le requérant
qui, faute d'inspiration, invoquera le fait que le marché n'a pas pris en compte l'objectif (voire
plusieurs, car le code utilise le pluriel) dans sa procédure ou son marché 136 ». En
l’occurrence le clivage se situe dans le fondement de l’obligation liée à la prise en
compte du développement durable, et cette question est transcendante à toutes les
133 PNAAPD, op. cit., p. 35. 134 PNAAPD, op. cit., p. 41. 135 Code des marchés publics. 136 F. LINDITCH, « Réformette du Code des marchés publics, et pourquoi pas une véritable réforme ? », La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales, n° 44, 27/10/2008, 2242.
46
réflexions liées, à la dimension environnementale notamment, des marchés publics.
« On pourrait même s'interroger sur la question de savoir si le développement durable entre
bien dans les besoins courants de l'acheteur. Du besoin de sauver l'humanité, les générations
futures, la faune et la flore on n'en discutera pas, mais du besoin à satisfaire au moment de
l'achat, il y aurait matière...137 » souligne le professeur LINDITCH. A l’inverse, selon B.
KOEBEL, interrogé sur cet aspect du Code des marchés publics, l’idée d’une sanction
en cas de non-recours aux conditions et critères environnementaux n’est pas dénuée
d’intérêt dans la mesure où les achats doivent être désormais rationnalisés.
L’acheteur public se doit de ne plus se borner simplement au coût d’achat, mais
également au coût global et à la durée de vie du produit, notamment en ces temps
d’économie budgétaire138 . Le développement durable est donc envisagé comme
faisant partie intégrante de la démarche qualitative d’analyse du coût, auquel le
pouvoir adjudicateur ne peut plus se soustraire. Comme le résume M. PALIS, « certes,
l’obligation peut paraître imprécise mais, d’une part, elle doit pouvoir s’adapter à la diversité
de l’achat public et, d’autre part, les objectifs sont connus139 ». L’obligation de prise en
compte du développement durable est donc la prolongation de la réflexion menée
sur la commande publique durable. L’idée maîtresse de l’achat public
écoresponsable est de retenir que l’offre ayant le meilleur rapport/qualité prix est
souvent celle qui intègre des considérations environnementales, dans la mesure où
son coût n’est plus simplement égal à son seul prix d’achat. Le coût intègre alors
inévitablement un aspect relatif à la protection de l’environnement : le pouvoir
adjudicateur ne peut plus l’ignorer.
137 Ibid. 138 Entretien avec B. KOEBEL, op. cit. 139 M. PALIS, op. cit.
47
2. Les moyens de la satisfaction du besoin par l’acheteur public
Le pouvoir adjudicateur est, selon la circulaire du 3 août 2006 portant manuel
d'application du code des marchés publics140, l’entité chargée de définir les besoins. Il
ne s’agit plus, comme l’indiquait le Code des marchés publics de 2004 d’une
« personne responsable du marché141 » en particulier, même si le terme actuel englobe
le précédent. Le Code en vigueur ne fait plus la distinction car il « ne souhaite pas
interférer avec les règles d'organisation et de fonctionnement propres à chaque pouvoir
adjudicateur142 ». Comme l’indique la circulaire, « les modalités de la désignation des
personnes chargées de mettre en œuvre les procédures de marché, les compétences qui leur
sont dévolues ou le régime des délégations de pouvoir ou de signature relèvent exclusivement
de leurs textes organiques ou statutaires, ou sont laissés, en l'absence de tels textes, au libre
choix du pouvoir adjudicateur143 ». Il peut s’agir de la personne responsable des achats
publics au sein de la direction des services, c’est à dire de l’acheteur public144. Dans le
cas présent, nous nous bornerons à étudier cette possibilité. Ce dernier est donc
confronté à la nécessité d’exprimer les besoins du service une fois qu’ils ont été
définis et de veiller à la possibilité de leur satisfaction par le marché.
Il s’agit donc principalement pour le pouvoir adjudicateur d’exprimer les
besoins identifiés (a), puis d’étudier les caractéristiques du marché au regard de
140 Circulaire du 3 août 2006 portant manuel d'application du code des marchés publics, JORF n°179 du 4 août 2006 page 11665. 141 Code des marchés publics, édition 2004, art. 20. 142 Circulaire du 3 août 2006, « 4.5. Qui définit les besoins ? », op. cit. 143 Circulaire du 3 août 2006, « 4.5. Qui définit les besoins ? », op. cit. 144 « Un ministère, une collectivité ou un établissement public peuvent décider que leurs besoins seront définis au niveau de la direction des services » in P. DEVILLERS, G. ECKERT, F. LINDITCH, F. LLORENS, R. SCHNEIDER, P. SOLER-COUTEAUX, W. ZIMMER, G. LLORENS et M. PORTELLI, « Commentaire de l’article 5, 71) Qui définit les besoins ? », Code des marchés publics 2013, Coll. Les Codes bleus, Ed. LexisNexis, p.229.
48
fournisseurs potentiels (b), afin d’obtenir pleine satisfaction de la commande
publique.
a. L’expression des besoins par le pouvoir adjudicateur
L’analyse des besoins fonctionnels consiste à déterminer avec exactitude le
besoin du service, notamment afin d’établir la nature et l’étendue de celui-ci. Selon la
circulaire de 2006, il est possible de se baser sur des « états de consommation145 ». Ces
états de consommation sont obtenus au sein du service par l’étude des recours aux
produits, services ou travaux concernés, lors des exercices précédents et suivant des
estimations pour les exercices futurs. Selon le guide Achetez vert ! édité par la
Commission Européenne, « il est (…) préférable, par souci d’efficacité, de décrire vos
besoins de manière fonctionnelle, afin de n’exclure aucune des possibilités disponibles sur le
marché146 ». Cette définition des besoins donne lieu à une expression, que le Code des
marchés publics encadre. Il s’agit, pour le pouvoir adjudicateur, d’inclure différents
types de pièces écrites selon la procédure engagée dans les documents de
consultation. Si la procédure est formalisée (le montant du marché se situe au-delà
des seuils européens), alors un cahier des charges et un acte d’engagement sont
requis147. Au dessous de seuils, et à l’exception des marchés d’un montant inférieur à
15 000 euros hors taxe, « la seule obligation pesant sur les pouvoirs adjudicateurs consiste à
formaliser l’accord par écrit148 ». Les cahiers des charges, quant à eux, « déterminent les
conditions dans lesquelles les marchés sont exécutés149 ». Ils contiennent les cahiers des
145 Circulaire du 3 août 2006, « 4.1. Pourquoi faut-il bien identifier les besoins ? », op. cit. 146 Commission européenne, Achetez vert ! - Un manuel sur les marchés publics écologiques, Luxembourg: Office des publications officielles des Communautés européennes, 2005, p. 13 147 Code des marchés publics, art. 11. 148 F. ALLAIRE, op. cit., p. 49 149 Code des marchés publics, art. 13
49
clauses générales, en deux volets : techniques et administratives. Le pouvoir
adjudicateur peut choisir de faire référence aux « cahiers des clauses techniques
générales » (CCTG) ou aux « cahiers des clauses administratives générales »
(CCAG), qui sont des documents-types approuvés par arrêté ministériel et qui
contiennent les dispositions techniques et administratives applicables à une catégorie
de marché. Le pouvoir adjudicateur peut également choisir de se référer entièrement
ou partiellement (de façon dérogatoire, sur certains points mentionnés, aux CCTG et
CCAG) à des « cahiers des clauses techniques particulières » (CCTP) et « cahiers des
clauses administratives particulières » (CCAP) fixant les dispositions de façon
spécifique au marché en question. Selon C. LAJOYE, « [les CCTP] décrivent
précisément les prestations à réaliser et permettent à la personne compétente pour mettre en
œuvre et signer le marché de surveiller le déroulement du marché et sa bonne exécution150 ».
Le Code, en son article 41, précise que les documents de la consultation « sont
constitués de l'ensemble des documents et informations préparés par le pouvoir adjudicateur
pour définir l'objet, les caractéristiques et les conditions d'exécution du marché ou de l'accord-
cadre151 ». Or, comme l’indique le guide des bonnes pratiques en matière de marchés
publics, « les préoccupations environnementales pourront être intégrées dans le processus
d’achat à différentes étapes. Lors de la définition et de l’expression des besoins, l’article 6 relatif
aux spécifications techniques permet de définir dans les documents de la consultation des
exigences en matière environnementale152 ». Le cahier des clauses techniques générales
ou particulières est donc le document qui verra l’inclusion, par le pouvoir
adjudicateur, des préoccupations environnementales dans la mesure où il va y
présenter ses attentes. Comme le dispose l’article 6 du Code des marchés publics, les
150 C. LAJOYE, Droit des Marchés publics, Mémentos LMD - Master, 3ème édition, 2008, Coll. Gualino, Lextenso éditions, p. 172. 151 Code des marchés publics, art. 41. 152 Circulaire du 3 août 2006, « 16.1. Les préoccupations environnementales », op. cit.
50
spécifications techniques sont incluses dans les documents de la consultation « 1°
Soit par référence à des normes ou à d'autres documents équivalents accessibles aux
candidats, (…) ; 2° Soit en termes de performances ou d'exigences fonctionnelles. (…) Elles
peuvent inclure des caractéristiques environnementales 153». De même, l’article 14 du Code
des marchés publics précise que « les conditions d'exécution d'un marché ou d'un accord-
cadre peuvent comporter des éléments à caractère social ou environnemental qui prennent en
compte les objectifs de développement durable154 ». L’annexe 2 de ce mémoire présente un
exemple de CCTP pour un marché public de fournitures. On peut ainsi y lire, au
niveau de la description des fournitures, la mention suivante : « une part de 25%
minimum de matière recyclée devra systématiquement entrer dans la composition des sacs
proposés par le candidat155 ». Le CCTP en question exige également que « les sacs à
fournir sont du type sacs de collecte. (…) - De marque NF 170 (marque NF environnement
pour les sacs en matières plastiques pour la collecte et la pré-collecte des déchets)156 ». Ce
type de formulation étant une stipulation contractuelle impérative, alors sa «
méconnaissance est constitutive d’une faute du titulaire157 ». Il s’agit donc pour le pouvoir
adjudicateur d’exprimer les besoins qu’il a définis et identifiés de manière technique
et pratique afin que le soumissionnaire puisse y répondre du mieux
possible. Toutefois, cette étape de la passation des marchés publics n’est pas
forcément aisée dans la mesure où l’expression de performances en des termes
techniques pour certains marchés peut se révéler complexe. À ce titre, les CCTG
peuvent constituer une base de donnée efficace, que le pouvoir adjudicateur a la
liberté d’amender par des clauses dérogatoires. B. KOEBEL affirme par ailleurs que la 153 Code des marchés publics, art. 6 154 Code des marchés publics, art. 14 155 Cf. Annexe 2. Marchés publics de fournitures courantes et services, Communauté urbaine de Strasbourg, marché public à procédure adaptée n°DES4002C – « Acquisition de sacs translucides jaunes imprimés destinés à la collecte des matériaux recyclables », cahier des clauses techniques particulières. 156 Ibid. 157 N. NAHMIAS et L. GIVORD, « Code des marchés publics : de la réticence à l’intégration du développement durable ? », Contrats publics, n°72, 12/2007.
51
difficulté pour trouver des cahiers des charges « prêts à l’emploi » est réelle,
particulièrement pour les collectivités qui doivent ainsi s’intéresser à des marchés
spécifiques et techniques 158 . L’exemple de la fourniture d’aliments issus de
l’agriculture biologique est notable : B. KOEBEL a notamment proposé dans un article
des formules susceptibles d’être utilisées pour réaliser un achat public « bio ». Il y
affirme : « les acheteurs publics s’interrogent régulièrement sur les possibilités offertes par
la réglementation d’imposer des produits issus de l’agriculture biologique dans les achats
effectués par les collectivités. Un certain nombre d’entre eux s’est lancé avec hardiesse dans
l’exercice, en dépit d’un encadrement juridique encore quelque peu hésitant 159 ». La
possibilité d’inclure des clauses environnementales dans les spécifications
techniques est donc une opportunité que les pouvoirs adjudicateurs peuvent saisir,
même si l’exercice peut se révéler relativement difficile.
b. La connaissance préalable des marchés
Définir correctement les besoins peut ne pas suffire à la bonne passation d’un
marché. En effet, la commande publique obéit à la loi du marché où la demande doit
rencontrer une offre. Comme l’affirme B. JARGOIS, « l’acheteur public évolue dans un
monde bipolaire partagé entre le secteur public auquel il appartient et le secteur concurrentiel
auprès duquel il va chercher à satisfaire ses besoins160 ». Les besoins exprimés par le
pouvoir adjudicateur sont, par nature, d’une grande diversité, et localisés
géographiquement dans des zones précises. La prise en compte des considérations
environnementales dans la commande publique, faisant appel à des matériaux, des
158 Entretien avec B. KOEBEL, op. cit.. 159 B. KOEBEL, « Marchés publics : comment acheter bio ? », La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n°48, 03/12/2012, 2385. 160 B. JARGOIS, « Commande publique et entreprises : regards croisés sur la prise en compte du développement durable », Contrats Publics, n°96, 02/2010.
52
techniques et des modes de production spécifiques ne fait qu’accentuer ce
phénomène. Il est donc important de s’assurer que le pouvoir adjudicateur trouvera
au moins un opérateur économique capable de répondre à son marché. Pour cela,
comme l’affirme F. WILINSKI, « l’acheteur public doit ainsi se comporter comme un
véritable commercial161 ». À ce titre, le guide des bonnes pratiques en matière de marchés
publics affirme que « pour être efficace, l’expression des besoins impose (…) [notamment]
la connaissance, aussi approfondie que possible, des marchés fournisseurs, qui peut s’appuyer,
par exemple, sur la participation de l’acheteur à des salons professionnels ou sur de la
documentation technique162 ». Cette pratique recommandée se nomme le sourcing et
consiste pour l’acheteur public « à rechercher les fournisseurs susceptibles de répondre à
ses consultations, puis à les évaluer et enfin à sonder l’état de la concurrence163 ». Cette
recherche doit se faire afin de savoir si la demande en question pourrait être
satisfaite, mais également pour se renseigner sur les « gammes de produits, leurs prix,
mais aussi tous les services annexes comme la maintenance, le service après-vente, les
problèmes logistiques, etc.164 ». L’intérêt de cette technique est qu’elle se situe en amont
de la passation du marché, permettant ainsi au pouvoir adjudicateur de connaître
approximativement le budget nécessaire à la réalisation du marché, d’apprécier la
faisabilité technique du projet et de s’imprégner de l’actualité du marché (possibles
solutions innovantes, services attenants au produit, …). Selon V. COCHI et G. TERRIEN,
le développement de la fonction d’acheteur public en ce sens est la « garantie d’une
véritable « professionnalisation »165 ». Toutefois, cette pratique n’étant pas encore
réellement encadrée juridiquement bien que recommandée notamment par le juge
161 F. WILINSKI, op. cit. 162 Circulaire du 3 août 2006, « 4.1. Pourquoi faut-il bien identifier les besoins ? », op. cit. 163 V. COCHI et G. TERRIEN, « Le sourcing, étape indispensable de l’achat public ? », Contrats publics, n°99, 05/2010. 164 Ibid. 165 Ibid.
53
administratif166 ne va pas sans risques. En effet, « cette pratique pourrait être sanctionnée
par le juge administratif (…), par l’Autorité de la concurrence (…), et le juge pénal (…), et ce
quel que soit le montant ou la forme du marché considéré167 » si cette étape d’information
pratiquée par l’acheteur public contribuait à révéler des informations sur un marché
avant sa passation, à favoriser un opérateur potentiel ou à dévoiler des avis
techniques couverts par le secret industriel et commercial. Le sourcing doit en effet
être vu comme une étape à réaliser bien en amont, et suivant une certaine
déontologie de l’acheteur public, afin qu’il permette d’effectuer une veille
commerciale et industrielle, et non une prospection préalable à la sélection de
soumissionnaires. Cette technique trouve d’autant plus son intérêt dans le cadre des
marchés publics environnementaux, dont le dynamisme en termes d’innovations
techniques est réel. Selon B. KOEBEL, une veille permanente dans tous les secteurs
courants concernés par l’achat public est recommandée et l’étape du sourcing doit
être réalisée avec précaution : au sein du service des achats de la Communauté
urbaine de Strasbourg, il est admis de laisser s’écouler 4 mois entre la collecte
d’informations et l’annonce de la passation du marché. La règle reste avant tout de
pratiquer la collecte d’informations, et non le dévoilement d’informations sur un
marché potentiel168.
Cette pratique, tout comme celles liées à la définition du besoin, impose une
rigueur dans l’exercice du métier d’acheteur public. Il doit s’informer, prévoir et
analyser les possibilités liées aux caractéristiques du marché public qu’il ambitionne
166 « Il (...) incombe notamment [à l'acheteur public] de se demander, si la spécialité professionnelle dont il a besoin est courante, si elle est répandue dans son environnement géographique immédiat ou si, au contraire, elle est rare ou en tout cas dispersée sur une large zone géographique », conclusions du commissaire du gouvernement D. CASAS pour CE, 7 Octobre 2005, Région Nord-Pas-de-Calais, n° 278732, JCP A, 2005, 1345. 167 V. COCHI et G. TERRIEN, op. cit. 168 Entretien avec B. KOEBEL, op. cit.
54
de passer. Cela dénote donc d’une véritable « professionnalisation » de sa fonction,
qui s’exprime notamment au vu des connaissances techniques qu’il doit acquérir afin
d’être pleinement informé des possibilités offertes par les opérateurs économiques.
B. Des outils pour aider l’acheteur dans sa mission
L’acheteur public devant pourvoir à ses obligations en matière de définition
des besoins et de leur expression, fait face à la contrainte que représente la
connaissance technique attendue de sa part. Pour pallier ses lacunes en la matière, le
cas échéant, il peut bénéficier d’un soutien technique basé essentiellement sur
l’approvisionnement en informations lui permettant de faciliter ses décisions. Cela
passe tout d’abord par la possibilité, et même l’incitation à avoir recours à un
écheveau de référentiels qui peuvent homogénéiser les attentes techniques à l’égard
des opérateurs économiques. Ce recours n’est pas indispensable ni exclusif.
Néanmoins, il est possible de constater un véritable dynamisme dans l’édification de
normes et de référentiels dans le domaine du développement durable. L’acheteur
public voit donc sa fonction se professionnaliser y compris par le biais de ces
référentiels qui sont autant de spécificités sectorielles qu’il doit appréhender. Face à
ces caractéristiques, l’acheteur peut être accompagné dans sa mission par différents
types de réseaux d’entraide et d’accompagnement.
Il peut donc être constaté que le recours aux référentiels est désormais un
facteur incontournable dans l’émergence des marchés publics environnementaux (1),
cependant que l’acheteur peut trouver des solutions d’accompagnement lorsqu’il
désire faire face à la technicité de la matière (2).
55
1. Le recours aux référentiels
L’article 6 du Code des marchés publics relatif aux spécifications techniques
dispose que « I. - Les prestations qui font l'objet d'un marché ou d'un accord-cadre sont
définies, dans les documents de la consultation, par des spécifications techniques formulées : 1°
Soit par référence à des normes ou à d'autres documents équivalents accessibles aux
candidats, notamment des agréments techniques ou d'autres référentiels techniques élaborés
par les organismes de normalisation ; 2° Soit en termes de performances ou d'exigences
fonctionnelles169 ». Le Code précise également que ces exigences environnementales
peuvent être formulées par le biais d’écolabels, sous certains conditions. Dans
l’ensemble de ces référentiels, certains (les normes homologuées) sont obligatoires,
tandis que d’autres sont facultatifs. Les normes homologuées peuvent être rendues
obligatoires par arrêté ministériel170. Les autres normes, agréments techniques et
labels sont facultatifs mais permettent « au pouvoir adjudicateur d’exprimer facilement
les caractéristiques, notamment techniques, des prestations qu’il souhaite, aux fournisseurs,
prestataires et constructeurs d’assortir leur offre d’une présomption de qualité minimale171 ».
Cela représente donc un intérêt certain pour le pouvoir adjudicateur, notamment
dans le cadre des marchés publics environnementaux où la complexité technique est
prégnante.
169 Code des marchés publics, art. 6 170 « Les normes peuvent être rendues d'application obligatoire par arrêté signé du ministre chargé de l'industrie et du ou des ministres intéressés » : Art. 12-7 du Décret n° 2009-697 du 16 juin 2009 relatif à la normalisation 171 P. DEVILLERS, et alii, « Commentaire de l’article 6, 2) Intérêt multiple des spécifications techniques », op. cit., p.245.
56
Il est possible d’analyser tout d’abord l’éventail des référentiels
environnementaux et leur intérêt (a), tout en tenant compte que l’utilisation de ces
référentiels ne va pas sans difficultés (b).
a. Les référentiels utiles aux marchés publics environnementaux
Selon l’arrêté du 28 août 2006 relatif aux spécifications techniques des
marchés et des accords-cadres, une norme est « une spécification technique approuvée
par un organisme reconnu à activité normative pour application répétée ou continue, dont
l'observation n'est pas obligatoire172 ». Cette norme peut être internationale, européenne
ou nationale. Les référentiels peuvent également être des agréments techniques173,
des spécifications techniques communes174 ou des référentiels techniques175. Comme
l’affirme le guide Achetez vert ! de la Commission, les normes peuvent être utilisées
dans le cas de spécifications environnementales et la règle est que « si ces
spécifications sont utilisées pour les passations de marchés publics, les entreprises doivent
prouver qu’elles peuvent satisfaire à ces normes ou, si elles utilisent d’autres méthodes, qu’elles
satisfont aux niveaux de performance établis par ces normes. Si elles ne sont pas en mesure de
fournir ces preuves, leur offre devra être rejetée176 ». A titre d’exemple, la norme NF
Environnement, délivrée par l’AFNOR, l’établissement français de normalisation, «
172 Art. 4 de l’arrêté du 28 août 2006 relatif aux spécifications techniques des marchés et des accords-cadres. http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000640567&dateTexte= 173 « Un agrément technique est une appréciation technique favorable de l’aptitude à l’emploi d’un produit pour une fin déterminée, basée sur la satisfaction des exigences essentielles pour la construction, selon les caractéristiques intrinsèques de ce produit et les conditions établies de mise en œuvre et d’utilisation », in Art. 4 de l’arrêté du 28 août 2006 174 « Une spécification technique commune est une spécification technique élaborée selon une procédure reconnue par les Etats membres et publiée au Journal Officiel de l’Union européenne » in Art. 4 de l’arrêté du 28 août 2006 175 « Un référentiel technique vise tout produit élaboré par les organismes européens de normalisation, autre que les normes officielles, selon des procédures adaptées à l'évolution des besoins du marché », Art. 4 de l’arrêté du 28 août 2006. 176 Commission européenne, Achetez vert ! - Un manuel sur les marchés publics écologiques, op. cit., p. 19.
57
distingue les produits dont l'impact sur l'environnement est réduit177 ». Parmi les différentes
normes NF Environnement agrées, la norme NF 170178 concerne les sacs à déchets
respectueux de l’environnement. L’agrément de la norme, obtenu par un fabricant
après demande puis examens multiples du produit par le comité de la Marque NF
Environnement, est officiellement compatible avec des critères d’aptitude à l’usage,
des critères écologiques communs, des critères spécifiques à chaque matière
employée et des critères écologiques issus du cycle de vie 179 . Cette norme a
notamment pu être exigée dans le marché public organisé par la Communauté
urbaine de Strasbourg présenté à titre d’illustration dans l’annexe 2, dans la mesure
où on le retrouve dans le CCTP de ce marché. L’ensemble des normes NF agrées par
l’AFNOR sont disponibles (les normes homologuées donc obligatoires sont
disponibles à titre gratuit) sur la boutique en ligne de l’organisme de certification
français180. On distingue des normes les labels écologiques ou « écolabels ». Ceux-ci
sont préconisés par le Code des marchés publics qui précise, à l’article 6 alinéa 7 que
« lorsque les performances ou les exigences fonctionnelles définies en application du 2° du I
comportent des caractéristiques environnementales, celles-ci peuvent être définies par
référence à tout ou partie d’un écolabel181 ». La doctrine administrative les définit ainsi
« Les écolabels sont des déclarations de conformité des prestations labellisées à des critères
préétablis d'usage et de qualité écologiques qui tiennent compte du cycle de vie et des impacts
177 Site officiel de la marque NF, « La marque NF Environnement ». http://www.marque-nf.com/pages.asp?ref=gp_reconnaitre_nf_nfenvironnement 178 Cf. Annexe 3. Caractéristiques de la norme NF 170 agrée par l’AFNOR. Information obtenue sur le site officiel de la marque NF Environnement. http://www.marque-nf.com/appli.asp?NumAppli=NF170&lang=French 179
Laboratoire national de métrologie et d’essais, « Règles de certification – Marque NF Environnement – Sacs à déchets – Partie 2 : Exigences à respecter par le fabricant », Février 2013. http://www.lne.fr/fr/certification/reglements/marque-nf-170-sacs-dechets/reg-nf-170-p2-exigences-qualite-sacs-dechets.pdf 180 http://www.boutique.afnor.org/ 181 Code des marchés publics, art. 6, al. VII
58
environnementaux des produits182 ». Ces labels écologiques peuvent être publics ou
privés, à critères uniques ou multiples, sont dits de type I, et sont définis par la norme
ISO 14024183. Un exemple de label est la marque Energy Star (efficacité énergétique
des équipements de bureau), recommandée au niveau européen184. Il est intéressant
de noter que le principe de ces normes et labels est qu’ils sont établis de manière
collégiale entre des gouvernements, des consommateurs, des fabricants, des
distributeurs et des organisations de protection de l’environnement. De cette
manière, ils sont incontestables dans leurs fondements et adoptent un profil
conventionnel : leur utilisation par le secteur public et privé ne peut en être que plus
renforcée. En substance, ces normes et labels sont des outils pouvant faciliter la tâche
du rédacteur du cahier des charges lors de la passation d’un marché public : sous
condition d’acceptation d’équivalence (cf. infra), ces référentiels permettent d’exiger
des performances cohérentes et spécifiques à chaque marché.
b. Les limites juridiques de l’utilisation des référentiels
L’utilisation de ces référentiels revêtent une apparente simplicité pour le
pouvoir adjudicateur. Sans connaissance préalable sur un domaine particulièrement
technique, la référence à une norme ou un label pourrait garantir la prise en
considération effective du développement durable dans un marché public.
Cependant, la réglementation en vigueur entourant l’utilisation de ces référentiels
vient complexifier la situation. Tout d’abord, le Code des marchés précise en son
article 6 alinéa V que « lorsque le pouvoir adjudicateur utilise une spécification technique 182 Réponse ministérielle à la question de M. D. CINIERI, n°108228, Journal Officiel de l’Assemblée Nationale, 28/11/2006, p. 12458. http://questions.assemblee-nationale.fr/q12/12-102882QE.htm 183 Cf. Annexe 4. Exemple d’écolabels et autres étiquetages reconnus. 184 Règlement (CE) n°106/2008 du Parlement européen et du Conseil du 15 janvier 2008 concernant un programme communautaire d’étiquetage relatif à l’efficacité énergétique des équipements de bureau.
59
formulée selon les modalités prévues au 1° du I, il ne peut pas rejeter une offre au motif qu'elle
n'est pas conforme à cette spécification si le candidat prouve dans son offre, par tout moyen
approprié, que les solutions qu'il propose respectent de manière équivalente cette
spécification185 ». Le principe est constant (à l’exception des normes obligatoires) : la
référence à une norme ou label n’est valable que dans la mesure où ils explicitent une
série de critères techniques cohérents et sectoriels. Le référentiel n’en devient qu’une
illustration possible de l’utilisation de cette série de critères : si le candidat dispose
de l’agrément de ce référentiel il peut attester d’une preuve facilement, mais s’il
choisit de ne pas avoir recours à cet agrément, rien ne l’y oblige. La Cour de Justice de
l’Union européenne est venue préciser dans une affaire récente Commission c/ Pays-
Bas, que le pouvoir adjudicateur ne peut en aucun cas exiger un écolabel (relatif au
commerce équitable, en l’espèce) dans les spécifications techniques de son marché
sans accepter d’équivalence. Le Royaume des Pays-Bas a manqué aux obligations de
la directive 2004/18/CE dans la mesure où il « a établi une spécification technique
incompatible avec l’article 23, paragraphe 6, de la directive 2004/18 en exigeant que certains
produits à fournir soient munis d’un écolabel déterminé, plutôt que d’utiliser des spécifications
détaillées186 ». La directive « marchés publics » de 2014 est venue confirmer ce
principe en le tempérant en faveur du recours aux normes et labels187. La référence à
un label dans les spécifications techniques exige cependant la mention intégrale des
185 Code des marchés publics, art. 6, al. 5 186 CJUE, 10 Mai 2012, aff. C-368/10, Commission c/ Royaume des Pays-Bas, concl. J. KOKOTT : JCP A 2012, act. 353, RLCT, 06/2012, n°80, 2247. 187 Les pouvoirs adjudicateurs « peuvent, dans les spécifications techniques, les critères d’attribution ou les conditions d’exécution du marché, exiger un label particulier en tant que moyen permettant de prouver que les travaux, services ou fournitures correspondent aux caractéristiques requises (…). Lorsqu’un opérateur économique n’avait manifestement pas la possibilité d’obtenir le label particulier spécifié par le pouvoir adjudicateur ou un label équivalent dans les délais fixés pour des raisons qui ne lui sont pas imputables, le pouvoir adjudicateur accepte d’autres moyens de preuve (…) pour autant que l’opérateur économique concerné établisse que les travaux, fournitures ou services qu’il doit fournir satisfont aux exigences concernant le label particulier ou aux exigences particulières indiquées par le pouvoir adjudicateur », Directive 2014/24/UE, art. 43, Ibid.
60
critères qu’il recouvre188. Cette obligation est particulièrement fastidieuse : dans le
cas des produits issus de l’agriculture biologique, B. KOEBEL affirme que « cette tâche
semble toutefois peu aisée, notamment pour des collectivités ne disposant pas d’expertise
particulière en matière d’agriculture biologique189 ». En outre, dans son communiqué de
presse, la Cour précise que cette obligation « permet, d’une part, à tous les
soumissionnaires (…) d’en comprendre la portée exacte et de les interpréter de la même
manière et, d’autre part, de mettre le pouvoir adjudicateur en mesure de vérifier effectivement
si les offres des soumissionnaires correspondent aux critères régissant le marché en cause190 ».
En effet, le corollaire à l’admission de tout produit, prestation ou travail équivalent à
celui ou celle ayant obtenu l’agrément du label, est de faire la preuve de cela. À ce
titre, le pouvoir adjudicateur se doit de vérifier la conformité du produit allégué
équivalent, au moyen des documents fournis. Une erreur d’équivalence pourrait
compromettre la légalité du marché conclu, dans la mesure où la spécification
technique en cause est une stipulation contractuelle. Or, comme l’affirment G.
CANTILLON et P. SCHIESSER, « l’appréciation de l’équivalence est un exercice redouté par les
acheteurs 191 ». C’est effectivement une marque supplémentaire de la
professionnalisation de l’acheteur public, dans la mesure où celui-ci doit faire preuve
d’une connaissance technique approfondie pour évaluer les documents d’attestation
fournis, le cas échéant, par le candidat. Selon B. KOEBEL, cette jurisprudence a un
effet contre-productif envers le recours aux marchés publics environnementaux : la
contrainte de précision imposée à l’acheteur public est lourde, surtout au regard des
facilités actuelles d’accès à l’information. Le risque encouru serait de ne pas inciter 188 « S’agissant des exigences relatives à des caractéristiques environnementales, celui-ci confère aux pouvoirs adjudicateurs la faculté de recourir aux spécifications détaillées d’un écolabel, mais non à un écolabel en tant que tel » in CJUE, 10 Mai 2012, Commission c/ Royaume des Pays-Bas, préc., cons. (63). 189 B. KOEBEL, « Marchés publics : comment acheter bio ? », op. cit. 190 Communiqué de presse n° 60/12 concernant l’arrêt dans l'affaire C-368/10, Commission c/ Pays-Bas, Luxembourg, le 10 mai 2012. 191 G. CANTILLON et P. SCHIESSER, « L’achat public écoresponsable saisi par les « référentiels » ? », Contrats Publics, n°72, 12/2007.
61
les pouvoirs adjudicateurs d’avoir recours à ces normes 192 . La Cour souhaite
néanmoins que les documents de consultations aient valeur de référence universelle
pour les candidats, et non que ceux-ci soient « soumis aux aléas d’une recherche
d’informations et aux possibles variations dans le temps des critères afférents à un écolabel
quelconque193 ». À ce titre, Mme l’avocat générale J. KOKOTT affirme qu’« il peut être
attendu d’un soumissionnaire raisonnablement informé et normalement diligent qu’il
connaisse les labels de commerce équitable utilisés sur le marché en cause ou, à tout le moins,
s’informe auprès des organismes de certification de ces labels des critères appliqués par
eux194 ». Cette question semble donc diviser les différents acteurs en présence.
Les référentiels et leur utilisation sont donc des outils au service des pouvoirs
adjudicateurs lorsqu’ils souhaitent avoir recours aux marchés publics
environnementaux. Établis de manière collégiale entre tous les acteurs prenant part à
la production et à la consommation de ces biens, ils sont autant de preuves de bonne
volonté de la part des opérateurs économiques souhaitant verdir leurs activités.
Considérés comme preuve au niveau juridique, ils présument de la conformité du
bien à l’exigence écologique demandée par le pouvoir adjudicateur. Cependant, ces
référentiels exigent souvent une connaissance technique qui s’ajoute à la
professionnalisation de la fonction d’acheteur public.
2. L’accompagnement de l’acheteur public
192 Entretien avec B. KOEBEL, op. cit. 193 CJUE, 10 Mai 2012, Commission c/ Royaume des Pays-Bas, préc., cons. (67). 194 Conclusions J. KOKOTT sur CJUE, 10 Mai 2012, aff. C-368/10, Commission c/ Royaume des Pays-Bas, préc. point. 89.
62
La professionnalisation de la fonction d’acheteur public se développe au
regard de toutes les connaissances techniques qui lui incombent. La commande
publique respectueuse de l’environnement, par son arsenal de mesures, plans,
référentiels, outils, tend à accentuer ce phénomène. Selon F. WILINSKI, « cette
mutation de la fonction d’acheteur public doit donc être accompagnée par des réseaux
d’information ». En effet, les structures pratiquant les marchés publics sont de taille et
d’ambition différentes. Si l’on constate que « certaines collectivités (…), depuis quelques
années, ont créé des postes de chargé de mission commande publique durable ou
d’écoacheteurs195 », toutes les entités soumises aux procédures de marchés publics ne
peuvent y accéder, ou même en ressentir le besoin. Le guide Achetez Vert ! illustre
cela à partir d’un exemple : « le Land de Voralberg en Autriche consiste en 96 petites
municipalités réparties dans une zone où la densité de population est relativement faible. La
plupart des municipalités n’emploient pas d’acheteurs à temps complet, encore moins de
spécialistes de l’environnement196 ». Pour autant, les objectifs de développement de
l’achat public écoresponsable doivent s’appliquer de façon égale sur l’ensemble du
territoire. L’objectif d’accompagnement des personnels en charge des marchés
publics dans les administrations, s’est donc rapidement imposé comme une évidence.
Cet accompagnement se traduit par une promotion de la formation et de
l’information des acheteurs (a), soutenus par des réseaux d’entraide (b).
a. La formation des acheteurs publics
195 M. JACOB et P. RAVENEL, « En quoi l’organisation d’une collectivité peut-elle favoriser une politique d’achats durable ? », Contrats publics, n°72, 12/2007. 196 Commission européenne, Achetez vert ! - Un manuel sur les marchés publics écologiques, op. cit., p. 9.
63
La formation des acheteurs publics à l’achat public écoresponsable est « un préalable
nécessaire à toute mise en œuvre cohérente au sein des collectivités ainsi qu’entre elles197 »,
selon M. JACOB et P. RAVENEL. Cette formation est susceptible d’éclairer l’acheteur
public aussi bien sur les moyens d’introduire des préoccupations environnementales
dans les marchés qu’il passe, que de l’informer sur les secteurs de production
concernés. En effet, la professionnalisation de l’acheteur public va de pair avec une
analyse des possibilités en amont de la passation du marché : la connaissance des
possibilités techniques et des prix du secteur en question facilite cela. Ainsi le
PNAAPD précise que « plusieurs ministères organisent pour leurs services, depuis 2004,
des séminaires et des journées de sensibilisation et de formation sur les achats publics en
abordant la thématique du développement durable (…). Il en va de même pour la formation
de la fonction publique territoriale assurée par le Centre national de la fonction publique
territoriale (CNFPT) et les centres de gestion198 ». Crée par un arrêté du 9 Juillet 2001,
l’Institut de Formation de l’Environnement (IFORE) a pour mission « d'assurer des
actions de formation continue au profit des agents du ministère chargé de l'environnement ou
des services et établissements publics placés sous sa tutelle (…). De contribuer au
renforcement de la prise en compte de l'environnement et du développement durable dans
l'élaboration des formations dispensées par les écoles et centres de formation relevant d'autres
ministères ou de collectivités territoriales199 ». La formation des acheteurs publics à
l’écoresponsabilité dans le cadre de leur mission peut ainsi prendre la forme de
séminaires organisés sur plusieurs jours, centrés autour des techniques managériales
et mercatiques relatives à la prise en compte de l’environnement dans les marchés
197 M. JACOB et P. RAVENEL, op. cit. 198 PNAAPD, op. cit., p.15 199 Arrêté du 9 juillet 2001 portant création de l'Institut de formation de l'environnement, art. 2.
64
publics200. L’agence de l’environnement et de maîtrise de l’énergie (ADEME) est
quant à elle un établissement public à caractère industriel et commercial placé sous
la tutelle conjointe des ministères en charge de l'Écologie, du Développement
durable et de l'Énergie et de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, et régi par
les articles L.131-3 et suivants du Code de l’Environnement. L’ADEME « met à
disposition des entreprises, des collectivités locales, des pouvoirs publics et du grand public, ses
capacités d'expertise et de conseil. (…) L'ADEME met en œuvre, avec des partenaires pour
démultiplier les effets, des campagnes de communication de grande ampleur pour faire
évoluer les mentalités, les comportements et les actes d'achats et d'investissement201 ». Le site
de l’agence propose ainsi de nombreuses sources documentaires méthodologiques et
informatives sur tous types de ressources techniques susceptibles d’être employées
par les acheteurs publics. Un autre acteur majeur de cette politique de formation est
également l’Observatoire Economique de l’Achat Public (OEAP), à travers son
Groupe d’études des marchés Développement durable, environnement (GEM-DDE)
institué par l’arrêté du 28 août 2006 pris pour l’application de l’article 132 du Code des
marchés publics 202 . Le GEM-DDE propose notamment une série de guides
concernant l’achat public écoresponsable par secteurs. Ces guides mêlent
sensibilisation aux caractéristiques sectorielles et méthodologie pour la passation de
marchés publics environnementaux dans ce secteur203 . Il est donc possible de
200 Institut de Formation de l’Environnement, « Module : l’achat public durable », Janvier 2014. http://www.ifore.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Fiche_IFORE_achat_public_durable_MAJ_janvier_2014.pdf 201 Agence de l’environnement et de maîtrise de l’énergie (ADEME), « Notre carte d’identité », site institutionnel. http://www2.ademe.fr/servlet/KBaseShow?sort=-1&cid=96&m=3&catid=13089. 202 Arrêté du 28 août 2006 pris pour l'application de l'article 132 du code des marchés publics, relatif aux groupes d'étude des marchés de l'observatoire économique de l'achat public. 203 GPEM-DDEN, Exemple du « Guide de l’achat public écoresponsable : achat de papier à copier et de papier graphique », 08/12/2005. http://www.economie.gouv.fr/files/directions_services/daj/marches_publics/oeap/gem/papier_eco-responsable/papier_eco-responsable.pdf
65
constater, à travers ces trois exemples parmi de nombreux autres, l’effort mis sur la
formation des pouvoirs adjudicateurs à l’égard de la protection de l’environnement.
b. Les réseaux d’entraide
Toutefois, l’accompagnement de l’acheteur public peut aller au-delà de la
formation ou de l’information. Dans le souci de développer les marchés publics
environnementaux, on constate que les agents publics d’ores et déjà sensibilisés à
cette question sont réceptifs à l’entraide de leurs collègues. La constitution de réseaux
est topique de ce phénomène, car ils se constituent non seulement sur la base
d’incitations nationales ou hiérarchiques, mais également, selon les initiatives
locales. Le PNAAPD précise notamment que « le ministère de l’écologie et du
développement durable anime, avec les hauts fonctionnaires du développement durable
(HFDD) et l’ADEME, un réseau interministériel spécifique à l’écoresponsabilité. Ce réseau est
doublé par un réseau de correspondants dans les directions régionales de l’environnement
(DIREN)204 ». Par ailleurs, ces réseaux peuvent prendre des formes plus locales,
comme en atteste la coordination du site www.achatsresponsables.com, véritable
plateforme numérique d’échange au sujet de l’achat public durable205. Leur charte
précise que « L’inter-réseaux national « Commande publique et développement durable » a
pour objectif de : mutualiser les informations et partager les expériences (…), engager des
actions collectives et développer des outils collaboratifs (…), pérenniser les réseaux existants
et assurer leur promotion, leur offrir une visibilité nationale (…), faciliter l’émergence et le
204 PNAAPD, op. cit., p.17 205 « Portail d’échange des collectivités – commande publique & développement durable », site : http://www.achatsresponsables.com/
66
développement de réseaux dans les régions non encore couvertes 206 ». Le partage
d’expérience et l’entraide quant au développement de marchés publics
environnementaux est largement facilité par ces réseaux. B. KOEBEL a participé à la
fondation, en 2004, d’un réseau d’entraide pour les marchés publics sur le territoire
de la région Alsace. Ce réseau comptant aujourd’hui plus d’une quinzaine de
collectivités permet d’échanger et de trouver des solutions de manière conjointe en
partageant l’expérience vécue individuellement au sujet de questions techniques207.
Au regard de la technicité de certains marchés publics environnementaux, ce type de
mise en commun des données peut se révéler très utile au pouvoir adjudicateur.
L’accompagnement des acheteurs publics dans leur mission, à mesure que
celle-ci se professionnalise, est donc une réalité et sans doute la condition nécessaire
au développement des marchés publics environnementaux. Au-delà de la formation
dispensée auprès de l’acheteur public, ces réseaux et interconnexions locales font la
part belle à l’initiative individuelle des agents. En outre, les valeurs d’entraide et de
partage des informations qui sous-tendent ces initiatives ne sont pas sans rapport
avec le développement durable lui-même, qui incite à « penser global, agir local208 ».
L’introduction de préoccupations environnementales dans ces marchés relevant,
avant tout, de la bonne volonté des acheteurs publics, le phénomène décrit ne peut
être perçu que comme un signe positif en faveur de cette action. Toutefois, il est
nécessaire de ne pas se limiter à entrevoir l’ensemble des actions en faveur des
marchés publics environnementaux comme uniquement pensées à l’égard de
l’acheteur public. En effet, le marché public est avant tout une rencontre, dont le
206 Charte de l’Inter-réseaux national « Commande publique et développement durable », 2011, http://www.achatsresponsables.com/UserFiles/File/charte_inter_reseaux_2011.pdf 207 Entretien avec B. KOEBEL, op. cit.. 208 Phrase employée par l’écologue français R. « lors du sommet de la Terre de Stockholm de 1972.
67
second acteur est l’opérateur économique. Cet opérateur est celui qui va permettre la
mise en œuvre du marché en réponse à la commande publique. Evoluant dans un
secteur concurrentiel, et protégé par des règles relatives à l’exercice de son activité,
l’opérateur économique va devoir également accomplir une démarche spécifique en
faveur de la protection de l’environnement, si tel est le souhait du pouvoir
adjudicateur.
68
PARTIE II. L’IMPACT DE L’ACHAT PUBLIC DURABLE SUR LES OPERATEURS
ECONOMIQUES
Le Code des marchés publics précise en son article 1er que le marché public est
conclu entre un pouvoir adjudicateur et « des opérateurs économiques publics ou
privés209 ». Une telle terminologie ne provient pas du droit interne mais du droit
communautaire, dans la mesure où la « directive marchés » de 2004 utilisait ce
terme couvrant « à la fois les notions d'entrepreneur, fournisseur et prestataire de
services 210 ». De manière plus précise, la directive affirme que « les termes
«entrepreneur», «fournisseur» et «prestataire de services» désignent toute personne physique
ou morale ou entité publique ou groupement de ces personnes et/ou organismes qui offre,
respectivement, la réalisation de travaux et/ou d'ouvrages, des produits ou des services sur le
marché211 ». L’opérateur économique n’est donc pas forcément une entreprise, et le
choix de ce terme moins restrictif « traduit la volonté des institutions communautaires de
donner un champ d’application étendu au droit des marchés publics 212 ». Selon le
professeur ECKERT, « cette approche est très extensive dans la mesure où la Cour ajoute que
« dans le contexte du droit de la concurrence, la notion d'entreprise comprend toute entité
exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de
son mode de financement »213». À ce propos, la jurisprudence communautaire a
caractérisé de manière constante « que constitue une activité économique toute activité
209 Code des marchés publics, art. 1. 210 Directive 2004/18/CE, op. cit.. 211 Directive 2004/18/CE, op. cit.. 212 C. LAJOYE, Droit des Marchés publics, op. cit.. p. 45. 213 G. ECKERT, « Quelques précisions sur la notion d'activité économique », commentaire de l’arrêt de la CJCE, 26 mars 2009, aff. C-113/07, SELEX Sistemi Integrati SpA c/ Comm. CE et Eurocontrol, in Contrats et Marchés publics n° 5, 05/2009, comm. 152. La citation provient du texte de l’arrêt CJCE, 23 avr. 1991, aff. C-41/90, Höfner, pt 21 : Rec. CJCE 1991, I, p. 1979.
69
consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné214 ». L’opérateur
économique se caractérise donc avant tout par l’exercice de son activité économique.
Dès lors, toute inclusion d’une considération environnementale dans le droit des
marchés publics se doit de respecter les grands principes qui régissent la pratique de
la commande publique. L’article 2 de la directive 2004/18/CE précise que « les
pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d'égalité, de manière
non discriminatoire et agissent avec transparence215 ». L’article 1er du Code des marchés
publics les rappelle également : « les marchés publics et les accords-cadres soumis au
présent code respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de
traitement des candidats et de transparence des procédures216 ». Ces trois grands principes
ont une valeur constitutionnelle 217 et il découle de cela que les opérateurs
économiques doivent se voir garantir l’exercice de leur activité en respect avec les
principes de liberté économique précités, à savoir, notamment, la concurrence. Selon
G. CANTILLON, « le droit des marchés publics est donc un des outils « d’ancrage dans un
système d’économie de marché », qui a pour effet de soumettre l’exercice des libertés
économiques au souci de préserver les structures concurrentielles du marché218 ». Un
problème se pose alors dans le cadre de l’inclusion des préoccupations
environnementales dans le droit des marchés publics : comment se prémunir contre
l’atteinte potentielle de ces objectifs aux grands principes de la commande publique,
et ainsi garantir aux opérateurs économiques le respect des libertés liées à l’exercice
214 CJCE, 12 sept. 2000, aff. C-180 à C-184/98, Pavlov, pt 75 : Rec. CJCE 2000, I, p. 645. La Cour renvoie à des affaires précédentes présentant déjà cette qualification : CJCE, 16 juin 1987, Commission c/ Italie, aff. 118/85, Rec. p. 2599, et CJCE, 18 juin 1998, Commission c/ Italie, C-35/96, Rec. p. I-3851. 215 Directive 2004/18/CE, op. cit., art. 2. 216 Codes des marchés publics, art. 1er. 217 « Les dispositions relatives à la commande publique devront respecter les principes qui découlent des articles 6 et 14 de la Déclaration de 1789 et qui sont rappelés par l'article 1er du nouveau code des marchés publics », in Conseil Constitutionnel, décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003 sur la loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, cons. 10. 218 G. CANTILLON, « Achat public équitable, concurrence pour le marché et concurrence dans le marché », Contrats et Marchés publics n°2, 02/2011, étude 2, citant CE, sect. Rapports et études : Collectivités publiques et concurrence 2002, Jurisprudence et avis 2001, Etude et Documents n°53, La Documentation Française, 2003, p. 383.
70
de leur activité économique ? Est-il envisageable qu’au contraire, ces principes
soient conçus de manière à dynamiser l’aspect concurrentiel des marchés concernés
et si oui, par quels moyens ? Il est possible d’analyser tout d’abord le cadre juridique
du respect des principes de la commande publique par les préoccupations
environnementales (I), avant d’envisager les bénéfices à en retirer pour le
fonctionnement des marchés concernés, la concurrence et les opérateurs
économiques (II).
71
Section 1. Le respect des grands principes de la commande publique comme
obligation fondamentale
Le Code des marchés publics permet l’intégration des préoccupations
environnementales à différents stades de la passation219. Toutes ces possibilités
laissées à l’appréciation du pouvoir adjudicateur permettent de prendre en compte
les objectifs de respect de l’environnement dans les marchés publics, de manière à
favoriser la commande publique écoresponsable. Toutefois, il faut noter le caractère
hétérodoxe de cette fonction de « levier » environnemental du marché public au
regard des contraintes habituelles qui lui sont liées. Selon F. WILINSKI,
« les droits garantissant les procédures sont relatifs aux libertés individuelles, alors que les
[règles relatives au développement durable] prennent l'homme dans un groupe et non plus
comme un seul individu. (…) Or, les principes sociaux et environnementaux véhiculés par le
développement durable sont d'inspiration collectiviste. Ils répondent en effet à la volonté de
préservation des ressources de l'humanité dans son ensemble. Dès lors, leur intégration avec le
droit de la commande publique, dont les fondements se sont construits sur des normes issues des
principes individualistes de la philosophie des lumières ne pouvait être que problématique. Le
respect de l'environnement et l'équité sociale se confrontent ainsi naturellement avec le principe
de la liberté d'entreprendre, le principe d'égale concurrence et le principe de la liberté d'accès à la
commande publique220 ».
Il est donc possible de s’interroger sur l’effectivité de cette opposition entre les
principes fondamentaux de la commande publique (rappelés à l’article 1er du Code
219 Pour rappel, l’article 5 impose au pouvoir adjudicateur de tenir compte du développement durable dans la définition de ses besoins. L’article 6 permet d’inclure des spécifications techniques à caractère environnemental dans les documents de la consultation. L’article 14 autorise l’imposition de clauses environnementales dans les conditions d’exécutions du marché. L’article 45 permet au pouvoir adjudicateur d’examiner le savoir-faire des candidats en matière environnementale au travers de l’appréciation de leurs capacités techniques. L’article 50 introduit la possibilité d’admettre la proposition de variantes écologiques dans le cadre des spécifications techniques. L’article 53 permet d’introduire des critères environnementaux en vue de l’attribution du marché à l’offre la plus avantageuse. 220 F. WILINSKI, « De l’intégration du développement durable dans les contrats de la commande publique », op. cit.
72
des marchés publics) et les nouvelles règles relatives à la prise en compte de
l’environnement. Les sources législatives et jurisprudentielles sont venues préciser
les exigences attendues de ces conditions et critères environnementaux. Il est
intéressant de noter que ces trois principes énumérés par le Code des marchés
publics se superposent aux principes issus du droit communautaire originaire et
réaffirmés dans le droit dérivé221. À ce titre, on constate, eu égard aux étapes
concernées par les conditions et critères environnementaux, que les atteintes à ces
principes dont la jurisprudence a eu à connaître se trouvent principalement en
matière de transparence des procédures et d’égalité de traitement entre les candidats,
et cela tant pour l’accès au marché qu’au moment de l’évaluation des offres. On peut
dès lors s’intéresser à ces deux principes qui limitent l’usage des conditions et critères
environnementaux : le principe de transparence comme moyen de l’égalité de
traitement (A), puis le principe de non-discrimination en lui-même (B).
A. L’impératif de transparence comme garantie pour l’opérateur économique
La nécessité de transparence est d’inspiration communautaire, puisque,
comme le rappelle P. DELELIS, « le principe de transparence [est] né sous la plume des
jurisconsultes bruxellois (dir. Travaux n° 89/440, 18 juill. 1989, consid. 7. - dir. Recours n°
89/665, 21 déc. 1989, consid. 3)222 ». Le professeur LLORENS a rappelé que le principe de
la directive – et notamment des directives « marchés publics » - n’était d’être « que
de simples moyens mis au service des objectifs fixés par le Traité, à savoir l'ouverture à la
221 « La passation de marchés conclus dans les États membres (…) doit respecter les principes du traité, notamment les principes de la libre circulation des marchandises, de la liberté d'établissement et de la libre prestation de services, ainsi que les principes qui en découlent, comme l'égalité de traitement, la non-discrimination, la reconnaissance mutuelle, la proportionnalité et la transparence », Directive 2004/18/CE, op. cit. Cons. (2). 222 P. DELELIS, « Principe de transparence », comm. sur l’arrêt CJCE 4 déc. 2003, EVN AG c/ Autriche, aff. C-448/01, Rec. CJCE I-14527 ; AJDA 2004. 334, note T. GLIOZZO ; Contrats et Marchés publics n° 2, 02/2004, comm. 28.
73
concurrence et l'élimination des restrictions à la liberté d'établissement ainsi qu'à la libre
circulation des marchandises et des services223 ». Les directives ont ainsi pu consacrer ces
principes dans le cadre des marchés publics, sans pour autant pouvoir les exprimer
clairement. C’est dans ce contexte que la transparence intervient : pour que le juge
puisse constater du respect des principes de la commande publique, et notamment
celui de non-discrimination ou égalité de traitement entre les candidats, il faut que
toutes les étapes de la procédure soient clairement énoncées. Comme l’affirme le
professeur LLORENS, « cette considération conduit du reste à évoquer une autre cause de
l'incertitude qui affecte ce principe et qui est relative à son autonomie. On peut, en effet,
légitimement se demander s'il jouit d'une réalité propre ou s'il ne constitue au contraire qu'un
prolongement d'autres principes et notamment de celui de non discrimination ou d'égalité de
traitement224 ». Dans la position du juge, la transparence peut donc être vue comme
l’accessoire du principal, le principe d’égalité de traitement entre les candidats.
Toutefois, il peut être utile de s’interroger sur le bénéfice que peut tirer l’opérateur
économique de ce principe en lui-même. Il sera donc possible de préciser tout
d’abord en quoi la « transparence » et les caractéristiques qu’elle recouvre sont
bénéfiques à l’opérateur économique (1), d’expliciter les niveaux de transparence
attendus en matière de critères et conditions environnementaux (2) puis d’analyser la
portée de ces impératifs sur le développement des marchés publics
environnementaux (3).
1. La transparence comme garantie pour l’opérateur économique
223 F. LLORENS, « Principe de transparence et contrats publics », Contrats et Marchés publics n° 1, 01/2004, chronique 1. 224 Ibid.
74
Comme le rappelle E. BERNARD, « toute activité considérée comme étant de nature
économique doit être soumise au droit de la concurrence, lequel a justement pour objet, non
seulement de fixer les limites du marché mais également d’en assurer le bon
fonctionnement225 ». Cela s’explique par les apports de la science économique héritée
d’Adam SMITH, selon laquelle la concurrence entre les opérateurs économiques
garantit le meilleur prix pour le bien ou le service. Le marché fixe les prix de manière
optimale à condition que le marché soit concurrentiel. L’ordonnance du 1er décembre
1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence a énoncé ce principe en son
article 1er : « les prix des biens, produits et services (…) sont librement déterminés par le jeu
de la concurrence226 ». L’application du principe de libre concurrence dans le cadre des
marchés publics est donc censée garantir au pouvoir adjudicateur de réaliser le
meilleur achat au meilleur prix, ce qui est un des objectifs premiers de la procédure
de passation. Le juge communautaire, par l’arrêt Telaustria de 2000, a par ailleurs
consacré le principe de transparence comme une « obligation (…) qui incombe au
pouvoir adjudicateur [et] consiste à garantir, en faveur de tout soumissionnaire potentiel, un
degré de publicité adéquat permettant une ouverture du marché des services à la concurrence
ainsi que le contrôle de l'impartialité des procédures d'adjudication227». L’ouverture des
marchés à la concurrence n’est possible que si des mesures sont prises en ce sens. Le
Guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics affirme également la nécessité
de publicité de la procédure pour la bonne mise en œuvre de la concurrence, ce qui
vient compléter le principe de transparence : « la publicité présente une double utilité.
Elle permet le libre accès à la commande publique de l’ensemble des prestataires intéressés en
225 E. BERNARD, « L’«activité économique», un critère d’applicabilité du droit de la concurrence rebelle à la conceptualisation », Revue internationale de droit économique, 03/2009, t. XXIII, p. 354. 226 Ordonnance n° 86-1243 du 1 décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, art. 1. 227 CJCE 7 déc. 2000, Telaustria Verlags GmbH, Telefonadress GmbH, aff. C-324/98, AJDA 2001. 106, note L. RICHER et 329, chron. H. LEGAL, C. LAMBERT et J.-M. BELORGEY ; RFDA 2011. 377, chron. L. CLEMENT-WILZ, F. MARTUCCI et C. MAYEUR-CARPENTIER ; BJCP 2001. 132, concl. N. FENELLY, obs. Ch. M. ; Dr. adm. 2001, comm. 85, note M.-Y. BENJAMIN. Cons (62).
75
informant les secteurs économiques concernés du lancement d’une procédure d’achat. Elle
suscite une plus grande diversité des offres228 ». Ce principe de transparence, soucieux de
garantir l’accès au marché public aux opérateurs économiques, s’applique donc plus
que jamais eu égard aux considérations environnementales. De même, la
concurrence n’est effective pendant la passation, qu’à la condition que les procédures
soient respectées : elles doivent ainsi être suffisamment transparentes pour attester
de cela. La condition de transparence agit donc également dans l’intérêt de
l’opérateur économique, comme une garantie du respect des règles inhérentes à la
passation du marché public. De ce fait, si le pouvoir adjudicateur souhaite tenir
compte de préoccupations environnementales, il doit le faire de manière
suffisamment claire pour que les opérateurs économiques puissent faire acte de
candidature en connaissance de cause. La garantie de transparence des procédures
est donc fondamentale pour l’opérateur économique, lorsqu’il souhaite candidater à
un marché public. Ainsi, les spécifications techniques et conditions d’exécution à
caractère environnemental doivent être précises et explicites, de même que les
capacités techniques exigées des candidats. Les critères de choix de l’offre relatifs à
l’environnement doivent également être clairement annoncés afin que les opérateurs
économiques en soient informés. Comme le précise l’article 41 du Code des marchés
publics, « les documents de la consultation sont constitués de l'ensemble des documents et
informations préparées par le pouvoir adjudicateur pour définir l'objet, les caractéristiques et
les conditions d'exécution du marché ou de l'accord-cadre229 ». Ce dossier contient les
documents relatifs à la candidature pour répondre au marché public, ainsi que les
documents relatifs à l’offre. Il énonce notamment les spécifications techniques
(présentées à l’article 6 du Code des marchés publics). Or, selon l’article 6, « [les
228 Circulaire du 14 février 2012 relative au Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics, op.cit. 229 Code des marchés publics, art. 41
76
performances ou exigences fonctionnelles] sont suffisamment précises pour permettre au
candidat de connaître exactement l’objet du marché et au pouvoir adjudicateur d’attribuer le
marché230 ». Le juge administratif a pu connaître de cas d’espèce où des critères
environnementaux n’étaient pas suffisamment précis pour être recevables du point
de vue du respect de la transparence de la procédure de marché public231. De même
ce dossier (ou l’avis d’appel public à concurrence232) contient les capacités techniques
exigées de la part des opérateurs économiques pour être sélectionné comme candidat
recevable, ainsi que les critères d’attribution des offres lorsque le pouvoir
adjudicateur se fonde sur « sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet
du marché233 » et non sur le seul critère du prix. Tous ces critères, spécifications et
conditions se doivent d’être clairs et précis – notamment en matière
environnementale – afin de garantir le libre accès au marché à l’opérateur
économique, ainsi que le bon déroulement de la procédure de passation.
2. La nécessaire transparence des conditions et critères dans le cadre d’un
marché public environnemental : l’exemple de la jurisprudence
Commission c/ Royaume des Pays-Bas
La jurisprudence européenne de 2012, Commission c/ Royaume des Pays-Bas a
réaffirmé le principe de transparence dans le cadre de la passation d’un marché de
fourniture et de gestion de distributeurs de cafés. La collectivité territoriale
230 Code des marchés publics, art. 6 231 Exemple d’un critère intitulé « bilan carbone » sans être détaillé outre mesure. CE 15 févr. 2013, Société Derichebourg polyurbaine, req. n° 363921, Contrats Marchés publics 2013. Comm. P. DEVILLERS, n°104. 232 « Les documents, renseignements et les niveaux minimaux de capacité demandés sont précisés dans l'avis d'appel public à concurrence ou, en l'absence d'un tel avis, dans les documents de la consultation », in Code des marchés publics, art. 45. « Les critères ainsi que leur pondération ou leur hiérarchisation sont indiqués dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation », in Code des marchés publics, art. 53-II. 233 Code des marchés publics, art. 53-I.
77
néerlandaise à l’origine de ce marché avait fait référence à deux écolabels (« EKO »
et « Max Havelaar », relatifs au commerce équitable) pour qualifier les exigences
attendues pour ces produits, et cela sans préciser les caractéristiques recouvertes par
ces deux labels. L’absence de références accompagnant la mention des écolabels a été
contestée par la Commission comme étant contraires au droit de l’Union
Européenne. En effet, comme le précise la Cour, « les pouvoirs adjudicateurs traitent les
opérateurs économiques sur un pied d’égalité, de manière non discriminatoire et agissent avec
transparence. Ces principes revêtent une importance cruciale en ce qui concerne les
spécifications techniques, eu égard aux risques de discrimination liés soit au choix de celles-ci,
soit à la manière de les formuler234 ». La collectivité néerlandaise aurait pu, selon la
Cour, faire référence aux deux labels en affirmant que leur agrément par des
opérateurs économiques présumait de la conformité de leurs produits aux attentes
du pouvoir adjudicateur. Mais il fallait alors préciser l’ensemble des caractéristiques
recouvertes par les deux labels et ainsi admettre l’équivalence pour tout opérateur ne
disposant pas de l’agrément des labels, mais étant en mesure de prouver la
conformité de leurs produits avec les spécifications exigées. De plus, la Commission
contestait une « exigence (…) du cahier des charges, imposant à l’adjudicataire, en
substance, de respecter les «critères de durabilité des achats et de responsabilité sociale des
entreprises»235 ». En l’espèce, « la clause litigieuse figurait à la quatrième section (…) du
cahier des charges, intitulé «Exigences d’aptitude/niveaux minimaux», ce qui correspond à la
terminologie employée notamment dans le titre et le paragraphe 2 de l’article 44 de la
directive 2004/18, paragraphe qui renvoie aux articles 47 et 48 de celle-ci, lesquels sont
respectivement intitulés «Capacités économiques et financières» et «Capacités techniques
234 CJUE, 10 Mai 2012, Commission c/ Royaume des Pays-Bas, préc. Cons (62). 235 CJUE, 10 Mai 2012, Commission c/ Royaume des Pays-Bas, préc. Cons (98).
78
et/ou professionnelles»236 ». La collectivité néerlandaise a donc, dans le cahier des
charges, fait référence à un capacité requise évoquée par l’article 44 de la directive
2004/18/CE, utilisée pour vérifier l’aptitude afin de retenir la candidature des
opérateurs économiques. La Cour a confirmé l’opinion de la Commission, jugeant
cette exigence trop imprécise pour être utilisée, donc illégale, par le pouvoir
adjudicateur comme moyen d’évaluation de la capacité technique d’un candidat237.
Enfin, la Province de Hollande-Septentrionale avait également utilisé les écolabels
« EKO » et « Max Havelaar » pour en faire un critère d’attribution des offres (au
sens de l’article 53 de la directive 2004/18/CE). La Cour affirme alors que « le respect
des principes d’égalité, de non-discrimination et de transparence impose que les critères
d’attribution soient objectifs, ce qui assure que la comparaison et l’évaluation des offres se
fassent de manière objective, et donc dans des conditions de concurrence effective238 ». Elle
en déduit qu’« en prévoyant (…) le fait que certains produits à fournir soient munis de
labels déterminés donnerait lieu à l’octroi d’un certain nombre de points dans le cadre du
choix de l’offre économiquement la plus avantageuse, sans avoir énuméré les critères sous-
jacents à ces labels ni autorisé que la preuve qu’un produit satisfait à ces critères sous-jacents
soit apportée par tout moyen approprié, la province de Hollande-Septentrionale a établi un
critère d’attribution incompatible avec l’article 53239 ». On constate donc à travers cette
jurisprudence la nécessité pour les pouvoirs adjudicateurs d’exprimer clairement et
précisément ses attentes à l’égard des candidats potentiels, tant au niveau des
spécificités techniques et conditions d’exécutions, que des critères de sélections des
candidatures ou d’attribution des offres. La jurisprudence Commission c/ Royaume des
Pays-Bas présente l’avantage de rappeler les règles en matière de transparence aux
236 CJUE, 10 Mai 2012, Commission c/ Royaume des Pays-Bas, préc. Cons (103). 237 « La province de Hollande-Septentrionale a établi un niveau minimal de capacité technique non autorisée » in CJUE, 10 Mai 2012, Commission c/ Royaume des Pays-Bas, préc. Cons (108). 238 CJUE, 10 Mai 2012, Commission c/ Royaume des Pays-Bas, préc. Cons (87). 239 CJUE, 10 Mai 2012, Commission c/ Royaume des Pays-Bas, préc. Cons (97).
79
différents stades de la procédure de passation. Elle ne fait toujours pas du principe de
transparence un principe « pour-soi » car la Cour précise que « tant le principe
d’égalité de traitement que l’obligation de transparence qui en découle exigent que l’objet et les
critères d’attribution des marchés publics soient clairement déterminés240 ». L’obligation de
transparence reste donc l’accessoire indispensable au juge pour évaluer la non-
discrimination des candidats. Dans l’ordre interne, le Conseil d’État avait confirmé
antérieurement de la même façon dans un arrêt de section le principe de nécessité de
transparence de la procédure dès 2009241. Le juge du fond s’était exprimé plus
récemment en matière de marchés publics environnementaux : il était venu préciser
qu’une pondération d’un critère dans l’attribution des offres « devait en outre être
portée à la connaissance des candidats sous peine de méconnaître les principes de liberté
d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des
procédures242 ». Il s’agissait en l’espèce d’un critère pondéré à 40% mais « relatif à la
valeur technique (…). Afin d'évaluer ce dernier critère, le maître d'ouvrage exigeait des
candidats qu'ils produisent un mémoire technique exposant (…) leur savoir-faire en matière
de protection de l'environnement sans pour autant préciser la sous pondération ou
l'importance de ces différents éléments243 ». On constate donc qu’en matière de marchés
publics environnementaux comme pour le reste, le pouvoir adjudicateur ne peut pas
240 CJUE, 10 Mai 2012, Commission c/ Royaume des Pays-Bas, préc. Cons (56). 241 « Considérant que, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire, dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats ; que dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, l'information appropriée des candidats doit alors porter également sur les conditions de mise en œuvre de ces critères ; qu'il appartient au pouvoir adjudicateur d'indiquer les critères d'attribution du marché et les conditions de leur mise en œuvre selon les modalités appropriées à l'objet, aux caractéristiques et au montant du marché concerné » in CE, Sect., 30 janv. 2009, ANPE, AJDA 2009, p. 602, note J.D. DREYFUS ; Contrats-Marchés publics 2009, comm. 121, note W. ZIMMER ; Droit administratif 2009, comm. 50. 242 TA Limoges, 18 févr. 2010, n° 08-01252, SARL SOGEO c/ Syndicat d'aménagement du bassin de la Vienne moyenne et a., comm. G. LLORENS, Environnement et Développement Durable n° 10, 10/2010, comm. 125. 243 Comm. G. LLORENS sur TA Limoges, SARL SOGEO c/ Syndicat d'aménagement du bassin de la Vienne moyenne et a., préc., Environnement et Développement Durable n° 10, 10/2010, comm. 125.
80
échapper à la tâche d’explicitation des critères dont il use : c’est le principe de
transparence qui l’exige, justifié par la nécessité de ne pas discriminer le candidat.
3. Le principe de transparence comme obstacle au développement des
marchés publics environnementaux ?
Si le principe de transparence garantit la libre concurrence pour l’opérateur
économique, et permet au juge de contrôler l’absence de discrimination, on constate
aisément qu’il est susceptible de rendre la tâche du pouvoir adjudicateur plus
complexe. Un jugement illustre cela : le TA de Caen avait jugé irrégulière une
procédure de passation d’un marché public au motif qu’un critère d’attribution
pondéré à 30% portant sur « la qualité environnementale » générale d’un service de
traitement des déchets n’était pas précisé in extenso mais détaillé ultérieurement dans
le cahier des charges par une série d’exigences. Selon le juge, « ces indications ne
peuvent être regardées, contrairement à ce que soutient la communauté de communes, comme
permettant de tenir le pouvoir adjudicateur comme ayant satisfait à l'obligation, qui lui
incombe, d'indiquer les conditions de la mise en œuvre du critère ayant trait à «la qualité
environnementale» 244 ». Pourtant, les spécifications techniques à caractère
environnemental exigées des candidats étaient nombreuses et détaillées245. Le juge
s’est-il simplement borné à constater l’irrégularité de la procédure du fait de la 244 TA Caen, ord. réf., 5 janv. 2010, n° 0902741, Sté Les Champs Jouault : comm. G. LLORENS, Environnement et Développement durable n° 5, Mai 2010, comm. 68. 245 « que le cahier des clauses techniques particulières applicable audit marché, qui a pour objet de définir les spécifications techniques des prestations devant être réalisées par l'entreprise attributaire dudit marché, impose notamment aux candidats de fournir des informations relatives au dossier d'agrément du site, notamment l'arrêté d'autorisation d'exploiter l'installation classée au titre de la protection de l'environnement, ainsi qu'une attestation prouvant sa capacité à traiter la totalité des déchets de la collectivité sur la durée totale du marché ; que le cahier des clauses techniques particulières impose également aux candidats de préciser, dans le mémoire technique, les conditions d'acceptation des véhicules de collecte sur le site et de tenir un « journal de marche » relatif aux conditions d'exécution des prestations ; que le cahier des clauses techniques particulières précise enfin que les candidats ont la possibilité de proposer tout mode de traitement des déchets conforme à la réglementation en vigueur en matière de protection de l'environnement, dont notamment l'enfouissement ou l'incinération » in TA Caen, Sté Les Champs Jouault, préc.
81
présence de ces détails dans la partie des spécifications techniques plutôt qu’en
description du contenu du critère d’attribution de « qualité environnementale » ?
En l’espèce, la société requérante avait par ailleurs obtenu la même note que la
société retenue à ce critère de pondération. Le juge a en réalité voulu confirmer pour
un critère environnemental la jurisprudence récente du Conseil d’État246 qui oblige le
pouvoir adjudicateur à définir explicitement les conditions d’application du critère
d’attribution. Comme le précise G. LLORENS, « implicitement, le juge semble avoir estimé
que la société aurait pu présenter une meilleure offre si elle avait été mieux informée247 ».
Pour les critères d’attribution comme pour les autres conditions, spécifications et
critères à caractère environnementaux, le pouvoir adjudicateur doit donc user de
précision pour définir ses attentes afin de ne pas léser l’opérateur économique. Ce
souci de prise en compte peut cependant se révéler fastidieux pour les pouvoirs
adjudicateurs dont les ressources humaines et matérielles ne sont pas toujours de la
même envergure248, et ainsi considérablement limiter l’usage de conditions et
critères environnementaux dans les marchés publics. Dans l’affaire Commission c/
Royaume des Pays-Bas, concernant la nécessité pour le pouvoir adjudicateur de
détailler le contenu des spécifications exigées et recouvertes par un écolabel
particulier, l’avocate générale J. KOKOTT délimitait également les contours de ce
dilemme :
« La question de savoir si et dans quelle mesure il est permis, dans des procédures de passation
de marchés publics, de tenir compte d’aspects écologiques et sociaux (…) revêt une importance
fondamentale pour le développement futur du droit des marchés publics. Elle place la Cour
devant la difficile tâche de devoir trouver un juste équilibre entre les exigences du marché 246 CE, Sect., 30 janv. 2009, ANPE, préc. 247 Comm. G. LLORENS sur TA Caen, ord. réf., 5 janv. 2010, n° 0902741, Sté Les Champs Jouault , in Environnement et Développement durable n° 5, Mai 2010, comm. 68. 248 La jurisprudence du Conseil d’État impose que les critères de choix des offres ainsi que les conditions de leur mise en œuvre soient portés à la connaissances des candidats, et ce, même en procédure adaptée. CE, sect., 30 janv. 2009, ANPE, préc.
82
intérieur et des préoccupations environnementales et sociales, sans, cependant, négliger les
exigences pratiques des procédures de passation des marchés publics. (…) Les pouvoirs
adjudicateurs doivent être en mesure de se procurer des produits respectueux de
l’environnement, biologiques et issus du commerce équitable sans que la charge administrative
ne devienne excessive249 ».
Le principe de transparence est donc à la confluence de deux intérêts en
présence. Il est fondamental pour garantir la bonne passation des marchés publics, et
pour garantir à l’opérateur économique la parfaite connaissance des exigences
attendues. D’autre part, les obligations précisées par le juge pesant sur le pouvoir
adjudicateur renforcent la contrainte inhérente au recours à des marchés publics
environnementaux. Il est cependant nécessaire de replacer l’impact de la
transparence dans le contexte suivant : il s’inscrit encore – la jurisprudence
européenne ou nationale n’ayant pas entendu lui conférer d’autonomie – comme le
principe accessoire nécessaire à l’examen du respect de l’égalité des candidats.
B. Le principe fondamental d’interdiction de toute discrimination à l’égard des
candidats
Le principe d’égalité de traitement entre candidats dans le cadre d’un marché
public est rappelé à l’article 1er du Code des marchés publics, ainsi que dans la
directive 2004/18/CE. Il découle du principe d’égalité devant la loi, qui a valeur de
principe général du droit250, et valeur constitutionnelle251. Il s’applique notamment en
249 Conclusions J. KOKOTT sur CJUE, 10 Mai 2012, aff. C-368/10, Commission c/ Royaume des Pays-Bas, préc. point. 3. 250 CE, sect., 9 mars 1951, n° 92004, Sté des concerts du Conservatoire, Rec. CE 1951, p. 151 251 Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, art. 6 : « La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la
83
matière de marché public, comme l’a affirmé, dès 1906, le commissaire du
gouvernement ROMIEU : « le soumissionnaire évincé a le droit de demander l'annulation
de l'adjudication pour inobservation des règles fondamentales, même si elles sont édictées dans
l'intérêt de l'administration, du moment où une inégalité a été créée entre les concurrents252 ».
Plus récemment, le Conseil d’État l’a rappelé dans une décision de 1987, où une
répartition des marchés entre petites, moyennes et grandes entreprises par le pouvoir
adjudicateur avait été reconnue comme portant « une atteinte injustifiée à l’égalité de
traitement qui doit être assurée entre les entreprises candidates à la présentation d’une
offre 253 ». Ce principe ne s’oppose pas à l’inclusion de conditions et critères
environnementaux dans les marchés publics. Le juge communautaire a affirmé cela
en 2002 dans l’arrêt Concordia Bus Finland : « Il y a lieu de constater que le devoir de
respecter le principe d'égalité de traitement correspond à l'essence même des directives en
matière de marchés publics, qui visent notamment à favoriser le développement d'une
concurrence effective dans les domaines qui relèvent de leurs champs d'application respectifs
et qui énoncent des critères d'attribution du marché tendant à garantir une telle concurrence.
(…) il y a lieu de répondre (…) que le principe d'égalité de traitement ne s'oppose pas à la prise
en considération de critères liés à la protection de l'environnement254 ». Le principe d’égalité
est donc fondamental à la bonne passation des marchés publics. Dans l’arrêt EVN AG,
la Cour a défini plus précisément ce que recouvre ce principe d’égalité de traitement
entre les candidats : « Il convient de rappeler que le principe d'égalité de traitement des
soumissionnaires, qui, ainsi que la Cour l'a itérativement jugé, constitue la base des directives
relatives aux procédures de passation des marchés publics (…) signifie que, d'une part, les
même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents » repris dans Conseil Constitutionnel, décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003 sur la loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, cons. 10. 252 Concl. J. ROMIEU sur CE, 30 mars 1906, Ballande, Rec. CE 1906, p. 281 253 CE, 13 mai 1987, Société Wanner Isofi Isolation, Rec. p. 171. 254 CJCE, 2002, Concordia Bus Finland, préc. Cons. (81) et (86).
84
soumissionnaires doivent se trouver sur un pied d'égalité aussi bien au moment où ils
préparent leurs offres qu'au moment où celles-ci sont évaluées par le pouvoir adjudicateur
(CJCE, 18 oct. 2001, SIAC Construction, C-19/00, Rec. p. I-7725, point 34)255 ». Cette égalité
de traitement s’impose donc au moment de l’entrée sur le marché, comme durant la
procédure. Dans le cadre de notre analyse, nous avons choisi de nous intéresser
spécifiquement aux atteintes que les conditions et critères inclus dans les marchés
publics peuvent provoquer à l’égard de l’égalité de traitement entre les candidats256.
On retrouve à ce propos une jurisprudence qui repose sur trois
développements connexes au principe en lui-même : la question de l’exigence d’une
norme et l’acceptation de son équivalence (1), l’obligation pour les exigences
formulées par le pouvoir adjudicateur d’avoir un lien avec l’objet du marché (2) et le
cadre général de l’interdiction de liberté inconditionnée de choix (3).
1. L’exigence d’une norme au titre de spécification technique
Les normes techniques (écolabels, notamment) sont un moyen de permettre le
développement des marchés publics environnementaux dans la mesure ils
permettent de proposer une matrice (dont l’agrément est facultatif) des exigences
attendues par le pouvoir adjudicateur. En effet, un opérateur économique qui
proposerait un produit ou un service disposant de l’agrément de la norme citée en
exemple à titre de spécification technique, verrait ainsi son offre présumée
satisfaisante aux exigences du cahier des charges. C’est un gain de ressources pour
l’opérateur économique, qui n’a pas à faire la démonstration de la satisfaction de son
255 CJCE 4 déc. 2003, EVN AG c/ Autriche, préc. Cons. (47). 256 Les autres principes n’étant pas absents des considérations relatives aux marchés publics environnementaux, nous les citerons, passim, sans leur consacrer une partie spécifique.
85
produit ou de son service aux exigences attendues, et pour le pouvoir adjudicateur
qui se dispense de la phase d’examen des preuves avancées par le candidat. Dans le
cadre des marchés publics environnementaux, vu l’importance potentielle du recours
aux normes, cette utilisation des référentiels doit donc être encadrée par le principe
de reconnaissance mutuelle afin que cela ne soit pas à l’origine d’une inégalité de
traitement pour le candidat, car l’agrément de ces normes reste facultatif. Dans
l’affaire Commission c/ Royaume des Pays-Bas, la province de Hollande-Septentrionale
avait exigé un critère au titre de spécification technique, sans pour autant admettre la
recevabilité d’une offre non-agrémentée du label mais faisant la preuve de son
équivalence aux critères recouverts par le label. L’acceptation de cette équivalence,
permet donc aux opérateurs économiques de se voir garantir un égal traitement,
quelques soient les agréments dont ils disposent. La directive 2004/18/CE affirme cela
en son article 23, paragraphe 6 : « les pouvoirs adjudicateurs peuvent indiquer que les
produits ou services munis de l'écolabel sont présumés satisfaire aux spécifications techniques
définies dans le cahier des charges; ils doivent accepter tout autre moyen de preuve approprié,
tel qu'un dossier technique du fabricant ou un rapport d'essai d'un organisme reconnu257 ».
L’article 6 du Code des marchés publics reprend cela en son point VII. En l’espèce, en
imposant un écolabel, le pouvoir adjudicateur a manqué à son obligation
d’acceptation de tout moyen de preuve. La Cour juge qu’ « en exigeant, dans le cahier
des charges, que certains produits à fournir soient munis d’un écolabel déterminé, plutôt que
d’utiliser les spécifications détaillées définies par cet écolabel, la province de Hollande-
Septentrionale a établi une spécification technique incompatible avec l’article 23, paragraphe
6, de la directive 2004/18258 ». Les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent donc pas se
référer exclusivement à un écolabel en guise de spécification technique, sans porter
257 Directive 2004/18/CE, op. cit., art. 23, par. 6. 258 CJUE, 10 Mai 2012, aff. C-368/10, Commission c/ Royaume des Pays-Bas, préc. Cons. (70).
86
atteinte à l’égalité de traitement entre les candidats. Toutefois, cette assertion est à
nuancer, car comme le précise G. CANTILLON, « il nous apparaît que ce n’est pas tant
l’utilisation d’un « label équitable » ou les exigences relatives au commerce équitable
introduites dans le marché qui motivent la démarche de la Commission, que le manque de
transparence qui caractérise la procédure d’appel d’offres. La Commission note en effet que «
la province a certes indiqué qu'elle accepterait les labels équivalents, mais elle n'a pas précisé
de critères de fond permettant aux soumissionnaires de savoir si un label est équivalent » (…).
Ainsi, pour être conforme aux impératifs de liberté d'accès et d'égalité de traitement des
candidats, le pouvoir adjudicateur doit fournir aux soumissionnaires une description de ce
qu'il entend par « ou équivalent »259 ». Ce n’est donc pas tant le recours exclusif à un
écolabel qui est sanctionné, que l’absence de précisions sur son contenu, qui
permettraient à un opérateur économique de soumettre une offre équivalente, dans
la mesure où l’acceptation de l’équivalence est la règle.
2. Le lien des exigences avec l’objet du marché
Lorsqu’un critère d’attribution revêt un caractère social ou environnemental,
il est nécessaire qu’il soit en relation avec l’objet du marché concerné. La directive
2004/18/CE affirme cela en son premier considérant : « la présente directive est fondée
sur la jurisprudence de la Cour de justice, en particulier la jurisprudence relative aux critères
d'attribution, (…) y compris dans les domaines environnemental et/ou social, pour autant que
ces critères soient liés à l'objet du marché260 ». Le Code des marchés publics affirme
également dans l’article 53-I que « pour attribuer le marché au candidat qui a présenté
259 G. CANTILLON, « Achat public équitable, concurrence pour le marché et concurrence dans le marché », op. cit. 260 Directive 2004/18/CE, op. cit., cons. (1).
87
l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : 1° Soit sur une
pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment (…) les
performances en matière de protection de l'environnement, (…), les performances en matière
d'insertion professionnelle des publics en difficulté261 ». À ce titre, dans l’arrêt Concordia
Bus Finland de 2002, la Cour rappelle qu’« il résulte de ces considérations que, lorsque le
pouvoir adjudicateur décide d'attribuer un marché au soumissionnaire ayant présenté l'offre
économiquement la plus avantageuse, (…) il peut prendre en considération des critères relatifs
à la préservation de l'environnement pour autant que ces critères sont liés à l'objet du
marché ». De même, concernant les méthodes de production exigées par des
spécifications techniques définies dans les documents de la consultation, l’article 6 du
Code des marchés publics précise que « les spécifications techniques ne peuvent pas
faire mention d'un mode ou procédé de fabrication particulier ou d'une provenance ou origine
déterminée, ni faire référence à une marque, à un brevet ou à un type, dès lors qu'une telle
mention ou référence aurait pour effet de favoriser ou d'éliminer certains opérateurs
économiques ou certains produits. Toutefois, une telle mention ou référence est possible si elle
est justifiée par l'objet du marché262 ». À ce titre, une clause environnementale se doit
donc d’être en lien avec l’objet du marché pour garantir l’égalité de traitement entre
les candidats. Enfin, concernant la faculté pour le pouvoir adjudicateur d’examiner
les capacités techniques des candidats suivant des normes européennes ou
internationales de gestion environnementale, l’article 45 du Code des marchés
publics affirme que « lorsque le pouvoir adjudicateur décide de fixer des niveaux minimaux
de capacité, il ne peut être exigé des candidats que des niveaux minimaux de capacité liés et
proportionnés à l'objet du marché263 ». La Commission affirme qu’un « exemple d’exigence
261 Code des marchés publics, art. 53-I. 262 Code des marchés publics, art. 6-IV. 263 Code des marchés publics, art. 45-I.
88
clairement inacceptable est de requérir de la part des fabricants, dans le cadre d’un achat de
meubles, qu’ils utilisent du papier recyclé dans leurs bureaux264 ». Cette obligation
générale, pour le pouvoir adjudicateur, de relier ses exigences à caractère
environnemental à l’objet du marché repose sur le principe d’égalité de traitement
entre les candidats. Un candidat qui se verrait refuser la candidature à un marché ou
le rejet de son offre, au motif qu’il ne respecterait pas des exigences non-liées à l’objet
du marché, serait clairement discriminé. Le pouvoir adjudicateur se doit d’évaluer
une candidature en vue de ses besoins, et non chercher à évaluer la gestion
environnementale générale d’un opérateur économique. Dans l’arrêt EVN AG, avait
été établi un critère d’attribution sanctionnant la production d’énergie verte à
destination d’autres clients que le pouvoir adjudicateur lui-même. La Cour avait jugé
que « dans l'affaire au principal, il y a lieu de constater que le critère d'attribution retenu ne
porte pas sur la prestation qui fait l'objet du marché (…) il en résulte que, dans la mesure où il
exige des soumissionnaires qu'ils indiquent la quantité d'électricité produite à partir de sources
d'énergie renouvelables qu'ils seront en mesure de fournir à une clientèle non définie et
attribue le maximum de points au soumissionnaire qui indique la quantité la plus importante
(…) le critère d'attribution retenu en l'espèce n'est pas compatible avec la réglementation
communautaire en matière de marchés publics265 ». L’attribution d’avantages à des
opérateurs économiques en vertu de critères externes à l’objet du marché est donc
susceptible de créer des discriminations contraires au principe d’égalité de traitement
des candidats.
3. L’interdiction de la liberté inconditionnée de choix
264 Commission européenne, Achetez vert ! - Un manuel sur les marchés publics écologiques, op. cit., p. 23. 265 CJCE 4 déc. 2003, EVN AG c/ Autriche, préc. Cons. (67) et (71).
89
Le Code des marchés publics affirme à l’article 53 que pour déterminer l’offre
économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur peut se fonder sur :
« une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché (…) [ou] compte
tenu de l'objet du marché, sur un seul critère, qui est celui du prix266 ». La nouvelle directive
2014/24/UE précise également, en son article 67, que « l’offre économiquement la plus
avantageuse du point de vue du pouvoir adjudicateur est déterminée sur la base du prix ou du
coût, selon une approche fondée sur le rapport coût/efficacité, (…) et peut tenir compte du
meilleur rapport qualité/prix, qui est évalué sur la base de critères comprenant des aspects
qualitatifs, environnementaux et/ou sociaux liés à l’objet du marché public concerné ».
L’intérêt, pour le pouvoir adjudicateur, de définir des critères d’attribution afin de
parvenir à obtenir ce « meilleur rapport qualité/prix » est de pouvoir comparer les
offres des candidats sur des bases égales. Comme le précisent I. HAOUAS et T.
ROUVEYRAN, « ce principe signifie donc, d'une part, que le pouvoir adjudicateur doit délivrer
les indications claires et précises permettant aux soumissionnaires de répondre de manière
satisfaisante à ses exigences et, d'autre part, que le critère doit permettre à ce pouvoir
adjudicateur de comparer les offres en toute objectivité afin de retenir la plus pertinente au
regard dudit critère267 ». Ce principe participe de l’égalité de traitement entre les
candidats : si un opérateur n’est pas retenu, il doit savoir quelle notation, et sur quels
motifs, son offre a été rejetée. À ce titre, le pouvoir adjudicateur doit faire une
mention explicite des critères d’attribution : « de manière à permettre à tous les
soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents de les interpréter de la
même manière268 ». De la même manière, cela impose au pouvoir adjudicateur
266 Code des marchés publics, art. 53-I. 267 I. HAOUAS, T. ROUVEYRAN, « Les critères environnementaux et sociaux dans les marchés publics », Cahiers de droit de l'entreprise n° 5, 09/2013, dossier 33. 268 CJCE, 18 oct. 2001, aff. C-19/00, SIAC construction Ltd : Rec. CJCE 2001, I, p. 7725. Cons. (42)
90
d’établir des indicateurs, voire des sous-critères, qui seront eux-mêmes considérés
comme des critères269 afin d’informer l’opérateur économique de la manière dont ces
critères sont interprétés. Ces critères ne sont par ailleurs pas forcément de nature
économique : la Cour a pu juger cela à propos, notamment, de caractéristiques
environnementales 270 . Le pouvoir adjudicateur doit donc manier ces critères
d’attribution non-économiques avec précaution afin de ne pas léser les opérateurs
économiques. Le Conseil d’État a précisé dans une décision récente concernant un
marché public de collecte des déchets, « que pour attribuer une note au titre du sous-
critère relatif à l'impact environnemental, regardé lui-même comme un critère de sélection, le
pouvoir adjudicateur avait exigé la production d'un bilan carbone sans en préciser le contenu
ni en définir les modalités d'appréciation (…) [et qu’il] avait manqué, à ce titre, à ses
obligations de publicité et de mise en concurrence271 ». On constate donc que la liberté
d’attribution du pouvoir adjudicateur est conditionnée : il lui est impossible de
choisir de manière discrétionnaire, sans porter atteinte au principe d’égalité de
traitement ni discriminer l’opérateur économique. Il a en revanche, eu égard aux
critères qu’il retient, le choix de la façon dont il va sélectionner le soumissionnaire.
L’opérateur économique se voit donc garantir une égalité de traitement par
les principes fondamentaux de la commande publique. La procédure de passation
des marchés publics doit permettre le respect des « principes de la libre circulation des
269 « [si le pouvoir adjudicateur] décide, pour mettre en œuvre ces critères, de faire usage de sous-critères également pondérés ou hiérarchisés, (…) [et de] porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l'importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent en conséquence être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection » in CE 18 juin 2010, Commune de Saint Pal de Mons, req. n° 337377 : Rec. Lebon 2011 p.847 270 « ledit article 36, paragraphe 1, sous a), [de la directive 92/50] ne saurait être interprété en ce sens que chacun des critères d'attribution retenus par le pouvoir adjudicateur afin d'identifier l'offre économiquement la plus avantageuse doit nécessairement être de nature purement économique » in CJCE, 2002, Concordia Bus Finland, préc. Cons. (55). 271 CE 15 févr. 2013, Société Derichebourg polyurbaine, préc.
91
marchandises, de la liberté d'établissement et de la libre prestation de services, ainsi que les
principes qui en découlent, comme l'égalité de traitement, la non-discrimination, la
reconnaissance mutuelle, la proportionnalité et la transparence 272 ». En matière
environnementale, le principe de transparence va par exemple jouer un rôle majeur
dans la garantie du principe d’égalité de traitement, connexe à celui de non-
discrimination, sur lesquels l’opérateur économique pourra se fonder. L’ensemble
des possibilités dont dispose le pouvoir adjudicateur pour introduire des
considérations environnementales dans le marché public doit donc s’adapter à ces
principes. De par leur nature non-économique et technique, cela peut se révéler
parfois complexe. Comme le résume H. PONGERARD-PAYET, « en somme, même si les
droits communautaire et interne permettent aux collectivités publiques d'intégrer des
impératifs écologiques et sociaux dans leurs marchés, la possibilité d'instrumentaliser la
commande publique au service de l'intérêt général demeure très encadrée273 ».
272 Directive 2004/18/CE, op. cit., cons. (2) 273 H. PONGERARD-PAYET, « Critères sociaux et écologiques des marchés publics : droits communautaire et interne entre guerre et paix », Europe n° 10, 10/2004, étude 10.
92
Section 2. La prise en compte de la demande environnementale par l’opérateur
économique
« Les entrepreneurs des diverses branches d’industrie ont coutume de dire que la
difficulté n’est pas de produire, mais de vendre ; qu’on produirait toujours assez de
marchandises, si l’on pouvait facilement en trouver le débit274 » affirmait Jean-Baptiste SAY
dans son Traité d’économie politique. En matière de marché public environnemental,
prendre le parti de SAY reviendrait à nier l’effort produit par les pouvoirs publics
pour développer l’achat public vert. Les pouvoirs adjudicateurs n’ont certes pas
ouvert la voie au développement d’une demande croissante de produits et services
respectueux de l’environnement au niveau mondial, européen ou même national.
Toutefois, l’importance que revêtent les marchés publics, au niveau local
notamment, attestent de la nécessité pour les opérateurs économiques de développer
leur offre de produits adaptés à la demande des pouvoirs adjudicateurs. Comme un
article du quotidien Les Échos le soulignait récemment, la part des marchés publics de
90 000 euros et plus incluant des clauses environnementales sont passés de 2,6% à
5,4% entre 2009 et 2012275. Si l’on se réfère aux données fournies par l’Observatoire
Economique de l’Achat Public, l’ensemble des marchés publics d’un montant
supérieur ou égal à 90 000 euros représentait en 2012 la somme de 74 268 899 412
euros276. En se rapportant au pourcentage précédemment cité, on peut dès lors
considérer que le montant global représenté par les marchés publics
environnementaux est de 4 010 520 568 euros, et ce sans compter les marchés publics
274 J.-B. SAY, Traité d’économie politique, 6ème édition, O. Zeller, 1841, p.138 275 M. QUIRET, « Ces freins qui empêchent les PME d'accéder aux marchés des collectivités », Les Échos, N°21412 du 08 Avril 2013, p. 26. Données tirées de l’Observatoire Economique de l’Achat Public. 276 Ministère de l’Economie et des Finances, Observatoire Economique de l’Achat Public (OEAP) « Le recensement de l’achat public - Exercice 2012 ». Disponible sur : http://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/oeap/recensement/chiffres-recensement-2012.pdf
93
d’un montant inférieur à 90 000 euros. Les efforts déployés par les pouvoirs publics
pour faire la promotion des marchés publics environnementaux sont donc à la
hauteur de l’enjeu représenté par un marché de plus de 4 milliards d’euros. Comme
l’affirme B. KOEBEL, une entreprise qui choisirait de ne pas développer de
technologies respectueuses de l’environnement connaîtrait de sérieuses difficultés
dans un contexte concurrentiel277. Il est donc possible de s’intéresser au rapport
qu’entretiennent les opérateurs économiques aux marchés publics
environnementaux, dans la mesure où leur contribution et l’adaptation de leur offre
à cette demande croissante de l’administration sont indispensables à la poursuite de
l’objectif visé par les pouvoirs publics. Il faudra tout d’abord analyser les procédés
auxquels peuvent recourir les opérateurs économiques, au delà d’une simple réponse
à la demande, pour favoriser le recours aux produits et services respectueux de
l’environnement (A), avant de se focaliser sur l’effectivité de l’impact des stratégies
d’achat public sur le développement des marchés publics environnementaux (B).
A. L’opérateur économique, acteur indispensable au développement des marchés
publics environnementaux
La récente directive 2014/24/UE précise que « la recherche et l’innovation, y
compris l’éco-innovation et l’innovation sociale, comptent parmi les principaux moteurs de la
croissance future et ont été placées au cœur de la stratégie Europe 2020 pour une croissance
intelligente, durable et inclusive. Les pouvoirs publics devraient faire le meilleur usage
stratégique des marchés publics pour stimuler l’innovation278 ». Cette volonté avait déjà été
manifestée par la Commission, dans une communication de 2007 concernant l’achat
277 Entretien avec B. KOEBEL, op. cit. 278 Directive 2014/24/UE, op. cit., Cons. (47)
94
public avant commercialisation : « la communication sur "une stratégie d'innovation
élargie pour l'UE" soulignait l'importance des marchés publics pour renforcer la capacité
d'innovation de l'Union tout en améliorant la qualité et l'efficacité des services publics279 ». Si
les pouvoirs publics ont pu chercher à promouvoir, parmi les pouvoirs adjudicateurs,
le recours aux marchés publics environnementaux, une deuxième condition est
nécessaire à leur développement : l’existence d’une réponse de la part des opérateurs
économiques. Afin de répondre au mieux aux besoins des administrations, les
entreprises doivent pouvoir faire évoluer leurs modes de production, de conception,
et avancer dans le sens du développement de solutions écoresponsables. À ce titre, B.
JARGOIS présente, dans une vision optimiste, les avantages de cette démarche pour les
deux parties en présence : « face à ces demandes, le secteur concurrentiel apparaît bien
structuré et en capacité de répondre à la demande de l'acheteur public. (…) Cela peut avoir un
véritable effet de levier pour ce partenaire privé qui peut chercher à améliorer encore son offre
afin d'accroître son exemplarité en matière de développement durable280 ». La promotion
des marchés publics environnementaux est donc un jeu à sommes positives.
Toutefois, la procédure de passation du marché public, qui représente une garantie
pour l’opérateur économique (cf. supra), doit permettre à celui-ci de pouvoir
répondre aux attentes des pouvoirs adjudicateurs, mais également de pouvoir les
anticiper par l’innovation et l’initiative privée. En effet, comme l’affirment R. AUBERT
et N. CHARREL, « la logique classique de l’achat public, qui tend à minimiser les risques et à
optimiser les bénéfices pour l’acheteur public, n’est habituellement pas perçue comme un
vecteur d’innovation281 ». Il sera donc possible de s’intéresser tout d’abord aux moyens
279 Communication de la Commission au Parlement Européen, au Conseil, au Comité Économique et Social Européen et au Comité des Régions. “Achats publics avant commercialisation: promouvoir l'innovation pour assurer des services publics durables et de qualité en Europe”, COM(2007) 799 final, 14/12/2007. 280 B. JARGOIS, « Commande publique et entreprises : regards croisés sur la prise en compte du développement durable », op. cit. 281 R. AUBERT, N. CHARREL, « Les Contrats publics, instrument d’innovation », Contrats Publics, n°89, 06/2009.
95
dont dispose l’opérateur économique pour présenter le fruit de ses initiatives dans le
cadre des marchés publics (1), puis d’analyser les possibilités de dialogues avec le
pouvoir adjudicateur permises par la réglementation en vigueur (2).
1. L’initiative de l’opérateur économique
L’opérateur économique se trouve normalement en situation concurrentielle
lorsqu’il candidate à un marché public. Dans le cadre d’un marché public
environnemental, certaines spécifications, capacités techniques, conditions et critères
peuvent être exigés des candidats, pour l’admission d’une offre comme pour
l’attribution du marché. Toutefois, un opérateur économique répondant à ce marché
peut souhaiter vouloir mettre en avant les caractéristiques de son produit ou de son
service si celui-ci, non seulement respecte les exigences attendues, mais se trouve être
encore plus respectueux de l’environnement. Pour pouvoir tirer profit, en termes
concurrentiels, de cet avantage, l’opérateur économique peut avoir recours à des
« autodéclarations ». Ce sont des normes dites de type II, que la norme
internationale ISO 14021 permet d’analyser et d’encadrer l’utilisation de ces
autodéclarations. La norme les définit ainsi : « déclaration environnementale sans
certification par tierce partie indépendante, par des fabricants, des importateurs, des
distributeurs, des détaillants ou toute autre entité susceptible de tirer profit de cette
déclaration282 ». Le principe fixé par la norme ISO 14021 est que ces autodéclarations
doivent être précises, vérifiables, insusceptibles d’être mal interprétées et permettre
au consommateur de faire un choix mieux informé. Selon N. BOEGLIN et P.
WETTERWALD, « les autodéclarations fiables ont pour objectif de stimuler l’offre et la
282 N. BOEGLIN, P. WETTERWALD, Autodéclarations : La promotion environnementale des produits – la norme NF ISO 14021, Coll. AFNOR Pratique, AFNOR, Juin 2001, p. 12.
96
demande de produits qui sollicitent le moins l’environnement. La norme ISO 14021 a quant à
elle, pour but d’harmoniser les autodéclarations environnementales en vue d’assurer leur
fiabilité283 ». Ces autodéclarations se présentent sous la forme d’affirmations, de
symboles ou de graphiques indiquant la composition d’un produit, d’un composant
ou d’un emballage. L’utilisation de la « boucle de Möbius284 » est possible, dans la
mesure où l’information développée respecte les principes fixés par la norme ISO
14021. À titre d’exemple, la mention « papier recyclé » n’est pas conforme car il n’y a
aucune précision sur la nature du papier recyclé et sa teneur. La mention « ce papier
contient 70% de fibres de cellulose recyclée » est, en revanche, conforme285. Ces
autodéclarations peuvent être utilisées dans les circuits de grande distribution, mais
également dans le cadre des marchés publics : ils confèrent un avantage
concurrentiel au déclarant, dans la mesure où cet affichage permet de distinguer
rapidement le caractère écoresponsable de ces produits, et d’affirmer l’engagement
environnemental tenu par l’opérateur économique. De la même façon, les «
écoprofils » (normes de type III, respectant la norme ISO TR 14025). Selon l’ADEME,
l’écoprofil « est élaboré volontairement par un industriel, selon une approche multicritères
et multi-étapes faisant appel à la méthodologie de l’analyse du cycle de vie. Il donne une
photographie à un instant donné des impacts environnementaux du produit286 ». Il prend la
forme d’un étiquetage (diagramme, tableau, …) apposé sur le produit. Il met à la
disposition des consommateurs des données quantitatives précises, et se retrouve le
plus souvent dans le secteur de l’équipement et de la construction. Ces déclarations
rentrent dans le cadre des références énoncées par l’article 6 du Code des marchés
283 Ibid., p. 14. 284 Cf. Annexe 5. La Boucle de Möbius. Exemple de symboles constitutifs d’autodéclarations environnementales selon la norme ISO 14021. 285 N. BOEGLIN, P. WETTERWALD, Autodéclarations : La promotion environnementale des produits., op. cit., p. 18. 286 Groupe Permanent d’Etude des Marchés « Développement Durable, Environnement », ADEME, « Guide de l’achat public éco-responsable. Achat de produits. Disponible sur : http://www2.ademe.fr/servlet/getBin?name=98BBED1DFB2D7461FF2485876FED822D1118325670393.pdf
97
publics. Ce sont des moyens à la portée de l’opérateur économique pour promouvoir
la qualité environnementale de leur produit ou de leur service. Ces moyens sont
susceptibles d’être reconnus et pris en compte dans l’évaluation de leur offre par le
pouvoir adjudicateur. Le pouvoir adjudicateur, s’il l’accepte, peut laisser la possibilité
à l’opérateur économique de proposer des « variantes », c’est à dire des
« modifications, à l’initiative des candidats, de spécifications prévues dans la solution de base
décrite dans les documents de la consultation »287. Ce régime est prévu par l’article 50 du
Code des marchés publics, reprenant les principes de l’article 24 de la directive
2004/18/CE : le pouvoir adjudicateur doit mentionner dans l’avis d’appel public à
concurrence ou dans les documents de la consultation s’il autorise ou non les
variantes, et s’il est disposé à les accepter. Le cas échéant, il doit alors mentionner les
exigences minimales qu’il attend à l’égard de celles-ci. L’acceptation ou non de
variantes n’est possible que dans le cas où le pouvoir adjudicateur se fonde sur une
pluralité de critères pour déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse. En
cas de procédure adaptée, à défaut de refus explicite d’acceptation de variantes,
l’opérateur économique peut en proposer288. Cette dernière possibilité a été admise
par la modification de l’article 50 du Code des marchés publics par le décret n°2009-
1089 du 2 septembre 2009. Les variantes environnementales peuvent être de
véritables leviers pour favoriser l’innovation, comme le souligne B. KOEBEL289. En
effet, l’autorisation des variantes peut apparaître comme une mesure de « bon
sens ». Lorsqu’il s’agit de domaines techniques, le pouvoir adjudicateur n’a pas
forcément la connaissance la plus actuelle, ni la plus précise de l’ensemble des
solutions existantes sur le marché pour satisfaire un besoin. De surcroît, un service
287 CE 5 janv. 2011, Société Technologie alpine sécurité, Commune de Bonneval-sur-Arc, req. n° 343206, Lebon T. ; AJDA 2011. p.13. 288 Code des marchés publics, art. 50 289 Entretien avec B. KOEBEL, op. cit.
98
administratif qui souhaite promouvoir l’achat durable peut trouver en la variante une
panacée : il est aisé de comparer des offres et de retenir celle qui apparaît la plus
avantageuse et la plus respectueuse de l’environnement tout en imposant un niveau
minimum d’exigences en la matière. L’opérateur économique innovant y gagne
également : son offre, si elle se distingue des autres solutions proposées, pourra
trouver un avantage concurrentiel direct et ainsi gagner en probabilité d’être retenue
par le pouvoir adjudicateur. Comme le résume le professeur LLORENS, « elles rendent
certes plus complexe le jugement des offres. Mais, en regard de cet inconvénient, elles
présentent l'avantage notable de ne pas figer les projets au stade de l'appel d'offres ; de
permettre aux candidats de faire preuve d'esprit d'innovation et de proposer ainsi à la
personne publique la meilleure prestation possible 290 ». On constate donc que la
réglementation applicable en matière de marchés publics laisse la possibilité, dans
une certaine mesure, à l’opérateur économique de faire la promotion du fruit de son
innovation en matière environnementale. Cette possibilité peut être renforcée par les
moyens directement mis en œuvre par le pouvoir adjudicateur pour renforcer le
recours aux solutions innovantes proposées par les opérateurs économiques.
2. La possibilité d’un dialogue avec le pouvoir adjudicateur
Comme le rappelle F. ALLAIRE, « par principe, la négociation est exclue de la
procédure de passation des marchés publics. Dans les procédures d’appel d’offres, il ne peut y
avoir de négociation avec les candidats. (…) La négociation n’est prévue que dans les
procédures adaptées, les procédures négociées et les procédures de dialogue compétitif291 ».
290 F. LLORENS, « Le recours aux variantes dans les marchés publics », Contrats et Marchés publics n° 1, 01/2004, prat.1. 291 F. ALLAIRE, « Chapitre 6 : La sélection », L’essentiel du droit des marchés publics, op. cit. pp. 107-108.
99
Ces procédures particulières, décrites aux articles 65 à 67 du Code des marchés
publics, et 28 à 31 de la directive 2004/18/CE, correspondent à des cas particuliers que
nous ne traiterons pas ici. Sans développer précisément l’étendue des conditions
dans lesquelles ces modes sont applicables, mentionnons à toutes fins utiles que les
procédures dans lesquelles un dialogue est susceptible d’être instauré entre le
pouvoir adjudicateur et l’opérateur économique sont : le dialogue compétitif (art.
36et 67 CMP), les marchés de définition (art. 73 CMP), les marchés de services ne
permettant pas d’établir les spécifications techniques avec une précision suffisante
(art. 35-I-2 CMP), les marchés de conception-réalisation (art.37et 69 CMP), le concours
d’idées (art. 24, 38, 70, 167 et 150 CMP). Ces procédures interviennent généralement
« dans des cas exceptionnels, lorsqu'il s'agit de travaux, de fournitures ou de services dont la
nature ou les aléas ne permettent pas une fixation préalable et globale des prix292 » ou
lorsque le pouvoir adjudicateur n’est pas en mesure de définir correctement ses
besoins, ou les moyens techniques pour y répondre. Ces cas n’étant pas la norme, il
apparaît donc clairement que dans les marchés publics, le principe n’est pas le
dialogue. Pour autant, le pouvoir adjudicateur, s’il juge nécessaire de favoriser
l’innovation – particulièrement en matière environnementale 293 – peut utiliser
certains procédés. Il peut avoir recours aux « options », c’est à dire l’introduction de
prestations complémentaires imposées par le pouvoir adjudicateur. Cette technique,
non précisée par le Code des marchés publics, est différente de la variante dans la
mesure où « d'une part, elle résulte d'une initiative de la personne publique et non pas des
candidats et que, d'autre part, ces derniers ne disposent pas de la liberté de conception que
292 Directive 2004/18/CE, op. cit. Art. 30. 293 « L’environnement et l’innovation sont étroitement liés : 66% des entreprises industrielles franc-comtoises innovantes ont introduit une innovation apportant un bénéfice environnemental » in INSEE Franche-Comté, « L’innovation bénéficie principalement à l’environnement », L’essentiel, n°124, 10/2010.
100
suppose la présentation d'une variante294 ». Toutefois, le régime des « options » n’est
pas encore précisément défini295. Au-delà de ce procédé, il est possible qu’une
multiplicité de solutions soit à la disposition des acheteurs publics pour promouvoir
l’innovation. Dès 2006, la Commission affirmait : « l’amélioration des pratiques de
passation des marchés publics peut contribuer à favoriser l’adoption par le marché de produits
et de services innovants tout en améliorant la qualité des services publics dans les marchés où
seul le secteur public est un acheteur important296 ». L’apport de cette communication
vient davantage de sa prescription des « achats avant commercialisation » car
« lorsque aucune solution commerciale n’existe sur le marché, la passation de marchés avant
commercialisation peut aider les administrations à adopter des solutions techniques
technologiquement innovantes élaborées en fonction de leurs besoins297 ». Ce nouveau
procédé est dénommé, dans la directive 2014/24/UE en son article 31, « partenariat
d’innovation »298. Le principe de ces partenariats est de passer, en dialogue avec
l’opérateur économique, un marché visant à satisfaire le besoin du pouvoir
adjudicateur par le biais d’une solution innovante et encore inédite sur le marché.
Pour cela, il faut avoir usage aux procédures qui permettent ce dialogue (cf. supra), et
accompagner l’opérateur tout au long du processus de conception. R. AUBERT et N.
CHARREL relèvent que « coté entreprises, [ce partenariat d’innovation] offre de nouveaux
débouchés économiques par l’établissement de conditions optimales pour une
commercialisation accélérée des résultats de la recherche et développement (R&D). Côté
294 F. LLORENS, « Le recours aux variantes dans les marchés publics », op. cit. 295 « On ne peut d'ailleurs que souhaiter que Bercy approfondisse encore cette question » in F. LINDITCH, « Le régime des variantes précisé par le Minefi », Contrats et Marchés publics n° 5, Mai 2007, alerte 16. 296 Communication de la commission au conseil, au parlement Européen, au comité économique et social européen et au Comité des régions « Mettre le savoir en pratique: une stratégie d'innovation élargie pour l’UE », COM(2006) 502 final, 13/09/2006. 297 Ibid. 298 « Le partenariat d’innovation vise au développement d’un produit, d’un service ou de travaux innovants et à l’acquisition ultérieure des fournitures, services ou travaux en résultant, à condition qu’ils correspondent aux niveaux de performance et aux coûts maximum convenus entre les pouvoirs adjudicateurs et les participants », art. 31-2, Directive 2014/24/UE, op. cit.
101
acheteurs publics, il permet d’acquérir des technologies innovantes adaptées à des besoins
particuliers de plus en plus complexes et de bénéficier éventuellement d’un retour sur
investissement en cas de commercialisation à grande échelle des résultats de la recherche299 ».
Ce principe n’est pas sans risques. Des risques commerciaux tout d’abord, en cas
d’échec de la part de l’opérateur économique, lorsqu’il n’arrive pas à aboutir à une
solution technique viable. À ce titre, R. AUBERT et N. CHARREL suggèrent de
cloisonner chaque étape de la procédure, afin que le pouvoir adjudicateur puisse
contrôler l’état d’avancement de la solution proposée300. En outre, il nous apparaît
utile de souligner d’éventuelles incertitudes juridiques. Ce procédé, qui vise à faire
collaborer étroitement et directement pouvoirs adjudicateurs et opérateurs
économiques dans le cadre d’une mission susceptible de relever de la politique
industrielle nationale, ne doit pas se transformer en moyen de subventionner
l’industrie innovante. Le risque est alors d’approcher la notion « d’aide d’État »,
interdite par l’article 107 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne. La
Commission affirme à ce titre que « si le partage des risques et des bénéfices n'a pas lieu
selon les conditions du marché et si le prix payé pour les services fournis est plus élevé que le
prix du marché, on considérera généralement qu'il s'agit d'une aide d'État devant être notifiée
et analysée par la Commission conformément aux articles 87 et 88 du traité CE [art. 107 et
108 du TFUE] et au Cadre pour les aides d'État à la recherche, au développement et à
l'innovation 301 ». La passation des marchés en question doit donc rester
concurrentielle. L’innovation est également susceptible d’être stimulée par le recours,
plus traditionnel, à des critères d’attribution302 , ou des sous-critères relatifs au
« caractère innovant », ces derniers pouvant se combiner parfaitement à l’intérieur
299 R. AUBERT, N. CHARREL, « Les Contrats publics, instrument d’innovation », op. cit. 300 Ibid. 301 Communication de la Commission, « Achats publics avant commercialisation », COM(2007) 799, op. cit. 302 Toutefois, « à la différence du développement durable, l’objet du marché doit justifier le recours au critère « innovation » » in R. AUBERT, N. CHARREL, « Les Contrats publics, instrument d’innovation », op. cit.
102
de critères environnementaux. Enfin, une dernière possibilité est permise au pouvoir
adjudicateur par l’article 26 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de
l'économie : un pouvoir adjudicateur peut, pour une durée de cinq ans, « réserver une
part (jusqu'à 15 %) de leurs marchés publics de haute technologie, de recherche et
développement et d'études technologiques aux sociétés innovantes, ou de traiter celles-ci de
façon préférentielle à offres équivalentes303 ». L’objectif est ainsi de favoriser les petites et
moyennes entreprises qui développeraient leur pôle recherche et développement,
notamment en matière environnementale. Cela permettrait de contrebalancer le fait
que « les grands groupes captent l'essentiel des marchés publics304 » comme l’affirmait J.-E.
DU MESNIL, président de la Confédération Générale des PME (CGPME) en Avril 2013.
Cela peut être facilité par le recours à la méthode de « l’allotissement » définie à
l’article 10 du Code des marchés publics. L’allotissement consiste en « la division
d’une même opération de fournitures, de prestations de services ou de travaux en plusieurs
lots, un lot étant une unité autonome qui est attribuée séparément (…) [et] individuellement
au candidat dont l’offre a été choisie pour ce lot305 ». La distinction entre les prestations à
fournir peut permettre à des PME spécialisées de soumettre des offres au pouvoir
adjudicateur, et éviter d’être évincées par des opérateurs économiques de taille plus
importantes, seuls susceptibles de candidater aux prestations d’un marché global. De
façon incidente, il nous est possible d’affirmer que cette ouverture du marché public
à des opérateurs de toutes catégories vient également renforcer la mise en œuvre du
principe de libre-accès au marché.
303 E. ROYER, « Marchés publics de haute technologie: mécanisme de réserve aux sociétés innovantes », AJDA, n°7, 02/03/2009, p.345. 304 M. QUIRET, « Ces freins qui empêchent les PME d'accéder aux marchés des collectivités », op. cit. 305 C. LAJOYE, Droit des Marchés publics, op. cit. p. 128
103
On constate donc que l’opérateur économique est un acteur indispensable à la
promotion des marchés publics environnementaux. La possibilité qu’il a de proposer
des solutions innovantes est certes conditionnée (tant au niveau des variantes, que de
la possibilité du dialogue) par le bon vouloir du pouvoir adjudicateur. Mais il est
raisonnable de penser qu’un pouvoir adjudicateur normalement diligent ne saurait
refuser une preuve de volontarisme en matière environnementale de la part d’un
candidat. Les moyens d’action se sont donc développés, du côté de l’offre comme du
côté de la demande, pour favoriser l’émergence de solutions nouvelles pour répondre
aux besoins des pouvoirs adjudicateurs en matière environnementale.
B. L’adaptation de l’offre à la demande : la consécration de l’objectif poursuivi ?
Par le recours aux marchés publics environnementaux, les pouvoirs
adjudicateurs doivent contribuer à accroître la demande générale de biens et services
écoresponsables. D’après une évaluation menée par J. CRAMER et C. VAN HEMEL,
« 30% des améliorations environnementales apportées au développement des produits sont
imputables à des stimuli externes, qu’il s’agisse de la demande exprimée par des
consommateurs ou de la réglementation publique » 306 . L’achat public apparaît en
l’occurrence être un outil plus pertinent que la réglementation pour dynamiser
l’innovation, notamment en matière environnementale 307 . Il a été possible de
constater que la pratique de ces marchés publics environnementaux s’est
considérablement développée depuis les années 2000, et notamment depuis la
refonte du Code des marchés publics en 2001. À ce stade de notre réflexion sur le
306 J. CRAMER, C. VAN HEMEL, « Barriers and Stimuli for Ecodesign ins SMEs », Journal of Cleaner Production, n°10, pp.439-453. Cité dans : F. MARTY, Les clauses environnementales dans les marchés publics : perspectives économiques, Documents de travail du GREDEG, 02/2012, p. 3. Disponible sur : http://www.gredeg.cnrs.fr/working-papers/WP-anciens/WP-Gredeg-2011-01.pdf 307 F. MARTY, Les clauses environnementales dans les marchés publics : perspectives économiques, op. cit.
104
développement des marchés publics environnementaux, il apparaît nécessaire de se
focaliser sur les avancées réalisées dans la pratique concrète des marchés publics. Il
sera possible de s’intéresser tout d’abord aux stratégies mises en œuvre par les
pouvoirs adjudicateurs, de manière quantitative, pour accentuer la demande et donc
l’offre, de biens et services respectueux de l’environnement (1), puis de présenter
brièvement des mesures concrètes liées à la pratique des marchés publics
environnementaux (2).
1. Une stratégie d’achat calibrée pour influer sur l’offre
« Faire de la commande publique un levier privilégié de la politique
environnementale peut donc être rapprochée des politiques de soutien à l’innovation de type
demand-side. Dans ce modèle de politique publique, la promotion de l’innovation des firmes
est portée par la commande publique308 » selon F. MARTY. L’apport de la commande
publique à la politique environnementale n’est pas réductible à un soutien à
l’innovation, mais peut être conçu comme un moyen global de développer la
production, de manière transversale à tous les secteurs industriels, de biens et
services respectueux de l’environnement. Cette préoccupation, qui vise à faire
« peser » la commande publique, a pu être mise en œuvre par différentes stratégies
d’achat de la part des pouvoirs adjudicateurs. Le premier moyen pour cela est la
mutualisation des achats : cela permet de regrouper les commandes des pouvoirs
adjudicateurs. Comme le résume T. CANAPLE et P. RAVENEL, « lorsque les volumes
atteignent des niveaux suffisants, les producteurs (y compris locaux) peuvent s’organiser de
telle sorte que des économies d’échelle soient réalisées. Les économies peuvent également
308 Ibid.
105
provenir de l’optimisation des circuits de distribution entre les différents points de livraison
des établissements. De plus, elle rend possible la mise en commun de l’expertise et des
connaissances de plusieurs établissements sur la réglementation des marchés publics309 ».
Les groupements d’achat permettent non seulement aux pouvoirs adjudicateurs
d’optimiser les ressources utilisées pour la commande publique, notamment en
termes d’économies d’expérience310 (préparation des marchés, définition exacte des
besoins, maîtrise des aspects techniques, …). Mais cette stratégie est également un
atout pour le développement des marchés publics environnementaux. Comme le
confirme B. KOEBEL, le fait de passer des commandes d’un volume plus important par
le biais d’un groupement de commandes permet d’influer sur les fournisseurs au
niveau national311. Non seulement cette influence permet de développer l’offre de
produits et services écoresponsables, mais elle permet également à l’opérateur
économique de réaliser des économies d’échelle312 au niveau de cette production. Ces
économies d’échelle permettent notamment, à plus long terme, de faire baisser ces
coûts de production sans réduire la marge de l’opérateur économique, faisant ainsi
décroître le coût du produit. Les biens et services écoresponsables peuvent ainsi voir
un impact réduit dans le budget des pouvoirs adjudicateurs. B. KOEBEL proposait à ce
sujet, lors de notre entretien, l’exemple du papier recyclé à usage bureautique. À
Strasbourg et dans sa Communauté urbaine, 90% du papier utilisé dans les services
administratifs est du papier recyclé. Il y a encore quelques années, le papier recyclé
309 T. CANAPLE, P. RAVENEL, « Achat public alimentaire de qualité et développement durable », Contrats publics, n°124, 09/2012. 310 « Les économies d’expériences, comme les économies d’échelle, correspondent à une baisse des coûts unitaires de production, corrélative à une augmentation des volumes produits. Les causes en sont plus spécifiques, liées à des effets ou des économies d’apprentissage (learning by doing) » in J.-L. DAGUT, Réussir la dissertation d’économie, Studyrama, 2003, p.55. 311 Entretien avec B. KOEBEL, op. cit. 312 « Baisse des coûts unitaires résultant d’une augmentation de la production. Ce phénomène de « rendement croissant à l’échelle » provient surtout d’un meilleur amortissement des coûts fixes, divisés par un nombre croissant d’unités produites. Les coûts fixes intègrent les coûts du capital, mais aussi les coûts de recherche et d’innovation, le marketing, etc. » in J.-L. DAGUT, Réussir la dissertation d’économie, op. cit. p. 54.
106
pouvait avoir un aspect esthétique douteux (car non blanchi au chlore, comme le
papier non-recyclé) et être peu pratique d’utilisation (provoquant des « bourrages »
de papier dans les imprimantes, notamment). En quelques années, face à une
demande rapidement croissante (publique et privée), le secteur industriel s’est adapté
en termes techniques pour proposer un papier recyclé quasiment identique au papier
non-recyclé, à un coût acceptable dans le cadre de la commande publique. C’est un
exemple concluant d’adaptation des opérateurs économiques à la demande313. Dans
cette optique de recours au groupement d’achat, a été créé le Service des Achat de
l’État, par le décret n° 2009-300 du 17 mars 2009. Instauré dans le cadre de la RGPP,
son objectif est triple : réduire le coût des achats par la réduction des coûts de
fonctionnement, développer l’achat public durable et faciliter l’accès des PME aux
marchés publics314. Selon G. CANTILLON, « le SAE intègre pleinement cette nouvelle
normativité du droit des marchés publics, devenu l'outil d'une
« direction juridique non autoritaire des conduites », qui ne vise pas seulement à encadrer des
comportements mais aussi à produire certains effets économiques et sociaux tout en étant
gouverné par une logique d'efficacité315 ». Les pouvoirs adjudicateurs peuvent donc, par
le biais de stratégies d’achat, parvenir à avoir un impact effectif sur l’offre. Cette
vision demand-side s’applique ici parfaitement, dans la mesure où les marchés publics
environnementaux ont été pensés dans cette optique.
2. Retour sur la pratique des marchés publics environnementaux : un
développement encourageant
313 Entretien avec B. KOEBEL, op. cit. 314 Conseil de modernisation des politiques publiques du 12 décembre 2007. 315 G. CANTILLON, « Création du « Service des achats de l'État » : vers un achat public performant et durable ? », Contrats et Marchés publics n° 5, 05/2009, étude 5.
107
B. KOEBEL rappelle que « le 2 mai 2008, la circulaire relative à l’exemplarité de
l’État en matière d’utilisation de produits issus de l’agriculture biologique dans la restauration
collective ambitionnait, pour 2012, d’introduire 20% de denrées issues de l’agriculture
biologique dans la restauration collective. Force est de constater que l’effet d’entraînement
escompté semble avoir fonctionné. (…) Aujourd’hui, 67% des établissements issus du secteur
public et 73% des établissements d’enseignement déclarent proposer des produits biologiques à
leurs convives316 ». Dans notre entretien, il a précisé que cet accroissement de la
demande avait considérablement densifié les champs d’agriculture dans la région de
Strasbourg 317 . En effet, le développement du recours aux produits issus de
l’agriculture biologique dans les cantines scolaires est un exemple qui appuie la
nécessité pour le pouvoir adjudicateur, de réfléchir au niveau local pour concrétiser
l’achat public. Comme l’affirme B. ROMAN-SEQUENSE, « si l'acheteur public veut
privilégier l'achat de denrées biologiques, il doit avant tout s'intéresser aux capacités de
production existantes dans son environnement immédiat et mettre en œuvre des actions de
concertation avec les organismes professionnels concernés, telles que les chambres
d'agriculture implantées dans les différents départements318 ». T. CANAPLE et P. RAVENEL
ajoutent que « les surcoûts et/ou économies liés à l’achat de produits alimentaires de qualité
sont assez difficiles à estimer (…) [mais] les économies, même si beaucoup sont indirectes, sont
bien réelles. De nombreux chefs de cuisine constatent en effet des rendements matière
meilleurs pour les produits de qualité319 ». L’exemple de la restauration collective est
donc encourageant par rapport aux objectifs fixés par les marchés publics
environnementaux : la réflexion élaborée en concertation entre pouvoirs
adjudicateurs a pu influer sur l’offre de produits écoresponsables. Cela s’est
316 B. KOEBEL, « Marchés publics : comment acheter bio ? », op. cit. 317 Entretien avec B. KOEBEL, op. cit. 318 B. ROMAN-SEQUENSE, « Comment augmenter l'achat de produits biologiques dans la restauration collective ? », Contrats et Marchés publics n° 1, 01/2009, comm. 30. 319 T. CANAPLE, P. RAVENEL, « Achat public alimentaire de qualité et développement durable », op. cit.
108
concrétisé par la prise en compte des caractéristiques propres au produit et à son
circuit de production : c’est donc une opération réussie. Mais peut-on tirer les
mêmes conclusions du développement des marchés publics environnementaux, à un
niveau global ? Les données statistiques fournies par l’OEAP permettent tout
d’abord de prendre conscience de l’augmentation du nombre de marchés publics
environnementaux : parmi les marchés publics d’un montant supérieur ou égal à 90
000 euros HT, 2,6% d’entre eux intégraient une clause environnementale en 2009
contre 5,4% en 2012320. Il est également intéressant de noter que la part des marchés
publics environnementaux dans le total des marchés publics conclus a diminué au
niveau de l’État (de 7,5% à 5,0% entre 2011 et 2012), mais a progressé dans les
collectivités territoriales (de 6,4% à 7,7% entre 2011 et 2012)321. On peut y voir la marque
du succès de toutes les politiques de sensibilisation menées au niveau des acheteurs
publics, mais également la consécration du modèle local de l’achat public vert (place
accrue des PME, recours à la production locale,…). De plus, selon E. GISSLER et R.
RISSER, pour les 5 ans à venir, « il est possible d’espérer une généralisation de l’achat
public durable prenant en compte les besoins des acheteurs publics et les contraintes
budgétaires, évitant les gaspillages et la non-qualité et minimisant l’impact sur
l’environnement322 ». Ce portrait est à nuancer, dans la mesure où « l’un des symboles
de cette nouvelle approche tient à l’adoption d’une logique (…) amenant à tenir compte du
coût global de possession de l’actif voire de son coût sur l’ensemble de son cycle de vie.
Cependant, malgré la publication en mai 2010 d’un guide en ce sens par le Groupe d’Etudes
des Marchés « Développement Durable » (GEM DD, 2010), moins de 10% des acheteurs
320 OEAP, « Le recensement de l’achat public - Exercice 2012 », op. cit. 321 Ibid. 322 E. GISSLER, R. RISSER, « Quel est l’impact économique de l’achat public durable ? », Contrats Publics, n°72, 12/2012.
109
ayant répondu à l’enquête mettent en œuvre une approche en coût global323 ». Cela
s’explique par une raison simple : « si les acheteurs publics ignorent ce que recouvre la
notion de « coût global d’utilisation » et si les entreprises ne savent pas sur quoi elles doivent
faire porter leurs efforts, cette ouverture restera potentielle et se concrétisera insuffisamment
dans les faits324 ». Une première critique peut donc porter sur l’utilisation par les
pouvoirs adjudicateurs des outils qui sous-tendent la démarche écoresponsable. Si
cette utilisation est trop complexe, et qu’aucun accompagnement n’est prévu à ce
sujet, alors un obstacle intervient au développement des marchés publics
environnementaux. De plus, ce développement achoppe sur les concrétisations des
marchés : quel suivi est réalisé par le pouvoir adjudicateur ? « L’expression d’un
niveau de performance environnementale passe le plus souvent par le recours à un écolabel
français ou européen (respectivement 40 et 24%). Cependant, l’enquête révèle que les
contrôles exercés sont rares qu’ils soient directs ou externes (moins de 20% en cumul)325 ».
Par un trop faible contrôle effectivement réalisé, les mesures de déclaration perdent
en crédibilité. A terme, cela pourrait nuire à la réputation du modèle collaboratif de
l’écolabel fondé sur une confiance du pouvoir adjudicateur à l’égard des organismes
qui délivrent ces labels, comme des opérateurs économiques eux-mêmes.
On constate donc que les marchés publics environnementaux procurent des
avantages certains, tant pour les pouvoirs adjudicateurs que pour les opérateurs
économiques. Toutefois, ce « jeu à sommes positives » ne peut perdurer que si les
efforts mis en œuvre jusqu’à présent trouvent une concrétisation à court terme. Si
cela a pu être le cas dans le secteur de la restauration collective, il est possible de
323 F. MARTY, Les clauses environnementales dans les marchés publics : perspectives économiques, op. cit., p. 6. 324 E. GISSLER, R. RISSER, « Quel est l’impact économique de l’achat public durable ? », op. cit. 325 Ibid.
110
s’interroger sur la généralisation de ce modèle. L’optimisme est toutefois de rigueur,
dans la mesure où les bénéfices (en termes de marketing, notamment326 ) sont
suffisamment certains, du côté de l’offre comme de la demande, pour que ce
processus aboutisse.
326 « Le développement durable est certes mis au service d’une stratégie marketing, mais on ne peut que se féliciter qu’il constitue un levier tel que les entreprises devront toutes s’en saisir à plus ou moins brève échéance » in N. NAHMIAS, « Marchés publics, développement durable et communication de l’entreprise », Contrats Publics n°72, 12/2007.
111
CONCLUSION
Les marchés publics environnementaux traduisent la prise de conscience des
pouvoirs publics à l’égard de l’urgence écologique médiatisée depuis les années 1970.
La personne publique souhaite concrétiser les principes du développement durable
dans ses achats, afin de montrer l’exemple, mais également de stimuler le secteur
industriel concerné par les technologies innovantes en matière d’environnement. Ce
souhait politique, formulé avec vigueur au niveau européen comme national, a réussi
à infléchir une certaine pratique des marchés publics. Cette conclusion est naturelle,
si l’on considère, en pastichant CLAUSEWITZ, que le droit est la continuation de la
politique par d’autres moyens. Pour autant, l’arsenal juridique déployé par les
pouvoirs publics pour parvenir à faire des marchés publics environnementaux une
pratique habituelle des pouvoirs adjudicateurs, témoigne également d’autres
conséquences connexes qu’il nous apparaît intéressant de souligner. Tout d’abord,
l’environnement n’est pas toujours présenté comme la légitimation principale de ces
marchés publics. L’urgence écologique, qui impose à l’administration d’être
exemplaire, est parfois reléguée au second rang des justifications de ce type de
procédures, derrière des considérations d’ordre budgétaire. L’achat public vert ne
peut être justifiable et justifié, au regard du droit des marchés publics, que s’il
parvient à rendre l’administration plus économe. Le respect de l’environnement peut
apparaître comme un facteur secondaire, un épiphénomène heureux et bienvenu,
notamment en termes d’image. La sobriété est donc le maître mot pour qualifier ces
procédés, davantage que l’écologie. En outre, les pouvoirs adjudicateurs voient leurs
compétences se transformer, se techniciser, pour atteindre à la
« professionnalisation ». Ce terme évoque de façon implicite l’autonomisation de
112
cette fonction administrative – l’achat public – vers une profession à part entière,
dont les caractéristiques la rapprochent désormais de la fonction d’acheteur privé, de
gestionnaire. Enfin, de manière plus générale, les pouvoirs adjudicateurs, canaux de
l’action étatique, deviennent des partenaires des opérateurs privés, davantage que
des concurrents. La relation établie dans le cadre des marchés publics
environnementaux est basée sur l’innovation et le respect de la concurrence.
L’inégalité naturelle née de l’exorbitance de l’autorité publique s’est affaiblie, et
l’usage de stratégies d’achat dénotent le réinvestissement, par les pouvoirs
adjudicateurs, de méthodes commerciales issues du secteur privé.
Ces observations, qui n’engagent que leur auteur, pourraient faire penser que
le développement des considérations environnementales dans les marchés publics
ont eu un effet paradoxal. L’utilisation de la commande publique comme levier des
politiques publiques pouvait faire penser qu’une vieille tradition française - issue du
colbertisme - était à l’œuvre. Au contraire, la façon dont la promotion de l’achat
public vert a été assurée par l’État, sa justification et sa mise en pratique revêtent tous
les aspects de ce que la sociologie de l’action publique dénomme le Nouveau
Management Public327, que les gouvernements successifs appliquent en France depuis
le milieu des années 1990, et dont la Modernisation de l’Action Publique (MAP) est
l’illustration la plus récente.
327 « Cette nouvelle approche de la gestion publique est née dans le contexte des difficultés budgétaires qui frappent les collectivités publiques des pays industrialisés depuis les années 1970 et de la perte progressive de la légitimité accordée aux gestionnaires publics en matière de gestion efficace des ressources. Les recommandations qui en découlent résident notamment dans la réduction du périmètre des activités réalisées en régie (« le gouvernement est le barreur et non pas le rameur »), dans une gestion et un contrôle centrés sur les résultats et non plus sur les ressources consommées, et enfin dans la mise en place d’une organisation comptable fondée sur le modèle du privé ». in F. MARTY et al., Les partenariats public-privé, La Découverte « Repères », 2006, p. 3.
113
PARTIE III. ANNEXES
Annexe 1. Extrait de la circulaire du 3 Décembre 2008 relative à l’exemplarité de
l’État au regard du développement durable dans le fonctionnement de ses services
et de ses établissements publics. « Annexe : Fiche n°2 : Solutions d’impression ».
114
115
116
Annexe 2. Marchés publics de fournitures courantes et services.
Communauté urbaine de Strasbourg, marché public à procédure adaptée
n°DES4002C – « Acquisition de sacs translucides jaunes imprimés destinés à la
collecte des matériaux recyclables », cahier des clauses techniques particulières.
Disponible :https://alsacemarchespublics.eu/index.php5?page=entreprise.Entreprise
DetailsConsultation&refConsultation=4042&orgAcronyme=d2f
Cahier des clauses techniques particulières
Sommaire
ARTICLE 1 - DESCRIPTION DES FOURNITURES 3
1-1 Conformité aux normes NF 3
1-2 Critères de conception 3
1-3 Fermeture 3
1-4 Transparence et couleur des sacs 4
ARTICLE 2 - IMPRESSION DES SACS 4
2-1 Impression des messages de la CUS 4
2-2 Couleur d'impression 4
2-3 Impressions relatives aux normes N.F. 4
2-4 Disposition de l'ensemble des marquages 4
ARTICLE 3 - CONDITIONNEMENT 5
3-1 Dispositions générales 5
3-2 Dispositions relatives au conditionnement en palettes et cartons 5 a) Cartons 5 b) Palettes 5
ARTICLE 4 - LIVRAISONS 6
117
DES4002C - Acquisition de sacs translucides jaunes imprimés destinés à la collecte des matériaux recyclables
Ce marché concerne la fourniture de sacs pour la collecte sélective de la fraction valorisable
des déchets ménagers: papiers-cartons, briques alimentaires, bouteilles et flacons plastique.
ARTICLE 1 - DESCRIPTION DES FOURNITURES
Sacs translucides jaunes en polyéthylène basse densité d’une taille de 680/800 millimètres
avec soufflet et d'une épaisseur de 30 microns comportant un système de fermeture constitué
par un lien polyéthylène d'au moins 40 centimètres et attenant au sac, conditionnés en
bobineaux de 25 à 26 sacs prédécoupés perpendiculairement. Les bobineaux devront être
maintenus fermés par un adhésif ou lien papier.
Des variantes de même caractéristiques en Polyéthylène haute densité peuvent être proposées,
l’épaisseur de celles-ci sera de 25 microns.
1-1 Conformité aux normes NF
Les sacs à fournir sont du type sacs de collecte.
- De marque NF 082 répondant aux exigences de la norme NF EN 13592 (sacs à
déchets ménagers en matières plastiques pour collecte sélective).
- De marque NF 170 (marque NF environnement pour les sacs en matières plastiques
pour la collecte et la pré-collecte des déchets).
Le candidat fournira pour chaque année du marché les certificats attestant de la qualité des
produits proposés, établis par un organisme chargé du contrôle de la qualité et de la
conformité des sacs déchets (Laboratoire National d’Essais pour la France ou autre laboratoire
Européen attestant de la qualité des produits proposés).
En tout état de cause, il appartiendra au candidat d’apporter la preuve de sa conformité à ces
exigences, par la présentation des règles de certification, celles-ci devant prévoir l’exclusion
du droit d’usage, dans le cas de non respect d’une ou plusieurs de ces exigences.
La marque NF sacs à déchets en matières plastiques sera un élément de preuve recevable.
1-2 Critères de conception
Une part de 25% minimum de matière recyclée devra systématiquement entrer dans la
composition des sacs proposés par le candidat.
Les sacs doivent être fabriqués à partir d'une gaine en polyéthylène basse densité de 30
microns, ou en polyéthylène haute densité de 25 microns si une variante est proposée.
Ils ne devront présenter aucun défaut d’apparence, de solidité ni aucune odeur persistante.
Ils sont du type "à gueule ouverte".
Avec ou sans soufflets
Les soudures des fonds de sacs doivent être continues et étanches.
1-3 Fermeture
118
Annexe 3. Caractéristiques de la norme NF 170 certifiée par l’AFNOR.
Information obtenue sur le site officiel de la marque NF Environnement.
http://www.marque-nf.com/appli.asp?NumAppli=NF170&lang=French
NF Environnement - Sacs à déchets
Numéro de l'application : NF170
Concerne : - Sacs en polyéthylène à lien classique / à lien coulissant / àbretelles- Sacs compostables (composés en partie de matières d’originevégétale) à lien classique / à lien coulissant / à bretelles- Sacs en papier
Caractéristiques certifiées : - Aptitude à l'usage- Critères écologiques communs- a. Exigences relatives aux substances dangereuses- b. Exigences relatives aux métaux lourds- c. Exigences relatives à l’impression des sacs- d. Exigences relatives aux emballage- Critères écologiques spécifiques sacs en polyéthylène et en papier(issus de l’analyse du cycle de vie)- Critères spécifiques sacs compostables- Critères spécifiques sacs en papier- Pour plus de détails sur les caractéristiques certifiées, consulter lapartie 2 des règles de certification.
Liste des entreprises titulaireset produits certifiés :
Cliquez ici pour obtenir la liste
Référentiels de certification
Règles générales : Marque NF Environnement
Règles de certification : Règles NF170
Normeset documents associés :
NF EN 13592 + A1 (20071001)NF EN 13593 (20030901)NF EN 13432 (20001101) Rechercher les normes sur http://www.boutique-normes.afnor.org
Gestion de l'application
Organisme certificateur : AFNOR Certification
Organisme mandaté : LNE1 RUE GASTON BOISSIER75724 PARIS CEDEX 15Tél. : 01 40 43 37 00 - Fax : 01 40 43 37 37
Gestionnaire de l'application : Thomas UNTEREINER
Tél. : +33(0)1 40 43 38 47
Email :Thomas.UNTEREINER@lne.fr
119
Annexe 4. Exemple d’écolabels et autres étiquetages reconnus.
Tiré du « Guide 2012. L’achat durable dans les marchés publics. À l’usage des agents
de la Communauté de Commune de la Hague », pp. 17-18. Disponible sur :
http://www.lahague.com/File/Guide_achat_durable.pdf
Logo Nom Principaux produits
Ecolabel français
Nettoyage, ameublement, appareils électriques,
papeterie, équipements jardinage et maisons,
produits professionnels (signalisation,
lubrifiants), réparation automobile…
Ecolabel européen
Nettoyage, appareils électriques, papeterie,
équipements maison et jardinage, habillement
et tourisme…
Label européen Produits d’entretien et d’hygiène corporelle.
L’ange bleu
Ecolabel allemand
Appareils électriques, produits en bois,
peintures, jouets…
Le cygne blanc
Ecolabel nordique (Finlande, Islande, Norvège, Suède, Danemark)
Informatique, nombreux produits du quotidien,
hôtellerie, restauration…
120
Les autres étiquetages reconnus :
Etiquetage Définition Produits
Etiquette énergie :
Renseigne sur la consommation
énergétique du matériel,
l’efficacité, le bruit. La classe
A++ est celle au rendement
optimal, G la moins efficace.
Voitures, électroménager,
ampoules…
Label « énergie star » :
Il permet d’attester de
l’efficacité énergétique d’un
appareil électrique.
Appareils électriques et
électroniques (photocopieurs,
ordinateurs…).
Label privé Tjaustermannens
Central Organisation :
Il évalue l’ergonomie, les
émissions polluantes et les
ondes électriques des appareils.
Téléphones portables,
ordinateurs, claviers,
imprimantes…
Affichage des caractéristiques
environnementales (en
expérimentation depuis juillet
2011, pendant un an, dans le
cadre de la loi Grenelle 2).
Produits alimentaires,
boissons, cosmétique,
équipement (électronique,
ameublement...), habillement,
produits de construction,
de lessive, les secteurs de la
téléphonie mobile, de l’édition
mais aussi la papeterie et
l’imprimerie.
121
Annexe 5. La Boucle de Möbius. Exemple de symboles constitutifs
d’autodéclarations environnementales selon la norme ISO 14021.
Tiré de l’ouvrage de N. BOEGLIN, P. WETTERWALD, Autodéclarations : La promotion
environnementale des produits – la norme NF ISO 14021, Coll. AFNOR Pratique,
AFNOR, Juin 2001, pp. 6-18 .
La figure 2.2. représente une boucle de Möbius qui signifie que le produit en
question est issu à 65% de produits recyclés.
122
PARTIE IV. REFERENCES
I. Sources
A. Entretien
! Entretien réalisé avec M. Bruno KOEBEL, chef de service des Achats et de la
Commande Publique de la Ville et de la Communauté Urbaine de Strasbourg,
le 24/04/14.
B. Textes de droit interne
1. Textes constitutionnels
Lois
! Loi Constitutionnelle n°2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de
l'environnement
Décisions
! Décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008 sur la loi relative aux organismes
génétiquement modifiés
! Décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003 sur la loi habilitant le Gouvernement
à simplifier le droit
2. Textes à valeur législative
123
Codes
! Code des marchés publics, édition 2006 (en vigueur)
! Code des marchés publics, édition 2004
! Code des marchés publics, édition 2001
! Code des marchés publics, édition 1964
! Code de l’Environnement, édition 2014 (en vigueur)
Décrets
! Décret n° 64-729 du 17 juillet 1964 portant co-définition des textes
réglementaires relatifs aux marchés publics, modifié par les décrets n° 66-887
et 66-888 du 28 novembre 1966 portant codification des textes réglementaires
relatifs aux marchés publics
! Décret n° 2009-697 du 16 juin 2009 relatif à la normalisation
! Décret n° 2009-1086 du 2 Septembre 2009 tendant à assurer l'effet utile des
directives 89/665/CEE et 92/13/CEE et modifiant certaines dispositions
applicables aux marchés publics
Lois
! Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre
du Grenelle de l’environnement
Ordonnances
! Ordonnance n° 86-1243 du 1 décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la
concurrence.
124
3. Textes à valeur réglementaire
! Arrêté ministériel du 5 mai 2011 relatif aux modalités de prise en compte des
incidences énergétiques et environnementales des véhicules à moteur dans
les procédures de commande publique.
4. Circulaires et plans
! Plan National d’Action pour des Achats Publics Durables, Printemps 2007
! Circulaire du 3 Décembre 2008 relative à l’exemplarité de l’État au regard du
développement durable dans le fonctionnement de ses services et de ses
établissements publics
! « Stratégie Nationale de Développement Durable 2010-2013. Vers une
économie verte et équitable », Décembre 2010
! Circulaire du 10 février 2012 relative à la professionnalisation des achats des
établissements publics de l'Etat
! Circulaire du 14 février 2012 relative au Guide de bonnes pratiques en matière
de marchés publics
! Synthèse des programmes ministériels de modernisation et de simplification, publié
par le Secrétariat Général pour la Modernisation de l’Action Publique –
CIMAP du 17 Juillet 2013
5. Doctrine administrative
125
! Réponse du Ministre de l’Aménagement du Territoire à la question écrite
n°07341, JO Sénat, 02/04/1998, p.2227
! Réponse du Ministre de l’Aménagement du Territoire à la question écrite
n°13606, JO Sénat, 01/04/1999, p.1059
! Réponse ministérielle n°44645, publiée au JOAN le 30/10/2000, p.6235.
! Réponse ministérielle à la question de M. D. Cinieri, n°108228, JOAN,
28/11/2006, p. 12458
! Réponse du Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie (J.O. du
Sénat du 11 janvier 2007) à la question écrite n° 25167 de M. Bernard Piras (J.O.
du Sénat du 9 novembre 2006).
C. Textes de droit européen
1. Traités
! Traité sur l’Union Européenne, Journal officiel de l’Union européenne, n° C
326 du 26/10/2012
2. Règlements
! Règlement (CE) n°106/2008 du Parlement européen et du Conseil du 15 janvier
2008 concernant un programme communautaire d’étiquetage relatif à
l’efficacité énergétique des équipements de bureau.
3. Directives
126
! Directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004
relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de
travaux, de fournitures et de services
! Directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004
relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de
travaux, de fournitures et de services dans les secteurs de l'eau, de l'énergie,
des transports et des services postaux.
! Directive 2014/24/UE du Parlement Européen et du Conseil du 26 février 2014
! sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE.
! Directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014
relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de
l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la
directive 2004/17/CE
4. Communications de la Commission
! Communication interprétative de la Commission des Communautés
européennes sur le droit communautaire applicable aux marchés publics et
les possibilités d'intégrer des considérations environnementales dans lesdits
marchés, COM(2001) 274 final, 04/07/2001
! Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur
l'examen de la stratégie en faveur du développement durable - Une plate-
forme d'action – COM/2005/0658, 14/12/2005
127
! Communication de la commission au conseil, au parlement Européen, au
comité économique et social européen et au Comité des régions « Mettre le
savoir en pratique: une stratégie d'innovation élargie pour l’UE », COM(2006)
502 final, 13/09/2006.
! Communication de la Commission au Parlement Européen, au Conseil, au
Comité Économique et Social Européen et au Comité des Régions, « Achats
publics avant commercialisation: promouvoir l'innovation pour assurer des
services publics durables et de qualité en Europe » , COM(2007) 799 final,
14/12/2007.
! Communication de la Commission au Parlement Européen, au Conseil, au
Comité économique et social européen et au Comité des régions, relative à des
marchés publics pour un environnement meilleur, COM(2008) 400/2,
16/07/2008
D. Jurisprudence
1. Communautaire/Européenne
! CJCE, 23 avr. 1991, aff. C-41/90, Höfner : Rec. CJCE 1991, I, p. 1979.
! CJCE, 12 sept. 2000, aff. C-180 à C-184/98, Pavlov, pt 75 : Rec. CJCE 2000, I, p.
645.
! CJCE 7 déc. 2000, Telaustria Verlags GmbH, Telefonadress GmbH, aff. C-324/98,
AJDA 2001. 106, note L. RICHER et 329, chron. H. LEGAL, C. LAMBERT et J.-M.
BELORGEY ; RFDA 2011. 377, chron. L. CLEMENT-WILZ, F. MARTUCCI et C.
128
MAYEUR-CARPENTIER ; BJCP 2001. 132, concl. N. FENELLY, obs. Ch. M. ; Dr. adm.
2001, comm. 85, note M.-Y. BENJAMIN.
! CJCE, 18 oct. 2001, aff. C-19/00, SIAC construction Ltd : Rec. CJCE 2001, I, p. 7725.
! CJCE, 17 sept. 2002, aff. C-513/99, Concordia Bus Finland : Rec. CJCE 2002, I, p.
7213 et p. 7215, concl. J. MISCHO.
! CJCE 4 déc. 2003, EVN AG c/ Autriche, aff. C-448/01, Rec. CJCE I-14527 ; AJDA
2004. 334, note T. GLIOZZO
! CJUE, 10 Mai 2012, aff. C-368/10, Commission c/ Royaume des Pays-Bas, concl. J.
KOKOTT : JCP A 2012, act. 353, RLCT, 06/2012, n°80, 2247
2. Administrative
! CE, 30 mars 1906, Ballande, Rec. CE 1906, p. 281, concl. L. ROMIEU.
! CE, sect., 9 mars 1951, n° 92004, Sté des concerts du Conservatoire, Rec. CE 1951, p.
151
! CE, 13 mai 1987, Société Wanner Isofi Isolation, Rec. p. 171.
! CE, 10 Mai 1996, Fédération nationale des Travaux Publics et Fédération nationale
du bâtiment, Rec. CE 1996, p. 164, CJEG 1996.
! CE, 29 Juillet 1998, Commune de Léognan, req. N°190452, mentionné aux tables
du recueil Lebon.
! CE, 7 Octobre 2005, Région Nord-Pas-de-Calais, n° 278732, JCP A, 2005, 1345.
! CE 18 juin 2010, Commune de Saint Pal de Mons, req. n° 337377 : Rec. Lebon 2011
p.847
129
! CE, 8 Août 2008, Région de Bourgogne, req. N°307143, mentionné aux tables du
recueil Lebon, Notes P. LABAYLE-PABET et N. GARDERES, A.J.D.A. 2009, p. 54 et
D.A., novembre 2008, Comm. 148, p. 35.
! CE, Ass., 3 Octobre 2008, Commune d’Annecy, req. N° 297931.
! CE, 15 décembre 2008, Communauté urbaine de Dunkerque, req. n° 310380, AJDA
2009. 614.
! CE, Sect., 30 janv. 2009, ANPE, AJDA 2009, p. 602, note J.D. DREYFUS ; Contrats-
Marchés publics 2009, comm. 121, note W. ZIMMER ; Droit administratif 2009,
comm. 50.
! CE 5 janv. 2011, Société Technologie alpine sécurité, Commune de Bonneval-sur-
Arc, req. n° 343206, Lebon T. ; AJDA 2011. p.13.
! CE 15 févr. 2013, Société Derichebourg polyurbaine, req. n° 363921, Contrats
Marchés publics 2013. Comm. P. DEVILLERS, n°104.
! TA Caen, ord. réf., 5 janv. 2010, n° 0902741, Sté Les Champs Jouault : comm. G.
LLORENS, Environnement et Développement durable n° 5, Mai 2010, comm. 68.
! TA Limoges, 18 févr. 2010, n° 08-01252, SARL SOGEO c/ Syndicat d'aménagement
du bassin de la Vienne moyenne et a., comm. G. LLORENS, Environnement et
Développement Durable n° 10, 10/2010, comm. 125.
E. Chartes et programmes internationaux sans portée juridique
! Programme « Action 21 » adopté lors du Sommet de Rio de Janeiro de 1992.
! Charte d’Aalborg, Danemark, signée le 27 Mai 1994.
130
! « Le Plan d’Action de Lisbonne : de la charte à la pratique », document
approuvé par les participants de la deuxième conférence européenne sur les
villes durables, le 8 Octobre 1996 à Lisbonne, Portugal.
II. Bibliographie
A. Ouvrages généralistes
! S. BRUNEL, Le Développement Durable, Coll. Que Sais-je ?, 2012.
! P. LASCOUMES, Action publique et environnement, Coll. Que sais-je ?, Presses
Universitaires de France, 2012
! F. MARTY et al., Les partenariats public-privé, La Découverte « Repères », 2006.
! F. PERROUX, L’Economie du XXème siècle, Presses Universitaires de France, 1969.
B. Ouvrages spécialisés
! Commission européenne, Achetez vert ! - Un manuel sur les marchés publics
écologiques, Office des publications officielles des Communautés européennes,
2005, Luxembourg, p. 13
! F. ALLAIRE, L’essentiel du droit des marchés publics, 6ème édition 2013/2014, Coll.
Gualino, Lextenso éditions
! N. BOEGLIN, P. WETTERWALD, Autodéclarations : La promotion environnementale
des produits – la norme NF ISO 14021, Coll. AFNOR Pratique, AFNOR, Juin 2001,
p. 12.
131
! C. LAJOYE, Droit des Marchés publics, Mémentos LMD - Master, 3ème édition,
2008, Coll. Gualino, Lextenso éditions
C. Articles
! R. AUBERT, N. CHARREL, « Les Contrats publics, instrument d’innovation »,
Contrats Publics, n°89, 06/2009.
! E. BERNARD, « L’«activité économique», un critère d’applicabilité du droit de
la concurrence rebelle à la conceptualisation », Revue internationale de droit
économique, 03/2009, t. XXIII.
! J.-F. BOUDET, « La gestion publique au prisme du développement durable : l’«
administration exemplaire » », Politiques et management public, Vol 28/4, 2011.
! D. BOY, « Le Grenelle de l'environnement : une novation politique ? », Revue
française d'administration publique, n° 134, 02/2010.
! T. CANAPLE, P. RAVENEL, « Achat public alimentaire de qualité et
développement durable », Contrats publics, n°124, 09/2012.
! G. CANTILLON et P. SCHIESSER, « L’achat public écoresponsable saisi par les
« référentiels » ? », Contrats Publics, n°72, 12/2007.
! G. CANTILLON, « Création du « Service des achats de l'État » : vers un achat
public performant et durable ? », Contrats et Marchés publics n° 5, 05/2009,
étude 5.
! G. CANTILLON, « L’achat public durable, un outil au service de l’Etat
régulateur » in Revue Française d’Administration Publique, n°134, 02/2010.
! G. CANTILLON, « Achat public équitable, concurrence pour le marché et
concurrence dans le marché », Contrats et Marchés publics n°2, 02/2011, étude 2.
132
! V. COCHI et G. TERRIEN, « Le sourcing, étape indispensable de l’achat
public ? », Contrats publics, n°99, 05/2010
! E. GISSLER, R. RISSER, « Quel est l’impact économique de l’achat public
durable ? », Contrats Publics, n°72, 12/2012.
! I. HAOUAS, T. ROUVEYRAN, « Les critères environnementaux et sociaux dans
les marchés publics », Cahiers de droit de l'entreprise n° 5, 09/2013, dossier 33.
! INSEE Franche-Comté, « L’innovation bénéficie principalement à
l’environnement », L’essentiel, n°124, 10/2010.
! M. JACOB ET P. RAVENEL, « En quoi l’organisation d’une collectivité peut-elle
favoriser une politique d’achats durable ? », Contrats publics, n°72, 12/2007
! B. JARGOIS, « Commande publique et entreprises : regards croisés sur la prise
en compte du développement durable », Contrats Publics, n°96, 02/2010
! B. KOEBEL, « Marchés publics : comment acheter bio ? », La Semaine
Juridique Administrations et Collectivités territoriales n°48, 03/12/2012, 2385
! F. LINDITCH, « Le régime des variantes précisé par le Minefi », Contrats et
Marchés publics n° 5, Mai 2007, alerte 16.
! F. LINDITCH, « Réformette du Code des marchés publics, et pourquoi pas une
véritable réforme ? », La Semaine Juridique Administrations et Collectivités
territoriales, n° 44, 27/10/2008, 2242
! F. LLORENS, « Principe de transparence et contrats publics », Contrats et
Marchés publics n° 1, 01/2004, chronique 1.
! F. LLORENS, « Le recours aux variantes dans les marchés publics », Contrats et
Marchés publics n° 1, 01/2004, prat.1.
! F. MARTY, Les clauses environnementales dans les marchés publics : perspectives
économiques, Documents de travail du GREDEG, 02/2012, p. 3
133
! P. MATAGNE, « Écologie, économie et incitations au changement », Innovations,
n°37, 01/2012.
! N. NAHMIAS et L. GIVORD, « Code des marchés publics : de la réticence à
l’intégration du développement durable ? », Contrats publics, n°72, 12/2007
! N. NAHMIAS, « Marchés publics, développement durable et communication
de l’entreprise », Contrats Publics n°72, 12/2007.
! M. PALIS, « Vers une intégration globale du développement durable ? »,
Contrats Publics, n°72, 12/2007.
! M. PAPPALARDO, « Le développement durable en action : entretien avec
madame le commissaire général au développement durable, Michèle
Pappalardo », Revue française d'administration publique, n° 134, 02/2010.
! H. PONGERARD-PAYET, « Critères sociaux et écologiques des marchés publics :
droits communautaire et interne entre guerre et paix », Europe n° 10, 10/2004,
étude 10.
! M. QUIRET, « Ces freins qui empêchent les PME d'accéder aux marchés des
collectivités », Les Échos, N°21412 du 08 Avril 2013, p. 26. Données tirées de
l’Observatoire Economique de l’Achat Public.
! L. RICHER, « Les procédures de passation permettent-elles de mettre en
adéquation l’offre et la demande ? », Contrats Publics, n°69, 09/2007.
! B. ROMAN-SEQUENSE, « Comment augmenter l'achat de produits biologiques
dans la restauration collective ? », Contrats et Marchés publics n° 1, 01/2009.
! E. ROYER, « Marchés publics de haute technologie: mécanisme de réserve aux
sociétés innovantes », AJDA, n°7, 02/03/2009, p.345.
! O. SCHMITT, « La commande publique et le développement durable », La
Gazette du Palais, n°169, 18/06/2005
134
! N. SYMCHOWICZ, « Le concept de développement durable appliqué à la
commande publique », Contrats Publics, n°96, 02/2010.
! F. WILINSKI, « De l’intégration du développement durable dans les contrats
de la commande publique », Contrats et Marchés Publics, n°12, 12/2011, étude 11
D. Commentaires
! G. CLAMOUR, « Nouvelle directive, premier panorama », Contrats et Marchés
publics n° 3, Mars 2014, comm. 71.
! P. DELELIS, « Principe de transparence », comm. sur l’arrêt CJCE 4 déc. 2003,
EVN AG c/ Autriche, aff. C-448/01, Rec. CJCE I-14527 ; AJDA 2004. 334, note T.
GLIOZZO ; Contrats et Marchés publics n° 2, 02/2004, comm. 28.
! G. ECKERT, « Quelques précisions sur la notion d'activité économique »,
commentaire de l’arrêt de la CJCE, 26 mars 2009, aff. C-113/07, SELEX Sistemi
Integrati SpA c/ Comm. CE et Eurocontrol, in Contrats et Marchés publics n° 5,
05/2009, comm. 152.
! G. LLORENS sur TA Limoges, 18 Fév. 2010, SARL SOGEO c/ Syndicat
d'aménagement du bassin de la Vienne moyenne et a., préc., Environnement et
Développement Durable n° 10, 10/2010, comm. 125.
! G. LLORENS, sur TA Caen, ord. réf., 5 janv. 2010, n° 0902741, Sté Les Champs
Jouault, Environnement et Développement durable n° 5, Mai 2010, comm. 68.
135
TABLE DES MATIERES
Sommaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
In t roduct ion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 Part ie I . L ’acheteur publ ic à la base de la pr ise en compte de l ’env i ronnement dans les marchés publ ics . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
Sec t ion 1 . La sens ib i l i sa t ion de l ’acheteur pub l i c aux préoccupat ions env i ronnementa les 11
A. Différents plans gouvernementaux pour promouvoir l’achat public durable ................................................. 11
1. Les programmes internationaux à l’origine des politiques nationales ........................................................................ 12 a. Le programme fondateur « Action 21 » du Sommet de Rio (1992) ........................................................................ 12 b. Les déclinaisons locales .......................................................................................................................................... 14
2. Les premières tentatives de « verdissement » de l’administration (1995) ................................................................. 15 3. L’institutionnalisation de la politique d’exemplarité de l’Etat ...................................................................................... 16
a. Le Commissariat Général au Développement Durable (CGDD) ................................................................................ 17 b. La Stratégie Nationale de Développement Durable (SNDD) .................................................................................... 18 c. Achat vert et réforme de l’action publique ............................................................................................................... 20
4. Des plans chiffrés pour promouvoir concrètement l’achat vert ................................................................................... 21 a. Le Plan National d’Action pour des Achats Publics Durables (PNAAPD) ................................................................ 21 b. Le Grenelle de l’Environnement et l’article 48 de la loi du 3 août 2009. .............................................................. 22 c. La circulaire « administration exemplaire » du 3 Décembre 2008 et ses déclinaisons sectorielles ........................ 23
B. Une refonte progressive du droit applicable .................................................................................................. 25
1. L’influence du droit de l’Union Européenne ................................................................................................................. 26 a. L’influence des directives « marchés publics » ......................................................................................................... 27 b. Les communications de la Commission ................................................................................................................... 29 c. Le marché public comme levier de la politique publique environnementale : une idée d’origine communautaire ? ..................................................................................................................................................................................... 30
2. L’adaptation du droit interne ....................................................................................................................................... 32 a. La constitutionnalisation du principe ....................................................................................................................... 32 b. L’adaptation successive des codes des marchés publics ....................................................................................... 33
Sec t ion 2 . La pro fess ionna l isa t ion de l ’acheteur pub l i c . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
A. Un achat mieux défini et rationalisé ............................................................................................................... 40
1. La nécessité d’une meilleure définition des besoins ................................................................................................... 40 a. La définition des besoins, une exigence légale ....................................................................................................... 41 b. Les gains tirés d’une meilleure définition au regard de la protection de l’environnement ..................................... 43 c. L’obligation de « prise en compte » du développement durable ............................................................................. 45
2. Les moyens de la satisfaction du besoin par l’acheteur public ................................................................................... 47 a. L’expression des besoins par le pouvoir adjudicateur ............................................................................................ 48 b. La connaissance préalable des marchés ................................................................................................................. 51
B. Des outils pour aider l’acheteur dans sa mission .......................................................................................... 54
1. Le recours aux référentiels .......................................................................................................................................... 55 a. Les référentiels utiles aux marchés publics environnementaux .............................................................................. 56 b. Les limites juridiques de l’utilisation des référentiels .............................................................................................. 58
2. L’accompagnement de l’acheteur public ..................................................................................................................... 61 a. La formation des acheteurs publics ......................................................................................................................... 62 b. Les réseaux d’entraide ............................................................................................................................................ 65
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Part ie I I . L ’ impact de l ’achat publ ic durable sur les opérateurs économiques . . . . . . . . . 68 Sec t ion 1 . Le respect des grands pr inc ipes de la commande pub l ique comme ob l iga t ion fondamenta le . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
A. L’impératif de transparence comme garantie pour l’opérateur économique ................................................. 72
1. La transparence comme garantie pour l’opérateur économique ................................................................................ 73 2. La nécessaire transparence des conditions et critères dans le cadre d’un marché public environnemental : l’exemple de la jurisprudence Commission c/ Royaume des Pays-Bas ........................................................................................... 76 3. Le principe de transparence comme obstacle au développement des marchés publics environnementaux ? ........... 80
B. Le principe fondamental d’interdiction de toute discrimination à l’égard des candidats .............................. 82 1. L’exigence d’une norme au titre de spécification technique ....................................................................................... 84 2. Le lien des exigences avec l’objet du marché ............................................................................................................. 86 3. L’interdiction de la liberté inconditionnée de choix ..................................................................................................... 88
Sec t ion 2 . La pr ise en compte de la demande env i ronnementa le par l ’opéra teur économique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
A. L’opérateur économique, acteur indispensable au développement des marchés publics environnementaux ............................................................................................................................................................................ 93
1. L’initiative de l’opérateur économique ......................................................................................................................... 95 2. La possibilité d’un dialogue avec le pouvoir adjudicateur ........................................................................................... 98
B. L’adaptation de l’offre à la demande : la consécration de l’objectif poursuivi ? ......................................... 103 1. Une stratégie d’achat calibrée pour influer sur l’offre ............................................................................................... 104 2. Retour sur la pratique des marchés publics environnementaux : un développement encourageant ....................... 106
Conc lus ion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111 Part ie I I I . Annexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
Annexe 1 . Ex t ra i t de la c i rcu la i re du 3 Décembre 2008 re la t i ve à l ’exemp lar i té de l ’É ta t au regard du déve loppement durab le dans le fonc t ionnement de ses serv ices e t de ses é tab l issements pub l i cs . « Annexe : F iche n°2 : So lu t ions d ’ impress ion » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113 Annexe 2 . Marchés pub l i cs de fourn i tu res courantes e t serv ices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116 Annexe 3 . Carac tér is t iques de la norme NF 170 cer t i f iée par l ’AFNOR. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118 Annexe 4 . Exemple d ’éco labe ls e t au t res é t iquetages reconnus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119 Annexe 5 . La Bouc le de Möb ius . Exemple de symbo les const i tu t i f s d ’autodéc lara t ions env i ronnementa les se lon la norme ISO 14021. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121
Part ie IV . Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122
I . Sources . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122
A. Entretien ....................................................................................................................................................... 122 B. Textes de droit interne ................................................................................................................................. 122
1. Textes constitutionnels .............................................................................................................................................. 122 2. Textes à valeur législative .......................................................................................................................................... 122 3. Textes à valeur réglementaire ................................................................................................................................... 124 4. Circulaires et plans ..................................................................................................................................................... 124 5. Doctrine administrative .............................................................................................................................................. 124
C. Textes de droit européen ............................................................................................................................. 125 1. Traités ........................................................................................................................................................................ 125 2. Règlements ................................................................................................................................................................ 125
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3. Directives ................................................................................................................................................................... 125 4. Communications de la Commission ............................................................................................................................ 126
D. Jurisprudence ............................................................................................................................................... 127 1. Communautaire/Européenne ..................................................................................................................................... 127 2. Administrative ............................................................................................................................................................ 128
E. Chartes et programmes internationaux sans portée juridique ..................................................................... 129 I I . B ib l iograph ie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
A. Ouvrages généralistes .................................................................................................................................. 130 B. Ouvrages spécialisés .................................................................................................................................... 130 C. Articles .......................................................................................................................................................... 131 D. Commentaires .............................................................................................................................................. 134
Table des mat ieres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135
138
RESUME
Les marchés publics environnementaux permettent aux pouvoirs adjudicateurs de se
procurer des biens et des services respectueux de l’environnement dans leur conception, leur
production et leur utilisation. Ce type de marchés relèvent de logiques nouvelles, car utilisés
comme instruments de mise en œuvre pour les politiques publiques européennes et
nationales. Le présent mémoire vise à étudier la manière dont ils s’insèrent dans l’équilibre
juridique et économique qui caractérise les marchés publics français.
ABSTRACT
The green public procurements provide to the contracting authority goods and services
conceived, produced and used respectful of the environment. This kind of public
procurement are typical of a new approach, and used as means of action for European and
national public policies. This study intends to present the way they are inserted in the
juridical and economical balance, which characterises the French public procurements.
MOTS-CLES / KEYWORDS
Marchés publics ; environnement ; développement durable ; écologie ; commande
publique ; contrats administratifs ; acheteur public ; opérateur économique ;
concurrence ; égalité de traitement ; innovation.
Green public procurements ; environment ; sustainable development ; ecology ; public
contracts ; contracting authority; concurrence ; innovation.
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