le marchant, sévade du camp dauschwitz. depuis trois mille kilomètres, il marche vers jérusalem

Post on 04-Apr-2015

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Le marchant,

s’évade du camp d’Auschwitz.

Depuis trois mille kilomètres, il marche vers Jérusalem.

Elle a raison la fleur.Nous sommes tous nés pour voir le jour.

Notamment les enfants.

«  Je suis née pour voir le jour."

Les savants parlent de la mémoire

de l'eau.

Les norias tournent le temps.

Les femmes parlent de la mémoire

de l’Oronte.

Hama sur Oronte.

Trois semaines de combats.En février 1982, l’Oronte coulait rouge.

Les norias broyaient les os de leurs enfants.

Ceux de Damas tuaient ceux de Hama.

Et aussi leurs enfants, leurs frères, leurs voisins, leurs amis.

Tout le monde tuait tout le monde. Certains parlent de trente mille morts. On ne saura jamais.

Puis est venu le temps des bulldozers. C’est hygiénique les bulldozers,

ça nettoie l’histoire.

Sur l’emplacement du massacre, ils ont construit

un hôtel quatre étoiles.

Tous les soirs,

sur la grande place

la vieille horloge indiquel’heure de la

mémoire

Dans le silence de la nuit, on peut alors entendre le bois qui craque,les os qui parlent.

C’est le gémissement des norias.

Ce soir encore,

vous pouvez dormir

à l‘hôtel quatre étoiles.

La vue sur l'Oronte est superbe.

L'air est climatisé.

Il reste de la place.

Devenir ce que nous sommes depuis toujours.

Quitterle meurtre.

Se laisserguider par le souffle d'Abraham…

Partir au désert.

Vomir, puis marcher.

Quand la terre est trop petite.

Quand le meurtre est trop grand.

Quand le marchant n’a plus d’espace pour prier, il part au désert.Palmyre

Au désertregarder le videdroit dans les yeux …et se laisser aspirer par l'apesanteurdu temps.

Mar Musa

Au désert, le temps sensible disparaîtsous les pieds.

Tendrementsans bruit, sans mot.

L'apesanteur du temps

Au désert,le calme laisse sans poids et sans montre.

Mar Musa

D'Auschwitz à Jérusalem,

le mur du silence est si long !

La mémoire se perd.

Jérusalem

Parti d’Auschwitz,le marchant transhume tellement de destins qu’il les confond en une seule et même Jérusalem.

Le destin d'un grand-oncle gazé à Auschwitz le 5 juillet 1944…

Le destin de sa famille et de tous ses cancéreux…

Le destin de ses enfants, et des enfants de ses enfants jusqu'à la septième génération...

Le destin des enfants de la Shoah,

le destin des enfants de Palestine et d’Israël,

le destin des enfants d’Arménie, du Cambodge,

et, aujourd’hui, le destin des enfants des norias.

D’Auschwitz.à Jérusalem,

le voilàguéri,

aux portes du silence.

« Le marchant de bonheur, à pied d’Auschwitz à Jérusalem »

Éd. Le Mercure Dauphinois, mai 2008

http://www.andreweill.fr

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