le statut de la femme dans la société algérienne dans
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République Algérienne Démocratique et Populaire
Ministère de l’Enseignement Supérieur
Et de la Recherche Scientifique
Université de Larbi Ben M’hidi, Oum El Bouaghi
Faculté des lettres et des langues
Département de français
Mémoire élaboré en vue de l'obtention du diplôme de Master
Option : Littérature Générale et Contemporaine
Thème
Présenté et Soutenu par : Sous la direction de :
Oumayma Mammeri Dr. Amor Nabti
Membres du jury :
Président : M. Karim Boulahbel maitre-assistant (A)
Rapporteur : Dr. Amor Nabti maitre de conférences (B)
Examinateur : Mme. Karima Bouchene maitre-assistant (A)
Année universitaire : 2017/2018
Le statut de la femme dans la société
algérienne dans « Ombre Sultane »
d’Assia Djebar
1
Remerciements
Mes remerciements s’adressent d’abord à ALLAH le tout puissant
pour les chances qui me sont offertes, de m’avoir donné le courage et la force
pour l'élaboration de ce modeste travail.
À Docteur AMOR NABTI mon directeur de recherche. Vous m’avez
accordé votre confiance en acceptant de diriger ce mémoire, malgré les
multiples occupations qui sont les vôtres. Votre ouverture d’esprit et surtout
l’intérêt que vous portez à la littérature font de vous une source intarissable à
laquelle tout étudiant devrait s’abreuver. Trouvez ici le témoignage de ma
profonde gratitude et de mes sincères remerciements.
Je remercie les membres du jury d’avoir accepté d’évaluer mon
modeste travail.
Je remercie, mes parents, mes sœurs, mes chères tantes, ma cousine, ma
famille et mes amies qui m’ont beaucoup aidé e et soutenu, qui ont été
toujours à mes côtés et que j’aime tant.
J’adresse mes sincères remerciements aussi à tous mes enseignants qui
par leurs cours, leurs écrits, leurs conseils et leurs critiques ont guidé mes
réflexions.
Et enfin à tous ces intervenants, je présente mes remerciements, mon
respect et ma gratitude.
2
Dédicaces
À mon père
En signe de reconnaissance de l’immense bien que vous avez fait pour
mon éducation qui aboutit aujourd’hui à la réalisation de cette étude. Recevez
à travers ce travail, toute ma gratitude et mes profonds sentiments. Que Dieu
le tout puissant soit à vos côtés et vous accorde une meilleure santé (amen).
À ma mère
Les phrases aussi expressives soient-elles ne sauraient montrer le degré
d’amour et d’affection que j’éprouve pour toi. Tu m’as comblé avec ta
tendresse et affection tout au long de mon parcours. Tu n’as cessé de me
soutenir et de m’encourager durant toutes les années de mes études, tu as
toujours été présente à mes côtés pour me consoler quand il fallait. En ce jour
mémorable, pour moi ainsi que pour toi, reçoit ce travail en signe de ma vive
reconnaissance et ma profonde estime. Puisse le tout puissant te donne santé,
bonheur et longue vie afin que je puisse te combler à mon tour (amen).
À la mémoire de mon très cher grand-père et ma tendre grand-mère.
Qui ont été toujours dans mon esprit et dans mon cœur, je vous dédie
aujourd’hui ma réussite et je sais que si vous étiez présents parmi nous, vous
seriez si fière de votre petite-fille qui est devenue plus sage et plus forte grâce
à votre amour et votre bonneté.
Qu’Allah vous accueille dans son éternel paradis (amen).
3
Introduction
4
L’âme humaine a toujours besoin de se manifester, de s’extérioriser et de raconter
sa joie et sa peine, sa force et sa faiblesse, son succès et son échec. La littérature vient
comme un moyen de s’exprimer et de faire sortir tout ce qui tourmente cette âme, elle est
l’art qui se fait avec les mots. Cet acte d’écrire qui impose une confrontation implicite
avec soi-même et autrui.
La littérature incarne toujours une multitude de cultures dans un même cadre
d’écriture. Elle sert à influencer d’autres personnes comme les lecteurs ou un public. C’est
ce qu’on appelle la réception qui permet à la littérature de vivre, comme c’est le cas de la
littérature maghrébine de langue française. Ces deux univers (la France et le Maghreb) qui
se rencontrent et s’enrichissent sous le toit de l’inter culturalité pour créer un métissage
culturel. Elle est produite par des écrivains réclamant leur identité. Elle est donc considérée
comme la fille de la colonisation française dans le nord-africain. Elle traite dans ses lignes
la répartition de l’histoire maghrébine, ses valeurs, ses traditions, ses principes et son
imaginaire collectif. Là la femme tient une place considérable. Avec le temps elle devient
la source de la littérature féminine d’expression française qui est une littérature de lutte
pour améliorer la situation des femmes dans les pays du Maghreb et précisément en
Algérie. En effet la plupart des femmes-écrivaines s’activent pour dénoncer leur mépris et
s’inscrire dans le cadre du combat contre l’enfermement social. Le fait qu'une femme
écrive en Algérie est une aberration car la société algérienne considère cette activité
comme étant réservée aux hommes. Les femmes-écrivaines ont choisi d'écrire malgré la
limitation de leurs libertés d’expression donc elles écrivent pour la défendre.
Cette littérature avait une très forte présence en Algérie et il est normal qu’on en
trouve beaucoup de femmes-écrivaines de langue française. Ces dames de lettres avec leur
poids dans la littérature algérienne dénoncent la condition de la femme dans la civilisation
musulmane et transgressent les tabous : nous citons à titre d’exemple : Nina Bouraoui,
Yasmina Mechakra, Leila Sebbar, Maissa Bey, Malika Moukadem et Assia Djebar qui sera
le centre de recherche dans notre modeste mémoire.
Assia Djebar, pseudonyme de Fatima Zohra Imalhayéne, la doyenne des femmes de
lettres maghrébines. Auteur de romans, de nouvelles et des essais, elle a même pratiqué la
poésie, le théâtre et le cinéma. Son premier film « la Nouba des femmes du mont
Chenoua » est sorti en 1977.Elle s’est toujours préoccupée de la défense de la femme et ses
droits, la soif de liberté, le refus d’un amour trop possessif. Sa mission envers la femme
5
algérienne s’est soldée par une riche production avec des thèmes quasi exclusifs. Elle est
née à Cherchel le 30 juin 1936, petite ville côtière située tout près de Tipaza. Son père était
instituteur, ce qui est un avantage pour elle, car il lui a permis d’abord de fréquenter l’école
coranique puis l’école primaire de Mouzaia où elle se jette dans la «gueule du loup », pour
reprendre l’expression de Kateb Yacine. Par la suite, elle part à Blida et Alger où elle
poursuit ses études secondaires avant de s’envoler pour l’Ecole Normale Supérieure de
Sèvres en France où elle obtient une licence d’histoire en 1958. Elle prépare un diplôme
d’études supérieures d’histoire D.E.A. Ce qui influe sur sa future production littéraire. En
effet, son premier roman « La Soif » a vu le jour en 1957 alors qu’elle n’avait que 20 ans.
Elle le publie en cachette du père sous le pseudonyme que nous lui connaissons
aujourd’hui. Elle s’engage pendant la guerre de libération dans de nombreuses initiatives
culturelles. Elle participe en 1956 à la grève des étudiants algériens, collabore comme
journaliste aux côtés de Frantz Fanon au Moudjahid du F.L.N. En 1962. Elle transpose ce
combat pour l’indépendance et la liberté dans son troisième roman « Les enfants du
nouveau monde ».Elle y traite donc de l'engagement politique de ses personnages mais
aussi du combat de la femme pour son identité féminine. Ce thème de la femme qui n’a
jamais été absent de ses romans, est un thème récurrent.
Au début des années 70, elle étudie l’arabe classique pour élargir son champ
d’expression et enrichir la langue française des sonorités propres à cette langue. D'ailleurs,
cela s’est manifesté notamment dans ses œuvres de sa "deuxième renaissance". Car la
première, elle l'a vécue après l’apparition de son roman intitulé « Les Alouettes naïves »,
en 1967. Ce qui supposera que ces deux premiers romans « La Soif » et «Les Enfants Du
Nouveau Monde » ne lui ont pas valu un succès littéraire.
Après un silence de treize ans, passé auprès des femmes de sa tribu mais aussi
auprès des femmes des autres régions d’Algérie, elle publie « Les Femmes d'Alger dans
leur appartement » en 1980. Cette œuvre s'inspire largement du tableau du peintre
impressionniste Delacroix. Elle se compose de six nouvelles dont la plus volumineuse est
celle qui porte le titre du recueil. Ces nouvelles sont encadrées d'une ouverture et d'une
postface où nous lisons la problématique de l'auteur ainsi que son approche. Ainsi nous
comprenons que les nouvelles ne sont qu'un prétexte pour chasser le malaise de l'auteur
vis-à-vis du mutisme féminin, vis-à-vis du silence imposé par les hommes. Elles expriment
6
donc le désir de l'écrivaine à donner la parole aux femmes. Ces êtres écartés dans un
premier temps par le silence puis par la société et ensuite par l'histoire.
Elle est morte le 6 février 2015 à Paris, Assia Djebar a écrit des œuvres marquantes.
La reconnaissance internationale n’a pas fait défaut comme en témoignage de sa sélection
à l’académie française. Elle a vécu en France et aux Etats Unis ou elle a enseigné la
littérature française depuis 1997 à l’université de Bâton Rouge, à l’université de Louisiane
en 1999 et au département d’études française de New York université en 2001. Ses œuvres
ont reçu de nombreux prix internationaux, dont celui de la paix en 2000 en Allemagne
grâce à son style et son art et elles ont été traduites en 21 langues, nous citons quelques-
unes :
«La Soif » (1957), à la suite de « Les Enfants Du Nouveau Monde » (1962), elle
publie « Les Alouettes Naïves »(1967). Après un repos de treize ans elle édite un recueil de
nouvelles intitulé « Femmes D’Alger Dans Leur Appartement » (1980), « L’Amour La
Fantasia» (1985), «Ombre Sultane»(1987) et «Loin De Médine». En mars 1995 s’était la
publication de son dernier roman «Vaste Est La Prison ».
Passons maintenant à notre corpus « Ombre sultane » nous avons choisi ce roman
parce qu’il a connu un grand succès. De plus, l'écrivaine est bien connue, non seulement au
Maghreb mais aussi dans le monde entier. A travers l'analyse du roman « Ombre Sultane »,
nous aurons une idée sur les entraves que rencontre la femme à tous les niveaux. Sa
première édition est celle de : Jean-Claude Lattès en 1987 à Paris, la deuxième est d’Albin
Michel en 2006, « L’amour, la fantasia », « Ombre sultane » et « Loin de Médine » ce sont
les trois romans qui forment les trois volets du « Quatuor d’Alger ». Un roman de plus de
214 pages divisé en trois parties (I, II, III). Chaque partie porte un titre : la première partie
est « Toute femme s'appelle blessure », la deuxième partie est « le Saccage de l'aube » et la
troisième partie est « La sultane regarde ».
La première partie « Toute femme s’appelle blessure » est construite sur une
opposition constante et un échange de jeu de rôle entre les deux personnages. Elle contient
14 chapitres suivants :
1) Hajila / 2) Isma.
3) Au dehors / 4) La chambre.
7
5) Au dehors, nue /(6) Les voiles.
7) Les autres / (8) l'autre.
9) L'homme / 10) Les mots.
11) Le retour / 12) Patios.
13) Le drame / 14) Blessure.
La deuxième partie « Le saccage de l’aube » dont l’écrivaine qui contient 10
chapitres suivants :
1) L’enfant / 2) La sœur.
3) La plainte / 4) Le baiser.
5) L’exclue / 6) La nuit de noce sur la natte.
7) Lieu-reposoir / 8) L’adolescente en colère.
9) La balançoire / 10) L’enfance, o Hajila.
La troisième partie « La sultane regarde » contient 4 chapitres suivants :
1) La mère / 2) Le bain turc.
3) Sur le seuil / 4) Luth.
Ce roman raconte l’histoire de deux femmes différentes mariées au même homme,
l’une est Isma la femme instruite, indépendante et libérée qui a trouvé sa liberté après avoir
eu son divorce, l’autre c’est Hajila venue du bidonville, elle représente la femme méprisée,
obéissante et sage, la femme au foyer qui est attachée à sa maison et son mari, cette
différence ne pose aucun problème dans leur vie mais au contraire par la suite elle devient
une sorte de solidarité et de sororité. Lorsque le mari est au travail et les enfants vont à
l’école, Hajila sort de sa maison en cachette, retire son voile et marche la tête nue. «
Ombre sultane » parle d’une bataille entre la voix masculine qui domine et qui veut écraser
la voix féminine de deux personnages qui ne cessent de combattre cette injustice afin de
s’imposer et d’avoir une place incontestable et jusqu’à l’une d’elle sort victorieuse à la fin.
8
Notre choix du roman a été au premier lieu par amour, fascination et
reconnaissance à cette grande écrivaine qui a consacré toute sa vie jusqu’à ses dernières
années à enrichir la littérature algérienne avec ses chefs d’œuvres éternelles qui défendent
la femme. Nous avons choisi d’étudier cette œuvre pour plusieurs raisons, tout d’abord, le
titre nous a attiré, quand nous avons consulté la bibliographie d’Assia Djebar, c’est
l’écriture féminine qui nous intéresse car ce livre raconte l’histoire des femmes algériennes
et musulmanes et traite de la femme comme une blessure. Ce qui nous ’a motivé le plus en
lisant cette œuvre en particulier, c’est qu’Assia Djebar a su encore une fois parler à la place
des femmes algériennes qui n’ont jamais eu le droit de s’exprimer et de se révolter contre
les traditions injustes qui ont été imposées par leurs ancêtres et leur société. Cette société
masculine qui favorise l’homme et qui lui donne des privilèges «exagérés », ce qui va créer
des obstacles sur le chemin des femmes qui ne veulent pas accepter cette réalité.
Après une lecture analytique d’ « Ombre sultane », notre problématique est la
suivante :
_ Comment est représentée l’image de la femme algérienne à travers les personnages d’
« Ombre sultane » ?
Et nous nous sommes posé les questions suivantes qui ont traversé notre esprit:
_ Pourquoi Assia Djeba a choisi un tel titre ? Quel est le but d’associer ombre avec sultane
?
_ Quelle est la nouveauté qu’apporte ce roman de la situation de la femme par rapport à la
famille et à la société algérienne ?
Nous avons tenté de répondre à ces questions par une série d’hypothèses :
Ombre, cela pourrait être Isma qui suit Hajila qui est dans les yeux de son mari la
femme idéale et obéissante qui ne réclame absolument rien. Comme il pourrait être toute
l’obscurité et la négativité vécue par les deux personnages féminins qui sont à leur tour
l’ombre des hommes.
Sultane pourrait représenter le comportement parfait de la femme chez elle, sa
maison qui représente le Harem. La façon avec laquelle elle doit se comporter limitée par
les traditions et les coutumes et l’ombre reflète sa personnalité réelle loin de faire semblant
9
et de s’engager aux coutumes. Il pourrait être ce qu’elle veut vraiment mais en cachette,
sans le déclarer et le montrer explicitement.
La femme est le centre d’intérêt dans notre corpus parce qu’elle reflèterait les
problèmes vécus par nos deux héroïnes dans la société algérienne, à savoir la violence, la
rébellion, la quête de l’identité et de la liberté individuelle. En d’autres termes, elle
retracerait les défis de la nouvelle écriture féminine exprimée par un chagrin douloureux
gravé dans la mémoire avec l’espoir d’un avenir ensoleillé.
Pour pouvoir infirmer ou confirmer ces hypothèses nous divisons notre mémoire en
cinq chapitres, dans le premier chapitre nous convoquerons les fondements de l’approche
paratextuelle. Dans le deuxième chapitre nous allons appliquer l’approche sociocritique
pour étudier la situation de la femme dans la société algérienne à travers la vision de
l’écrivaine Assia Djebar qui écrit dans le but de changer sa situation. Le troisième chapitre
sera réservé à une étude narratologique. Le quatrième chapitre, comptera l'étude des
personnages pour mettre en évidence la situation de la femme à travers l’étude de deux
personnages féminins dans le roman qui sont « Isma » et « Hajila » et enfin, le cinquième
chapitre traitera du féminisme et de la littérature féministe et l’émancipation de la femme.
Pour mener à bien notre travail de recherche, nous définirons les notions en même
temps que nous entreprendrons notre analyse textuelle.
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Chapitre I
L’étude du paratexte.
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I. Le paratexte :
Cet élément nécessaire dans l’interprétation de l’œuvre littéraire a été méconnu
depuis si longtemps par rapport aux autres éléments tels que : l’intertextualité, la
narratologie, la sociologie…etc. Il était considéré comme un moyen d’attraction qui aide à
la vente de l’œuvre. Mais à partir des années soixante-dix Philippe Lejeune a abordé cette
notion dans son ouvrage « Le Pacte autobiographique » :
«Le paratexte est donc pour nous ce par quoi un texte se fait livre et se propose
comme tel à ses lecteurs et plus généralement au public … Offre à tout un
chacun la possibilité d’entrer ou de rebrousser chemin. Zone indécise entre le
dedans ou le dehors, elle même sans limite rigoureuse, ni vers l’intérieur (le
texte) ni vers l’extérieur (le discours du monde sur le texte) une sorte de
lisière. »1
Plus tard, Gérard Genette vient pour créer le néologisme du « paratexte » et
l’insérer en 1981 dans « Palimpsestes ». Il le décrit comme :
« Un des lieux privilégiés de la dimension pragmatique de l’œuvre, c’est-à-
dire de son action sur le lecteur lieu en particulier de ce que l’on nomme
volontiers, depuis les études de Philippe Lejeune sur l’autobiographie, le
contrat (ou pacte) générique »2
Nous allons vous présenter un récapitulatif de ce qui a été dit et dont nous
sélectionnons ce qui nous intéresse dans notre étude.
Nous voyons que l’étude paratextuelle occupe une place fondamentale : donc il est
évident de consacrer une partie considérable de cette approche dans notre recherche
littéraire.
Le but de notre analyse et d’étudier quelques éléments du paratexte. Selon notre
lecture des ouvrages de Genette, nous constatons qu’il traite la notion du paratexte en
détail dans son ouvrage« Seuils » en distinguant deux sortes de paratexte : le paratexte
auctorial et le paratexte étidorial. Il distingue aussi d’autres catégories telles que le
péritexte, ce qui entoure le texte immédiatement, l’épitexte ce qui entoure le livre.
C’est ce que nous allons expliquer au fur et à mesure dans notre analyse : 1 LEJEUNE Philippe, Le pacte autobiographique, Paris, Seuil, 1975, P.45 2 GENETTE, Gérard, Palimpsestes, Paris, Edition du Seuil, 1982, P.10
12
I.1 Le paratexte auctorial :
Nous pouvons le définir comme l’ensemble des éléments dont l’auteur est le
responsable. Selon Gérard Genette, il contient différentes composantes :
I.1.1. Le péritexte auctorial : le nom de l’auteur, les titres et les intertitres, les
dédicaces, les épigraphes, les préfaces et les notes.
I.1.2. L’épitexte auctorial : qui contient à son tour :
- L’épitexte publique : interview, méditations et entretiens.
- L’épitexte privé : journaux intimes, avant textes, essaies, confidences et
correspondances.
a. Le nom de l’auteur :
Le nom de l’auteur est le premier élément qui attire les lecteurs, car ces derniers lisent
leurs écrivains préférés sans accorder beaucoup d’importance à l’œuvre, ce qui peut être
aussi un facteur pour sa promotion. Mais il faut aussi mentionner que l’auteur peut cacher
son identité pour des raisons personnelles ou sociales. Il existe des œuvres avec des noms
fictifs ou carrément anonymes comme le mentionne Genette dans son ouvrage « Seuils » :
« L’inscription au péritexte du nom authentique ou fictif , de l’auteur , qui
nous parait aujourd’hui si nécessaire et si « naturelle » , ne l’a pas toujours
été , si l’on en juge par la pratique classique de l’anonymat et qui montre que
l’invention du livre imprimé n’a pas imposé cet élément du paratexte aussi vite
et aussi fortement que certains autres »3.
L’onymat :
C’est lorsque l’auteur utilise son nom authentique sans nécessairement le remplacer
par un pseudonyme : c’est le cas qu’on croise souvent sur la plupart des œuvres comme
une sorte de signature : c’est le plus fréquent et le plus général. Mais cela n’empêche pas
de choisir un pseudonyme qui représente une signification particulière pour lui, ce qui est
l’exemple de notre écrivaine qui a choisi le pseudonyme d’Assia Djebar.
Dans notre corpus « Ombre sultane » notre dame de lettre qui n’a nul besoin du
témoignage de quiconque, Assia Djebar le nom de plume de Fatima Zohra Imalayén,
3 GENETTE, Gérard, Seuils, Paris, Edition du Seuil, 1987, P.24
13
écrivaine algérienne d'expression française, auteure de romans, nouvelles, poésies et essais,
dramaturge et qui a réalisé plusieurs films. Notre auteure a choisi ce pseudonyme comme
une sorte de voile pour masquer son identité, pour écrire tranquillement et pour avoir sa
liberté totale pour s’exprimer aisément car le pseudonyme pour elle et ses consœurs est une
sorte de masque.
« L’utilisation des pseudonymes, très répondu chez les écrivains femmes du
passé et surtout au XIX siècle. Le moment d’explosion de l’écriture féminine
est un signe de cette résistance de la femme, à se dévoiler […] c’est pourquoi
le pseudonyme peut représenter l’écran protecteur parce que factice, d’un
masque »4
Elle disait dans une interview télévisée5 que ce dernier est son nom civil dans son
entourage. Notre grande dame a pu laisser son empreinte dans la littérature algérienne,
maghrébine et même universelle. Elle fait entendre avec force la voix du Maghreb dans les
concerts des littératures européennes contemporaines et mondiales. Ses œuvres ont un
caractère d’individualité. Elles sont inscrites dans un combat pour la reconnaissance des
femmes dans l'univers islamique car ces dernières reflètent la lutte de leur peuple et celui
de l'engagement des femmes Algériennes à qui elles donnent la parole à travers ses romans
et auxquelles elle permet de prendre conscience de leur condition de femmes arabes avec
une voix occultée. La romancière met en exergue ces femmes qui n’ont pas le droit de
tracer leur vie comme elles veulent.
b. le titre :
Le titre est un élément indispensable quant au premier contact avec le livre et ses
lecteurs, le livre et ses critiques, pour sa commercialisation. La manière de sa formulation
peut dévoiler pleins d’informations sur le roman. Il peut procurer dans certaines situations
la première réflexion sur le contenu du texte. Il est donc l’élément déclencheur qui va par
la suite illuminer le processus de la réception de l’œuvre tout au long de la lecture. C’est
l’élément le plus attractif et le plus indicatif qui porte plusieurs sens par rapport aux autres
éléments paratextuels car il représente le premier passage à la compréhension de l’œuvre :
il occupe une place substantielle. En fait le titre est considéré comme un élément narratif
par les théoriciens, selon G.Genette :
4 Ecrits des femmes, Messidor, Paris, 1986, p 8, 9 (Regaig Najiba) étude. 5 Interview Diffuse, la télévision tunisienne, chaine maghrébine en avril 1992, 1 cf. p 23 notes 3
14
« Davantage peut-être que de tout autre élément du paratexte, la définition
même du titre pose quelques problèmes, et exige un effort d’analyse : c’est que
l’appareil titulaire, tel que nous le connaissons depuis la Renaissance (je
reviendrai plus loin sur sa préhistoire), est très souvent, plutôt qu’un véritable
élément, un ensemble un peu complexe – et d’une complexité qui ne tient pas
exactement à sa longueur. Certains très longs titres de l’âge classique, comme
l’original de Robinson Crusoé, que nous retrouverons, étaient de statut
relativement simple. Un ensemble beaucoup plus bref, comme Zadig ou la
Destinée, histoire orientale, forme, nous allons le voir, un énoncé plus
complexe. »
Le titre est tellement signifiant, multiforme. Il a plusieurs sens et il peut nous
orienter d’un sens commun ou autrement dit un sens dénoté vers un sens singulier qui
représente le vouloir dire de l’écrivain, sa manière de récapituler son œuvre et son jeu de
mots qui reflète des fois son contexte social. Mais cela n’empêche pas l’éditeur
d’intervenir sur sa composition pour pouvoir le publier. Il suggère, il n’impose jamais un
titre c'est toujours l'auteur qui a le dernier mot.
b.1. Le titre comme emballage :
Le titre promet savoir et plaisir (ce qui en fait un acte de parole performatif). « Bref,
facile à mémoriser, allusif (il ne dit pas tout), il oriente et programme l’acte de lecture. »6
Cela veut dire que les titres d’une œuvre sont des titres brefs qui se composent d’un
seul mot, ils sont expressifs, clairs et faciles à mémoriser, mais au premier lieu il ne peut
rien dire aux lecteurs, c’est à partir de leur lectures qu’ils vont comprendre ce choix.
b.2. Le titre comme mémoire ou écart :
Selon Claude Duchet :
«Par nécessité, même s’il sélectionne son public ou cherche de nouveaux lecteurs,
le titre de roman s’adapte à une demande moyenne, tient compte de l’indice
culturel du genre pour adapter sa stratégie, véhicule et consolide contraintes et
interdits, exploite et transmet des formes héritées »7
6ACHOUR (C), REZZOUG (S), Introduction à la lecture du littéraire, Convergences critiques. 2005, P.29. 7DUCHET Claude, in «Convergences critiques ». OPU. Alger .ED 2031, 2005, P.29.
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Dans ce cas notre titre est un message implicite. Pour le bien saisir, il faut au début
savoir le courant de son auteur et le comparer avec les titres de son époque.
En revanche Gérard Genette aussi à son tour évoque la notion du titre dans ses
travaux et il distingue quatre fonctions du titre :
1. La fonction d’identification : elle sert à présenter l’œuvre et l’identifier
2. La fonction descriptive : qui comprend deux types aussi qui sont :
a. Le titre thématique : qui représente le thème global de l’œuvre et qui désigne le
contenu.
b. Le titre rhématique : qui représente la catégorisation, l’appellation et le genre de
l’œuvre.
3. La fonction connotative : ou publicitaire qui incite à la lecture. Elle se caractérise par
un style personnel pour la présentation du titre.
4. La fonction séductrice : son intérêt est d’attirer l’attention des lecteurs.
Notre corpus Ombre sultane commence par « ombre et sultane ; ombre derrière
la sultane. »8. Il est une déclaration, d’un cri, d’une manifestation des femmes qui sont
obligées de se taire dans l’ombre des traditions et des coutumes, dans l’ombre de sa
société, sa famille, son mari et dans l’ombre de ses vêtements. Ces femmes qui n’ont pas le
droit de tracer leurs vies, de choisir ce qu’elles veulent ni de s’exprimer.
Notre titre « Ombre sultane » est un titre très pertinent qui lance bien l’œuvre, qui
provoque la réflexion de ses lecteurs pour créer certaines idées sur l’œuvre etpour éclaircir
la façon de recevoir le roman et ses significations implicites.Il est donc la clé qui nous
permet d’entrer à l’intérieur de ce monde fictif qui nous donne un aperçu sur son contenu
et qui constitue principalement la grammaire du texte.
L’ombre c’est l'enfermement vécu par la femme, c’est l'ensevelissement et
l’enterrement vive, ce sont les interdits imposés : interdit de parole, interdit de regard et
interdit d’oser. Nous pouvons aussi dire que l’ombre représente l’intérieur du harem et son
obscurité réservé aux femmes du dedans condamnées à vivre dans l’ombre du mâle. Cet
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ombre qui s’oppose au soleil et aux espaces lumineux qui représente la liberté et le droit
d’expression.
Quant à La sultane qui représente la femme dans le harem, cet espace sacré et
défensif où l’homme règne. C’est son territoire protégé par pudeur aucun étranger n’a le
droit de franchir et la sortie de la femme est complètement interdite sauf dans les cas les
plus urgents. Cette sultane indocile, constante et guerrière qui veut se manifester sans
mettre à part sa parole. Elle refuse de devenir une ombre qui suit l’homme. Elle ne veut pas
perdre sa personnalité et son entité. Cette sultane qui n’est pas facile à vaincre malgré les
obstacles rencontrés dans sa société.
Notre écrivaine reflète son identité et son appartenance par rapport à ses choix des
titres de ses œuvres dont notre corpus est l’un des plus marquants des titres qu’elle a
choisi. Il représente par excellence son écriture créatrice, son combat pour rendre la parole
féminine et sa lutte contre les barrières qui empêchent les hommes et les femmes de vivre
en paix.
I.2.Le paratexte éditorial :
Il s’agit de tout ce qui est en relation avec l’éditeur et de responsabilité en ce qui
concerne la publication de l’œuvre, il contient :
a. Le péritexte éditorial : qui englobe les couvertures (la première de couverture, la
quatrième de couverture et les citations).
b.l’épitexte éditorial : qui englobe les publicités, les catalogues et la presse
d’édition.
Parmi les éléments qui jouent le rôle d’une bande d’annonce quant à la publication
du roman et parmi les périphériques les plus importants qui touche le paratexte et l’œuvre
en elle-même comme produit fini prêt à la vente et à consommer : est la couverture qui sert
à attirer l’attention du lecteur, provoque sa curiosité pour acheter ce produit fini et le guider
dans sa première impression.
I.2.1. La première de couverture :
Prenons le roman en haut et au centre nous remarquons que la première de
couverture commence par le nom de l’auteur, généralement il est écrit en gras. Il est
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l’élément le plus captivant sur cette couverture. Ensuite en bas au milieu le titre du roman
écrit aussi en gras pour le même but. Il est là pour annoncer le commencement du récit. Il
dirige l’acte de percevoir l’image au-dessus qui établit une relation entre le verbal qui est
l’élément linguistique et le non verbal qui est l’illustration. Par la suite les illustrations et
les images qui créent une certaine dissimilarité entre ce qui est dit par le titre et ce qui est
vu à travers l’image en plus le genre de notre ouvrage et enfin en dernier, en bas le nom de
la collection.
En appliquant tout ce qui est mentionné dans le passage précédent le non de notre
écrivaine Assia Djebar vient en premier lieu écrit avec une couleur vive et attirante. Il nous
aide à déterminer son origine maghrébine, en suite le titre de notre corpus « Ombre
sultane » et l’image de la sultane qui sont tellement rapprochés et représentatifs. Notre titre
est compatible avec l’image qui représente une sultane qui porte une tenue traditionnelle
avec des traits de tristesse et d’insatisfaction sur le visage. Cette compatibilité entre ces
deux éléments motive le lecteur et provoque sa curiosité pour prendre l’œuvre.
S’inspirant de « La sémiologie de l’image », Roland Barthes avec ses essais et ses
articles originaux et novateurs, écrit : « de l’image, le texte a une valeur répressive, et l’on
comprend que ce soit à son niveau que s’investissent surtout la morale et l’idéologie d’une
société. »9.
De cette image, nous constatons qu’elle est influencée par le texte qui reflète
implicitement une société particulière, ses idéologies, ses traditions et ses coutumes qui
renvoient la plupart du temps à la société de l’écrivain ce qui est le cas de la nôtre. Notre
image représente un portrait où l’éclairage se concentre sur les yeux immenses et dont le
regard vide reflète un univers de tristesse et d’immobilité d’une femme purement
algérienne avec son style vestimentaire, ses bijoux traditionnels, sa coiffure et même ses
traits, qui reflètent une vision pessimiste de l’écrivaine.
Roland Barthes ajoute :
« On a vu que dans l'image proprement dite, la distinction du message littéral
et du message symbolique était opératoire ; on ne rencontre jamais (du moins
en publicité) une image littérale à l'état pur ; quand bien même accomplirait-
on une image entièrement « naïve », elle rejoindrait aussitôt le signe de la
9 BARTHES, Roland, Rhétorique de l'image. In: Communications, 4, 1964. Recherches sémiologiques, P.45.
18
naïveté et se compléterait d'un troisième message, symbolique. Les caractères
du message littéral ne peuvent donc être substantiels, mais seulement
relationnels ; c'est d'abord, si l'on veut, un message privatif, constitué par ce
qui reste dans l'image lorsqu'on efface (mentalement) les signes de connotation
(les ôter réellement ne serait pas possible, car ils peuvent imprégner toute
l'image… »10
Nous pouvons dire ici que le message littéral qui est le titre ne peut pas être
suffisant pour saisir tout le sens mais il faut ajouter une image ou une illustration qui
représente le message symbolique pour le compléter : il s’agit de trouver le sens dénoté à
travers les deux éléments unis.
Toutes ces informations nous mènent à une étude sémiotique avec des origines
belges et québécoises. Les chercheurs belges et québécois ont donné plus d’importance à la
sémiotique visuelle bien évidemment que leurs confrères français qui s’intéressent
beaucoup plus à la sémiologie graphique car l’école française valorise le verbe à l’image.
Elle est fondée sur la qualité observatoire et la qualité significative qui dépendent toutes les
deux de l’évolution des signes au sein d’un système culturel de chaque société. Ces signes
polysémiques d’une seule image servent à anticiper les événements d’une histoire
particulière. Cette étude a pour but de relever le sens des images qu’elle étudie, elle
dispose d’une théorie strictement délimitée, des procédures précises et une expérience
vaste dans ce domaine pour décoder l’image et sortir avec des sens convenables. Pour
notre texte, nous pouvons dire qu’il existe une harmonie entre ces deux composantes
paratexuelles qui se complètent et qui donnent ensemble de multiples significations et
interprétations.
Quant au nom de la collection, livre de poche est lancée par Henri Filipacchi en
février 1953 en France. Elle est mise au service des grands textes littéraires, classiques et
modernes. Son but est de regrouper toutes les littératures et les œuvres dans un cadre
qualificatif plus qu’un quantitatif. Avec le temps « le livre de poche » est devenu
compagnon parfait pour tous les ouvrages qu’ils s’agissent de romans, de polards, de
manuels de cuisine ou de bricolage, de documents d’actualité, de recueils humoristiques ou
de recueils de poésie et même les ouvrages encyclopédiques originaux dans le domaine des
sciences, des arts ou de la philosophie. Aujourd’hui elle est le premier éditeur de format
10 GENETTE Gérard, Op.Cit., P.45.
19
poche en France, avec ses idées novatrices, son évolution permanente et sa prudence de
tout ce qui est actuel, elle est devenue un élément indispensable dans la vie de tous les
jours des français. Elle leur donne la parole à travers le Prix des Lecteurs dont ils peuvent
devenir jurés, dans un cadre ludique et informatif.
I.2.2. La quatrième de couverture :
La quatrième de couverture, appelée aussi « dos du livre ». Lorsqu’il s’agit de la
mise en vente, son design est très important. Quant aux couleurs et aux caractères lisibles
et attirants, aucun lecteur ne choisit d’acheter un livre sans d’abord consulter l’arrière du
livre : donc il est essentiel d’élaborer une quatrième de couverture captivante. Elle est
pareillement une partie fondamentale de marketing. Elle représente une affiche publicitaire
qui annonce l’œuvre. Elle joue un rôle complémentaire par rapport à la première de
couverture. Elle permet d’avoir une idée sur l’histoire du roman et de formuler des
hypothèses sur le contenu de notre corpus et son impact considérable sur le lecteur avec ce
petit résumé achevé qui va lui ouvrir l’appétit pour continuer la lecture. Un résumé rédigé
avec des phrases claires et un style simple facilite le processus de la compréhension, il est
lié aussi au style utilisé par l’auteur. Il permet de saisir les grands points traités dans notre
corpus, il nous renseigne sur les informations majeures et il reprend partiellement le
contenu du texte. Nous y trouvons ainsi un rappel du titre et le nom de l’auteur, sa photo
professionnelle, sa biographie, le nom de la maison d’édition, un extrait du roman, le nom
de la collection, le code barre, un numéro ISBN (International Standard Book Number), le
prix de vente et l’illustrateur, comme le signale G.Genette11. Mais malgré les efforts
fournis par son auteur en rédigeant tous ces détails, la quatrième de couverture reste un
texte éditorial par excellence, c’est l’éditeur qui prend en charge tout le travail, en ce qui
concerne le placement de chaque élément car ce dernier diffère d’une maison d’édition à
une autre.
Dans notre corpus le nom de l’auteur « Assia Djebar » et le titre « Ombre sultane »
sont mentionnés en haut suivis par une petite introduction : « Des trois premiers volets du
« Quatro d’Alger », « L’Amour, la fantasia », « Ombre sultane » et « Vaste est la prison ».
Vaste fresque, aussi singulière que fascinante, où s’entremêlent l’histoire algérienne,
l’autobiographie et la mémoire ses femmes ».
I.2.3. Les citations : 11GENETTE Gérard, Op.cit., 1987, p.30.
20
En ce sens, nous pouvons dire que le choix des citations qui conviennent avec le
contenu du texte est principal. Ces citations représentent le deuxième élément qui oriente la
compréhension du lecteur, soulignant les thèmes majeurs dans l’œuvre. Pour relever la
relation entre corpus et citation, il faut premièrement situer notre citation dans son vrai
contexte.
Notre citation : « Il faut se laisser porter par cette écriture méditerranéenne pour
comprendre l'infinie blessure et la longue bataille des épouses, du rêve de dévoilement, à la
décision de jeter le voile, de la colère des hommes face à une jeune femme "nue", au rire
d'une jeune femme, cheveux au vent. Assia Djebar, oscillant entre espoir et désespoir, n'en
a pas fini de dire la nuit des femmes et leur lutte pour pouvoir, enfin, regarder le soleil en
face. ». Tirée d’un article du fameux journal « le monde » rédigé par l’une de ses brillantes
journalistes, Josyane Savigneau qui est une féministe de souches, une femme de principe
qui a consacré pas mal de ses écrits pour défendre la femme et ses droits. Ce qui lui a
permis de devenir membre du jury exclusivement féminin. La journaliste traite dans sa
citation le style d’écriture méditerranéenne qui est partagé par la plupart des écrivains de la
méditerrané.
Le sujet de la femme qui les réunit et l’appréciation des efforts fournis par notre
écrivaine Assia Djebar qui n’a jamais perdu l’espoir dans son combat pour rendre aux
femmes leurs paroles.
Cette citation a une grande influence sur l’œuvre que ce soit dans le cadre social ou
idéologique : car les deux écrivaines partagent le même principe cela guidera parfaitement
notre lecture et notre analyse.
21
Chapitre II
Le statut de la femme dans la société algérienne.
II.1.La sociocritique :
22
La sociocritique est une approche qui sert à ausculter le texte littéraire. Elle est
considérée comme l'un des outils fondamentaux de l'analyse littéraire : elle analyse la
production fictionnelle à partir de la société dans un champ précis d’une histoire sociale
donnée. Elle est la méthode la plus en vue en critique littéraire, car elle est dans l’ancrage
de la société qui donne naissance au roman. C’est une discipline qui s'inspire tant et si bien
de disciplines semblables comme la sociologie de la littérature ; qui représente « une socio-
sémiotique ». Elle se base sur des concepts issus à la fois de la sociologie et de la
sémiotique. L’objectif est de transférer les problèmes sociaux du niveau social au niveau
linguistique en s'attachant à une situation sociolinguistique/sociohistorique dans laquelle
un texte est produit. L’intérêt primordial de la sociocritique est d’étudier « le statut du
social » dans l’œuvre littéraire. Elle s’appuie sur les faits sociaux et la réalité afin de
comprendre le texte. En effet elle ne s’intéresse pas à ce qu’il signifie mais plutôt ce qu’il
transcrit et incorpore à l’histoire avec ses modalités, pas uniquement au niveau du
contenus, mais aussi au niveau de la forme.
« Dans les années trente avec l’arrivée des théories marxistes sur la société
au début du XXe siècle qui ont marqué avec leur tour l’approche sociale de la
littérature, une école est fondée sur la sociologie de Durkheim et menée par
Jan Mukarovsky qui juge la littérature par le concept de conscience collective,
il l’utilise à l’interprétation des textes par les sociétés qu’elle se fera
principalement en fonction d’une culture particulière et qui donne par la suite
une valeur polysémique à la lecture.
Jean Duvignaud appliquera le même concept mais cette fois-ci en tentant
d’expliquer le phénomène de la création en réactions aux contextes sociaux
tels que présentés dans des ouvrages comme Ombres collectives. Sociologie du
théâtre (1965). Une fusion entre ces deux grands genres, le marxisme et le
durkheimisme, se produisit plus tard chez des auteurs mettant en relation les
idées des grands penseurs dont ils se réclament. Par exemple, Köhler utilisa la
sociologie systématique inspirée (entre autres) par Durkheim au genre
littéraire en y introduisant la notion de lutte des classes propre à Marx. Il
résulte de ces différentes approches une sociocritique beaucoup plus
23
méthodique et conceptuelle qu’auparavant et qui s’applique surtout aux
phénomènes de la création et de l’interprétation littéraire. »12
Nous ne pouvons pas parler de la sociocritique sans parler des deux grands
théoriciens Georges Lukacs et Lucien Goldmann, les analyses détaillées de Georges
Lukacs montrent que le roman reste une histoire d'une recherche « dégradée ». La
sociocritique pour lui semble pouvoir intégrer l'essentiel de ce qui a lieu dans le texte. Le
texte pour lui aussi est l’élément important pour attirer le lecteur. Les théories de Lukacs
sont bien référentielles à travers lesquelles il fait ressortir du roman, ce qui nuit à la société
moderne en écartant les valeurs traditionnelles. Pour Lucien Goldmann le disciple de
Lukacs, il s'agit de faire une analyse englobante sur l'œuvre en tant que produit de la
société. Il a passé du temps à retravailler la théorie sociocritique pour l'enrichir et
l’améliorer.
Goldmann estime qu’une bonne littérature reflète la vision du monde. Il cherche à
dégager une structure qui rend compte de la totalité de l'œuvre et qui soit elle-même
explicable par rapport à une structure englobante. La vision du monde représente
l’ensemble des idées et des inspirations qui réunit un groupe social particulier et le
distingue d’un autre à la fois. Elle est le point de rencontre entre l’idéologie, la culture, le
mouvement et la politique de l’écrivain et sa société, elle est la création d’un univers
imaginaire et d’un héros problématique en s’inspirant d’une réalité bien évidente, elle est
alors le reflet d’une société bien déterminée. Une œuvre littéraire ne peut pas atteindre une
vision du monde jusqu’à ce quand son écrivain saisit l’espace social dans lequel son
personnage principal s’évolue.
Selon Goldmann :
« La vision du monde est donc un univers construit et imaginaire que l’écrivain
puise de la réalité. C’est en quelque sorte une représentation de la société
produite par le social, l’idéologie et surtout l’imaginaire de l’écrivain »13.
Cette vision du monde est déterminée par la sociocritique, qui va montrer par la
suite comment le hors-texte influence le texte et comment elle est une sorte de
12http://www.sociocritique.com/fr/index.htm. (Consulté le 26-02-2018). 13 CF. BENACHOUR Nedjma, cours de littérature et société, université Mentouri ; Constantine.
24
reproduction personnelle de l’auteur consciente ou inconsciente, il se trouve face à une
écriture représentante de sa société et son Histoire.
Le mot « sociocritique » a été employé la première fois par Claude Duchet en 1971
dans la revue n°1, dans un article intitulé « Pour une sociocritique ou variation sur un
incipit », est défini par son initiateur en France comme une nouvelle perspective. Claude
Duchet, sur la quatrième de la couverture de son célèbre ouvrage « Sociocritique »la
définit comme suit :
« ...la sociocritique est l’étude du discours social, mode de pensée, phénomène
de mentalité collective, stéréotypes et présupposé, qui s’investies dans l’œuvre
littéraire y compris dans l’œuvre de fiction… »
Pour lui, elle s’intéresse d’un côté à étudier le non-dit et l’implicite de l’œuvre pour
analyser les situations sociales et relever l’idéologie cachée dans le texte et d’autres cotés à
l’importance de la compréhension du texte qui se sert de la réalité. Il ajoute dans le même
ouvrage :
« La visée, de montrer que toute création artistique est aussi pratique sociale,
et partant, production idéologique […] La sociocritique interroge l'implicite,
les présupposés, le non-dit ou l'impensé, les silences, et formule l'hypothèse de
l'inconscient social du texte, à introduire dans une problématique de
l’imaginaire. A partir de quoi pourraient, devraient se poser à nouveau, sous
un autre éclairage, les questions de la signification, c'est-à dire de la place et
de la fonction de la pratique signifiante nommée « littérature » dans tel ou tel
formation socio- historique. »14
Nous avons choisi cette approche dans le but de rendre au texte son contenu social.
Elle cherche à démontrer sa socialité ; qui est selon Régine Robin : « la façon dont le
roman s’y prend pour lire le social, pour inscrire du social tout en produisant par sa
pratique, du texte littéraire, une production esthétique »15.
La socialité représente donc deux sociétés différentes mises en œuvre. La première
est la société de référence celle de la réalité à laquelle se réfère la société dont se réclame
14 DUCHET Claude et al, Sociocritique, Paris, Nathan/ Université, 1979, pp.3-4. 15 ROBIN Régine « Le sociogramme en question. Le dehors et le dedans du texte » in Discours social, Vol.5,
N°s1-2, 1993, p.3.
25
l’auteur et la deuxième est de la vie fictionnelle structurée comme un monde réel celle du
texte comme son nom l’indique : c’est une société qui existe à l’intérieur, qui parle d’une
organisation sociale et d’une collectivité humaine prise comme un exemple, un monde
imaginaire qui peut être lié à des pratiques sociales en dehors du roman. Le texte est alors
l’objet central en sociocritique. Elle est venue pour lui rendre son aspect social car il est
indissociable de son contexte, elle le traite dans son ensemble dans le but de montrer sa
particularité et sa spécificité esthétique comme une production artistique : « C’est dans la
spécificité esthétique même, la dimension valeur des textes, que la sociocritique s’efforce
de lire cette présence des œuvres au monde qu’elle appelle leur socialité. »16
Chaque énoncé est un élément indicateur qui reflète une société particulière cette
discipline est donc pour notre analyse la clé avec laquelle nous pouvons entrer à l’intérieur
de ce dernier. Elle se base sur le lien entre l’œuvre et son contexte socio-historique. Claude
Duchet rajoute :
« Effectuer une lecture sociocritique revient en quelque sorte à ouvrir l’œuvre
du dedans, à reconnaître ou à produire un espace conflictuel où le projet
créateur se heurte à des résistances, à l’épaisseur d’un déjà là, aux contraintes
d’un déjà fait, aux codes, et modèles socioculturels, aux exigences de la
demande sociale, aux dispositifs institutionnels. »17
Ici nous faisons appel à un concept qui joue le rôle d’intermédiaire entre une
dimension fictionnelle qui est l’œuvre qui se manifeste comme un lieu de productivité, des
représentations et de langage et une dimension référentielle, la réalité et la société avec
tous ses aspects sociologiques, historiques, politiques, économiques…etc. Ces médiations
séparent toute relation entre le fictionnel et le symbolique.
A travers notre étude nous avons remarqué que la sociocritique repose aussi dans
son analyse sur trois éléments essentiels qui suivent le texte dans son importance : le sujet,
l’idéologie et les institutions.
Elle accorde une attention au sujet de l’écriture, et non à l’auteur, en ce sens que le
sujet textuel vit dans un système de production, dans une réalité, d’une pratique culturelle
16 ROBIN Régine, Op.cit., p.4. 17 DUCHET Claude, Op.cit., p.4.
26
ou mouvement littéraire ou sensibilité philosophique, donc le sujet est pris dans un champ
collectif non autonome.18
L’idéologie est le noyau de la réflexion sociocritique, forme la base fictionnelle du
texte et l’élément essentiels au travail de l’imaginaire.
Quant aux institutions : c’est la place de cette œuvre littéraire dans les institutions
étatiques tels que les médias écrits et audiovisuels, l’institution scolaire - les extraits dans
les manuels et les programme officiels imposés par les ministères, la diffusion et les
maisons d’édition, le succès de librairie, la réception et leur place dans le champ culturel et
politique.
Une fois de plus Assia Djebar a su représenter la femme et trouver les mots pour
parler à sa place dans le deuxième volet du « Quatuor d’Alger », Le « Quatuor » étant une
œuvre de musique d’ensemble écrite pour quatre instruments ou quatre voix d’importance
égale. »19. Notre écrivaine fait l’exception à son époque, dans un milieu masculin dont la
plupart des écrivains sont des hommes. Elle a pu occuper une place remarquable dans ce
domaine. Elle a osé écrire ses sentiments et ses émotions dans des périodes délicates
passées par l’Algérie. Elle a refusé ces défis malgré les obstacles rencontrés. Elle a montré
une audace marquante en se battant contre les barrières mises par sa société. Elle a toujours
défendu les femmes avec toute bravoure, elle parle en leur nom et au nom de toutes celles
qui n'ont jamais eu accès à la parole. Elle dirige son regard souvent vers « Elles », et a pris
la responsabilité de faire entendre sa voix et la voix de toute femme étouffée. Nous
trouvons que dans ce genre de milieux sociaux les femmes sont désormais analphabètes,
seuls les hommes ont ce privilège de terminer leurs études. Notre auteur est bénie par
l’écriture. Elle considère ce don comme une lutte contre la marginalisation et l’oubli. Elle
arrache ce pouvoir des hommes et le rend aux femmes en écrivant leur souffrance et leur
malheur.
Pour une femme musulmane et algérienne l’acte d’écrire est le fait d’exister, de
s’imposer et de laisser son empreinte dans une société masculine.
En 1999, Assia Djebar a pu enfin donner son avis en toute liberté quant à l’écriture
féminine dans Ces voix qui m’assiègent…,
18 BENACHOUR Nedjma, « Sociocritique – aperçus théoriques- polycopie», 2007, p.9. 19 Le Petit Robert, 1992.
27
« L’écrit des femmes en littérature maghrébine : une naissance, une fuite ou
une échappée souvent, un défi parfois, une mémoire sauvée qui brûle et pousse
en avant…
L’écrit des femmes qui soudain affleure ? - cris étouffés enfin fixés, parole et
silence ensemble fécondés ! »20
Elle déclare aussi :
« Aussi, une écriture véritable et au féminin, dans les pays musulmans de ce
prochain XXIe siècle, ne pourra s’approfondir et se développer qu’à partir du
corps libéré (ou en train de se libérer) de la femme… » 21
Notre corpus « Ombre sultane » est divisé en trois parties, la première est intitulée
comme « Toute femme s’appelle blessure », la deuxième « Le saccage de l’aube » et la
troisième « La sultane regarde ». Il met en lumière deux femmes complètement opposées
quant au statut social, issues de deux milieux différents mais réunies par le même sort.
Notre roman expose le vécu de nos deux personnages principaux Isma la première épouse,
la femme moderne qui a laissé son foyer et a choisi le divorce afin de se libérer. Hajila la
deuxième épouse, la femme traditionnelle issue des bidonvilles qui s’est trouvée mariée
avec un homme choisi par sa famille, le mari convenable qui va la faire sortir de sa
pauvreté sans le moindre droit de dire oui ou non.
La première partie : « Toute femme s’appelle blessure » :
Elle est introduite par un extrait de l’œuvre de Germaine Tillion, Le Harem et les
cousins (1966) :
« Autour de la maison : des murs hauts sans fenêtres, hérissés de tessons de
bouteilles ; autour du village : toutes les défenses naturelles, les fossés, les
figuiers de barbarie ; autour de la tente : une horde de chiens à demi sauvages,
mais plus sauvage encore que les chiens, une sacralisation de l’espace qui la
protège et dont l’inviolabilité se confond avec l’honneur : la Horma. »22
20DJEBAR Assia, Ces voix qui m'assiègent… en marge de ma francophonie. Paris : Albin Michel, 1999,
p.88. 21 DJEBAR Assia, Op.Cit., 1999, p.28. 22DJEBAR Assia, Ombre Sultane, Edition Albin Michel, Paris, 2006, P.13.
28
Tout au long de notre lecture nous remarquons qu’Isma est la narratrice qui tantôt
parle d’elle-même, tantôt elle s’adresse à Hajila, en décrivant les endroits et les espaces où
les évènements se déroulent dont la plupart sont réservés aux femmes et qui symbolisent le
« Harem ». Ce dernier empêche la rencontre de deux monde opposés : le monde protégé
situé derrière les murs où s’étalent les ténèbres et réside l’ombre, et le monde extérieur qui
représente la liberté, le soleil et la lumière, cette partie se focalise sur une double partition
métaphorique Ombre vs Lumière et Silence vs Parole :
« Je me souviens, oh oui, je me souviens de tant d’années, un clin d’œil, une
vie ! Je marche. Je me souviens de l’écoulement des jours, de leur succession
en chute ou en envol, sans musique, la musique scintille dans nos regards ; nos
mains se tendent et le couple s’enlace.
Un clin d’œil, une vie. Eblouie, je la déploie, mais déjà je la détruis, j’en
obscurcis les aubes, je filtre les après-midis d’indolence, j’étains ce soleil, pale
ou resplendissant, qu’importe ! je choisis de ne réveiller que les nuits ; depuis
la crête des vingt an au vallon des trente, au défilé des quarante, le corridor,
comment savoir sur quel ciel il débouche ? je ne possède plus ni voile ni
visage ; « Isma », j’éparpille mon nom, tous les noms dans une poussière
d’étoiles qui s’éteignent. »23
« Hajila une douleur sans raison t’as saisie, ce matin, dans la cuisine qui
sera le lieu du mélodrame. Tu débarrasses la table sur laquelle a été servi le
petit déjeuner. Tes yeux sont embués. Tu renifles. Une tasse, sous tes doigts
soudain fébriles, se fêle contre la faïence de l’évier. »24
« Hajila, ta seconde échappée eut lieu quelques jours après. Ton mari t’avait
emmenée dans ta famille, au bidonville. Cette fois, il était entré avec toi ; il
avait souhaité à tous « bonne fin de jeûne ». Tu l’as vu tendre un billet de cent
dinars à Nasser, ton jeune frère, qui, après avoir hésité, le fourra dans sa
poche. Tu as détourné les yeux. Les enfants, restés dans la voiture, devaient
s’impatienter, cernés par la marmaille de la ruelle. »25
23 DJEBAR Assia, Op.cit., p.p.21-22. 24 Ibid., p.15. 25 Ibid., p.41.
29
Notre écrivaine ici veut mettre l’accent sur un point très important : nombreuses
sont les femmes vivantes encore dans l’injustice du « Harem » ; disparu en réalité mais
existant encore dans certaines mentalités. Il qui signifie la prison mais d’une manière
embellie. Isma l’épouse désobéissante s’est libérée de ce « Harem » et elle s’est remplacée
par Hajila l’obéissante et la servante du mari imposé, qui cherche son moi perdu dans les
exigences familiales et sociales.
« Dehors, tu ne te lasses pas de marcher ; tu apprends à découvrir. Choses et
personnes se diluent en taches à peine colorées. Un vide se creuse où ton corps
peut passer, sans rien déranger. Tu t’assures que personnes ne te remarque,
une fois que ton voile tombe : te voici étrangère et mobile, avec des yeux
ouverts. Parfois certains te laissent la préséance. Tu fends l’air, silhouette
royale. »26
Nous constatons par notre analyse qu’Isma et Hajila sont toutes les deux l’ombre et
la sultane, tour à tour elles échangent les rôles auprès de l’homme, dans une atmosphère de
solidarité féminine afin de franchir le seuil du « Harem » de sortir de l’ombre à la lumière,
de renaitre à nouveau en trouvant leur voix en dehors.
La deuxième partie : « Le saccage de l’aube » :
Cette partie est introduite par un extrait des Mille et une nuits (avant la première
nuit) traduction Mardrus :
« Ma chère sœur, j’ai besoin de votre secours dans une affaire très importante
; je vous prie de ne me le pas refuser. Mon père va me conduire chez le sultan
pour être son épouse. Que cette nouvelle ne vous épouvante pas ; écoutez-moi
seulement avec patience. Dès que je serai devant le sultan, je le supplierai de
permettre que vous couchiez dans la chambre nuptiale, afin que je jouisse cette
nuit encore de votre compagnie. Si j’obtiens cette grâce, comme je l’espère,
souvenez-vous de m’éveiller demain matin, une heure avant le jour. »27
Notre écrivaine veut avec son choix pertinent, montrer l’importance de la « sororité »
dans la civilisation arabo-musulmane en faisant référence à Schéhérazade. La sultane
raconte ses récits chaque nuit à son époux le sultan Chahrayar en lui manipulant afin de
26 DJEBAR, Assia, Op.cit., p.p.60-61. 27 Ibid., p.127.
30
s’échapper à la mort et gagner sa vie en reculant le délai de son exécution. Grâce à sa sœur
Dirnazade qui l’aide à s’éveiller chaque aube pour raconter ses histoires merveilleuses. La
sœur, ici, est son double, non pas son ombre. Donc Isma est Dinarzade, elles aident leurs
sœurs Hajila et Shéhérazade afin de sortir de leurs malheur.
La « sororité », ce propos universel qui peut désigner aussi la solidarité féminine à
travers le monde. Cette partie contient des messages implicites qui sollicitent les femmes à
s’entraider entre elles. Elle insiste sur la notion de « sœur » et son rôle de faire dépasser
leurs peines, sœurs, que ce soient avec les liens de parentés ou avec la même cause qui les
réunie :
« Chaque nuit, une femme s’apprête à veiller pour parer au geste sanglant de
l’exécuteur. L’écouteuse, cette fois, est la sœur. Son insomnie assure l’entraide
sans faille ; elle permet d’entrevoir le salut d’avant le jour.
La sœur attend sous le lit. La sœur de l’amante ; parce que sœur justement,
donc interdite au polygame. La sœur de celle qui invente, de celle qui rêve et
qui prévoit, de celle qu’on salue sultane d’un jour et qui se sait victime offerte
au soleil, elle qui, à chaque mot proféré, se meut entre le trône et l’holocauste.
Au centre de la couche se fixe le regard du maitre, lui qui s’interpose dans
l’écoute de femme à femme. Dérive de la conteuse vers l’éveilleuse, au-dessus
et au-dessous de l’estrade d’amour » 28
Le choix n’est pas à l’improviste, il est tellement frappant, Schéhérazade, ce mythe
littéraire exemplifiant la femme écrivaine, la femme qui s’exprime librement en inventant
des histoires selon la situation rencontrée pour pouvoir vivre et exister. Elle est obligée de
raconter et d’inventer afin de sauver sa vie. Cette écriture d’urgence est le point en
commun entre Assia Djebar et Schéhérazade, d’un côté, d’autre coté, ce choix contient des
sens cachés sur la femme intelligente qui a refusé de rester les mains croisées et accepter
son sort de victime. Au lieu de cela, elle s’est débrouillée avec son intelligence et avec
l’aide de sa sœur pour sortir victorieuse d’une mort certaine. Cette solidarité féminine qui
se réfère à nos deux héroïnes Isma et Hajila qui ne se considèrent pas comme deux
ennemies comme la société l’exige, mais plutôt deux sœurs qui partagent les mêmes
soucis. A quoi sert la bataille de deux femmes pour un seul homme pour lui montrer qui est
28DJEBAR Assia, Op.cit., p.133.
31
la meilleure et qui va gagner son attention. Elles ne vivent que par la dépendance à lui et
représentent un objet de plaisir malgré sa maltraitance :
« Derra : en langue arabe, la nouvelle épousée, rivale d’une première femme
d’un même homme, se désigne de ce mot, qui signifie « blessure » :celle qui
fait mal, qui ouvre les chairs, ou celle qui a mal, c’est pareil !
La seconde épouse qui apparait de l’autre côté de la couche n’est-elle pas
semblable à la première, quasiment une parie d’elle, celle-là même qui n’a pu
jouir et vers laquelle l’époux dresse ses bras vengeurs. Sur quoi la première
femme sourit, sourire ambigu. »29
« Un homme ivre a le droit de dériver, mais une femme qui va « nue », sans
que son maitre le sache, quel châtiment les transmetteurs de la Loi révélée,
non écrite, lui réserveront ils ? »30
« O Hajila ! Te déterre hors de ce terreau commun qui embourbe. Les bribes
de scènes d’autrefois affleurent ; elles abordent la rive du récit qui court. Et je
cherche, je cherche comment me présenter à toi puisque, aux yeux des autres,
tu es –ou peut-être est-ce moi qui suis- la coépouse imposée, la femme danger.
Je cherche, avant de poursuivre notre récit, d’où viennent les soupirs, où
s’enfouissent les déchirures de l’âme. »31
Avec cette convocation intertextuelle des Mille et une nuits notre écrivaine a voulu
rendre à son texte son caractère oriental avec toutes ces traditions et cultures communes
arabes. Elle a voulu passer un message à travers son texte en désignant tous les pays arabo-
musulmans et autres concernés.
La troisième partie : « La sultane regarde » :
La troisième partie et la dernière est introduite par un extrait de Victor Hugo, Les
Orientales, Xéme, Clair de lune, 1828 :
« La lune était sereine et jouait Sur les flots
La fenêtre enfin libre est ouverte à La brise
29 DJEBAR Assia, Op.cit., p.126. 30 Ibid., p.124. 31 Ibid., p.185.
32
La sultane regarde »32
Ce recueil poétique représente une quête d’une scène qui reflète le romantisme dont
Hugo ressent profondément le choc provoqué par la vue du tableau de Delacroix : Les
scènes du massacre de Scio (1824, Louvre) et l’exprime dans les Orientales (1829), recueil
de pièces poétiques.
« La sultane regarde » cet acte de regarder exprime un essai sur la réalité de la
femme qui n’a rien qu’observer ; interdite de s’exprimer. Elle occupe le rôle de figurante
sans le moindre droit de donner son opinion. Elle est comme un esprit qui existe mais ne
peut pas parler ni de donner son avis. En fait dans cette partie notre écrivaine met en
évidence le lutte des femmes, du mouvement féministe des années quatre-vingt sur le plan
national et international en produisant son œuvre « Ombre sultane » dans la même période
en 1987, elle considère leur cause la sienne et elle parle de leur place à travers Isma :
« Tour à tour sur la scène du monde qui nous est refusée, dans l’espace qui
nous est interdit, dans les flots de la lumière qui nous est retirée, tour à tour,
toi et moi, fantômes et reflets pour chacune, nous devenons la sultane et la
suivante, la suivante et sa sultane. Les hommes n’existent plus, ou plutôt si, ils
piétinent, ils encombrent. Ils espionnent, les yeux définitivement crevés ! »33
Isma qui a présenté, indirectement, Hajila à son ex-époux pour la remplacer auprès
de lui et auprès de sa fille qui restait avec son père, se trouve responsable d’elle et de sa
liberté prise par le mari, le même homme qui était au début l'amant adoré, l’homme
moderne qui incarne le gentilhomme et le mari compréhensif pour Isma, devenant le mari
intégriste, agressif et insupportable pour Hajila, cette réalité que nous découvrons que vers
la fin où nous comprenons que Hajila a été proposée par Isma à son mari :
« Ai-je voulu te donner en offrande à l’homme ? Croyais-je retrouver le geste
des reines de sérail ? Celles-ci, quand elles présenteraient une autre épouse au
maître, en fait se libéraient aux dépens d’une fausse rivale… Réaffirmais-je à
mon tour mon pouvoir ? Non, je coupais mes amarres. Certes, je t’entravais,
32 DJEBAR Assia, Op.cit., p.187. 33 Ibid., p.210.
33
toi, innocente, depuis que ta mère était devenue mon alliée ou ma complice
selon la tradition ».34
Notre écrivaine scelle son livre avec une manière poétique et touchante en nous
montrant la liberté incomplète d’un vécu tout entier. Le texte se termine par une angoisse
par le fait de ne pas trouver son être :
« Ô ma sœur, j'ai peur moi qui ai crue te réveiller, j'ai peur que toutes deux
que toutes trois, que toutes excepté les accoucheuses, les mères gardiennes, les
aïeules nécrophores nous nous retrouvions de l'Orient”, ce lieu de la terre ou
si lentement l'aurore a brillé pour nous que déjà, de toute part, le crépuscule
vient nous cerner ».35
Djebar nous a fait vivre la situation de la femme algérienne à travers son œuvre. A
travers les personnages féminins dans le roman, nous sommes arrivés à connaître la
condition difficile de la femme, représentative de traditions et de culture algérienne.
Femme et algérienne sont deux identités qui font profondément partie de l’être de la
narratrice ; qui va nous raconter par la suite le drame vécu par sa protagoniste et elle, or, la
société algérienne n’accorde pas facilement une liberté aux femmes, elles sont obligées de
rester derrière les murs, condamnées et noyées dans l’épaisseur de l’ombre et du silence.
34 DJEBAR Assia, Op.cit., p.10. 35 Ibid., p.214.
34
Chapitre III
L’étude narratologique.
35
III.1.La narratologie :
La narratologie est une discipline qui vise à étudier les procédés de la narration, les
techniques et les structures narratives dans le texte littéraire. Elle étudie le texte narratif en
obéissant les règles du récit selon le contenu narratif.
Cette discipline est apparue au 16éme siècle à travers les travaux des formalistes
russes Victor Chklovski et de Boris Eichenbaum avec l’apparition des contes de Vladimir
Bopp. Elle s’est développée après en France et précisément en 1969 par le théoricien
Tzvetan Todorov qui a proposé le terme de narratologie dans « Grammaire du
Décaméron ».
En 1983, Gérard Genette a commencé de développer encore cette notion en
produisant des nouveaux concepts dans son livre intitulé « Figure III ». Il a trouvé qu’il
existe deux narratologies :
« Deux narratologies : l’une thématique, au sens large (analyse de l’histoire
ou des contenus narratifs), l’autre formelle, ou plutôt modale : analyse du récit
comme mode de “représentation” des histoires, opposé aux modes non
narratifs comme le dramatique, et sans doute quelques autres hors-littérature
»36
Dans cette partie, nous allons procéder à l’analyse narrative du roman.Nous avons
opté pour ce genre d’analyse, afin de décortiquer notre corpus. Nous avons pris en
considération quelques catégories analytiques de la narratologie qui nous aident dans notre
recherche.
III.2 .Le récit, L’histoire et La narration :
III.2.1 Le récit :
Le récit est l’acte de raconter, soit oral ou écrit, il correspond à l’énoncé narratif
proprement dit, il représente le contenant, c’est-à-dire les mots qui composent le texte.
36 GENETTE Gérard, Nouveau discours du récit, Paris, Seuil, 1983, p.12.
36
Le temps du récit :
Pour bien étudier notre corpus il nous faut une analyse narratologique à propos le
lien entre le temps de l’histoire qui est les heures, les jours, les mois et les années et le
temps du récit, qui prend en compte la mise en texte et le contenu.
En feuilletant notre corpus « Ombre sultane » nous remarquons que les évènements
de chaque chapitre ne correspondent pas à la chronologie de l’histoire, elle est
interrompue par des prolepses qui ne sont pas assez mais plutôt répétitives en anticipant le
drame comme si notre narratrice Isma sait en avance le sort de Hajila et des analepses qui
sont nombreuses en retournant en arrière. Au fur et à mesure de notre analyse, nous allons
citer les quatre types de représentation du temps narratif dans en donnant des exemples au
sein de notre corpus.
Selon Gérard Genette, il existe quatre types de représentation du temps narratif
dans un récit :
L’ellipse :
Le narrateur relate les évènements de l’histoire sous silence et sans désigner une
date précise :
« Des lits jumeaux sont installés dans la chambre contiguë. Mériem et Nazim,
debout, te regardent t’affairer : tu retournes les matelas, tu étales des
couvertures, tu ranges des coussins que tu as enveloppés de taies brodées à la
main (elles font partie de ton trousseau préparé par ta sœur et toi, des années
durant). »37
Les ellipses sont peu nombreuses, elles occupent une petite partie dans notre corpus.
Sommaire :
C’est une langue durée ou le narrateur relate des évènements dans quelque phrase :
« Vingt ans, l’adolescence est encore proche, les jours sont immobiles, leur
coulée se fait imperceptible, je sors d’une bouche de métro, je saute dans un
autobus, je surgis devant une gare, je me redresse le long d’un boulevard,
trente ans la même silhouette, les yeux plus avides, la flaque des aurores
37 DJEBAR Assia, Op.cit., p.27.
37
glisses, les heures passées à deux sont argile nourricière, quarante ans, le
visage anxieusement se mire par secondes griffées, la marche dans les ruelles
s’entrecoupe d’arrêts, l’avidité de l’œil se fait limpide, le ciel profond, ventre
de tourterelle, mes yeux sont largement ouvert : habillé de noir, l’aimé
s’avance et je souris de notre commune inadvertance à l’égard du Temps. » 38
Dans notre corpus le rythme des sommaires contraste avec la rapidité des scènes
par rapport aux chapitres. Nous remarquons que lorsque les scènes sont ralenties au
premier chapitre les sommaires accélèrent au deuxième.
La pause :
Nous remarquons une description ou le narrateur fait décrire les évènements, les
lieux, et les personnages :
« Tu vas « sortir » pour la première fois, Hajila. Tu portes tes babouches de
vieille, la laine pèse sur ta tête ; dans ton visage entièrement masqué, un seul
œil est découvert, la trouée juste nécessaire pour que ce regard d’ensevelie
puisse te guider. Tu entres dans l’ascenseur, tu vas déboucher en pleine rue, le
corps empêtré dans les plis du voile lourd. Seule, au-dehors, tu marcheras. »
39
Quant aux pauses, elles couvrent les moindres lignes dans notre corpus. Nous
pouvons même dire qu’elles n’existent pas presque, elles ne contribuent pas beaucoup au
rythme de l’histoire, c’est le même cas des ellipses d’ailleurs elles sont les moins utilisées.
La scène :
Il y a une simultanéité entre le temps du récit et le temps de l’histoire :
« Un désarroi t’a saisie. Dans l’avenue populeuse où tu as débouché par
inadvertance, tu interroges le ciel. Un ciel impasse. Sur le côté, une bâtisse
énorme, hangar ou immeuble désaffecté... « Si je ne retrouvais pas le chemin
du retour ?... » Tu luttes contre l’affolement et ses rafales, tu fais demi-tour,
tu… » 40
38 DJEBAR Assia, Op.cit., p.21. 39 Ibid., p.31. 40 Ibid., p.33.
38
Nous remarquons qu’il existe une alternance entre les scènes et les sommaires.
Notre narratrice Isma fait une sorte de balançoire, parfois elle raconte les événements
d’une façon monotones et itérative et parfois elle augmente le rythme. Elle accélère et
ralentit très souvent en mettant l’accent sur des actions et en négligeant d’autres.
III.2.2 L’histoire :
L’histoire est l’ensemble des événements racontés. Elle représente le contenu. Elle
est en quelque sorte ce que raconte le récit.
III.2.3 La narration :
La narration est l’acte de raconter des événements fictifs ou réels.
Selon Genette, tout récit comporte une part de : la narration qui est une
représentation d’action et d’événement. Elle asserte des énoncés de faire.
Elle présente surtout des déroulements dans le temps c’est-à-dire, face à un énoncé
le lecteur attend un déroulement événementiel. « La description qui est une représentation
d’objet et de personnages, elle asserte des énoncés d’état, elle présente des arrangements
dans l’espace, celle d’un personnage au physique et moral devient portrait. »41
Elle est donc une forme artistique d’une époque, une structure littéraire qui est à
chaque fois équivalente à la forme d’expérience et à la façon de penser d’une autre. Elle se
réalise à travers la perception des personnages dont chacun joue un rôle qui se fait une
série des événements qui crée une histoire du roman sous la direction de l’écrivain.
Nous allons évoquer les quatre types de représentation de narration que Gérard
Genette distingue dans « Figure III », en citant des exemples de notre corpus :
III.2.4 Les moments de la narration :
III.2.4.1 La narration ultérieure :
Le narrateur raconte des événements passés précisément le passé simple et
l’imparfait :
41 GENETTE Gérard, Figures I, II et III, Points, Seuil.
39
« Les fenêtres restaient ouvertes, le bruit entrait par gerbes irrégulières ; de
même la poussière. Dans la cuisine, le soleil léchait l’évier ; les casseroles
suspendues, le fourneau à gaz, les choses semblaient t’attendre.
Tu remettais ta robe de coton mauve. Tes mains tâtonnaient sur les boutons du
corsage, sur ta ceinture ; tu savais que tu ne sortirais pas. Pas encore ! »42
III.2.4.2 La narration antérieure :
C’est la situation la plus rare où le narrateur intervient d’une manière anticipée. Il
rapporte ce qui s’est passé dans l’histoire au futur avant que l’action se produit, cette
situation est rare et réservé à un court passage :
« Sourire fugace du visage dévoilé ; l’enfance disparue, pouvons-nous la
ressusciter, nous, les mutilées de l’adolescence, les précipitées hors corridor
d’un bonheur excisé ? Le jet d’eau du patio roucoule… dans quel lieu faire
halte ? Nos rires ont fusé en gerbes évanouies, nos danses se sont emmêlées
hier, dans le désordre de l’exubérance ; quel soleil ou quel amour nous
stabilisera ? » 43
III.2.4.3 La narration simultanée :
Le narrateur ici raconte les événements directement au moment où ils se déroulent.
Il les rapporte en direct en employant le présent de l’indicatif le temps de l'histoire coïncide
avec celui de la narration :
« Tu ne veux plus de ces imageries en guise de siestes. Tu as repris les sorties,
les après-midi. Tu rentres le soir ; tu constates que le soleil est tombé derrière
baie du salon restée ouverte. Tu reviens sonore. Lasse quelque peu. Une
écharpe de bruits émiettés en toi te fait redresser le torse, pencher la nuque ; tu
retrouves les murs dont la vue te heurte. » 44
42 DJEBAR Assia, Op.cit., p.59. 43 Ibid., p.213. 44 Ibid., p.79.
40
III.2.4.4 La narration intercalée :
Le narrateur dans ce cas est un épistolier, nous trouvons ce genre de narration dans
les journaux intimes et les Mémoires, l'avantage ici réside dans le jeu qui peut surgir entre
le temps de l'histoire et la narration.
III.2.5 La voix narrative :
La voix narrative est l’une des étapes primordiales dans l’analyse narratologique,
avant d’entamer ce point il faut d’abord comprendre que le narrateur n'est pas l'auteur de
l'œuvre mais plutôt un personnage inventé par la personne qui écrit l'histoire et qui est à
son tour celui qui prend en charge l’acte de raconter cette histoire dans le texte. Donc la
voix narrative dans ce cas est celle du narrateur qui peut jouer un rôle principale dans les
évènements comme il peut être seulement un témoin.
Gérard Genette dit :
« On distinguera donc ici deux types de récit : l’un à narrateur absent de
l’histoire, qu’il raconte(…), l’autre à narrateur présent comme personnage
dans l’histoire qu’il raconte(…) je nome le premier type, pour des raisons
évidentes, hétéro diégétique, et le second homodiégetique »45
Le narrateur ici est le centre d’intérêt du récit il est chargé par l’auteur pour
raconter l’histoire quelle que soit fictive ou réelle. Sur ce nous plongeons dans son rôle en
étudiant les quatre types de narrateur distingués par Genette :
III.2.5.1 Le narrateur homodiégetique :
Le narrateur homodiégetique est présent comme personnage principale ou
secondaire, il participe aux différents évènements de l’histoire et il prend en charge le récit
qui est raconté à la première personne du singulier « je ». Si le narrateur avoue sa propre
histoire il est autodiégétique :
« Ai-je voulu te donner en offrande à l’homme ? Croyais-je retrouver le geste
des reines de sérail ? Celles-ci, quand elles présenteraient une autre épouse au
maître, en fait se libéraient aux dépens d’une fausse rivale… Réaffirmais-je à
mon tour mon pouvoir ? Non, jecoupais mes amarres. Certes, je t’entravais,
45GENETTE Gérard, Op.cit., 1972, p. 252.
41
toi, innocente, depuis que ta mère était devenue mon alliée ou ma complice
selon la tradition. »46
Dans ce passage nous avons l’impression que la narratrice est en train de raconter
du dedans de la diégése qui signifie dans la narratologie le monde fictif dans l’œuvre
littéraire, Gérard Genette le définit comme :
« la diégese est l’univers spatio-temporel désigné par le récit … Le lecteur ou
spectateur est impliqué doublement dans la diégese, d’une part, quant à
l’assentiment qu’il accorde aux règles de cohérence interne définissant le
monde du récit considéré et, d’autre part, dans l’exercice même de la lecture
qui conditionne son rapport au développement narratif (histoire) réalisant
simultanément l’expansion et la conservation du monde supposé »47
Isma se pose des questions en s’adressant à Hajila et à elle-même.
III.2.5.2 Le narrateur hétérodiégetique :
Le narrateur est absent dans l’histoire, il correspond à une voix non définie et qui ne
fait pas partie des personnages de l’histoire. Il est extérieur à l'histoire et il ne participe pas
à ses événements racontés, donc le récit est à la troisième personne :
« L’une d’elle, Isma, a choisi l’autre pour la précipiter dans le lit conjugal.
Elle s’est voulue marieuse de son propre mari ; elle a cru, par naïveté, se
libérer ainsi à la fois du passé d’amour et du présent arrêté. Dans le clair-
obscur, sa voix s’élève, s’adressant tour à tour à Hajila présente, puis à elle-
même, l’Isma d’hier… Voix qui perle dans la nuit, qui se désole dans
l’éblouissement du jour. »48
III.2.5.3 Le narrateur extradiégetique :
Le narrateur raconte à la première personne de singulier mais il n’est pas lui-même
l’objet du récit, il est extérieur à la narration :
46 DJEBAR Assia, Op.cit., p.10. 47 CHATEAU Dominique, « Diégese et énonciation », Communications, n°38, Paris, 1983, P 128. 48 Ibid., p.9.
42
« Deux femmes : Hajila et Isma. Le récit que j’esquisse cerne un duo étrange :
deux femme qui ne sont point sœur, et même pas rivales, bien que, l’une le
sachant et l’autre l’ignorant, elles se soient retrouvées épouses du même
homme – l’ « Homme » pour reprendre en écho le dialecte arabe qui se
murmure dans la chambre… Cet homme ne les sépare pas, ne les rend pas
pour autant complices. »49
Ce passage dans notre corpus contient le seul « je », cette première personne du
singulier ne s’agit pas de quelqu’un qui appartient à l’histoire mais plutôt il s’agit de
quelqu’un qui est entrain d’observer les deux personnages Isma et Hajila d’une distance, il
n’est pas présent mais il connait tous les détails de l’histoire.
III.2.5.4 Le narrateur intradiégétique :
Le narrateur qu’est lui-même l’objet d’un récit, il est lui-même narré dans un récit
second.
III.2.6 Les focalisations :
Le récit dans un roman est toujours présenté selon de différents point de vue adopté
par le narrateur. Pour de raconter l’histoire et l’analyser il faut se demander : qui oriente la
narration ?
Afin de répondre à cette question nous constatons qu’il existe trois types de
focalisation :
III.2.6.1 La focalisation zéro :
Nous parlons de « focalisation zéro » quand le narrateur prend la place centrale
dans le récit. Il sait tout (les détails, lieux, temps).Il est situé au-dessus de la scène
racontée. Il connait les évènements selon deux niveau : un premier niveau visuel : c’est-à-
dire le décor, les lieux, les personnages…etc. Un deuxième niveau des ressenties : c’est-à-
dire les sentiments, les émotions et les pensées des personnages, Il est marqué par des
indices comme le pronom personnel de singulier, masculin "il "et féminin ″elle″, donc la
vision du narrateur est illimitée.
49 DJEBAR Assia, Op.cit., p. 9.
43
La focalisation zéro nous permet de donner au lecteur un certain pouvoir de
maitriser toutes les situations des personnages et des évènements dans le roman en
présentant le point de vue de l’histoire sous plusieurs angles.
III.2.6.2 La focalisation interne :
Quant à la focalisation interne, le récit est présenté à travers les yeux d’un seul
personnage. Le narrateur peut être le personnage et le narrateur en même temps quand il
s’agit d’un récit au pronom « je », comme il peut être à la troisième personne du singulier,
il prend la place d’un personnage de l’histoire, comme il peut guider le lecteur dans sa
compréhension car il reçoit les évènements à travers la vision du lecteur.
Cette focalisation nous aide à créer le suspens en délivrant que les informations
connues par le narrateur donc l’écrivain présente son histoire d’un seul regard.
III.2.6.3 La focalisation externe :
Nous parlons de la focalisation externe quand le narrateur ne saisit que l’aspect
extérieur des choses, il se situe à l’extérieure de l’action racontée. Il est complètement
objectif, sa façon de nous transmettre l’histoire n’est pas perturbée par les sentiments des
autres personnages donc il ne connait rien de leurs ressenties. Il s’agit d’un narrateur
observateur. Il observe les évènements en dehors de la scène et il les rapporte comme si ils
se déroulent sous l’œil d’une caméra qui filme les différentes scènes du récit. Il ne nous dit
pas tout ce qu’il sait. Dans ce cas-là cette focalisation nous permet de provoquer d’une part
la curiosité du lecteur, nous ne lui donnons aucun indice qui lui permet d’anticiper ce qui
va se produire et d’autre part son imagination en lui laissant la liberté de déduire le
cheminement des actions.
A travers les deux premières pages qui représentent une sorte d’introduction et du
préambule à notre corpus « Ombre sultane » nous commençons notre analyse. Selon ce
dernier nous voyons que le lecteur peut se renseigner du progrès de la relation des deux
femmes et de ce qu’il va se passer après.
En analysant ce préambule nous constatons qu’Isma est celle qui est chargée de
nous transporter les événements de l’histoire. Elle s’adresse à Hajila qui la considère au
fond d’elle comme « Isma du passé ». Elle raconte donc son histoire ainsi que l’histoire de
44
Hajila et parfois elle se médite, elle se voit de l’extérieure comme si elle voyageait dans le
temps pour mieux réfléchir :
« Isma, l’impossible rivale tressant au hasard une histoire pour libérer la
concubine, tente de retrouver le passé consumé et ses cendres. Cette parleuse,
aux rêves brûlés par le souvenir, est-elle vraiment moi, ou quelle ombre en moi
qui se glisse, les sandales à la main et la bouche bâillonnée ? Éveilleuse pour
quel désenchantement… » 50
Ce passage nous montre la différence entre Isma la narratrice et Isma le personnage
avec sa déclaration « est-elle vraiment moi ? », qui nous exige d’employer les deux termes
évoqués par Gérard Genette51 le premier est le « Je narrant » qui se manifeste dans :
« Moi, Isma, qui m’apprête à quitter définitivement la ville, pourquoi n’ai-je
pas pressenti le mélodrame ? Pourquoi suis-je condamnée à provoquer les
ruptures ? Pourquoi, revenue sur les lieux de l’adolescence, ne puis-je pas être
la guérisseuse ? »52
Isma ici s’expose exprès comme narratrice et se fait visible. Elle narre ce qu’elle a
vécu autant que personnage et se pose des questions à elle-même de sa propre situation.
Le deuxième est le « Je narré » où elle parle et s’adresse à Hajila en même temps.
Ce « je » qui domine le récit et qui fait apparaitre d’autres pronoms tels que le « tu » de
Hajila et le « nous » qui les réunie, parce qu’elles deviennent ensemble plus fortes comme
une tentative de se solidariser. Cette fréquence dans l’emploi des pronoms est expliquée
par le changement des évènements. Cette voix qui varie entre les pronoms a une
importance par rapport au contenu. Nous trouvons que, tantôt, Isma parle directement à
Hajila et tantôt elle parle d’elle en racontant sa vie, son passé et son enfance, en voulant
séparer entre Isma l’enfant, Isma l’adulte et Isma l’épouse. Elle a tout le contrôle de
l’histoire. Elle nous donne l’impression d’appartenir tout le pouvoir sur les actions du récit
et même sur Hajila en la représentant comme si elle est sa création sans oublier de nous
rappeler du lien de sororité et les points en communs entre elles tout au long du roman sous
une forme de complicité. Donc l’assemblement entre le « je » et le « tu » a été toujours
50 DJEBAR Assia, Op.cit., p.185. 51 GENETTE Gérard, Narrative Discourse : An essay in method. Ithaca, Cornell University Press, 1980. 52 Ibid., p.107.
45
dans son imagination avant avoir rencontré. Alors nous pouvons dire ici que nous
recevons l’histoire selon sa perspective :
«Touma, autrefois, aimait s’accroupir dans la couette ; elle allongeait ses
jambes qui dépassaient du saroual bariolé, en poussant de voluptueux soupirs.
C’était l’heure de la sieste, le plus souvent. Hajila, tu accourais, fillette, puis
adolescente. Tu écoutais le récit maternel : un flux de murmures se
chevauchant par à-coups-mémoire qui hésite, tandis que le soleil traverse les
feuilles de la treille et atteint le front, les yeux de la diseuse que se
délivre… »53
« « Hajila, encore engourdie par le sommeil, à l’aube, entendait confusément
le conciliabule des parents : dans son ensommeillement, elle tentait de toutes
ses forces de reconnaître la voix paternelle qui semblait ponctuer les exposés
monocordes de Touma. Elle perçut un jour clairement que la mère énumérait
ainsi toutes les dépenses passées et présentes. Le père répétait par intervalles
« comme tu veux, femme !...comme tu veux, femme ! ». Son timbre était chaud,
mais l’intonation comme lasse, ou soumise. Hajila garda longtemps en elle ce
souvenir auditif, comme une écharde. »54
« C’est toujours moi qui te parle, Hajila. Comme si, en vérité, je te créais. Une
ombre que ma voix lève. Une ombre-sœur ? Les sœurs n’existent-elles que dans
les prisons – celles que chacune élève autour d’elle, forteresses de l’extase… »
55
« Hajila, tu ne savais pas que j’étais revenue dans cette ville après tant
d’années d’absence. Dix-huit ans, l’adolescence violente, j’allais à des rendez-
vous d’amour en me répétant : « Que Père le sache, je me tuerai ! » Nous
avions fini par nous fiancer protocolairement ; toutefois, la veille de la
cérémonie, j’avais quand même tenté de me tuer. Par ivresse, par délire
incoercible. »56
53 DJEBAR Assia, Op.cit., p.84. 54 Ibid., p. p 87-88. 55 Ibid. p.116. 56 Ibid. p.98.
46
« Comme moi, Hajila, l’odeur de la bière t’écœure ; tu te forces à la supporter.
Se laver mains et visage ensuite, et la bouche, même si c’est l’autre qui boit ;
ouvrir la fenêtre, fermer la poubelle débordant de bouteilles souillées ; mettre
de côté l’éponge maculée du liquide déversé. »57
« Comme toi, j’ai vécu cinquante débuts, cinquante instructions de procès, j’ai
affronté cinquante chefs d’accusation ! Je m’imaginais, comme toi, les avoir
provoqués. J’ajoutais des propos que je croyais provocateurs ! Vertige de
parole développement ses rets dans l’espace, face à la folie monotone du
mâle !... De tout temps les aïeules ont voulu nous apprendre à étouffer en nous
le verbe « Se taire, recommandaient-elles, ne jamais avouer. » » 58
« Tour à tour, sur la scène du monde qui nous est refusé, dans l’espace qui
nous est interdit, dans les flots de la lumière qui nous est retiré, tour à tour, toi
et moi, fantômes et reflets pour chacune, nous devenons la sultane et sa
suivante, la suivante et sa sultane ! Les hommes n’existent plus, ou plutôt si, ils
piétinent, ils encombrent. Ils espionnent, les yeux définitivement crevés ! »59
Femme ou victime, Isma a pris en charge la mission de narrer le récit complet, elle
se trouve au niveau extradiégétique sans oublier le rôle qu’elle occupe comme l’une des
deux protagonistes qui lui rend une narratrice homodiégétique. Nous pouvons constater
que le changement dans les niveaux narratifs change selon le contenu et la thématique du
récit, la structure du texte repose sur une dualité et une dichotomie constante. Nous
pouvons dire aussi que le texte se fait plus intimiste, parce qu’il relève de plus en plus des
passages narratifs qui renvoient à des événements relatifs à la vie de la narratrice.
Nous séparons notre étude en commençant d’analyser les passages qui traitent
l’histoire de Isma d’abord puis nous passons à ceux qui traitent l’histoire de Hajila.
Son histoire débute par un mélange de souvenirs qui les raconte et les revit en même
temps. Elle narre sa vie du passé. Ici nous remarquons une variation entre la focalisation
externe et la focalisation interne, parfois externe quand elle parle de son enfance et son
incompréhension de certaines actions qui tournent autour d’elle et de certaines expressions
qu’elle comprendra à sa manière après quand elle sera adulte, elle revit les émotions et les
57 DJEBAR Assia, Op.cit., p.119. 58 Ibid., p.120. 59 Ibid., p.210.
47
instants détail par détail à nouveau et son passé devient le présent de l’histoire comme si
elle est entrain de voir la jeune Isma, ses grimaces et ses vêtements. Elle se souvient aussi
de son mariage et les moments qu’elle a partagé avec le mari, donc la focalisation est
interne à chaque fois elle évoque un souvenir :
« O souvenirs, je ferme les yeux en plein soleil, mais du cœur de la pénombre,
en arrière, un bruit d’ailes frissonne dans le pigeonnier. Ô souvenir, jours
d’été ou jours de pluie, je flâne dans les rues de quelque capitale ; tantôt c’est
la mode des robes longues, j’ai l’impression de danser au moindre mouvement,
sur mes mollets battent les pans d’une jupe couleur cuivre, blanche parfois, ou
d’un bleu pâle comme les prunelles de l’homme qui m’attend ; tantôt jambes
nues et genoux à demi découverts, le buste serré, je me sais mince, jaillissante
hors la ceinture de cuir, le pas hâtif, la nuque gracile, je tourne la tête d’un
coup, je surprends ses yeux lents su mon profil non fardé, ah ce soleil, ces
promenades, mon corps qui navigue, tant et tant de fois il n’arrive de flotter
dans le faisceau des regards alentour. » 60
« chaque nuit, j’affine la connaissance de l’autre par degrés imperceptibles –
éprouver le creux de son cou, la confiance de ses épaules, tâter d’un doit qui
prend son temps toutes ses cotes, percevoir les battements de son cœur tout en
levant les paupières vers son visage ; retrouver sous ma paume, qui glisse
contre son ainé, puis son ventre, le rapport connu des jambes avec les
hanches ; retracer la forme du crâne, le considérer d’un œil scientifique avec
des mains d’archéologue. Mes caresses deviennent gestes d’arpenteur. »61
« Je poursuivis mes études dans la capitale. Pour cela j’entrai en pension :
quelques rares jeunes filles, comme moi préservées de la claustration tout en
continuant à la longer rêveusement, à cause de cette proximité ou de cette
menace s’y sentaient doublement étrangères à leurs condisciples européens,
filles des colons de la plaine. »62
Quant à la focalisation externe, Isma se distancie de l’histoire elle est dans la
neutralité et elle raconte à la troisième personne :
60 DJEBAR, Assia, op.cit. P.20. 61 Ibid. P.71. 62 Ibid. P.174.
48
« L’une d’elles, Isma, a choisi l’autre pour la précipiter dans le lit conjugal.
Elle s’est voulue marieuse de son propre mari ; elle a cru, par naïveté, se
libérer ainsi à la fois du passé d’amour et du présent arrêté. Dans le clair-
obscur, sa voix s’élève, s’adressant tour à tour à Hajila présente, puis à elle-
même, Isma d’hier... » 63
« L’enfant entend la voix ; plus tard tellement plus tard, la fillette deviendra
femme. Pas la première nuit, pas les premières nuits, mais après avoir traversé
le désert de l’accoutumance, que l’errance protège, que la ferveur allège. D’un
coup, sa voix fusera.
Sitôt que le corps chante, la mémoire, terrée de longues années, s’aiguise.
Elle retourne au-dessous du lit parental. »64
Passons maintenant aux passages qui traitent l’histoire de Hajila à travers le point
de vue de notre narratrice Isma. Elle raconte son histoire selon sa propre perspective. Donc
la focalisation est interne surtout lorsque elle la tutoie en s’adressant directement à elle
malgré l’absence physique des deux, elles discutent comme si Hajila est présente et elles
sont face à face s’échangent la parole. D’autre part, Isma nous délivre même les pensées de
Hajila :
« Comme si tu pouvais parler ! Dehors, tu es ; ne le savent-ils pas ? Le
souvenir de la femme qui riait te revient. Tu pourrais t’entendre à ton tour
t’exclamer, ou chanter, pourquoi pas… Mais, quand tu te libères du drap, que
tu déambules, ta voix te semble reléguée ailleurs. Elle ne te redevient présente
qu’aux derniers moments, après que tu t’es renveloppée de la pelisse, juste
avant ta remontée du retour. » 65
« Sans voile ! Comment porter durant des mois interminables un enfant ? tu te
demandes : « Y a-t-il des femmes lourdes, y a-t-il des corps chargés qui se
meuvent au dehors ? Ai-je aperçu des femmes enceintes, à la fois enceintes et
dévoilées ? Des étrangères qui vont chez le médecin et qui accoucheront en
clinique ! » .»66
63 DJABAR Assia, Op.cit., p.9. 64 Ibid., p.132. 65 Ibid., p.62. 66 Ibid., p..103.
49
Parlons maintenant de la focalisation externe. Isma a changé les rôles, c’est Hajila
qui pense et qui perçoit maintenant :
« Dans le bidonville, Touma accueille l’aveu en poussant un hululement, tu
regardes sa gorge vibrant dans le triomphe. Quel triomphe, quelle défaite ?...
« Est-il possible que je ne sorte plus ? », penses-tu. » 67
Pour conclure, l’explication de cette variation des focalisations entre l’interne et
l’externe est le fait qu’Isma veux partager avec nous l’histoire d’« Ombre sultane » non
seulement selon son point de vue mais aussi selon celui de Hajila comme une sorte de
répartition des rôles afin de lui donner une voix et un poids et pour lui montrer qu’elle
existe malgré le mépris de sa société dans le cadre de la solidarité féminine.
Après avoir donné un aperçu sur l’approche Narratologique nous passons à l’étude des
personnages qui nous aidera de mieux comprendre notre corpus.
67 DJEBAR Assia, Op.cit., p.99.
50
Chapitre IV
L’étude des personnages.
51
La littérature algérienne de langue française a connu dans son début une certaine
lenteur, car elle était réservée aux hommes. Les femmes écrivaines n’en avaient aucun
poids, et avec le temps elle s’est développée grâce aux travaux de ses dernières et leur
conscience intellectuelle. Ces écrivaines vont s’imposer plus tard avec leurs sujets
revendicateurs dont les personnages féminins font l’exception. Ces personnages sont
considérés comme sujets tabous à cause de leur sensibilité qui évoquent son corps, ses
relations et son statut dans la société algérienne qui la marginalise comme le remarque
notre écrivaine :
« L’Algérie était devenue comme l’a remarqué Assia Djebbar et toutes les
autres femmes actives, L’Algérie devenue plus que jamais un pays d’hommes,
il y a eu un laisser-aller et une attitude lâche envers les femmes leur laissant la
responsabilité de lutter contre la société et les traditions et en les privant des
textes juridique »68
Sur ce, nous pouvons dire que les femmes ont fait leur mieux pour lutter contre la
voix masculine et les traditions injustes pour franchir les obstacles qui les empêchent de
s’exprimer et mettre le premier pas dans la littérature féminine.
Assia Djebar est la première femme qui atteint un stade très avancé de maturité
dans l’écriture romanesque, elle a toujours mis la femme au centre de ses écrits donc il est
évident que notre écrivaine les rend ses personnages principaux.
« Le personnage romanesque s'inscrit dans un genre étroitement lié à
l'évolution des sociétés, notamment à leur évolution économique. Lucien
Goldmann a pu ainsi écrire que« la forme romanesque est la transposition sur
le plan littéraire de la vie quotidienne dans la société individualiste née de la
production pour le marché»»69
Selon Goldmann le roman est un reflet de la société. C’est ainsi que nous trouvons
dans un roman.
68 Baaya Ahcéne, interculturalité et éclatement des codes dans ces voix qui m’assiègent d’Assia Djebbar,
Mémoire de magister 2006, Constantine 69 GOLDMANN, Lucien, Pour une sociologie du roman,
http://www.sitemagister.com/grouptxt4.htm#ixzz33C9OMksT,
52
IV.1. Les caractérisations du personnage dans un roman :
Le nom :
Selon Philippe Hamon :
« Etudier un personnage c'est pouvoir le nommer. Agir pour le personnage
c'est aussi et d'abord pouvoir épeler, interpeller, appeler et nommer les autres
personnages du récit. Lire, c'est pouvoir fixer son attention et sa mémoire sur
des points stables du texte, les noms propres».70
Les dénominations :
Ils existent des cas où un personnage ne porte pas un nom pour des raisons connues
que par l’écrivain et c’est le cas du personnage de notre corpus qui est mentionné comme
« l’homme » ou « le mari ».
Le Portrait physique :
Philippe Hamon dit aussi quant au portrait physique : « Le portrait qui est
expansion se présente sous la forme d'une description ».71
Le corps :
C’est tout ce qui décrit le physique du personnage et son image acoustique : la
beauté et la laideur, l’obésité et la minceur…etc.
Le psychologique :
C’est tout ce qui tourne autour la psychologie du personnage, ses pensées, ses
sentiments, sa mentalité et les conflits intérieur qui se passent dans la vie intérieure de ce
dernier.
L’habit :
C’est le style vestimentaires des personnages qui reflète leurs sociétés, leurs
idéologies, leurs origines, leurs classes sociales et pleines d’autres informations.
70 PHILIPPE Hamon, pour un statut sémiotique du personnage, poétique, Paris, édition du seuil, 1979, P.128. 71 Ibid. P.134.
53
Le biographique :
C’est la vie des personnages, son passé et son présent jusqu’à sa mort dans
l’histoire qui aide à bien les visionner.
L’Age :
Les personnages, enfants, jeunes, adules, ou vieux.
Le sexe :
Hommes ou femmes.
Bien évidement ces personnages occupent des rôles qui se différencient dans le
degré de l’importance et le cadre romanesque soit thématique ou actantiel, selon Vincent
Jouve :
«Si le rôle actantiel assure le fonctionnement du récit, le rôle thématique lui
permet de véhiculer du sens et des valeurs. De fait, la signification d'un texte
tient en grande partie aux combinaisons entre rôles actantiels et rôles
thématiques».72
Le rôle thématique: il indique le personnage comme un porteur du sens en ce qui
concerne la valeur et statut, il renvoie à des catégories (psychologique, sociales du
personnage) qui permettent d'identifier l’acteur sur le plan du contenu.
Le rôle actanciel : c’est le rôle des personnages dans une création fictive, ce rôle actanciel
rassemble l’ensemble des rôles avec la fonction de la narration dans le récit.
Nous pouvons dire que dans un récit, les personnages représentent une critique
sociale. Ils sont des êtres imaginaires, des êtres de papiers et des intermédiaires qui relient
le monde réel et le monde fictif. Ils cachent derrière ses représentations l’idéologie de
l’écrivain. Dans un roman ils peuvent être introduits par trois manières, soit par l’auteur,
par un autre personnage ou ils se présentent eux-mêmes
IV. 2. Les catégories des personnages selon Philippe Hamon :
Les études de Philippe Hamon dans le personnel du roman considère le personnage
en tant que signe linguistique, c'est-à-dire muni d’un signifiant (image mental du son,
72 JOUVE Vincent, La poétique du roman, Éd. Armand Colin, 1997, p.53.
54
expression phonique) et d’un signifié (concept, contenu sémantique dans son article « pour
un statut sémiologique du personnage »73, il définit les personnages selon trois catégories:
Personnage référentiel :
C’est le personnage qui renvoie à une réalité historique par exemple Napoléon dans
les Rougon de Macquart, mythologique ou social (par exemple il représente des classes
particulières dans la fiction l’ouvrier, le chevalier…).c’est ce que Barthes appelé « effet de
réel »74.
Dans notre corpus Shéhérazade est l’exemple du personnage mythique, notre
écrivaine a voulu créer une sorte de comparaison entre Shéhérazade et Dinarzade et Isma et
Hajila afin d’évoquer le thème de la sororité et de montrer l’importance de la solidarité
féminine.
Personnages embrayeurs :
C’est le personnage qui marque la présence en texte d’un lecteur « un personnage
porte-parole »75.
Dans « Ombre sultane » Isma est le personnage chargé de nous raconter les
histoires des autres personnages, elle nous narre leurs souvenirs, leur passé et même leurs
émotions.
Personnage anaphore :
C’est le personnage qui se renvoie au système romanesque, « tissent dans l’énoncé
un réseau d’appels et de rappels à des segments d’énoncés disjoints et longueurs variables
(un syntagme, un mot…) […] Ils sont en quelque sorte les signes mnémotechniques du
lecteur : personnages de prédicateurs, personnages doués de mémoire, personnages semant
ou interprétant les indices »76.
Selon Roland Barthes :
73 HAMON Philippe, « pour un statut sémiologique du personnage », in poétique du récit, Seuil, coll. point,
1977. 74 BARTHES Roland, « l’effet du réel » paru dans la revue communication n11, Paris, édition du seuil, 1968. 75 HAMON Philippe, pour un statut sémiotique du personnage, poétique, Paris, édition du seuil, 1979, p.45. 76 Ibid., p.96.
55
« L’analyse structurale, très soucieuse de ne point définir le personnage en
termes d’essences psychologiques, s’est efforcée jusqu’à présent, à travers des
hypothèses diverses, de définir le personnage non comme un « être », mais
comme « un participant » »77
Il considère le personnage comme celui qui fait avancer l’action au fil de l’histoire
romanesque à travers son rôle fonctionnel. Il n’est pas seulement un être mais un acteur
majeur dans les évènements.
Ces théoriciens ont défini la notion du personnage selon leurs opinions mais le
point en commun partagé entre eux : c’est le fait que les personnages sont devenus une
réflexion de la société réelle en créant une relation entre eux et le lecteur .Ils jouent un rôle
primordial dans la construction de l’histoire.
Au cours de cette analyse, nous allons tenter de faire une quête ou plutôt une
identification de ces êtres, comment Assia Djebar a-t-elle transporté ses personnages? Quel
est leur rôle dans le roman ? Est-ce que ces personnages représentent réellement la société
algérienne de cette époque?
La date de publication d’ « Ombre sultane » se coïncide avec le temps du
féminisme en Algérie et de la création de l’U.N.F.A l’union des femmes algériennes issue
du F.L.N., Parti unique en Algérie à l’époque. Cette action remarquable dans le but
d’entreprendre des nouveaux chemins pour les femmes et de créer une nouvelle conscience
d’une culture féminine opposante à la domination exercée sur les femmes.
En s’inspirant de ces événements et par son roman, Assia Djebar fait une critique
profonde de la société algérienne, elle analyse le statut de la femme dans cette dernière à
travers ses personnages principaux dont les actions du roman tournent autour. Isma et
Hajila, deux femmes mariées successivement au même homme, elles sont au centre de
l’histoire, certes elles sont différentes mais cette différence ne pose aucun problème pour le
rapprochement de leur vie, ce rapprochement s’évolue dans une sorte de sororité et de
solidarité. Notre autre aide les femmes à se voir de nouveau et à voir la vie autrement. Sans
oublier les personnages secondaires qui apportent beaucoup à l’histoire, qui vont épauler
nos deux héroïnes et qui jouent différents rôles dans la narration :
77 Roland Barthes cité par Vincent Jouve, pour une analyse de l’effet personnage, p. 104.
56
- Touma la mère de Hajila.
- Meriem la fille d’Isma.
- Nazim l’enfant adopté par Hajila.
- La belle-mère
- Kenza la jeune sœur de Hajila.
- Le frère de Hajila.
- Le père de Hajila.
Dans notre corpus, Assia Djebar se manifeste à travers ses personnages féminins,
leur suffocation dans une société ancestrale alourdie par le poids des chaînes sociales qui
minimisent le statut de la femme, elle raconte une histoire de femmes dans un monde
d'hommes. Les personnages féminins, chez Assia Djebar sont presque identiques : ces
femmes sont en quête de leur identité, à la recherche d’un « je » perdu. Elles se distinguent
des autres femmes qui se sentent opprimées par et dans un monde masculin ; elles
revendiquent le droit d’être des personnes à part entière. Parallèlement, l’auteur remet en
cause les tabous et les visions étroites et fausses de la femme. Ces personnages féminins
représentent un intérêt particulier pour la romancière parce qu’ils sont les porte- paroles de
celle-ci exprimant ainsi sa vision du monde, son idéologie, et ses convictions.
Elle transpose dans la fiction des situations vécues par de nombreuses femmes, dont
elle-même, bousculant des traditions, refusant cette misogyne qui repose sur l’opposition
binaire homme/femme allant jusqu’à priver les femmes du droit à la vie.
Elle devient, alors, la voix de celles qui prennent leur mal en patience en dénonçant
certaines pratiques, contre les femmes, en donnant toute la liberté à ses personnages
femmes de s’exprimer aisément et d’oser dire le non-dit dans la vie réelle à travers ses
personnages principaux. C’est le cas d’Isma et Hajila dans notre corpus.
Nous avons focalisé sur ces deux héroïnes et leur époux, en analysant cette relation
triangulaire tout au long du parcours des deux femmes, aux destins tout à fait opposés,
mais qui réussissent d’échapper aux contraintes de l’autre pour« regarder vraiment » le
monde-jamais-vu : l’une choisit la vie, l’autre la mort dans la présence de cet époux.
Dès la première page du roman notre romancière nous présente les deux
personnages féminins :
57
« Ombre et sultane ; ombre derrière la sultane.
Deux femmes : Hajila et Isma. Le récit que j’esquisse cerne un duo étrange :
deux femmes qui ne sont point sœurs, et même pas rivales, bien que, l’une le
sachant et l’autre l’ignorant, elles se soient retrouvées épouses du même
homme – l’ « Homme » pour reprendre en écho le dialecte arabe qui se
murmure dans la chambre … Cet homme ne les sépare pas, ne les rend pas
pour autant complices. »78
Nous commençons notre analyse avec :
Isma :
La narratrice de l’histoire parle de sa vie, son vécu et son malheur, ses rêves, ses
ambitions et son expérience avec l’homme en voulant conseiller Hajila la coépouse de loin
sans qu’elle lui parle. Ces conseils comprennent non seulement Hajila mais toutes les
femmes algériennes. Elle les incite de la suivre dans le chemin de liberté, de lutter contre
l’injustice sociale qui favorise les hommes et de leur donner la chance de choisir leur
destinée, nous remarquons qu’Isma est le pluriel du « Ism » en arabe, Assia Djebar et avec
son choix du prénom a voulu dire que son personnage parle en son nom et au nom de
toutes femmes, elle dit dans la page 22 : « je ne possède plus ni voile , ni visage « Isma »
j’éparpille mon nom , tous les noms dans une poussière d’étoiles qui s’éteignent »79
Nous avons vu qu’elle a une forte personnalité, instruite et éduquée elle a vécu en
France donc elle a été libérer du harem par son père qui l’a introduit à l’école française. En
parcourant le roman, nous constatons qu’Isma est un personnage intransigeant qui ne veut
pas renoncer à ses ambitions, malgré son amour à son mari, son obstination lui a poussé de
tout faire pour avoir sa liberté prise par la dominance de ce mari. Nous remarquons aussi
qu’elle est l’ombre et la sultane à la fois, la sultane parce qu’elle a eu l’initiative d’agir par
elle-même au lieu de subir l’emprise des traditions, de sa famille ou d’un homme et elle
devient ombre parce qu’elle veille sur Hajila, tout en la guidant vers la lumière. Elle lui
donne la clé de sortir des ténèbres et elle devient une ombre pour cette sultane qui décide
de « vivre » et de ne pas rester soumise toute sa vie.
78 DJEBAR Assia, Op.cit., p.9. 79 Ibid., p.22.
58
Hajila :
La deuxième épouse qui représente le centre de notre roman dont il parle dans sa
totalité de sa peine : « Tu as toujours compris les étrangers quand nous étions aux Dunes,
o Hajila la bien nommée, toi, la plus vive des cailles ! »80
Elle apparait dans la page 15.Notre écrivaine explique le nom de Hajila – qui en
arabe signifie « petite caille » - et elle nous donne la possibilité d’imaginer et de deviner le
destin de cette jeune femme qui ne reste pas dans sa cage. Cette cage est pour elle son
appartement dans lequel elle est restée si longtemps. Finalement l’oiseau trouve son
chemin et s’envole avec toute liberté dans l’azur du ciel.
Hajila a un regard particulier, il vient d'un seul endroit, d'un seul œil sélectif qui a
une vision limitée du mode qui possède les qualités requises pour s'attarder sur les détails,
focalisé sur des grands projets ou au contraire, resté loin de ses objets jusqu'à ce qu'ils
fanent. Cette vision d’un sens unique renvoie aux conditions familiales qu’elle a vécues.
C’est une adolescente qui passe de la maison de ses parents sous le régime de son père à la
maison du mari sous un autre régime imposé par lui. Son innocence est détruite et sa
liberté est étouffée directement après son déménagement à la nouvelle maison maintenant
c’est son époux qui a le droit de vie et de mort sur elle et elle devient la prisonnière d’une
maison supposément la sienne.
Cette femme traditionnelle, obéissante, persécutée et méprisée par le mari qui la
maltraite en l’humiliant régulièrement, réussit de briser la loi de l’interdit et sort de
l’ombre à la lumière en cherchant sa liberté. En lisant le roman nous remarquons que
Hajila et Isma ne sont pas différentes mais elles se complètent en cherchant d’atteindre les
mêmes buts. Notre écrivaine a tout résumé dans cette citation, nous pouvons dire que vers
la fin Hajila sort enfin au soleil, au moment où elle sort sa face des ténèbres, Isma
s'enfonce dans l’obscurité :
« Tour à tour, sur la scène du monde qui nous est refusée, dans l’espace qui
nous est interdit, dans les flots de la lumière qui nous est retirée, tour à tour,
toi et moi, fantômes et reflets pour chacune, nous devenons la sultane et sa
80 DJEBAR Assia, Op.cit., p.68.
59
suivante et sa suivante ! Les hommes n’existent plus, ou plutôt si, ils piétinent,
ils encombrent. Ils espionnent, les yeux définitivement crevés ! »81
Le mari :
Ce personnage anonyme dont nous connaissons peu d’informations telles qu’il est
buveur, vit en France et marié de deux femmes, l'homme dans notre corpus est face à une
situation d'Œdipe inconsciente sous le fait que le sentiment de possession de la belle-mère
se place comme obstacle entre le couple qui met la mère en compétition où elle est rivale
de l'amour plus qu’elle est rivale de la femme en elle-même.
A travers le statut du mari nous pouvons noter que l’homme représente aussi
l’ombre, parce qu’il empêche les deux femmes d’évoluer, de voir la lumière du soleil avec
leurs propres yeux. C’est pour cette raison qu’il est toujours mentionné par « l’Autre », l’
« homme » ou « il », il n’est jamais mentionné par son nom.
Le message transmis par le roman est très implicite qui se résume dans l’hypocrisie
et l’injustice de la société quant aux hommes, quelle que soit l’épouse instruite ou
analphabète, issue d’une famille aisée ou des bidonvilles, l’homme reste un homme, il a
toujours raison et ses ordres sont toujours indiscutables malgré sa maltraitance et son
manque de compréhension, les femmes n’ont pas le droits de réclamer :
« Maugréant des malédictions, l’homme se redresse ; il t’ordonne d’essuyer le
sang et d’aller te cacher. Tu ne bouges pas, femme statufiée à l’ouïe vivante.
Lui s’empresse de dissimuler ce qu’il juge « traces de méfaits », les
bouteilles. »82
Nous ne pouvons pas conclure sans faire un rappel aux personnages mythiques
Schéhérazade et sa sœur Dinarzade ces personnages référentiels de la sororité qui est le
thème principal de notre roman. Elle est une sorte de solidarité féminine. Elle donne le
pouvoir aux femmes pour se protéger, se défendre et s’entraider afin d’avoir leurs droits.
L’analyse des personnages du roman « Ombre sultane » a abouti aux résultats
suivants, nous avons constaté qu’Assia Djebar à travers les deux protagonistes du roman
s’adressent aux femmes algériennes en voulant leur dire qu’elles sont fortes quand elles
81 DJEBAR Assia, Op.cit., p.210. 82 Ibid., p.124.
60
s’entraident, elle les incite à fournir plus d'efforts pour pouvoir se libérer de leur grande
prison.
L’auteur a produit une structure homogène et variée du système des personnages
tout en faisant une profonde analyse de la femme et son statut dans la société algérienne.
Nous avons constaté aussi une description minutieuse de l’homme algérien qui a tout le
pouvoir, c’est celui qui contrôle, en exposant le rôle de la sororité et la solidarité féminine
dans le roman pour une confirmation de l’identité de la femme algérienne dans une société
arabo-musulmane avec ses traditions et sa culture.
61
Chapitre V
Le féminisme et la littérature féminine Algérienne.
62
V.1. Le féminisme:
Le féminisme est un mouvement révolutionnaire philosophique intellectuel et
occidental visant les dominations masculines déloyales et mettre les femmes dans une
position active dans la communauté. Le système intellectuel féministe et défenseur des
intérêts des femmes appelle à l'expansion de leurs droits en l’émergeant historiquement
dans la société capitaliste libérale comme le mouvement pour l'émancipation des femmes
au XIXe siècle. Il est une réaction à la détérioration de la situation des femmes au cours de
la révolution industrielle et ses conséquences. Il a échoué au XXe siècle où il cristallise les
revendications féministes méditées par certaines associations et les femmes ont obtenu le
soutien des Nations Unies en 1945.
La raison de l'émergence de ce mouvement et sa propagation dans l’occident
premièrement : par rapport à l'image des femmes dans les sources religieuses et culturelles
occidentales, dans l'héritage juif et chrétien, une femme dans ce patrimoine est à l'origine
du péché : situation ayant abouti aux dispositions ultérieures et d'autres descriptions des
femmes et deuxièmement : la position de nombreux penseurs et philosophes occidentaux
envers la femme : nous citons à titre d’exemple Platon un philosophe grec qui met les
femmes dans nombreux de ses livres avec les esclaves, les méchants, les fous et les
malades. Descartes aussi à travers sa philosophie bilatérale, qui repose sur l'esprit et la
matière. Il relie l'esprit à l’homme et le matériel à la femme. Nous avons aussi Kant, qui
décrit les femmes comme étant faibles dans tous les domaines, en particulier dans les
capacités mentales, ainsi que le philosophe de la Révolution française, Jean-Jacques
Rousseau, qui dit que les femmes ont été créées pour le sexe et pour la reproduction
seulement. Les défenseurs féministes prennent ces déclarations et d’autres comme un point
de départ pour défendre leur cause. Le mouvement s’est déplacé après à certains pays du
monde, en particulier dans le monde arabe et musulman par l'invasion militaire et culturelle
y compris les pays du Maghreb.
La création du mouvement féministe au Maghreb a été premièrement dans les
années quarante. Il était un acte national des femmes nationalistes plus qu’un mouvement
féministe. Cela renvoie à la nature de la phase vécue par ces pays durant le colonialisme.
Après l'indépendance, ce mouvement est devenu un acteur fort dans le domaine du
développement. Il s’est transformé avec l'émergence des partis politiques et le féminisme
mondial. Après les années cinquante aux concepts saturés du mouvement féministe
63
mondial avec la même structure intellectuelle, en particulier dans les années quatre-vingt et
au-delà, il est devenu purement et officiellement un mouvement reconnu avec toutes les
considérations internes et externes. Bien sûr il y a certains facteurs qui ont contribué d'une
façon ou d'une autre dans sa création positivement ou négativement, que se soient sociaux,
traditionnels ou culturels. Ces déterminants sont considérés comme un dénominateur
commun parmi les pays du Maghreb, bien que différents facteurs influent sur l'émergence
des femmes dans ces pays.
Notre recherche repose sur l’identification du statut de la femme dans la littérature
féminine d’expression française en Algérie et le féminisme dans la littérature selon la
perspective d’Assia Djebar dans son roman « Ombre sultane ». Cette littérature qui était au
début de la période coloniale réservée aux hommes, devenue dans les années qui suivent
l’indépendance une littérature qui attire les femmes écrivaines. Ces femmes ont pu franchir
plusieurs obstacles pour pouvoir se distinguer dans leur société qui considère l’acte
d’écrire comme étant un acte masculin.
V.2. La littérature féminine :
Ecrire au Maghreb généralement et en Algérie particulièrement est une action
masculine. L’homme dans ce genre de société domine tous les domaines. Il a tous les
privilèges. C’est sa parole qui est prise en considération en négligeant tout ce qui vient de
la part de la femme. La littérature féminine est devenue le refuge des écrivaines.
S’agressant des écrivaines algériennes, elles essayent de s’enfuir, parfois de faire sortir
toute la charge qui est à l’intérieur d’elles-mêmes ; quand nous parlons de charge, de
souffrance, de rêves, d’ambitions, de maltraitance, d’amour, de liberté… Elles trouvent que
l’écriture soignent leur blessures leurs maux spirituels. Nous voyons que les raisons de
cette charge sont nombreuses, elles viennent de : la famille, la société, les traditions,
l’entourage, la colonisation, la torture et aussi l’amour ….
Comme la femme et un être très sensible, affectueux, tendre et chaleureux, toute
sensation de chaque évènement, chaque période de sa vie et chaque moment est essentiel
pour elle. Ces écrivaines choisissent des sujets qui parlent du malheur de la femme dans
une société patriarcale, que ce soit le père, le frère, ou le mari. Nous pouvons dire alors que
la littérature féminine d’expression française est le combat des femmes-écrivains pour
lutter contre cette société oppressive.
64
L’écriture féminine algérienne réside dans le rapport élaboré entre les écrivaines et
la mémoire féminine algérienne. Mais ce rapport ne peut-être dissociable de l’omniscience
de la notion de voix dans les textes féminins. La mémoire féminine algérienne est par
définition orale et se transmet exclusivement de femme en femme, de "bouche à oreille"
pour reprendre l’expression, en dialectal. Ces voix féminines qui jouent un rôle important
dans l'écriture djebarienne et qui nous aident à comprendre de quelle manière un
phénomène oral peut être transposé à l'écrit.
La littérature féminine en Algérie est apparue depuis toujours :
« Les écrits féminines se déploient dans un processus historique d’une quête de
soi, d’une reconnaissance, d’un revalorisation, d’une présence face à des
mentalités anachroniques qui minimisent les capacités des femmes »83
Les écrivaines algériennes sont arrivées à sortir de leur univers fermé de leur
claustration, et se sont imposées pour qu’à la fin, elles offrent au monde leurs écrits et
transmettent aussi leurs messages, leurs vies pour que le monde soit informé que « la
femme » souffre toujours, et qu’elle reste toujours exposée à l’ignorance.
Elles essayent aussi de libérer leurs esprits pour qu’elles puissent sortir et affronter
le monde extérieur. Ces femmes sont depuis des années fortement attachées aux traditions
sociales les réduisant au silence en interdisant toute expression : les femmes ont rejeté cette
situation et elles ont décidé de mettre fin à cette souffrance ; de sortir de l‘espace qui leur
était traditionnellement réservé. Mais elles se sont exposées aux coutumes et aux situations
délicates et sensibles. Elles se sont mises à écrire et à bouleverser ce qui jusqu'à une
époque récente constitue l’équilibre social. Elles veulent se libérer de l’homme et de la
société, car « elles ont goûté à l’injustice et l’amertume de la vie ».
D’autre part les femmes écrivaines abordent aussi deux autres thèmes intéressants
qui sont « la liberté et l’amour » qui prennent une place marquante dans leurs écrits. En
outre le lecteur ressent vraiment ce que les narratrices veulent dire et transmettre. Elles
cherchent aussi de montrer les injustices et les supplices imposées aux femmes telles que :
la maltraitance, la sexualité, la violence que ce soit verbale ou corporelle, en d’autres
termes, les douleurs physiques et psychologiques.
83 BENDJELID Fouzia, Le roman algérien de langue française, Alger, édition Chihab, 2012, p.79.
65
Malgré la marginalisation des femmes, elles choisissent de s’imposer dans la
société en réclamant leurs droits, parce qu’elles sont : la maman, l’épouse, la fille, la sœur,
la cousine, et elles méritent tout le respect en ayant une place considérable dans la famille
et la société.
L’écriture pour ces écrivaines est un acte significatif de liberté et d’individualité. Il
est une véritable bataille pour la promotion de la condition féminine :
« Depuis une dizaine d’années, les femmes écrivaines introduisent une marque
originale dans cette littérature, proposant des écritures nouvelles, des regards
différents sur la réalité culturelle algérienne, reprenant d’une manière
novatrice le geste ancestral de la femme créative (…) dans le champ
institutionnel, cette production féminine a beaucoup de mal à percer pour
différentes raisons (…) : difficultés de publication (…) difficultés de percer
dans les medias (…) »84
La condition féminine a été symbolisée à partir des années cinquante et soixante du
siècle passé, et avait une relation avec le féminisme. Le féminisme en général se définit
comme un mouvement social. C’est à partir de ce mouvement que ses fondateurs essayent
de représenter le rôle de la femme dans les sociétés :
« A l'époque où est apparue la notion de genre (gender en anglais) en critique
littéraire, le féminisme s'imposait de plus en plus à l'Europe de l'ouest et à
l'Amérique du Nord. Dans les théories qui en découlent, une terminologie plus
précise du féminisme a permis de mettre en relation les termes anglais de
female, feminine, women, woman, et feminist litterature. C'est à partir de ces
nouveaux concepts que le féminisme s'est approprié le terme gender s'opposant
à celui de sexe, et qui distingue les oppositions biologiques entre mâle et
femelle et les particularités de genre, qui elles-mêmes, distinguent d'un point
de vue socio-culturel "masculinité" et "féminité". »85
Ce concept est défini, en général, comme un nombre d’idées qui a comme objectifs
premièrement : d’établir et d’imposer l’égalité entre l’homme et la femme dans différents
84 ACHOUR Christiane, Anthologie de la littérature algérienne d’expression française, Paris ENAP Bordas,
1990, P.233. 85http://theories.feministes.pagesperso-orange.fr/partie%201/I-4%20La%20gynocritique.htm. (Consulté le :
06-04-2018).
66
domaines où elle est marginalisée. Le deuxième objectif est de promouvoir les droits de la
femme.
Le féminisme est issu de l'analyse des femmes de leur vécu (comme la construction
sociale, politique et historique), d'une prise de conscience. Il est, dans son contenu avant
tout une politique. Les féministes ont mis la lumière sur la différence entre les femmes et
les hommes des fois même aussi entre les femmes elles-mêmes. Ce concept est là où la
femme est ignorée. Le discours féministe existe avec l’existence du sexisme, de la
dictature masculine et patriarcale afin de bousculer les institutions établies par la société
pour que les hommes et les femmes deviennent égaux devant la loi : éducation,
travail…etc.
Assia Djebar est sans aucun doute, la femme-écrivaine la plus célèbre de tous les
temps au Maghreb. La qualité de ses ouvrages littéraires lui a valu une reconnaissance
mondiale. Elle fait partie des trois premières femmes-écrivaines du Maghreb et de
l’Algérie : la première est Marie-Louise Amrouche née en Tunisie et originaire de la
Kabylie, la deuxième est Djamila Debeche née à Rhiras et notre écrivaine Assia Djebar
l’historienne et la romancière, qui ouvre le chemin à ses consœurs pour prendre la parole
de libération dans leur combat pour l’émancipation des femmes et leurs liberté. La prise de
conscience de la condition féminine fait partie du discours littéraire et elle suit ces deux
dames chronologiquement :
« Quoiqu'elle ait publie plusieurs contes, poèmes et essais de critique
littéraire, Assia Djebar est en premier lieu un écrivain attaché au roman. Son
premier roman « La soif » (1957) rappelle involontairement les romans en
vogue de Françoise Sagan et son contenu est très peu lie à l’Algérie. Elle y
résout divers problèmes amoureux ou sentimentaux dans un milieu quelque peu
spécial que nous n'hésiterons pas à appeler parfois cynique [...] Elle franchit
un nouveau pas en avant dans la recherche littéraire par son second roman «
Les impatients » (1958) ou elle décrit la vie de la petite bourgeoisie algérienne
avant l’éclatement ouvert de la guerre nationale de libération. Le but du
roman était de montrer la prise de conscience d'une jeune fille algérienne qui
se révolte contre les traditions, son milieu et sa famille et de montrer aussi la
naissance, dans la société algérienne alors encore relativement calme, des
67
toutes premières marques de changements qui feront à l'avenir irruption lors
de la solution de la position de la femme dans la société islamique. »86
Notre écrivaine a remarqué comme toutes autres femmes actives que l’Algérie est
devenue plus que jamais un pays masculin, géré par les hommes et au profit des hommes.
Pour cela elle n’a pas hésité à s’approprier des instruments, tels que le roman et la langue
française qu’elle écrit et renouvelle à chaque occasion, où la femme est touchée, pour
exprimer sa liberté.
Assia Djebar elle-même témoignait : « J’écris, comme tant d’autres femmes
écrivains algériennes avec un sentiment d’urgence, contre la régression et la misogynie.
»87
Avec son arrivée dans le monde des lettres, nous constatons l'entrée en force des
femmes dans ce mouvement. En effet, dans un pays où les hommes occupent tous les lieux,
un auteur féminin algérien met en scène des femmes comme pour rappeler que celles-ci
existent et qu'elles ont un rôle à jouer : elles le répètent dans le féminisme avec le désir de
traverser le silence pour se réaliser dans le monde des vivants qui ont tout le droit de
s’exprimer.
Dès le départ, elle insiste sur la nécessité de faire entendre les voix des femmes, en
consacrant ses œuvres à l’exploration de la genèse, des racines et des causes de leur
exclusions et en mettant en avant leur parole contre la répression des traditions, de
l’archaïsme social et de la domination masculine.
Il est de notoriété publique que la vie et les œuvres d’Assia Djebar sont placées
dans le cadre de la lutte et de la transgression. Dans un milieu islamique où le silence et la
discrétion de la femme sont de rigueur. L’écrivaine dénonce dans ses romans la
maltraitance, l’immobilisme et l’inégalité entre les deux sexes, en grande partie due à la loi
du silence imposé à la femme.
Djebar est la première à lancer le cri pour le droit à l’émancipation de la femme
musulmane. Cette écrivaine a immensément défendu les droits de la femme algérienne
effrayée, écrasée et étouffée. Elle a donné la parole à la femme pour la faire sortir de son
86 SYETOZAR Pantucek. La littérature algérienne moderne. Oriental Institute in Academia, Publishing
House of the Czechoslovak Academy of Sciences, 1969, p. 137-138. 87https://fr.wikipedia.org/wiki/Assia_Djebar. (Consulté le 08-04-2018).
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silence, son mutisme forcé et la libérer de la prison mentale et physique dont elle est
victime. Assia Djebar est aussi connue pour être l’inspiratrice du flux littéraire qui anime
les femmes qui écrivent :
« Il est remarquable […] que les femmes qui ont écrit après Djebar se réfèrent
presque toutes à son œuvre comme ayant été une incitation libératrice pour
leur propre écriture »88
Depuis « la Soif », son premier roman paru il y a un demi-siècle. Assia Djebar a
voulu associer la parole aux femmes et promouvoir leur statut dans la sphère publique et
sociale. Son combat principal a été de réclamer la justice pour les femmes algériennes et
arabes d’abord, ainsi que de placer les voix féminine du monde entier au cœur de
l’humanité.
V.3. Le féminisme en littérature :
Le féminisme n’est pas seulement un mouvement social et politique. Il existe aussi
en littérature. Nous appelons ce genre la littérature féministe, celle qui défend la femme :
« La notion de littérature féministe est apparue dans les années soixante avec
l'apparition de la seconde vague de féministes. Il s'agit alors d'une nouvelle
littérature née avec la critique féministe et les recherches sur les écritures des
femmes. »89
D’abord, la littérature féminine était centrée sur les représentations narratives et les
traditions des auteurs, puis, elle est devenue une écriture féministe qui tendait à refuser les
traditions. La condition féminine a été évoquée également à partir des années cinquante et
soixante dans les œuvres. Les premiers écrivains algériens Rachid Boudjedra, puis notre
dame Assia Djebar. Ces bataillants ont pris la plume pour revendiquer la libération de la
femme en évoquant une société traditionnelle et déséquilibrée : parler de la femme
soumise, la femme battue, la femme écrasée par l’autorité de l’homme. L’exemple le plus
frappant est celui de l’œuvre de Rachid Boujedra de « La répudiation » qui a réussi à
discerner les problèmes et les frustrations psychologiques et sexuels endurés par la femme
répudiée, et aussi les effets de cette répudiation sur les enfants. Aussi dans « La Voyeuse
88 Noûn : Algériennes dans l’écriture. Biarritz : Atlantica, 1998. 89http://theories.feministes.pagesperso-orange.fr/partie%201/I-4%20La%20gynocritique.htm. (Consulté le :
06-04-2018).
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interdite » de Nina Bouraoui, qui parle d’une mère réduite à une femme infirme car elle n’a
donné naissance qu’à des filles et qui vit dans la hantise de la répudiation.
La grande écrivaine Assia Djebbar « Pionnière des femmes de lettres maugrebines
» a toujours défendu le statut de la femme dans sa société. En considérant l’écriture comme
un vécu, elle a écrit afin de donner une voix à celles qui n’ont pas. Cette chance d’écrire,
de parler et de défendre, surtout, les filles arrachées à l’école, mariées précocement, et
celles assoiffées de liberté.
Notre travail est basé sur l’une des œuvres de cette écrivaine féministe par
excellence comme nous l’avons déjà présenté, dans la plus part de ses romans elle parle
d’elle-même et de la femme en générale. Elle évoque la situation de la femme dans son
pays. Les situations qu’elle a vécues ont marqué son parcours féministe. Elle est
préoccupée par toutes les injustices et le manque de liberté. Elle voit que les femmes sont
les premières victimes de cette situation et parfois complices. Son écriture comporte une
peinture de la société et de la famille dans sa globalité.
Comme nous l’indiquerons dans notre analyse d' « Ombre sultane » d’Assia Djebar,
Isma et Hajila sont le sujet. Elles sont utilisées comme témoin de l’exploitation de la
femme algérienne. Elle traite le sujet de la femme en évoquant plusieurs thèmes tels que :
la polygamie, la sororité, la solidarité féminine de deux femmes qui sont censées être
rivales, en une harmonie fascinante.
Dès la première ligne du roman, Djebar montre que son roman est destiné aux
femmes en donnant deux exemples différents et concrets dans la société algérienne :
« Ombre et sultane ; ombre derrière la sultane.
Deux femmes : Hajila et Isma. Le récit que j’esquisse cerne un duo étrange :
deux femmes qui ne sont point sœurs, et même pas rivales, bien que, l’une le
sachant et l’autre l’ignorant, elles se soient retrouvées épouses du même
homme – l’ « Homme » pour rependre en écho le dialecte arabe qui se
murmure dans la chambre… Cet homme ne les sépare pas, ne les rend pas
pour autant complices. »90
90 DJEBAR Assia, op.cit., p.9.
70
Elle évoque aussi les traditions, les mœurs et les propos féminins réservés à la
société algérienne tels que « la soirée de henné », « trousseau de princesse », « rite du
hammam » ; cet endroit qui fait une partie intégrante dans la culture algérienne qui
représente non seulement un lieu pour se laver mais aussi un refuge. Les femmes y
recourent afin de discuter et raconter les événements heureux ou malheureux qui jalonnent
leurs vies. Pour notre écrivaine l’image du hammam varie entre rite et espace de liberté
pour ses personnages féminins :
« Les semaines précédant la date fixée, les propos féminins, sur les terrasses,
n’en finissaient pas chaque soir d’énumérer les détails de l’étrange protocole.
Pas de tunique brodée, pas de bijoux, pas la moindre parure pour la mariée
le jour de l’hymen, ni la veille ni même lors du rite du hammam l’avant-veille :
à peine au cours de la « soirée du henné », au moment de teinter les paumes et
les pieds de la vierge, pouvait-on, en brandissant des chandeliers, fredonner
quelques mélopées religieuses. »91
« Hammam, comme un répit ou un jardin immuable. Le bruit d’eau supprime
les murs les corps se libèrent sous les marbres mouillés. Chaque nuit le bain
maure, qui sert de dortoir aux ruraux de passage, devient un harem inversé,
perméable-comme si, dans la dissolution des sueurs, des odeurs, des peaux
mortes, cette prison liquide devenait lieu de renaissance nocturne. De
transfusion. »92
Djebar exprime son mépris de la souffrance des femmes algériennes en créant Isma,
qui se partagent des caractéristiques très proches. En lisant le roman, on constate qu’Isma,
la narratrice de l’histoire, porte des traits semblables à ceux de Djebar. En effet, tout
comme elle, Isma cherche à se distinguer et à se libérer dans sa société cette société où la
femme n'a que peu de chance de s’imposer. Notre écrivaine a toujours choisi le chemin de
la modernité et le changement. Elle s’oppose aux coutumes de son pays natal, et c’est la
même voie qu'a choisie Isma dans ce roman, elle avait des interventions frappantes où elle
s’extériorise rageusement et furieusement :
91 DJEBAR Assia, Op.cit., p.164. 92 Ibid., p.198.
71
« Ici, sur cette terre, on vous tue en vous enfermant derrière des murs et des
fenêtres occultées. A peine fais-tu le premier pas au-dehors que tu te sen
exposée ! »93
A travers notre analyse, le lecteur peut comprendre l’attitude de la femme
algérienne incarné par deux femmes opposées. Souvent le malheur des femmes commence
dès leur enfance, elle est désormais tourmentée et torturée. Notre écrivaine évoque des
souvenirs malheureux de nos deux personnages principaux. Isma qui parle d’une enfance
douloureuse après la mort de sa mère à cause de la maladie de tuberculose « Ma mère
mourut, vaincue par la tuberculose. »94
Elle parle de sa tante qui s’occupe d’elle après :
« J’ai embrassé ma tante, ce matin-là. Ma tendresse la fit pleurer. Dans ma
première enfance, elle avait remplacé ma mère à mes côtés, jusqu’au jour –
j’avais dix ans, tout au plus – où mon père (« jaloux de mon affection »,
accusait-elle) préféra me mettre en pension. »95
Isma parle aussi de la difficulté d’être une fille dans ce genre de société :
« J’avais six ans, peut-être sept. Je découvrais que, dans ce monde rural, tout
au moins chez ceux qui croyaient en être l’élite, l’interdit tombe sur toute
fillette de cet âge. Dans notre cité repeuplée autrefois par les réfugiés
andalous du XVIe siècle, certes on confinait au harem les filles pubères, mais à
l’âge de onze, douze ans, quelquefois treize. Incommensurable progrès !... »96
Cette fillette a grandi, elle est devenue adolescente qui n’arrive pas à accepter sa
situation :
« Plus tard, adolescente, dans la hâte caricaturale du « modernisme »
musulman ambiant, j’en vins à dénigrer la superstition paysanne. Parce
qu’elle prétendait me faire assumer la bénédiction aléatoire d’ancêtres
93 DJEBAR Assia, Op.cit., p.114. 94 Ibid., p.143. 95 Ibid., p.113. 96 Ibid., p.145.
72
momifiés, alors que mon corps exposé ne pouvait que dénoncer, par sa
mobilité, la malédiction qui ployait chaque femme autour de moi… »97
Isma s’est marié à l’âge de 20 ans, son mari et elle habitait à Paris, elle a eu une
fille. Elle était vraiment heureuse. Elle a vécu un bonheur conjugal mais malheureusement,
ce bonheur n’a pas duré, car elle s’est divorcé. Elle était vraiment triste car elle n’a rien fait
dans cette période. Elle a cru rester mariée. Elle n’a pas travaillé. Elle n’a pas gagné de
l’argent et elle n’a pas eu du temps à elle-même, elle dit :
« J’expliquai que j’avais dû travailler, enseigner, surtout avoir du temps à
moi ! Oui, j’ai cédé – non pas « abandonné » - ma fille ; son père rentrait au
pays, désirait se remarier, il avait exposé son programme : « Une femme qui, à
la maison, s’occupera des enfants, je n’ai plus d’autre ambition ! » »98
Hajila à son tour a souffert. La nouvelle mariée d’un mariage traditionnel est venue.
Elle est cachée du regard des autres. Elles sont les traditions et les mœurs exigeantes qui
imposent à la mariée de se cacher jusqu’à ce que son maitre vienne et la dévoile :
« Cette mariée avait été « donnée » à un cousin germain ; si bien que, grâce à
une progressive évolution des mœurs, la seconde des jeunes filles pouvait
espérer pour elle-même ce qu’elle appelait « un mariage d’amour ». »99
Hajila vit la monotonie. Elle remplit son vide avec des échappées quand le mari est
au travail. Durant ses sorties en cachette, elle observe des femmes libres dans les rues de
Paris, son regard tombe sur des femmes dévoilées. Ces scènes répétées vont déclencher
chez elle le désir de se libérer et de faire autant :
« « Des cheveux rouges de henné…Ce n’était pas une Française ! » Et tu
rêves :
« Sans voiles, dehors, en train…
« Sans voiles, dehors… » »100
97 DJEBAR Assia, Op.cit., p.146. 98 Ibid., p..114. 99 Ibid., p.p.159-160. 100Ibid., p.42.
73
« Tu t’endors en répétant avec la douceur d’une consolation : « Demain, une
seconde fois ! »
Dans le noir où tu prolonges, tu vois encore l’inconnue aux cheveux rouges
trôner au centre du square, le visage élargi de bonheur. »101
Ses fuites successives font bien et font peur. Elles sont pleines de rencontres avec
des femmes de son même cas. Des femmes marginalisées dans la présence de leurs
hommes. Ses évasions représentent pour elle un moyen de créer une histoire, qui lui soit
propre, une histoire qu'elle puisse se remémorer et se raconter à elle-même afin de se
donner de la valeur et la confiance en soi:
« Dans un coin, un couple est assis. La fille voilée, à demi tourné, garde le
visage baissé mais découvert, sans voilette. Ses yeux, sa bouche, sont fardés
violement. L’homme lui entoure les épaules et lui parle bas, comme pour des
instructions. La fille, l’œil noirci, te regarde distraitement. Tu t’éloignes : c’est
toi aujourd’hui la passante ! »102
« Tu marchais à l’ombre ; tu vas au soleil. Si les rayons t’enveloppaient les
bras ; te pénétraient aux aisselles si… […] Là, tu te décides avec violence :
« enlever le voile ! ». Comme si tu voulais disparaitre… ou exploser ! »103
Hajila, un être révolutionnaire rempli de colère, d'incompréhension et de révolte,
fatiguée du silence, de sa vie et de la maltraitance de l’homme. L'ancienne Hajila a disparu,
elle a laissé place à une nouvelle femme libre et indépendante :
« Il te frappe au visage, tu n’esquives pas le coup. Il prend une bouteille vide,
il la brise sur le revers de l’évier, il gronde en écoutant sa grandiloquence :
-Je t’aveuglerai pour que tu ne voies pas ! Pour qu’on ne te voie pas !
… il te blesse au bras, le sang jaillit de l’entaille… »104
« Maugréant des malédictions, l’homme se redresse ; il t’ordonne d’essuyer le
sang et d’aller te coucher. Tu ne bouges pas, femme statufiée à l’ouïe vivante.
101 DJEBAR Assia, Op.cit., p.p.44-45. 102 Ibid., p.50. 103 Ibid., p.46. 104 Ibid., p.p.122-123.
74
Lui s’empresse de dissimuler ce qu’il juge « traces de méfaits », les
bouteilles. »105
Vers la fin nos deux héroïnes se réunissent, Hajila sort à la lumière au moment où
Isma s'enfonce dans les ténèbres. Elles sont comme la lune et le soleil, comme le jour et la
nuit, l'une ne peut exister sans l'autre. Elles sont deux faces à la même pièce :
« Nous voici toutes deux en ruptures du harem, mais à ses pôles extrêmes: toi
au soleil désormais exposé, moi tentée de m'enfoncer dans la nuit resurgie.
Aucun échange ne s’est établi entre toi et moi, ni dans nos appels ni dans nos
gestes. Evitant le face à face, nous avions dialogué peu avant le dénouement,
assises côte à côte dans la pénombre du hammam - l’eau, courant à nos pieds
sur la dalle ou fumant dans les vasques, devenait signe de trêve ou
d’engloutissement. »106
105 DJEBAR, Assia, Op.cit., p.124. 106 Ibid., p.11
75
Conclusion générale
76
Au terme de cette recherche, nous pouvons prétendre avoir répondu fidèlement aux
questions posées dans la problématique.
Nous avons commencé par une étude paratextuelle afin d’avoir une idée extérieure
sur le roman, nous avons fait appel à l’approche sociocritique afin de dévoiler le statut de
la femme algérienne dans sa société, nous avons réalisé aussi une étude narratologique,
ensuite nous avons proposé une analyse des personnages et vers la fin nous avons traité le
concept du féminisme.
Après l’étude approfondie de l’œuvre de Assia Djebar « Ombre sultane », nous
constatons que l’écrivaine raconte la relation conflictuelle entre le mari et les deux épouses
Isma et Hajila, elle voit sa liberté à travers l’écriture, elle est un être d’écriture, qui existe
pour défendre la femme, l’acte d’écrire pour elle est un acte vital où elle se manifeste à
travers chaque personnage et dans chaque histoire qu’elle raconte. Ce sont des histoires qui
arrivent chaque jour à des centaines de femmes algériennes qui font écho le drame de leur
société et leur pays.
Il convient de conclure que dans une société patriarcale comme la nôtre, le fait de
revendiquer l’identité féminine est conçue comme le rejet des traditions ainsi que la vie
quotidienne des femmes en Algérie est caractérisée par des disparités flagrantes dues à la
domination masculine.
Nous pouvons conclure aussi, qu’à travers les deux protagonistes du roman, Assia
Djebar incite les femmes algériennes à fournir plus d’efforts pour pouvoir se libérer de leur
prison. Elle les pousse, non seulement dans Ombre sultane, mais aussi dans la plupart de
ses œuvres à se révolter contre l’injustice de leur société.
Le roman étudié, est une œuvre qui représente la situation de nombreuses femmes
par rapport aux hommes. Nous comprenons au cours de ce roman le point de vue d’Assia
Djebar concernant la femme. Nous vivons sa situation et nous savourons son malaise à
travers notre corpus.
A travers les personnages féminins dans le roman, nous sommes arrivés à connaître
la condition difficile de la femme marginalisée par les traditions et la culture algérienne.
Femme, arabe et algérienne sont trois identités qui font profondément partie de l’être de la
narratrice, or, la société algérienne n’accorde pas facilement une liberté malgré le statut
intellectuel.
77
Selon les traditions indigènes, les femmes restent derrières les murs et sont
condamnées à être noyées dans l’épaisseur des interdits et du silence. Le corps féminin doit
être caché du regard du sexe masculin.
Enfin, le soutien opiniâtre que l’écrivaine accorde à la femme, sous forme de
dénonciation des irrégularités qui lui sont infligés par la famille, la société avec ses
traditions et ses coutumes, atteste de sa participation à cette manifestation à l’échelle
mondiale dont le but est d’améliorer la condition sociale de toutes les femmes. Ecrire sur la
situation de la femme algérienne qui est à la recherche de l’identité et de la liberté et dont
l’existence est souvent caractérisée par le désir.
78
Bibliographie :
I- Corpus : (œuvre analysée) :
1. Ombre Sultane, Jean Claude, Lattés, 1987, réédition Albin Michel 2006.
II-Œuvres d’AssiaDjebar :
1. DJEBAR Assia, Ces voix qui m'assiègent… en marge de ma francophonie. Paris :
Albin Michel, 1999.
III- Ouvrages théoriques et critiques :
1. BENDJELID Fouzia, Le roman algérien de langue française, Alger, édition Chihab,
2012.
2. GENETTE Gérard, Palimpsestes, Paris, Edition du Seuil, 1982.
3. GENETTE Gérard, Seuils, Paris, Edition du Seuil, 1987.
4. GENETTE Gérard, Nouveau discours du récit, Paris, Seuil, 1983.
5. JOUVE Vincent, La poétique du roman, Éd. Armand Colin, 1997.
6. LEJEUNE Philippe, Le pacte autobiographique, Paris, Seuil, 1975.
7. PHILIPPE Hamon, pour un statut sémiotique du personnage, poétique, Paris,
édition du seuil, 1979.
IV- Ouvrages de référence :
1. ACHOUR Christiane, Anthologie de la littérature algérienne d’expression
française Paris ENAP Bordas, 1990.
2. ACHOUR (C), REZZOUG (S), Introduction à la lecture du littéraire, Convergences
critiques. 2005.
3. BARTHES Roland, « l’effet du réel » paru dans la revue communication n11,
Paris, édition du seuil, 1968.
4. BARTHES Roland, Rhétorique de l'image. In: Communications, 4, 1964.
Recherches sémiologiques.
5. BENACHOUR Nedjma, « Sociocritique – aperçus théoriques- polycopie», 2007.
6. BENACHOUR Nedjma, cours de littérature et société, université Mentouri;
Constantine.CF.
79
7. CHATEAU Dominique, « Diégese et énonciation », Communications, n°38, Paris,
1983.
8. DUCHET Claude, in «Convergences critiques ». OPU. Alger .ED 2031, 2005.
9. DUCHET Claude et al, Sociocritique, Paris, Nathan/ Université, 1979.
10. GENETTE Gérard, Narrative Discourse: An essay in method. Ithaca, Cornell
UniversityPress, 1980.
11. HAMON Philippe, « pour un statut sémiologique du personnage », in poétique du
récit, Seuil, coll. point, 1977.
12. ROBIN Régine « Le sociogramme en question. Le dehors et le dedans du texte » in
Discours social, Vol.5, N°s1-2.
13. SYETOZAR Pantucek. La littérature algérienne moderne. Oriental Institute in
Academia, Publishing House of the CzechoslovakAcademy of Sciences, 1969.
14. Ecrits des femmes, Messidor, Paris, 1986, p 8, 9 (RegaigNajiba) étude.
V-autres sources documentaires :
1. Baaya Ahcéne, interculturalité et éclatement des codes dans ces voix qui
m’assiègent d’Assia Djebbar, Mémoire de magister 2006, Constantine
2. Interview Diffuse, la télévision tunisienne, chaine maghrébine en avril 1992.
3. Le Petit Robert, 1992.
VI- Sites web :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Assia_Djebar. (Consulté le 08-04-2018).
http://www.sociocritique.com/fr/index.htm. (Consulté le 26-02-2018).
http://theories.feministes.pagesperso-orange.fr/partie%201/I-
4%20La%20gynocritique.htm. (Consulté le : 06-04-2018).
http://theories.feministes.pagesperso-orange.fr/partie%201/I-
4%20La%20gynocritique.htm.(Consulté le : 06-04-2018).
http://www.sitemagister.com/grouptxt4.htm#ixzz33C9OMksT, (Consulté le : 17-03-2018).
80
Table des matières
INTRODUCTION ……………………..….…….………………….................…….... 03
CHAPITRE I L’étude du paratexte ….……………………….……………….....….10
I. Le paratexte………………………………………………………...…………………11
I.1 Le paratexteauctorial ….………………….……………….…….................….…….12
I.1.1. Le péritexteauctorial……..……..…………….……......…………..…...…...12
I.1.2 L’épitexteauctorial……………...………….………...……..……….....……12
a. Le nom de l’auteur …………..…..…………………………...………….…..12
b. Le titre………..…………..……………………………….………………....13
I.2. le paratexte éditorial…………………………………………...………….....…..….16
I.2.1. La première de couverture……………………………………………..…......16
I.2.2. La quatrième de couverture……………………………...…………..….……19
I.2.3. Les citations…………………………………..…………………….….……..19
CHAPITRE II Le statut de la femme dans la société algérienne ……………...…21
II.1. La sociocritique………………………………………………………….…..….…22
CHAPITRE III L’étude narratologique …………………………...........….………34
III.1. La narratologie …………………………………………………...…..............…..35
III.2 .Le récit, l’histoire et la narration ……………………………….…..…….......….35
III.2.1 Le récit……………………………………………………...…..……….….35
Le temps du récit…………………… ……….……............................................ 36
• L’ellipse …………………………………………………..…….……..…...…36
• Sommaire ………………………………………………….…………….……36
• La pause ……………………………………………………..………….…….37
81
• La scène ………………………………..……………................……….…….37
III.2.2 L’histoire……………………. ………………………….………………...38
III.2.3 La narration …………………………..…………...………………………38
III.2.4 Les moments de la narration ………………………………………...……38
III.2.4.1 La narration ultérieure ………………………………...……………...38
III.2.4.2 La narration antérieure ……………………………………….……....39
III.2.4.3 La narration simultanée ………………………………………...…….39
III.2.4.4 La narration intercalée ………………………………………….……39
III.2.5 La voix narrative ………………….…………………………….…………40
III.2.5.1 Le narrateur homodiégetique………………………...………...…….40
III.2.5.2 Le narrateur hétérodiégetique………………………...……….……..41
III.2.5.3 Le narrateur extradiégetique……………………………..........……..41
III.2.5.4 Le narrateur intradiégétique…………………….…..…………..……42
III.2.6 Les focalisations…………………………………….……….............……42
III.2.6.1 La focalisation zéro………………………………………..…… .…..42
III.2.6.2 La focalisation interne……………………...……….........…….….…43
III.2.6.3 La focalisation externe……………………………………….…....…43
CHAPITREIV L’étude des personnages ……………………………….....….…..50
IV.1 Les caractérisations du personnage dans un roman………………………....….52
IV.2. Les catégories des personnages selon Philippe Hamon……………….......…..53
CHAPITRE V : Le féminisme et la littérature féminine Algérienne……......…..60
V.1. Le féminisme………….……………………..……………………...……......…61
V.2. La littérature féminine..…………………………………………...….….......….62
82
V.3. Le féminisme en littérature……………………………………...……......……67
CONCLUSION………………………………………………….…….…..…….....74
BIBLIOGRAPHIE
RESUME
83
Résumé :
Dans ce modeste travail, nous avons tenté de cribler les mystères de l’œuvre littéraire et de
son processus de production. Nous avons tenté d’étudier le statut de la femme dans la
société algérienne, et pour cela, nous avons choisi comme corpus « Ombre sultane », le
roman d’Assia Djebar, qui raconte l’histoire de deux épouses d’un même homme. Tout
d’abord, nous avons commencé par le paratexte de ce roman, après nous avons fait appel
à la sociocritique afin d’avoir une idée sociologique. Ensuite, nous avons réalisé une
analyse appréhendée d’un point de vue narratologique et une étude des personnages.
Enfin, nous avons constaté que cette œuvre reflète une réalité vécu par la femme
algérienne.
Les mots clés : Le statut de la femme – la société algérienne – le paratexte – la
sociocritique – un point de vue narratologique – une étude des personnages – la femme
algérienne.
Summary :
In this modest work, we tried to screen the mysteries of the literary work and its
production process. We have tried to study the status of women in Algerian society, and
for this reason, we chose Assia Djebar's novel “Shadow Sultana”, which tells the story of
two wives of the same man. . First of all, we began with the paratext of this novel, after
which we resorted to sociocritic in order to have a sociological idea. Then, we realized an
apprehended analysis from a narratological point of view and a study of the characters.
Finally, we found that this work reflects a reality lived by the Algerian woman.
Key words: The status of women - Algerian society- the paratext – sociocritic -
narratological point of view - the characters - the Algerian woman.
ملخص
في وضع المرأة دراسة حاولناوطريقة طرحه الأدبي أسرارالعمل فحص حاولنا المتواضع، العمل هذا في .
خارج هذه من بدأنا .الرجل فسلن زوجتين قصة تحكي التي جبار، روايةآسيا اخترنا ولهذا ،المجتمع الجزائري
وجهة من تحليلا أجرينا ثم. اجتماعية فكرة على الحصول أجل منبدراسة المجتمع قمنا ذلك وبعد ،الرواية
الجزائرية المرأة عيشها حقيقةت يعكس العمل هذا أن وجدنا وأخيرا، . ودراسة للشخصيات نظر سردية
نظر وجهة - المجتمع دراسة - الرواية هذه خارج - الجزائري لمجتمع - المرأة وضع: الكلمات المفتاحية
.الجزائرية المرأة - للشخصيات دراسة - سردية
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