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Post on 16-Sep-2018
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L’École des femmes
Texte de Molière
Mise en scène de Philippe Adrien
LUN 23 MARS / 21h Dôme de Gascogne
2h
17€/13€
14 / 15
Le spectacle
Arnolphe a élevé sa pupille Agnès dans l’isolement le plus total a�n de faire d’elle une épouse soumise et �dèle. Mais l’innocence équivaut-elle à l’ignorance ? La violence semble être la langue naturelle d’Arnolphe : parler, pour lui, c’est dominer. Vivre ? « Se garantir de toutes les surprises. » Aimer ? Posséder et façonner : « Ainsi que je voudrai, je tournerai son âme. » Le sérieux du projet se donne pour sagesse, mais Chrysalde, l’ami, ne s’y trompe pas : « Je le tiens pour fou de toutes les manières. » Aveuglé, Arnolphe se prend pour un héros de tragédie, mais il n’y a là d’autre fatalité que la logique d’une lubie qui se retourne contre lui : « Jusqu’où la passion peut-elle faire aller ? ». Hélas, le bonhomme se trompe de genre : il n’y a pas de tragédie du cocuage ! Agnès, sous nos yeux, s’éveille aux sensations, au sentiment, à la parole en�n qui, une fois conquise, constitue la véritable école de liberté. L’oiseau est prêt à s’envoler. L’École des femmes, ou la défaite d’une tyrannie… Oui, Molière toujours, pour le dé�, l’irrespect, la liberté par émancipation, qui laisse Arnolphe pantelant, « ne pouvant plus parler – Oh ! » sera son dernier mot. Exit. Sous les rires.
La distribution
Texte de Molière Mise en scène de Philippe Adrien Avec Patrick Paroux (Arnolphe) Valentine Galey (Agnès) Pierre Lefebvre (Horace) Joanna Jianoux (Georgette) Gilles Comode (Alain) Pierre Diot (Chrysalde) Raphaël Almosni ou Dominique Boissel (en alternance) (Le notaire, Enrique) Vladimir Ant (Oronte) Décor Jean Haas Lumières Pascal Sautelet assisté de Maëlle Payonne Musique et son Stéphanie Gibert Costumes Cidalia Da Costa assistée de Anne Yarmola Maquillages Sophie Niesseron Collaboration artistique Clément Poirée Direction technique Martine Belloc Régie Erwan CreI, Ivan Paulik… Habillage Emilie Lechevalier ou Françoise Ody (en alternance) Production ARRT/Philippe Adrien, compagnie subventionnée par le ministère de la Culture, Culture, avec le soutien de l’Adami (l’Adami gère les droits des artistes-interprètes et consacre une partie des droits perçus à l’aide à la créa-tion, à la diIusion et à la formation), en coréalisation avec le Théâtre de la Tempête.
Le mot du metteur en scène
Elle commence pour moi par une commande d’écriture, celle d’un texte français de La Cabale des Dévots, pièce historique sur l’aIaire de Tartu�e, l’auteur, Boulgakov, étant lui-même biographe de notre poète dramatique national. Le texte de Boulgakov me tombe des mains, mais dans la foulée, je dévore son Monsieur de Molière qui me fait aussitôt partager la belle empathie de l’écrivain soviétique pour l’homme de théâtre du XVIIe. Là, je comprends tout, et je vois bien le rapport entre les deux couples, Molière – Louis XIV et Boulgakov – Staline. Déjà pris, je me plonge dans La Vie de Molière de Grimarest et me voilà embarqué, disons-le, pour toujours. Du coup, je reprends le point de départ de Boulgakov ou plutôt ce que j’arrive alors à démêler des raisons qui furent celles de Molière de se lancer dans l’aventure de Tartu�e, et je fais une pièce sur cet épisode de la vie de l’homme de théâtre incomparable : Le Dé� de Molière. Le reste s’ensuit, je monte en Allemagne George Dandin et Dom Juan puis à Reims, ce Dé� commandé par Jean-Pierre Miquel qui me suggère ensuite de mettre en scène Monsieur de Pourceaugnac, à quoi viendront s’ajouter Amphitryon et Le Médecin volant avec la Comédie-Française. Depuis lors, à part la belle aventure du Malade imaginaire avec Bruno Netter et sa Compagnie du 3e Œil et une recréation de Pourceaugnac au théâtre du Vieux-Colombier, je me réserve, attendant l’heure de quelque grand rendez-vous avec l’une ou l’autre des pièces majeures. Tout récemment, il m’est tombé une bonne occasion de m’énerver devant le poste à l’écoute d’une émission consacrée à la question de savoir si Molière, ce saltimbanque n’est-ce pas, était bien l’auteur des pièces qu’on lui attribue. Et de prétendre que Corneille serait le véritable écrivain, lui dont l’inspiration, si l’on se réfère à son œuvre originale, n’a pourtant rien de commun avec celle de l’auteur du Misanthrope, de quoi tomber de sa chaise ! La preuve du reste cette École des femmes qui paraît l’année même où Molière épouse Armande Béjart, de 20 ans sa cadette. Une jeune
femme dont il y a tout lieu de penser que, tel Arnolphe avec Agnès, il l’a d’abord considérée comme sa �lle. Passons sur l’hypothèse odieuse avancée par certains contemporains d’un Molière père d’Armande et, par voie de conséquence, incestueux. Là n’est pas la question. Si, comme on l’admet généralement,
un voile sépare la vie et l’œuvre, et aussi bien l’homme de l’écrivain, il faut noter qu’ici un
fantasme traverse cette limite et guide Molière, pour la première fois, au cœur même de son inspiration, c’est-à-dire de son génie. C’est évidemment d’amour qu’il s’agit, de cet amour qui se confond avec le désir. Remontant aux premiers émois de la petite enfance, l’énergie dont il est porteur anime bien sûr tout homme dans sa jeunesse et sa maturité, elle peut même resurgir de manière aussi incongrue qu’illusoire jusque dans sa vieillesse. De cela Molière, reprenant quelques idées de nouvelles et de pièces de son temps, fait une comédie sociale qui encore aujourd’hui nous semble traiter avec pertinence de la fameuse question des relations entre homme et femme. Au départ, l’idée de combiner les termes d’un paradigme dont le maître mot pourrait être : printemps. Oui, pour Agnès et Horace qui sont de tout jeunes gens, c’est bien sûr le printemps de la vie. Mais la belle saison du renouveau est aussi là, dehors, dans le jardin et dans la nature, certes domestiquée, où Arnolphe a choisi d’élever sa pupille pour la protéger des autres mâles et bientôt l’avoir toute à lui. Le sang d’Arnolphe palpite à l’unisson du monde, le malheureux n’y voit plus clair. Susciter une écoute sensible et rigoureuse du texte. N’en rabattre ni sur la réalité, ni sur la poésie. Soutenir jusqu’au bout ce paradoxe.
Philippe Adrien
MOLIERE, C’EST POUR TOUT HOMME DE
THEATRE UNE HISTOIRE SINGULIERE.
P. Adrien
« Il n’est pas incompatible qu’une personne
soit ridicule en de certaines choses, et
honnête homme en d’autres. »
L’AMOUR-PROPRE DÉLIRANT D’ARNOLPHE
se manifeste surtout dans sa cruelle persécution
des maris trompés. Il s’érige, par suite de son
obsession, en témoin absolu de tous les cocus
de la ville : selon lui, toutes les femmes, à part
son Agnès, sont vouées à l’in�délité, et il
soupçonne même l’honnête épouse de son ami
Chrysalde. Sa tâche, son devoir dans le monde
consiste à rendre ces in�délités publiques, voire
éclatantes ! Comment s’étonner alors qu’un tel
héros �nisse par devenir le témoin, le spectateur
terriblement lucide – comme ne l’a été aucun
cocu avant lui – de son propre malheur, ou
plutôt de la disgrâce de Monsieur de la Souche,
cet autre lui-même. Et Molière a choisi à dessein,
pour lui inViger ces tortures, une jeune �lle
naïve, incapable de déguiser ses vrais
sentiments et de ménager les susceptibilités
d’autrui ; et un jeune homme, étourdi au
possible qui par ses révélations répétées lui fait
assister au spectacle sans cesse varié de son
propre désastre causé par sa propre bêtise.
J.-D. Hubert
CE MATIN AU REVEIL, dans ma boîte mail, le
message d’encouragement d’un excellent ami :
« Je ne doute pas qu’en montant L’École des
femmes, tu vas nous apporter un autre point de
vue que celui tant de fois rabâché du vieux
grigou au démon de midi luxurieux. »
Eh bien mon cher Ahmed, pour l’heure, ce
que j’y vois et qui m’emporte dans cette pièce,
c’est justement cette folle conviction, oui cette
énergie qui jusque dans la destruction, la
vieillesse et la mort est approbation de la vie, du
jaillissement de la vie et de l’amour, cette
capacité de renaître à l’in�ni… Tu me diras que
ce n’est là rien de neuf, mais je crois que le
public se rend au théâtre aussi bien pour
découvrir que pour retrouver, se retrouver, se
reconnaître soi-même.
Ainsi je suis persuadé que déjà pour moi
ce retour à Molière était nécessaire. Chaque
répétition m’est un bonheur. Comme toujours,
premier spectateur, je suis assis dans la salle.
Ce qui me retient : la matière que les acteurs
ont à mettre en jeu recèle une telle richesse de
contradictions, une telle diversité de
mouvements et de rythmes qu’on ne �nit
jamais d’avoir à y répondre. D’autant que ce
texte en alexandrins, loin d’être
contraignant, autorise et valorise toutes
sortes de variations et acrobaties aussi bien
verbales que physiques, voire oniriques. En
fait d’école, Molière, dans ce théâtre qui sans
cesse combine le dramatique et le comique
jusqu’au burlesque, me donne à revisiter
nombre d’aspects contradictoires mais
précisément dynamiques dont j’ai toujours
cherché le secret.
J’ai l’impression du reste d’avoir choisi
cette pièce justement parce qu’elle mêle le
registre de la farce et celui des grandes
comédies. Au fond, cela va de soi, L’École des
femmes (1662) est l’œuvre du surgissement : le
talent si singulier de Molière s’y découvre d’un
coup en totalité et j’admire in�niment qu’il
sache si bien, lui le farceur, à la fois garder la
verve et nous confronter à des parcours de
personnages d’une pareille complexité : d’une
part le chemin d’Agnès, de la petite �lle
ignorante et soumise à la femme qui soudain
se révolte et en�n parle en son nom. Et surtout
bien sûr celui d’Arnolphe.
Oui, cher Ahmed, tu as raison, le
« luxurieux » dont tu parles – je me mé�e de
reprendre ton « vieux grigou » qui correspond
à une tradition contestable – n’empêche,
Arnolphe semble bien avoir passé sa triste vie
dans le seul souci de « se garantir de toute
surprise ». Ainsi, a-t-il fait élever Agnès chez
les sœurs, pour « la rendre idiote autant qu’il
se pourrait » et conjurer par là sa hantise de se
marier et �nir cocu. Hélas, il confond
ignorance, sottise, et innocence. Agnès est
autrement douée : d’intelligence et de
�nesse…
Comme tu peux le deviner, j’ai songé à
certain intégrisme ; il serait facile de situer la
pièce en milieu fondamentaliste musulman.
Comme si à part cette anomalie de l’islam
radical, qui, entre nous, joue idéalement le rôle
du bouc émissaire, la question des hommes
et des femmes, et du juste équilibre de leurs
relations était aujourd’hui réglée. Outre
qu’elle ne l’est pas, ces torsions qu’on inVige
aux classiques ne vont jamais sans
simpli�cations abusives.
J’ai choisi la �n du 19e en tant
qu’époque charnière : la
situation des femmes s’y
trouve sur le point
d’évoluer de façon
signi�cative ; l’histoire
que raconte Molière y
demeure plausible, et son
éloignement relatif se
prête à l’examen de
formations archaïques ou
culturelles dont nous
sommes encore aujourd’hui loin d’être
débarrassés.
Arnolphe s’est forgé une cuirasse, mais
sa rencontre avec le �ls de son meilleur ami,
émigré en Amérique, va sans tarder en
révéler le défaut : bon garçon, Horace se
con�e tout simplement à l’ami de son père,
ignorant qu’Arnolphe, pour s’ennoblir, se fait
appeler maintenant d’un nom à particule. Il
lui révèle son béguin pour une certaine
Agnès dont le tuteur se nomme, dit-il, « de la
Zousse ou Souche »… Aïe ! C’est sur ce
quiproquo que l’intrigue se noue. Il su\rait
qu’Arnolphe avoue : « Monsieur de la Souche,
c’est moi ! » et il n’y aurait pas de pièce. Ou une
autre. Mais voilà, subjugué par la jeunesse, l’élan,
la beauté de son rival, il se tait et, in-petto, jure
de se battre jusqu’au bout. C’est alors que
l’intérêt, l’aIection qu’il
porte à Agnès, se
métamorphose en
passion. Le souci de soi
fait place au sacri�ce. Et le
bonhomme, bardé de
certitudes égocentriques,
est prêt à sauter dans le
vide. Le voici au comble
de la déréliction.
« Veux tu que je me tue ?
Oui, dis si tu le veux : / Je suis tout prêt cruelle à
te prouver ma Vamme »
Oui sans doute cher Ahmed, « démon de midi »,
mais quelle pitié que l’amour et cette humanité
ainsi abandonnée !
J’espère que tu viendras nous voir à ton
retour des Cyclades et que tu partageras avec
nous et notre public rires et compassion.
Philippe Adrien
La biographie de P. Adrien
• Fonde en 1985 l’Atelier de Recherche et de Réalisation Théâtrale (ARRT).
• Directeur du Théâtre de la Tempête.
• Auteur de Instant par instant, en classe d’interprétation (éd. Actes Sud-Papiers).
• A réalisé récemment : L’Ecole des femmes de Molière ; Protée et Partage de midi
de Paul Claudel ; Exposition d'une femme d'après Blandine Solange ; Bug ! et
L’A�aire de J.-L. Bauer et Ph. Adrien ; Les Chaises de E. Ionesco ; La Tortue de
Darwin de J. Mayorga ; Le Dindon de G. Feydeau (4 nominations aux Molières
2011), Le Projet Conrad, Un avant-poste du progrès d’après J. Conrad ; Œdipe de
Sophocle ; Ivanov et La Mouette de A. Tchekhov…
La revue de presse
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