le petit journal de campagne - numéro 3
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WWW.CROISSANCEPLUS.COM
4 NUMÉROS — JOURNAL BIMENSUEL — PARUTION DU JEUDI 16 FÉVRIER 2012
QUEL NOUVEAU CONTRAT SOCIAL POUR LA FRANCE ?
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Rénover le modèle social
Les propositions des candidats à L’éLection
présidentieLLe commencent à se préciser,
et j’y incLus ceLLes faites par Le président
de La répubLique, nicoLas sarkozy. mon pro-
pos n’est pas ici de Les discuter en détaiLs,
mais de reLever Les points de convergence
qui Les rapprochent.
Elles sont toutes dictées par deux considérations majeures : répondre à l’urgence de la situation économique dans laquelle se trouve la France, à l’image d’un grand nombre de pays européens ; mettre en œuvre des solutions structurelles et de long terme pour retrouver la capacité à croître, à créer des emplois, des entreprises, de la valeur. Certes, les voies proposées pour y parvenir sont très différentes, certaines sont même discutables ou inapplicables. Mais la nécessité de changer en profondeur le modèle social y est apparente, et c’est le grand enjeu des années à venir.
Chez CroissancePlus, nous ne sommes pas des contempteurs obstinés du modèle social français. Depuis des années, nous multiplions les pro-positions pour le moderniser, le faire évoluer, le rendre plus adapté aux nouvelles circons-tances économiques, en faire un outil de progrès économique et social et non une entrave au déve-loppement et à la souplesse de fonctionnement des entreprises. Dans ce 3ème numéro du Petit Journal de Campagne, nous revenons en détail sur
ce que nous croyons être le chemin vertueux du remode-lage du contrat social, basé sur une entrée plus facile des jeunes dans l’entreprise, une régulation différenciée du temps de travail, une réforme du financement de la protection sociale, un toi-lettage du droit du travail et l’instauration d’un dialogue social responsable au sein des entreprises. Ces propo-sitions de CroissancePlus ne sont pas idéologiques mais pragmatiques. Elles sont le fruit de l’expérience et expri-ment la volonté de nos entre-prises de faire le travail que la collectivité attend d’elles, à savoir grandir en France et à l’étranger, créer des emplois stables, améliorer les com-pétences de tous les sala-riés, bref, créer de la valeur durable pour l’ensemble des parties prenantes. Ni plus, ni moins…
Olivier Duha, Président de CroissancePlus
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RÉDACTION ET DOCUMENTATION : Antoine Bayle • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
DIRECTION ARTISTIQUE – GRAPHISME : Alexandra Roucheray, Olivia Grandperrin • • • • • • • • • • • • •
COMITÉ ÉDITORIAL : Florence Dépret, Clothilde Hervouet, Gwennaelle Pierre, Emmanuelle Skowron • •
UN JOURNAL RÉALISÉ PAR Les Rois Mages - www.lesroismages.fr - téléphone : 01 41 10 08 08 • • • •
Quelques mots sur CroissancePlusPREMIÈRE ASSOCIATION FRANÇAISE DES ENTREPRENEURS
DE CROISSANCE, CroissancePlus réunit une nouvelle génération de 350 entre-preneurs innovants afin de réformer l’environnement économique, social, juridique et fiscal, et favoriser la création d’entreprises et d’emplois en France. Présidée par Ol iv ier DUHA , CroissancePlus agit au quotidien comme force de propositions et de lobbying en formulant de nombreuses recommandations auprès des pouvoirs publics et des leaders d’opinion. Lieu d’échanges et de networking, CroissancePlus s’impose également dans le débat public à travers l’organisation de nombreux évé-nements autour de personnalités politiques et économiques de tout premier plan.
PORTER TOUJOURS PLUS HAUT L’ESPRIT D’ENTREPRISE ET FAIRE ENTENDRE LA VOIX DES ENTREPRENEURS DANS LES MÉDIAS, telle est la volonté de CroissancePlus qui accompagne les dirigeants d’entreprise dans leur développement en France et à l’international.
Nos missionsÊTRE UNE FORCE DE PROPOSITIONS RECONNUE DES
POUVOIRS PUBLICS. Les propositions de CroissancePlus émanent d’hommes et de femmes de terrain, de commissions et groupes de travail qui se réunissent régulièrement dans les domaines suivants : création et financement d’entreprise / juridique et fiscal / social et emploi / recherche et innovation / relations grands groupes-PME / international / croissance responsable. Propositions consultables sur www.croissanceplus.com.
CONSTITUER UN RÉSEAU PERFORMANT D’ENTREPRENEURSCroissancePlus est également un lieu reconnu d’échanges et de rencontres per-mettant de développer des synergies entrepreneuriales, des compétences tech-niques ou tout simplement partager expérience et bonnes pratiques. Les nombreux événements : déjeuners et dîners-débats, petits-déjeuners thématiques, Be to Be, déjeuners mensuels business, etc… sont autant d’occasions d’accueillir des per-sonnalités de tout premier plan et contribuer à la notoriété de CroissancePlus et de ses membres.
LE PETIT JOURNAL DE CAMPAGNE EST ÉDITÉ PAR CROISSANCEPLUS
DANS L’ACTUALITÉ
Présidentielle 2012 — Un grand choc fiscal pour la France ?Nicolas Sarkozy : TVA sociale et taxe boursièreFrançois Hollande : impôt sur les sociétés différenciéet fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSGFrançois Bayrou : augmentation de la TVA,deux nouvelles tranches fiscalesEva Joly : libérer l’économie de la finance
VU DANS LA PRESSE
Encore tout faux… (International Herald Tribune)Les prosélytes du libéralisme se préparent un destin bien triste…(Financial Times)Industriels cherchent soudeurs désespérément (Les Échos)Les biotechs françaises imaginent la médecine de demain (Le Parisien Economie)
DOSSIER — Quel nouveau contrat social pour la France ?
1 / Tout faire pour favoriser l’entrée des jeunes dans l’entreprise2 / Augmenter le temps de travail pour favoriser la croissance3 / Révolutionner le droit du travail4 / Trouver de nouveaux modes de financement de la protection sociale5 / Adapter les modes de représentativité du personnel
Les chiffres-clé du modèle social
LE GRAND ENTRETIEN —François Dupuy, sociologue des organisations
IDÉES
Lu pour vousVerbatimLivresDébatsManagement
PETITES HISTOIRES DE GUERRE ÉCONOMIQUE
Les 36 Stratagèmes
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Présidentielle 2012
Un grand choc fiscal pour la France ?
Les principaux candidats à l’élection présidentielle ont élaboré, ces dernières semaines, l’essentiel de leurs propo-sitions en matière de politique écono-mique et fiscale, même si le chef de l’Etat, à l’heure où nous écrivons ces lignes, n’a pas encore fait acte de candi-dature officielle. Il ressort, de l’ensemble de ces déclarations, un certain nombre de constats. Tout d’abord, l’exercice est complexe puisqu’il s’inscrit dans un cadre contraint, celui du retour à l’équilibre de nos finances publiques, conformément aux engagements euro-péens de la France et aux conclusions du sommet européen du 30 janvier dernier, prévoyant l’instauration de « la règle d’or » dans la plupart des pays de la zone euro. Compte tenu du faible taux de croissance anticipé en 2012 et 2013, cette marche forcée vers l’équilibre des comptes publics ne peut s’accomplir avec succès que si des recettes nou-velles sont trouvées, ce qui se traduit donc par une hausse des prélèvements
obligatoires. C’est dans le choix des “cibles” que les responsables politiques se différencient et s’opposent, qu’il s’agisse de la fiscalité des particuliers, des entreprises ou de l’épargne. Cela créera-t-il pour autant le grand choc fiscal qui serait nécessaire pour relan-cer la croissance économique, inci-ter à l’investissement “fertile” dans les entreprises en développement, assurer l’équité et l’efficacité de l’impôt ? Nous n’en sommes pour l’heure qu’aux pro-positions, aux pistes de réflexion, aux galops d’essai. Il est donc encore trop tôt pour en juger. Mais voici un rapide tour d’horizon des propositions et pistes de réflexion des quatre principaux can-didats. Et le rappel des réflexions de CroissancePlus en la matière.
Nicolas Sarkozy : TVA sociale et taxe boursière
Lors de son intervention télévisée du 29 janvier 2012, le chef de l’Etat a dressé les grandes lignes des réformes fis-cales qu’il compte mettre en œuvre. Les mesures phares consistent en une augmentation du taux de TVA de 1,6
points, à 21,2% le 1er octobre prochain et en une hausse de 2 points de la CSG sur les revenus du patrimoine. Ces deux mesures doivent permettre de com-penser la suppression des cotisations patronales finançant la branche famille de la Sécurité Sociale sur les salaires allant jusqu’à 2,1 SMIC et leur dégressi-vité jusqu’à 2,4 SMIC (ce qui représente environ 13,6 milliards d’euros, soit 40% des cotisations de la branche famille).
À noter que l’augmentation de la CSG sur les revenus du capital représente un surcroît de charges de 2,6 milliards d’euros pour les épargnants. Au total, avec cette nouvelle augmentation, les prélèvements sociaux sur les revenus du capital s’élèveraient à 15,5%. Si l’on y ajoute le prélèvement obligatoire de 24%, les revenus de l’épargne en France (hors Livret A) seraient taxés à près de 40%.
L’autre mesure importante annoncée par Nicolas Sarkozy est l’instauration d’une taxe boursière à compter du 1er août prochain, dont le champ d’appli-cation fait encore l’objet de discussions entre le gouvernement et les représen-tants des banques. Cette taxe s’élèvera à 0,1% et devrait rapporter environ 1 milliard d’euros chaque année, qui serait affecté à la réduction du déficit.
François Hollande : impôt sur les sociétés différen-cié et fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG
Le programme de François Hollande comprend de nombreuses dispositions d’ordre fiscal, dont nous ne retiendrons que les plus significatives. En matière de fiscalité d’entreprise, le candidat socialiste souhaite distinguer les béné-fices réinvestis et ceux distribués aux actionnaires et envisage de mettre en place trois taux d’imposition différents : 35% pour les grandes entreprises, 30% pour les petites et moyennes, 15% pour les très petites. Il annonce un redéploiement des financements, des aides publiques et des allègements fiscaux vers les entreprises qui investi-ront en France. En matière de fiscalité des particuliers, François Hollande a officialisé le projet de fusion de l’im-pôt sur le revenu et de la CSG dans le cadre d’un prélèvement simplifié sur
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Les réflexions
de CroissancePlus
en matière
de réforme fiscale
Consciente que la réforme de la fiscalité est un axe essentiel de toute politique de redynamisation de la croissance et du développe-ment des entreprises, Croissance-Plus a élaboré sa propre réflexion en matière de réforme fiscale, dans un contexte de crise économique et d’harmonisation européenne de la fiscalité. Ces réflexions ont été largement présentées aux res-ponsables politiques. L’objectif de CroissancePlus est d’abord de favoriser la création de richesse et de valeur en France en sécurisant la fiscalité des entrepreneurs et des Business Angels. Il s’agit avant tout d’encourager la création, le développement et le financement des entreprises par la création et l’amélioration de dispositifs fiscaux adaptés et de favoriser l’implanta-tion et le retour en France d’entre-preneurs. Voici quelques-unes des principales réflexions de Crois-sancePlus : / Le maintien intégral du dispositif ISF-PME qui permet d’orienter une partie de l’épargne des Français vers le financement des PME, ainsi que le doublement de “l’avantage Madelin” qui favorise l’investisse-ment direct ou via un fonds dans des PME françaises./ Le respect de trois principes-clés pour favoriser l’investissement dans les PME/ETI : faire participer l’ensemble des acteurs écono-miques à l’investissement produc-tif ; veiller à la proportionnalité de
le revenu (PSR). Il entend également créer une tranche supplémentaire de 45% pour les revenus supérieurs à 150 000 euros par an. Il souhaite imposer aux dirigeants des entreprises publiques un écart maximum de rémunérations de 1 à 20. Concernant l’épargne, il indique aussi vouloir supprimer les produits financiers toxiques et les stock options (sauf dans les entreprises naissantes), aligner la fiscalité des plus-values en capital sur les taux de l’IRPP et annonce l’instauration d’une taxe sur les tran-sactions financières, sans en préci-ser les modalités. Enfin, il propose la création d’un livret d’épargne industrie dont le produit serait entièrement dédié au financement des PME et des entre-prises innovantes.
François Bayrou : augmentation de la TVA, deux nouvelles tranches fiscales
François Bayrou a précisé, le 1er février dernier, son programme économique, axé sur un strict encadrement des bud-gets de l’Etat, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales dont les dotations resteraient au même montant pendant trois ans quelle que soit l’infla-tion. Le volet fiscal de son programme s’articule autour de trois mesures essentielles. La première est une hausse de la TVA de 1 point en 2012 et de 1 point supplémentaire en 2014, ce qui
procurerait environ 20 milliards d’euros de recettes supplémentaires pour l’Etat. La seconde mesure est l’instauration de deux nouvelles tranches d’imposition, l’une à 45%, l’autre à 50% pour les reve-nus au-dessus de 250 000 euros par an. Enfin, François Bayrou annonce un dis-positif nouveau concernant la fiscalité des entreprises, comprenant la création d’un crédit d’impôt innovation, parallèle au crédit d’impôt recherche, et surtout l’exemption de charges sociales pen-dant deux ans des entreprises de moins de 50 salariés qui embauchent un jeune ou un chômeur. Il propose aussi la créa-tion d’un statut fiscal particulier pour les Business Angels, calqué sur celui des fonds de private equity ainsi que la créa-tion d’un livret d’épargne industrie.
Eva Joly : libérer l’économie de la finance
La candidate du mouvement écologique (EELV) a choisi trois axes principaux pour l’élaboration de son programme économique : la réorientation de la fis-calité vers l’environnement, l’augmen-tation des dépenses d'investissements publics, le relèvement des prélèvements obligatoires sur les hauts salaires et les revenus du capital. Le mot d’ordre de son programme est de “libérer” l’écono-mie de la finance, en réduisant la taille des banques, en limitant les activités des fonds spéculatifs et en développant l’investissement socialement respon-sable. Sur le plan de la fiscalité, Eva Joly entend privilégier les TPE/PME et les entreprises locales et écologiques en créant notamment un “bonus déve-loppement durable”. Elle propose en outre une progressivité réelle de l’impôt sur les sociétés en fonction du niveau des bénéfices et des mesures de sou-tien à la recherche et à l’innovation au bénéfice des petites et moyennes entre-prises, ainsi que l’extension des socié-tés régionales de capital-risque.
Concernant la fiscalité des particuliers, EELV propose un impôt sur le revenu rénové, reposant sur le prélèvement à la source, la fusion CSG/IRPP, l’intégration des revenus du capital dans l’impôt sur le revenu, un impôt sur le patrimoine, l’élargissement de la base de l’ISF, notamment par la révision de l’exonéra-tion des biens professionnels et la mise en place d’une contribution climat-éner-gie de 36 euros la tonne de CO2.
l’impôt par rapport au risque ; favori-ser le réemploi productif./ Favoriser la stabilité du cadre fiscal./ Orienter l’épargne “stérile” vers l’épargne “fertile”, privilégier une taxation des revenus du patrimoine peu productif différemment des revenus du patrimoine productif et ouvrir ce principe à l’ensemble des acteurs économiques ; inciter les grands groupes français à investir dans les PME/ETI de manière mino-ritaire, à travers des fonds d’inves-tissement ; exonérer au maximum les actifs professionnels ; favoriser la transmission de l’entreprise aux collaborateurs.
L’objectif de CroissancePlus est le même depuis sa création en 1997 : favoriser l’entrepreneuriat, le développement des entreprises et l’épargne productive.
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« Encore tout faux… »
« Les leaders de 25 pays de l’Union Européenne sur 27, se sont mis d’ac-cord pour conclure un nouveau pacte fiscal qui les empêchera, légalement, de combattre les récessions au moyen de robustes incitations financières. La plupart des économistes, en dehors de la zone euro, considère que cette approche est dangereuse. Ces pays représentent plus de 20% de l’économie mondiale. Les condamner à des réces-sions plus longues et plus profondes aura un impact négatif sur les écono-mies hors d’Europe qui dépendent du commerce international, comme les Etats-Unis et la Chine. Sans un fonds de soutien plus important, les investisseurs vont continuer à parier contre les éco-nomies les plus faibles comme l’Italie ou l’Espagne, poussant leurs taux d’intérêt à la hausse, et creusant leurs déficits. Et malgré cela, les gouvernements européens ont repoussé toute décision à mars.
Les spéculateurs pourraient fort bien ne pas être d’accord pour attendre. Le monde s’est habitué aux sommets européens ratés. Ce qui est particuliè-rement perturbant avec celui qui vient de se tenir le 30 janvier, c’est que cer-tains responsables européens semblent
croire que ce fut un succès. « Compte tenu du calendrier, c’est un vrai chef d’œuvre », a même déclaré Angela Merkel, parlant du pacte budgétaire et fiscal conclut par les pays européens. (…) En tant que plus gros contributeur du fonds de soutien européen, l’Alle-magne continue à déterminer la façon de gérer la crise. Les autres n’ont guère de choix que de suivre, qu’ils soient convaincus ou non du fait que l’aus-térité dictée par les Allemands, aidera leurs économies affaiblies. Un dirigeant mieux avisé qu’Angela Merkel bâtirait une Union Européenne plus solide en aidant ses voisins à sortir de leur endettement plutôt qu’en leur serrant le cou. Un lea-der plus sage rappellerait aussi aux électeurs allemands que la prospérité de leur propre économie repose sur une demande soutenue des pays voisins. »
International Herald Tribune, 2 février 2012
« Les prosélytes du libéralisme se préparent un des-tin bien triste… »
« On a fait grand cas du fait que, lors du dernier forum de Davos, les grands
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titude, c’est que la vision anglo-amé-ricaine va perdre de son influence et qu’un consensus global va émerger sur le rôle plus important que l’Etat va jouer sur le marché. Il semble probable, et même heureux, compte tenu de notre récente expérience aux Etats-Unis, que le capitalisme du XXIème siècle ressem-blera de moins en moins au darwinisme économique tellement célébré à Wall Street. »
David Rothkopf
Financia l Times, 1 er févr ier 2012
« Industriels cherchent soudeurs déses-pérément »
« Au même titre que les robinettiers et tuyauteurs, les soudeurs et chau-dronniers sont depuis deux décennies catalogués dans la liste des “métiers en tension”, ces professions où l’offre d’emplois est supérieure à la demande, quelle que soit la conjoncture. Certes, malgré la désindustrialisation globale du pays et grâce aux besoins nouveaux en main d’œuvre dans le nucléaire, la construction ferroviaire ou l’aéronau-tique, le nombre d’ouvriers qualifiés travaillant par “formage du métal” est globalement resté stable en l’espace de vingt-cinq ans. Et pourtant, les besoins actuels et surtout futurs sont loin d’être couverts. Pour inverser la tendance, le patronat de la métallurgie a multi-plié depuis trois ans les campagnes de communication. Dans cet univers encore très largement boudé par les
capitaines d’industrie de la planète ont été obligés par les évènements récents d’aborder des sujets comme les inéga-lités ou le futur du capitalisme. Bien que de tels actes d’introspection publique de ces élites participent du même cynisme que d’autres traditions de Davos comme les dîners privés pour parler de la faim dans le monde, l’accent mis sur le futur du capitalisme a quelque chose d’ironique. L’ironie c’est que l’avenir du libre marché ne sera pas déterminé par les capitalistes de Davos et ne prendra pas la forme que l’on imagine dans les sommets de ce genre. Après la fin de la guerre froide, beaucoup ont pensé que l’on avait résolu de façon définitive les grandes questions sur la relation entre le pouvoir privé et public.
La vision marxiste de l’économie centra-lisée avait échoué. Les adeptes du « lais-sez donc le marché opérer », disciples de Milton Friedman, avaient triomphé. Mais leur danse de victoire était pré-maturée. Non seulement nous n’avions pas atteint la fin de l’histoire, mais nous étions en train d’entrer dans une phase nouvelle de la compétition séculaire pour le pouvoir du public et du privé.
Aujourd’hui, en plus du darwinisme éco-nomique du modèle anglo-américain et du capitalisme “aux caractéristiques chinoises”, coexistent “l’Eurocapita-lisme ”, le “capitalisme démocratique du développement” de l’Inde et du Brésil, avec leurs importantes caractéristiques sociales en parallèle avec leurs aspira-tions à la croissance, et le capitalisme entrepreneurial des petits Etats comme Singapour, les Emirats ou Israël. Et tout ce que nous pouvons prédire avec cer-
femmes, l’Institut de Soudure avait lar-gement médiatisé la médaille d’or aux Olympiades des Métiers remportée en 2009 par une de ses élèves, Marine Bregeon (aujourd’hui, elle soude des coques de sous-marins chez DCNS à Cherbourg). Mais pour la CFDT, il fau-drait aussi que le patronat de la métal-lurgie relève les minima salariaux, notoi-rement peu attractifs.
Plusieurs dirigeants de grandes entre-prises partagent son point de vue, dénonçant une convention collective dépassée. Mais la tâche s’annonce déli-cate : comme l’explique l’un d’eux, “nos sous-traitants ne pourraient pas se per-mettre des revalorisations salariales trop fortes”. Un discours qui ne convainc pas ce sous-traitant, régulièrement mis en concurrence avec des PME étrangères par des grands donneurs d’ordre fran-çais, ayant externalisé une bonne par-tie de leur production pour baisser les coûts : “S’ils veulent que nous formions nous aussi des jeunes, que nous partici-pions à l’effort de ré-industrialisation, ils doivent nous passer des commandes. Le reste, c’est du vent… »
Claude Bar jonet
Les Echos, 2 févr ier 2012
« Les biotechs françaises ima-ginent la méde-cine de demain »
« Selon l’association France Biotech, il y aurait en France environ “250 à 300 entreprises de biotech, orientées à 48% dans la santé humaine et employant près de 6 000 personnes, dont 70% de chercheurs”. 80% de ce marché sont accaparés par les Etats-Unis où le sec-teur est déjà mature. (…) Même si le domaine en France est assez récent, les biotech sont en train de s’imposer. Le marché est déjà en transition. (…) À court terme, le secteur est fragilisé par la conjoncture et un tarissement des financements pour des projets forcé-ment risqués et au long cours, qui ont été en partie désertés par les investis-seurs et les sociétés de capital-risque. Mais les biotech sont devenues un des moteurs essentiels de l’innovation. »
Thibaud Vadjoux,
Le Parisien Économie, 6 février 2012
(DR
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La France vit dans une sorte de paradoxe : elle souffre d’un coût du travail trop élevé, qui finance un modèle coûteux, mais ses salaires sont trop bas, ce qui provoque l’émergence d’une catégorie sociale nouvelle, les travail-leurs pauvres. Le contrat social à la française ne fonctionne donc plus. Il n’est pas adapté aux nouvelles conditions économiques. Il ne confère pas suffisamment de souplesse aux entreprises. Il ne joue plus le rôle de « filet de sécurité » qu’il jouait voici quelques décennies. Il fait peser sur le travail, donc sur les entreprises mais aussi les salariés, un poids financier trop lourd. Il est donc urgent de le rénover, non dans une optique politicienne ou idéo-logique, mais simplement pour lui redonner le sens, l’efficacité et le rôle qui doivent être les siens dans une société moderne, active, souple. Ces sujets sont au cœur des débats qui se déroulent en ce moment dans le cadre de l’élection présidentielle. Mais ils sont aussi au centre des préoccupations de CroissancePlus. Voici donc quelques idées fortes qui ressortent de nos travaux et des expériences des entrepreneurs et autour desquelles il est pos-sible de rénover le contrat social en France.
Tout faire pour favoriser l’entrée des jeunes dans l’entrepriseLe taux d’emploi des jeunes est insuffisant en France. Nous connais-sons tous cette situation : 22% des 15-24 ans n’ont pas d’emploi, contre 16% en moyenne en Europe. Cette
faiblesse handicape notre com-pétitivité et alourdit les dépenses publiques. Parmi les solutions qu’il serait possible de mettre en œuvre figure le « SMIC Jeunes » destiné aux jeunes sans expérience ni diplôme, âgés de 17 à 21 ans. Il aurait pour caractéristique d’être inférieur au montant du salaire minimum brut mais une baisse des charges patro-nales permettrait de garder un salaire net équivalent. Ce dispositif ferait donc baisser le coût du travail,
QUEL NOUVEAU CONTRAT SOCIALPOUR LA FRANCE ?
et mettrait le pied à l’étrier de milliers de jeunes qui gagneraient en com-pétence et en expérience en étant intégrés dans le monde de l’entre-prise. Des systèmes équivalents ont été expérimentés dans d’autres pays, comme en Grande-Bretagne où existe une sorte de SMIC pro-gressif en fonction de l’âge.
Les en t repr i ses de c ro i ssance inno-
vantes doivent favoriser le recrutement
e t l a fo rmat ion des j eunes . C ’es t un
invest issement f ructueux et rentable .
D a n s l e d o m a i n e d u w e b , u n d é v e -
loppeur junior doit abandonner à la sor-
t ie de l ’école ses connaissances pure-
m e n t t h é o r i q u e s e t d e v e n i r
opéra t ionne l . E t pour favor iser ce t te
montée en compétence , l ’a l te rnance ,
l es s tages e t l es cont ra ts de pro fes-
s i o n n a l i s a t i o n s o n t i n d i s p e n s a b l e s .
Mais i l faut s impl i f ier leur appl icat ion
car pour le moment , une PME n’a pas
encore d’ intérêt économique à investir
sur un jeune et se tourne p lus fac i le-
ment vers des candidats p lus expér i -
mentés. »
—
FABRICE METAYER,
Dir igeant de KerniX
Le n iveau de format ion des
jeunes candidats est problé-
mat ique. I ls manquent se lon
moi d ’un cadre, de repères.
Lors des entret iens d’em-
bauche, j ’a i pu remarquer que
beaucoup éta ient t rop exi-
geants , impat ients aussi , e t
qu’ i ls sont confrontés ensui te
à des dési l lus ions. Les jeunes
doivent être mieux préparés au
monde de l ’entrepr ise , à ses
réal i tés économiques. Et ce
dès la phase de recrutement ,
du côté de chez Pôle Emploi
par exemple. »
—
CAROLINE MITANNE,
Dir igeante de Guidecaro
Caroline Mitanne, Dirigeante de Guidecaro (DR)
Quel nouveau contrat socialpour la France ? —
Philippe Andrillat, Dirigeant de Kenseo (DR)
Le chômage des jeunes en France est
symptomatique et méri te que les pou-
voirs publics s’emparent du sujet. L’ac-
cès à l ’emplo i de notre jeunesse do i t
devenir une véri table cause nationale.
Cette mobil isation pourrait commencer
au n i veau des b ranches p ro fess ion-
nelles qui devraient prendre en charge
les questions de formation ou de tuto-
rat. Les entreprises doivent comprendre
que le t rava i l en a l ternance est l ’une
des solut ions au problème de l ’emploi
des jeunes en France. »
—
PHILIPPE ANDRILLAT,
Dir igeant de Kenseo
Augmenter le temps de travail pour favoriser la croissanceLe débat sur le temps de travail en France montre que des solutions nou-velles sont attendues pour sortir de la logique des 35 heures. C’est un sujet complexe mais sur lequel les entreprises de croissance sont unanimes : il faut revenir à une durée du travail plus élevée. De nombreuses adaptations sont possibles. Pour CroissancePlus, le schéma le plus vertueux consisterait à établir un référentiel de la durée légale du travail sur une base annuelle avec un minimum et un maximum hebdomadaire afin de conserver une cer-taine stabilité pour les salariés. Ce choix aurait un double avantage : stimu-ler l’activité économique et l’emploi grâce à un aménagement intelligent du temps de travail et dissuader les entreprises de ralentir leur activité pour éviter une surtaxation du travail.
Laurent Vronski, Dirigeant d’Ervor et vice-président de CroissancePlus (DR)
Caroline Young, Dirigeante d’Exper Connect (DR)
I l faut remettre le temps de t ravai l au
cœur de nos pr ior i tés . Depuis 15 ans,
notre pays a créé une “générat ion 35
heures” . On mesure désormais le travail
à la présence horaire. Pour faire face à
cet état de fait, je vois une solution pra-
tique. Les cadres ont largement profité
des 35 heures et des RTT. Or ce sont eux
qui concentrent le savoir-faire d’enca-
drement dans les entrepr ises , qui est
indispensable et demande toujours plus
de compétences et de temps. C’est une
situation totalement paradoxale. I l faut
donc supprimer les 35 heures, pour les
c a d r e s c o m m e p o u r l ’ e n s e m b l e d e s
salar iés d’ai l leurs. C’est une décis ion
p o l i t i q u e c o u r a g e u s e q u ’ i l f a u t
prendre. »
—
LAURENT VRONSKI,
Dir igeant d’Ervor et vice-président
de CroissancePlus
Ma convict ion est que p lus i l
y a d’act iv i té , p lus i l y a de
t ravai l . Le marché du t ravai l ,
te l que nous le concevons en
France, serai t un gâteau qu’ i l
faudrai t partager en parts
égales . Je ne cro is pas à cet te
v is ion. Le marché du t ravai l
est une ent i té extensib le . P lus
nous intégrerons de t ravai l -
leurs , p lus i l y aura de t ravai l .
C ’est un cercle vertueux. P lus
nous t ravai l lerons, p lus des
emplois seront créés. »
—
CAROLINE YOUNG,
Dir igeante d’Exper Connect
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Quel nouveau contrat socialpour la France ? —
Révolutionner le droit du travailIl n’est pas un chef d’entreprise qui ne dénonce l’extraordinaire com-plexité du droit du travail. Restaurer la compétitivité des entreprises passe par un droit du travail moins rigide. Il devrait être possible notam-ment de créer un contrat de tra-vail unique qui entraînerait moins de précarité pour les salariés et plus de flexibilité pour les entre-prises. CroissancePlus a travaillé depuis longtemps sur ce sujet. Le CDI présente en effet des rigidités anachroniques, qu’il s’agisse de la modification du contenu du poste, du licenciement économique ou des procédures de plan social, autant de mécanismes qui ont été conçus pour les grandes entreprises mais qui constituent pour les PME des freins importants à l’embauche. Le contrat unique serait un CDI, mais les exigences en cas de licenciement seraient donc allégées, moyennant une compensation financière ver-sée aux salariés proportionnelle à l’ensemble des salaires versés tout au long du contrat de travail.
L’abandon du CDD et la création d’un nouveau contrat unique, allé-geant pour les PME les obligations de reclassement, l’assouplisse-ment des plans de sauvegarde de l’emploi, constitueraient un pro-grès important. Il existe en France
aujourd’hui 38 formes de contrat de travail différentes, 27 régimes déro-gatoires et une dizaine d’organisa-tions du temps de travail.
I l faudrai t tendre vers un
contrat de t ravai l unique, pour
s impl i f ier les procédures de
départ des salar iés . Dans une
PME française, s i le chef d ’en-
trepr ise cherche à fa i re des
économies, et que son carnet
de commandes fa i t gr ise mine,
i l devrai t pouvoir être a idé
par un contrat de t ravai l qui
assoupl i e t sécur ise jur id ique-
ment la sort ie d ’un employé. Et
je ne par le pas ic i des procé-
dures l iées aux Prud’hommes.
Mais pour le dro i t du t ravai l ,
les mots d’ordre sont se lon
moi : s impl i f icat ion, souplesse
et sécur i té . Ce contrat unique
serai t une avancée pour cel les
et ceux qui ne sont pas en CDI .
Rappelons que 40% des sala-
r iés ont un contrat précaire .
C’est donc une quest ion de
just ice socia le avant tout . »
—
JEAN-RENÉ BOIDRON,
Dir igeant de DL Santé et
co-président de la commission
Sociale et Emploi de
CroissancePlus
17
Jean-René Boidron, Dirigeant de DL Santé et co-président de la commission Sociale et Emploi de CroissancePlus (DR)
Geoffroy Roux de Bézieux, Dirigeant de Virgin Mobile, ancien Président de CroissancePlus (DR)
Le droi t du t ravai l est b ien t rop complexe et comprend souvent des
procédures t rop longues. C’est part icul ièrement vra i pour les PME qui
ne d isposent pas toujours de l ’expert ise nécessaire . I l faut absolument
s impl i f ier cet te légis lat ion. »
—
GEOFFROY ROUX DE BÉZIEUX, Dir igeant de Virg in Mobi le ,
ancien Président de CroissancePlus
Trouver de nouveaux modes de financement de la protection socialeLe travail ne peut plus supporter le poids actuel du coût du financement de la protection sociale. Ce fardeau doit être allégé, faute de quoi, on ne résoudra pas de façon pérenne la question de la compétitivité des entreprises. Trouver d’autres modes de financement doit faire partie des options étudiées par les responsables politiques. La TVA dite sociale en est une. La TVA est un prélè-vement indirect sur les biens de consommation et les services, acquittée par l’ensemble des consommateurs.
Il existe aujourd’hui en France trois taux de TVA : normal à 19,6%, réduit, à 7% et très réduit à 2,1%. Comme on le sait, l’idée de la TVA sociale est de transférer sur la consommation une partie des charges patronales au titre de la protection sociale. L’augmentation des prix des produits de consom-mation et des services serait compensée par un abaissement du coût du travail. Le gouvernement a décidé de mettre en vigueur un tel mécanisme dès l’automne prochain, en augmentant le taux de TVA normal de 1,6 points pour le porter à 21,2%, soit dans la moyenne des taux de TVA en Europe.
Quel nouveau contrat socialpour la France ? —
Mais on peut aussi financer la pro-tection sociale par l’impôt, notam-ment par le biais de la CSG.
En tout état de cause, la France ne peut plus se permettre de faire l’économie de réformes profondes concernant le financement de son modèle social. Force est de consta-ter qu’une réflexion de ce type est en cours dans la plupart des pays européens.
La tota l i té de la pol i t ique fa-
mi l ia le f rançaise ne peut être
f inancée par le secteur pr ivé .
C’est une aberrat ion. La TVA-
compét i t iv i té est un premier
pas pour les entrepr ises qui
sont en concurrence d i recte
avec les pays étrangers , mais
aussi pour les PME qui œuvrent
uniquement sur le terr i to i re
nat ional . Avec cet te TVA-
compét i t iv i té , je devrais avoir
la possib i l i té d ’embaucher. »
—
EMMANUEL GRIMAUD,
Dir igeant de Maximis Retraite
et co-président de la commis-
sion Sociale et Emploi
de CroissancePlus
Thierry Magin, Dirigeant de MCR Consultants (DR)
Emmanuel Grimaud, Dirigeant de Maximis Retraite et co-président de la commission Sociale et Emploi de CroissancePlus(DR)
19
Nicolas Bergerault, Dirigeant de L’atelier des Chefs (DR)
I l faut reposer la quest ion de ce qui
doi t êt re f inancé par l ’entrepr ise et
le t ravai l d ’un côté , et par la sol ida-
r i té nat ionale de l ’autre . Selon moi ,
le f inancement du chômage et des re-
tra i tes doi t être assuré par les entre-
pr ises. En revanche, la pol i t ique fami-
l ia le et la santé doivent être pr ises en
charge par la sol idar i té nat ionale . À
terme, i l faudra arrêter de d ist inguer
les prestat ions salar ia les et patro-
nales . La TVA di te socia le , qui fera la
bascule de certa ines cot isat ions so-
cia les vers la TVA, devrai t permettre
d’abol i r cet te d ist inct ion. »
—
THIERRY MAGIN,
Dir igeant de MCR Consultants
Adapter les modes de repré-sentativité
du personnelLe taux de syndicalisation en France a été divisé par trois en l’espace de trente ans, et ne dépasse pas en moyenne 7% des salariés. Un taux qui se réduit encore comme peau de chagrin dans le secteur privé pour plafonner à 5%.
À l’heure où le modèle écono-mique et social allemand semble devenir une référence européenne, CroissancePlus affiche sa volonté de réinventer le dialogue social au sein des PME françaises, et de sor-tir notre pays d’une singularité qui le distingue de ses voisins européens. Pour les dirigeants d’entreprises innovantes, la qualité du dialogue qui s’instaure entre un chef d’entre-prise et ses équipes sera la clé des prochains changements dans le monde du travail, voire de la nature même des négociations entre les partenaires sociaux, l’Etat et les entreprises.
Comment permettre aux salariés du secteur privé de renouer avec l’idée même du syndicalisme ? Pour certains chefs d’entreprise, l’une des réponses pourrait être le « tous syndiqués ». L’obligation d’adhé-rer à un organisme syndical bou-leverserait la donne et permettrait d’atteindre un taux de syndicalisa-tion qui, en Suède ou en Finlande, se situe autour des 70%, d’après les statistiques de l’OCDE. Une telle mesure, à l’image du vote obliga-
La TVA emploi doi t devenir une pr ior i-
té pour la France : baisser les charges
patronales pour a l léger le coût du
t ravai l e t d iminuer les charges sala-
r ia les pour augmenter le sala i re net
de nos col laborateurs . C ’est aussi
grâce à cet te mesure que nous pour-
rons davantage embaucher. »
—
NICOLAS BERGERAULT,
Dir igeant de L ’ate l ier des Chefs
Quel nouveau contrat socialpour la France ? —
toire belge, engendrerait des muta-tions profondes. En augmentant la représentativité syndicale en France, le dialogue social au sein des entre-prises montrerait un autre visage, et permettrait de responsabiliser les salariés et leurs représentants. Par la suite, les syndicats, porteurs d’une « volonté générale » des salariés, auraient à cœur de voir aboutir les négociations auprès des pouvoirs publics ou des organisations patro-nales. Mais ce « grand soir » syndical et cette recherche d’un consensus à l’allemande, trop éloigné encore de la culture française, prendra du temps.
Créer de la cro issance, générer
des emplois , passe par un droi t
du t ravai l p lus souple pour les
entrepr ises. Mais cet te sou-
plesse sera impossib le à ins-
taurer sans des syndicats p lus
représentat i fs et soucieux de
l ’ intérêt général . I l faudrai t
peut-être proposer que l ’en-
semble des salar iés soient ,
comme en Suède, syndiqués
d’of f ice . »
—
SYLVAIN BIANCHINI ,
Dir igeant de Novalto
À plus court terme, on pourrait faire en sorte que la relation avec les représentants du personnel relève d’abord du bon sens avant la fixation de règles par la loi, car le besoin est variable selon les entreprises. Dans cet esprit, CroisssancePlus milite pour fixer à une par trimestre la fré-quence des réunions avec les repré-sentants du personnel, pour fusion-ner le Comité d’entreprise avec le CHSCT, pour étendre à l’ensemble des PME et des ETI la possibilité de la Délégation unique du person-nel, pour limiter le nombre d’élus par rapport au nombre de salariés, et enfin, pour faire en sorte que les contestations soient encadrées au sein de dispositifs plus clairs.
Enfin, il ne saurait y avoir de réforme de la représentativité des salariés
sans que l’on casse les effets de seuil et que l’on réforme le statut des salariés protégés s’agissant notam-ment des syndicalistes qui devraient avoir le même statut, en cas de licenciement, que les autres salariés de l’entreprise, comme c’est le cas en Allemagne, par exemple.
Sylvain Bianchini, Dirigeant de Novalto (DR)
21
Hélène Saint-Loubert, Dirigeante de Grenade & Sparks (DR)
Dans sa forme actuelle, le syndicalisme
bloque le dialogue social dans les en-
t r e p r i s e s f r a n ç a i s e s . Po u r t a n t , c e s
échanges sont vitaux. Une grande partie
de nos problèmes sera i t réso lue s i le
chef d’entreprise avait toujours la pos-
s ib i l i t é d ’exp l iquer se re inement ses
choix et ses orientations à ses collabo-
rateurs, pour les motiver et leur donner
toujours plus envie de se mobiliser pour
leur entreprise. En dehors du temps de
t ravai l , la quest ion centra le pour une
en t rep r i se , c ’ es t auss i l ’ i n t é rê t que
peut susciter un dirigeant auprès de ses
équipes. »
—
HÉLÈNE SAINT-LOUBERT,
Dir igeante de Grenade & Sparks
Dans certa ines entrepr ises,
j ’a i remarqué que b ien sou-
vent le d ia logue socia l éta i t
fac i l i té par la part ic ipat ion
des représentants du person-
nel aux consei ls d ’adminis-
trat ion. Leur présence permet
une vér i table t ransparence, in-
dispensable dans notre société
d’information. »
—
THIERRY TIMSIT,
Dir igeant d’Astorg Partners
Enfin, la participation de délégations uniques aux conseils d’administra-tion doit être systématisée et éten-due. Il est à noter que la 7ème édi-tion du baromètre CroissancePlus / Astorg Partners, publiée en Janvier 2012, montrait que, malgré une période économique difficile, les entrepreneurs estimaient dans leur grande majorité que le climat social ne s’était pas enlisé.
Au sein des PME françaises, ce cli-mat dépendra essentiellement du dialogue entre dirigeants et colla-borateurs, entre représentants des salariés et employeurs.
En France —
La part des dépenses de santé dans le PIB, s’élève à 11,2% en France, contre 10,5% en Allemagne, 9,9% aux Pays-Bas, 8,7% au Royaume-Uni.Source : OCDE, 2010
Selon les derniers chiffres disponibles, la structure de la consommation des ménages en France se répartit ainsi :En milliards d’euros, source : INSEE, 2010
La structure fiscale au sein des pays de l’OCDE se répartit ainsi :En pourcentage des prélèvements obligatoires
Source : OCDE, 2010
Les chiffres-clé du modèle social —
%
2
4
6
8
10
12
Logement, électricité, chauffage 266
140
30
40
63
36
153
29
97
8
65
Produits alimentaires et boissons non alcoolisées
Tabac, boissons alcoolisées
Articles d’habillement et chaussures
Entretien et équipement du logement
Santé
TransportsAchats de véhicules (40)
Utilisation / entretien des véhicules (92)
Communications
Loisirs et culture
Education
Hôtels, cafés et restaurants
FR.AL.
NL.
G.-B.
Impôts sur le revenu
Côtisations sociales
Impôts sur les sociétés
Impôts sur le patrimoine
Allemagne
Irlande
Danemark
Japon
Espagne
Suède
Etats-Unis France
26
37,6
17,7
38,6
24,8
36,4 25,137,2
27,9 29,8
52,4
20
21,538
17,4
En Europe —
Selon la dernière étude publiée par Eurostat et rendue publique le 8 février 2012, 115 millions de personnes dans l’Union Européenne, soit 23,4% de la population totale étaient menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale, à la fin 2010. Dans le langage d’Eurostat, cela signifie que ces personnes étaient confrontées à au moins l’une des trois formes d’exclusion suivantes :
1 / Risque de pauvreté (c'est-à-dire vivant dans un ménage disposant d’un revenu équivalent-adulte inférieur au seuil de pauvreté qui est fixé à 60% du revenu médian national) ;
2 / Situation de privation matérielle grave (conditions de vie limitées par un manque de ressources et privées d’au moins 4 des 9 éléments suivants : payer un loyer, rembourser un prêt immobilier à temps, chauffer correctement leur domi-cile, faire face à des dépenses imprévues, consommer de la viande, du poisson ou un équivalent de protéines tous les deux jours, s’offrir une semaine de vacances en dehors de leur domicile, posséder une voiture personnelle, un lave-linge, un télé-viseur couleur ou un téléphone fixe ou portable) ;
3 / Vivant dans des ménages à très faible intensité de travail (ménages dans lesquels les adultes ont utilisé moins de 20% de leur potentiel de travail au cours de l’année passée).
23
La proportion de ces populations fra-gilisées varie d’un pays de l’Union Européenne à l’autre. Les taux de risque de pauvreté les plus élevés se situent en Bulgarie (42%), Roumanie (41%), Lettonie (38%), Lituanie (33%), Hongrie (30%). Les plus faibles se trouvent en République Tchèque (14%), Suède et Pays-Bas (15%), Autriche, Finlande et Luxembourg (17%).
Taux de rique de pauvreté, fin 2010
Il est à noter que 21% des Espagnols sont menacés de pauvreté monétaire et que 13% des Britanniques et des Belges vivent dans des ménages à très faible intensité de travail, contre 6% des Luxembourgeois, des Suédois et des Tchèques…
Et selon Eurostat, ce sont 11,7 millions de Français, soit 19,3% de la population qui se trouvaient confrontés au risque de pau-vreté ou d’exclusion sociale à la fin 2010. (Sources : Eurostat, février 2012)
%
10
20
30
40
50
BUL
GA
RIE
RO
UMA
NIE
LETT
ON
IE
LITU
AN
IE
HO
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RÉP
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SUÈD
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BA
S
AUT
RIC
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FIN
LAN
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LUX
EMB
OUR
G
François DupuyLe fin connaisseur des entreprises et des organisations
François Dupuy, chercheur, professeur, consul-tant, est l’un des experts les plus reconnus, en France et aux Etats-Unis (où il a beaucoup ensei-gné et travaillé) de l’organisation des entreprises. Il a écrit de nombreux ouvrages, dont le dernier en date Lost in Management a connu un beau suc-cès. Il y analyse avec une grande finesse les tra-vers des modes managériales et esquisse ce que pourrait être l’entreprise de demain.
Le grand entretien — François Dupuy :
Le « contrat socia l » n ’est pas le seul é lément qui rend une entrepr ise performante. Son organisat ion, ses procédures, sa cul ture , sa capaci té à fa i re t ravai l ler les hommes ensemble, la façon dont s ’exerce l ’autor i té sont des é léments-clefs de la performance de l ’entrepr ise . Ce sont des mécanismes di f f ic i les à démonter et encore p lus d i f f ic i les à modif ier. Pour le Pet i t Journal de Campagne, François Dupuy partage sa réf lex ion, ses observat ions et ses analyses sur le fonct ionnement des entrepr ises et sur la façon de le rendre p lus souple et p lus adapté aux nouvel les règles de la compét i t ion économique.
« Moins de procédures, plus de confiance et de simplicité. »
/ Le Petit Journal de Campagne :Tout le monde est d’accord sur ce constat : la compétitivité d’un pays dépend de celle de ses entreprises. Or, l’entreprise est un monde très particulier. En théorie, elle serait le lieu de l’autorité, du pouvoir vertical, de la performance. Mais vous sem-blez dire que la réalité est beaucoup plus complexe…
/ François Dupuy : En effet, lorsqu’on l’observe sur le terrain, l’entreprise d’aujourd’hui est très éloignée de cette image un peu dictatoriale. La c o m p é t i t i o n qui s’accentue, la complexité des process, la multiplica-tion des infor-mations dont il faut disposer pour prendre des décisions, les multiples procédures de « reporting », font que l’autorité se dilue, que le contrôle se
relâche. Dans de nombreuses entre-prises, le problème est plutôt de reconstruire une maîtrise de la direc-tion sur l’organisation.
/ LPJC : Les dirigeants disposent pourtant de nombreux outils, de procédures de contrôle, de modes d’organisation pour s’assurer de l’efficacité de l’entreprise…
/ F. D. : Parlons-en, justement. On a cru longtemps que le travail séquentiel, segmenté, constituait une réponse à l’efficacité d’une
organisation. En réa-lité, cette forme de tra-vail protège davantage l’organisation qu’elle ne produit d’efficacité pour le client. Dans l’organi-
sation « en silo », dont on parle tant aujourd’hui, surtout pour essayer de la remettre en cause, aucun membre de l’organisation n’est comptable du
L’entreprise d’aujourd’hui est loin de cette image dictatoriale. »
26
Le grand entretien
résultat final. Si l’on pousse le para-doxe jusqu’au bout, ce type d’orga-nisation vise non pas à mettre le client au centre des préoccupations de l’entreprise, mais à le repousser aux marges, à se protéger de lui et de la pression qu’il peut exercer sur l’entreprise, puisqu’en cas de pro-blèmes, personne, au sein de l’orga-nisation ne peut être identifié comme « responsable ». Mais ce n’est pas tout : l’organisation traditionnelle en « silo » offre une autre protection, encore plus précieuse, notamment pour les cadres. Protégés par des cloisons bien étanches, ils n’ont pas à « coopérer » avec les autres, leurs collègues, les services voisins.
/ LPJC : Pourtant, cette notion de coopération est présente dans la plupart des livres de management…
/ F. D. : Je le sais, mais c’est un leurre. Dans notre univers mental, la coopération véhi-cule une connota-tion très positive : celui qui coopère, c’est celui qui est ouvert aux autres, qui n’a rien à cacher, qui accepte volontiers de se « découvrir » au bénéfice du résultat obtenu et de l’intérêt général. En fait, dans l’uni-vers de l’entreprise, cette notion a pris une dimension presque idéolo-gique, alimentée aussi bien par les business schools que par les grands cabinets de conseils. En réalité, la coopération n’est pas un compor-tement naturel ou spontané dans les situations quotidiennes de tra-vail. Pour ceux qui sont concernés,
cela revient à remplacer l’autonomie par la dépendance, à créer de la confrontation là où il n’y avait que de la neutralité.
C’est parce que la coopération n’est pas un comportement naturel qu’il a fallu la créer, l’imposer, en mettant en place des processus toujours plus nombreux et compliqués.
C’est ce qui crée ce que j’appelle de la « paresse managériale », lorsque les processus ou les procédures finissent par occulter la réalité du travail et lorsqu’on compte trop sur les individus, les fameux « leaders », pour pallier les défaillances organisa-
tionnelles. J’ajouterai que la persistance des « silos » produit aussi des résultats singuliers dans le processus de déci-sion : il est long et chaotique et l’appli-cation de ces déci-sions est aléatoire. Les acteurs de la décision se surpro-tègent, ils consultent tout le monde
jusqu’au moment où ils pensent avoir obtenu un fragile consensus, ce qui alourdit encore la prise de décision car les cadres doivent se demander en permanence s’ils ont bien informé et consulté tout le monde, s’ils ont bien lu tous les courriels qui leur ont été envoyés, (un exercice épui-sant mentalement si l’on veut bien y penser), afin de bien « sécuriser » leur décision. Et paradoxalement, le délire des processus, des reportings et des indicateurs finit par recréer des zones de liberté pour les salariés tant ils deviennent contradictoires
La coopération n’est pas un comportement naturel ou spontané dans les situations quotidiennes de travail. »
les uns avec les autres et laissent ainsi les acteurs libres de décider de ce qu’ils doivent appliquer ou non…Ce qui ne manque pas de sel…
/ LPJC : Quelle est l’alternative aux faiblesses que vous signalez ? Est-il possible de fonctionner autrement ?
/ F. D. : Je le crois. La vie quotidienne des entreprises n’est pas faite que de processus, de contrôles ou de bureaucratie. Certaines organisa-tions ont fait des choix différents, sans qu’il soit d’ailleurs toujours possible d’expliquer pourquoi.
Certaines entreprises ont du garder leur souplesse initiale et en font un facteur clé de succès. Sans doute leurs dirigeants ont-ils joué un rôle crucial dans la préservation de cette souplesse et de cette sagesse. Je mettrai volontiers de côté tous les discours sur le leader et le lea-dership, au profit de cette simple observation : un dirigeant est d’au-tant plus fort qu’il fait confiance et il fait d’autant plus confiance qu’il est fort. La confiance est l’opposée de la bureaucratie procédurière.
Il faut être sûr de soi, des hommes que l’on a choisi, mais surtout des règles du jeu que l’on a fait émerger dans son organisation, et être per-suadé que cette double certitude assurera un fonctionnement moins rassurant peut-être, mais plus per-formant que ce qui est écrit dans les manuels de management.
/ LPJC : Ce que vous décrivez là colle davantage à des entreprises de taille moyenne qu’à de grandes organisa-tions…
/ F. D. : Je ne sais pas. Je vois des PME fonctionner comme des admi-nistrations et certaines grandes entreprises conserver un esprit de « pionnier ». Ce que je crois, c’est que le moment de vérité d’une entreprise est le passage d’un père fondateur ou d’un dirigeant charis-matique, ce qui est souvent le cas d’entreprises récentes, à un mana-gement « normalisé ». Travailler dans une organisation « floue », et a fortiori la diriger, est quelque chose qui se « sent », et ceux qui le sentent ainsi ne sont pas majoritaires, loin s’en faut. Les autres entendent mettre de l’ordre dès leur arrivée, reprendre les choses en main, redéfinir les rôles, introduire de la clarté, et les consul-tants sont là pour les y aider. On peut déjà anticiper les effets réels produits par cette approche.
/ LPJC : Quelles conclusions tirez-vous de l’observation des entre-prises qui ont su garder la souplesse dont vous parlez ?
/ F. D. : En la matière, il n’existe pas de modèle tout fait. Chaque culture d’entreprise est spécifique, et il faut se garder des généralisations. Comment caractériser ces organisa-tions nouvelles qui paraissent plus adaptées à l’évolution actuelle de la compétition économique ? Le pre-mier point-clé est l’énergie qu’elles mettent à rechercher les solutions les plus intégrées pour le client. La vente « sèche » de produits est à son crépuscule, comme le montre le passage du téléphone portable
27
La confiance est l’opposé de la bureaucratie procédurière. »
au smartphone. La notion de solu-tion fait éclater les organisations traditionnelles, qui en sont restées à l’individualisation, à la défense des territoires et au respect strict des hiérarchies.
La question n’est plus de respecter un certain formalisme ou d’obéir aux règles de la bienséance, mais de mettre en réseau le plus rapidement possible les compétences néces-saires à l’élaboration d’une réponse satisfaisante au client, et ce, où que ces compétences se trouvent. Ce qui s’impose au cœur de ces nou-velles organisations, ce n’est plus le « silo » mais la transversalité.
/ LPJC : Une procédure de plus, en somme…
/ F. D. : Non. La transversalité ne doit pas être appréhendée comme un processus de plus. En réalité, elle dépend de la capacité de l’entre-prise à générer les comportements coopératifs non par la contrainte ou la rhétorique morale, mais par sa connaissance des ressorts de l’action collective, ceux qui vont faire que les acteurs auront « inté-rêt » à travailler ensemble. Sur cette question centrale, il faut abandon-ner les modes managériaux ou les proclamations abstraites. L’axiome qui veut que « tout ce qui a été dit, décidé ou affirmé sera fait » relève selon moi de l’irresponsabilité. Il faut aller plus loin dans les solutions innovantes et se demander ce qui
permet vraiment de créer des « com-munautés d’intérêt ».
/ LPJC : C’est une question que se posent beaucoup d’entrepreneurs. Comment créer ces communautés dans la vie quotidienne des entre-prises ?
/ F. D. : Ma conviction est qu’il faut travailler sur des modes de ges-tion humaine ou financière qui vont favoriser l’émergence de ces com-munautés et non pas seulement entretenir un souhait, même s’il faut briser au passage quelques canons de « bonne gestion ».
/ LPJC : Par exemple ?
/ F. D. : Par exemple, en acceptant de compter plusieurs fois la même chose. Je vois d’ici les directeurs financiers se dresser sur leur siège et hausser les épaules. Et pourtant, comment peut-on vouloir qu’un grand nombre d’acteurs travaillent ensemble pour élaborer des solu-
tions toujours plus complexes pour les clients tout en leur disant que chacun n’aura qu’une part du gâteau, calculée au plus juste ? Si l’on pratique de la sorte, on ferme le jeu plutôt que l’ouvrir, et cha-cun n’aura de cesse que d’exclure des « convives » afin que sa part du
Le grand entretien
La transversalité ne doit pas être appréhendée comme un pro-cessus de plus. »
L’axiome qui veut que “tout ce qui a été dit, décidé ou affirmé sera fait” relève selon moi de l’irresponsa-bilité. »
29
gâteau soit la plus grande. Il faut donc accepter ce que les financiers appellent le « comptage multiple » ou d’autres modes de calcul qui donneront aux acteurs l’envie de faire croître toujours plus la taille du gâteau. Tout cela replace au premier plan la question de la confiance, donc celle des règles du jeu, donc celle de l’éthique. Il ne s’agit plus de demander aux acteurs « de ne pas faire n’importe quoi pour développer le business », posture hypocrite dans un monde où les rémunérations sont de plus en plus individualisées.
Il s’agit plutôt de créer un environ-nement de travail moins incertain,
plus prévisible, qui permet de se fier un peu plus à l’autre, sans avoir à passer par des procédures ou des processus qui complexifient bien plus qu’ils ne simplifient. L’enjeu est de faire travailler les Hommes autre-ment, à croire en eux, à redécouvrir les vertus de la confiance et de la simplicité.
François Dupuy est notamment l’auteur de Lost in Management, la vie quotidienne des entreprises au XXIème siècle (Le Seuil, 2011).
Propos recueillis par Le Petit Journal de Campagne
(DR
)
02
. 2
01
2
L’entreprise sans chefs ?
Lexpress.fr, 12 janvier 2012 —
« Imaginez une entreprise sans hié-rarchie, dans laquelle vous seriez, au même titre que vos collègues, votre propre patron. Pas de chefs, de titres ou de promotions. Chaque employé dépen-serait l'argent de la compagnie et serait responsable de l'achat de ses outils de travail. Utopique ? Gary Hamel, expert américain en management et profes-seur invité à la London Business School, semblait tout aussi incrédule avant de visiter une entreprise hors-norme : la Morning Star Company. Provocant, il relate cette expérience dans la presti-gieuse Harvard Business Review, sous un titre à hérisser les cheveux du pre-mier chef venu: “Commencez par virer tous les managers”.
Morning Star, leader américain de la sauce tomate, n'a pas à rougir de ses résultats économiques : 700 mil-lions de dollars de chiffre d'affaires
Bref inventaire de ce qu’un entrepeneur doit savoir par les temps qui courent...
LU POUR VOUS et une croissance continue, pour cette entreprise qui emploie plus de 400 personnes. A la tête de la firme cali-fornienne, le président-fondateur Chris Rufer.
Entre lui et ses employés “de base”, aucun échelon hiérarchique. Alors, comment fonctionne cette entreprise singulière ? Sans encadrement, chaque salarié est responsable de sa propre mission, et de l'acquisition des moyens et des coopérations nécessaires.
Aucune limite de prix n'est fixée au personnel quant à l'achat de matériel. En contrepartie, chacun doit justifier annuellement auprès de ses pairs du retour sur investissement de ses acqui-sitions et réaliser le bilan de ses perfor-mances.
Le système fonctionne “car il y a un fort engagement des employés dans les valeurs de l'entreprise, une impli-cation de chacun”, explique Maurice Thévenet, professeur au CNAM et à Essec Business School. “C'est là le véritable enseignement de ce concept. Les entreprises actuelles devraient s'en inspirer”, conclut-il, sans pour autant conseiller d'adopter le système de l'en-treprise sans chefs. »
Le syndicalisme, une idée neuve
Le Nouvel Economiste, 19 janvier 2012 —
« Il n’est pourtant pas temps de mener de façon expéditive le procès “antisyn-dical” car jamais sans doute le besoin de syndicats ne s’est fait sentir aussi fort dans un contexte de crise économique aigüe et d’accélération de la dissolution des liens sociaux. Ce dont souffre la France, ce n’est pas d’un syndicalisme trop fort qui développerait sa capacité de nuisance mais au contraire d’un syn-dicalisme trop faible. Seul un syndica-lisme fort et responsable peut contri-buer aux changements nécessaires en relayant les aspirations des salariés dans un souci d’équilibre. Pourquoi pas en France ? »
Les classes moyennes françaises sont écartelées
Entretien avec Louis Chauvel, pour le magazine Books, 23 janvier 2012 —
« La réponse américaine à la globalisa-tion (la concurrence marchande) a en effet deux grands concurrents, grands par l’esprit sinon par la taille. La stra-tégie suédoise consiste à re-former les adultes tout au long de la vie, en par-
ticulier les travailleurs des secteurs les plus exposés. Dans le régime nordique, l’investissement dans le travailleur tout au long de la vie n’est pas un vain mot. « Donnez une subvention et le travail-leur mangera quelques jours, donnez une vraie formation et il travaillera tou-jours », pour paraphraser un célèbre dic-ton chinois. Ce système va de pair avec l’emploi jusqu’à 67 ans pour la grande majorité de la population, et l’intégration des jeunes dans le monde du travail dès l’âge de 18 ans. La stratégie française consiste, quant à elle, à rendre la vie hors du travail tout à la fois possible et même plutôt agréable par rapport aux tensions, anxiétés, humiliations vécues par le travailleur. »
L’ère des talents
Comment naviguer à travers l’ère des talents, étude de ManpowerGroup, Janvier 2012 —
« La grande transformation. C’était le thème de la 42e édition du Forum éco-nomique mondial (WEF), qui s’est tenue fin janvier à Davos, en Suisse. La mon-tée inquiétante du chômage en Europe a également animé une partie des débats. Pour retrouver la voie de l’emploi et de la croissance, ManpowerGroup a publié pour l’occasion Comment naviguer à travers l'ère des talents. Cette étude propose aux employeurs d’un monde qui “bifurque” de parier sur la flexibilité du travail et de se mettre en quête des “talents”. Autrement dit, ces perles rares aux compétences particulières, jeunes employés mobiles soutenus
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VERBATIM
par un chef d’entreprise soucieux de sa responsabilité sociale. Pour Jeffrey A. Joerres, PDG de ManpowerGroup, “business model” et systèmes sociaux sont à revoir. Les sociétés devront ainsi repenser leur façon d’évaluer, de recru-ter, mais aussi de récompenser ces employés du XXIème siècle. La “grande transformation” est en marche et doit permettre de démultiplier le potentiel de chaque collaborateur. »
Réduire les inégalités
« Nous devons revitaliser la croissance (…) Comment ? Deux ingrédients sont essentiels : d’abord, nous avons besoin de plus d’innovation et de productivité dans le monde industriel. Il faut pour cela donner aux entrepreneurs le droit d’être mobiles, d’innover, de créer de nouvelles sociétés. Nous devons nous assurer que nous ne détruisons pas notre environnement. Ensuite, il faut faire en sorte que les travailleurs s’adaptent à des emplois qui seront amenés par l’innovation. Un partenariat entre le gou-vernement, l’industrie et le monde du travail me semble très important. C’est quelque chose que nous avons négligé, surtout aux Etats-Unis. (…) Si vous ras-semblez ces deux ingrédients – l’inno-vation et la capacité d’adaptation des travailleurs – vous avez une chance de réduire les inégalités ».
Raghuram Rajan, professeur d’économie à l’Université de Chicago, édition du Time, 6 février 2012 —
Collectif —
Dessiner le travail du XXIème siècle
Pour éviter que le travail ne devienne en France le « mal du siècle », Radio France
Soutenir le prochain Steve Jobs
« Une économie faite pour durer est une économie où le talent et l’ingéniosité de chacun sont encouragés. Cela signifie qu’à travail égal, les femmes devraient être rémunérées comme les hommes. Cela signifie que nous devrions soute-nir tous ceux qui sont prêts à travailler, et chaque entrepreneur qui veut deve-nir le prochain Steve Jobs. Après tout, l’innovation a toujours été au cœur des Etats-Unis. La plupart de nos nouveaux emplois sont créés dans des start-up ou des petites entreprises. Aidons-les à réussir en inscrivant leurs enjeux à l’ordre du jour. Démolissons les règles qui empêchent des entrepreneurs à trouver les financements pour grandir. »
Barack Obama, Président des Etats-Unis, lors de son Discours sur l’état de l’Union, 24 janvier 2012 —
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Dominique Goux et Eric Maurin
Centre de gravité cherche équilibre
À l’heure où les classes moyennes deviennent l’un des enjeux majeurs de la campagne pour les élections présiden-tielles, Dominique Goux et Eric Maurin esquissent le portrait d’une catégorie aux multiples visages.
« Ces nouvelles classes moyennes se caractérisent par trois traits fonda-mentaux », écrivent les auteurs : « leur dynamisme, leur centralité sociale, leur position d’arbitre ». Premier enseigne-ment de l’ouvrage, la définition des classes moyennes fluctue au fil du temps. Nommées « petite bourgeoisie » au XIXème siècle, à savoir les actifs non salariés, elles mutent au XXème siècle face à l’ascension du salariat. En 2012, les deux sociologues prennent le parti
a mené en 2011 une grande enquête auprès de 6 000 auditeurs. Le fruit de cette étude donne lieu à une publica-tion, mise en valeur par les analyses d’une sociologue (Dominique Méda), d’un psychiatre (Patrick Légeron) et d’un philosophe (Yves Schwartz).
De cette enquête émane certains ensei-gnements passionnants. Pour près de 50% des sondés, le travail idéal devrait permettre de « continuer à apprendre ». À l’heure où il est question, pour les employeurs comme pour les salariés, d’agilité et d’adaptation face au nou-veau monde du travail, 57% des per-sonnes interrogées se disent prêtes à changer de ville pour trouver un emploi « intéressant ».
L’enquête esquisse le portrait de sala-riés français qui comptent sur eux-mêmes pour assurer leur bien-être au travail (73,8%), plutôt que sur les syn-dicats (12,1%) ou les formations poli-tiques (1,6%).
À quelques semaines de l’élection prési-dentielle, les auditeurs de Radio France confirment une certaine défiance à l’égard du pouvoir politique. Que ce soit pour l’amélioration des conditions de travail, la baisse du chômage ou la lutte contre les délocalisations, près de 80% des sondés répondent que « les poli-tiques » sont impuissants.
Et lorsque l’on demande à ces Français ce qui les pousserait à créer leur propre entreprise, 48% invoquent un surcroît d’indépendance.
Quel travail voulons-nous ? La grande enquête, édition Les Arènes, 2012 —
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Les modèles sociaux européens à l’As-semblée nationale
Le 31 janvier dernier, l’Assemblée natio-nale était plus que jamais dans l’air du temps. Au lendemain de l’intervention télévisée du chef de l’Etat et d’une déclaration commune des membres du Conseil européen en faveur de l’em-ploi et d’un retour de la croissance en Europe, se tenait au Palais Bourbon un débat sur les « performances des poli-tiques sociales en Europe ». Faisant suite à un rapport d’information sur le sujet remis en décembre 2011 par les députés Michel Heinrich (UMP) et Régis Juanico (PS), ces échanges ont permis d’aborder la question des poli-tiques publiques familiales. Les députés à l’origine du rapport reprennent ainsi quelques grandes thématiques mises en lumière par l’économiste danois Gøsta Esping-Andersen, et liées aux modèles socio-démocrates scandinaves : des politiques sociales favorisant l’égalité entre femmes et hommes face au tra-vail ; la valorisation de chaque nais-sance par l’Etat-providence ; l’investis-sement dans les services d’avenir que sont les services à la personne ; l’éga-lité des chances dans le domaine de l’éducation, et ce dès le plus jeune âge.
Face aux modèles scandinaves, ainsi que le résume le député Régis Juanico, le rapport remis en décembre 2011 vise « à offrir plus de temps de famille aux pères mais aussi de meilleures opportu-nités de carrières aux mères » en France.
DÉBATS
d’une définition sociologique et écono-mique de ce « centre de gravité de la société ». Le « salariat intermédiaire », à savoir les artisans, les commerçants, les professeurs d’écoles ou encore cer-tains cadres de la fonction publique, serait ainsi la matrice d’une catégorie qui représente 30% de la population française. Second enseignement, les classes moyennes ne disparaissent pas, bien au contraire. Ce livre prend ici le contre-pied des idées de Jean-Marc Vittori.
En 2009, l’éditorialiste prophétisait dans L’effet sablier la compression, voire l’effacement des classes moyennes, soumises à une révolution de l’infor-mation qui favorisait les classes supé-rieures. Dominique Goux et Eric Maurin n’éludent pas pour autant le grand para-doxe des classes moyennes. Entre désir d’ascension sociale et peur du déclas-sement, leur rôle de « noyau stable » est soumis à de fortes tensions.
Le mal-être des classes moyennes, concluent les sociologues, ne pourra trouver sa cure que par l’action d’un Etat-providence, qui ne fera pas de la fiscalité ou des transferts sociaux, un marqueur d’injustice aux yeux des Français les plus courtisés du moment.
Les nouvelles classes moyennes,Seuil, 2012 —
MANAGEMENT
Aux Etats-Unis, les entreprises s’impliquent dans la baisse des coûts de la santé
Il n’y a pas qu’en France que les coûts de la santé constituent une préoccupation majeure pour les assurés, les entreprises et l’Etat. Les Américains dépensent chaque année environ 2 600 milliards de dollars pour leur santé, ce qui représente 18% du PIB. Or, ils n’ont aucune idée des prix des traitements ou des opérations chirurgi-cales, dans un pays où ces prix varient beaucoup d’un établissement à l’autre. Une étude du Massachusetts Division of Health Care Finance and Policy citée par The Economist montre que le remplace-ment d’une hanche varie de 20 à 27 000 dollars et une césarienne de 5 à 10 000 dol-lars.
Pourtant, au cours des dix dernières années, les dépenses de santé aux Etats-Unis ont eu tendance à croître à un rythme moins rapide qu’auparavant. Ce qui montre une attention plus grande portée par les « consommateurs » de soins à la qualité et au prix de « l’offre » qu’on leur propose.
La plupart des salariés américains sont couverts par une assurance santé au tra-vers de leur entreprise. Et ces dernières commencent à sensibiliser leurs salariés sur les coûts de la santé. General Electric propose depuis 2010 un plan « consumer-driven » et incite ses salariés à rechercher
les prix les moins chers. Démarche intéres-sante mais qui s’est heurtée au problème de l’information. Lorsque les salariés de GE ont commencé à demander les prix des traitements et des interventions à leurs médecins, ces derniers ont été médusés par cette attitude car eux-mêmes n’avaient aucune idée de la façon dont ces coûts étaient pris en charge par l’assurance et à quelle hauteur. La réforme de la santé de Barack Obama oblige maintenant les hôpi-taux à établir chaque année une liste de prix standards et plus de trente Etats ont pris des mesures pour favoriser la transparence des tarifs. Mais l’idée qu’un assuré puisse faire son « shopping » de soins et aille au meilleur rapport qualité-prix doit encore faire son chemin. Du coup, les entreprises s’ad-joignent des conseils. GE a ainsi demandé à la firme d’information financière Thomson Reuters d’analyser les prix d’un certain nombre de traitements et de procédures dans différents hôpitaux et cliniques.
Une autre société, Castlight Health, en Californie, travaille avec de grandes entre-prises et rassemble des données sur le coût de traitements ou d’opérations déjà réali-sés, de telle sorte que les assurés puissent comparer et accéder en ligne à des com-mentaires sur le rapport coût-efficacité. Certes, les entreprises éprouvent des diffi-cultés à révéler les accords financiers qu’elles ont conclus avec les établisse-ments de soins, mais la transparence gagne peu à peu du terrain. De grandes compagnies d’assurance travaillent sur de nouveaux outils et l’on entrevoit déjà le jour où les consommateurs utiliseront leur smartphone pour entrer les symptômes, trouver des médecins compétents, com-parer leurs tarifs et prendre un rendez-vous.
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Les « Trente-six Stratagèmes »ou l’art secret de la guerre —
Il est inutile de rechercher l’origine exacte de ce livre, encore inconnue à ce jour, dont un manuscrit a été découvert en 1941 chez un libraire du Shanxi, en appendice au livre qui représente pour les Chinois le grand livre de la sagesse universelle, à savoir le Grand Livre des Mutations ou des Transformations, le fameux Yi King ou Yi Jing, composé de 64 hexagrammes, autant d’oracles ou de signes de ce qui se passe dans le ciel et sur la terre. Ces “trente-six stra-tagèmes” constituent un résumé “cryp-tique” de l’art de la guerre chinois, tel qu’il devait exister à la fin de l’empire des Ming ou au début de celui des Qing, c'est-à-dire au milieu du XVIIème siècle. Ils sont énoncés de façon volontairement elliptique, voire simpliste car, évidem-ment, selon la tradition chinoise, c’est dans le commentaire oral et l’adaptation de ces principes à des situations réelles, que réside tout l’art de la guerre. Voici donc quelques-uns de ces stratagèmes et de leurs commentaires, tirés d’une version publiée en 2007 par les éditions Payot & Rivages, sous la traduction et le commentaire du grand sinologue Jean Levi.1
1 Les 36 Stratagèmes, traduit du chinois, présenté et commenté par Jean Levi (Éditions Payot & Rivages, Paris, 2007)
Traverser la mer à l’insu du ciel
Autrement dit, un spectacle fami-lier n’éveille pas les soupçons. Rien n’est plus caché que le plus apparent. Illustration : un général assiégé doit tra-verser les lignes ennemies pour cher-cher du renfort. Il imagine le plan sui-vant : la cravache à la main et l’arc en bandoulière, il sort des portes escorté de deux autres cavaliers qui portent les cibles, ce qui provoque la stupeur chez les assiégés et les assiégeants. Il gagne les remblais en bas des murs, fait dres-ser les cibles et s’exerce au tir. À la fin de l’exercice, il regagne la ville. Le lende-main, il répète son manège. Une moitié des assiégeants se lève pour le regarder. Après plusieurs jours de cet exercice au tir, plus personne ne fait attention à lui. Un beau matin, il enfourche son cheval et traverse les lignes ennemies au grand galop. Avant que l’ennemi ait repris ses esprits, il était déjà loin…
Attendre dispos un ennemi épuisé
Cette maxime embrasse les rapports de force dans leur généralité et vise jus-tement à les renverser, à faire en sorte
que le plus faible soit en mesure de l’emporter sur le plus fort. Les exemples de cette stratégie consistant à attendre l’ennemi que l’on a attiré vers soi, ne manquent pas dans l’histoire militaire chinoise, ou occidentale.
Harasser des forces supérieures en nombre en les privant de repos ou en les obligeant à de longues et pénibles marches reste un facteur clé de succès.
Laisser le prunier se dessécher à la place du pêcher
Dans les situations désespérées, il vaut mieux sacrifier le faible pour sauver le fort. C’est un stratagème dont les illus-trations sont nombreuses dans l’art de la guerre mais aussi dans le monde des affaires. Voici l’un de ces épisodes, tiré de l’histoire de la dynastie Han : alors que l’empereur se trouvait en mauvaise posture, bloqué dans son camp retran-ché, ses approvisionnements coupés et ne disposant que de maigres troupes, son commandant en chef, revêtu des habits royaux, conduisant le char du souverain, sortit nuitamment par la porte orientale à la tête d’un groupe de deux mille femmes revêtues de cui-rasses. Pendant ce temps, l’empereur et ses fidèles s’enfuient par la porte ouest. Le stratagème réussit parfaitement : le général fut pris, démasqué et brûlé vif, tandis que le souverain réussit à échap-per à ses ennemis.
L’histoire ne révèle pas ce que fut le sort des femmes.
Emprunter un cadavre pour y loger une âme
Cette expression serait liée à l’histoire de Li Yue, un saint homme qui avait appris de son maître l’art de voyager en esprit à travers l’espace. Les stratèges militaires chinois et étrangers en ont donné une acception assez précise : il s’agit pour un chef ambitieux de se fixer sur un “cadavre”, un territoire occupé par un pouvoir vacillant, qui lui servira de tremplin pour son ascension future. Ce stratagème a nourri par ailleurs de nombreuses discussions de sages sur le concept d’utilité de l’inutilité.
D’invité, se transformer en maître de céans
Traduction par les sages chinois : qui est commandé chez autrui est un esclave, qui y est honoré en est l’hôte. Qui ne parvient pas à y prendre pied est un hôte de passage. Qui réussit à s’y éta-blir est un hôte permanent. Seul l’hôte à demeure qui réussit à avoir la direction des affaires pourra peu à peu s’emparer des rênes de l’administration familiale et devenir le véritable patron. Se transfor-mer d’invité en maître de céans néces-site de franchir les étapes suivantes : se battre pour se faire admettre comme invité ; guetter l’entrebâillement de la porte ; y introduire son pied ; s’empa-rer des commandes ; occuper la place du maître, c'est-à-dire s’emparer du commandement de l’armée d’autrui. Un stratagème assez bien adapté au monde des affaires…
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4 NUMÉROS — JOURNAL BIMENSUEL — PARUTION DU JEUDI 16 FÉVRIER 2012
QUEL NOUVEAU CONTRAT SOCIAL POUR LA FRANCE ?
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