le livre noir de l'occupation isra‰lienne

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BREAKINGTHESILENCE

LELIVRENOIRDE

L'OCCUPATIONISRAÉLIENNE

Lessoldatsracontent

PréfacedeZeevSternhell

Traductiondel’anglaisparSamuelSfez

ÉditionsAutrement

Lelivrenoirdel'occupationisraélienne

©ÉditionsAutrement,Paris,2013

ISBN:978-2-7467-3507-1

PréfacedeZeevSternhell

Traductiondel’anglais(États-Unis)deSamuelSfez

Préface–Lesbriseursdeglace

parZeevSternhell

Les auteurs des textes que l’on va lire sont connus en Israël sous ladénominationshovreishtika,enhébreu«briseursdesilence».Pourmapart,jepréfèredire«briseursdeglace»,ceglacierquirecouvrelesTerritoiresoccupésetenfaitunmondeaussiéloignéd’Israël(àl’ouestdelaLigneverte)quelepôleNord.Ceshommesetcesfemmes,soldats,sous-officiersetofficiersdel’arméeisraélienne,ne sedistinguentde leurscompatriotesqueparunechose : ilsontchoisi dedire tout haut ceque tout lemonde saitmaisnepenseque toutbas.C’estcetteconspirationdeconformisme,desilenceetderefoulementquirègnedansuneclassepolitiquequipréfèrenepasvoiretnepascomprendrepournepasavoiràréagirquecessoldatssontvenusrompre.Maisenforçanttousleurscompatriotesàseregarderdanslemiroir,ilssuscitentunmalaisequienditlongaussibiensurlemalqueleurstémoignagescontribuentàmettreenlumièrequesur les faiblesses de notre société. Car trop nombreux sont parmi nous,Israéliens,surtoutauseindenosélites,ceuxquivoudraientfairecommesi lesTerritoires occupés n’existaient pas. C’est pourquoi ce livre que les éditionsAutrementmettentaujourd’huisouslesyeuxdupublicfrançaisestlebienvenu:enmontrant que l’occupation des territoires conquis lors de la guerre des SixJoursdejuin1967constitueleplusgranddésastredel’histoiredusionisme,celivredérange,ilsonneletocsinetnouspressedenousressaisir.

Voilàpourquoi ladroitedureisraéliennevoitences témoins,quimettentàjoursavraienatureàlafacedumonde,destraîtres.Pourmapart,ceshommesetces femmes, soldats d’une arméedans les rangsde laquelle j’ai combattu et àlaquellej’aiappartenupendantplusd’untiersdesiècle,affichentlesplushautesvertus de citoyen, au premier rang desquelles vient le courage. Et le courageintellectuel et moral se place à un échelon plus élevé encore que le couragephysique.Lesauteursdes témoignagesque l’onva liren’ontpashésitéànousprésenterunmiroir :nousnous sommes regardésdans laglaceetn’avonspasaimé l’image qu’elle nous renvoyait. C’est la raison de l’hostilité que cescombattants rencontrent souvent, à droitemais aussi dans certainsmilieux ducentreetdelagaucheparticulièrementconformistes.Maisl’essentielrésidenon

seulementdans laréalitéquedécriventces textesmaisdans ledéfiqu’ilsnousposent:quelavenirvoulons-nouspournotrepaysetpourlesgénérationsfutures?Quelleexistencenousattendsi l’occupationsepoursuit, si lacolonisationsedéveloppeetréduitànéantleschancesdelasociétéisraéliennedepréserverlesquelquesvertusetvaleursd’antan?Peut-onprétendreauxqualitésd’unesociétéouverte,libreetdémocratiquetoutenacceptantlestatuquo?Carlasituationquifait,enCisjordanie,laréalitédetouslesjoursestunesituationcoloniale,etc’estcontrecemalheurqueselèventlesbriseursdusilence.Celasignifiequel’onnepourra jamaismettre fin aux pratiques ici décrites si l’on nemet pas fin à lacolonisation et à l'occupation. Mais pour pouvoir mettre un terme auxcomportementsdénoncésdanscespages,ilfautsepenchersurleurraisond’être,ilfautcomprendrecequ’estlegranddesseindeladroiteisraélienneaupouvoirmais également la nature profonde du conflit israélo-palestinien et sesimplicationspourchacunedesdeuxsociétés.

Je dirai tout de suite que mettre fin au conflit entre Israël et ses voisinspalestiniensestpossible,àlaconditionquelesArabesetlesIsraéliensacceptentleprincipedel’irréversibilitédelasituationcrééeàlafindelaguerrede1948-1949, cette guerre d’indépendance israélienne qui est aussi la Nakba, ou ledésastrepalestinien.

Unetellereconnaissanceestcapitalepourlesdeuxpeuplesetcapitalepourlarégiondontl’importancemondialen’estpasàdémontrer.Ilenestainsid’autantplusquec’estcettequestionquidéchirelesdeuxsociétéscommeaucuneautre.

Encequiconcerne lasociété israélienne,si l’onvaaufonddeschoses,enlaissantdecôtélaphraséologiehabituelle,sil’onessaiedecomprendrepourquoilesnégociationssontaupointmortdepuis l’arrivéed’ArielSharonaupouvoir,en2001,ilfautsepenchersurlegranddesseindeladroitenationalisteauxdeuxfacettes, l’une laïque et l’autre religieuse. On s’aperçoit ainsi que l’objectifessentielpoursuiviparcettedroitedureestladestructiondustatutfondateurdela guerre d’indépendance et de la création de l’État d’Israël. Pour la droitenationaliste, c’est seulement quand ce but aura été atteint que sera possible lapoursuite de la conquête du sol et que, ipso facto, la création d’un Étatpalestiniendeviendraimpossible.Ilnefautpas tomberdanslepiègedujargondiplomatiquedeBenjaminNetanyahu, revenuaupouvoiren2009et reconduiten2013:quandonl’écoutebienetquandonconnaîtlescodesdelalanguedeboisqu’il utilise souvent, ses intentions apparaissent clairement.Oncomprendainsipourquoi lacolonisationde laCisjordaniesepoursuitsansrépitdepuis lejouroùilafranchipourlatroisièmefoisleseuildubureauduPremierministre.

Car,si laguerred’indépendance,quiacoûtéauxJuifsdePalestinelamortdeunpourcentde lapopulationetapermiscette révolutiondans laconditionjuivequeconstituel’accessionàlasouveraineté,n’étaitperçuequecommeuneguerre de plus dans la longue lignée des combats qui émaillent l’histoire dusionisme,notreperspectivechangeraitradicalementetdeuxdesgrandsrésultatsde cette guerre perdraient leur statut spécial dans l’histoire du mouvementnational juif. Or, les deux produits majeurs de cette guerre sont d’abordl’acquisition des frontières à l’intérieur desquelles les Juifs ont accédé à lasouveraineté,ensuitelacréationduconceptdecitoyen.Pourlapremièrefois,àlaqualitédeJuif,définiparsonhistoire,sacultureetsareligion,sesuperposeunconceptpolitiqueet juridique,porteurdevaleursuniversellesetdoncdedroitsdel’homme:leconceptdecitoyen.Cesontcesacquisdelafondationdel’Étatqueladroiteaupouvoirs’efforceaujourd’huideremettreencause.Àpremièrevue,celapeutparaîtreunparadoxe,maisenréalité,cettedémarcheafficheunegrandelogique.

Eneffet,ladroitecomprendfortbienquesil’onregardelacréationdel’Étatetl’accessionàlasouverainetécommeunevéritablecésuredansl’histoirejuive– aussi bien grâce au nouveau concept politique et juridique qui venait d’êtrecréé que par le fait que, pour la première fois, la nouvelle entité nationale sedonnait des frontières –, le long processus de conquête de la terre sembleparvenu à sa fin. Une telle vision du sionisme constitue pour la droitenationalisteundangerexistentiel,etc’estpourquoidéfaireaussirapidementquepossiblelesacquisde1948-1949devientuneprioritéabsolue.

Maiscen’estpaspourelleleseuldanger...Cettenormalisationdelaconditionjuive,quiaétélegrandobjectifdusionismedesfondateurs,depuislacréationdumouvementsionisteparThéodoreHerzl,porteenelleuneautremenace:celledelaconceptionutilitaireetlibéraledel’État,libéraledanslesensclassiqueetnobleduterme,celuidesdroitsdel’hommeetdelaprimautédel’individu.Car,pourladroite,lafonctiondel’Étatn’estpasdegarantirlesdroitsdel’individu,ladémocratie,l’égalitédevantlaloi,nimêmed’assureràsapopulationuneviedécente:l'Étatexistepourpoursuivrelaconquêtedelaterred’Israël,aussiloinquepossibleau-delàdecesmalheureuseslignesdecessez-le-feude1949,diteslignesde1967,etdecefaitrendreimpossiblel’existenced’uneautreentitépolitiquesurcetteterre.Assurément,Netanyahuetcertainsdessiens–àl’exceptiondutrèsinfluentnouveauministredelaDéfense,legénéralMoshé«Bougui»Yaalon,qui,lui,necraintpasl’opinionpubliqueinternationaleets’exprimehonnêtement–,toutcommelesnouveauxarrivantsprétendumentcentristesauxfauteuilsministérielsenfévrier2013,acceptentle

prétendumentcentristesauxfauteuilsministérielsenfévrier2013,acceptentleprincipededeuxÉtatspournepassecouperdeleursalliésaméricainseteuropéens,maisenmêmetempsilsfonttoutpourquel’Étatpalestiniennepuissevoirlejourou,danslemeilleurdescas,pourqu’ildevienneunvassald’Israël.AveclaCisjordaniedécoupéeenpeaudeléopardparlacolonisationisraélienne,cetteentitépalestiniennen’auraitd’Étatquelenom.

Cependant,ilfauttoutdesuitemettrelespointssurlesi.Sil'acceptationducaractèredéfinitifducadreterritorialacquisen1949constituelaseulebasesurlaquelle puisse être envisagé le règlement du conflit israélo-palestinien, ceprincipenesauraitêtreàsensunique.DepuislaconférencedeMadridde1991etlesaccordsd’Oslode1993jusqu’àcejour,enpassantparlaréuniondeCampDavid de l’an 2000, la conférence d’Annapolis de 2007 et les quatre annéesinvestiesparHillaryClintonaunomdelapremièreadministrationObamadansla recherched'undébutdesolution, tous leseffortsdepaixontéchoué :ni lesunsni lesautresnepossèdent l’énergie intellectuelleetmoralenécessairepouraccepterlesrésultatsdelaguerrede1948-1949.

Évidemment, un tel consentement est objectivement plus douloureux pourlesPalestiniensquepourlesIsraéliens:aprèstout,onleurdemanded’accepterdéfinitivement leur défaite historique. Concrètement, cela signifie pour euxl’abandon de leur revendication majeure : le retour en Israël des réfugiés de1948-1949. Si les Palestiniens pouvaient accepter le caractère définitif desfrontièresde1949

etdecefaitabandonnercetterevendication,ladroitedureseraitrapidementbalayée.

De leur côté, les colons israéliens et leurs représentants au gouvernementsoulignentàraisonl’absencedefondementhistoriqueetderacinesdelaLigneverte.Maisl’épéeestàdoubletranchant :siIsraëlannulait la lignede1949,àsontourlemondearabeneseraitplusliéparelle.QuelintérêtauraitdoncIsraëlàsaperlui-mêmelesfondementsd’unelégitimitéacquiselorsdelacréationdel’État-nation juif?Pour lagauche israélienne, la tâcheurgenteconsistedoncàrenforcer la position de la ligne de cessez-le-feu dans l’esprit des jeunesIsraéliens, victimes du lavage de cerveau des gouvernements de droite, afind’établir,unefoispourtoutes,quel’onnesauraitrevenirsurlesrésultatsdelaguerred’indépendance.End’autrestermes,unetelledémarchesous-entendqueles Israéliens ne tenteront pas d’étendre leur frontière à l’est, tandis que lesPalestiniensrenoncerontauxvelléitésduretouràl’ouestdelalignedecessez-le-feude1949.

Celaétantdit,jevoudraisinsisterunenouvellefoissurlefaitquelesraisonsvéritablesdurefusducadreterritorialde1949delapartdeladroiteisraéliennenerésidentpasdansunequelconqueconjoncturepolitiqueoudesconsidérationsde sécurité, mais dans sa conception même du sionisme. Comme je l’ai déjàmentionné plus haut, la droite au pouvoir voit dans la reconnaissance de lasituationcrééeen1949lepointd’arrivéedelaconquêtedusol,legrandennemidusionisme.Pourelle,lesionismen’apasétéunmouvementdesauvetaged’unpeupleendanger,commecelalefutdéjàavantlaSecondeGuerremondiale,cen’est pas la conquête de l’indépendance et de la souveraineté, c’est unmouvementendevenirconstant,etlecritèredesonsuccèsoudesonéchecestsacapacité d’imposer sa volonté à son environnement. Il s’ensuit que les lignesd’armisticede1949,auxquellesonse réfère leplussouvent (en lesappelant«frontièresde1967»ou«Ligneverte»),nesontenaucunefaçondesfrontièresmais,commeleurnoml’indique,deslignesdecessez-le-feu.Ceslignes,ainsival’argument, ont été emportées par la guerre des Six Jours. Ce qui fait que lacolonisationdesterritoiresconquisenjuin1967n’estpasmoinslégitimequelacolonisation,dansunpasséplusoumoinséloigné,duNéguev,delaGalilée,desvalléesagricolesduNord,ceberceaudukibboutzetdupaysan-soldat,ou,sil’onpréfère,delarenaissancenationalejuive.

Cependant,l’essentielestailleurs.Aumoisdejuin2011,envisitechezsongrandamiBerlusconi,alorsaupouvoiràRome,Netanyahulançaunenouvelleidée : le conflit est insoluble parce que ce n’est pas un conflit territorial. Saracineestailleurs.Aussilongtempsqueleprésidentdel’Autoritépalestinienne,AbuMazen,nereconnaîtpasIsraëlcommeunÉtat juif, iln’yapasmoyendeparveniràunaccord.Quelques joursplus tard, ilest revenusurcette idéeà latribunedelaKnessetetillarépètedenouveauàsatiétéencedébutdemai2013,pourmettre des bâtons dans les roues du nouveau secrétaire d’État américain,JohnKerry,occupéàrelancerlesnégociations.Eneffet,àlasuitedelavisitedeBarack Obama à Jérusalem en mars 2013, la politique américaine commencequand même à porter des fruits : la Ligue arabe vient d’offrir à Israëlreconnaissanceetnormalisation,contreunretourauxfrontièresde1967

améliorées,avecdeséchangesdeterritoires.CettedernièreclausesignifiequelesgrossescoloniesprochesdelaLigneverteresteraientenplace.Parailleurs,cettenouvelleinitiativedelaLiguearabe,quivientaprèscelledusommetdeBeyrouthdemars2002,impliqueunabandondefaitdu«droitderetour».

Depuisuncertaintempsdéjà,ladroiteseprépareàcegenrede«malheur»qui lève l’obstaclemajeur à la fin du conflit. Au début dumois d’août 2012,

alors que l’on sait déjà que de nouvelles élections approchent, un groupe dequarantedéputésdedroiteetducentresoumetunprojetdeloiconstitutionnelleenvertuduquelIsraëlseraitdéfinicomme«l’État-nationdupeuplejuif».

L’objectifdelaloi,selonletexteexplicatifquil’accompagne,estclair:obligerlestribunauxàreconnaître,chaquefoisqueladéfinitionenvigueurdel’État–«juifetdémocratique»,leconcept«démocratique»impliquantl’égalitédetouslescitoyens–n’estpascompatibleavec«juif»,quelapréséancerevientaunational.Ainsiestétablieunehiérarchiesansappel:alorsquelaloifondamentaledel’Étatchercheàtenirlabalanceégaleentrelenational,c’est-à-direleparticulier,etl’universel,ladroitesubordonnel'universelauparticulier.Àlasuitedesdernièresélectionslégislativesdefévrier2013,unenouvellecoalitionseforme.Endépitdesoncaractèrepluscentriste,ellereprendàsoncompteleprojetquelaKnessetprécédenten’avaitpaseuletempsdecodifier.Mais,defait,lasituations’estencoredétériorée:ausoi-disantprojetcentriste,quelquepeuplusmodéré,s’ajoutefinmaiunesecondepropositiondeloirédigéeparYarivLévine,leleaderdelamajoritéparlementaireàlaKnesset,qui,siellefinitparêtreadoptée,introduiral’apartheiddanslalégislationisraélienne.

Parvenusàcepoint,lesgensraisonnablesetrationnelssedemanderont:enquoiaujusteetpourquoilaquestionde«l'Étatjuif»sepose-t-elletoutàcoupavecunetelleacuité?Etd’ailleurs,enquoiest-cel’affairedesPalestiniens?

Pourquoiest-ceuneconditionpréalableàtoutaccord?Laréponsesetrouvedanslefaitque,dansl’espritdesleadersdeladroite,lareconnaissanced’IsraëlparlesPalestinienscommeunÉtatjuiféquivaudraitàl’acceptationparlesPalestiniensdecesdeuxgrandsprincipesquesont,d’unepart,lareconnaissancedesdroitshistoriquesinaliénablesdesJuifssurlaPalestine,ouplutôtsurlaterred’Israël,surtoutelaterre,et,d’autrepart,leconsentementdesArabes,detouslesArabes,ycomprislescitoyensd’Israël,àunstatutd’infériorité.CequienclairsignifieraitquelesPalestiniensadmettentnonseulementlalégitimitédusionismemaislasuprématiejuive.CequisignifieraitaussiquetoutepersonnenéedemèrejuiveàParis,àNewYorkouàBuenosAires,possèdeundroitdepropriétésurlaterred’Israël,alorsquelePalestiniennédansunvillagedeCisjordanie,àJérusalemouàNaplousenepeutjamaisprétendreàlapropriétédelaterresurlaquelleilvit.

Ici,pourcomprendrelaprofondeurdel’impasse,ilfautregarderleschosessur la longue durée. Comme dans d’autres mouvements nationaux, dans le

sionisme, de tout temps, la primauté revenait à la culture et à l’idéologie.CommepartoutenEuropecentraleetorientale,oùlesionismeavulejour,cesrégions où des communautés ethniques et religieuses se déchiraient etcombattaient pour leur survie culturelle et pour leur indépendance politique,dans notre cas aussi la nation a précédé l’État. Partout la conquête del’indépendance et de la souveraineté venait en premier lieu, partout l’entiténationalesedéfinissaitparlaculture,lalangueetlareligion.Toutleresteétaitsecondaire.

Partoutlereste,j’entendslesgrandesidéologiespolitiquesdel’époque:libéralisme,socialisme,marxisme,ycomprisl’austro-marxisme,cettesynthèsedemarxismeetdenationalismeàlaquelles’étaitaussiemployéBerBorochov,leplusimportantpenseursioniste.

En Palestine, le nationalisme juif représentait une version relativementmodérée de nationalisme, au sens où il n’a jamais développé de sentiment desupériorité ethnique ou de haine raciale envers lesArabes.Mais, commepourtouslesautresnationalismes,lespiliersdunationalismejuifétaientl’histoireetlareligion,nonpasledroitdespeuplesàdisposerd’eux-mêmes,droituniverselet en tant que tel valable aussi bien pour lesArabes que pour les Juifs.Notrenationalisme n’a pu échapper à la contradiction essentielle propre à toutnationalisme, entre les valeurs universelles et le particularisme inhérent à laspécificitéculturelleethistorique.Àcelas’ajoutaitévidemmentlecombatpourlesol.

Voilàoùsetrouveàmonsenslecœurduproblème:aussilongtempsquesepoursuivait la guerre pour la conquête du sol sur lequel serait fondéel’indépendancejuiveetsurlequellesJuifssedonneraientuntoitquileuravaitsicruellementmanquétoutaulongdelapremièremoitiéduXXesiècle,lesdroitshistoriques prenaient fatalement le pas sur les droits de l’homme. Lenationalisme conquérant ne pouvait accepter le principe de l’égalité des droitspour lesArabessur lamême terre.Maissi laconquêtedusolétaitparvenueàsonpointfinalen1949,lepartagedelaterreparlaLigneverteauraitpucréerunesituationnouvelleetservirdenouveaudépart.

C’estlàquesesituel’échechistoriquedelagénérationde1949,puisdesdeuxgénérationsquiontsuivi,lamienneetcellequiestaujourd’huiaupouvoir.

Ilimported’insistersurcepoint:sil’onnesaisitpasladimensionhistoriqueetintellectuelledesproblèmespolitiquesactuels,laréalitéquenousavonssous

lesyeuxperdtoutecohérenceetcesproblèmesparaissentinsolubles.Eneffet,lavéritable origine du mal réside dans le fait que le triomphe de la guerred’indépendancenesoitpasdevenudansnotrehistoireunelignedepartagedeseaux,etquelacréationdel’Étatn’aitpasproduitunbondenavantsousformedenouvellesidéesetd’unenouvellementalité.Aulieudeconsidérerlacréationdel’Étatcommelafinduprocessusdefondationetcommelepremierpasverslanormalisation, l’élitepolitique israéliennese trouvaprisedansunengrenagequi la conduisit à poursuivre l’action menée tout au long de la périodepréétatique. La solidité du cadre conceptuel tout comme celle des structuresinstitutionnelles héritées de cette période était telles que la transition de lacommunautécombattanteàl’Étatconstituéfutàpeineressentie.

Éclatelecoupdetonnerredejuin1967:commentl’interpréteretquefairede cette victoire ?Faut-il y voir un simple accident, fruit d’unmauvais calculégyptienetjordanien,qu’ilconviendraitd’exploiterpourfairelapaixenutilisantlesterritoiresconquiscommemonnaied’échange,ouaucontrairenefaut-ilpasen faire une suite logique de la guerre d’indépendance ? Doit-on considérerl’issuedecettenouvelleguerrecommeuneoccasiondepoursuivre l’œuvredeconquêteinachevéeen1949ou,aucontraire,annonceràlafacedumondearabequetouslesobjectifsdusionismeayantétéatteintsdansleslignesducessez-le-feude1949,laconquêtedelaterreetsacolonisation,quiétaientunenécessitéexistentielle jusqu’à la création de l’État, ont cessé de l’être après 1949 ? End’autres termes :cequiétaitbonet justedans lepasséacesséde l’êtredès lemomentoùlesJuifsontpusedonneruntoitet,enappelantaudroitdespeuplesàdisposerd’eux-mêmes,devenirunpeuplecommelesautres.

Ceprincipevéritablementrévolutionnairedansl’histoired’Israël,etdontlasignificationimmédiateauraitétélareconnaissancedelaLignevertede1967

commelafrontièredéfinitiveduterritoirenational,lesIsraéliens,àquelquesexceptionsprès,ontétéincapablesdel’énoncer.Pourlefaire,ileûtfalluquelagaucheaupouvoiràl’époquesoitnourriedevaleursuniverselles,del’idéededroitsdel’hommeetnonseulementduparticularismecultureletpolitiquedunationalisme.Maispuisqu’elleplongeaitsesracinesdanslenationalismeintégral,celangage,aucunhommepolitiquenesavaitletenir;ceprincipe,lesélitespolitiquestravaillistesaupouvoir,àquelquesexceptionsprès,n’étaientpasarméespourleposer.Ilnes’agissaitpasseulementdeprincipes,maisdelacapacitéderésisteràlatentationdesaisirl’occasionpourmettreàprofitlafaiblessearabe.Ainsil’accidentdejuin1967a-t-ilengendrélacolonisationquis’estdéveloppéeencequ’elleestaujourd’hui,c’est-à-direlegranddésastredel'histoiredusionismeetunemenaceréellesurl’avenirdel’Étatjuif.Cenesont

l'histoiredusionismeetunemenaceréellesurl’avenirdel’Étatjuif.CenesontpaslesPalestiniensquimenacentl’existenced’IsraëlmaislescolonsfanatiquesdeCisjordanie.

En règle générale, les nationalistes, tous les nationalistes, y compris lesPalestiniens,s’intéressentdavantageaupasséqu’àl’avenir.Ducôtédeladroiteisraélienne,lerefusd’accepterlecaractèredéfinitifdelasituationcrééeen1949est aussi lié à la crainte que la reconnaissance des droits nationaux desPalestiniensnefinisseparsaperlesdroitshistoriquesdesJuifs.Carsinousnousrefusonsledroitdecoloniserlesterritoiresconquisen1967,surquoiexactementreposelalégitimitédelacolonisationd’avant1949

?LesPalestinienstiennentlemêmeraisonnement,seulementensensinverse:puisquelacolonisationd’après1967estillégitime,ilenestexactementdemêmeencequiconcernecelled’avant1949.

Cetypederaisonnementfutàlabasedelaparalysiedecesquelques«

pragmatistes»qui,danslesannées1960et1970,aveclestravaillistesaupouvoirjusqu’en1977,sentaientinstinctivementquelacolonisationdesterritoiresrécemmentconquisconstituaituneerreurcolossale.Maisceshommesmanquaientcruellementd’alternativeidéologiqueàopposeràtousceux,deloinplusnombreuxetpluspuissants,quiexigeaientl’implantationimmédiatedesdroitshistoriquesdupeuplejuifsurlaterredelaBible,desprophètes,desroisetdesjuges,Lamystiquedelaterreetdel’histoirecommençaitainsiàdicterlapolitiqueterritorialedel’État,etilenestainsijusqu’àcejour.

Ladialectiquedelaforcecommençait,elleaussi,àjouerpleinementsonrôle:lapuissancemilitaireisraélienne,ledéveloppementéconomiqueremarquable,l’intégrationd’unmilliondenouveauximmigrantsvenusdel’ancienneUnionsoviétique,l’incapacitétotaledelacommunautéinternationaled’infléchirlespositionsisraélienneslesplusduressontconsidérésencoreettoujourscommeautantdepreuvesdelasoliditédel’argumentationnationaliste.

Lamajoritédenoscompatriotessaitquelasituationactuellemènenonpasvers une coexistence de deuxÉtatsmais, à long terme, soit vers une situationcoloniale qui ne dit pas son nom, soit vers unÉtat binational en guerre civilepermanente. Tout le monde sait également que le conflit reste une source demalheurssansfin.Maismettreuntermeàl’occupationetàlacolonisationexigequel’onacceptel’affrontementnécessairementviolentaveclescolons.

Menacésd’uneguerrecivile,lesIsraélienspréfèrentencorecombattrelesPalestiniens.

Lesréalitésdécritesdanslestémoignagesquel’onvalireexprimentbiencechoix.LescolonsdictentlaloidanslesTerritoiresoccupéset ledroit israélienn’yestpasappliqué.CettesituationestbienconnueenIsraël.En1982déjà,lerapport remis par une commissionnomméepar le procureur général de l’État,YitzhakZamir,etprésidéeparJudithKarp,procureurgénéraladjoint,décrivaitlevidejuridiquedanslesTerritoiresoccupés:laloiisraélienneétaitbafouéeauvuetausudetoutlemonde.Enfait,aucunlecteurdecerapportnepouvaitsetromper:lesforcesdel’ordreétaientauserviced’unepolitiquedecolonisationet d’annexion de fait, qui n’osait dire son nom par crainte de sanctionsinternationales. Le rapport étant resté lettre morte, Judith Karp présenta sadémission. Près d’un quart de siècle plus tard, en 2005, un second rapport futsoumis par Talia Sasson, conseillère spéciale du Premier ministre pour lescolonies illégales (sic), et allait dans le même sens : la colonisation sepoursuivait,contrairementauxdispositionsde la législationisraélienneetde lapolitiqueofficielledugouvernement,maiselleétait en fait financéepardiversministèresdansdesconditionsdequasi-clandestinité.

En effet, une culturemaffieuse s’est développée enCisjordanie, depuis lespremiers jours de la colonisation, quand ministres, généraux et hautsfonctionnaireslafavorisaientensous-main,malgrélesdirectivesofficiellesetlaloi qui protégeait la propriété privée.Ces directives avaient pour seul objectifd’infléchirlescritiquesétrangères.Unefoissurplace,unecolonienouvelle,quiofficiellement n’existait pas, jouissait automatiquement de la protection del’armée,puis se trouvait commeparmiraclebranchée sur les réseauxd’eau etd’électricité. Une route dont l’armée avait tout à coup un besoin impératif,commeparhasardaupiedd’unecollinenouvellementoccupée,étaittracée,lesterresarablesconvoitéesparlescolonsétaientconfisquéespourdesbesoinsdesécurité,etainsidesuite.Ainsisecréauneatmosphèreoùtoutétaitpermis,oùlecolon armé était roi et où le pays tout entier se pliait à ses volontés.Mais enréalité, ces volontés étaient aussi celles du pouvoir en place : de ce cerclevicieux, nous ne sommes pas encore sortis. En cette fin mai 2013, quatrecoloniesdites«sauvages»allaientêtreblanchiesendépitdesprotestationsdeWashington, c’est-à-direallaient acquériruneexistence légale : cevocabulaireappartenantaulangagemaffieux,commelenoteunéditorialdujournalHa’aretzdu19mai2013,estceluidugouvernementetdel’Administrationdenotrepays.

Il serait donc naïf de s’attendre à un effort de l’État qui entraverait la

construction illégale de logements, de routes ou la liberté de manœuvre descolons.Danslaperspectivedescolons,danslalibertédontilsjouissents’inscritégalement le droit de rendre misérable la vie des villageois arabes dont onconvoiteencoreettoujourslesterresouàquiontientseulementàmontrerquisontlesmaîtres.Enréalité,lasociétéisraélienneestaujourd’huiprisonnièredescolons.Cequifaitqueleseulrésultattangibledecesdeuxrapportsfameuxfutladémission,forcéedefait,deleursauteurs.

Lesdeuxjuristesmilitentaujourd’huidanslesrangsd’organisationsdedéfensedesdroitsdel’homme.D’autresorganismesdedéfensedesdroitsdel’hommecommeB’Tselem,YeshDin,ainsiquel’équipedeLaPaixmaintenant,quidepuisdelonguesannéessuitledéveloppementdelacolonisationdanslesTerritoiresoccupés,sontlesporte-drapeauxdesvaleursuniverselles.C’estauservicedecesmêmesvaleursquesemettentlesauteursdestémoignagesiciprésentés.Cesfemmesetceshommessontl’honneurdenotresociété.

Introduction

En juin 2004, une soixantaine de vétérans des forces de défense israéliennesprésentaient au public des témoignages écrits et des photographies de leurservicemilitaireàHébronetenCisjordanieoccupée.Cetteexpositionadonnénaissance à Breaking the Silence, une organisation dont le but est de faireconnaître la réalité quotidienne de l’occupation des Territoires à travers lestémoignagesdes soldatsqui lamettentenoeuvre.L’organisation interrogedeshommesetdesfemmesayantservidanslesforcesdesécuritéisraéliennesdepuisledébutdelasecondeIntifada,enseptembre2000,etpublieleurstémoignagesenligne,sousformeimpriméeetdanslesmédias.BreakingtheSilenceorganiseégalementdesévénements,desconférencesetdesvisitesguidéesenCisjordanieafind’exposerlesméthodesd’IsraëldanslesTerritoiresetd’encouragerledébatquantàlavéritablenaturedel’occupation.

145témoignagesCet

ouvragecontient145témoignagesreprésentatifsdeceuxqu’arecueillisl’organisationdepuissacréation(soitplusde700).Lestémoinsreprésententtouteslescouchesdelasociétéisraélienneetpratiquementtouteslesunitésdel'arméededéfensed’Israël(Tsahal)engagéesdanslesTerritoiresoccupés.Ils’agitàlafoisd’officiers,desoldatsdurang,d’hommesetdefemmes.

Tous

lestémoignagespubliésparBreakingtheSilence–ycomprisceuxcontenusdanscelivre–ontétérecueillispardesvétéransdel’arméeetvérifiés.Saufmentioncontraire,ilsémanentdetémoinsoculairesetsontreproduitsmotpourmot,àl’exceptiond’altérationsmineurespourempêcherl’identificationdespartiesouclarifierlelangagemilitaire.L’organisationgardel’identitédestémoinsconfidentielle.Sansanonymat,ilseraitimpossiblederendrecesinformationspubliques.

Bien

quelesrécitsdessoldatsselimitentàleurexpériencepersonnelle,leuraccumulationdonneunevued’ensembledesméthodesdeTsahaletdelapolitiqueisraéliennedanslesTerritoiresoccupés.BreakingtheSilenceconsidèrequemettreànucettepolitiqueconstitueundevoirmoraletuneconditionnécessaireàl’établissementd’unesociétéplusjuste.Pourlescitoyensisraéliens,ignorercestémoignagesdirects,clairsetsansambiguïté,équivautàrenonceraudroitfondamentaldeconnaîtrelavéritésurleursactionsetcellesdeceuxquiagissentenleurnom.BreakingtheSilencedemandedescomptessurlesopérationsmilitairesisraéliennesdanslesTerritoiresoccupés,menéespardescitoyensetenleurnom.Danscelivre,lelecteursetrouveraimmergédanslediscoursordinairedessoldatsisraéliens,truffédejargonetd’expressionsdéfiniesparlecadrederéférencedeleurexpérience

particulière.Lestémoignagesoriginauxenhébreu1,transcritsenpréservantlesmotsdessoldatstelsqu’ilsouelleslesontprononcés,ontd’abordététraduitsenanglais,etcertainesclarificationsontétéajoutéeslorsqu’ellesétaientabsolument

nécessairesàlacompréhension.Latraductionfrançaiseestaussifidèlequepossibleàl’original.

LesdessousdelapolitiqueisraélienneDix

ansaprèsledébutdelasecondeIntifadaétaitpubliélerapportsurlequels’appuiecelivre,OccupationdesTerritoires:témoignagesdesoldatsisraéliens,2000-2010.Àpartirdestémoignagesdirectsdecentainesdesoldats,hommesetfemmes,lerapportprésentelemodeopératoiredel’arméeisraélienneenCisjordanieetdanslabandedeGazaainsiquesonimpactsurceuxquileviventauquotidien–lesPalestiniens,lescolons,lessoldatseux-mêmes.LesmembresdeTsahalchargésdemeneràbienlamissiondupaysdanslesTerritoiresyrévèlentendétaillesprincipesetlesconséquencesdelapolitiqueisraélienne,mettantainsienlumièrelalogiquesous-jacentedesopérationsisraéliennesengénéral.

Les

témoignagesnelaissentplaneraucundoute:sil’appareilsécuritaireaindéniablementdûrépondreàdesmenacesconcrètesaucoursdesdixdernièresannées,notammentdesattaquesterroristescontrelescitoyens,lesactionsd’Israëlnesontpasuniquementd’ordredéfensif.Aucontraire,ellesontsystématiquementconduitàl’annexioneffectivedegrandespartiesdelaCisjordanieàtraversl’expropriationderésidentspalestiniens,uncontrôleresserrédelapopulationcivileetunepolitiqued’intimidation.L’idée,communémentadmisedanslasociétéisraélienne,quelecontrôledesTerritoiresviseexclusivementàprotégerlescitoyensestincompatibleaveclesinformationsfourniespardescentainesdesoldatsdeTsahal.

Dans

lesmédias,lesdiscussionsinternesoulesbriefingsmilitaires,lesforcesdesécuritéetlesentitésgouvernementalesfontconstammentréférenceàquatrecomposantesdelapolitiqueisraélienne:la«préventionduterrorisme»ou«

préventiondel’activitéterroristehostile»(sikkul);la«séparation»

entrelespopulationsisraélienneetpalestinienne(hafradah);lapréservationdela«tramedevie»palestinienne(mirkamhayyim);etl’«applicationdelaloi»danslesTerritoires(akifathok).Cestermesdonnentunereprésentationpartielle,

danslesTerritoires(akifathok).Cestermesdonnentunereprésentationpartielle,voiredistordue,despolitiquesqu’ilsincarnent.Bienqu’originellementdescriptifs,ilssontrapidementdevenusdesnomsdecodepourdesactivitéssansaucunlienavecleursensoriginal.Leprésentouvragerévèlelesaspectsdecettepolitiquequelesinstitutionsnerendentpaspublics.Lessoldatsquitémoignentconstituentunesourced’informationparticulièrementfiable.Cenesontpasdesimplestémoins:onleuraconfiélatâchedemettreenœuvrecespolitiques,maisonleuraaussidemandé–implicitementouexplicitement–delesdissimuler.

Ce

livres’articuleenquatreparties,correspondantauxtermes«prévention»,«

séparation»,«tramedelavie»et«applicationdelaloi».

Dans

lapremière,intitulée«Prévention»,lestémoignagesmontrentquepresquetouslesusagesdelaforcemilitairedanslesTerritoiressontconsidéréscommepréventifs.DerrièrecetteinterprétationlargedutermesecachelaprésomptionquechaquePalestinien,hommeoufemme,estsuspectetconstitueunemenacepourlescitoyensetlessoldatsisraéliens.Enconséquence,intimiderlapopulationpalestiniennedanssonensembleréduiralespossibilitésd’oppositionetlimiteral’activitéterroriste.Vusouscetangle,maltraiterlesPalestiniens,confisquerleurspropriétés,imposerdespunitionscollectives,modifieretentraverlalibrecirculation(enétablissantdescheckpointstemporairesouautre),voirechangerlesrèglesdemanièrearbitraire(parexempleselonlescapricesd’unofficierlorsd’uncontrôle)...

toutcelapeutêtrequalifiéd’actionpréventive.Sileterme«préventif»

s’appliqueàpresquetouteslesopérationsmilitaires,ladifférenceentreactionoffensiveetdéfensives’estompegraduellement.Ainsi,laplupartdesactionsmilitairesdirigéescontrelesPalestinienspeuventêtrejustifiéescommedéfensives.

La

deuxièmepartietraited'unautretermedecettepolitique,la«séparation».

Àpremièrevue,leprincipede«séparation»désignelaprotectiondesIsraéliens

Àpremièrevue,leprincipede«séparation»désignelaprotectiondesIsraéliensenIsraëlparlacréationd’unfosséentreeuxetlapopulationpalestiniennedesTerritoires.Cependant,lestémoinsmontrentquecettepolitiques’appliquenonseulemententrelesdeuxpopulations,maisaussiauseinmêmedelacommunautépalestinienne.CelapermetàIsraëldecontrôlerlapopulationdesTerritoires,dontlesmouvementssontcanaliséspardessystèmesdesurveillancequidessinentdenouvellesfrontièressurleterrain.LesnombreuxpermisetautorisationsdontontbesoinlesPalestinienspoursedéplacerenCisjordanielimitentleurlibertédemouvementetcréentdesdivisionsinternesàleurscommunautés.Lesrégulationssouventarbitrairesetledédalebureaucratiquenesontpasmoinsefficacesquelesbarrièresphysiques.Lapolitiquedeséparationapparaîtalorscommeunmoyendediviserpourrégner.Lestémoignagesdessoldatsrévèlentégalementuntroisièmephénomène:laséparationentrelesPalestiniensetleurterre.Lescoloniesisraéliennesetleursenvironsconstituentunebarrièreensoi.LesPalestiniensontinterdictiondepénétrerdanscesterritoires,quienglobentsouventleurspropresterresagricoles.L’emplacementdecesbarrièresnesemblepasêtredéterminéparlesseulesconsidérationsdéfensivesliéesauxconcentrationsdepopulationpalestinienne,maispardescalculsoffensifsvisantàincorporercertaineszonesàlajuridictiond’Israël.EnCisjordanie,lescheckpoints,lesroutesferméesàlacirculation,l’interdictiondesedéplacerd’unendroitàunautresontautantdemesuresquichassenteffectivementlesPalestiniensdeleursterresauprofitd’uneexpansiondelasouverainetéisraélienne.Lestémoignagesdesoldatsregroupésdanscettepartieexposentclairementquela«

séparation»n’apaspourbutunretraitdel’arméedesTerritoiresoccupés,maisreprésenteaucontraireunmoyendecontrôle,dedépossessionetd’annexion.

La

réalitépalestiniennesousl’occupationisraélienneconstituelesujetdelatroisièmepartie,«Latramedevie».Lesreprésentantsisraélienssoulignentrégulièrementlefaitque,danslesTerritoires,lesPalestiniensreçoiventtouteslesdenréesdebase,qu’ilsneconnaissentpasdecrisehumanitaireetqu’Israëlassuremêmelemaintiend’unecertaine«tramedevie».Unteldiscours,ainsiquelesproposévoquantuneprospéritééconomiqueenCisjordanie,suggèrequelaviesousoccupationétrangèrepeutêtretolérable,voirebonne.Surlabasedecesaffirmations,lespartisansdelapolitiqueisraéliennearguentquel’occupationestunmoyendedéfenselégitimeetquesilasouffranceenduréeparlapopulationestcertesregrettable,lesdommagessubissont«proportionnés

parlapopulationestcertesregrettable,lesdommagessubissont«proportionnés»àlasécuritédescitoyensisraéliens.Mais,commeleconfirmentlestémoins,lefaitquelaviedesPalestiniensdépendeauquotidiendubonplaisird’Israëlmontreàquelpointcesderniersensonttributaires.Israëlmaintientcertesla«tramedevie»enCisjordanie,maiscelaattestesurtoutlecontrôleabsoluquelepaysexercesurlesPalestiniens.Chaquejour,lesautoritésisraéliennesdécidentquelsbienspeuventêtretransférésd’unevilleàuneautre,quelmagasinpeutouvrir,quipeutfranchirlescheckpointsetlesbarragesdesécurité,quipeutenvoyersesenfantsàl’école,quipourraatteindrelesuniversitésetquirecevralessoinsmédicauxdontilabesoin.IsraëldétientégalementlesbiensprivésdedizainesdemilliersdePalestiniens.Parfois,cesbienssontconservéspourdesupposéesconsidérationsdesécurité,parfoisafind’exproprierdesgensdeleurterre.Dansunnombredecassignificatif,ladécisiondeconfisquerdesbiensparaîtentièrementarbitraire.

Maisons, terres agricoles, véhicules à moteur, appareils électroniques,animaux de ferme – tout cela peut être saisi à la discrétion d’un commandantrégional ou d’un soldat sur le terrain. Parfois, des soldats de Tsahal «confisquent»mêmedesindividuspourunexercice:afindes’entraîneràmenerune arrestation, des troupes peuvent faire irruption dans unemaison en pleinenuit,arrêterl’undesrésidentspuislerelâcherplustard.Ainsi,commelemontrecette partie, la trame de vie des Palestiniens est soumise à l’arbitraire et àl’instabilité.

Dans

laquatrièmepartie,lestémoignagesdesoldatsmontrentcomment,aunomdel’«

applicationdelaloi»,Israëlmaintientundoublesystèmelégal:d’uncôté,lesPalestinienssontgouvernésparlaloimartiale,miseenœuvreparlesmilitairesetsujetteàdenombreuxchangements;del’autre,lescolonsisraélienssontgénéralementsoumisauxloisciviles,votéesparunelégislaturedémocratiquementélueetappliquéesparlapolice.DanslesTerritoires,l’autoritélégaleisraéliennenereprésentepaslesPalestiniensetleursintérêts,quisevoientsoumisàcesystèmepardesmenacesvisantàrenforcerlasupérioritémilitaireisraélienne.Lestémoinsdecettepartierévèlentégalementlerôleactifdescolonsdansl’applicationdelaloimartiale.

Certainsd’entreeuxoccupentdespostespublicsetparticipentauxdélibérationsetauxdécisionsmilitairesquigouvernentlaviedesPalestinienshabitantlazonedeleurcolonie.BeaucoupdecolonstravaillentpourleministèredelaDéfenseenqualitédecoordinateursdesécuritépourleurcolonie;ilsexercentalorsune

enqualitédecoordinateursdesécuritépourleurcolonie;ilsexercentalorsuneinfluenceaccruesurlarégion,notammentenmatièredetransports,d’accèsauxroutes,depatrouillesdesécurité.Ilpeutmêmearriverqu’ilsparticipentaubriefingdessoldats.Lesforcesdesécuriténeconsidèrentpaslescolonscommedescivilsassujettisàlaloi,maiscommeunepuissanteentitéaveclaquelleellespartagentdesobjectifscommuns.Mêmequandlessouhaitsdescolonsetdel’arméenecoïncidentpas,ilsseconsidèrentpartenairesdansunemêmelutteetrèglentleursdésaccordsparuncompromis.Lesforcesdesécuritévalidentgénéralementlesobjectifsdescolons,neserait-cequ’enpartie.LesviolencesdescolonscontrelesPalestiniensnesontpastraitéescommeuneinfractionàlaloi:c’estaucontraireunmoyensupplémentairepourIsraëld’exerceruncontrôlesurlesTerritoires.Onprétendparfoisquelapoliceisraélienneesttropfaiblepourfairerespecterlaloiauxcolons.Lestémoignagesdecettepartiesuggèrent,aucontraire,quelaloin’estpasappliquéeparcequelesforcesdesécuritétraitentlescolonscommedespartenairesetnoncommedescitoyensordinaires.

Decettemanière,lesforcesdesécuritéserventégalementlesviséespolitiquesdescolons:l’annexiondevastesétenduesdesTerritoiresoccupéspourleurusagepropre.

«

Prévention»,«séparation»,«tramedevie»et«applicationdelaloi»

sontdestermesquelesautoritésisraéliennesemploientpourqualifiercertainsaspectsdeleurpolitiquedanslesTerritoires.Maisaulieud’expliquercettepolitique,cesmotsladissimulentsousuneterminologiedéfensivedontlerapportàlaréalitéestténu.Lestémoignagesdesoldatscitésicimontrentquelesactionsd’IsraëldanslesTerritoiresn’ontpaspoureffetdepréserverlestatuquopolitique,maisaucontrairedelebousculer.

Tandisqu’IsraëlexpropriedeplusenplusdePalestiniens,sasupérioritémilitaireluipermetdecontrôlertouslesaspectsdelaviepalestinienne.

Contrairementàl’imaged’unretraitprogressifetsécurisédesTerritoiresquesouhaitevéhiculerlegouvernement,lessoldatspeignentletableaud’uneffortcontinupourresserrerl’empriseisraéliennesurlaterreetlapopulationpalestinienne.

Malgré son ampleur, ce livre se limite aux informations apportées par lestémoignages des soldats. Il ne décrit pas tous les moyens par lesquels l’Étatd’IsraëlcontrôlelesTerritoiresetnedoitpasêtreconsidérécommeunportraitexhaustif de l’occupation. Il manque au tableau les actions menées par lesServicesdesécuritégénérale(Shabak)etautresagencesderenseignements,parles tribunaux militaires, qui constituent une part importante du pouvoir del’armée,ainsiquepard’autresadministrations.L’objectifestplutôtdesubstitueraux mots d’ordre qui stérilisent le débat public une description précise de lapolitiqueisraélienneenCisjordanieetdanslabandedeGaza.

Lesfaitssontclairsetaccessibles;lestémoignagesnousforcentàregarderenfacelesactionsd’Israëletànousdemandersiellesreflètentlesvaleursd’unesociétéhumanisteetdémocratique.

Premièrepartie

Prévention:intimiderlapopulationpalestinienne

Depuis le début de la seconde Intifada, en septembre 2000, plus de milleIsraéliens et sixmillePalestiniens ont été tués.L’escaladede la violence, tantdans les Territoires occupés qu’en Israël, a poussé les tenants du système desécurité à développer de nouvelles méthodes, plus agressives, afin d’écraserl’opposition palestinienne et de prévenir les attaques contre civils etmilitairesisraéliensdesdeuxcôtésdelaLignevertede1949.

Les

témoignagesfigurantdanslapremièrepartieconcernentlastratégieoffensivedeTsahaldanslesTerritoiresoccupésaucoursdeladernièredécennie.Bienquelesforcesdesécuritéaffirment«prévenirleterrorisme»,lestémoignagesdesoldatsrévèlentl’interprétationélargiedumot«prévention»,quiestdevenuuncodepourdésignertouteslesactionsoffensivesdanslesTerritoires.Commel’attestentlestémoins,uneproportionsignificativedecesactionsoffensivesn’ontpaspourbutdeprévenirunactedeterrorismespécifiquemaisplutôtdepunir,dedécourageroudemieuxcontrôlerlapopulationpalestinienne.Leterme«préventionduterrorisme»légitimetouteslesactionsdanslesTerritoires,sansdistinguerl’usagedelaforcecontrelesterroristesoucontrelescivils.Tsahaljustifieainsidesméthodesvisantàintimideretopprimerlapopulationdanssonensemble.Cestémoignagesmontrentégalementlesconséquencesdecetteconfusionsurlavie,ladignitéetlesbiensdesPalestiniens.

Les

actionsconcernéesincluentnotammentlesarrestations,lesassassinatsetladestructiondelogements.Nousverronsquelsprincipesguidentlesresponsablesquidécidentcesactions,tantsurleterrainqu’auxplushautsniveauxdelahiérarchie.L’undecesprincipes,adoptéaudébutdelasecondeIntifada,consisteà«marquerlesconsciences»,l’idéeétantquelarésistances’estomperaquandlesPalestiniensaurontcomprisquetouterésistanceestinutile.Enpratique,«marquerlesconsciences»setraduitpardesintimidationsetdespunitionscollectivescontrelapopulationcivile.EllessontdevenueslapierreangulairedelastratégiedeTsahal.

Une

actionsouventassimiléeàl’effortdepréventiondel’arméeisraélienneretientparticulièrementnotreattention:l’assassinatciblé.Tsahalproclamequ’ils’agitlàd’undernierrecours,d’unemesuredéfensivecontreceuxquiplanifientouexécutentdesattaquesterroristes.Cependant,lestémoignagesdesoldatsrévèlentque,aucoursdesdixdernièresannées,lesinitiativesmilitairesnecorrespondentpasauxdéclarationsfaitesdanslesmédiasetdevantlestribunaux.Enplusieursoccasions,desunitésontétéenvoyéespourtuerdesgensquandd'autresoptionsétaientàleurdisposition,parexemplel’arrestation.Ildevientégalementclairquecertainsassassinatsontpourbutlavengeanceoulapunition,pasnécessairementlapréventiond'uneattaqueterroriste.Untémoindécritl’assassinatd’unpolicierpalestiniendésarméquel’onnesoupçonnaitpasdeterrorisme.Selonlesoldatquiracontecettescène,cemeurtrevisaitàvengerlamortdeplusieurssoldatslaveille,imputéeàdesmilitantspalestiniensdelamêmerégion.D’autrestémoinsdécriventlastratégiequiconsisteà«fairepayerleprix»del’oppositionauxPalestiniens:desmissionsdontl’objectifest,pourreprendrelestermesd'uncommandant,d’«empilerlescorps».

Les

arrestationssontunautremoyende«prévenirleterrorisme».Cesdixdernièresannées,desdizainesdemilliersdePalestiniensontétéarrêtéslorsd’opérationsquasiquotidiennesmenéesjusqu’aufinfonddesTerritoires.Selonlestémoins,lesarrestationss’accompagnentfréquemmentdemauvaistraitementsenversdesdétenus,attachés,frappésouhumiliéspardessoldatsetdesofficiers.Lesarrestationssepratiquentpourtoutessortesderaisons,quibiensouventrestentobscurespourlesprisonniers.Parexemple,lorsdel’invasiondecertainesvillesoudecertainsvillagesparl’arméeisraélienne,tousleshommesontétéenfermés,alorsmêmequel’arméen'avaitpasconnaissancedeleursintentions.Onlesretenait,ligotésetbâillonnés,parfoispendantplusieursheures.Souscouvertde«préventionduterrorisme»,lesarrestationsdemasseserventàfairerégnerlapeurauseindelapopulationetàresserrerlecontrôlemilitaired’Israël.

L’invasion

etl’appropriationdesdomainespalestinienssontégalementdevenuesmonnaiecouranteaucoursdesdixdernièresannées.Presquechaquenuit,lesforcesarméesisraéliennesenvahissentdesmaisonshabitéespardesfamillespouryprendrepositionpendantdesjours,voiredessemaines.Cesactions,quiconsistentàcréercequel'onappelleune«veuvedepaille»,visentàmieuxcontrôlerleterritoiregrâceàdesobservatoirescachés.Commelesoulignentlestémoignages,prendrelecontrôled’unemaisonaplussouventpoureffetdecréerunconflitquedeleprévenir.Danscechapitre,nousdécrironsdesmissions«leurre»,dontlebutestdefairesortirdesPalestiniensarmésàdécouvertafindelesfrapper.

Outre

lesassassinats,lesarrestationsetladestruction,lestémoinsdécriventuneméthoded’intimidationetdepunitionappelée«démonstrationdeprésence».Saformelaplusrépandueconsisteàpatrouillerlanuitdanslesvillesetlesvillagespalestiniens.Onenvoielessoldatsdanslesrues,oùils«marquentleurprésence»entirantenl’air,enlançantdesgrenadesincapacitantes,aveuglantesoudesgazlacrymogènes,eninvestissantdesmaisonsoueninterrogeantlespassants.Lescommandantsdeterrainappellentcelades«patrouillesviolentes»,du«harcèlement»oudela«perturbationduquotidien».Selonlestémoignagesdessoldats,cette«démonstrationdeprésence»alieuchaquejour,indépendammentdesrenseignementsrelatifsàuneactivitéterroriste.CetypedemissionprouvequeTsahalconsidèretouslesPalestiniens–qu’ilsparticipentounonàl’opposition–commedesciblesàintimideretàharceler.

Les

«faussesopérations»sontunautreexemplede«perturbationduquotidien».

Aucoursdeleurentraînement,lesforcesmilitairesinvestissentdesmaisonsetarrêtentdesPalestiniens,occupentdesvillagesentierspourseprépareraucombaturbain.BienquelesPalestiniensconcernésviventcesincursionscommeréelles,lestémoinsracontentqu’ilnes’agitenfaitqued’exercices.

Enfin,

leterme«prévention»estégalementemployépourdiscréditerl’oppositionnonviolenteàl’occupation.Aucoursdesdernièresannées,uncertainnombredemouvementsdeprotestationpopulairessesontdéveloppésdanslesTerritoires,souventaveclacoopérationd’activistesisraéliensouétrangers.Cesmouvementss’exprimentparlebiaisdemanifestations,depublicationsetautresactionslégalesetnonviolentes.Pourtant,leconceptde«prévention»

deTsahallapousseàuserdeviolencecontrelesmanifestants,àarrêterdesactivistesetàimposeruncouvre-feuauxvillagesoùl’onconstateuneactivitépolitique.

Les

méthodesdécritesiciparticipentàlalogiquedel’arméeisraéliennedanslesTerritoiresaucoursdeladernièredécennie,leraisonnementsous-jacentétantqu’iln’estpasutilededistinguerlescivilsdescombattantsennemis.«

Marqueruneprésence»et«marquerlesconsciences»sontlesmeilleuresexpressionsdecettelogique:nuireauxPalestiniensdansleurensemblerendralapopulationplusobéissanteetplusfacileàcontrôler.

1.GrenadesincapacitantesàtroisheuresdumatinUNITÉ:PARACHUTISTESLIEU:RÉGIONDENAPLOUSEANNÉE:2003

Onfaisait toutessortesdeboulotstrèslimitesenZoneA1.Parexemple,çapouvaitvouloirdireentreràTubasunvendredi,quandlemarchéestbondé,pourétabliruncheckpointsurpriseaumilieuduvillage.Unefois,onestarrivéspourmettre en place un checkpoint un vendredi matin, puis on a commencé à sedéployer : on inspectait les véhicules, la moindre voiture qui passait. À troiscentsmètresdelà,quelquesgaminsontcommencéàmanifester.Ilsnousontjetédes pierres, mais elles atterrissaient à dix mètres de nous, sans nous toucher.Pendantce temps,une foule s’est rassemblée.Biensûr,onapointénosarmesverslesgamins–onpeutappelerçasedéfendre.

Quelétaitlebutdececheckpoint?Simplementmontrernotreprésence,déclencherunefusillade–onnesavait

pas si ça arriverait ou non. Pour finir, on s’en est sortis sans une égratignure,sansqu’ilsepasserien,maislecommandantdelacompagnieapétéunplomb.Il a demandé à l’un de nos grenadiers de lancer une grenade antiémeute endirection des manifestants, des gamins. Le grenadier a refusé, et après ça lecommandant l’a traité de manière horrible. Il n’a pas été puni parce que lecommandantsavaitqu’illuiavaitdonnéunordreillégal,maistouslesofficiersl’ont traitédefaçonécœurante.Voilàcequis’estpassé.Uneautre fois,onestentrés àTubas à trois heures dumatin dans un Safari pour jeter des grenadesincapacitantesdanslarue.Sansraison,justepourréveillerlesgens.

Quelleétaitl’utilité?Dire:«Onestlà.Tsahalestlà.»Engénéral,onnousexpliquaitquesides

terroristes entendaient Tsahal dans le village, ils sortiraient peut-être pour sebattre.Personnen’est jamaissorti.Onauraitditquelebutétaitsimplementdemontrer que Tsahal était là, que c’était un fait acquis : « Tsahal est dans lesTerritoiresetonvousgâcheralaviejusqu’àcequevousdécidiezdemettreuntermeàlaterreur.»Tsahaln’aaucunproblèmepourfaireça.Maisnous,onnecomprenaitpaspourquoionlançaitdesgrenades.Onenjetaitune,onentendait«boum»,onvoyaitlesgensseréveiller.Quandonrentrait,ilsnousdisaient«

Superopération»,maisonne comprenait paspourquoi.On faisait ça tous lesjours–unesectiondifférentedelacompagnieàchaquefois,çafaisaitpartiedelaroutine,denosvies.

2.EmpêcherlevillagededormirUNITÉ:ARTILLERIELIEU:GUSHETZIONANNÉE:2004

Normalement, le but d’un « JoyeuxPourim2 » est d’empêcher les gens dedormir.Çaconsisteàdébarquerdansunvillageaumilieudelanuit,àtournerenjetantdesgrenadesincapacitantesetenfaisantdubruit.Pastoutelanuit,maisàuneheureprécise.Peuimportecombiendetempsonreste,ilsnenousfixentpasd’heurelimite.Ilsdisent:

«OK,ilsvousontjetédespierresaujourd’huiàHusan,allezfaireunJoyeuxPourimlà-bas.»Çan’arrivaitpassisouvent.

C’estcequ’onappelle«marquersaprésence»?Jesuissûrquevousavezdéjàentendule terme«JoyeuxPourim».Sinon,

vousl’entendrez.Oui,marquersaprésence.Parfois,onrecevaitdesinstructionsdubataillonpourfairequelquechosedecegenre-là...Çafaitpartiedesactionsquiarriventavant...

Quelestleraisonnementderrièrecegenred’opérations?Siuneactionpartduvillage,alorsonrépondparuneprivationdesommeil.

Jen’aijamaisvérifiéàquelpointcegenred’opérationsempêcheréellementlesgens de dormir, parce qu’on ne reste pas quatre heures à jeter des grenadesincapacitantestouteslesdixminutes–ilsuffiraitdefaireçatroisfoispourqueTsahal tombe à court de grenades incapacitantes. Ces opérations sontdéclenchéesàuneheureprécise,etsionlanceuneseulegrenadeincapacitanteàunpointXdansNahalin, çane fait sansdoutepasgrandbruit à centoudeuxcentsmètresdelà.Çacréepeut-êtrel’impressionqueTsahalestdanslevillagelanuitsansavoirbesoindefairegrand-chose,maisjenepensepasqueçaailleplusloin.

3.Ilssontarrivésdevantunemaisonetl’ontdémolieUNITÉ:BRIGADEKFIRLIEU:RÉGIONDENAPLOUSEANNÉE:2009

Pendant votre service dans les Territoires, qu’est-ce qui vous a le plussecoué?

Les fouillesquenousavons faites àHares.C’est lagoutted’eauqui a faitdéborder le vase. Ils nous ont dit qu’il fallait fouiller soixante maisons. J’aipenséqu’ilsdevaientavoirdesinfosdesservicesderenseignements,j’essayaisdemejustifierlachose.

C’étaitlejouroulanuit?Lanuit.

Vousêtespartisavecunepatrouille?Non,touteladivision.C’étaituneopérationdebataillon.Ilssesontdéployés

dans le village, ils ont investi l’école, ont détruit les serrures et les salles declasse.IlsontréservéunesalleauShinBet3,unepourlesprisonniers,uneautrepour que les soldats se reposent. Je me rappelle que ça m’a particulièrementagacé qu’ils aient choisi une école. Nous sommes allés demaison enmaisonfrapperà laportede famillesàdeuxheuresdumatin. Ilsétaient terrorisés, lesfillessefaisaientpipidessusdepeur.Oncognaitauxportesavecunsentimentde«onva leurmontrer», c’était hallucinant.Onentrait dans lamaisonetonmettaittoutsensdessusdessous.

Quelleestlaprocédure?Rassemblerlafamilledansunepièce,placerungardeàlaporte,luiordonner

debraquer son arme sur euxpuis fouiller toute lamaison.On a reçuun autreordre selon lequel tous ceux nés après 1980 jusqu'à... tous ceux entre seize etvingt-neuf ans, on devait les emmenermenottés, les yeux bandés. Les soldatscriaientsur lespersonnesâgées, l’uned’entreellesa faitunecrised’épilepsie.Ilsontcontinuéàluicrierdessus.Ilneparlaitpashébreu,maisilscontinuaientàhurler. L’infirmier l’a soigné. On a continué notre tournée. Dans toutes lesmaisonsoùonestentrés,onaemmenélesjeunesentreseizeetvingt-neufansàl’école.Ilssontrestésattachésdanslacour.

Onvousaexpliquélebutdel’opération?Trouver des armes. Mais à la fin, nous n’en avons trouvé aucune. Ils

confisquaient lescouteauxdecuisine.Cequim’a lepluschoqué,c’estqu’ilyavait également des vols. Quelqu’un a pris vingt shekels. En entrant dans lesmaisons,lessoldatscherchaientdeschosesàvoler.Levillageétaittrèspauvre.Àunmoment,lesgarsdisaient:«Merde,yarienàvoler.»«J’aiprisdesstylosjustepourpouvoirdirequej’avaispiquéquelquechose.»

C’étaituneconversationentresoldats?Entre soldats, après l’action. On se réjouissait beaucoup du malheur des

gens,lesgarsétaientcontentsd’enparler.Àunmoment,untypequ’ilssavaientmaladementalacriésurlessoldats,maisl’und’entreeuxadécidédelefrapperquandmême, et ils l’ont tabassé. Ils l’ont frappé à la tête avec la crosse d’unfusil, il saignait. Ils l’ont amené à l’école avec les autres. Il y avait un tasd’ordres d’arrestation signés par le commandant du bataillon, prêts, avec uneseule zoneenblanc. Ils écrivaientque lapersonneavait été arrêtéepour avoirentravélapaix.Ilsremplissaientsimplementlenometlemotifdel’arrestation.Jemerappellequecertainsavaientdesmenottesenplastiquetropserrées,jelescoupaisetj’enremettaisdespluslâches.J’aieul’occasiondeparlerunpeuavecles gens. Il y en avait un qui travaillait treize heures par jour, un autre qu’uncolonavaitamenétravaillerpourluienIsraël,puisauboutdedeuxmoisilavaitarrêtédelepayeretl’avaitlivréàlapolice4.

Touscesgensvenaientdumêmevillage?Oui.

Vousvousrappelezautrechosedecesoir-là?Quim’adérangé?Unpetit truc,maisçam’agêné.Unemaisonqu’ilsont

justedémolie. Ilyaunchienpour trouver lesarmes,mais ilsne l’ontpas faitvenir,ilsontsimplementdétruitlamaison.Lamèreregardaitenpleurantsurlecôté, ses enfants se tenaient autour d’elle, ils la caressaient. Je vois les effortsquemamèrefaitdanschaquerecoindelamaison,etsoudainilsviennent toutdétruire.

Commentça,ilsontjustedétruitunemaison?Ilsdéfoncentlesol,renversentlescanapés, jettentlesplanteset lesphotos,

retournent les lits, cassent les placards, le carrelage. Il y a eu d’autres petiteschoses, mais celle-là m’a vraiment dérangé. Le regard des gens chez qui onentre.Çafaitvraimentmalàvoir.Aprèsça, ils les laissentpendantdesheures

attachés,lesyeuxbandésdansl’école.L’ordredeleslibérerestarrivéàquatreheuresdel’après-midi.Çafaisaitdoncplusdedouzeheures.Desenquêteursdesservicesdesécuritélesinterrogeaientunparun.

Ilyavaiteuuneattaqueterroristedanslarégion?Non.Nous n’avonsmêmepas trouvéd’armes,Le commandant de brigade

prétendaitqueleShinBetavaitdesinformations,qu’ilyavaitpleindegarsquilançaientdespierresetquemaintenantnouspourrions lesarrêter...Desdétailsdel'opérationàHaresmereviennentsanscesseàl’esprit.

Parexemple?Lesregardsqu’ilsnousjetaient,cequisepassaitdansleuresprit,danscelui

deleursenfants.Commentonpeutemmenerlefilsd’unefemmeaumilieudelanuit,lemenotteretluibanderlesyeux.

4.Lesous-commandantdebrigadeafrappéunprisonnierattaché

UNITÉ:UNITÉDERECONNAISSANCEDEL’ÉTAT-MAJORLIEU:RÉGIONDENAPLOUSEANNÉE:2000

C’étaitàKfarTal,oncherchaitplusieurssuspects,uncertainNassarAsaidaet son frère, Osama Asaida. On était près de la maison où Osama devait setrouver,onl’aencercléepuisons’estapprochés.Laprocédureveutqu’oncrie,qu’onfassedubruit...Siçanesuffitpas,onjetteunepierrecontrelaportepourqu’ilsseréveillent,etsiçanemarchepas,ontireenl’airoucontrelesmurs...Àlafin,onjettedesbombessurletoit,maislaprocédureestclaire,oncommencele...l’actionavec...

Pasavecdestirs?Pasavecdestirsmais...toutàlafin...ilyaeudestirsdemitrailleuse,peut-

êtreunNegev,jenemerappellepas,contrelemur.Unesalve,voussavez,cinqousixcoups:ra-tat-tat-tat,commeça...maisilsontbeaucouptiréetencoreunefois,c’étaitcontraireàlaprocédureetà...

Qu’est-ilarrivéaususpect?Lesuspectestsorti...onl’ainterrogé,c’étaitbienlui, ils luiontattachéles

mainsderrièreledosetluiontbandélesyeux,jenemerappellepascequ’onluiamis, euh...Puis je l’ai emmenédans le coinnord-est de la cour et une sortede...ilsontenvoyéunesortedejeepblindéedusous-commandantdebrigade,àl’époquelecommandants’appelaitXXX,maisiln’étaitpaslà.Jenesaispasquiétait lesous-commandant.Ilestarrivéavecunchauffeur,unopérateurradioetun autre gars, et quand j’ai saisi [le prisonnier], je n’ai pas été brusque,maiscertainementpasdoux,jemesuismontrétrèsdirectif.Jel’aiemmenéetj’aimisleschosesauclair,onsavaitparfaitementquiétait lechefdanscettesituation.Maisquandjesuisarrivédevantlesous-commandant,iladécidéqu’aulieudesimplementsemontreragressif,illuirappelleraitaussiquiétaitlechef,quiétaitle Juif etquiétait l’Arabe,quiétait leprisonnier, et il lui adonnédeux, trois,quatre coups,uncoupdecoudedans les côtes,uncoupdepiedaucul, toutessortesde...

Lesous-commandantlui-même?Lesous-commandantlui-même.Cen’étaitpasjuste:«Quic’estlechef?»,

cequiauraitvouludirelefrapperuneoudeuxfoispourluifairecomprendre.Jenesaispas,c’étaitpeut-êtrejustelegars,unemanièred’évacuerlatension.Lesous-commandant évacuait la tension avec le... ce fils de pute qui envoyaitprobablement des commandos suicide... Dans cette situation, jeme retrouvaisentre ces deux personnes, le terroriste ou terroriste présumé et le sous-commandant de brigade, pour qu’il ne... pour empêcher lemauvais traitementd’unprisonnier.Jemesuisretrouvéàmenacerle...àdeuxoutroisreprisesj’aimenacélechauffeuretl’opérateurradio,quandilsl'ontmisàl’arrièredelajeep,en leur disant que si j’apprenais qu’il lui était arrivé quoi que ce soit, jem’occuperaisd'euxpersonnellement.J’ignoreoù ilest,voilàcommentças’estterminé. Mais je me rappelle que, plus tard, j’ai pensé qu’en tant que soldatcenséprotégerl’Étatd’Israël,aufond,jemesuisretrouvéàmedemanderquelleestladifférenceentrelecommandantdebrigadequimaltraiteun...unprisonnierpalestinien,peuimportecequ’ilafait,attaché,lesyeuxbandés?Biensûr,jel’aisignalé,maisçan'amenéàrien.

5.Ilsontfrappéunhommemenottéàcoupsdepieddansleventreetàlatête

UNITÉ:CORPSBLINDÉLIEU:GÉNÉRALANNÉE:2000

Ilyauneloiquiditqu’ilest interditdefrapperunPalestinienquandilestmenotté,quand ila lesmainsattachées.Quand lesgarsduShabakarrêtent lesgenschezeuxaumilieude lanuit, ils leurbandent lesyeuxet les frappentauventrealorsqu’ils sontmenottés.À troisheuresdumatin, ilsouvrent laporte,déboulent dans la maison. La mère est hystérique, toute la famille aussi... leShabakenvoiequelqu’unvérifier, ilnes’agitpastoujoursd’unterroriste,maisilsleprennent,l’emmènentdehors–onn’imaginepascequipeutsepasserdansla tête du type – il a les yeux bandés, deux soldats le tiennent par-derrière,d’autres les suivent. C’est l’armée de métier, quinze personnes dans lacompagnie qui posent problème, une minorité. Et cet homme menotté, ils lefrappentauventreetàlatête…,cesgarsaimentvraimentça.

L’incidenta-t-ilétérapportéàl’état-major?C’étaitunofficier!Unofficiersérieux,membredel’état-major!Pendantle

servicehabituel,onnecomprendpascequise...Sicegarsn’avaitpasledroitdele faire, il ne l’aurait pas fait ! Parce que c’est comme ça que les choses sepassent.C’estleFarWestettoutlemonde...faitcequ’ilveut.

Etlaplupartdessoldatsconsidèrentçacommeacquis?... La vérité, quand j’y pense, c’est que j'aurais dû faire quelque chose.

J’auraisvraimentdûlesarrêter...maisonnepensepascommeça...Onseditquec’est la réalité, que les choses ne doivent pas se passer comme ça, qu’ils secomportentcommedesmerdes...maisonnesaitpasvraimentquoifaire.Onn’apasl’impressiondepouvoirs'adresseràquiquecesoit.

Enrentrantchezvous,vousenavezparléàvosparents?Vousplaisantez?Onrefoule.

Vosparentsnesaventriendutout?Qu’est-cequevous...?Onparticipeà toutça. Iln’yavraimentpasgrand-

choseàfaire.Surtoutquandcesontdesofficiersetquevousêtesdanslecorpsblindé sur lequel ils ne daigneraientmême pas pisser.Alors quoi ? Tu vas tebattre?Toutarrêter?Onnepeutpasjoueraveclaloyautédelacompagnieoudugroupecommeça,onnepeutpascommenceràsedisputeraveclesgensenpleinmilieu.Çan’arriveraitplusmaintenant.Jene laisseraispasfaire,maisçaneveutpasdiregrand-choseparcequejesuisréserviste.

6.IlfrappeunArabeetjenefaisrienUNITÉ:NAHALLIEU:HÉBRONANNÉE:2009

Lesgarsdel’équipedecommandementavancé...nousdisaienttoutletempsqu’ils frappaient des Arabes pour rire. En patrouille... ils les frappent tout letemps,maisilyaeuunefoisenparticulier...Unjour,onareçuunealerte.Ons’est levés, on a commencé à s’équiper, l’infirmier et moi on a commencé àrassembler le matériel pour la jeep, puis le commandant de la compagnie estsortidesonbureauetalancé:«Toutlemondedégage,j'yvaisseulavecXXX.»Ilm’aditde laissermonbardaetdevenir telquej'étais. Ilneportaitpasdegilet pare-balles ni rien, juste son uniforme et son arme. On s’est rendus aucheckpoint de la pharmacie. Il y avait deux ou trois gamins qui refusaient depasser par le détecteur de métaux. On a arrêté la jeep, il est descendu et aemmenéungarçondansuneruelle.

L’undesgarçonsquinevoulaientpaspassersouslamachine?Oui.Etpuisilafaitcequ’ilafait.

Quoi?Il...Jelevoiscommedansunfilm.Ils’estmisfaceaugamin,quiétaittout

prèsdumur, ils’estmisfaceà lui, l’aregardéunesecondepuis il l’aétrangléavecle...ill’atenucommeçaavecsoncoude.

Contrelemur?Il l’a étranglé contre le mur. Le gamin s’est enragé, le commandant lui

hurlaitdessus,enhébreu,pasenarabe.Puis il l’arelâché.Legamina levé lesmainspour s’essuyer lesyeux, et le commandant l'a frappé.Legamina laisséretombersesbras,ilaarrêtédesefrotterlesyeux.Ilagardélesmainslelongducorps,puislesgiflesontcommencé.Deplusenplus.Descoups.Etdescris.Legamin s’estmis à hurler, ça faisait peur, les gens se sontmis à contourner lecheckpointpourregarderdans laruelle.Jemerappelleque lecommandantestsorti endisant :«C’estbon, toutvabien.» Il acriéaugamin :«Bougepas,reste là.» Il est sorti endisantque tout allaitbien, il a appelé le commandantd’escouade du checkpoint, il s’est mis face au gamin et il a dit : « Voilà

commentons’occuped’eux.»Puisilaencoredonnédeuxclaquesaugaminetl’alaissépartir.C’estunehistoirefolle,jemerappellequejesuisrestédanslevéhicule, à regarder, et que jeme suis dit : J’ai attendu une situation commecelle-là pendant trois ans. Depuis le jour où je me suis engagé, je voulaisempêchercegenredechose,etvoilàquejenefaisrien,quejechoisisdenerienfaire.Est-cequec’estacceptable?Jemerappellequejemesuisrépondu:Oui,c’est acceptable. Il frappe un Arabe et je ne fais rien. J’avais vraimentconscience de ne rien faire parce que j’avais peur du commandant, et puisqu’est-cequejepouvaisfaire?Sauterdelajeepetluidired’arrêter,parcequecequ’ilfaisaitétaitstupide?

Quelâgeavaitlegarçon?C’étaitunado.Iln'avaitpasdix-huitans.Plutôttreize,quatorze,quinzeans.

Combiendetempsçaaduré?Lescoups?Jenemerappellepas.

Dixminutes?Uneheure?Ce n’était pas... Plutôt dix minutes de coups. Ensuite il a appelé le

commandantd’escouade.

Lecommandantd’escouadeducheckpoint?Dix,quinzeminutes,puisilestremontédanssonvéhiculeetilestreparti.

Legaminestrestédanslaruelle?Ouais.Danslaruelle.Vousvoyezdelaquellejeparle?Laruelleenfacedu

checkpointdelapharmacie.

QuandonvientdeGross?Oui.

Àgauche?Àdroite.Ilyalecheckpointàl’entréeduvieilAbuSneina.

Dites-moi,vousenavezparléavecquelqu’un,unautreofficier,unami?Jemerappellequejesuisrentréauposte,jesuisdescenduduvéhicule,jeme

sentais...Endescendant, jesuisentrédanslapièceoùsetrouvait lerestedelasectionetj’aidit:«Vousallezpascroireletrucdefouquivientdesepasser,ilestarrivéets’estmisàlefrapper.»C'esttout.

Ilsontditquelquechose?En fait, j’étais en très bons termes avec le sous-commandant. Je lui en ai

parlé une fois qu’il a quitté l’armée, alors que j’avais été transféré au centred’entraînementdelabrigade.Jeluiairacontéetilm’adit,entantquecivil:«Pourquoi tun’as riendit?Tusaisqu’onaurait faitquelquechose,onn’auraitjamaislaissépasserça.»Voilàcommentças’estpassé.

7.OnenvoyaitleursvoisinsdésamorcerdesexplosifsUNITÉ:CORPSDUGÉNIELIEU:RAMALLAHANNÉE:2002

Ilyaeuunsacrébazarquand lesKassam5 sontarrivésenCisjordanie. Ilsnous ont appelés à un endroit, ils avaient trouvé des Kassam dans leminaretd’unemosquée.Qu’est-ce qu’on fait ?On cherche quelqu’un pourmonter là-hautetdescendrelesKassamparcequec’estdangereuxpournous.Alorsilsontfrappéauxportesduquartier.Onatoujoursquelqu’unquiparlearabeavecnous.Ilyauneunitéd’arabophonesquiserventdemédiateurs, ilsviennentavec lestroupes et font les annonces. Donc ils ont frappé aux portes et ont trouvéquelqu’un.Ilétaitattardémental.Ilsluiontdit:«Monteàlamosquée.Ilyadestuyauxdansleminaret.Descends-les.»Ilsneluiontmêmepasditquec’étaientdes explosifs. En fait, il s’agissait demoteurs pourKassam. Ce n’était pas sidangereux,mais ce n’était pas un travail pour une personne comme lui.C’estarrivé parce qu’on employait couramment la « procédure de voisinage ». Jepensequ’aujourd’huiencore,c’estuneprocéduredebase...

Vousl’avezbeaucoupemployée?Beaucoup.Toutletemps.

Vousl’avezvraimentutilisécommebouclierhumain?Oui, un bouclier humain, dans le sens où s’il y avait eu quelque chose de

dangereux...

Pourtantvousavezunrobot.Maisilfautuntempsinfinipourlemettreenrouteetl’amenersurplace.Il

faut un véhicule spécial. Les nôtres ne sont pas blindés et le mettre dans unvéhiculeblindé,c’estencoreuneautreaffaire.Ensuite,ilfautlefairebouger,ilyaun tasdedéfaillances.Unrobotquimonteàunminaret,mêmelesmeilleursingénieursnepeuventpascréerça.La«procéduredevoisinage»restaitcentralequandils’agissaitdemanipulerdesobjetssuspects.

C’est étrange. La base de votre métier consiste à savoir approcher unebombeetàlaneutraliser.

Notretravailconsisteàneutraliserlamenace.OK,jepouvaisaussitirer.Direàtoutlemondedesemettreàcouvertet...Quandilsenvisagentquoifaire,dansdes conditions optimales ça aurait pumarcher,mais commencer à tirer sur unminaretenpleinRamallahàuneheuredumatinoufairemonterunvoisin...Onn’est pas une unité de commandement... on va voir le commandant et on luiprésentelesoptionsdansnotreordredepréférence:«Soitvousamenezuntanketontiresurleminaret,soitonappelleunvoisin,soitjemonte.»J’aidumalàmerappelercequenousavonsditdanscettesituation-là.

Quelleétaitvotrepréférence?Qu’unvoisinlefasse.

Vousaviezpeur?Quoi ? Sans doute. Avec les explosifs improvisés, la moindre erreur est

extrêmementdangereuse.Sivousavezuntéléphonesurvous,c’estextrêmementdangereux,l’électricitéstatiqueaussi.Lesexplosifssonttrès,trèsdangereux,lafrictionàproximitéaussi.Quandonsaitàquelpointc’estdangereux,onn’apasenviedes’enapprocher.Alorssouventilsutilisaient...Jemerappelleunefoisoùilyaeuunegrossedisputedansl’unité.C’étaitprèsd’Hébron.Ilsavaient tirésurquelqu’unquiportaitungiletpare-balles6. J’essaiedeme rappeler s’ils luiontretirélegilet.Jepensequeoui,maisilfallaitledétruireparcequ’onnesaitjamaiscequ’ilyaàl'intérieur,onn'apasenviedeseblesserenl’ouvrant.Ilvautmieuxlefaireexploser.

Vousparlezd’unterroriste?Oui.Alorsl’undessoldatsdel’unitéadonnéàunvoisinunblocd’explosifs

prêtàdétoner...ilaprislepainaveclefilélectrique,àmoinsqu’ilaitétésansfil, ilyenadetoutessortes.«Prendsça,pose-leettire-toi.»J’étais...Entantqu’armée,onneprendpaslemoindrerisque.Ilyaeuunegrossedisputepoursavoir si c’était juste ou pas. Je ne pense pas qu’il y ait eu beaucoup de cascomme ça. Mais [le soldat] a dit : « Je ne m’approche pas d’explosifs sansraison.»

S’ilyaquelqu’und’autrepourlefaire.Oui. S’il y a quelqu’un d’autre. Ils faisaient systématiquement la même

chose avec l’Armée du Liban Sud. Je ne sais pas si vous êtes au courant.L’ArméeduLibanSudacrééuneunitédesoldats... trèspeuentraînés.Ilsleurdonnaient les bases... pour s’occuper des explosifs au Liban. C’est la mêmeroutineici,siquelqu’und’autreestpréparéàlefaire.

Préparé?Oui.

Surquoiportaitladisputealors?Sid’unpointdevueprofessionnelilétaitjustedelaisserquelqu'und’autrele

faire.Ils’agitd’untravaildeprofessionnel.

Doncc’étaitunedisputeprofessionnelle?Oui.

Cen’étaitpasauniveauéthique?Non.

C’estcequevousavezapprislorsdevotreentraînement?Oui,toutàfait.

S’iln’existeaucunepossibilitéderecouriràlaprocéduredevoisinage,vousfaitesleschosesvous-mêmes?

Commentpeut-ilyavoirunesituationoùcen’estpasuneoption?

S’iln’yapersonne?Comprenez simplement que c’était une dispute purement professionnelle,

pour savoir s’il était professionnel d’envoyer quelqu’un à votre place à unendroit où on soupçonne la présence d’explosifs. S’il risquait d’activer ou defaireexploserquelquechose.Rienàvoiravecl’éthique.

8.Jen’arrivaispasàcroirequel’ordredetuerpuisseavoirétéexécutéenuneminute

UNITÉ:FORCESSPÉCIALESLIEU:BANDEDEGAZAANNÉE:2000

L’histoirequim’amèneicis’estpasséeàGaza.Aprèscesdeuxincidents,jepense qu’il y a eu une période, au début de l’Intifada, où ils menaient desassassinats depuis des hélicoptères, un scandale médiatique car ils rataientparfoisleurcibleettuaientd’autresgens.Ilsontdécidéd’envoyerdestroupesausol,alorsnousnoussommespréparés.

C’étaitaudébutdel’Intifada?Oui, au début de l'Intifada. Jusqu’à ce moment-là, il y avait eu quelques

assassinats avec des missiles depuis des hélicoptères... d’un point de vuemédiatique...Jemerappellequeçaaprovoquéunsacrétumulteparcequ’ilyaeudeserreurs, ilsonttouchéd’autrespersonneset ilsnousontinformésqu’onallaiteffectueruneopérationd’éliminationausol.

C’estlaterminologiequ’ilsemployaient?«Opérationd’éliminationausol»?

Jenemerappellepas.Maisjemesouviensquenoussavionsqueceseraitlapremièreopérationdel’Intifada.C’étaittrèsimportantpourlescommandantsetnous avons commencé à nous entraîner pour l’opération. Le plan prévoyaitd'intercepter un terroriste sur la route deRafah, de le bloquer aumilieu de larouteetdel’éliminer.

Pasdel’arrêter?Non, éliminationdirecte.Ciblée.Cette opération a été annulée et quelques

joursplustard,ilsnousontinformésqu’elleétaitmaintenue,maisqu’ils’agiraitd’unearrestation.Jemerappelleladéceptiondedevoirl’arrêteraulieudefairequelquechosed’innovant,d'inhabituelaucombat,dechangerleparadigme–aulieudeça,onallaitl’arrêter.L’opérationétaitprévue...Jepeuxavoirunpapieretunstylo?

Oui.

[Ildessine.]Voilà la route, c’est icique sont toujours stationnés lesVTT7.On devait relever les gars dans les VTT. Quand la voiture arrive, puis lesrenseignements du drone, on avance ici avec le camion blindé, on traverse laroute,ilyaaussidescheminsdeterreiciquipartentdesbases.Danslecamionblindé,ilyauntrouenhautetunemarchepourquelessoldatspassentlatêtehorsducamion,commedansL’Agencetousrisques.Engros,onbloquelarouteici,ils’arrêtelàetonluitiredessusdepuisici.

Vousl’arrêtezouvousluitirezdessus?Jeparledupremierplan–l’arrêter.Toutlemondedescend[ducamion]avec

son arme pour l’arrêter, on lui dit : « Sors de la voiture », et c’est tout. Trèssimple.Quand ilyades jeeps ici, c’estgénéralementdegrosvéhicules.C’esttout,onestpartispourl’opération,quandje...

Vousêtesdansquelleunité?Jesuisdanscelle-ci,deuxsoldatsetlecommandantdel’opération–ici.

Vousavezunfusilsniper?Non,unM16.Ilyaunautrevéhiculeici,maisjenemerappellepasoùilse

trouvait.

Quelgenre?UnejeepouunVTT.Entoutcas,onattendàl’intérieurduVTT,ilyades

agents duShinBet avecnous, on entend lesmises à jourdes renseignements,c’était incroyable : « Il est chez lui, il boit un café, il descend, dit bonjour auvoisin»–rienquedestrucscommeça.«Ilremonte,redescend,ilditçaetça,ilouvrelecoffre»–desinfosvraimentdétaillées–«ilouvrelecoffre,prendunami».Cen’étaitpas luiquiconduisaitet ilsdisaientquesonarmese trouvaitdans le coffre. Nous savions qu’il n’était pas armé dans la voiture, ce quifacilitait l’arrestation.En tout cas, çame stressaitmoins, car je savaisque s’ilcouraitverslecoffrepourprendresonarme,ilsluitireraientdessus.Onpouvaitraisonnablementsupposerqu’ilneleferaitpas.

Avecquelleunitésetrouvaitl’agentduShinBet?Aveclesjeeps?Avecmoi.Dans leVTT. Il ne voyait rien. Peut-être qu’il y avait un autre

gars du Shin Bet, je ne me rappelle pas. Nous étions en contact avec lecommandementquinousinformaitqu’ilsarriveraientdanscinqminutes,quatreminutes, uneminute. Puis il y a eu un changement d’ordre, apparemment ducommandantdebrigade:opérationd’élimination.Uneminuteavant.Ilsnes’y

étaient pas préparés. Ils s’étaient préparés à quelque chose d’inattendu, parexemple s’iln’avaitpasd’arme–àuneminutede sonarrivée, çadevientuneopérationd’élimination.

Pourquoidites-vous«apparemmentducommandantdebrigade»?Je crois que c’était le commandant de brigade. En y repensant, toute

l’opérationressembleàuncouppolitiquedenotrecommandant,quiessayaitdese faire bien voir en menant la première opération d’élimination, notrecommandant de brigade essayait aussi... Tout le monde avait envie, tout lemonde était chaud pour ce genre d’action.La voiture arrive,mais pas commeprévu:enfait,leurvoitures’arrêtelà,devantilyenauneautre,ici.Ilnousfautcelle-là, et il y a une autre voiture qui arrive dans ce secteur. D’après messouvenirs,ilfallaitqu’ontire,aprèsqu’ilsontarrêtéles.voituresj’aitirédetroismètresavec leviseur, lescoupsdefeuont faitunbruit incroyable,c’était fou.Dèsqu’onacommencéà tirer,cettevoitureestpartieà toutealluredanscettedirection.

Lavoituredevant?Non,lavoituredesterroristesestpartie.Apparemment,quandilsonttirésur

le chauffeur, sa jambe est restée coincée sur l’accélérateur et il est parti. Lescoupsdefeuontaugmentéenintensité,lecommandantàcôtédemoihurle:«Stop, stop, cessez le feu », mais je vois qu’ils n’arrêtent pas de tirer. Ilsn’arrêtentpasdetirer.Ilsdescendentetsemettentàcourir,ilscourentdepuislajeepetlecamionblindé,tirentquelquesballesdanscesvoiturespuisreviennent.Unepluiedeballespendantquelquesminutes.«Stop,stop,cessezlefeu»,puisilsarrêtent.Danscettevoiture,cellededevant,ilsonttirédesdizaines,sinondescentainesdeballes.

Vousditesçaparcequevousavezvérifiéaprès?Parcequej’aiportélescorps.Lecamionblindélesaramenés.Ilyavaittrois

personnesdanslavoiture,maislepassagerarrières’enestsortiindemne.Ilestsorti de la voiture, a regardé autour de lui comme ça, il a levé lesmains.Lesdeuxcorpsdevantluiétaientréduitsencharpie.Ilestrestéderrière.

Danslavoitureaveclesuspect?Oui.Après,j’aivérifié,j’aicomptélesballesquimerestaient–j’aitirédix

coups.C’étaitterrifiant:dubruit,dubruitetdubruit.Ças’estpasséenl’espaced’unesecondeetdemie.Puisilsontsortilescorps,onlesaportés,jenesaispaspourquoi.Onaeuundébriefing.Jen’oublieraijamaisquandilslesontramenés

à la base, je ne sais plus laquelle, ils ont sorti les corps, on se tenait à deuxmètres,endemi-cercle,lescorpsétaientcouvertsdemouchesetnous,onfaisaitundébriefing.Lemessageétait :«Bonboulot,belleréussite.Quelqu’una tirésurlamauvaisevoiture,onferaleresteàlabase.»Onestretournésàlabase,j’étaiscomplètementchoquépartoutescesballes,parlebruithallucinant.Onavulavidéo,toutaétéfilmépourledébriefing.C’estàcemoment-làquej’aivutout ce que je vous raconte, les gens qui couraient, c’est clair, la minute demitraille,jenesaispassic’étaitvingtsecondesouuneminute,maisilyaeudescentainesdeballes,ilétaitévidentquetoutlemondeétaitmort,maislescoupsde feu ont continué et les soldats descendaient en courant du camion, tiraientquelques balles avant de remonter. Ils nous ontmontré ça au débriefing,maistout ce que j’ai vu, c’est une bande de mecs assoiffés de sang qui tirent unnombre hallucinant de balles, sur la mauvaise voiture en plus. La vidéo étaithorrible.Ensuite,lecommandantdel’unitéselève,onentendrabeaucoupparlerdelui.

Qu’est-cequeçaveutdire?Un jour, il deviendra commandant régional ou chef d’état-major. Il dit : «

L’opérationn’apasétéparfaitementmenée,maislamissionaétéaccomplie,ona reçuun coupde fil de l’état-major, duministrede laDéfense et duPremierministre»–onest touscontents,onreçoitdescompliments,c’estbonpour leprestigedel’unitéetlesopérationsqu’onluiconfie–,etpuis:«Bonboulot.»Ledébriefingn’étaitquecouverturesurcouverture.

C’est-à-dire?C’est-à-direqu’ilsne se sontpasarrêtéspourdire :«Trois innocents sont

morts.»Peut-êtrequ’iln’yavaitpas lechoixpour lechauffeur,mais lesdeuxautres?

Dequis’agissait-il,enfait?Àcetteépoque, j’avaisuncopainenformationauShinBet, jemerappelle

qu’ilm’a raconté lesblaguesqui circulaient, commequoi le terroriste était unloser. Il avait sans doute participé à une embuscade, les deux autres n’avaientrien à voir dans l’affaire. Ce qui m’a choqué, c'est que le lendemain del’opération, les journaux ont écrit qu’« une unité secrète avait tué quatreterroristes»,ilyavaitunarticlesurchacund'eux,d’oùilvenait,avecquiilétaitimpliqué, les opérations auxquelles il avait participé.Mais moi, je sais qu’auShinBet on plaisante sur le fait qu’on a tué un tocard et que les deux autresn’avaientrienàvoir,etqu’audébriefing–jereviensunpeuenarrière–ilsn’en

ontmêmepasparlé.

Quiafaitledébriefing?Le commandant de l’unité. Ils n’en ont pas parlé.C’est la première chose

que jem’apprêtais à entendre, qu’il s’était passé quelque chose de grave, quenous avions mené cette opération pour éliminer une personne mais que nousavionsfiniparentuerquatre.Jem’attendaisàcequ’ilarrêtetoutetqu’ildise:«Jeveuxsavoirquiatirésurlapremièrevoiture.JeveuxsavoirpourquoiA,BetCsont sortisduvéhiculepour se joindreà la fusillade.»Riende tout celanes’estproduit.Àcemoment,j’aicomprisqueçanelesgênaitpas.Cesgensfontcequ’ils font, et çane lesdérangepas.Le lendemain,quand l’opérationa étépubliéedanslesjournaux–j’étaischoqué.

Lesgarsenontparlé?Oui. Il y en avait deux autres à qui je pouvais parler, dire que je ne

comprenaispascequis'étaitpassé...Ledeuxièmeétaittrèschoqué,maisçanel’apasempêchédecontinuer.Moinonplus,d’ailleurs.C’estseulementunefoisque j’ai quitté l’armée que j’ai compris.Non,même à l’armée, jeme rendaiscomptequ’il s’étaitpasséquelquechosedegrave,mais j’ignoraiscommentçaallaitm’affecter.Quandj’aiquittél’armée,jen’arrivaispasàcroirequej’ensoisarrivéàtirersurdesgens.Cen’estpaslogique,ils’agitdesécuritésurleterrain,maisjenem’imaginaispasrecevoirl’ordredetuerquelqu’unsanssavoirquiilétait. Jenesaispascomment j’ensuisarrivé là.Aujourd’hui, jepeuxdirequemêmesic’étaitOussamabenLaden,jeneluitireraispasdessus.LesagentsduShinBetétaientheureuxcommedesgaminsquirentraientdecolonie.

Commentça?Tout contents, ils se tapaient dans la main, se prenaient dans les bras.

Satisfaits d’eux-mêmes. Ils souriaient, ils n’ont même pas participé audébriefing,çanelesintéressaitpas.Jen’arrivaispasàcroirequel’ordredetuerpuisse avoir été exécuté en uneminute.Quelle était la politique derrière cetteopération?Pourquoiaucundemescommandantsn’a-t-il reconnuqu’elleavaitéchoué?Onatellementéchoué,ontiraittellementdanstouslessensqueceuxqui se trouvaientdans le camionont reçudes éclatsdeballes. Ils leuront tirédessus,sur lecamion.C’estunmiraclequ’onnesesoitpasentretués. Ilsn’enontpasditunmot.

9.PeinedemortpourunhommedésarméUNITÉ:PARACHUTISTESLIEU:NAPLOUSEANNÉE:2002

On a investi une maison du centre-ville, établi notre position et un tireurd’élite a repéréunhommesurun toit,deuxmaisonsplus loin, sansarme. J’airegardél’hommeaveclavisionnocturne:iln’étaitpasarmé.Ilétaitdeuxheuresdumatin.Unhommesansarmequimarchaitsurletoit,ilsepromenait.Onl’asignaléaucommandantdelacompagnie.Iladit :«Descendez-le.»[Letireurd’élite]atiré,ill’adescendu.Engros,lecommandantXXXadécidéetordonnéparradiolapeinedemortpourcethomme.Unhommedésarmé.

Vousavezvuqu’ilétaitdésarmé?Demespropresyeux.Lerapportaussidisait:«Unhommesansarmesurle

toit.»Lecommandantdelacompagnieadéclaréquec’étaitunguetteur,c’est-à-direqu’ilcomprenaitquel’hommenereprésentaitaucunemenacepournous,iladonnél’ordredeletueretonatiré.Jen’aipastirémoi-même,monamil’atué.En gros, on se dit, aux États-Unis il y a la peine de mort, pour chaquecondamnationilyadesmilliersd’appels,d’accusations,ilsprennentçatrèsausérieux,là-baslesjugessontdesgenséduqués,ilyadesmanifestations,etc.Ici,un type de vingt-six ans, mon commandant de compagnie, a condamné unhommedésarméàmort.Quiest-il?Commentça,unguetteur?Etquandbienmême.Alorsquoi,ilfautletuer?Commentsavait-ilquec’étaitunesentinelle?Iln’ensavaitrien.Ilareçuunrapportparradioconcernantunhommedésarmésuruntoitetilaordonnédeletuer,cequiestillégalàmonavis,etnous,onaexécuté l’ordre, on l’a tué. L’homme est mort. Écoutez, pour moi, c’est unmeurtre.Etcen’estpasleseulcas.Onenrigolait,onavaitdesnomsdecode:«leguet»,«lebatteur»,«lafemme»,«levieux»,«legarçon»,etc’étaitquoil’autre?Çamereviendraplustard.

Cesontlesgensquevousaveztués?Cesonttousceuxqu’onatués.Ah,«leboulanger».

10.Lecommandantdebataillonaordonnédetirersurdesgensquiessayaientderécupérerdescorps

UNITÉ:PARACHUTISTESLIEU:NAPLOUSEANNÉE:2002

Ilyaautrechose:tirersurdesgensquitententderécupérerdescorps.Jemesouviens de ça à Naplouse. C’était sur la route principale, ils ont tué deuxhommes armés. Ils ont repéré deux hommes armés àNaplouse, vers la fin del'opération, ils les ont tués, puis ils ont tiré sur les gens qui venaient lesrécupérer.

C’étaientlesinstructions?J’étaisaveclecommandantdebataillonsurplace.Ilestcolonelmaintenant.

Comments’appelle-t-il?XXX.Ilaclairementdonnél’ordredetirersurceuxquivenaientrécupérer

lescorps.

Cesgensétaient-ilsarmés?Jecrois,maisjen’ensuispassûr.

Ont-ilsmisquelqu’unendanger?Ilsn’ontmispersonneendanger,maislà-bas, lesordressontgénéralement

detirersurtousceuxquiportentdesarmes.Toutepersonnearméedevait...

Êtretuée?Oui.Doncçameparaissaitraisonnable.

Vousnesaviezpass’ilsétaientarmés?Jenemerappellepass’ilsétaientarmésounon,maisjemesouviensquedes

genssontvenusrécupérerlescorpsetqu’ilsleuronttirédessus.Àl’époque,çanem’apassemblési terrible,maisaujourd’huiçameparaîtunpeu,c’est... Jecomprenaisquec'estaussiquelquechose,uneprocédure logique.Onlaisse lescadavres sur lechampdebataille–onm’aditqu’ils faisaientbeaucoupçaauLiban–,onlaisseuncadavresurlechampdebatailleetonattendqued'autres

viennent le récupérer pour leur tirer dessus. C’est comme organiser uneembuscadeautourducadavre.Maiscesontdeschosesquej’aientenduessurleLiban.Doncc’estarrivéiciaussi.Jemerappellequequelquechosem’achoqué,commesionenétaitarrivéàmépriserlaviehumaine.Onavaitreçuunordreàlaradioquinousdisaitdenousrendreàlabrèche.Donconlereçoit,c’est:voustraversezcetunnel,letunneldonnesuruneroute,voustournezàgauche,puisaufondàdroite.Etlà,vraiment,quelqu’unavaitécrit,marquéladirectionàsuivreavecdesflèchesparcequec’estunendroitoùilsseretrouvent,seséparent,etc.,et chaque compagnie avait sa propre flèche, quelqu’un vient et dessine uneflèche:—»

Etceuxquivenaientchercherlescorps?Quelqu’unestallélestuer?Oui,onavérifiéqu’ilsétaientmorts.Sic’estuncorpsquiestétendudepuis

longtempssurleterrain,alorsnon,maismêmeunefoisqu’ilesttombé,ilstirentpourtuer,alorsc’estunvraiproblème.

C’estàNaplouse?OnestdenouveauàNaplouse.Aprèsavoirtuéquelqu’un–quandilestdéjà

étenduparterre–,ontireànouveauavecleviseurpourêtresûrdel’éliminer.

Et lesgensqui sontvenusrécupérer lescorps surquivousavez tiré,vousavezvérifiéqu’ilsétaientmorts?

Jepense,c’étaitlaprocédure.

Vousnevousêtespasretrouvédanscettesituation?Jene l’aipasvu. J’étaisdans lamêmepièceque legarsqui tirait,mais je

n’ai...

Vousn’avezpasprislapeined’alleràlafenêtre...Onessaiederesteràcouvert,sionpeut.

11.IladescenduungarçondeonzeansUNITÉ:PARACHUTISTESLIEU:DJÉNINEANNÉE:2003

Ilyenaqueçaaffected’unemanièreoud’uneautre.Certainsdisent:«OK,j’aituéungaminaujourd’hui.»Ilsrient...«Ouais,maintenantjepeuxdessinerunballonsurmonarme,àlaplaced’unX.Ouunsmiley8.»D’autresleprennentmal. Jeme rappelle, j'étais àDjénine pendant l’entraînement de commandantsd’équipe,mettonsquenousétionsentraindemettreenplaceuneveuvedepailleetilsnousontdit:«Siquelqu’unmontesurlecamionouleVTT–tirezpourtuer.»Letruc,c’estquelesgensallaientforcémentmonterdessus,parcequ’ilyatoutletempsdesVTTdevantlamaison.Biensûr,ilsnousdisentquelebutestde faire sortir leshommesarmés.Maisquiva tirer commeça surunvéhiculeblindé ? Ils disent que si quelqu’un grimpe sur le VTT et prend lesmitrailleuses... tirezpour tuer.AlorsuncopainàmoiestarrivéavecsonM24,unearmedesniper,quandungaminestmonté.Illuiatirédessus,toutcontent:« J’ai descendu quelqu’un. » Ensuite, ils lui ont annoncé qu’il venait dedescendreungamindeonzeansouquelquechosecommeça.Ill’atrèsmalpris.

Ilétaitheureuxd’avoirtuéquelqu’un?Pourquoi?Parcequ’onseprouvequelquechose.Onestunhomme.

Ilssavaientqu’iln’étaitpasarmé?Biensûr, iln’étaitpasarméet ilestmontésur leVTT...Personnenevous

demandepourquoivousavezdeuxX,s’ilsétaientarmés,si touts’estfaitdanslesrègles.ÇaauraitpuêtredestypesentraindejeterdescocktailsMolotov.

12.SesmembresétaientétaléssurlemurUNITÉ:BRIGADEGIVATILIEU:BANDEDEGAZAANNÉE:2008

Il y a eu une opération, dans la compagnie voisine de lamienne, pendantlaquelle, à cequ’onm’adit, une femmeavait exploséà caused’un furet9, sesmembres étalés sur lesmurs,mais ce n’était pas fait exprès. Ils ont frappé etfrappéà laporte, sans réponse,alors ilsontdécidéde l’ouvrirmouillé10.L’und’euxaposéunfuret,et justeàcemoment-là, lafemmeaouvert laporte.Sesenfantssontarrivésetl’ontvue.J’enaientenduparleraudîneraprèsl’opération,quelqu’unaditquec’étaitdrôle,toutlemondeaéclatéderire,quelesgaminsaientvuleurmèreétaléesurlemur.C’estunexemple.JemesuisaussifaitcrierdessusparmasectiondansnotreAchzarit11quandj’aieul’idéededonnerauxprisonniersquenoustransportionsdel’eaudenotrebidon–unbidondecombat,vingt-quatrelitres.Ilsontdit«Quoi?Maist’esmalade?»Jenesaispasquellesétaientleursraisons,maisilsontdit:«Lesmicrobes.»ÀNahalOz,ilyaeuunincident avec des gamins que leurs parents avaient apparemment envoyés enIsraëlpouressayerdetrouverdelanourritureparcequeleurfamilleavaitfaim.Destrucscommeça,c’estl’ouverturedelachasse,desdindesfraîches.Onafaitune patrouille à Nahal Oz. Il y avait des gamins de quatorze, quinze ans, jepense.Jemerappellequel’und’euxétaitassis,lesyeuxbandés,etuntypedonttoutlemondesavaitquec’étaitunconnardestvenulefrapper,là.

Surlesjambes.Ensuiteilluiarenversédel’huiledessus,letrucqu’onutilisepournettoyer

nosarmes,jenemerappellepasoù.

Ils’estpasséquelquechose?Ilafaitçadevanttoutelacompagnie,maisiln’yavaitaucunofficierpourle

voir.Jeluiaiditquelquechosesurlemoment,maisjeneluiaipascriédessusetje n’ai rien rapporté à mon officier. Le vol aussi était courant. Souvenirs,drapeaux,cigarettes.

Les commandants et les officiers ne remarquaient rien alors que c’était sifréquent?

Jepensequesi,maisdetoutemanièrelecommandantdemacompagnielesavaitparcequejeleluiaidit.

Etqu’a-t-ilrépondu?Quej’avaisbienfaitdeleprévenir.

Ças’estarrêté?Jenepensepas.Rienn’aétéfait.

Toutàl’heure,vousparliezd’animauxabattus.C’étaitpendantuneopérationdans l’Achzarit, lapremière,même, jecrois.

Le sergent-major de la compagnie commandait l'un des VTT, il y avait deschevaux, desmoutons, peut-êtremême des ânes, et il les a mitraillés avec leMAGparlafenêtre;peut-êtremêmequ’illesaécrasés,jenemerappellepas.Entoutcas,ilatirésurlesanimaux.

Quelqu’unaposédesquestions?Non.Cen'étaitpasmonVTT,maisjesuisaucourant.

Commentêtes-vousaucourant?Vouspouvezrépéterl’histoire?ToutelacompagnieétaitdanslesVTTlà-bas,oubiendanslesmaisonsoùse

déroulait l’opération – au début, je crois que j'ai vu des moutons morts, leschoses se mélangent dans ma tête. Quelqu’un m’a dit qu’on leur avait tirédessus.Pendant l’opération,onaparlédecequi s’étaitpasséet ilm'a racontéquelesmoutonsavaientétéabattus.Jen’avaispasbesoindevérifier,çanemeparaissaitpasillogique.

C’estarrivéuneseulefois?Jecrois.

13.UneprocédurebienconnueUNITÉ:PARACHUTISTESLIEU:NAPLOUSEANNÉE:2004

Il y a eu quelques opérations où nous sommes entrés à Balata pendant lajournée,danslesruelles,surlemarché,pourdescendredestypesarmés.C’estlacible.Une fois, on a fait une fausse arrestation dans une boutique dumarché.Cellequiparaissait lapluscommode.Enmême temps,des snipers sont entrésdans des maisons voisines, on est restés quarante minutes dans la boutiquecommedesidiots,enespérantquepersonnenenoustiredessusenpleincentredeBalata.C’esttrès...C’estuncampderéfugiés...Lesous-commandantd’unecompagniedeparachutistesavaitététuélà-basunmoisplustôt...etonestdanslamêmeruelle,àespérerquenossniperslesdescendentavant...

Attendez,pourquoiest-cequevousfaisiezça?Je ne sais pas. Il n’y avait aucun renseignement ni rien, c’est juste le

commandantdelacompagniequiadécidé.

Commentça,enroute?Non,non,non.Ilyauneprocéduredebatailledetroisjours.Onregardeles

photos aériennes et on dit : « Si je choisis cemagasin, alors c’est dans cettemaison que jeme placerai », donc, stratégiquement, cette boutique est la pluspratique.C’estcellequialameilleureentrée,lameilleuresortiedesecours.

Ilyauncouvre-feuoupas?Non,pasdecouvre-feu.C’estunanplustard.

Ilyadesgensdanslaruelle?Desgenspartout.C'est ça, le truc.Partout.Lesalléesdumarchéenpleine

journée,pleinesdegens.Commedansn’importequelmarché...

Etvousyallez.Onyvaavecdesgrenadesincapacitantes,ontireenl’air.Laboutiqueestà

peuprèsgrandecommeça,avectoutunmurouvertsurlarue.Ilyauneportelà,uneportelàettoutçaestouvertsurlarue.Dèsqu’onentre,lesgenss’enfuient.

Àquoiçasert?Àfairesortir leshommesarmés,pourquenosgarslesdescendent.Onsert

d’appât.

OK,etenattendant,qu’est-cequevousfaites?Rien,onprendpositiondans laboutique,onessaiedesemettreàcouvert.

Aucasoùilsarriveraientparlaruelleenfacedenouset...

Çafaitpeur?Oui.

Combiendetemps?Quaranteminutes.Lebutestdefairecroireàunearrestationjusqu'àlafin.

Pour qu’ils ne comprennent pas notre méthode. Alors il faut aussi arrêterquelqu’undanslemagasin,suivrelaprocédurede...l’emmenerlesyeuxbandésjusqu’auquartiergénéraldelabrigaderégionaleoùonl’interrogeraavantdelerelâcher. Pour qu’ils croient que c’était une vraie arrestation et qu’on s’esttrompédecible.Unefois,onestentrésetlaboutiqueétaitvide,uneautreiln’yavaitquetroispersonnes,deuxhommesdesoixante-dixetcinquanteansetunefemmedesoixanteans.

Vousn’aviezpersonneàarrêter,juste...Oui,maisçan’apasempêchélecommandantdesectiondebanderlesyeux

etdemenotterlevieuxdesoixante-dixansetdel’emmeneravecnous.

Etdelegarderprisonnieret...Oui, mais finalement on ne l’a pas emmené, on a vu que ce n’était pas

nécessaire.Aulieudeça,onl’aenvoyéouvrirlamaisonpournous.

Jenecomprendspas.Ils disent qu’on ne fait plus la « procédure de voisinage ». Alors ils ne

l’appellent plus comme ça. Ils disent « appeler un ami » ou quelque chosecommeça.Ilyaunnom...

Qu’est-cequeçaveutdire?Çaveutdirequesijeviensarrêterquelqu’un,quejesaisqu’ilestdangereux,

arméettout,alorsriennem'empêched’allervoirsonvoisin...J’arrivemaisjeneconnais pas le lieu exact –mettons que j’aie cinqmaisons dans la casbah deBalata.Mes renseignements disent que le typedoit se trouver dans ce pâté de

maisons.Alors jefrappeàlaporte :«C'estquellefamille ici?»OK,cen’estpas la bonne. «Venez avecmoi. » Je le fais frapper à la porte,mettre tout lemondedehors.

Alorsilfaitletourduquartierpourfrapperàtouteslesportes?Non,ilvadansunemaison,puisonprendquelqu’und'autre.Deladeuxième

maison.

Etpendantqu’ilfaitça,vousêtesoù?Unpeuenretrait,derrièrelui.Ilpasseenpremier.

Vousbraquezvotrearmesurlui?Non.Ilpasseenpremier,vousvisez,maispasluienparticulier.Ilsaitqu’il

n’anullepartoùaller.Ilfrappeàlaporte:«YaSalaama...»Illesfaitvenir.

Quoi...çasepasseencore?Oui,c’estuneprocédured’arrestationbienconnueencasde...

Quandavez-vousfaitçapourladernièrefois?Enavril...jenemerappellepasexactement.

Çavousparaissaitbizarredefaireça?Ilestclairpourmoiquecen’estpasbien,maispasbizarre.Çaarrivetoutle

temps.Uneprocédurebienconnue.

14.TuasenviedeletuermaisilpleureUNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:HÉBRONANNÉE:2009

Unefois,onafaitunearrestation.Ils jetaientdespierresplaceGross,onaétéalertésetcegaminestapparu.Parradio,leguetnousaditdenousarrêter,ilétaitjusteàcôtédenous.

Quelâgeavaitlegarçon?Quinze ans, il s’appelait Daoud. Donc on l’a arrêté. On est descendus de

notrevéhicule,on luiacouruaprès, ilétaitcomplètementsous lechoc.Onl’aemmenéàGross,ducôtéjuif,etils’estmisàpleurer,àhurlerenseroulantparterre,toutpleindesueuretdelarmes.Onnepouvaitrienfairedelui,d’uncoupon se retrouvait avec un gamin en pleurs sur les bras, alors que quelquessecondesplus tôt il jetaitdes tuilesàGross, tumeursd’enviede le réduireenbouillie,ont’aappelédanscettechaleurdémentielle.Tuasenviedeletuermaisilpleure.Commeonnesavaitpasquoi faire,on l’agardéà tourderôleparceque tout lemonde craquait quand on restait avec lui, alors on tentait quelquechose puis on partait. À un moment, j’étais avec lui, j’essayais de le calmerparcequ’ilétaitattaché,lesyeuxbandés,ilpleurait,çaluicoulaitsurlevisage.J’aicommencéàlesecouer:«Tais-toi,tais-toi,çasuffit,maintenant!»Puisonl’a emmené au poste de police, il pleurait encore et les flics ne voulaient pasl’interroger. Ils ne voulaient pas de lui, c’était tellement agaçant, absurde.Aumilieu de cette pagaille, alors qu’il se roule par terre, le type descommunicationssortsonMotorola.Voussavezcequec’est,unMotorola?

Pourlescommunications?Boum, un coup sur la tête. Il ne voulait pas lui faire demal.C’était juste

aprèsdeuxheuresdepleursinsupportables.

C’étaittoujoursàGross?Non.ÀGivatAvot.

Aucommissariat?Oui.

Dansuncoinécarté?Non, dans la cour où toutes les voitures de police... Où... Devant la salle

d’interrogatoire. Voilà. J’étais avec lui à ce moment-là. Et puis le gars descommunicationsm’apris enphoto. Jenevoulaispas, c’était tordu.Tune saispasquoifaire.Onétaitcomplètementperdus.Encolère,aussi.Parcequ’onl’avu jeterdespierres,on sait cequ'il a fait,on saitquec’estdangereux.Encoreune fois, on traverse de salesmoments,mais les gens qui le font sont, je saispas...

Combiende temps est-il resté àGross avant que vous l’emmeniez àGivatAvot?

Jenemerappellepassic’étaitunquartd’heureouuneheure.Unmoment,entoutcas.Leproblème,c’estqu’ilestrestélongtempsàlabase.Lepire,c’estd’entrerencontactaveccesgens-là.Àchaquefoisquequelqu’un,unArabe,faitquelquechosedegrave,onl’emmèneàGivatAvotetildisparaît.Onl’emmènedansuncampouunautrependanttroisouquatrejours.

Voussavezoù?Je ne sais pas. On nous a toujours dit que c’était quelque part dans les

Territoiresoccupés.

Labased’Ofer?Peut-être. Je ne sais pas. On les amenait au commissariat, puis on les

oubliait.Auboutd’unmoment,ilsrevenaient.Ilsnevontnullepart,enfait.

Toutàl’heure,vousavezditqu’àGross,lesous-commandantavaitsecouélegarçon.

Oui.Onl’atoussecoué.Ilacraqué.

Commentça?Pourquoi?Parcequ’àunmoment,ilssechangentenvermisseaux.Jemerappelle,onles

détestait.Jelesdétestais.J’étaistellementraciste,là-bas,J’étaisencolèrecontreleur saleté, leurmisère, toute la putain de situation : « Tu as jeté une pierre,pourquoi ?Pourquoi est-ceque jedois être ici et toi là,ne faispasça.» Il setraîne par terre, à te pleurer dessus. Il a lesmains attachées. On a fini par ledétacherparcequ'ilpleurait,ilnoussuppliait.Ilcriait,ilétaittrempédesueur,demorveetde larmes.Tunesaispasquoi faire.Onl’asecouépardésespoir.Cen’étaitpasparticulièrementviolent.Jepensequ’ons’estmêmemisàrire,mêmemaintenantquandj’yrepense,danscettesituationtuescomplètementperdu.

Vousditesqu’iln’yavaitpasquevousetlegarsdescommunications?Ilyavaitaussilesous-commandant?

Biensûr.Qu’est-cequevousvoulezdire?Cen'estpascommesionl’avaitsecouépour...C’étaitpourqu’ils’arrête.Onn’arrêtaitpasdeluicrier:«Arrête!Tu nous rends fous ! » On lui disait des trucs en arabe, tous les mots qu’onconnaissait.

15.Lecommandantdebrigadenousaexpliqué:«Tut’approchesducorps,tumetslecanonentrelesdentsettutires»

UNITÉ:BRIGADEGIVATILIEU:BANDEDEGAZAANNÉE:2008

Ilyavaitunschéma.Çaacommencéavecl’opération«HiverchaudIl12»,quiétait laplusgrandeopération jusqu’alors,pas laplus longue,maiscelledeplusgrandeenvergure.Avantça,ilyaeul’opération«Nuagesd’automne»en2006,aumomentdelaguerreduLiban13.C’étaituneopérationdequarante-huitheures,puisuneopérationdecinqmoisavectoutlebataillonetunepartied’uneautrecompagnie...

Touslescombien?Unefoisparsemaine.Maiscen’étaitpasavectoutlebataillon.Pendantces

cinq mois, il y. a peut-être eu six opérations avec tout le bataillon, le reste,c’étaientdesopérationsdecompagnie,généralementdesfouillespouressayerdedébusquerdesterroristes.

Vousêtesallésloin?Engénéral,pastrop,maispasnonplusàquatremaisonsdelafrontière.Je

diraisquelesopérationslesplusprofondesétaientàunkilomètreetdemi,deuxkilomètresdelaligne.

Jevoudraisvous interroger sur lespréparatifs.Parexemple,qu’enétait-ildesrèglesdecombat,descivils?

Ilsontditquel’objectifétaitdefouillerdesmaisonspourtrouverdesarmes.Bien sûr, le but était aussi de voir... Il y avait des opérations où ils tiraientdélibérément, sans raison,mais le commandant du bataillon disait qu’on tiraitpourfairesortirlesterroristes,qu’onpuisseentuerquelques-uns.

Oùtiriez-vous?Ily a euuneopérationenparticulieroù jeme rappellequ’avecdes lance-

grenades,desmitrailleusesetmêmeunemitrailleuselourdecalibre.5,ilssesont

entraînés à tirer sur desmaisons. On ne visait pas lesmaisons, ils tiraient auhasard,autourdesmaisons. Ilsnevisaient rienenparticulier, ilsessayaientdefairesortirlesterroristes.Quantàlapréparation,jenemesouvienspasvraiments’ilsnousontdit:

«Toutn’estpasnoiretblanc»,entoutcasilsnenous,ontpasditdetirersurtoutcequibouge,cen'étaitpascommel’opération«Plombdurci14»,oùtoutlemondeétaitcomplètementexcité.

Commentétaitdirigéel’opération?Vousavezfinilesbriefings...Ilyadesopérationsàpied,desVTTlourds,tuarrivesaupointd’entrée,peu

importesic’estunecompagnieouunbataillon,ilyaunordredemarche,tuyvasetàunmomenttuatteinslacible,chaqueéquipecaptureunemaisonprécise.Tuarriveslanuit,tuentresdanslamaison,tuvérifiesquepersonnen’estarmé,tun’entres jamaismouillé, iln’yapasnonplusdecouverturemouillée,àpartquelques opérations spécifiques où on tirait pour le spectacle, pour essayerd’appeleruneriposte.Onn’ajamaisutilisélesgrenades,saufpeut-êtrependant«Hiverchaud».

Quandvoustiriezpourlespectacle,oùvisiez-vous?Jenesaispas,jen’étaispasdanscettesection.Jesaisquelebutétaitdene

toucherpersonne,maisilsonttiréverslesmaisons.J’avaisunbonamidanslebataillon, dans l'équipe du commandant de bataillon, pas avec luipersonnellement,maispasloin,etill’aentenduparleràquelqu’unàlaradio,ildisait:«Écoute,monpote,tun’asaucuneidéedecequisepasseici»,pendantqu’on tirait. Il y a euuneopérationoù ils étaient tellement excités à l’idéedetirer desgrenadesoud'utiliser le petit lance-grenadesqu’ils avaient reçude lapatrouilledesparachutistesoude jene saispasqui, qu’ils l’ont emmenépourl'opération–lepetitlance-grenadesestplusléger,c’estmieux.

Vousentriezdanslesmaisons,etensuite?Dans la plupart des cas, ils fouillaient les maisons puis établissaient des

positions.Ilscherchaientdesarmesetdeshommesarmés,puisilspostaientdessnipers ou des tireurs d’élite, des fois ils devaient casser le carrelage pourremplirdessacsdesableetilsfaisaient2/4ou2/215,selonlenombred’hommesdansl’équipeoulasection.Çarestaitflexiblejusqu’àcequ’ilsplientbagage.

Quefaisaient-ilsaveclesgensquivivaientdanslesmaisons?Ilslesrassemblaientdansunepièce,généralementaveclesmainsattachées.

Je neme rappelle pas s’ils avaient les yeux bandés, peut-être rarement, et ilsmettaientungarde.Jenemerappellepass’ilyaeudesviolencescontrelesgenssauf...iln’yavaitaucunerésistancedeleurpart.Jemesouviensdescènesduressur la frontière, en périphérie, dans des zones entièrement rurales dontl'administration se fout complètement, ils vivent dans des cabanes, ça pue.Entermesdepauvreté,iln’yariendecomparableenCisjordanie.

Quimenottaient-ils?Paslesfemmes,jepense.

Justeleshommes.Ilsmenottaientunecertainetranched’âge?Jenepensepas lesvieux.Pendant«Hiver chaud», il y avait unemaison

avectouteunetribu–onnelesapasmenottés,onlesajustemisdansunepièceavecungarde.

Etungarçondedouzeans?Jenepensepas.Peut-êtrequej’exagère,laplupartn’étaientpasmenottés.Il

yavaitdesopérationsoùilspartaientavecdesVTTlourdsetrevenaientàpied.IlyaeuuneopérationoùilsontramenéuntasdegenspourqueleShinBetlesinterroge, pas des suspects, juste pour obtenir des informations et recruter descollaborateurs,àmonavis.Ilschargeaientleshommesd’uncertainâgedansungrand camion et les emmenaient en Israël. Apparemment, le Shin Bet lesinterrogeait.

Quilessélectionnait?UnagentduShinBetvousaccompagnait?Leplussouvent,non.C’estpeut-êtrearrivéune fois, jemesouviensd’une

opérationoùonestrentrésàpiedavecquelquesprisonniers.Cequiestdingue,c’est qu’ils sont revenus les yeux bandés, je ne sais pas trop pourquoi, quelssecretspouvaient-ilssurprendre,cen’estpascommes’ilss’étaienttrouvésdansun Merkava Mark IV, non16 ? Ils étaient menottés ensemble, c’était dur demarcher,même pour nous. Certains ont perdu leurs sandales en route, ils ontcontinué pieds nus dans un endroit où ce n’est pas agréable demarcher piedsnus. C’était un cauchemar. Pour moi aussi... Dans toutes ces opérations, jevoulais justequeçase finisse,c’étaitdur,passeulementphysiquement,c’étaitjustedur.Jemesentaismalpoureux.

Combienyenavait-il?Pas beaucoup, pas un long convoi, mais il n’y avait que ma compagnie.

L’opération dont je parle regroupait tout le bataillon, alors peut-être que dans

d’autrescompagnies...

Çavousasurpris?Non,c’étaitl’objectif,amenerlesprisonnierspourl’interrogatoire.

Quiafaitledébriefing?Uncommandantdesection.

Aucoursdubriefing,quand ilsontannoncéquevousreviendriezavecdesprisonniers,qu’est-cequ’ilsontdit?

Qu’onarrêtaitdesgenspour les interroger, jenesaispass’ilsontparléduShinBet.Parfois,ilsdéfinissentçacommeunobjectifsecondaire.Engros,dansles briefings, ils ne parlaient pas d’objectifs généraux, ils vous expliquaientplutôtcequevousdeviezfaire,ilsvousexpliquaientaussileschosesaufuretàmesure.Lebutétaitdefouilleret«peut-êtrequ’ilyauradesterroristesàtuer»,la plupart du temps il s’agissait de chercher des armes et de voir s’il y avaitquelquechosepourlesrenseignements.

Jevoulaisvousdemandersilatechniqued’appelerlaripostefonctionne.Je neme rappelle pas que ça ait fonctionné. Il y a eu plusieurs opérations

comme ça. C’est un changement qui est arrivé au bout de deuxmois, à cetteépoque, ils ont commencé à faire ça. C’était une période d’opérations à pied,puis des opérations avec lesVTT lourds et vers la fin, des fois on le faisait àpied,d’autresfoisaveclesvéhicules.

Quandvousvousteniezàlafenêtred’unemaison,vousaviezbesoind’uneautorisationpourtirer?

Ça dépend. Si je vois quelqu’un d’armé, non. Je dis non parce que jemerappelleseulementleschosesengénéral.Situvoisquelqu’und’armé,alorsnon.Sijevoisquelqu’unquimeparaîtsuspectparcequ’ilchercheàsecacher,parcequ’il a des jumelles ou un téléphone portable, alors oui. C’est ce que j’aicompris,dumoins.

Quandvousreveniez,ilsvousdisaients’ilyavaiteudestués?En général oui, surtout s’il y avait quelque chose à dire sur l’effet de

l’opération.Après«Hiverchaud»,ilsontprissoindedirequec’étaitunsuccès,quepleindeterroristesavaientététuésetquel’effetdissuasifavaitfonctionné.Après[une]opérationoùnouscroyionsquelesterroristesavaientététuésmaisoùilsn’avaientétéqueblessés,nousavonsétésurprisetfrustrés.Surprisparce

que, par exemple, un commandant d’équipe de ma section avait tiré sur unterroriste quimarchait avec uneKalachnikov et un téléphone portable dans larue,sanssavoirquel’arméeisraélienneétaitlà.Ill’atouchéenpleinmilieuducorps, ilest tombé,puis ils luiont jetédeuxgrenadespourêtresûrsqu’ilétaitmort,mais ensuite on nous a dit que le terroriste n’avait pas été tué.Au fait,pendantcettepériode,c’étaitlégalde«confirmerunemort»?

Jen’ensaisrien.Pourquoi?Après l’incident où ils ont renvoyé le commandant de section, on a eu un

briefingducommandantdebrigade,accompagnéducommandantdebataillon,et il a interrogé notre section pour mieux comprendre ce qui s’était passé.Ensuite,iladonnédesordresclairssurlamanièredontdevaientserésoudreleséchanges de coups de feu : « Vous vous approchez du corps, vousmettez lecanonentrelesdentsetvoustirez.»Ensuite,j'aientenduquevérifierunemortétaitillégal.

C’estcequej’aientenduaussi.Je sais qu’ils ont inventé un terme plus édulcoré : « Vérifier une

neutralisation.»

16.Ilsontordonnéàl’unitédetirersurtoutlemondedanslarue

UNITÉ:CORPSDUGÉNIELIEU:RAFAHANNÉE:2002-2003

PendantlesopérationsàGaza,siquelqu’unsepromenaitdanslarue: tirerautorse.PendantuneopérationdanslecouloirdePhiladelphie,siquelqu’unsepromenaitlanuit:tirerautorse.

Combienyavait-ild’opérations?Quotidiennement.DanslecouloirdePhiladelphie,touslesjours.

Quand vous cherchez les tunnels de contrebande, comment font les genspoursedéplacer?Aprèstout,ilsviventlà.

Çasepassecommeça :onamèneuneunité au troisièmeouauquatrièmeétage.Uneautres’occupedelafouille.Ilssaventquependantqu’ilsfouillent,untasdegensvontchercheràlesattaquer.Engénéral,onpartaitduprincipequ’ilss’enprendraientàl’unitéquis'occupaitdelafouille.Alorsilsl’ontrenforcéeetilstiraientsurtousceuxquipassaientdanslarue.

Ilyavaitbeaucoupdetirs?C’étaitsansfin.

Jesuisprêt,autroisièmeétage.Jetiresurtoutcequibouge?Oui.

Maisc’estunerueàGaza,l’endroitlepluspeuplédumonde.Non,non,jeparleducouloirdePhiladelphie,

C’estunezonerurale?Pasexactementrurale,c’estuneroute,cen’estpascommelecentre.Pendant

lesopérationsdanslesquartiersdeGaza,c’estlamêmechose.Tirer,pendantlesopérationsdenuit–tirer.

Iln’yapasd’annoncepourdirederesteràl’intérieur?

Non.

Ilsontvraimenttirésurdesgens?Ilsonttirésurtousceuxquimarchaientdanslarue.Çasefinissaittoujours

par:«Onatuésixterroristesaujourd’hui.»Tousceuxquetudescendsdanslaruesontdes«terroristes».

C’estcequ’ilsdisentdanslesbriefings?Lebutestdetuerdesterroristes.

Non,quellessontlesrèglesd’engagement?Siquelqu’unsepromènelanuit,tirerpourtuer.

Pendantlajournéeaussi?Voilàcequ’ilsdisaientdanslesbriefings:siquelqu’unsepromènependant

la journée, cherchez un détail suspect.Un détail suspect peut aussi être... unecanne.

17.Sivousvoyezungaminavecunepierre,vouspouveztirer

UNITÉ:PARACHUTISTESLIEU:BRIGADEETZIONANNÉE:2002

Çaaété le comble– lecommandantdebrigade se trouveen facedenouspendantunbriefing,onestenpleinehudna17,c’estunesituationfragile,ilnousparledeça,puisuneminuteplustardilnousdonnelesinstructions:«Sivousvoyezungaminavecunepierre,vouspouvezluitirerdessus.»Genre,tirezpourtuer.Unepierre!

Quiafaitlebriefing?Lecommandantdebataillonoulecommandantdebrigade,jenemerappelle

plus.Lebriefingdonnaitça:«Bon,lasituationesttrèsfragileetunepierreestunearmemortelle,voussavezcequeçaveutdire.J’aivuquelqu’unblesséparunepierre. » Jepensequenotre commandantdebataillon,du... Il avuque lecommandantdebrigadeétaitlà.LabrigadeEtzion,c’étaitXXX.

XXXvousadonnél’autorisationdetirersurunenfantquijettedespierres?Oui,parcequec’estunearmemortelle,parcequ’ils les jettentsur laroute.

C’étaitpendantlahudna.

Iln’yaeuaucuneprotestation?Non.Jevousaidit,demonpointdevue,j’avaisdéjàunpiedhorsdel’armée

dansma tête.Cequim’a leplusdérangé,c’estque lesgarsde l’état-majornepensaient qu’au fait qu’ils devaient porter des bottes réglementaires pour lebriefing,àcauseducommandantdebrigade.

Ilssesontdisputésàproposdeçapendantdesheures,quelqu’unacriésurlecommandant de la compagnie, puis ils se sont crié dessus pendant une demi-heure après le briefing. Alors personne ne lui a rien demandé... Bien sûr, jevoulaisluiposerlaquestion,maisj’étaistellementdésespérépartouscesabrutisetpuis jesavaisqu’àchaquefoisque jeposaisunequestion, tout lemondeseliguait contremoi... des gens qui disaient : «Allez, encore plus de questions,encore plus de bla-bla, on veut jouer au foot. » Ou : « Ta gueule, avec tes

questions. » C’était tout le temps comme ça, mon groupe pensait toujours lecontraire de moi, alors je savais que je n’aurais pas de réponse, commed’habitude.Pourmoi,çadépassaitlesbornes,c’étaitvraimenttrop.Pourrigoler,lessoldatsdisaient:«Onn’aqu’àdescendrequelqu’unpourmettreuntermeàcette saloperie de hudna, qu’on arrête avec les embuscades et qu’on retournefaire des arrestations. »Et voilà que çavient duplus haut commandant, qui al’aird’enavoirtoutaussimarre,alorsilveutqu’ilsepassequelquechose.

18.OnarassemblétousleshommesdanslestadeUNITÉ:BATAILLONNACHSHONLIEU:TULKAREMANNÉE:2002

Je me souviens qu’une fois ils ont confié des actions à Tulkarem à notrecompagnie. Ces actions ont provoqué un tas de critiques, même de la presseétrangère,parcequ’ilsavaientrassemblétousleshommes.Cequ’ilsfaisaient?Àchaquefoisqu’ilsentraientdansunvillageoudansuneville,ilslesattrapaientet les rassemblaient. Ce qu’ils disaient ? Ils passaient, faisaient une annonce,c’étaitunordred’enhaut.Etcen’étaitqu’unbataillonparmitantd’autres...

L'ordrevenaitdeplushautquelebataillon?Ducommandantdebrigade?Oui,aumoinsducommandantdebrigade.C’étaituneopérationsérieusede

Tsahal,iln’yavaitpasquelebataillonNachshon.

Quelsecteur?Dans la ville de Tulkarem. En gros, l’ordre était de rassembler tous les

hommessurunterraindefootgéant,commeçailn’yauraitplusd’hommesdansla ville et ce serait plus facile de mener les fouilles, vous voyez ? Moinsd’inquiétudes à avoir, parce que si vous voyiez un homme il vous paraissaitsuspect,automatiquement.Alorsçaavraiment...vouspouvezimaginer.

Combiend’hommesyavait-il?Ils ont rassemblé tous les hommes de Tulkarem pendant quarante-huit

heures. C’était... Ça a fait une sérieuse tempête médiatique sur le moment.Comme les camps de concentration, bla-bla-bla, vous savez. Ils les ontrassembléssurunterraincentral.

Ilsontfaituneannonce?Oui.

Quiafaitl’annonce,vous?Non.Jenesaispas.Lesblancs,jecrois,lesjeepsblanches.

Lebureaudecoordinationdudistrict.En tout cas, ils nous ont assigné un secteur et on est allés de maison en

maisonpourchercherdesarmes.C’étaitlamission.Avant,pendantlebriefing,ils nous ont dit : « Tous les hommes ont été informés qu’ils doivent serassemblerdansunlieucentral,vousnedevriezenrencontreraucun.Sivousencroisez, ils sont suspects.» Ilsnousontexpliquécequi s’étaitpassépourquenouscomprenionslamission.

Vousavezvuleterrain?Non. Mais je me rappelle qu’ils ont dit... Ça faisait quarante-huit heures

qu’ils étaient là, alors il y a eu plein d’incidents. Il n’y avait même pas detoilettes.

Voussavezquimontaitlagarde?Non.Maisjecroisquependantledébriefingapprofondi...Réfléchissonsun

peuàladate,aumoinslemois,c’étaitenvironunanetdemiaprèsledébutdemonservice,peut-êtreunpeuplus,vers septembre2002, jedirais.Mettonsengrostrois,quatremois,peut-êtreunpeuplus.Entoutcas,onyva...Voussavez,audébut,tuescommeeuphorique...tusensvraimentlapeur.Tuentresdanslapremièremaison, tu la fouilleset tout, tuvérifiesvraimentquepersonnenesecache,quetunevoisaucunearme,maisçarestedansleslimitesduraisonnable.Etpuisilyalafatigueettout.Ensuite,ilyaeulemomentoùonentraitdanslamaison, on mettait tous les gens qui restaient, généralement la femme et lesenfants, parfois une grand-mère ou autre, dans une pièce et on investissait lesalonpendantdeux,troisheures.

Vousfouilliezlamaison?Ils fouillaient pour s’assurer qu’il n’y avait vraiment aucune arme, vous

savez,chacunàsonniveau.Ilyavaitceuxquiinspectaientetsortaienttouslesvêtements.Lesmaisonsn’avaientpaslamêmeallureaprèsnotrepassage.

VousavezfouillétoutTulkaremmaisonparmaison?Je vous dis, c’était une opération très sérieuse. Tout le monde avait un

secteur.Vous savez,vous ratezunemaisonpar-ci,par-là,vousn’en faitespasunemaladie,maisengrosonpassedemaisonenmaisonpours’assurerqu’iln’yapasd’hommesetpasd’armes.

Ilyavaitdeshommes?Untasdevieux.«Qu’est-cequevous faites ici?»Unvieilhomme,vous

savez.Etpuisilyaeuunemaisonoùlafemmeavaitunephotodesonhommeavecunearme,surlefrigo.

Unephotoavecunearme?Oui.«Qu’est-cequec’estqueça?»Etpuisvous savez...Enfin, lesgens

étaient fous. « Où il est ? Qu’est-ce qu’il fait ? » Comme ça. Elle a tentéd’expliquerquec’étaitunephoto,safierté,unpolicierpalestinien.Commenous.Pourquoicomparer?Ouais,desphotos,commeonenavaitàl’époquede...voussavez...c’estuntrucmilitant,c’estleurfierténationale,vousvoyez,etlanôtre,OK.Doncvoilà,lesautresétaientcommedesfous:«Onvatrouverdesarmesici.»Pourmoi,ilétaitclairquenousn’allionsrientrouver,maispeuimporte.Jenevousracontepas,ilsontretournélamaisoncommes’ilyavaiteuunouragan.Ilsn’ontrienlaissételquel.Bon,d’accord,ilsavaientaussiretournélesautresmaisons,maisdanscelle-là ilssontdevenusfous, ilsont toutcassé. Ilestclairque le sergent a tout vu, mais au bout d’un moment j’ai dit stop. J’ai dit ausergent :«Regardezcequ’ilestentraindefaire.»Alorsunesortedetensions’est installée, comme de la délation dans l’air.Mais je vous dis, les étagèresavecdesobjetsfragiles,toutavalsé.

Vousavezvuqu’ilsn’avaientpasd’armes?Non.Ils’agissaitclairementdevandalismepuretsimple.

Vousn’aviezpasl’impressiondemenerunefouille?Non. J’avais l’impression demener une fouille,mais enmême temps il y

avaitduvandalisme.Tuouvresunplacardetsurlechemintuvoisuneétagère,alorstuenvoiestoutvalser.Ouais,cettemaisonaprisunsacrécoup.Àmesureque la journée avançait, la sensibilité de l’unité baissait et ils retenaient [lesfamilles]pendantquatre,cinqheures.C’étaitunelongueaction,voussavez.Lesgensétaientvraimentfatigués.

Combiendetempsa-t-elleduré?Quelque chose comme vingt-quatre heures, je pense. La préparation était

plus longue, mais à mon avis tout le boucan autour du rassemblement deshommes a changéquelque chose, parce quequandon est arrivés, ils nous ontannoncéqueçadureraittroisjours.Jemerappellequ’onestaussitombéssur...–voussavez,personnen’osaits’impliquer,enplusiln’yavaitpasd’hommes,lesroutesétaientcenséesêtrevides–etpuisilyavaitdeuxfemmesdel’unedecesorganisationsinternationalespourlapaix,commentças’appelle?

Ilyenabeaucoup.Ilyenabeaucoup,maiscelle-làestlaplusconnue.Peuimporte,vousvoyez

de quoi je veux parler. En gros, ces deux femmes arrivent, on est dans une

maisonaveclafamilleenferméedansunepiècedepuisdesheures,peut-êtrebienquec’étaitlamaisonavecl’arme,celleoùonavulaphoto.

Combiend’heures?Onestrestéaumoinstroisheures.

Ilyavaituncouvre-feudanslarue?Oui,oui.

Doncilssontenfermésdansunepièce.Detoutemanière,ilssontenfermésdanslamaison.

Oui,vousavezraison.Ilssontenfermésdansunepiècedanslamaison.Donccesdeuxfemmesdevenaientfolles.Ducoup,àchaquefois,quelqu’ungardaitlaportedelamaison.Jemerappellequej'étaislàetellesarrivent,cesdeuxfêlées–des fêlées, je vous dis –, ellesmedisent.., ellesme crient dessus en anglaispendant des heures. Et moi je dis : « La dernière chose dont j’ai besoinmaintenant, c’est demedisputer avec quelqu’un avec qui je suis d’accord, aufond.»Toutestcomplètementfouici.Alorsjelesignore,commesiellesétaientfolles,et l'uned’elleshurle:«Ilcomprendl’anglais, ilcomprend.»Jenesaispas, peut-êtrequ’elle a ludansmon regardque je comprenais tout cequ’ellesdisaientetquejefaisaisjustecommesiellesparlaientchinois.C’étaitvraimentdur.Vraiment,c’estcommesielleslesentaient,ellesvoyaientcequejevoyais.

Qu’est-cequevousvoyiez,tous?Toutcequejevousaidit,c’estcommemettreunmiroirfaceàvotrevisage.

C’étaitvraimentdurpourmoi.Lesgenssontàcran.«Cesputes.»Onquittelamaison,ellescontinuentànoussuivre.Etles[soldats]leurcrient:«Dégagez!»Finalement,ilsontréussiàleurfairesuffisammentpeurpourquelless’enaillent.Jemerappelle,justeaumomentoùellespartaient–j’étaisledernier,jenesaispluspourquoimais jemesuisretrouvéà lafin–, je leuraidit :«Vousdevezraconteraumondecequevousvoyez.»

Commentont-ellesréagi?Jene saispas,ellesm’ont regardéd’unair, jene saispas, jenepensepas

qu’ellesaientétéimpressionnées,àjustetitrepourêtreobjectif.Voussavez,sijevoyais quelqu’un comme moi de l’extérieur – je ne suis pas un héros, aucontraire,j’aiassistéàtoutesceschoses.Ellesontfaitl’effort,ellessontvenuesd’ailleurs,ce sontellesquiessaientdesauver lemonde.Moi,qu’est-ceque jefais?Jesuislàànerienfaire.Jemesuisengagédanscettearmée,j’accomplis

touteslesmissionsqu’ilsmedonnent.Penserquecequ’ellesfontestbiennefaitpasdemoi...maisjenesaispascequ’ellespensaient.Ceschoses-làsontdurespourmoi aussi, personnellement,mais c’est ce qui est arrivé. Eh oui ! jemerappellequejesuisallélà,jesuisrentréchezmoipourleweek-endetàlaradioilsparlaientdesopérationsàTulkarem, ilsdisaientqu’onavait trouvécietça,desengraisqu’ilssoupçonnaientd’êtreutilisés...

Commeexplosifs.Ouais.Jemerappellequejemesuisdit:«Quellesconneries.»Onétaiten

voitureaveclepèrede,jecrois.Sonpèreadesopinionsmodérées,maisildit:«Quoi?Justedel’engraisordinaire?Allez...»Moi,jedisdel’arrière:«Quisaits’ilyavaitmêmedel’engrais.»Puisildit:«Quandmême.»J’imaginequesi j’étaischezmoi jediraisaussi :«Allez»et«N’importequoi»,maisvoussavez, après tout ce que j’avais vu, c’était juste... Vous savez, à la fin dureportageradio,c’estincroyable,àlafinilsdisaient:«Lorsd’uneopérationàTulkarem,Tsahalacapturé»genre«vingt suspects,dixarmesetde l’engraissoupçonné d’être utilisé dans la fabrication [d’explosifs], une tonne et demied’engrais».Doncc’estunsuccèsparcequ’onentendçaàlaradioettudis:«Eh,écoute,onestalléslà-bas,voilàcequ’onatrouvé,c’estcequ’ondoitfaire.»Maiscequ’onafait,c’estlecontraire.Parceque,qu’est-cequ’onafait?Onacommisdescrimes.Onadétruitdesmaisons.Aucunemaisondanslaquelleonestentrésn’étaitlamêmeaprèsnotredépart.

Combiendemaisonsavez-vousfouillées?On a fouillé des rues entières. Je vous dis, à chaque maison, quelqu’un

lançaitl’idéeque,attends,peut-êtrequ’ilscachentquelquechosedanslaciterned’eausurletoit,vousvoyez,ilsontcesgrosréservoirsnoirssurchaquemaison.Doncilsontretournéchaqueciterne.

L’eauacoulé?Ilsl’ontretournée,oups.Dansnotrefolie.

Vousavezlaisséleshabitantssanseaucourante?Jenesaispas,ilsnepensaientpasàça,ilscherchaientdesarmes.Peut-être

qu’il y a une arme sous toute cette eau. Tout y passait, il n’y avait pasd’informationsspécifiquessurlamaison,maisilfallaittouteslesfouillercommelequartiergénéralduHamas.

19.PerturberlaviequotidiennedeshabitantsUNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:HÉBRONANNÉE:2005

Normalement,quandonparledeperturbations,onfaitréférenceauxactivitésterroristes,onperturbe l’activité terroriste.Quandonréfléchitàcequeçaveutdire–pourquoiperturbation,pourquoinepasdireempêcher,prévenir?Qu’est-ce que ça veut dire, perturbation ? Vous savez, il y a empêcher, prévenir,perturber,répondreàl’activitéterroriste,toutça.Ouais,onfaitpleindechoses.Alors c’est quoi exactement, la perturbation ? En général, ce qu’on... lesréponses qu’on se donne, ou bien les réponses que nous donne le hautcommandement,c’estqueçaconsisteunpeuànepascréerderoutine.

Pourqui?Mêmedansnospropresopérations,pourqu’ilsnepuissentpasnoussuivreet

nous attaquer. Une seule fois, c’est clair, c’est normal, pour protéger lapatrouille. Mais aussi avec le... c’est-à-dire qu’on a soudain mis en place uncheckpoint, comme un checkpost18, pendant vingt-cinqminutes sur une route,cellequimèneauquartierAvrahamAvinu19.Dèsqu’oncommenceàfairedestrucs comme ça, les [Palestiniens] pensent qu’ils ne peuvent plus rien prévoirparceque ça seraperturbé.Si vous arrivez aumilieude la nuit pour faire desrepérages,alorsuntypequiestrecherchéouquidirigelequartierd’AbuSneina,parexemple,nevapasdormirdelanuit,àmoinsqu’ilnedécidedequitterAbuSneinapourunquartierpluséloigné.Voilàcequ’estlaperturbation.Perturberlaviequotidiennedesgensquiviventlà.Jenemerappellepas,maisjenecroispasquenousayonseudedirectivesécrites.Peut-êtrequec’étaitunepolitiqueécriteàd’autresendroits.

20.Descoups,desbousculades,toutessortesdechosescommeça.Touslesjours

UNITÉ:BATAILLONLAVILIEU:RÉGIOND’HÉBRONANNÉE:2002-2003

Ils’estpasséuntrucavecungaminattardé,vraimentattardé,qui jetaitdespierresdepuisunecollineprèsducarrefourdeKvasim.Àlafinilsl’ontarrêté,aveclesous-commandantdecompagnie,quiaditàl’undemessoldats:«OK,emmenez-leàlajeep.»Lesoldat,quiétaitassezpetit,l’aattrapéparl’épaule.Ilétait tranquille, ce soldat,mais le gamin a commencé à se débattre et le petitsoldatavaitdumalàcontrôlercegarsdeseizeans.Alors je l’ai jetépar terre.Pendantlamêlée,monarmel’afrappéàlaboucheetluiacasséunedentoujesaispasquoi.Ils’estmisàsaigner,ilestdevenufou.Finalement,jel’aimaîtrisé.Toussescousins,sesonclesetsesparentsoujesaispasquisontvenus,toutleclan, quatre hommes, des adultes, et le sous-commandant de compagnie s’estmisàlesmenacer:laprochainefoisqu’ilvoitlegamin,ildit,«qu’iljettedespierresounon, je le tue».Et legaminadusangplein levisage.Ilsdisent :«Vousnevoyezpasqu’ilestattardéetquesamainnemarchepas»–samaindroite, qui était très, très forte allait bien, mais la gauche avait une sorte demalformation,ellenefonctionnaitpas–«ilnepeutpasjeterdepierres»,etc.,etc.Lesous-commandantamenacélesparents.Puisonarelâchélegaminetilaattrapéuneénormepierre,commeça,etilafaillitoucherlesous-commandant.Luietlegaminsesontbattusunpeu,lejeunes’estprisunedérouilléeetpendanttoutce tempssabouchesaignaitàcausede l’entailleque je luiavais faite.Leproblèmeaveclaviolence,cen’étaitpassondegré,maislafréquenceàlaquelleellesemanifestait.C’enestarrivéaupointoùilnesepassaitpratiquementpasune journée sans que quelqu’un se fasse frapper ou menacer. La plupart dutemps,c’étaientdescoups,desbousculades,toutessortesdechosescommeça.Touslesjours.

21.DesarrestationsinutilesUNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:RAMALLAH/ZONED’HÉBRONANNÉE:2008-2009

Nous étions fatigués de faire des arrestations. Nous avions l’impressionqu’elles étaient inutiles, par exemple chercher des gens qui coupaient desbarbelés,quijetaientdespierres,desprovocateursoudeshommesidentifiéslorsde manifestations contre le mur. Ça paraissait inutile. Si à Hébron tu avaisl’impressiond’arrêterunpauvreloser,icionavaitl’impressiondenerienfaire.Ilyaeuunearrestation,jenemerappellepasdansquelvillage,oùçaachauffé,c’était lapagailleet jemesouviensquelecommandantdecompagnieapointésonarmeendisantqu’ilfallaitsecalmermaintenant,puisleShinBetestarrivédanslevillage,dansdeuxmaisonsquiappartenaientàlamêmegrandefamille.

Ques’est-ilpasséfinalement?Ilsontemmenéceuxqu’ilsvoulaient,c’esttout.

Quelâgeavaientlesgarçons?Entrequinze,seizeansetvingt-trois,vingt-quatre.

Vousditesqu’ilscoupaientdesbarbelés, jetaientdespierresetavaientétévusdansdesmanifestations?

Oui.

DesmanifestationsàNi’lin20?Non,dans la région. Jeme rappelleque l’unedemes expériences les plus

dures là-bas – je devais souvent amener des prisonniers à la base d’Ofer et,commej’aidit,lamaingauchedel’arméeignorecequefaitladroite...J’aidûemmenercetypeàlabasedubataillonpourunenuitjusqu’àcequelevéhiculearrive, le Safari. Entre-temps, je suis allé me coucher. Le gars est resté làmenotté,lesyeuxbandés.J’aiditaugardedenepasfairedeconnerie,onluiadonnédel’eau,onl’acouvertavecunsacdecouchageparcequ’ilfaisaitfroid.Je me rappelle que c’était horrible parce que Ofer n’ouvre qu’à une certaineheureetonaattendu,lechauffeurétaitmaladeetc’étaithorribledeleregardercommeça,ilavaitenviedepisser,jemetenaisàcôtédeluiavecmonarme.

Combiendetempsest-ilrestécommeça,menotté,lesyeuxbandés?Quelques bonnes heures. Jusqu’à ce qu’ils l’emmènent et que tout soit

terminé.Personnenesavaitmedirequoifairedelui.Unbazarsansnom.OnaattenduàOfer,ilestrestédansleSafari.Aprèsl’arrestation,jen’aipasréussiàdormirpendantdesheures.

Ilyavaitdesgensquevouslaissiezsécher21?Il y a toujours des tensions, tant àHébron qu’àRantis.Les trucs basiques

qu’onfaittoujours–lesgensquirestentseulsdansunepièceavecungarde,lesmenottes, les yeux bandés, leur donner de l’eau, de la nourriture ou unecouverture. Personne ne posait de questions. Il y avait des gars de droite quitrouvaientquec’étaittrop,etceuxdegauchequi...ettutedemandessitun’espas trop gentil. C’est là que la notion de bien et de mal commence à sedétériorer,jetrouvequec’étaitleplusdur,àHébron,c’étaitabsolu,entier,ilyavait lenoiret leblanc, lebienet lemal,mais lequotidienest tellementgris.Chaquepersonnequetuarrêtes,songaminn’arienfait,maistuasl’impressiondeledétruire.

Desgensquevousarrêtiez?Ledilemme,c’estquechaque jour tuparsenpatrouille, c'est labasede ta

présenceici.J’étaisdevantundilemme.Maisdanscesendroits-là,ils’agitplutôtdes limites de ton respect. Ce que signifie faire preuve d’humanité n’est pasclair.

Maquestionest:votredilemme,ilconcernaitcesgensquevousemmeniezendétentionouquevouslaissiezsécher?

ÀHébroncen’étaitpas... jenesaispas,parcequ’àHébronilyavaitaussidesgensquivolaientdumétal,desenfantsdeseptansquiessayaientdevolerdumétal pour le revendre, ils ne faisaient rien d’autre parce qu’il n’y avait pasd’argentchezeux,alors ils traversaient larueShuhada,cequi leurest interdit.Shuhadaséparelacoloniejuivedelacasbah.Ilsontledroitd’alleràAbuSneinaetdanslacasbah,maispasentrelesdeux.Onlesattrapemaislapolicenepeutrienfaired’eux22,alorsonlesgardedeuxheuresauposte.Iln’yarienàfaireavec eux, aucune solution, alors tu les laisses sécher.Peut-être que je vois leschosesdemanièredéforméecomparéà leurmanièred’êtreauquotidien.Jenesaispas.Matanteestpsychologue,ellem’aditquepourcomprendre,ilfautenêtrecomplètementsorti,etjenepeuxpasvousdirecequiestbienoupasparcequejen’aipaslesoutils.

22.LesgarsontpissédanslacourUNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:HÉBRONANNÉE:2002

Ilyacettemaisonqu’onainvestieàHébron...onl’aprise.Vousconnaissezlaprocédure:lafamilledescendd’unétage.Qu’est-cequ’onafait?Onétait...autroisièmeétage,lesgarsontinstalléuntuyaupourpouvoirpisserdehors.Ilsontmis le tuyau,on l’a installéexactementdemanièreàceque lapissecouledanslacourdelamaisonendessousdenous.Ilyavaitquelquespoulaillers,çacoulaitdessus.Touslesjours,c’étaitlablague,attendrequelepèreoul’undesgamins aille au poulailler et tout lemonde semettait à pisser.Ou bien jemerappelle un ami qui aimait se laver les dents et la bouche avec le bidon puisattendrequequelqu’unpasseenbaspourleurcracherdessus.

Çafaitpartiede...Çafaitpartiedeschosesquetupeuxfaire,ouais,tupeuxfaireça.Personne

net’enempêchera,pasmêmelesgradéssurleterrain,parcequeengénéralilsfontpartieduconsensus,pasdesexceptions.C’estuntrucqu’onpeutfaire.Tupeux,àtoidedécidersitulefaisoupas.Iln’yapasdejuge,pasdejugement.Personnenetejugerapourça.

23.Prendrelecontrôled’unefamilleUNITÉ:RENSEIGNEMENTSSURLETERRAINLIEU:GÉNÉRALANNÉE:2004-2006

Audébut,quandj’étaisofficier,j'étaistrèsconcentrésurlesmissionsqu’onmeconfiait.S’ilsmedonnaientunemission,c’est làque j’étais, tout le temps.Ensuite, il y a eu une période où mes soldats étaient... j’étais sûr qu’ilscontrôlaientparfaitementlamissionetjemesentaistrès...jem’écartaisdanslapièceoùonrassemblaitlafamille,jerestaisaveceux.

Aveclafamille?Oui,jeleurparlais,voussavez,de...Jeleurdonnaismêmeunpeudenotre

nourriture.Voussavez,lesrationssontprécises,chacunaundemi-sandwichauthon,onnepeutpastransportertropparcequ’onestlàpourtroisjours,etjeleurapportaisdelanourritureparcequ’ilsn’avaientrien.

Pourlafamille?Ouais.Ilsn’avaientrien.Alorsturestesaveclafamille;tuvisaveceux.Tu

esaveceuxpendanttroisjours,c’estlong.Pasjusteuneheureoudeux.Peut-êtrequel’infanterierestequelquesheures,jenesaispas.

Ilsrestenttoutletempsdanslapièce,ouvousleslaissezsortir,parfois?Exactement, c’était ça le problème, comment faire quand il n’y a pas de

toilettes dans lamaison ? Normalement, un soldat les accompagne un par unquandilsveulentallerauxtoilettes. Ilyva, il resteaveceuxdans les toilettes.Pareilquandlamèreveutcuisiner– il l’accompagneà lacuisine.Enréalité, ilfautquecesoitunepièceintérieurepourqu’ilsnepuissentpass’approcherdesfenêtres, s’échapper,crierou jenesaisquoi,pourquepersonnenepuisse rienentendreàl’extérieur.

Vous êtes entrés discrètement dans la maison, ou bien vous avez mis unesentinelleaurisqued’êtrerepérés?

Non,c’estdiscret.Personnenesaitqu’onestlà23.

C’estcommeprendredesotages,engros.

Oui.

Pendanttroisjours.C’estcommesi l’arméedisaitque...c’est ledernier recours.OK–donc la

familleestconfinéequelquesjours.

Maisilsenparlentaprès.Ouais,ilsracontentauxgensaprès,mêmes’ilsnesaventpascequ'onafait.

Onestentréschezeuxpuisonestrepartis,maisilsnesaventpascequ’onafait.Ilssontdansunepièceetnousdansuneautreoùonaccomplitnotremission.Ilsnevoientrien,ilsnesaventrien,ilsn’ontrienàvoirlà-dedans.

Quelqu’uns’est-ildéjàplaint,ont-ilsrefuséquevousentriez?Jamais...Çan’arrivepas.Onentre,c’esttout.

Sivousveniezchezmoi,je...Biensûr.Maisvousentrezavectouteuneéquipeenpleinmilieudelanuit,

avec des armes,OK ?Et ils ne savent pas ce que...On a le visage camouflé,alors pour commencer, ils restent sous le choc pendant quelques heures. Puistoutelafamillevadansunepièce.Iln’yapas...jen’aijamaisrencontréaucunerésistance.

Commentfaisiez-vousquandlestoilettesétaientàl’extérieur?Ilfallait...Jenesaispas,ilsdevaientsesoulagerquelquepart.

Àl’intérieur?Danslapièce?Voilà, c’est ça, je ne me rappelle pas exactement notre solution. Mais

généralementc’est...mêmesionprévoyaitderesterdeuxjours,desfoisauboutd’une journée on n’en pouvait plus, c’était impossible à cause des toilettes oud’un autre problème. C’est ça, et puis tu vois qu’il y a quelque chose, tucomprends,tucommencesàteposerdesquestions,tuprendsdureculEnsuite,tuévalueslasituation,quandtuasconnupleind’incidentsdecetype,alors...

Plustard,quandvousêtesdevenuofficier,ouseulementauboutdequelquesjours?

Tuesofficier,tutraversestoutescessituationsaveccettepauvrefamille,tuvois qu’ils n’ont rien, ce sont les gens les plus innocents que tu puissesrencontrer,ilsparlentàpeinehébreu,rien.Tusais,desfoistuvasdansuneville,ilsconnaissentquelquesmots.Maiscesgens-làn’ontpas...ilssontillettrés.Ils

nesaventrien,ilsn’ontaucuncontactavecpersonne.Alorstutedis:«Prendsdurecul.»Quandtuvasévaluerlasituationetquelecommandantdebrigadedit:«Alorstuvasprendrecettemaison,celle-là,celle-làetcelle-là.»Alorstudis:« Je saispas,onnepourrait pas trouver autre chose?»Peut-être, je saispas,maisqu’est-cequ’onfabriqueici?Quefaitl’arméeici?

Cen’estpasleurtravaildesedemanderpourquoil’arméeestlà.Oui,évidemment.Non,maisrapidementon...s’ilsdécidentqu’ilsmarquent

justeleurprésence,non?Danscecas,faisdespatrouillesouautre,ilyadestasd’optionsmilitaires.Personnen’adécidéque tudoisprendre lecontrôled’unefamillepourmarquertaprésence.

Entrerchezlesgens,c’étaitpourmarquervotreprésence?Oui,biensûr.

24.UnbouclierhumainambulantUNITÉ:ADMINISTRATIONCIVILELIEU:RÉGIONDEBETHLÉEMANNÉE:2002

Jenevaispasvousdonneruncompterenduduquotidien,parcequesivousavezparléàdessoldatsquiontservisurleterrain,voussaveztoutsurlesjeux–levillageadel’électricité,n’aplusd’électricité,tirersurlesciternesd’eau,lesheuresauxcheckpoints24etautrestrucsdugenre.TouslessoldatsquiontservidanslesTerritoiressontaucourantetsaventquec’estdevenulanorme.Maisilyaeudeuxépisodesquim’ontdérangé,d’abordparcequ’àmesyeuxilsétaienttrès graves, ensuite parce qu’ils ont été provoqués par des officiers desparachutistes.L’unétaitlecapitaineXXX,l’autreunpremierlieutenant,quandle capitaine était commandant de compagnie chez les paras. La plupart desplaintes nous sont parvenues à la fin, ils sont venus nous voir. Je vous parled’une plainte qu’on a reçue un jour à l’entrée de Takua, où on n’était passtationnés,c’estpourçaquec’estarrivé,parcequ’onn’étaitpasàl’entrée.Lessoldats sont entrés sans rien nous dire, ce qui est contraire à la procédure. Laplainteétaitincroyable:dessoldatsdeTsahalavaientattachéunPalestiniensurlecapotdeleurjeepetavaienttraversélevillagecommeça.Laplainteparaissaitinsensée.Onainterrogélecentrald’opérations[palestinien],ilsnousontdit:«Onvaserenseigneretonrevientversvous.»Çan’apaspusepasser.Onleuradit : «Çane s’est jamaisproduit. » Ils nousont répondu : «Si, il s’est passéquelque chose, renseignez-vous. » Ça n’avait pas de sens, mais une plaintecomme ça, ça ne s’invente pas.On peut inventer une plainte sur un retard aucheckpoint,mais làc’était tellementscandaleuxqu’ilsnepouvaientpas l’avoirinventé. Mon commandant, un lieutenant-colonel et un autre officier se sontrendussurplace.

Vousyétiez?J’étais au bureau de coordination du district [BCD], je participais à

l’enquête, jeconnais legarsquia faitçaet tout. Ila finiparavouer.Onyestallés et on nous a répété qu’il ne s’était rien passé. On a mené l’enquête,interrogélessoldats.Apparemment,lecapitaines’étaitrenduàTakua,unvillageplutôt hostile – ils jetaient des pierres sur la jeep. Alors il a juste arrêté unPalestinienquipassaitparlà,laquarantaine,ill’aattachésurlecapotdelajeep

et ilssontentrésdans levillageavec le type ligotésur lecapot.Pluspersonnen’ajetédepierres.

Unbouclierhumain.Oui. Mais pas seulement – un bouclier humain, c’est déjà assez grave –,

c’étaitunbouclierhumainambulant.Attachéaucapotdelajeep.Ilsonttraversélevillagecommeça,c’esthorrible.D’ailleurs,cetofficier...unmoisplustôt,onétaitentrésdanslemêmevillage,Takua,etilavaitordonnéàsessoldatsdesetenir au sommet d’une colline, à nouveau, lemême capitaine. Je ne veux pasm’acharner contre lui personnellement, mais tous ces incidents sont écrits,documentés, il y a des témoins, un dossier au BCD, c’est passé dans lesjournaux,entoutcasl’histoiredelajeep.Ilaavoué,ilaétécondamnéàdeuxsemainesdeprisonetdéchudesonpostedecommandement.

C’étaitquelbataillon?Jeneveuxpasdireunnomauhasard.C’étaitunbataillonstationnéàBetar

Illit,jenemerappellepaslequel.

C’étaitquand?Aumilieudemonservice,quelquechosecommemars,avril.Maisc’étaitun

capitainedesparas, l’incident est passédans lesmédias, dans les journaux. Jesuis presque sûr que c’était le bataillon 101,mais je ne veux pas le dire justepourparler.Jemerappellequec’estaveceuxquejetravaillaisleplus,ilsétaientlà laplupartdu temps.Quoiqu’ilensoit,unmoisplus tôt, lemêmegarsétaitalléàTakua.Ilavaitrassemblétoutlemondeetavaitdit:«Lesgars,jeplacetroissnipersausommetdelacollineetjegarelajeepenpleinmilieuduvillage.»Ilfautcomprendre,ilsallaientpatrouilleràTakua,c’estlégitime.Pourplacerdesvéhiculesetmarquernotreprésence.Maiscequ’ilessayaitdefaire,c’étaitpousserles[Palestiniens]àserassembleretàjeterdescailloux.Iladit:«Jenerépondspasauxpierres.Quandilyaurasuffisammentdemonde,lessoldatssurlacollineleurtirerontdanslesjambes.»LesPalestiniensnesavaientpasqu’ilyavaitdessoldatsderrièreeuxqui leur tireraientdansles jambes.Çaaétéévitéseulementparcequej’étaislàavecunautreofficier,onlesaempêchés.Onl’asignalé, mais l’affaire a été étouffée. C’était épouvantable. Son seul but étaitd’attirer des enfants palestiniens, de leur couper les jambes. Affreux. C’est lemêmecapitainequiadirigél’incidentdontnousparlons.

25.Onagitaitnotrearmepourmontreraugarçonquoifaire

UNITÉ

:CORPSBLINDÉ

LIEU

:BAKAEL-SHARKIA

ANNÉE

:2000

J'étais

surlefrontdeBakaautoutdébutdel’Intifada–vraiment,unesemainevousvoyiezunvillagepleindevie,remplid’IsraéliensquifaisaientleurscoursespourleShabbat,etsoudaintoutbascule,l’endroitsetransformeenvillefantôme,personnen’osesortirdechezsoi...Onétaitgénéralementàuncheckpoint,larueprincipaleduvillagemèneaussiàMevoDotanetHermesh25,alorsilfallaitgarderlarouteouvertepourque[lescolons]puissentalleretvenir,etdetempsentempslesPalestinienslaissaientdespneusbrûlerprèsducheckpoint.Ilsajoutaienttoutcequileurtombaitsouslamain:pneus,meubles,n’importequoi...ilsfaisaientunbarrage...parfoisplusieurs,àquelquescentainesdemètresducheckpoint,pastropgrands,alorsilfallaitlesenlever.Lalogiquederrièretoutçaétaitqu’onneleferaitpasparcequec’étaittropdangereuxpournous,parcequ’onnepouvaitpassavoirs’ilyavaitdesexplosifsàl’intérieurousiunsnipernousattendaitsurl’unedescollines...Donclaréponselogiqueétaitdeprendredesgensauhasarddanslarueetdeleurdiredelefaire.Onprenaittoutessortesdegens,selonquisetrouvaitlàsurlemoment.Parfois,c’étaientdesvieux,d’autresfoisjustedespassants...Unjour,onaprisungamin,pasungrand,ungarçondedixoudouzeans,quelquechosecommeça,etonluiaexpliquécequ’ildevaitfaireenagitantlecanondenotrearme,c’est-à-direqu’onagitaitnotrearmepourluimontrerquoifaire.Çaacrééunesituation...Ilyacepetitgarçon,unejeepdepatrouilleettroissoldatsquibraquentleurarmesurlui,ildoitbougerlebarrage,plusieursbarrages.Iltravailleetilpleure...etil

enlèvelesbarrages,onavanceenpointantnosarmes,ilpasseausuivant,commeça...Puislecommandantdelajeepdécidequ’ilyapeut-êtrequelquechoseplusloinsurlaroute,cequin’apasdesensparcequec’estlaroutepourquitterlevillage,alorsc’estimprobable,maisilinsisteetditqu’ilyapeut-êtreunautrebarrageplusloin,donconl’emmèneavecnous.Iln’yapasdeplacepourlegarçondanslajeep,alorsillejetteàl’arrièreavecmonamietmoi,onalegaminsurlesjambes,notreéquipement,nosgrenades,ilpleuretoutletemps,étendusurnousetnotrematérielànospieds.Jesentaisàtraverssonpantalonqu’ils’étaitpissédessusdepeur...Quandonestarrivésàdixkilomètresduvillageetqu’ilestdevenuclairquepersonnen’avaitmarchédixbornesavecdesmeublespourfaireunbarrage,lecommandantdécidequeçasuffit,onpeutlefairedescendre.Ilarrêtelajeep...ilprendlegaminetlejetteauborddelaroute,legaminpleureànouveau,maintenantilalepantalonmouilléetdixkilomètresàmarcherpourrentrer,nous,oncontinueverslacolonieauboutdelaroute.

26.Tupouvaisfairecequetuvoulais,personneneposaitdequestions

UNITÉ:PARACHUTISTESLIEU:NAPLOUSEANNÉE:2002

...IlyavaituneautremissionavecunVTT,imposerlecouvre-feu,tourner,alleroùtuasenvie.Détruireleursrues,justepourleplaisir...

Commentça,détruireleursrues?QuandleVTTpasse,ildétruitlesrues.

Quoi,lesvoituresettout?Parfoisoui,parfoisnon.Parfoisilsécrasentlesvoitures,parfois...

Pourlesbesoinsdel’opération?Non,paspourlesbesoinsdel’opération.

Jeveuxdire,sivousvoulezallerquelquepartetqu’ilyaunevoituresurlechemin,c’estpourlesbesoinsdel’opération.

Non,non,parerreur...Tunevoispasquec’esttropétroit...etàl’époqueonfaisait ce qu’on voulait. On tirait... on restait au barrage routier, dans cettemaisonabandonnée,onvoyaitlesgensarriveràunkilomètre,cinqousixcentsmètres.Ilsnepeuventpast’entendreettun’aspaslaforcedeleurcrierdepartir,tu n’as pas la force de leur parler, de les chasser. Alors tu essaies de lesrepousser d’unemanière ou d’une autre pour qu’ils ne s’approchent pas trop.Doncqu’est-cequetufais?Tutiresprèsd’eux.

Àballesréelles?Àballes réelles.À l’époque,onn’utilisaitquedesballes réelles.Onesten

ville, on tire sur tout ce qu’on veut.On tirait sur les lampadaires... on tirait àcôté... on tirait des coups de semonce, en l’air – on n’avait pas besoin del’autorisationd’unplushautgradéquelecommandantsurleterrain,rien.Ilstedemandaientcequisepassaitparradio,lacompagnie,lebataillon.Tudisais:«Hé,c’estmoi,toutvabien.»Personnenedemandaitjamaispourquoi,rien.Àunmoment,onétaitdansdesHummer,desHummerblindés.Onavait imposéun

couvre-feu à uneville oùpersonnene le respectait vraiment.Alors on rentraitdansdesvoitures...

Jenecomprendspas.Tu...Des voitures passent, puis le conducteur te voit, comprend qu’il doit

fairedemi-tour,qu’iln’apasledroitdeconduire.Alorsilfaitmarchearrière,tuaccélères,tuarrivessurlui.AvectonHummerblindé.Tuluirentresdedans.

Çavousestarrivéàvous,dansvotreHummer?J’étaisdansunHummerquandc’estarrivé.

Combiendefois?Àmoipersonnellement,uneseulefois.Etàpartlesergentquiétaitavecmoi

dansleHummer,personnen’étaitaucourant.

Voussavezsiçaarrivaitsouventdanslacompagnie?Pas ça exactement,mais tirer les gens de leur voiture pour les frapper, ça

arrivaitsouvent,pourqu’ilscomprennentqu’ilyauncouvre-feu.

Commentça,lesfrapper?Voussavez,quelquesgifles,descoupsdepied.«Vienslà,tais-toi!Qu’est-

cequetufaisici,pourquoi...»Etpuis:«Y’allah,casse-toi,rentrecheztoi!»

Voussavezsil’incidentduHummers’estreproduit?AvecleHummer?Non.

Quiétaitprésentlorsdecetincident?On était dans un Hummer blindé. Quatre personnes : le commandant, le

chauffeur,moietunautretype.Jetiensàdirequal’époquejen’avaiscommencémonservicequedepuishuitouneufmois...Jen'avaispasconscience.Toutçameparaissaitnormal.Avectoutcequisepasseautourdetoi,çateparaîtnormal,tu n’as pas du tout conscience... On a descendu la colline, il est arrivé aucarrefour,ilapassélamarchearrièrepouressayerdenouséchapper.

C’estlesergentquiadonnél’ordre?Oui. « Poursuis-le, poursuis-le. » Le chauffeur n’a pas eu la moindre

hésitation.Unchauffeurde lacompagnie,unvrai soldatdecombat.Etpuis lavoitures’estretrouvéecoincée,parcequ’ilyadelacirculationenville...nous,onarrivaitenfaceetonacontinuéderoulerdroitdessus.

EtdoncleHummerestpassésurlavoiture?Iln’apasécrasélavoiture.Ilestmontésurlecapot.Ensuiteonasautédu

Hummer,onasortilegars.Jenepensepasqu’ilaitperdusavoiture.Tuattrapesle type, tu lecollescontre lemur, tucommencesà...etpuis lechauffeurde lavoiturederrières'estapproché.C’étaitunphotographe.Ilaaussitôtcommencéàprendredesphotos.Monsergents’esténervé,ilaprissapelliculeetsespapiers.

Quelgenredephotographe?Étranger?Non,arabe.Maisouais,ilaprissacartedepresse.Etsapellicule.Personne

n’asu,personne...Iln’yapaseudedébriefingaprèslamission,tune...C’étaituneépoque...commeleFarWest.Tupouvaisfairecequetuvoulais,personneneteposaitlamoindrequestion,rien.

Etdanscecasprécis,vousn’avezrienditausergent,comme:«Voussavez,cetrucaveclavoiture...cen’estpasjuste...et...»?

Non,jenecomprenaispasquejefaisaisquelquechosedemal.Jeveuxdire,tun’aspasconscience.Je...Jenesaispas.Çaparaîtidiot,maistunesaispasqueceque tufaisestmal.Seulementplus tard,peut-êtreauboutdedeuxans,unefois que tu es officier, que tu commences à grandir un peu, à te calmer. Tucommencesàréalisercequetuasfait.Jenedispasquec’estmoiquiai...maisj'aivumonamilesalignercontrelemur,cesgensdetrente,quaranteans,sans...J’aidit :«Allez»,maisçane l’apasalerté. J’aidit :«Cettesituationpue»,c’est tout.Tourner dans la ville sans rien faire, en criant.Des fois on avait lapolice des frontières avec nous, en jeep. Juste comme ça. Ils s’arrêtaient,voyaient un magasin ouvert et frappaient tout le monde. Juste pour qu’ils selèvent. C’était incroyable, jeme rappelle. On s’est arrêtés devant unmagasinouvertpendantlecouvre-feu.Toutdesuite,lesgarsdelapolicedesfrontières,lecommandantouvresaportièreetalignetoutlemonde...Ilsdisent,«Qu’est-cequetu...»etpaf,paf,deuxclaques,rentrecheztoi.Commeça.Onzepersonnes!Deuxgifles.

27.Ilsluiontjetéunegrenade,puisilsluionttiréuneballedanslatête

UNITÉ:PARACHUTISTESLIEU:NAPLOUSEANNÉE:2002-2003

Pendantleramadan2002ou2003,c’étaitàunmomentpendantleramadan,onestallés faireunearrestation. Ilyavait les règlesd’engagementhabituellespourl’arrestationd’unsuspect.

Quilesafixées?Le commandant de compagnie, pendant le briefing. Ça dépend de son

humeur.Lecommandantdebrigadedusecteurdonne lesordrespourouvrir lefeu. Il auneoudeuxprocéduresde combat et il donne l’ordred’ouvrir le feuquand il le juge opportun. Parfois c’est le... dans lemeilleur des cas, c’est lecommandant de brigade. Quand la situation est plus urgente, c’est lecommandantdebataillon.C’est luiquidécide.Iln’yapasdeprocédureclaireconcernantlesordresd’ouvrirlefeu.

Mais quels étaient les ordres pour ouvrir le feu lors de cet incidentparticulier?

Les règles d’engagement pour l’arrestation d’un suspect. La procédured’arrestationest :«Stop,arrêtezou je tire», tireren l’air,bla-bla-bla...Onnel’utilise jamaispendant lesopérations.Laprocédured’arrestationd’un suspectest lamêmequ’unearrestationexpéditive, c’est-à-dire :«Waqf-stop»,boum.S’ilnes’arrêtepaslesmainsenl’airdèsquetucries«waqf»,tutirespourtuer.

C’est-à-direquevousneluitirezpasdanslesjambes?Vousnetirezpasenl’air?

Stop,boum.Etsouvent,lestopestjustepourleprotocole.

Boum,stop?Quelquechosecommeça.Engros,onestvenusfaireunearrestationpendant

leramadan.Ilyavaitunecertaineconfusion—l'unedeséquipesn'étaitpasàlabonneposition,cequ’onasuseulementaprès,lorsdudébriefing.Quandonfaitune arrestation, plusieurs équipes encerclent la maison et une équipe

opérationnelleentre.L'équipeopérationnellearepéréunhommedanslaruelle,iltenaitquelquechoseàlamain.Ilsontcrié«waqf».L’hommes’estmisàcourir,alorsilsontouvertlefeusurluietl’ontpoursuivi.L’hommes’estenfuidanslaruelleoùl’équipeavaitprisunemauvaiseposition,etengrosons’estretrouvésensituationdefeuami,oùl’équipequipoursuivaitl’hommeetluitiraitdessustiraitenréalitéversuneautreéquipe.Cetteautreéquipeacruqu’onlesattaquait,ilsontvuunesilhouette,onttirédessus,surcetype.Ilsl’ontdescendu.Ensuite,ilsontvérifiéqu’ilétaitmortavecdesgrenades.

Oùétiez-vousquandilsluionttirédessus?J’étaisdansuneautreéquipe.

Et vous savez tout cela par le débriefing et parce que vous en avez parléensuiteavecceuxdevotregroupe?

Oui.Enplus,jen’étaisqu’àquelquesmètresdelà.Jenel’aipasvudemesyeux,jesurveillaislecoindelamaison,maisl’incidentaeulieuquandj’étaislà.

Ilsluionttirédessusparerreurparcequ’ilscroyaient...Qu’onleurtiraitdessus.Etilsontvuquelquechosedanssamain,ilsavaient

peurquecesoientdesexplosifs.Ilsluionttirédessuspuisontvérifiéqu’ilétaitmort.

Quiavérifié?Desgarsdel’équipe,selonlaprocéduredevérificationqu’ilsconnaissent–

ilsontjetéunegrenadeetluionttiréuneballedanslatête.Ils’esttrouvéqueletypetenaituntambour.Plustard,onaapprisqu’ilyaunetraditionpendantleramadan:àquatreheuresdumatin,lesgenssortentetfrappentsuruntambourpourréveillertoutlemondepourlepetitdéjeuner,avantlejeûne.Onnesavaitpas.Sionavait su, siquelqu’unavait su,vousvoyez?Cen’estpas justequenousnesavionspas,nous,simplessoldats,maispersonned’autredanslasectionne le savait.PersonnedeTsahal n’apris la peinedenousdire quependant leramadan, à telle et telle heure, les gens se promènent avecquelque chose à lamain, un tambour, et que peut-être il faut assouplir un peu les règlesd’engagement,peut-êtrequ’il fautêtreplusprudent.Personnen’apris lapeinedenousledireetàcausedeçacethommeestmort.Parignorance.

28.Lecommandantadit:«Jeveuxdescadavrescriblésdeballes»

UNITÉ:BRIGADEGOLANILIEU:GÉNÉRALANNÉE:2003-2004

Onavait un commandantdans l’unitéquidisait cesmots, c’est horrible, ilnousdisait:«Descadavres,voilàcequejeveux.»

Vousvousrappelezuncasprécisoùill’adit?Jemerappelledixcas,dix...Dèssonpremierdiscours,aveccesmots-là,ila

dit:«Jeveuxdescadavrescriblésdeballes.»C’étaitjusteaffreux.Plustard,jel’airencontréendehorsdel’armée,chezunamiquiavaitétéblessé.IIadit:«Oui,ona tuévingt-huitpersonnes.Maiscenesontpasdespersonnes,cesontdes terroristes, çava. »Oublionsqu’il y a aussi eudes erreurs,mettons çadecôté,onparleradeserreursplustard,pastropdanscetterégion,maismettonsçadecôté.C’estcequ’ilvoulait.C’estcequ’ildisaitqu’ondevaitfaire.Avantdepartir pour une mission importante, il disait : « Je veux des corps criblés deballes. »Et bien sûr, si on revenait après avoir tué quelqu’un, il était content.C’étaitcommeça.

Commentl’exprimait-il?Endisant«Bonboulot»quandonrevenaitd’uneopérationoùonavaittué

quelqu’un.

29.Lecommandantdedivisionadit:«Vousêtesclassésselonlenombredepersonnesquevoustuez»

UNITÉ:PARACHUTISTESLIEU:NAPLOUSEANNÉE:2007

Quelgenredemissionsavez-vousmenéespendantcettepériode?Pendant cettepériode, ça changeait. Je trouve important depréciser, jeme

rappellequandjemesuisengagédansuneunitédepatrouille, leraisonnementétait – j’entendais toujours des amis dire ça – que la patrouille, la différenceentre une unité de patrouille et un bataillon, c’est que la patrouille fait desarrestations. On part arrêter des gens et tout, alors j’ai dit OK, ça a l’airintéressant, allons-y, je n’ai pas envie de rester sur un checkpoint, allons fairedesarrestations.Àunmoment,pendantmon service, il y a euunchangementinconscient et les unités sont devenues plus extrêmes. Ce que j’entends par «l’unitén’étaitplusnotéeen fonctiondunombred’arrestations»?Onaeuunediscussion avec un commandant de division quand on est arrivés à la brigadecentrale de Samarie. Il a dit : « Vous n’êtes pas classés en fonction desarrestations–vousêtesclassésselonlenombredepersonnesquevoustuez.»

Quivousaditça?Le commandant de division. L’homme le plus important, au-dessus du

commandantdebrigade.

Quelcommandantdedivision,celuideCisjordanie?Lecommandantdedivisionde...Jenesaismêmepascommentc’estdivisé.

ProbablementlaCisjordanie.

Vousvousrappelezquelcommandantc’était?Non...C’étaitquandj’étaissergent,aprèslafindemonentraînement.C'était

en2007.Ilaclairementdit:«C’estcommeçaquevousserezclassés.AvecdesX.Tous les soirs, je veux que vous cherchiez le contact, c’est comme ça quevousserezévalués.»C’estaussicommeçaqu’étaientclasséslescommandantsde compagnie. À ce moment-là, j’ai compris que pour réussir il fallait luiapporterdescadavres...Inutiledeluiramenerdesprisonniers.«Lesarrestations,c’estdelaroutine.C'estpourlesbataillons,lesarrestations.Vousêtesleferde

lance, l’armée a investi des années sur vous,maintenant je veuxquevousmerameniez des terroristesmorts. » Je pense que c’est ça qui nousmotivait. Onsortaitnuitaprèsnuit,onappelaituneriposte,onentraitdans lesruellesqu’onsavait être dangereuses. Il y avait des arrestations, toutes sortes d’arrestations.Maislecloudelasoiréeconsistaitàappeleruneriposte,àcréerdessituationsoùils nous tiraient dessus. Il y avait de « mauvais » Arabes, ceux qui ne noustiraient pas dessus. En général, on sortait la nuit, on menait une mission, ontentaitd’exploiterlescapacitésdechacun,onentraitdansunemaison,biensûrtoutescesmaisonsappartenaientàdesgensquin’avaientrienàvoiravecquoiquecesoit,vousvoyez,mêmemoijedisçamaintenant.Desinnocents.«Entrezdanslamaison,faitesça,onvaessayerd’attirer...»Onétaitunenouvelleéquipedans l’unitédepatrouille. Ils essayaientvraiment... Ilvoulaitvraimentqu’on...quelessniperstuent.Ilétaittoutfeu,toutflamme.«Ons’occupedetout,vousrestezsurlabrècheetonattireradeshommesarméssurlestoits.»C’étaitlebut.C’est une situation complètement folle, quand tu te retrouves dedans, c’estdifficileàexpliquer.Turegardesdanslesjumelles,tucherchesquelqu’unàtuer.C’estcequetuasenviedefaire.Tuveuxletuer.Est-cequetuveuxvraimentletuer ? C’est ton boulot. Tu cherches avec tes jumelles et tu commences àt’embrouiller.Est-cequej’aienvie?Est-cequejen’aipasenvie?Peut-êtrequejeveuxqu’ils ratent leur coup.Et jeme tiens à côtéd’eux, jedis : «Allez»,mais je prie pour qu’ils ratent. Qu’ils lesmanquent et ne les tuent pas. Je nevoulaispasqu’ilstuentunhomme.

Ilsontraté?Ilsontraté.Ilaétéblessé.Maisilsontraté...

Etquandvouscherchiezàattirerdescoupsdefeu,vousenreceviez?Ouais.

Quesepassait-ilensuite?D’abord,toutdépendàquelpointtuenes.Letempsqu’onpasseàl’intérieur

d’unemaisonesttrèscourt.

Au fait, en ce qui concerne la riposte à des tirs, quand vous parlezd’identifier la source des coups de feu, vous voulez dire que vous voyez unhommearmésuruntoitouàlafenêtred’unappartement,oubienest-cequeçasignifiequevoustirezsurunemaisonquandvoussavezquequelqu’unafaitfeudepuisunefenêtre?Quelestledegrédeprécision?

Non,jenepensepasqu’ilyaiteudesituationoùilsontarroséunemaison

d’oùonavaitreçudescoupsdefeu.Onnefaisaitpasdeschosescommeça.Parcontre,ilsfaisaienttoutleurpossiblepourappelerlescoupsdefeu.Lasituation,lebutétait...voussavez,vousentrezdansleurquartier.Votrebutestdelesfairesortir,qu’ilssortentpourqu’onpuisse les tuer.Si tuvoisunreflet,ondiscute,est-ce qu’un reflet suffit ?Oui.Un reflet suffit s’il vient d’une fenêtre. Il y atoutessortesdesubtilités,jenemerappelleplus,situidentifiesunesilhouette,tuas ledroit, si tuvoisun refletpuisunesilhouette, tuas ledroit– toutpourautorisercequiestinterdit.Engros,onfaisaittoutpourprovoqueruneriposte.Le plus souvent, on n’était pas particulièrement enmission, on se faisait tirerdessusparhasard.Ilarrivaitsouventqu’onpartepourunefouilleetsionnoustiraitdessusenchemin,onlaissaittouttomberpourchercherletireur,parcequelà,onaquelqu’unavecunearme,pourquoichercherplusloin?Lecommandantdecompagnieprécédentn’étaitpeut-êtrepasunsaint,maisquandils’étaitfixéun objectif, on y allait.Mais peut-être qu’il y a eu un changement conceptueldans l’armée, je ne sais pas comment c’estmaintenant. L’ancien commandantétaitconcentrésursamission,s’ilyavaitdestirspériphériques,tantpis,ilfallaitlesignoreretcontinuerlamission.Quandj'aifiniaveclui,l’autreétait...c’estcequi l’attirait. Il se laissait attirer par les coups de feu et faisait tout pour yrépondre.

30.OnaseulementtuéquatreenfantsUNITÉ:PARACHUTISTESLIEU:NAPLOUSEANNÉE:2003-2004

Onétaitstationnésàlabrigaderégionaleetàchaquefoisonentraitenvillepourdesembuscades.

Quandvousdites«àchaquefois»,vousvoulezdire...Quelquechosecommequatreoucinqfoisparsemaine.Arrestations,veuves

depaille,stratégiesdediversion.

CombiendeXalacompagnie?Euh...onzearmés,jecrois.Etquelquechosecommequatreoucinqgamins.

Quatreoucinqgamins?Àunmoment, ils nous ont dit que puisqu’on n’avait descendu que quatre

enfants, ils allaient confier des missions à notre compagnie parce qu’on étaitconnuspournepastoucherlescivils.

Quivousaditça?Lecommandantdecompagnieaditquec’était lecommandantdebrigade.

On nous confiait certains boulots parce qu’on savait être sélectifs et qu’on nefaisaitpasdemalauxinnocents.

Etcen’était«que»quatreenfants...Quequatreenfants...

Quandontététuéslesenfants?Entredécembreetmai.

Entredécembreetmai–quatreenfants.C’est une compagnie de soixante hommes qui savent faire la distinction

entre... Il y a euuneopération,«Eauxcalmes»,qui adurédeux semaines etdemie, toute la brigade est entrée àBalata.À chaque fois, on restait quelquesjours.Onentrait,onrepartait.Àmonavis,rienquependantnotreséjourlà-bas,notre brigade a descendu plein de civils. Ensuite, en lisant les journaux,

j’apprenais qu’un vieil homme avait été tué. On n’en avait pas du toutconscience.Ilsnenousdisaientpasqu’uneunitévoisineavaittuéquelqu’un.«UnvieilhommeetquatreenfantsontététuésàBalata,carilssetrouvaientdanslazonedecombats.»Maintenant,imaginez-vouslà-bas,voussavezcequec’estqu’unezonedecombats.

Qu’est-cequ’unezonedecombats?Jenesaispas.D’aprèslesjournaux,Balataestunezonedecombats.Iln’ya

paseutantd’incidentslà-bas.Maisc’estunezonedecombats...Jenesaispas...Lessoldatstirent,alorsçadevientunezonedecombats.

31.IlsdétruisaientdélibérémentleurmaisonUNITÉ:CORPSDUGÉNIELIEU:RÉGIONDEBETHLÉEMANNÉE:2001

Lavérité,c’estquelabrigadeShimshonafaitlespireschosesquej’aivues.Cettemaisondontilsontdétruitunmur,ilssontdevenusfous,ilsl’ontpillée...

Commentça,«pillée»?Ils... par exemple, ilsont chié sur les... ilsont chié sur les canapés, ilsont

volé.

Ilsontchiésurlescanapés?Chié sur les canapés avant de partir, juste comme ça. Ils ont volé des

costumes,ilsontpiquétouslescostumesdansleplacard.

Vousavezvuça?J’yétais.J’aiquittélamaisonaveceux.

Ilsontjustemisuncostumedansunsacàdos?Non,ilslesjetaientdansleVTT.

OK.Ilslaissaientderrièreeuxunemaisonentièrementdétruite,délibérément.Ils

retournaientlamaison,parexemple,quand...quandlafamilleestenferméedansunepièce...ilsmettenttoutsensdessusdessous...Etpuisils...leursprocéduresd’arrestationsétaienttrès,trèsviolentes...

Commentça?Donnez-moiunexempleprécis.Onacroisédes...lesunitésétaientséparéespendantunmoment,onarrivait

d'un endroit et ils étaient coincés avec, avec le tank dans une ruelle, ils nepouvaientpas sortir...Donc ils étaient avec le tanket il y avait quelquechosecomme quatre voitures devant eux qui les bloquaient, et un porche. L’entréed’unemaison,unevieillemaisonarabe,etilsontavancéavecle...ilsontécrasélesvoituresavecletank.Biensûr,ilsauraientpusortirenfaisantmarchearrièremais... ils ont décidé qu'ils devaient faire demi-tour et ils ont arraché toutel’entréede lamaison avec l’arrièredu tank. Ils ont àmoitié démoli lamaison

avec le tank,puis ilssontpartis.Etdireque...Quand jesuisarrivé, ilsavaientarrêtédesgens,ilyavait,onrassemblaittoutlemondeetleshommesdevaientvenir à... avant qu’on entre dans la Mukata’a26, le quartier commerçant, ilsannonçaient que tous les hommes devaient se rendre quelque part pour êtrecontrôlés, puis on entrait dans la Mukata’a, après quoi ils étaient autorisés àrevenir. Quand ils rassemblaient tous ces hommes, ils... ils les faisaientdéshabiller... ils les mettaient tout nus. Si quelqu’un hésitait un peu, ilscommençaient à le frapper, à le pousser, à le taper, à tirer en l’air... des trucscommeça.Ensuite, ils relâchaient leshommes.Cesgenssontvenus,on leuraditdeveniretilssontvenusvolontairement.Etpuis,quandonestentrésdanslaMukata’a,c’étaitcenséêtrecommelecommandantdelaShimshonavaitdéfinila mission pendant le briefing, il avait dit : « Certains d’entre vous nereviendrontpas», justecommeça.«Certainsnereviendrontpas, ilyauradescombats acharnés. » Quand on est entrés, ils ne nous ont pas tiré dessus uneseulefois,mais lesgarsduShimshonmitraillaientpartout,depeur.Avecles...ilsseconduisaientcommes’ilsétaientdansleurVTT.

32.Onentrechezdesinnocents.Touslesjours,toutletemps

UNITÉ:RENSEIGNEMENTSSURLETERRAINLIEU:GÉNÉRALANNÉE:2004-2006

Lachosequim’achoqué,quim’avraimentmarqué,c’estquechaquejour,tuparsenmissionettuentresdansdesmaisonsetc’estjuste...chezdesfamilles...Etonacettefamillequine...ilsn’avaientmêmepasdesalledebains–c’étaitchoquant. C’est pour ça que... que ça me pèse vraiment. Parce que j’ail’impressionde...Parexemple,cetype,ilramassedesœufsetillesvend,c’estsontravail.Personned’autre,safemmenetravaillepas,elleestàlamaisonaveclesenfants.Le jouroù ilprévoitde faire sortir lespoulets... J’avaisquelqu’undansmonéquipequiparlaitarabe,alorsonpouvaitcommuniquerunpeu.Alorstuteprendslatêteentrelesmainsettutedis:«Voilà,jel’aiempêchédegagnersavieaujourd’hui.»Voilà.C’estceque jemesuisdit, j’ai compriscequi sepassait, parce que voilà ce qu’on fait : on entre chez des innocents. Tous lesjours,toutletemps.

Certainsdirontqu’ilsnesontpasinnocents,qu’ilscachentpeut-êtrequelquechose.

Biensûr.Non,certainsdiraientmêmequec’estbiendelefaire,mêmes’ilssont innocents, que lamission est sacrée, OK ? Comme s’il n’y avait pas deproblème, ilsvousdirontqu’iln’yaaucunproblèmeéthiquedanscequevousêtesentraindefaire.Tun’entachespaslapuretédesarmes27,tunelesfrappespas.S’ils résistent, tu as ledroitde t’enprendreà eux,de réagirouceque tuveux,donciln’yaaucunproblèmeenmatièredepunition.Toutvabien,c’estpourlebiendelamission,çajustifielesmoyens,c’esttout.Maissurleterrain,quand tu regardes toute la période, ce n’est pas toujours le cas, la plupart desmissionsnesontpaspleinementréfléchies.Beaucoupn'étaientpastrèsutiles,oubienonnousenvoyaitalorsquelesrenseignementsétaientsimaigresqu’ilauraitpeut-êtremieuxvalulaissertomber.Engros,pourfinir,lafamilles’estfaitavoiret c’est tout, c’est ce qui s’est passé pendant cette mission. Et ce n’est pasarrivé...çaseproduisaitlaplupartdutemps.Mettonsquedans95%descas,lebutétaitdefairedumalàlafamillepuisderepartir.

Intentionnellement?En pratique, c’est ce qui se passait. Alors tu commences à réfléchir. OK,

mais tu ne peux pas vraiment savoir. Par expérience, je peux dire quellesopérations étaient un succès – celles pour lesquelles on disposait derenseignementstrèsclairs,précisetoùonfaisaitletravailavectoutleréseauderenseignements,c’est-à-direleShinBetettout.C’étaientlesseulssuccès.Maispeut-êtrequ’ilya...l’arméeatoujourstoutessortesde...jeveuxdire,mêmesitun’en as pas conscience, il y a d’autres ramifications. La présence de l’armée,toujourslaquestiondelaprésence,quiadesimplicationspourlesobjectifsdel’arméeetsesgrossesmissions.

33.GrenadesincapacitantesdansdeslieuxcentrauxUNITÉ:SHALDAG,ÉQUIPESPÉCIALEAIR-SOLLIEU:GÉNÉRALANNÉE:2002-2004

Jetiensàfaireremarquerque,pourmoi,lespiresmomentssontceuxdelaroutine, les choses que j’ai le privilège de faire quotidiennement et contrelesquelles je deviens immunisé. Ce sont ces choses, celles qu’on fait chaquejour,quim’affectentleplus.

Donnez-moiunexemple.Jepeuxvousdirequelesmissionsciblées,compliquées,difficiles,pourtuer

quelqu’un,jepeuxvousdirequ’ellesparaissentbienplusraisonnablesparcequetusaisquisont lesgens.Mais lesmissionsque j’aimenéesparcequequelquechoseestarrivédansmonsecteuretqu’ilsavaientbesoinderenforts,quenotreunité était appelée à la rescousse, alors on y allait et onmenait les actions deroutine–c’estlàquejesuistombésurdestrucsvraimentdurs...enparticulierledénideliberté,ledénidesdroitsdel’hommelesplusfondamentauxsansraison,parcequecesgensnesontpasdesterroristes,c’estcequimetouchaitleplus.Ilexistedes tasd’exemples.Tellementque jene...desexemplesoù j’aiaidédespatrouillesviolentes.

Qu’est-cequ’unepatrouilleviolente?Une patrouille violente, c'est une patrouille qu’on mène de manière à ce

qu’ilssachentquetueslà,pourmarquertaprésence.Tutemetssoudainàcrieràtoutlemondedenepasresterdehors.Tumarquestaprésence.

Enréponseàquelquechose?Non...Soitenréponseàquelquechose,soitparcequ’oncraintquequelque

chosearrive–j’espèrequ’ilscraignaientquelquechose–ettuyvas.

Comment ça, « vous espérez » ? Vous n’étiez pas un sous-officierquelconque,vousavezétécapitained’arméependanttroisans.

Jene saispas siquelqu’unenparticulierdevait se trouverdanscevillage,maisc’estpossible...

Ilestpossiblequelecommandantdelabrigaderégionalel’aitsu?

Peut-être.Jen’avaispasaccèsàcegenrederenseignement.Peut-êtrequelecommandantdelabrigaderégionalelesavaitetaenvoyéunepatrouilleviolente.

Que faites-vous lors d’une patrouille violente ?OK, vous criez. Êtes-vousvraiment violent ? Vous frappez des gens ? Vous jetez des grenadesincapacitantes?Voustirezenl’air?

Onjettedesgrenadesincapacitantes,oui.

Vouslesjetezoù?Dansdeslieuxcentraux.

Vousvoulezdirequevousarrivezdansuncentrecommercial,vouscriezàtout le monde de rentrer chez soi, s’ils courent tant mieux, sinon, ou si voustrouvezqu’ilsnesedépêchentpasassez,vousjetezdesgrenadesincapacitantes?

Oui,oui.

Enpleinejournée?Enpleinejournée.

Parfoissansaucunrapportaveccequisepassedanslesecteur?J’espèrequ’ilyaunrapport,mais...

Pasquevoussachiez.Pasquejesache.

34.Entrerjoyeusementavecdesgrenadesincapacitantes

UNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:HÉBRONANNÉE:2003

Vousêtessergentdesection?Oui.

Vous êtes censé connaître les missions et leurs objectifs, savoir pourquoivouslesmenez.

Exactement.ÀHébron,nosmissionsconsistaientprincipalementàprotégerlacoloniejuive.C’étaientnosmissions,soitescorterlescolonsquandilsallaientprierautombeaudesPatriarches,soitsepromenerdanslaville.Enyrepensant,la vie [des Palestiniens], tu en fais un cauchemar si tu mènes une guerre del’information.

Uneguerredel’information?Exactement.Fairedubruit.

Qu’est-cequelaguerredel’information?Leur faire savoir que l’armée est là. Même s’il n’y a pas d’armée, leur

donnerlesentimentquelleestlà.Ilpeuts’agirdefairedubruitlanuit,dejeterdesgrenadesincapacitantesoud’entrerdansunquartierenpleinenuit,dansunemaison, entrer joyeusement, par exemple avec une grenade incapacitante,fouillerlamaisonpuisrepartir.

Commentchoisissez-vouslamaison?Comment on choisit la maison ? Ça pouvait être n'importe laquelle, une

maisonprèsdetonposte,tulefaispoureffrayerleshabitants.Peut-êtrequetupensesqu’ilsreprésententundangerpotentielparcequ’ilssontsiprèsduposte.Engros,cesontdesinnocents.Voilà,touslesjoursilyadespatrouillesàpiedoùtutepromènesdanslaville,tuentresdansdesmaisons,n’importelesquelles,sansraison, justeparceque...Non, iln’yaaucunrapportsurcettemaison.Tuentres, tu jettesuncoupd’œil, tu repars.Dèsque tu entres, tuvas tedétendreparcequ’iln’yaaucunautreendroitpourlefaire.Tunepeuxpast’asseoirsur

unbancdehorspourtedétendre.

C’estlanuit?Lejour?Çapeutêtrelanuitcommelejour.

Pourriez-vousdécrireunexempleprécisdontvousvoussouvenez?Un exemple précis ? Tu entres dans une maison dans le but de trouver

quelquechosedesuspect,tunesaispasexactementquoi.Tumetstoutlemondedansunepièce.Généralement,ilscachentleurargentdansunplacard.Ilsn’ontpas... ils ne le mettent pas à la banque ou ailleurs. Ils le cachent dans leursplacards.Pouréviterlespillages,etc.,onplaçaitgénéralementlafamilledanslapièceavec l’argent,pourqu’ilsneviennentpasdireensuitequ’onl’avaitvolé.Voilà, on commence à fouiller les pièces. On retourne tout, on fouille, oninspectejustecommeça...lesgarsprennentaussidestrucs.

Vousvousrappelezavoirassistéàunpillage?Quandjecommandaisunemission,jenelaissaispasfaire.Mêmes’ilyavait

dessoldatsquidisaient:«Prenonsci,prenonsça.»Jerefusais.

Mais vous avez vu quelque chose dans la compagnie ?De l’équipement ?Despetiteschoses?

Del’équipement,despetiteschoses.Descannes,toutessortesdedrapeaux,voussavez,leMouvementislamique,toutessortesdephotos.Jen’aipasvudepillage sérieuxdansmacompagnie.Mais j’ai entendubeaucoupd’histoiresdepillagesetçanemesurprendpas.

Revenons à la fouille. Tout le monde est dans une pièce et vous fouillezCommentlaissez-vouslamaison?

Tulalaisses... tuessaiesdelalaissercommeonlalaissait.Voussavez,lessoldatspuent,ilsarrivent,s’assoientsurlecanapé,lesalissentmaisquandmêmec’est... quand même. Encore une fois, je ne sais pas ce qui se passait dansd’autres patrouilles, je parle de la mienne. On essayait de remettre la maisoncommeelleétait.Mais ilpeutarriverquependantuneactiond’observation, tuarrivesd’uncoup,tuatterrischezunefamilleinnocente,tudébarquesdansleursvies,tut’installeschezeux.

Pendantcombiendetemps?Combiendetemps?Çapeutdurerunmois,deuxmois,deuxsemaines.

Etpendantcetemps,oùestlafamille?Lafamille?Jenesaispas,pasdanslamaison.Jenesaispas,ilss’arrangent

aveceux, jene saispasexactementcequ'ils en font.Onentredans lamaisonquandelleestvide.Quisaitcequ’ilsfontd’eux,jen’ensaisrien.

Vousn’avezjamaisposélaquestion?Non. Sur le moment, ce n’est pas intéressant. C’est ça, tu es juste là, tu

transformes lamaison en une sorte de poste. Filets de camouflage et tout. Tuessaiesdenepasutiliserlasalledebainsettout.

Nepasutiliserlasalledebains?Alors,vousl'utilisezounon?On l’utilise, bien sûr.Unepatrouille peut durer quatre heures, huit heures.

Biensûr,quandjecommandais, jeprenais lesdécisions.Généralement, tusorsdans lazoneautourduposte, tuessaiesdenepasaller toujoursdans lamêmezone,tuvasjustedemaisonenmaison.Encoreunefois,tunesaispascequetucherches.Entrerdansunemaison,c’estplutôtunavertissement.Voilà toute laprocéduredontonparlaitpourentrerdanslesmaisons.Tutermines,tut’envas,situveux,turestestereposerunedemi-heure,puistucontinues.Voilà.Quellequesoitladuréedetamission,c’estcequetufais.

35.Ilssontvenus,ilsontposédesexplosifs,ilsontfaitsauterlamaison

UNITÉ:COMMANDEMENTCENTRALLIEU:RÉGIONDEBETHLÉEMANNÉE:2002-2003

Vous aviez des ordres pour prendre les photos depuis un certain angle ?Pournepasphotographiercertaineschoses?

On n’avait pas l’ordre de ne pas photographier quelque chose, rien de cegenre.Aucontraire, le but était dene rien ignorer, de tout photographier et siquelquechosen’allaitpas,delesignalerauxresponsables.Biensûr,onnefaisaitrien circuler à l'extérieur.Dans les cas où ça lui profitait, l’armée utilisait lesclichés, par exemple quand elle ouvrait un checkpoint ou assouplissait lesrestrictions sur les transfertsdemarchandises,deschosescommeça. J’étais leseulphotographedel’unité.Onétaitcensésêtresix,maisils’estpasséquelquechose avec le porte-parole de Tsahal, une question politique dans l’armée aempêché les cinq autres de venir. Ils ont commencé à six l’année avant monarrivée. Leur nombre a diminué progressivement. Quand je suis arrivé, j’airemplacé quelqu’un qui quittait l’armée. Il y avait quelques assistants, desrédacteursresponsablesdegérermesphotosetlesofficiers.J’étaisphotographe.Jesortaisessentiellementlanuitaveclesunitéspourdocumenterlesopérations.

Quidécidaitoùvousalliez?Lesofficiers.L’officier étaitunmajor, ily avait aussiun sous-officier.Ce

quimeresteleplusenmémoiredecettepériode,c’estquandilsontcommencél’opération – je crois qu’elle s’appelait «Changement d’adresse » ou quelquechose comme ça. Ils faisaient sauter lamaisonde gens soupçonnés d’activitésterroristes.

Quiemployaitcetteexpression?Vous?C’est comme ça qu’ils appelaient l’opération. C’est comme ça qu’ils

appelaientcegenred’intervention.Opération«Changementd’adresse»–fairesauter une maison. Au début, c’étaient des gens qui menaient des activitésterroristes.Ensuite,c’était:«C’estsononcle»,«C’estlefrèredequelqu’unquileconnaît...»toutessortesderapportslointainscommeça.C’estdevenudeplusenplusacceptableavecletemps.Engros,çarésumetout.Autoutdébut,quand

çaacommencé, ça sepassait àpeuprès toujourspareil.Uneunité entrait.Unbataillon différent à chaque fois. Ils sécurisaient le périmètre, éloignaient lesgens.S’ilyavaitdeshommes,ilsétaientarrêtés.IlyavaittoujoursdesagentsduShinBetavecl’unité,jecrois,quelqu’undel’administrationcivileetquelqu’undugouvernement,quiétaitresponsable.Pourlesquelquesmaisonsqu’onfaisaitexploser, il fallait une permission explicite du ministère de la Défense. J’aioublié la position exacte. Une autorisation par téléphone à trois heures, troisheures et demie du matin. Ils appelaient, recevaient le feu vert. Parfois, onévacuait la maison un quart d’heure avant, selon l’amabilité de l’officier –parfoiscinqminutes,parfoisunedemi-heure.Onneparlepasdecabanesentôle.C’étaient des maisons, avec tout ce qu’elles contiennent, canapés, appareilsélectroniques, réfrigérateurs, albums photo... Dans la plupart des cas, le délaiétaitd’environquinzeminutes,etlàencore,lesfemmes,lesenfants...Àpartirdumomentoùl’officierarrive,ilsontquinzeminutespourévacuer...

Pendant ce temps, les soldats du génie commencent déjà à placer lesexplosifs pendant que les résidents évacuent. Ils se rapprochent, forment uncercle autour de lamaison pour éviter les blessures, puis dès qu’ils reçoiventl’accord,lemomentpeutêtrerepousséuneheureoudeux,letempsqu’ilsaientl’autorisation,apparemmentpourdes raisonspolitiques,puis ilsdémolissent lamaison.Une fois lamaison détruite, il y a une dernière fouille pour s’assurerqu’il n’y a rien d’inhabituel, puis ils évacuent la zone en cinqminutes. Il y abeaucoupd’opérationscommeça.Avecletemps,auboutdequelquesmois,ilsontarrêtéd’appelerleconseillerjuridiqueoujenesaisqui.Ilacommencéàsepasser des choses, il y a eudes réactionsdesmédias, c’est devenudeplus enplus fréquent et à un moment il n’y avait même plus besoin d’accord – ilsvenaient,posaientlesexplosifs,faisaientsauterlamaison,puisonrepartait.

Combiend’incidentsdecetypeya-t-ileus?Desdizaines,beaucoup.Dansdesvillages...àBethléem,BeitJala,partout.

Quelle était la procédure pour évacuer les maisons adjacentes ? Ou bienvousn’évacuiezquelamaisonconcernée?

Jeme rappelle plusieurs cas oùd’autresmaisons étaient vraiment proches,justeàcôté.Maisçan’a jamaisempêchéde faire sauterunemaison. Jepenseque le corpsdugénie essayait denedétruireque lamaisonconcernéedans lamesure du possible, les ordres étaient d’éviter la destruction d’autresmaisonsparce que sinon il y aurait des procès contre l’armée s’il y avait des dégâtscollatéraux.Ça faisaitpartiedemonboulot,photographier la zoneaprès,mais

c’étaitrare,parcequ’ons’enallaittrèsvite.

Quelgenredephotosrameniez-vousd’interventionscommecelle-là?Desphotosdel’entrée,l’entréedelamaison,ladiscussionentrel’officieret

lessoldats,l’évacuationdeshabitants,del’équipementdelamaison.

Survidéo?Vidéoetphotos.Lamiseenplacedesexplosifs.Ensuite,tutereculespourte

mettreensécurité.Ladémolition,l'explosionmême.Dèsqu’ilsepassequelquechose,jefilme.

Etquefaites-vousdesimages?Parexemple,cellesdel’explosion?Desimagescommecelles-làfinissentsurdesordinateurs,danslesbureaux.

Ilschoisissentsixphotos.Unedel’explosion,une...chaquephotoauntitre:«officier de l’unité », « l’officier prépare les résidents pour l’évacuation », «l’officier autorise les résidents à emporter leurs affaires ». Peu importe s’il nes’agitqued’undixièmedeleursaffaires.

Desfamillesont-ellesdéjàdemandéplusdetemps?Ilyaeudescascommeça,jenemerappellepasexactement,çadépendait

vraimentdesofficiers.Parfois,ilsdonnaientl’ordrepuisonnelesrevoyaitplus.Au bout de quinze minutes, ils contrôlent tout par radio. D’autres fois, lesofficiersétaientprésents,ilyaeuunefoisoùquatresoldatsontportéunevieillefemmesurleursépaulesdansunfauteuil,c’étaitpresquedrôle,ilsl’ontsortiedelamaison.

Ellenepouvaitpasmarcherouellenevoulaitpas?Ellenepouvaitsansdoutepas.

36.OnatuédespoliciersdésarmésUNITÉ:CORPSDUGÉNIELIEU:RÉGIONDERAMALLAHANNÉE:2001

Àcetteépoque,ilyavaiteuunattentatterroristecontresixpersonnessurlaroute443.Sixsoldatsdugénie,unterroristeasurgidel’undescheckpointsetpar un pur coup de bol il les a tous tués. Il leur est tombé dessus dans unbâtimentquelconqueetleuratirédessus,illesatuéstouslessix.Lemêmesoir,onétaitdansunvillage,onn’avaitrienàfaire.Ilsnousontemmenésdansleurbase, nous ont entassés dans une pièce, on n’avait pas grand-chose à faire.Soudain,notreofficierarrivepourunbriefingdedeuxminutes,ildit:«Écoutez,voilàlebriefing...onfait...c’estuneopérationdevengeance.Onvaéliminersixpoliciers palestiniens à un checkpoint. Pour se venger des six qu’ils nous ontpris.»Voilàl’histoireoùjeveuxenvenir.C’étaitsurla443:situ...tutraversesverslaZoneA,ilya... ilyaquelquechosecommequatrepostesdetransfert,supervisésparlapolicepalestinienne.Ilsnousontenvoyésaveclacompagniedepatrouille des parachutistes, ou la compagnie auxiliaire des parachutistes etquelqu’und’autre,justecommeça,pouréliminertouslespolicierspalestinienssurplace.D’accord?Lebriefingapeut-êtredurédeuxminutes.C’étaitdéfinicommeunevengeance,etsurlemomentj’aihésité,j’aidemandé:«Qu’est-cequ’ils ont fait ? Qui c’est ? » Ils m’ont répondu que c’était la policepalestinienne. J’ai dit : «Qu’est-ce qu’ils ont fait ? » Ils ont répondu : «Onsoupçonne le terroriste qui a tué les six d’être passé par ce checkpoint. » Ilssoupçonnaient,mais ilsn’étaientpas sûrs.Çapouvait êtren’importe lequeldecespostes,maisilsontdit:«Peuimporte,ilsontprissixdesnôtres,onvaenreprendresix.»

Ilsontditçacommeça?Comme ça. Opération de vengeance. Le lendemain, les journaux parlaient

d’une«opérationdevengeance».Ilsnes’ensontpascachés.Lapresseaparléd’uneopérationdevengeanceet...l’aencenséecommeune«vengeancedesang»appropriée.Onestalléà...c’étaitunetrès,trèslonguemarche,onyestallésàpied à quatre heures du matin, il n’y a personne la nuit là-bas, ils... Cecheckpointestfermélanuit,ilsviventdansunbâtiment...

Ilsvontaucheckpointpendantlajournée?Pendantlajournée,ilssontaucheckpoint.

Etvousavezattenduenembuscade?Onaattenduenembuscadejusqu’à...jusqu’àcequ’ilsarrivent.L’idéeétait...

l’idée était de tous les tuer, ils arriveraient et on les descendrait tous, qu’ilssoientarmésounon...genre:«C’estunpolicierpalestinien?Descendez-le.»Onestrestéslà,c’estlanuit,encorelanuit...ilgèle...Jetrembledefroid,c’estlavérité,depeur. Jem’occupaisde la radio. Il y avait troishommesavecdeslunettes de vision nocturne, ils étaient censés tirer les premiers puis on devaitchargerparlecôté.Puisilsarrivent.Onlesasurprisenpleinefouille,ilssontàcinqmètresdemoi,ilssetiennentàcinqmètresdemoi,iln’yenavaitquetroisetunautreauloin,alorsonselève,j’allumelaradiopourrecevoirl’autorisationetpersonnenemerépond.Jereçoisuneréponsed’un...

D’unsergentopérateur?Une... genre une filleme répond. Il n’y a pas d’autorisation, toujours pas

d’autorisation, ilsn’arriventpasà trouver l'officierdebataillon, ilsne trouventpasl’officierdebataillon,l’officierdemonunitéprendlaradio.Maintenantilssontjusteàcôtédenous.Ilcrie,ildit,genre,encriant:«Onaengagé,engagé,engagé.»Onn’avaitpasengagé,rien.Lesgarstirentquelquescoupssansrientoucher.

Quandilsontentendulescris,ilsontouvertlefeu?Onn’avait pas« engagé, engagé, engagé».Aumêmemoment, j’ai donné

l’ordreauxgarsd’ouvrirlefeu,maisgenre[notreofficier],ilacriéàl’officierdebataillon :«Engagé»alorsqu’onne lesavaitpasvraimentengagés,parcequ’onn’avaitpasl'autorisationdetirer...

Ilsétaientprochesdevous?Iladécidéquec’était...ilaagidesonproprechef?

Ilaagidesonproprechef.

Iladécidé...?Oui. On n’avait pas l’autorisation d’y aller... en gros, on n’avait pas

l’autorisation d’agir. Il y a une série d’autorisations à obtenir. L’autorisationd’allersurplace,lapermissionderester,jecrois,puislapermissiond’ouvrirlefeuetonne l’avaitpas...Alorsonacrié :«Engagé!»...Commeilacrié :«Engagé ! »...Cesgars, les trois soldats, ont ouvert le feu, ils ont raté et n’ont

touchépersonne. Ils étaient censés tirer sur les lampadaires,mais ilsn’ontpasréussi et... ils devaient aussi toucher les [policiers palestiniens]... leur tirerdessus. Ils n’ont rien touché. On s’est levés, on a tiré, on a touché deuxpersonnes,deuxpersonnessontmortes...maisnon,ilsnesontpasmorts,désolé,ilsétaientblessés.Onena touchéunà la jambe, jecrois, l’autreà l'épauleouquelque chose comme ça. Ils se sontmis à courir, on les a poursuivis.., on acontinué,encoreetencore.J’avaisunfusilàlunette.J’aimisuneballedanslatête de l’un d’eux pendant qu’il courait et un autre rampait derrière... on s’esttous levés,onacouru...c’était...Lavérité?J’aivraimentaiméça.C’était trèsamusant parce que c’était la première fois que je « chargeais » pour de vrai,commej’aifaitàl’entraînementetonaétésuper...ons’estdonnésàfondetilacontinué à courir... on a continué à avancer. Il est entré dans un hangar, unbâtimententôleondulée.Quatregarsdehors,onl’aréduitenmiettes...ilyavaitune bonbonne de gaz à l’intérieur, tout a explosé, tout a brûlé, brûlé, brûlé.Pendantcetemps,moietle...

C'estlàqu’ils’estréfugié,c’estlàqu’estalléletypequirampait?C’estlàqueletypequi...Entre-temps,onenavaittuéun.Unautrepartaiten

flammes à l’intérieur du bâtiment et un autre courait. On l’a poursuivi, il estentrégenredansuncimetière,ilestentrédansuncimetièreoujesaispasquoi.Jecroisquec’étaituncimetière,ouais,c’étaituncimetière,ilestentrédedansencourant.Ons'estmissurlemur,onluiatirédessusetonl’atué.

Ilsétaientarmés?Attendez.Pendant toutce temps, ilsn’ontpasrépliqué.Ilsnenousontpas

tiré dessus. Non, ils ne... on n’était pas engagés, ils ne nous ont jamais tirédessus.Onacommencéà tirerde loin,onn’a rien touché,ons’est levéspourcharger,onenatouchéunetils’estmisàcourir,jel’aidescenduavecuneautreballe.Unautres’estprécipitédanslehangar,qu'onabrûlé,puisonapoursuivil’autre.

Danslecimetière?Dans le cimetière. Et un autre qui m’a tiré dessus, un autre qui a, genre,

disparu,onnel’apastrouvé,etpuis...

Doncilsétaientquatre?Ils étaient quatre. Maintenant qu’on parle de combien ils étaient, même

pendant le débriefing, ce n’était pas absolument clair qu’ils étaient quatre.Genre,ilsauraientpuêtreseulementtrois,peut-êtrequatre.Onnepouvait,non,

onn’avait pas pu les identifier... genre tous les témoignages se contredisaient,parce que quelqu’un disait qu’il en avait identifié trois, un autre disait...quelqu’und’autreétaitsûrd’enavoiridentifiédeuxetparrecoupementonenaidentifié quatre,mais il n’y a pas vraiment eu de vérification et sur les onze,douze soldats de notre groupe, personne ne pouvait vraiment dire combien ilsétaient. On ne sait pas exactement. Ensuite j’ai dû... genre ils m’ont envoyépour...

Attendez,vousêtesdanslecimetière–letypeaététué?Non. On est montés sur le mur, on lui a tiré dessus, il est tombé, voilà

commentças’estfini.Letypequej’aitué,celuiquej’aidescendu,jeluiaitiréune balle dessus, il était étendu par terre, on a seulement vu... genre on l’aseulement vude cet angle-là, quelque chose le cachait, trois ouquatre d’entrenous lui ont tiré dessus, ils l’ont perforé... On a juste continué àmitrailler lecadavre.

Pourvérifierqu’ilétaitmort?Paspourvérifierqu’ilétaitmort,maisdansl’euphoriedel’excitation.Ona

perforéson...genreonl’aentièrementperforé,ensuitejesuisrevenudu...genreons'est retirésducimetière, jesuisallévoir,paspourvérifierqu’ilétaitmort,mais pour prendre son arme et quand je suis arrivé à sa hauteur il étaitdéchiqueté, en morceaux. Son corps était déchiqueté, avec une balle là, troisautreslà,uneautrelàetsursajambeiln’yavaitriendelààlà...genre,c’étaitjuste, il n’y avait rien... on l’a complètement perforé. J’ai essayé de leretourner...ilavaitcinquante-cinqans,peut-êtresoixante,trèsvieuxetiln’avaitpasd’arme,genreaprèscouponacompris,pareilavecceluidanslecimetière,aucund’euxn’étaitarmé.

Ilsétaientenuniforme?Ilsportaientl’uniformedelapolicepalestinienne.Ilsportaientdesuniformes

delapolicepalestiniennesansarmes.

OK.Ensuiteonadiscutéunpeu,ona jetéuneautregrenadedans lehangaren

flammes,onaremballé,puisde toutes lesdirections,c’étaitcommesi toute lapopulationarrivaitetnossnipersontcontinuéàtirerdansleurdirection,alorsilssesontarrêtés...ilsn’onttouchépersonne,maisilyaeuuntasdecoupsdefeuetonaremballé.

Vousavezsuiviuncoursdecombatantiterroriste?Oui.

Etpendantcecours,ilsvousontapprisàvérifierquequelqu’unétaitmort?Oui,biensûr.Ilsvousapprennentàvérifierunemortpartout.Ilfauttoujours

vérifier,genretireruneautreballedanslatêtemêmesiletypeestmort.

VoussavezqueTsahalprétendlecontraire?Qu'est-cequevouscroyez?Biensûr.Biensûrqu’ilsnient.

Est-ce que ça faisait partie du cours «Chargez, bang... bang... vérifiez lamort»?

Quandonremballait.Vérifierlamort,biensûr.

OK.Ouais.Pourquoi,pasvous?Non?

37.VisezlesyeuxpourarracherunœilUNITÉ:ARTILLERIELIEU:QALQILYAANNÉE:2000

Undestrucs,c’estquelquechosequim’avraimentsecoué...parcequ’ilsnenousontpasentraînéspourentrerdanslesTerritoires,alorsilsnousontfaitunrésumé très rapide. Ils nous ont un peu expliqué, je ne sais pas comment ças’appelle,lesagentsantiémeutes.

LesAAE.OK.Jenesaispas.Vouscomprenezquejen’étaispasungrandcombattant.

Surlepapier,jesuisaucombat,maisjen’aipaseudelavagedecerveaunirien.Ilsnousontjusteapprisquelquestrucs.Entoutcas,ilsnousontapprisàutiliserdes balles en caoutchouc et ils nous ont montré qu’elles sont dans ce qu’onappelleun«tampon»,unesortedesacenplastiquequicontientlesballes.Doncilsontdit:«Ilfautlesséparer,c’est-à-direquevousdéchirezlepaquet,vouslesmettezuneparune, commeçavous faitesdesdégâts. » Ils nousontvraimentexpliquéçacommeça,decettemanière trèspornographique.«Visez lesyeuxpourarracherunœil,ouleventrepourqueçaentredansleventre.»

Quivousaexpliquéça?Lecommandantdelacompagnieauquartiergénéral.

Àtoutelacompagnie?Oui,etilditcestrucs,ouais,etilrigole.Ildit:«Séparez-les»,etilnousfait

voircomment lesséparer,comment les faireentrer. Ildit :«Ellesnesontpasefficaces par trois. » Je trouvais ça vraiment horrible, parce qu’il est clairqu’ellessontfaitescommeçapourviserunefouleetpasquelqu’undirectement,même si c’est déjà assez sérieux. Ils nous ont vraiment expliqué comment lestransformerenballesréelles.Ilnousaexpliquéqu’onnepouvaitrienprouver.Siquelqu’unestblessé,c’estparuneballeencaoutchouc.«Personneneferarien,vousn’avezpasàvousinquiéter.»

Commentontréagilessoldats?Ilsontrigolé.Personnen’avraimentétésecoué,àpartmoi.

Vousenavezparléàquelqu’un?En fait, oui. La vérité, c’est que je voulais aller voir le commandant de

bataillon, mais avant ça j’ai parlé à un ami, qui était le chauffeur ducommandant.Ilm’adit:«Çanesertàriendeluiparler.»Lecommandant,monamiétait allé avec lui sur le terrain : ilm’aditqu’il séparait tout le temps lesballesencaoutchoucetqu’ilordonnaitàtoutlemondedelefaire.OK,doncàlafinjemesuistournéversB’Tselem28.

Etqu’ont-ilsdit?Euxaussiontrecueillimontémoignage.Ilsm’ontposéuntasdequestions,

ilsm’ontdemandédesnoms. Jene saispas s’ilsont faitquelquechose,parcequec’étaitpeuavantlafindemonservice.Aufinal,cen’estpasquelquechosegenre...aujourd’hui,cen’estpascommesipersonnenesavaitdequoiils’agit.Ily a eu ce truc, le rapport Tenet ou quelque chose comme ça, sur les activitésd’Israël dans lesTerritoires, etmon histoire y figure. J’ai reçu une lettre à cesujet.

38.UnepatrouillepourfrapperdesArabesUNITÉ:BRIGADEKFIRLIEU:HÉBRONANNÉE:2006-2007

Il y a des tas d’incidents. Toutes sortes de conneries qu’on faisait. OnfrappaittoutletempsdesArabes,riendespécial.Justepourpasserletemps.

Vous vous rappelez un incident où vous avez ouvert le feu sur desPalestiniens?

Voussavezlenombredefoisoùc'estarrivé,oùilyaeudestroublesetoùonaouvertlefeu?

Àballesréelles?Aubesoin,oui,quandilfallait,quandilyenavaitsuffisammentquivenaient

versnous–alorsoui,augenou,lesgenoux.

Vousavezditquevousréfléchissiez toujoursà lamanièred’envenimer leschoses.

Biensûr.

Qu’est-cequeçaveutdire?Voussavez,onvoulaitrendreleschosesintéressantes,alorsoncherchaitdes

moyens d’énerver un peu les Arabes pour pouvoir tirer plein de balles encaoutchouc, pour que ça devienne intéressant et que le temps àHébron passeplusvite.

Quitrouvaitcesmoyens?Vouspensezqu’onn’étaitpasasseznombreux?Dessoldats,desofficiers.

Endiscutantaveclecommandantdecompagnie?Lecommandantdecompagnie,vousrigolez?Pasmoyen,jevousjure,çane

quittait pas la section. La section est comme un secret d’État, c’est ce qu’ondisait.Personnenesavaitrien.

Doncvousparliezjusteaveclecommandantdesection?Vousrigolez.Lecommandantdesectionnesavaitriennonplus.

Alorsquilesavait?Desofficiersetunsergent.

Oùdiscutiez-vous?Dans la chambre. Il y a la chambre haute et la chambre basse ? Dans la

chambrehaute.

Alorsquedisiez-vous?«Aujourd’hui,enpatrouille,onferacietça»?Oui.

Vousprévoyiezvosactions?Biensûr.

Qu’est-cequevousfaisiez?Toutessortesdeconneries.Onfaisaitpleindetrucs,onsedisait:pourquoi

unepatrouille?UnepatrouillepourfrapperdesArabes.Desenfants,desArabes,toutessortesdeconneries.

Quilançaitcespatrouilles?Toutessortesdegens.Lecommandantdepatrouillen’étaitpascenséêtreau

courant.

Lessergentsetlesofficiersd’équipe?Oui,ilsn’avaientaucunlien.

Ilsdisaient:«Maintenantonvayaller...»?Onsavaitoùonallait,onavaiteuunbriefingavant.Onpartaitenpatrouille.

Le commandant d’équipe arrivait en disant : « Maintenant on part enpatrouille»?

Ils savaient qu’on partait en patrouille.Alors, écoutez, on ne le faisait pasavectouslescommandantsd’équipe,tusaisavecquitupeuxlefaire.

Uneuniténepartpasenpatrouilledesonproprechef.Tout le monde sait quand il y a une patrouille. C’est notre boulot, de

patrouiller,sécuriser.Onsecontentaitd'exécuter,voussavez.

Quevousditlecommandantdecompagniequandvouspartez?Cequ’ildit?Luiaussisaitqueçavaarriver.Ilprenait,ilchoisissaitlesgens

pourpartiraveclui.Mettons,jevousaiparlédeXXX,ilnepartaitjamaisaveclui,impossiblequ’illelaissepartiraveclui.

Quesepassait-il?Onpartaitenpatrouille,parexempleungaminnousregardait justecomme

çaetsiçanenousplaisaitpas,ilsefaisaitimmédiatementfrapper.

Quilefrappait?Lecommandantd’équipe,lessoldats.

39.Onestentrésdansunemaisonpourquelatélévisionnousfilme

UNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:HÉBRONANNÉE:2002

On a reçu un ordre, une équipe a participé à une émission au profit deTsahal,puisilsnousontditd’entrerdansunemaisonàHébron.

On était entrés dans cette maison deux semaines plus tôt, mêmespropriétaires, même procédure. On ne comprenait pas vraiment pourquoi ilfallaitlerefaire.

Vousyêtesalléspourfouilleroupourrester?Lamêmeprocédure, prendre la famille...Cette nuit-là, d'un coup, ils nous

annoncent qu’une équipe de télé vient, ils veulent nous filmer – c’étaitHanoukka–entraindemangerdesdonuts.Petitàpetit,onacomprisqu’ilsnousenvoyaientdanslamaisonpourquelatélénousfilme.Cesoir-là,onestpassésaux infos de Channel 2 pendant vingt secondes, voilà. Ils ont préparé tout lemonde, ils nous ont apporté des donuts pour montrer qu’on était contents etforts.

40.RegarderlefootàNaplouseUNITÉ:FORCESSPÉCIALESMAGLANLIEU:NAPLOUSEANNÉE:2004

ÀNaplouse, il y a euun autre incident avecmonéquiped’origine. Je n’yétaispas,maisilsm’ontracontéaprès.

Lesgarsdevotreéquipe?Oui. Ils entrent dans une maison, pour ce qu’on appelle la « pression

personnelle»,l’idéeétantquetuentres...tutereposesdanslamaison.C’est-à-direquetudéplaceslafamilledansunepièceettutereposes,tufaisunesortedequartiergénéraldansunepièce,lesalonoujesaispas...n’importequellepièce.Mais il y a une fois où ils sont arrivés, ils sont entrés et ils avaient envie deregarderquelquechoseàla télé.Doncilsontpris lafamilleet l’ontmisedansune autre pièce.La famille était assise près de la télémais les soldats avaientenviederegarderquelquechose,alorsilsontprislafamille,l’ontmisedansuneautrepiècepourpouvoirregarder.Ilyavaitunerègleexplicitequiinterdisaitdefaire ça, même de s’asseoir sur une chaise. Quand je me déplaçais, j’étaisgénéralement avec le sous-commandant, où qu’il aille, il s’assurait que lessoldats ne... l’équipe au-dessus demoi, ils se sont assis sur les canapés et ontdéplacé la famille. L’équipe a beaucoup parlé de cet incident. Pour dire quec’étaitridicule.

Qu’est-cequ’ilsendisaient?Qu’ilsétaientarrivésetavaientdéplacélafamille.Vouscomprenez,c’estun

peuridicule.Tuveuxregarderquelquechoseàlatélé,tuesenpleineopération,alorstuprendslafamilleettut’assiedsdanslesalonpourregarder.Iln’yapasd’objectif.

Qu’est-cequec’était?Cequec’était?Jenesaispas,dufoot,quelquechoseàvoiraveclefoot.Ce

n’estpas tellement important.C’estvraide laplupartdeschosesque j’aivuespendantmonservice.Pastellementdesgrostrucs,plutôtdespetiteschosesquicréaientunecertaineambiance,unecertaineatmosphère.

Quoi?

Premièrement,peuimportecequetufais,tut’entirestoujoursàboncompte.C'est-à-direquejepouvaisgiflerlesgens,lesfrapper,leurtirerdanslajambe.Jene vois aucune situation où j’aurais été responsable, parce que je pouvaistoujoursdirequec’étaitdelalégitimedéfense.Deuxièmement,laviedescivilsordinairescomptemoinsquelesbesoinsdel’armée.C’est-à-diresoitilsnesontpas importants, soit ils sont moins importants que l’objectif militaire ou quel’unité,sijevousdisquedessoldatsarriventetdéplacentlesgensdeleursalonpourpouvoirregarderlatélé,cequiestcontraireaurèglement.

Ilestarrivéquelquechoseauxsoldats,après?Non.C'estaussi...Jepensequec’estunechoseassezcourante,mêmechez

nous.Mêmesiaumoins,làoùj’étais,ilsprenaientsoindenepass’asseoirsurquoiquecesoit...c’étaitdanslesbriefings,nepass’asseoirsurlescanapésetnepasentrerdansleur...c’est-à-dire,faisjustecequetuasàfairedanslesmaisons,riend’autre,neboispasdecafé,maisilsepassaitdestrucscommeça.Lesgensentrent, boivent le café, parce que la famille propose, alors ils boivent le caféaveceux.

Commentça?Ils arrivent, ils entrent dans la maison, vous savez, les familles ont

l’habitude, elles ne sont plus perturbées par ce genre de chose, alors elles enarrivent même à proposer à boire. Une fois, j’ai vu un truc comme ça. Ilsarrivent,onleurproposeducafé.Ilyadesgarsquileboivent.Çam’atoujoursparubizarre,d’entrerchezquelqu’unetdeboireducafécommesituétaisinvité.Mêmes’ilsproposent,çaresteunpeubizarre.

41.LafinaledeCoupedumondedansuncampderéfugiés

UNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:RAMALLAHANNÉE:2002

On reçoit l’ordre d'entrer dans le camp de réfugiés Al-Amari, je crois.Maintenant,onavaitl’ordred’allertouteslessemainesdansuncampderéfugiéspour«lepasserenrevue».«Lepasserenrevue»signifietoutfouiller.Avecuncynisme de kibboutznik, on appelait ça uneAktion29. On entrait, on envoyaittousleshommesàl’école–dequinzeàcinquanteans...ilyavaittoujourstoutessortes d’âges. Tous ceux qui ont unemoustache vont à l’école... ils restent làtoute la journée.Avec les femmes et les enfants, on va demaison enmaisonavecdescartes.Tuentresdanschaquemaisonettufouillestout.Onestdesbonsgars,alorsonarrive,onouvretouslesplacards,onregarde,ondéplacetout,onremet, comme ça toute la journée.Ce jour-là, c’était la finale de laCoupe dumonde, on était crevés, aussi parce que c’était la finale et parce qu’il faisaitextrêmementchaud.Donconyva,onfaitnotretournée,commed’habitudeonne trouve rien, comme dans toutes ces opérations. Notre officier a toujoursaimé...onentrait,genreuneéquipedecinqpourfairesauterchaqueporte.Çaaété étouffé.Cen’était pas vraiment... c’était pour nous entraîner à faire sauterdeschoses.Pourqu’onapprenneunpeu.Etpuisonlefaisaitparenthousiasme,par jeu : lamoindre porte qui résistait un peu,même si on avait un pied-de-biche, unmarteau, toutes sortes d’outils, il fallait qu’on fasse sauter la porte.Même si on n'avait passé que trente secondes à essayer de l’ouvrir. On s’estdisputésaveclui,onessayaitdeluidire:«Iln’yapasbesoin,elleseraouvertedansdeuxminutes,iln’yapasdeproblème.»Onenestvenusauxcris:«Nelafaispassauter»,«Si,fais-lasauter»,«Tais-toi,medérangepaspendantquejetravaille».

Avecquoifaisiez-voussauterlaporte?Aveccesbâtonsàmèche.Cettefois-là,c’étaitdéjàl’après-midi,ilfaisaittrès

chaud,tun’avaisqu’uneenvie,t’arrêter,enfinir.Ànouveauleschémarécurrent–çavientdel’officier.Ilcommenceàtoutretourner,àentrerdanslespièces,ilen a marre. Il retourne tout. On en est arrivé à cette situation absurde où onnettoieaprèslui,onremetleschosesenplace.Avecmoi,parexemple,çavenait

généralement des officiers. Toutes ces « lignes franchies », ces « écarts justecomme ça », ça venait principalement des officiers. Toute la journée, c'étaitrépugnant. On s’est retrouvés à regarder la finale – tout le monde a fait unepauseets'estinstallédansdesmaisons–ons’estretrouvésàregarderlafinaleaveccettepauvrefemmeetsafille,ons’estassisdansleursalondanslecampde réfugiés.Toutes les équipes se trouvaient dans desmaisonsdifférentes.Ons’estassispourregarderlafinaledanslesalon.J’étaisàplatàcausedetouslesescaliers,jen’étaismêmepas...Jeneregardaismêmepasl’écran,j’étaiscrevé.Ilsparlentàlaradio,super,but,ci,ça,lascèneétaitcomplètementdingue.Enyrepensant–undemesamismel’aditplustard,j’enavaismoinsconscience–laCoupedumonde, c'est commedesvacances.Etpendant la finale tu envoies...combienya-t-ild’hommesdansuncampderéfugiés?Mille?Tu lesenvoiestousàl’école,ilssontpunis,quellequesoitlasituation.Commemaintenant,onfaituncessez-le-feupourlesJeuxolympiques.Unpeudesensibilité.Çanefaitrien,c’estjusteunpetittruc.

42.TupeuxsaisirunemaisonpendantdesannéesUNITÉ:ADMINISTRATIONCIVILELIEU:HÉBRONANNÉE:2003

Etquandl'arméeinvestitdesmaisonspalestiniennes?Pourseposter.OK,prendreunemaisonpourseposter,ànouveau,l’idéea

aussichangé,vousneparlezpasdeveuvesdepailleetdetrucscommeça,non?Vousparlezd’investirunemaison...Cettepratiqueachangédepuis2003,ilyaeu des incidents désagréables dans cesmaisons, des soldatsmettaient le bazarexprès,commepourdire:«Rienàfoutredecettemaison,jemebarredansdeuxsemainesetjem’enfous.»Àunmoment,onacommencéàfairedesrotationsde trente jours entrequelquesmaisons, quelquespostespour rendre çaunpeuplusagréable.

Dessoldats?Oui,onchangeaitdeposte tous les trente jours.Tuvasdans lamaisond’à

côté. On faisait 30/30 ou un peu plus, on demandait une prolongation. Parexemple,jemerappelleuncasoùquelqu’uns’étaitmarié,alorsonachangédemaisonparcequ’ils’étaitmariéavecquelqu’undelafamille.Ilsepassaittoutessortesdechosescommeça.

Maisilyatoujoursdespostessurletoitdesmaisons.Surletoit,oui.Ilyenaencoreàl’intérieurdesmaisons?

Ilyenaun,aucroisementdelabanque.OK,sic’esttemporaire.Surletoitdesmaisons,c’estunetoutautrehistoire;

sic’estsurlamaisonetqu’ilyaunescalierséparé,c’estentièrementlégaletsic’est une saisie sur ordre, elle est valable lamoitié de l’année, tu renouvellestouslessixmoissansproblème.Tupeuxlasaisirpendantdesannées...

Quidécideceschoses-là?C’est le commandant de brigade qui décide. Il y a des critères très stricts.

Quandlecommandantdebrigadeditqu’ilsaisitunemaison,onluiditquec’estune«pièceallouée».Ilyaunordred’opérationpourça.Commentonvérifiesic’est légal ? Avant même de transmettre l’affaire au conseiller juridique, tu

deviensunesortedeminiconseillerjuridique.Vousvoyez?Ilyadesmomentsoù tu dis : « Impossible, n’en parlez même pas. N’insistez pas, changez demaison.»

Çadépenddelamaisonoudelademande?Çadépendde lamaison. Il fautqu’il repère lamaison. Ildoitm’expliquer

pourquoi cette maison en particulier. Il doit m’expliquer à moi, l’officier desopérations, pas au commandant de brigade, pourquoi cette maison, et si, parexemple,ilyaunemaisonvoisinehabitéepardeuxcélibataires,alorspourquoiilsaisitunemaisonappartenantàunefamilleetpourquoilesbesoinssécuritairessontparticulièrementliésàcettemaison-là.Ildoitfourniruntasd'explications.Maisc’estleconseillerjuridiquequiluidonnelapermissionetilrepartavecunmandat.

Vousvousoccupezdel’évacuationdelafamille?Non, oui... ça me reviendra... encore une fois, au début de l'Intifada, ce

n’étaitpascommeça,cesontdesprocéduresquiontétéélaboréespetitàpetit,parcequ’ellesn’existaientpasayant.Notezqu’engrosl’évacuationestviolente,ilyavaitdesévacuationsviolentes–paspendantmonserviceàHébron,parcequ’onlesatoutesfaitesetqu’onyallaitaveceux.Àpartlesfoisoùilsontsaisidesmaisons sans nous prévenir. Ils jetaient juste les affaires des gens dehors,alors pour qu’ils concentrent tout dans une pièce, les meubles, on lesaccompagnait.

Oùestlafamille?Vousenvisagiezderelogerlafamille?S'ilyaunemaisonquirépondàunbesoindesécuritéclair,sic’estlaplus

grande, alors là tout lemonde se fiched’oùva la famille.Personnen'ypense.S’ilyaunevraie raisondesécurité,mêmesic’estune familleavecbeaucoupd’enfants,jenesaispas,s’ilsviventdansunepetitemaison,s’ilsn’ontnullepartailleursoùallervivreetqu’ilyaunbesoindesécurité,alorsOK,jen’aiaucunproblème.

43.ÇafaitvraimentressortirlafolieentoiUNITÉ:BRIGADEGOLANILIEU:RAMALLAHANNÉE:2002

...Onestentrésdansun immeublesans rien trouverà l’intérieur,c’était lebâtimentde la logistiquepalestinienne, iln’yavaitquequelquesparkasetdestrucscommeçaetaprèstoutlestressdelanuit,oùunsoldatd’Erzogavaitététué, on avait entendu les cris à la radio, on est restés... On est restés dans lebâtimentquelquesjours,unesemaineetaprèsunjourderepostucommencesàfouiller. Jemerappellequ’àunmoment,ons’estmisàcasserdes trucs.C’estvraiment très amusant de casser des trucs, honnêtement, je pense que c’est unfantasme pour beaucoup de gens, de jeter une télévision par la fenêtre s’ilspouvaient.Maislà,tuasvingtansettuasl’occasiondelefaire,detemettreàdétruiredesobjets.Jemesuissenti,moietquelquesautres,dansunmomentdefrénésie,àcasserdestables,desportes,àjeterdestasetdestasdepapiersdanschaquepièce,destrucscommeça.Lafolieintérieureselibère,justeparcequetupeux,jedirais.

Situpeuxlefaire,pourquoipas?Exactement.Tupeuxtefaireplaisirettoutcasser.C’estunpeucommesur

MTV,quandtuvoisdestypeséclaterleurguitare.Ilyapleindeclipsoùungarsentredanssachambreetcassetout.C’estunesortedefantasmelogique,maislàtuaslepouvoirdeleréaliseretpuiscenesontpastesaffaires,ettuesenguerre.

Vousavezcassébeaucoupdechoses?DanslaMukata’a,onestallésjusqu’aubout.

Commentça?C’est-à-direquetoutcequ’onpouvaitcasser,onl’acasséparcequ’onétait

sûrsqu’ils récupéreraientcet endroit, alorson s’estditqu’onnevoulaitpas lelaisser intact. C’était une sorte de décision personnelle. On ne laissait pas lechoixauxpoliticiensniàpersonne.Maisjemerappellequedanslesfouillesdemaisonsaussi,quand tuvasdemaisonenmaison, ilyace trucdecasserunetélévision de temps en temps. Parfois tu entends l’histoire de quelqu'un qui atrouvéuneceintured’explosifsdansunetélé,parfoisc’estjustepourlabalancer,

faire valser les tiroirs au lieu de se contenter de les ouvrir pour regarder àl’intérieur,destrucscommeça.

44.TufourrestoutçadanstonsacàdosUNITÉ:BRIGADEGIVATILIEU:BANDEDEGAZAANNÉE:2002-2004

Vousavezététémoind’actesdepillage?Oui,plein.

Commentça,plein?Àchaquefoisquetuentraisdansunemaison,parexemplepouruneveuve

depaille,tut’installaisquelquesjoursettulaissaisl’endroitcomplètementruiné.Ouais, il y a eu des pillages après les opérations «Arc-en-ciel », « Piqûre demoustique»,toutessortesdegrossesopérationsauxquellesonaparticipé.Unefois,j’aiprisunchapeletdeprière.Maisoui,ilyavaitdupillage.Unamiàmoiapriscettegrossebattedebaseball,unchapeletetdescigarettes.CommentlesArabes font leurs cigarettes? Ilsne les achètentpas, ils les roulent. Ilsontdutabacetdesfeuillesàrouler.Ouais,ilyadupillage,biensûr.

Desvolsd’objetsdevaleur?Oui.UnamiàmoiaprisunDiscman.Écoutez,ilsviventlà,ilsontdestrucs,

cen’estpasle tiers-monde,voussavez.Ilyapleindetrucsàpiller.Ilsontdevraimentbellesmaisons,ilsmènentlagrandevie.Ouais,voussavez,tufourrestoutçadanstonsacàdos.

Quoiparexemple?Toutes sortes de figurines du salon, des lecteurs CD, des cigarettes, des

dagues,unebattedebaseball,unchapeletdeprière.

Les commandants et les officiers étaient au courant de ça ? C’est unphénomèneconnu?

Jenepeuxpasrépondre, jenesaispas.J’imaginequ’àcertainsendroits ilssontaucourant,maisilsneposentpasdequestions.Voussavez,onnevoitrien,on n’entend rien. Personne ne fouillait les soldats pour voir s’ils avaient prisquelquechose,mêmes’ilsrevenaientavecleursacàdospleinàcraquer.Ilsneposaient pas de questions. On n’évoquait pas le sujet.Mais oui, il y avait dupillage,biensûr.

Deuxièmepartie

Séparation:contrôle,expropriationetannexion

À première vue, séparer Israéliens et Palestiniens semble avoir pour but deprotéger les citoyens israéliens tout en assurant une plus grande indépendanceaux Palestiniens.Mais les témoignages rassemblés dans cette partie suggèrentquelesmécanismesdeséparationserventessentiellementàrenforcerlecontrôlesurlapopulationpalestinienne,àl’exproprierdesesterres,puisàlesannexer.

La

plupartdesbarrièresquientraventlesdéplacementsdesPalestiniensenCisjordanienesesituentpassurlafrontièrede1967quisépareIsraëldesTerritoires,maisàl’intérieurmêmedesTerritoiresoccupés,cequipermetàIsraëldemainteniruncontrôlesurlesdéplacementsdesPalestiniens.LoinderéduireladépendancedesPalestiniensàl’égardd’Israël,lesfacteursdeséparationmisenplacecesdixdernièresannéesl’ontaccrue.Malgrél’apparentretraitdelabandedeGazaen2006–sansdoutel’undesexemplesdeséparationlespluscriants–,IsraëlamaintenusoncontrôlesurlapopulationdeGazaet,indirectement,surlaCisjordanie.IsraëltraiteGazaetlaCisjordaniecommedeuxentitéssocialesetpolitiquesdistinctes:depuisdixans,Israëlinterditletransitentrelesdeuxrégions,mettanteffectivementenœuvreunepolitiquedeséparationentrelesPalestiniens.

En

réalité,laséparationinternedesPalestiniensadébutédanslesannées1990

quand,conformémentauxaccordsd’Oslo,lesTerritoiresontétédivisésentroiszones:laZoneA,placéesouscontrôleadministratifetjudiciairedel’Autoritépalestinienne;laZoneB,oùlasécuritéétaitgéréeparIsraël,lesquestionsadministrativesparlesPalestiniens;etlaZoneC,l’essentieldelaCisjordanie,ycomprislescolonies,souscontrôleexclusivementisraélien.

Pourtant,enpratique,IsraëlexerceuncontrôlesurlaZoneAaumoyendecheckpoints,d’opérationsoffensivesetd’incursionsmilitairesfréquentesdanslesvillesetlesvillagespalestiniens.

En

vertudecettepolitiquedeséparation,IsraëlaétabliunvasteréseaudecheckpointsetdebarrièresphysiquesdanstouslesTerritoires,certainspermanents,d’autrestemporaires.CesdiversobstaclesséparentlesrésidentspalestiniensdesTerritoiresetlescitoyensisraéliens–juifsetarabes–quiviventàl’intérieurdelaLigneverte.IlslesséparentégalementdescolonsisraéliensdanslesTerritoiresetdesPalestiniensquiviventdansd’autresvillesouvillages.Enplusdecesbarrièresphysiques,IsraëlamisenplaceunsystèmebureaucratiquecomplexepourrégulerlacirculationdesPalestiniensdanslesTerritoiresaumoyendepermis.LestémoignagesdecettepartiemontrentcommentIsraëlaresserrésoncontrôlesurlaviedesPalestiniensàtraverscetriplesystèmedebarrières,d’obstaclesetdepermis.Israëlmaintientun«régimed'autorisations»quialepouvoirderestreindre,voired’empêcherlesmouvementsdesPalestiniensdanslesterritoirescontrôlésparl’arméeetpard’autresautoritésisraéliennes.

Ces

dernièresannées,leprincipalsymboledecettestratégieestleMurdeséparation,dontlaconstructionadébutéen2002enCisjordanie.Ilsecomposeenpartied’unvéritablemur,ainsiqued’unsystèmeélaborédeclôturesetdefossés.CertainessectionsduMursetrouventprèsdelaLigneverte,d’autrespénètrentprofondémentenCisjordanie.LesterritoirespalestiniensdélimitésparleMur,d’unepart,etlaLigneverte,d’autrepart,s’appellent«zonesfermées».LesPalestiniensquiviventlàvoientleursmouvementsrestreintsparunsystèmecomplexed’autorisations,depermisetdepassagespardesportesetdesclôtures.Dansdenombreuxcas,leMurencercledesconcentrationsdecoloniesisraéliennes,autourdesquellesilformeunelargeceinturedeterre.Illimitegrandement,voireempêchel’accèsdesPalestiniensàleursterresprochesdescolonies,enparticulierlorsqu’ils’agitdevastesrégionsagricolesqueleMur«rattache»auxcolonies.End’autrestermes,leMurneséparepasdeuxpopulations,maisdesgensentreeux,ainsiquedeshabitantsdeleursourcederevenus.IlcontribuedirectementàdéposséderlesPalestiniensdeleursterres,deplusenplussouventannexéesparlescoloniesisraéliennes.

Le

systèmedes«routesdecontournement»constitueunautremoyendeséparation.

LeszonesvoisinesdescoloniessontferméesauxPalestinienspardesroutes«

réservéesauxIsraéliens».Laconstructiondecesroutesadébutédanslesannées1990afindefaciliterl’accèsdesIsraéliensauxcoloniessanspasserparlesvillesetlesvillagespalestiniens.Aucoursdesdixdernièresannées,Israëlarestreintl’usagedesroutesdeCisjordaniepourlesPalestiniens,illeurestsouventinterditdecirculersurcellesquisesituentprèsdescoloniesouquirelientlescoloniesentreelles.Parl’obstructionphysique,permanenteoutemporaire,del’accèsauxvillesetvillagespalestiniens,IsraëlrenforceunsystèmedeséparationauseinmêmedelaCisjordanie.

Au

coursdesdixdernièresannées,Israëlaappliquéparintermittencelapolitiquedite«d’isolement»enCisjordanie,selonlaquellelesPalestiniensd’unerégionnepeuventcirculersansuneautorisationdetransitspécialedélivréeparl’armée.Bienquelegouvernementisraélienmaintiennequecet«

isolement»apourbutd’empêcherlesterroristesdesedéplacerd’unevilleàuneautre,lestémoignagesdessoldatssuggèrentquecettepolitiquecontribueàaccroîtrelecontrôleisraéliensurleterrain.Parexemple,IsraëlacoupélapartienorddelaCisjordanie,oùsetrouventDjénineetNaplouse,desvillesetvillagespalestiniensausud.Parmoments,Naplouseaétéentièrementisolée,l’arméeempêchaittoutpassagedeetverslaville,mêmepourserendredanslesvillagesenvironnants.Lapolitiqued’isolementaeudegravesconséquencessurl’économiepalestinienneainsiquesurlaviesocialeetfamilialedesPalestiniens.Pendantdelonguespériodes,elleaentravélesliensfamiliauxetcommerciauxainsiquelesrelationsentrelesPalestiniensquivivaientdansdifférentesrégions.

Enfin,

lestémoignagesdecettepartierévèlentqueleprincipedeséparationdanslesTerritoiresétablitunedistinctionentrelesJuifsisraéliensetlesPalestiniensquijouissentdelanationalitéisraélienne.Lessoldatsquiontservisurlescheckpointsracontentladifférenced’attitudeenverslescitoyensjuifsetpalestiniens,quisubissentcontinuellementdescontrôlesrigoureux.Parexemple,malgrélaloiquiinterditàtouslesIsraéliensdepénétrerenZoneA,lescitoyenspalestiniensd’Israëlsontgénéralementautorisésàyentrer,tandisquecettelois’appliquelaplupartdutempsauxJuifs.Inversement,certainescoloniesinterdisentexplicitementauxPalestiniensisraéliensdepénétrersurleurterritoire.Danscertainscas,l’arméeparticipeàcettepolitiqueetsembleconsidérercescoloniescommeexclusivementjuives,interdisantlaprésencedetoutPalestinien,qu'ilsoitounoncitoyenisraélien.

Les

témoignagesdecettepartiemontrentquelapolitiquede«séparation»accroîtlecontrôled’IsraëlsurlesPalestiniens,aidel’arméeàlesdéposséderdeleurterreetconduitàl’annexioneffectivedesTerritoiresainsiqu’àuneextensiondefaitdelasouverainetéisraélienne.

Depuis

2008,desdiscussionsonteulieuconcernantunallégementdesrestrictionssurlesmouvementsinternesdesPalestiniens,notammentparlasuppressiondecheckpoints.Cependant,cestémoignagesrévèlentquecetinfléchissementsurleterrainnetraduitpasunchangementdeparadigme.Cettepolitiquerestedéterminéeparlavolontéd’exerceruncontrôletotalsurlesdéplacementsdescivils.

45.Jenesavaispasqu’ilyavaitdesroutesréservéesauxJuifs

UNITÉ:ARTILLERIE[RÉSERVE]LIEU:VALLÉEDUJOURDAINANNÉE:2002

L'histoiredesroutesjuivesestuneexpérienceassezpénible.Iln’yapasdeplan,aucunepolitiquegénérale.Turoulessuruneroute,sansaucuneinstructionsur l’endroitoùétablir lecheckpoint.Enprincipe, lesPalestiniensn’ontpas ledroitd’empruntercetteroute.

Dequellerouteparlez-vous?Delarouted’Allon,unelongueroute.

Parallèleàlavallée,c’estça?Oui. Les Palestiniens n’ont pas le droit d’y rouler. Si tu vois un véhicule

palestinien,tudoisl'arrêter,vérifiersespapiers.Tuenvoiestouslesnumérosparradio,ilsvérifients’ilestrecherché.J’examinelerapport,onluiditqu’iln’apasle droit de rouler sur cette route, qu’il doit faire demi-tour, et il s’en va. Tut’arrêtesn’importeoùsurlaroute.C’estunesituationhypothétique–d’habitude,iln’yaqu’unejeepsurlaroute,maismettonsqu’ilyenaitdeux.Tuluidisdefairedemi-tour,puisuneautrejeepl’intercepte.

Çavousestdéjàarrivéqu’onvousdise:«Onm’aditdefairedemi-tour»?Jenemerappellepas,jen’étaisquechauffeur.Monrôleétaitderesterdans

lajeep.C’estpourçaquej’aiacceptéd’yaller,çafaisaitpartiedeladiscussionque j’avais eue avec le commandant de compagnie avant, il m’a dit que jeconduirais et que je ne devrais pas participer aux opérations. Je conduis et ilss’occupent du reste, ils mettent en place le checkpoint. Même s’il se passequelque chose, tu restes dans la jeep. Il y a aussi une équipe en VTT... Ilsfaisaienttoutessortesd’opérations,desembuscades...Lecommandantaditquejenedevraispasm’approcher,que jeneferaisqueconduire.Jenesaispasdequoiilsparlaient,jemedouteseulementqueçan’avaitpasunegrandelogique.Et puis il y avait aussi des checkpoints surprises. Tu choisis un endroit, uncarrefourouautre,tugareslajeepauborddelaroute,tumetsunpanneau«stop»etdespics,etlarouteestbloquée.

Ilsbloquentlarouted’Allon?À l’endroit où se tiennent les soldats. Ailleurs, elle est ouverte. Quand tu

arrives à cet endroit, tu attends. En général, l’attitude des troupes est trèsmauvaise : tu es là, un soldat de vingt ans, et tu vois des gens qui attendent,parfoismêmeuncheik,deshommesdesoixanteansquiattendent,bloqués.Jesuis en train de lire ce livre, Lords of the Land : The War over Israel’sSettlements in theOccupiedTerritories, c’est exactement ce qui se passe. Lesseigneursdelaterredisent:«Nelaissezpastraversercetype,faites-leattendrejusqu’à ce qu’on décide quoi faire. » Quand on va manger, ils ferment lecheckpointettoutlemondes’enva.

Combiendetempslecheckpointreste-t-ilenplace?Pourcommencer,ilsn’ontpasledroitd’emprunterlaroute,donconlemet

en place uniquement pour montrer que c’est nous qui commandons, quequelqu’un contrôle la route et qu’ils ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent.Etpuisnousétionsledeuxièmebataillonderéservedesuitesurplace.Voussavezcommentsontlesréservistes...engénéral,ilsregardentailleurs,ilsn’arrêtentpastouteslesvoitures.

Vousarrêtieztouteslesvoitures?Non.

Vousfaisiezcequevousvouliez?Oui.Enprincipe,onavait commeconsigned’agir commeonvoulait etde

marquer notre présence. Si tu vois une voiture, par exemple un taxi avec desfemmes, tu te dis : « Il n’y a pas de terroriste. » Si tu vois des jeunes, tu lesarrêtes.Silecommandantestmodéré,illeslaisserapasser,maiss’ils’ennuieetqu’iladesopinionsunpeuplusextrêmes,illesarrêtera.Jenecomprenaispaslalogiquederrièretoutça.

Combiendetempspassiez-vousdanslajeepetenpatrouille?Leserviceduraitleplussouventhuitheures.Jenemerappellepas.

Quelsétaientlesvraisordres?Vousaviezunbriefing,etensuite?Ilyavaitunbriefingavantvotredépart?

Il n’y apasdemissionparticulière. Il y adifférentshorairesdepatrouille.Lespatrouilles font le tourdescolonies– l’uned’elles était illégale, c’est sûr,parcequ’ilyavaittroiscaravanes,etlacoloniemère,quiétaitlégale,demandaitànossoldatsdeprotégerl’autre.Tutraverseslescolonies,tut’assuresquetout

va bien, tu te promènes, tu patrouilles tout le temps. L'idée, c’est que s’il sepassequelquechose,lajeepestdanslecoin,pasloin.

Qui vous a donné les règles pour le secteur ? Il y a un briefing avantchacunedevossorties?

C’étaitilyacinqans,maiss’ilyenavaitun,ilétaitsûrementminimal...Entoutcas,c’étaituncommandantdejeep,pasuncommandantdecompagniequipassaitenrevuelesordrespourouvrirlefeuencasd’incident.C’étaitpendantl’Intifada.Ilnousparlaitdesincidentsdanslesecteuroudanslesecteurvoisin,decequis’étaitpassélesjoursprécédents.

Quandvousêtesarrivés,ilétaitinterditauxPalestiniensd’empruntercetteroute?

Oui.

Iln’yavaitdesbarragesquesurlarouted’Allon?C’estlaseulerouteprincipalesurlaquellenousétions.

Ilsavaientledroitd’emprunterlesroutessecondaires?Ouais, c’est cequi justifie le truc.La raisonpour laquelle je vous ai écrit,

c’est le jour où ils nous ont annoncé qu’on allait surveiller un tracteur. Letracteuradéplacéuntasdeterrepourbloquerl’accèsdelarouteauxvillages.

Untracteurdel’armée?Non,untracteurcivil.Onl’asurveillé.

Justecommeça?Non.D’oùvenaitl'ordre?Jenesaispas.Ilyaeuconcertation,ons’occupait

de lapartiemilitairede l’opération.Toutbloquer.Mêmes’ilsn’avaientpas ledroit, les Palestiniens empruntaient la route. Quand tu roules, tu vois que lesdeuxcôtésdelaroutesontbloquésparunmonticuledeterre,personnenepeuttraverser.Tu te demandes : «Qu’est-ce qui se passe si quelqu’un a besoin depasser?»parcequelarouterelieRamallahàNaplouse.Ilsdisent:«Nevousinquiétez pas, il y a des routes secondaires, ils passent par les villages. » Ilsdoiventemprunter lesroutessecondairesetaulieudemettrevingtminutes, ilsmettentuneheure.

Quellesroutessecondaires?Lesroutessecondairesverslescolonies.

Donc lesPalestiniens ne pouvaient pas rouler sur ces routes ?Vous voussouvenezdequelvillageils’agissait?

Quand je suis rentré chezmoi aprèsmon service de réserve, il y a eu unarticled’AmiraHassdansHa’aretz intitulé«Maintenant,même l’eauest souscontrôle».Elledécrivaitexactementcommentilsbloquentl’accèsauxvillages.Jenesaispas tropsic’étaitnotresecteurouplusaunord,maisc’étaitdans lamêmezone.Elleécrivaitquelesciternesd’eaun’avaientpasledroitdepasser,ilsn’ontpasl’eaucourante,ilsleslaissentsanseau,euxetleurstroupeaux,leschèvresmeurentdesoif, lesgensaussisontendangeret leprixde l’eauaétémultipliépar cinq.Onavuuncolonqui travaillait dansunecarrière avecdesPalestiniens,voussavez,uncolondedroiteettout,quidisaitquequelquechosenetournaitpasrondici...Onnepeutpaspriverlesgensd’eauets’étonnerqueçavous revienneà la figurecommeunboomerang. Ilparlait ausside l’affairedesbarrages,ilracontaitqu’ilnesepassaitpasunjoursansquesestravailleursl’appellent pour lui dire qu’ils étaient bloqués quelque part sur la route, alorsqu'ilsavaientuneautorisation.Tousceuxquiviventoutravaillentlà-basdoiventavoiruneautorisationspéciale,détaillée.

L’autorisationestaccordéeenfonctiondesesantécédents,desontravailoudesondomicile?

Jenesaispas,maisildoitl’avoir.S’ilnel’apas,ilnesertàrien.Jevousaidit, très souvent ilsarrêtent lesgens sans raison,alors ilsn’arriventmêmepasjusqu’auxcheckpoints.

Lessoldatsnelescontrôlentpasavantdeleslaisserpasser?Rien.

Ilslesarrêtent,c’esttout?Riennebouge.Legarsattend,c’esttout.Ilpeutattendrelàunedemi-heure,

sansraison.

Combiendetempsadurévotreservicederéserviste?Unmois.

Patrouilles,embuscades,arrestations?Non,jen’aipasfaittoutça.C’esteuxquilefaisaient.Ilsavaientuneéquipe,

je ne sais pas ce qu’ils faisaient là-bas.Ce quim’a faitme sentirmal sur lescheckpoints,c’estlaroutequ’ilsn’avaientpasledroitd’emprunter.C’esttrivial,mais c’est terrible. Il y a un checkpoint juste pour un groupe spécifique.

Comment est-ceque tudécides ? Ilsont leursplaquesd’immatriculationet ilsdoivent s’arrêter, les gens avec des plaques d’immatriculation palestinienness’arrêtent.Ilyadeuxfiles–unepourlesvoituresquis’arrêtent,l’autreestvide,une fois de temps en temps une jeep ou un colon passe en trombe. Il saitparfaitementquelecheckpointn’estpaspourlui.Ilneralentitmêmepas,saufquandilarriveaucheckpoint,maisilcontournelesvoitures,ilagitelamainouildépasselesvoituresetpoursuitsaroute.Militairement,çan’apasdesensparcequ’unterroristepeutvolerunevoitureavecdesplaquesjaunes1etdire:«Àplus»,parcequ’onn’apas l'ordrede l’arrêter.Éthiquement, c’estdégoûtant, il faitchaudenaoûtetilyaunefiledevoituresarrêtéesenpleinsoleil...

Combiendetempsrestent-ilslà?Jusqu’àunedemi-heure.

Ensuiteilsdoiventfairedemi-tour?Non,ensuite ilsenont finiavec lecheckpoint. Iln’yaabsolumentaucune

logique – c’est ça l’idée, leur compliquer la vie pour qu’ils n’aient plus envied’emprunterlaroute:(a)lesretarder,leurfairequitterlaroute;(b)bloquerlaroute physiquement ; (c) créer ces checkpoints, ces talus de terre – mais entermesdelogiqueopérationnelle,clairement,çanesertàrien.Çan’arrêterapasles terroristes avec un QI supérieur à 40, ce n’est pas ça qui arrêtera lesterroristes–çasertjusteàgâcherlaviedescivils.

Sij’assistaisaupremierbriefingdesréservistes,qu’est-cequej’entendrais?Pour laplupartd’entrenous,c’était lepremierservicede réservedepuis le

débutdel’Intifada,alorslapremièrechoseàlaquelletupenses,c’estledanger,est-ce qu’ils vont poser des explosifs sur la route ? Pendant le briefing, lecommandantdebataillonaditqu’onn’avaitaucuneinquiétudeàavoir,queleshabitantsn’avaientpasledroitd’emprunterlarouteetqu’onneverraitpresqueaucunPalestinien.J’ai tiqué immédiatement,parceque jenesavaispasqu’ilyavaitdesroutesréservéesauxJuifs.Jeluiaidemandési[lesPalestiniens]étaientaucourant.«Oui, ils sontaucourant.Siquelqu’unne le saitpas... ilvoitunejeepdel’arméeetfaitdemi-tour,ilscomprennenttoutseuls.»

C’estvraimentcommeçaqueçamarchait?Oui. Si on s’arrêtait à un carrefour, bien sûr. Ou bien ils s’arrêtaient et

attendaient, lescamionsparexemplesecontentaientd'attendre,parcequ’ilyadescarrièreslà-bas.Pendantlebriefing,ilsnousontditd’arrêterlescamionsàcause des carrières. Les camions ne pouvaient pas faire demi-tour, alors ils

s’arrêtaientsurlaroute.C’estuneautrechosequej’évoquais,lapassivité.Tueslà pour montrer ta puissance. Les gens supportaient – c'était au plus fort del’Intifada.

JeviensderentrerdelavalléeduJourdain–lesgenssont trèspassifs là-bas aussi. Donc vous restez assis sur votre chaise, vous leur dites des’approcher et ils viennent, puis vous les arrêtez avant qu’ils ne s’approchenttrop?Personneneproteste?

Parfois.Si on était enplein après-midi et que la chaleur leur tapait sur lesnerfs,ilssemettaientàcrierenagitantleurautorisation,etilyavaittoujoursunsoldatpourdire:«Nevousapprochezpastrop...»

Ilyaeudesviolences?Non.Jesuissûrqu’ilsavaienttroppeur.Tusaiscequipeutsepasser,tues

endjellabadevantquatretypesarmés,tuconnaislalimite.Jevousdis,mêmelescris étaient rares.Quatre-vingt-dix pour cent du temps, les gens semontraientobéissants.Lescrisétaientvraimentrares.

46.LecheckpointdétruitdesviesUNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:RAMALLAHANNÉE:2002

LecheckpointdeQalandiyadétruit littéralementdesvies.C’est commeçaqu’onl’appelait,le«destructeurdevies»,moietunautreofficier.Desfamillesétaient entièrement brisées. Des villages voisins ont soudain vu cette barrièrepasser entre eux. Des pères, desmères, complètement séparés. La compagnieXXXdu932e bataillon (unbataillonde labrigadeNahal) était là, une sectiond’étudiants de la yeshiva2. Ces types sont malades, complètement fous, ilsdétestent lesArabes.Ilsn’ontpasdeDieu, ilsportentunekippamais ilsn’ontpas de Dieu quand ils sont dans l’armée. Des services de huit heures aucheckpoint. Il y a deux côtés sur le checkpoint, avec un sergent et uncommandantd’équipe.Pendantlajournée,ilyaunofficier;lanuit,unsergentet un commandant d’équipe. L’officier se tient d’un côté, il n’y a que lecommandantd’équipedel’autre.Ilyaaussidessoldatsetunautrecommandantd’équipequipatrouillentautourpours’assurerquepersonnenepasseendouce.Lazoneautourducheckpoint,c’était leFarWest.Ceque j’entendspar leFarWest?Poserdesgazlacrymogènes,despiègeslàoùlegrillageestcassé,oùilyadestrousparlesquelsonpeutpasser.Jeneparlepasdeterroristes,jeparledefemmesetd’enfantsquipassent tous les jours.Desgaminsquineveulentpasarriver en retard à l’école, des femmes qui ont rendez-vous chez le médecinpassentparcetrou.Siunebriquetraîneprèsdutrou,tumetsunecartouchedegaz lacrymogène sans goupille de sécurité, comme ça elle éclate dès quequelqu’unmarchedessus.Ontiraittoutletempsenl’air.Pasjusteenl’air,maisaussicequ’onappellelefeupréventif.Tuvisesunepierreprèsdelapersonneettutires.

Unmurdefeu.Un mur de feu. Exactement. On utilisait des balles en caoutchouc, des

grenadesincapacitantes,desgazlacrymogènes.LeFarWest,vraiment.Personnenesait,personnen’entendrien.Aucunesupervision.

Iln’yavaitaucunehiérarchie,pasdecommandantpourdonnerdesordres?Rien.

Chaquesoldatfaitcequ’ilveut?Ouais.C’estl’endroitpréférédesétudiantsdelayeshiva,ceFarWest,parce

qu’ilssaventqu’ilspeuventfairecequ’ilsveulent,tabasserlesgensautantqu'ilsveulent, se lâcher complètement. Je me rappelle de nombreuses fois où onretenaitlesgensjustecommeça,parcequequelqu’uncommençaitàpousseraucheckpoint ou essayait de le contourner.On lemenottait, on le faisait asseoirprèsdesplaquesdebéton,onlelaissaitséchertoutelajournée.Parprincipe:«Onneblaguepasaveclecheckpoint.»

C’étaitàl’appréciationdechaquesoldat?Cecheckpoint,c’estleFarWest.Toutlemondefaitcequ'ilveut.

47.LavilleesthermétiquementferméeUNITÉ:PARACHUTISTESLIEU:NAPLOUSEANNÉE:2003

CettehistoiredefugitifsàElonMoreh...ilyavaitdesfugitifs.Ilyavaitdesgenspartout,descheminsdeterre.

Desclandestins?Cenesontpasdesclandestinsparcequ’ilssontprèsdelazonefermée.Le

trucavecNaplouse,c’estquelavilleestassiégée.LatactiquedeTsahalconsisteà séparer Naplouse des villages environnants. C’est-à-dire qu’il n’y aabsolument aucun mouvement – aucun –, personne n’entre ni ne sort deNaplouse.Ilfautcomprendrecequeçasignifie:untypedeNaplouseentreseizeettrente-cinqansn’ajamaisquittélavillecesquatredernièresannées,mêmepaspourserendredanslevillaged’àcôté.Ilnepeutêtrequedanscetteville.C’estpourçaqu’ilyauneimportanteculturedelacontrebandelà-bas.Etlamajoritédes choses qui sont introduites dans la ville, parce qu’elle est hermétiquementfermée, passent par les checkpoints. Ceux qui veulent faire entrer des chosessans passer par les checkpoints, ce qui est plus rapide, construisent un tas dechemins de terre à proximité. Il y a une vallée entièrement retournée par leschemins,desmillions,touslesjoursc'estlejeuduchatetdelasouris.Tufermesunchemin,tuamènesunbulldozerpourlefermeretilsenrouvrentd’autres.SurcedéploiementàElonMoreh,ondevaitséparerNaplousedelavallée.IlyadescamionsquiarriventdelavalléeetquiveulententreràNaplouse,ilyadesgensqui veulent sortir de Naplouse, des gens qui veulent aller au travail, àl’université, ils s’enfuient, parfois à pied, et tu ne peux pas les en empêcherparcequ’iln’yapasdemurautourdeNaplouse.Ilyaunmilliondemoyensdesortir. Il y a une patrouille là-bas qui s’appelle la patrouille des fugitifs, ilspoursuivent les gens toute la journée, ils essaient d’arrêter les choses et c’estvraimentdrôleparcequetuarrêtesquelqu’un...

Quandilsattrapentunfugitif,qu’est-cequ’ilsfont?C’est ça : soit tu les arrêtes, soit tu leurdisde rentrer àNaplouse, et si tu

prendslemêmeplusieursfois,alorstupeuxl’emmeneraucampdeprisonnierstemporaire, le camp improvisé que la compagnie a installé, où on amenait les

prisonniersducheckpoint,etilsrestentlàmenottésunjouroudeux.Çaarrivaitaussi.Lemomentleplusdélicatpourlacompagnieenformationétait...Encoreune fois, la compagnie en formation suit généralement les pratiques admises,parce que la plupart du temps les commandants sont là avec les soldats et ilssuiventlecodeéthique.Maisleplusdélicat,c’étaitquandlesous-commandantdebataillonleurdonnaituneautorisationvague,unesortedesemi-autorisation,parexempledetirerdanslespneusd’unvéhicule.

Danslavalléeoùétaientlesfugitifsouengénéral?Danslavallée.Quandtupoursuisunevoiture,unefoisquetul’asattrapée,

tucrèves lespneus.C’étaitpermis,mais jen’aimaispasça. Ilyavaitd’autrescommandantsquin'aimaientpasçaettoutlemondenelefaisaitpas.

Lesous-commandantdebataillonvousordonnaitdéfaireça?Il adonnéune sorted'autorisationaucommandantdecompagnie.Aubout

d’environ deux semaines, ils ont dit que personne n’avait donné cetteautorisation,etilsontarrêtédelefaire.Maispendantdeuxsemaines,lessoldatss'ensontdonnéàcœurjoie.Ilstiraientdanslespneus,ilsprenaientuncouteaupourlacérerceuxdescamions...C’enestarrivéaupointd’arracherlesbougiesdesvoitures.Delaviolencecontrelesvoitures.Ilsontmislalimiteà:necassezpaslesvitres.Nevandalisezpaslavoiture,mettez-lasimplementhorsd’étatderouler.

Qu’est-cequilesafaitarrêter?Un ordre du commandant de bataillon. Le fait est que c’était illégal, cette

histoiredetirerdanslespneus.

Commentont-ilsgérélasituation,puisqu’ilsl’avaientfait?Ilsn’ontrienfait,onnegèrepasleschosesdansl’armée,onn’enparlepas,

onvasimplementdel’avant.C’étaitautorisé,maintenantçanel’estplus,pointfinal. C’est comme ça que ça fonctionne dans l’armée, comme à chaque foisqu’ilyalamoindreinfraction,quelqu’unfermelesyeux,lesexploitscommelesinfractions éthiques, quelqu’un fait quelque chose, c’est étouffé, c’est fini. Çan’est jamais arrivé, oublie. Ils font comme si de rien n’était. Que quelquespersonnes aient mitraillé toute une voiture, l’aient criblée de balles et l’aientdétruite, tout lemonde s’en fiche.Ce sont juste des choses qui arrivent.C’estarrivédanslavallée.L’endroitaveclesfugitifsétaittrèsdélicat,tujouesauchatetàlasouristouslesjours,c’estépuisant,tutesensstupide.Tucoursaprèsdesinnocents. Ils veulent juste travailler.Tu supportes ça, et c’est lamerde.C’est

tout. C’était vraiment une période dure, 8/8 pendant troismois entre les deuxcheckpoints et la vallée, à bouffer de la poussière, à vivre dans le VTT. Unendroit dégoûtant. C’est comme un désert. C’était tout. Après ça, j’étais fini.J’enavaismarre,aveccettepériodedecinqmois,ilsm’ontvraimentcassé,8/8.Alors j’aidécidéde rejoindre lacompagnieauxiliairepourêtre justeunsoldatnormal.Çanemeparaissaitpasjusted’êtrecommandantdanscettesituation.

48.Sicen’estpasunghetto,qu’est-cequec’est?UNITÉ:PARACHUTISTESLIEU:QALQILYAANNÉE:2004

En tant qu’officier instructeur, je faisais le tour du quartier généralstratégiqueaveclecommandantdebataillon.Enfait,c’étaittrèsintéressant.Lecommandant de bataillon posait plein de questions, il parlait avec les gens.C’était la première fois – pour lui aussi, je pense, mais pour moi c’était lapremière–que jem’occupaisduMurde séparation.Onsebaladait en jeep lanuitpourapprendreàconnaîtrelesecteur,ilposaitdesquestions,ilvoyaitqu’ily avait vraimentdesvillageoisquinepouvaientpas traverser alorsquec’étaitleurgagne-pain.Ils’arrêtait,ilvoyaitunefamilledanssonjardin.«Dites-moi,commentvousrendez-vousàtelettelendroit?»Etilsdisaient:«Onnepeutpasyaller.»«Commentça,vousnepouvezpasyaller ?De touteévidence,vousavezbesoind’yaller,alorscommentfaites-vous?»«Non,onnepeutpas.» Il parlait beaucoup aux habitants. Parfois, on leur fermait la route, la voieprincipaleduvillage.Justecommeça,coupéeparlemur.

Commentavez-vousréagi?Dans ce cas-là, ce n’est pas tant l’armée, c’est la politique, c’est la réalité

concrètedumur.Encoreunefois, tuvoisàquelpointc’esthorrible.SurtoutàQalqilya – les alentours de Qalqilya sont fermés de tous les côtés et il n’y aqu’unportail.Entouréparunmurouuneclôture.Onpeutdirecequ’onveut,sicen’estpasunghetto,qu’est-cequec’est?C’estfermé.Ilyauneporte,peut-être plus. Quand j’étais là-bas, ils ont décidé – j’imagine qu’il s’est passéquelquechose–,ilsontdécidé:plusdeportes,ellesdevaientêtrefermées.Iln’yaqu’uneseuleportepourquelesgensentrentetsortentdelaville,àQalqilya.OK,cen’estpasNaplouse,maisçaresteunegrandeville.L’unedespluspetites,maisçaresteuneville,avecbeaucoupdegens.

49.LecommandantaditdebloquerlarouteUNITÉ:CORPSDUGÉNIELIEU:GÉNÉRALANNÉE:2002

Quidonnel’ordredefermeruneroute?Çapouvaitêtrelesergentleplusbasplacé.Ilt’emmène...quelquesfois,tu

peux justey aller, ils t’emmènent lematin, tu fais le tourde toutes les routes.Toutestouvert...

Partoutoùilyauneroutefermée,ilyaunmonticuledeterre.C’estcequevousfaites,plusoumoins?Vouscréezunmonticuledeterre?

Unmonticuledeterre.S’ilyadespierresàproximité,alorsdespierres.Sic’estuneépavedevoiture,tuprendslavoiture.

Çavousarrived’ouvrirunezonefermée?Ouais,d’habitudeavantquel’arméenepasse,ensuitetuvaslàoùl’endroit

estferméavecdesblocsdebéton.Ilssontassezfacilesàdéplacer.

Lesblocsdebétonsontplusfacilesàdéplacer?Oui.C’estfacilepournous.Unefoisj’aidétruit...àcaused’uneerreurdans

lesordres...unefoisj’aidétruituncheckpointdeTsahalenblocsdebéton.C’estsimple. J’ai juste poussé aumoins vingt blocs de béton avec le bulldozer – jen’airiensenti.Jemecontentaisd’avancer.

C’est l’officier de police des frontières qui donne l’ordre de monter unbarrage?

Oui.

Ilvousditvraiment:«Bloquezcetteroute,elleperturbemoncheckpoint»?Ouais, il dirait quelque chose dans ce genre,mais il reçoit l’ordre de plus

haut.C’estluiquimeleditsimplementparcequ’ilfaitpartiedel’unitédegarde.Cettefois-là,ilyavaitunsous-offquitravaillaitavecmoi,c’étaitsoitunofficiersoit un sous-off assez expérimenté qui travaillait dans la région. Il appréciaitvraimentlasituation.Aprèslepremierbarrageaveclebulldozer,ilmontaitsurlapelleetfaisaitlarouteavecmoi,cequiestcenséêtreinterdit.

Qu’est-cequevousvoulezdire?Vousvoulezdirepourquoi?

Oui.Justeparcequ’ilaimaitça.

Quoi?Montersurlapelle?Pendantquevousdéplaciezlestasdeterre?Non,non.Quand j’allaisd’unbarrageàunautre, ilmontait sur lapelleau

lieudeprendresaproprejeep.

50.UneroutestérileUNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:HÉBRONANNÉE:2005

C’est quelque chose dont jeme souviens bien.ÀHébron...On était à TelRumeida,onétaitdegarde.Voussavezcommentc’est,ilyaTelRumeida,reliéàMitkanimetautombeaudesPatriarches,toutecetterouteeststérile.

Commentça,«stérile»?Super, « Comment ça, “stérile" ? » Vous voyez l’injustice ? « Stérile »

signifie que tous lesmagasins sur cette rue, qui étaient ouverts, presque tous,saufpeut-êtreunoudeux,sontfermésmaintenant.Dixmagasins,fermés,toutlelongdelaroute.Çaveutdirequetouteslesmaisonslà-bas,quelqu'unyhabitait,oun’yhabiteplus,ouellessontbloquées,doncilsnepeuventplusyvivre.LesPalestiniensnepeuventpasempruntercetterue.Oujustecertainsd’entreeux.Ilyenaquelques-unsquiontunpermisdetravail,maisilsnetravaillentpasdansles magasins, parce qu’ils sont fermés. Il reste un magasin ouvert. Seulesquelques personnes ont l’autorisation, c'est très précis. En gros c’est uneinjustice atroce, tu vois que c’est fermé, juste pour qu’il puisse y avoir desendroits[juifs],commelayeshivaBetRomano,etàcôtéilyauneautremaison,jenemerappellepas,unemaison.

Hadassah.Peut-être.TelRumeida,quelleinjustice!Vousvoyez,ilsl'ontjustefermée.

IlyaaussidesquartiersderrièreBetRomano,ilyenaun,unesortedecour,oùunPalestiniens’estfaitexploser.PrèsdelaplaceGross.

AvrahamAvinu.AvrahamAvinu.Làaussi–jedevaismonterlagardelà-bas–, làaussi, les

maisons sont genre entassées les unes sur les autres, parce que c’est fou àHébron, c’est comme la casbah, les maisons sont entassées, il y a eu unepatrouilleoùonsautait justede toiten toit.Onafait lapatrouillesur les toits,pasdanslarue,parcequec'étaitcommeunvraichemin.Alorsilsontfermétousles magasins palestiniens en dessous pour qu’ils ne puissent pas placerd’explosifs ou sortir par là. OK, ça a du sens, c’est entièrement normal de

vouloir bien surveiller – ça a du sens. Tuer quand il y a un danger clair etimmédiat. Le problème, c’est que tu commences à te demander s’ils ontvraiment besoin d’être là, vraiment ? Et tu vois, tu vois la pauvreté, lescheckpointsetlalutteacharnéedetouteunevilleoudetoutunquartierrienquepour vivre, tout ça à cause de quelques centaines de [colons]. Tu le voisclairement.C’étaitaussi...tuvoisl’incroyabledisparitésociale,larichesseàcôtédelapauvreté,tuvoisunehaineterrible.

51.Hébron,uneclaquecuisanteUNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:HÉBRONANNÉE:2004

...JusteavantHébron,onétaitàGaza,ilyaeuuneopérationoùunsoldatdubataillonaététué,ettuasvraimentl’impressiond’avoirétélàparcequec’estlegenredesituationoùtuasbesoind’êtreunsoldat.Hébronétait l’exactopposéde ça, une claque cuisante. Tu es là pour défendre un certain statut. L’un destrucslesplusfrustrantsàHébron,c’estquelescolonss’enfichent,ilsonttoutcequ’ilsveulent,mêmes’ilsnesontqu’àunmètredetoi.Lapremièresemaine,onétait nombreux, il y a une route, la route de Tnuva, qui mène du quartierd’AvrahamAvinuauTombeau.C’étaitenpleinepériodede...jenemerappellepas si c’était une fête juive, il y avait une fête, juiveoumusulmane, jenemerappellepas.Jecroisquec’étaitpendantunefêtemusulmane.Doncilsontmisenplacedesséparationsaumilieudelaroute,lesPalestinienstraversaientd’uncôté et les Juifs de l’autre. Bon, le nombre de Palestiniens qui traversaient larouteétaitnettement–pasjustedeuxoutroisfoisplus,maisdixfoisplusquelenombredeJuifsquitraversaient.Jeparledecentaines,touslesmatins,àchaqueprière.Et ilsallaientde leurcôté.Saufune, ilyaeuunefemmepalestiniennequi l’a fait exprès et tous ses amis se sontmis à lui crier dessus. Jeme suisapprochéetjeluiaidit:«Madame,sivoustraversez...»J’avaismonarme.Àunmoment,elles’esttueetelleafaitdemi-tour.

Quiluiacriédessus,desPalestiniens?Ilsontdit : «Oui,oui, arrête, arrête, reviens.» Ilsnevoulaientpasquelle

créedeproblèmes.Lemêmejour,ilyaunefamilledegenredixouquinzeJuifsqui marche sur la route, tranquille. Je vais les voir et je dis : « Écoutez,monsieur,ilyauneraisonsionaséparélaroute,c’estjustetemporaire,jevousdemanded’attendre.»Ilm’arépondu:«Pourquiest-cequevousvousprenez?»

C’estcommeçaqu’ilvousaparlé?Ouais. «Pour qui est-ce que vous vous prenez ?C’estma route, c’estma

ville.Je faisceque jeveux.»J’aidit :«Jevousenprie, jesuis làpourvousprotéger,sivousn’yvoyezpasd’inconvénient.»«Non,jeferaicequejeveux.

Vous leur cédez, vous êtes trop tendres avec eux, vous n’êtes pas assez durs,vousn'êtespasassezrien.»C’estcommesi,àpartirdecemoment,je...Ilyaeuunmoment où je me suis dit que je me coupais d’eux, comme cette histoired’accepterleurcaféoudenepasaccepterleurcafé.Jemesuisdit:«Jeneveuxpasqu’ils sesentent légitimesparceque jesuis là,ouqu’ils soientcontents.»Depuiscemoment-là,j’aiétéàcouteauxtirésaveclescolons,jusqu’àlafindemonservice.Jerefusais toutcequ’ilsvoulaientmedonner, leuraide.Jedisaisquejen’envoulaispas.Ilsm’agaçaient.Ilyaeuplusieursexemples.Celui-làetune situation où un père palestinien... encore une fois, tout se passe du côtépalestiniendelaroute...ilmarchaitavecsonfilsàcôtédeluietquatreenfantsde colons sont arrivés. Ils ont pris une pierre, l’ont jetée sur le garçonpalestinien.Jeleurcriedessus,lepèrearriveetdit:«Là,vousvoyez,onnefaitrien.»Ila l’air frustré.«Regardezcequ’ilsnousfont.»Moi, jenepeuxrienfaired’autrequebaisser la têtedehonte, jenepeuxrienfaire.Parcequejenepeux pas lever le petit doigt contre les enfants des colons. Je ne peux pas lesmenaceravecmonarme.Silasituationavaitétéinversée,jenesaispascequiseseraitpassé.

Quesepasserait-il?Si un garçon arabe avait lancé une pierre sur un garçon juif, on aurait

probablement dû le menotter, lui bander les yeux et l’envoyer quelque part,suivrelesordres.

Cesontlesordres?Çafaitpartiedesrèglesd’engagement,situationsetréponses.

Laprocédured’arrestationdessuspects?C'estça, laprocédurepourarrêterunsuspect.Siungaminjetteunepierre.

Sansparler...siungaminpalestinienfaisait,s’ilcommençaitànepasm’obéir,commeleJuifquim’adit«Pourquiest-cequevousvousprenez?»ettout,jedevrais commencerà tirer en l’air,puisvers sespieds, toutes sortesdechosescommeça.IlyaeudesincidentsdecegenreàHébron,untas.Lacompagniequi nous a relevés nous a raconté. Il y avait un gamin fou, pas fou, un peuattardé, il ne comprenait pas cequ'ils lui criaient.À la fin, il a reçuuneballedanslajambe.C’étaitle931ebataillondeNahal.

52.Lesmanifestantssefaisaientfrapper,lesofficiersouvraientdesgrainesdetournesol

UNITÉ:CORPSBLINDÉLIEU:RÉGIONDERAMALLAHANNÉE:2007

PendantmondeuxièmedéploiementdanslesTerritoires,j’étaisàMakabim,toutletempsavecl’état-majordepremièreligne.

Lequel?L’officierdesrenseignementsopérationnels.Tunevaspassurlecheckpoint

à moins qu’il se passe quelque chose. Tu vas à Bil’in tous les vendredis. Jen’oublieraijamais.JesuisalléàBil’in,onestallésaumur,j'étaistoutexcité,del’action,desmanifestants.Quandtuesdansl’armée,toutcequit’intéresse,c’estl’action.C’étaientmespremiersjours,j’allaisbien.Onvoitlaclôtureàdroiteetles plantations d’oliviers. À gauche, je vois des plantations d’oliviers, il y aquelquechosequinetournepasrond.Commentlesgenstraversent-ils?Alorsjedemandeàmoncommandant,complètementnaïf,jepensequ’entantquemajordansl’arméeisraélienne,ildoitsavoir:«Commentilsfontpourtraverser?»«Ils obtiennent des autorisations spéciales, ils doivent passer par la porte. » «Quandilsveulent?»«Non, ilyadeshoraires.»«Etpourquoiest-ceque laclôturenepassepasautourdesoliviers?»«Pourquoituposesdesquestions?Viens,ilyaunemanifestation.»C’étaientlesréponseshabituelles.Engros,ontedit:«Neréfléchispas.»

Ilyadesordres.Oui. Soit c’est : «Tu vas juste t’attirer des ennuis » ou «Regarde le bon

côté, c’est pour la bonne cause. » On est arrivés à Bil’in. Il y avait unemanifestationdevantlaclôture,alorsonestalléslaprotéger.Onlesavertit:«Sivousvousapprocheztrop,onemploieralaforce.»Ilss’approchentunpeu.Ilspoussent,despierres..,descoupsdepoing,desgazlacrymogènes,desballesencaoutchouc.C’estgraduel.Jemetiensau-dessusdelamanifestation,au-dessusdes gars de la police des frontières. Mon commandant se tient avec lecommandant de la police et un autre officier, je ne sais pas d’où il sortait, unlieutenant-colonel, ils rigolentetpendantce tempsdesgensse font frapper. Jelesvoisdederrière.Essayezd’imaginer:jevoismesofficiersquimetournentle

dos, ils rigolent, ils sont pliés en deux et en dessous je vois la police desfrontièresquifrappedesgens,desgarsqu’onétouffe,unquisaigne.Etjemedis: « C’est exactement comme dans les livres que j’ai lus. » OK, il y a unedifférence.Jenevoudraispasquevousrapportiezcespropos,maisc’estcequej’airessenti.Çam’estvenuà l’esprit,cen’estpasmafaute,c’estcequim’estvenuàl’esprit.Jemesensmal.

Onn’estpasobligésdelerapporter.Àchaquefoisquedesgenssefonttirerdessus,j’aicetteimagedanslatête,

jedoisl’avoirvuedansunfilm,desnazisquitirentsurdesJuifsdansunefosseet des officiers qui se tiennent sur le côté en rigolant. Ce n’est pas la mêmechose,çan’aaucunrapport,maisdesgenssefontfrapper,ilyadusangetilsrigolent, ils ouvrent des graines de tournesol et je dis : «Vous êtes tellementhorribles. » Je les regarde et ils disent : « Regarde le coup qu’il vient de seprendre,celui-là!»...

Qu’est-ce qui se passe en bas ? Est-ce que la manifestation a commencépacifiquement?

Oui,ilsarriventavecdesbanderoles,lapolicedit:«Sivousvousapprocheztrop, nous emploierons la force, c’est une zone militaire fermée. » Ilss’approchentetlapolicelesrepousse.

Qu’est-cequiadéclenchélafusillade?Dèsqu’ilyadespierres,onaledroitdetirerdesballesencaoutchoucsur

lesmeneurs.

Vousaveztiréaussi?Non. Ilsm’ont toujoursdemandési jevoulais tirer.Mais jedisais :«Pour

quoifaire?Ilyatouslesautres.»

Lapolicedesfrontières?Lapolicedesfrontières,lecorpsblindé,lecorpsd’artillerie,ilsalternent.

Quelleestlapremièreréponse?D’abord, ils les poussent, il y a des matraques, en tout cas il y en avait.

Aujourd’hui,c’estbeaucoupdegazlacrymogèneetdesgrenadesincapacitantes,parfoisdesballes encaoutchouc...Maintenant ilsne traversentplus la clôture,maisavantilslefaisaient.Maintenantilsrestentdel’autrecôtédugrillage.

Doncd'abordilyadelaviolencephysique,des[combatsau]corpsàcorps,descoupsdematraqueetensuite,quelleestlapremièrephasedetirs?

D’abord les matraques, ensuite les grenades incapacitantes et le gazlacrymogèneenmêmetemps.

Vousavezvudesbombeslacrymogènestiréesparunengin?Oui.J’aiunevidéoici,quej’aitournéependantquej'étaisaveclessoldats.

Onnevoitpastrèsbien.

Vousvousrappelezlesordresqu’onvousadonnésentantquesoldat?Oui,àlaradio.Lerisqueestlerisque,qu’est-cequipeutsepasserquandon

lancedespierres?Laisseztomber,pasimportant.Ungamindequinzeansareçuuneballeencaoutchoucdanslajambe...

Vous recevez des instructions à la radio pour faire autre chose aussi, parexemplequandetcommenttirer?

Oui.

Quelgenred’instructions?Ilyadesguetteursquiobserventsurleursécrans,quidisentàlaradio:«Ily

a un type derrière l’arbre, à gauche », et ensuite ils lui tirent dessus avec desballesencaoutchouc.

Qu’est-cequisepassequandçavaplusloinquelecaoutchouc?Jen’aipasvuça,là-baslesordresétaientclairementdenepas...

Touslesactivistesavecdescaméras.Onnousaditd’éviterdenousfairefilmer.Jemerappellequ’unjournaliste

asiatique a été arrêté et mon commandant lui a crié dessus, j’ai eu vraimenthonte.Un journaliste...Moncommandant l’a terrifié, j’étaischoqué.C’est toutcequ’ilyavait,dessoldatsquihurlaientàdesgauchistes:«Àcausedevous,jesuiscoincéiciunvendrediaulieuderentrerchezmoi.»

Quelsétaientlesordrespourleslance-bombeslacrymogènesetlesgrenadesincapacitantes?

J’entendais les ordres tous les vendredis. C’était de ne pas tirer sansconfirmation,niballesencaoutchoucnigazlacrymogène,puislaconfirmationvenaittoutaudébutettupouvaistirerlibrement.

Doncilyauneconfirmationinitialequivousautoriseàouvrirlefeu?Unefois,touslessoldatsducorpsblindéétaientalignésetlecommandanta

ditauxgarsquilançaientdesgrenadesincapacitantesdelefairetousenmêmetemps. Il y a eu une explosion hallucinante et puis les gaz lacrymogènes ontcommencé.D’habitude,c’estciblé,maisvoussavez,quandquatresoldatstirentenmême temps, le commandantnepeutpasdire à chacunoùviser, alorsquenormalement,l’idée,c'estqu’illefait.

Enthéorie,vousdevezouvrirlefeuàuncertainangle?Ilsprennent soindedire çaaussi.Les règles sontbien.Leproblème, c’est

quandquelqu'untiredroitdevantlui...

Vousavezvuça?Oui.

Quelleaétélaréaction?Personnen’a remarquéet iln’a touchépersonne.Jenesaispass’il l’a fait

exprès, çan’arrêtaitpas. Iln’apasvisé,mais il a tiré.Une fois,quand je suisrevenu avec la police des frontières, l’un d’entre eux a dit : « J’ai failli tuerquelqu’un là-bas », et quelqu’un a répondu : « Mec, déconne pas... » Etquelqu’un a ri. Personne ne prend au sérieux le fait que quelqu’un ait faillimourir.Lecommandantadit:«Mec,déconnepas.»Cesontdebonspolicierspar rapport à ce que j’ai vu.À lamanifestation deBil’in, j’ai compris à quelpointc’étaitgratuit,j’aivuquec’estuneappropriationdesterres.Aprèsça,j’airegardéunfilmsurBil’inetj’aivumoncommandantdedans.

Vousl’avezvualorsquevousétiezsoldat?Oui.J'aicommencéàparlerauxgens,unefoisonétaitenpatrouillependant

lasemaine,ilyavaitdestypesdanslesplantationsd’oliviers,jeleuraiparléetonm’aditdenepaslefaire.Detempsàautre,moncommandantessayaitdelesaider,maislesconsignesétaientclaires.

53.Ilsfermaientlesmagasinscommepunitioncollective

UNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:RÉGIONDERAMALLAHANNÉE:2008-2009

Couper le grillage, jeter des pierres, etc., ça n’arrêtait pas, tous les jours.C’étaitlaprincipaleactivité,iln’yavaitpasd’actionsterroristeshostiles.C’estimportantdedirequec’étaientdeshommesjeunesquifaisaientça,vingtansetplus.Detempsàautre,ilyavaitdesmanifestationsplussérieuses,maisd’aprèsmes souvenirs il n’y avait pas d’armes, c’étaient des lance-pierres, des trucscommeça.IlyavaitdestypesquiallaientàNi’linlevendredi.

Qu’est-cequ’ilsfaisaientlà-bas?Àcetteépoque,j'étaisunpeudanslasalledecommandement,onavaitdeux

véhiculesdepatrouilleaugrillageouplusloin,etunpeudanslesvillages.

Comment est-ce que ça se passait avec le grillage ? C’était interdit des’approcheràmoinsd’unecertainedistance?

Ouais, ilyavaitunedistanceoùs’ils s’approchaientplus,c’étaitconsidérécommesuspect,lesguetteursidentifiaientlesgamins,àuneheureprécise,aprèslafindel’écoleoulanuitquandilscoupaientlegrillage.Çasepassaittouslesjours.

Qu’est-ce que vous faites ? Mettons que le guetteur voit des garçons quis’approchent.

Onmontre qu’on est là pour qu’ils s’éloignent, on essaie de faire en sortequ’ils nous voient, et s’ils s’approchent ou qu’ils commencent à couper [legrillage] ou à jeter des pierres, alors ça se dégrade. Je neme rappelle pas lesordrespourouvrirlefeu,maisçan’incluaitpaslesballesréelles.Lepire,c’étaitleRuger3.Souventonentraitdanslesvillagespourlesrepousserjusquelà-bas.Parfoisonutilisaitdesgazlacrymogènes.

Danslevillage?Oui.Jepensequ’onn’apresquejamaisutiliséleRuger.Peut-êtrequandon

était du côté israélien de la clôture, on tirait vers le village, où c’était plus

dégagé,maisdesgrenades incapacitantes,desgaz lacrymogènes,desballesencaoutchouc,danscetordre-là.

Il y avait des ordres sur la manière d’utiliser le gaz et les balles encaoutchouc?

Ilnousfallaitl’autorisationdel’officier,voiredel’officierdelacompagnie.Les grenades incapacitantes et le gaz lacrymogène, avec la permission del’officiersurleterrain,sijenemetrompepas,parcequec’étaitimmédiat...lesballesencaoutchouc,c’étaitavecl’autorisationducommandantdecompagnieetpeut-être à un moment avec celle du commandant de bataillon, parce qu’il yavaitailleursdesincidentsanormauxavecdesballesencaoutchouc.Etdestirsauxjambes.

Ilyaeudescasoùdesgensontétéblessés?Jepense.Iln’yapaseudeblessuresaveclegazlacrymogène,mais...avec

lesballesencaoutchouc,si,ilstouchaientlesgens.

Vousparlezdegensà laclôtureoudemanifestationsdans levillageouàl’entréeduvillage?

Danslevillageouàquarantemètresdugrillage,oulesdeux.

Etquandilsdispersentlamanifestationàl’intérieurduvillage?Jen’yétaispas,alorsjeneveuxriendire.Jen’étaispresquejamaissurles

perturbations.C’étaitunepériodebizarre,jen’étaispresquejamaisprésentpourcesévénements.

QuedisaientlesgarsquirevenaientdeNi’lin?Que c’est le chaos complet, plein de gaz lacrymogènes, des grenades

incapacitantes, à unmoment il y a eu des Ruger. Pendant un petitmoment àNi’lin, il y a eu des gars qui tiraient avec desRuger, ils plaçaient des snipersdans la zone et ils devaient tirer dans les genouxou endessous.Mais onm’aracontéça,jen’yétaispas.Çan’arrivaitpastouslesvendredis.

Ilyavaitdesportespourlesagriculteurslelongdugrillage?Jecroisqueoui.Jecroisqu’onestarrivéslà-basaprèslarécoltedesolives,

alorsiln’yavaitpasbeaucoupd’accrochages.

Il n’y avait pas de soldats postés de votre côté du grillage pour ouvrir etfermerlaporte?

Non.Maisilyadeuxcolonieslà-bas,jenemesouvienspascommentelless’appellent, la route était utilisée par desArabes et des Juifs, les voitures desJuifs se faisaient caillasser, la route traverse les villages, elle sert auxPalestiniensetauxIsraéliens,ilyaeuuntasd’incidents,dejetsdepierres.

Vousrépliquiez?Onallaitvoirpourvérifier,desfoisilyavaitdeséclaireurs.C’estimpossible

detrouverungarçonquiajetéunepierreàdeuxheuresdumatin.Pendantnotreservice là-bas, il y a eudespériodesoù ils fermaient la routeou lesmagasinscommepunitioncollective.

Dansquelsvillages?Qibya,Budrus,danscettezone,jenemerappellepas.Pasnécessairementlà-

bas,maisdanslazone.

Combiendemagasinsétaientfermés?Çavariait.

Ensuiteilsrouvraient?Aprèsquelquesheuresouquelquesjours.

54.«VouscroyezvraimentquejevaisattendrederrièreunArabe?»

UNITÉ:BRIGADED’INFANTERIEKFIRLIEU:TULKAREMANNÉE:2008

Il y avait un checkpoint divisé en trois files. À Sha’ar Efraim. Il y a unecolonie, un checkpoint, puis le territoire israélien.Aumilieu, il y a un villagepalestinien,alorsilsontjusteséparélecheckpointentroisfiles.Troisfiles,etlecommandant de brigade a ordonné que les Juifs ne devaient attendre que dixminutes.Pourcetteraison,ondevaitavoirunefilespécialepoureux,ettouslesautres, lesPalestinienset les Israéliensarabes,devaient attendredans lesdeuxautres files. Jeme rappelleque lescolonsarrivaient, contournaient lesArabes,ils le faisaient naturellement. Je me suis approché d’un colon et j’ai dit : «Pourquoiest-cequevouscontournez,ilyaunefileici,monsieur.»Ilarépondu: « Vous croyez vraiment que je vais attendre derrière un Arabe ?» Il acommencéàhausserleton.«Vousallezentendreparlerdevotrecommandantdebrigade. » J’ai dit : «C’est un citoyen israélien commevous, vous avez lemêmepasseport,iln’yapasderaisonquevous...»

55.J’aihontedecequej’aifaitlà-basUNITÉ : CORPS DU GÉNIE DE COMBAT – NUCLÉAIRE,

BIOLOGIQUE,CHIMIQUELIEU:ELKANAANNÉE:2005

Quand j’étais commandante de la compagnie en formation et qu’on acommencé les opérations, on était à un checkpoint, je neme rappelle pas sonnom.

Où?C’étaitàElkana,àlaclôturequiséparelesmaisonsjuivesetpalestiniennes,

il reste unemaison palestinienne du côté juif – ils ont fait une erreur avec legrillagelà-bas,c’estpourçaqu’ilyalecheckpoint.Toutleuraccèsétait...Ilyavaitdes famillesde l’autrecôtédonc ilsdevaient traverser là,alors l’arméeamisenplaceuncheckpoint.Ilyavaitdesrèglessurquipouvaitpasser,jenemerappelle pas exactement, ils n’ont pas le droit de passer s’ils n’ont pas cedocument ou cette autorisation, un permis de travail. Il y avait quelqu’un quirevenaitdel’autrecôté,etilfaisaitsemblantdenepascomprendrepourquoiilnepouvaitpasentrer.Ilavaitunsacàlamain,ildemandaitpourquoi,pourquoi,maisilsavaittrèsbienpourquoi.Auboutdedeuxheures,ilestrevenuendisantqu’il était le jumeau de l’autre type, je ne me rappelle pas s’il avait uneautorisation,jenecroispas.Ilnousagaçaitvraiment...Jen’aimepasenparler...Ilnousénervaitvraiment,onadécidédelepunir,alorsonl’amisdansuncoinavec ses sacs et tout, on lui a bandé les yeux, on l’amenotté et il est resté làquatre ou cinq heures. Juste comme ça, genre, c’est quelque chose dont j’aihonte.J’aihonte.Jenesaispas...

Pourquoi?Parce que c’est,monDieu, unmonde complètement différent là-bas, avec

des règles complètement différentes. Dans ce monde-ci, cette histoire estinacceptable,en toutcaspourmoi...Là-bas,c’est tellementnaturel.Les règlessonttellementdifférentes.Personnenecomprendçaàmoinsd’avoirétélà-bas.Sijeraconteçaàunedemescopines...c’estunepetitehistoireparmibeaucoupd’histoires choquantes, c’est le petit truc qui me met mal à l'aise. Si je leracontaisàuneamiequin’estpasalléeàl’arméeetdontl’idéologieest...jene

saispascommentelleréagirait.

Vousenavezparléàquelqu’un?Non.

Vousaviezhontesurlemoment?Non.

Combiendepersonnesyavait-il?Trois.

Qu’est-cequ’ellesenontpenséensuite?Ouaujourd’hui?Jeneleurparleplusaujourd’hui.

Maisvousleurenavezparléaprès,poursavoirsic’étaitnormalounon?Quepeut-êtreilméritaitmieux?

Je me rappelle qu’à un moment un de mes soldats a dit qu’il allait luiapporterdel’eauouqu’ilallaitlerelâcher.Oui,ilssesentaientunpeu...Maisonneparlaitpasvraimentdechosescommeça,cequiarrive...arrive.

Quandavez-vouscommencéàpenseràl’incident?Quandj’aiétédémobilisée,seulementaprès,unmomentaprès.

Commentest-cerevenu?D’uncoup,uneimage.Cetteimagepuissantequej’aiàchaquefoisqueles

gensparlentdecequ’ilsontfaitàl’armée.J’aivuundocumentairesurChannel8àproposdesfemmessoldats.Untasd’imagessontremontéespendantcefilm.Desimagesauxquellesjenepensaisjamais.

Ilyaeud’autresincidentscommecelui-là?Similaires?Oui,plein.

Vousnevousrappelezpas?J’ai des images dans la tête, mais je ne me rappelle pas les détails. J’ai

vraimentrefoulécettepériode.Cen’estpascommesij’avaissouffertlà-basousi j'étais traumatisée, mais j’ai quitté l’armée et j’ai commencé une viecomplètementdifférente. Jevousdis, leschoses lesplusbanales, jene sauraisplus les décrire précisément. Je sais de quoi vous parlez, mais il faut me lerappeler,

56.TunesaispascequetufaislàUNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:HÉBRONANNÉE:2004-2006

ÀHébron,quellesroutessontstériles?La route de David. C’est une route stérile. Dans notre zone, David est la

seulestérile,jecrois.

Etlemarchédegros?Aussi.Maisjecroisquec’estlaroutedeTnuva,non?

LemarchédegrosestàAvrahamAvinu.DanscecasOK,çaaussi,complètementstérile.

Laportelà-bas?Complètementstérile.

Ilyaeudesproblèmesaumarchédegros?Ilyaeudesintrusionset,unefois,deuxfillesontmislefeuàquelquechose.

Commentça,des«intrusions»?Ilsontessayéd’entreravecdesbarresdefer.Aprèstout,toutestabandonné

là-bas. Une fois, je me rappelle que ces deux filles ont mis le feu à quelquechose,jenemerappellepasquoiexactement.Jemesuisdit:«Deuxfilles,c'estquoicesconneries?Qu’est-cequ’ellesveulent?»Et ilyaeuce truc,onenaparlé,oùdesJuifssontpassésparlà,mêmequandilsn’avaientpasledroit,maisilsn’enavaientrienàfoutre...LesJuifs,jecrois,n’avaientpasledroitd’alleràpieddupostedeShlomoà la routedeDavidvers l’école et le carrefourde lapharmacie,seulementenvéhicule.J’ensuispratiquementsûr.Maisunefois,ilssontjustepassésàpied.Onaessayédelesarrêteretàlafinonaentenduàlaradio : « C’est bon, laissez-les partir. »Qu’est-ce qu’on pouvait faire ?On aessayédelesretenir,çan’apasmarché.

Officiellement, il n’y a pas d’interdiction pour les empêcher de passer àpied.

Jenesaispas.Jen’enaiaucuneidée.Peut-être.

IlyadesinterdictionsofficiellespourlesArabes?Biensûr.

Ilsvousledisentdanslebriefing?Si tu vois unArabe sur la route deDavid, c’est la procédure d’arrestation

d’unsuspect.Toujours.

Voussavezquec’estillégal?Vraiment?Non.Pourquoi?

LaroutedeDavidétaitouverte,maisenfaitl’arméel’afermée.Dommagequepersonnenel’aitditauxsoldats.Jenesavaispas.Jenesais

pas, écoutez, donc j’ai enfreint la loi. Je ne savais pas. Je sais qu’à l’époque,quandonétaitlà-basetquej’étaissous-sergent-majordelacompagnie,laCoursuprême a annoncé qu’ils pouvaient emprunter la route deDavid, sur toute lalongueur.Jemerappellequec’étaitunsacrébazar,çaavraimentcompliquélavieàl’armée.Onnecomprenaitpasladécision,c’étaitvraimentinutile.Commej’aidit,entantquesoldats, toutcequ’onvoulait,c’étaitpasd’émeutes,pasdeviolence. Et ça n’a fait que créer de la violence. Ce n’est pas comme si lesArabesnepouvaientpasallerauTombeau.Encoreunefois,évidemmentqueçaleurcompliquelavie,ilssontcoincés.Maissitucomparesl’échelle,tudis:OK,qu’est-cequetupréfères?Qu’ilsdoiventmarchercinqminutesdeplus,ouavoirdesémeutes?

Vousêtessûrqu’ilyauraiteudesaffrontements?Certain.C’estsûr.VousconnaissezXXX,lesergent?Jemerappellequ’un

jourilm’aditqu’àsonépoqueilyavaitlapatrouilledelaroutedeDavid.Ilyavaitcemarché,ducôtéarabedelaroute.Ilétaitauposte38,ilm’aditquelà-bas c’était plus... moins le bordel. Je ne pouvais pas imaginer. J’ai dit : «Commentc’estpossible?»Parcequemaintenant,siunArabesepointelà-bas,impossible, c’est comme s’ils avaient des renseignements, les colons sejetteraientsurlui,immédiatement.

C'estarrivé?Ouais, bien sûr. Plein de fois, plein, des passages à tabac.Voilà ce qui se

passe là-bas, c’est très calme en termes d’activité, pas de jets de pierres.Occasionnellement,maispas...Jesuisallédansd’autresrégionsoùilsjettentdes

pierres tout le temps, tous les jours. Là-bas, rien de tout ça, pas trop d’éclatssérieux.Quelquescoupsdepoing iciet là,on lessépare,affaireclassée. Ilyaunesortedestatuquo.Maisquandilyaunvraiaffrontement,c’estcommedansunfilm.Ouah,c’est lebordel !C’estçaquiest incroyableàHébron.Cen’estpasunposteoùilsepassegrand-chose,pastropd’activitéterroristeoudetrucscommeça,maistutefaisvraimentbousillermoralementparcequetunesaispascequetufaislà.Tunesaissimplementpaspourquoi.

57.Lessoldatsontfaituneblague,lepermisdetravailadisparu

UNITÉ:BATAILLONNACHSHONLIEU:YAKIRANNÉE:2001

J’aieul’impressionqu’ilsepassaitquelquechosedepasnormal...Unefois,onétaitaveclebataillonàYakir,onestallésacheterquelquechoseàlacolonie,onyestallés,onestrestéslà-bas.Ilyavaitunréservistequimontaitlagardeàlacolonie.Alorsonadiscuté.Ilyavaitmoietdeuxautresgars,onétaitjusteentrain de discuter. Puis [le réserviste] est sorti du poste et les gars ont pris leslaissez-passer pour les Palestiniens, ceux avec une photo. Comme une carted’identité,maisc’estunlaissez-passerquiautoriselesPalestiniensàemprunterlesroutesenCisjordanie.

Dubureaudecoordinationdudistrict?Ouais.Cequiestincroyableaveccescartes,tulesaisaprèsavoirétésurles

checkpoints,c’estàquelpointilestdifficiledelesobtenir.Parcequelesgenstemontrent toujours des cartes périmées, ils te racontent qu’ils ont essayéde lesfaire renouveler.Alors tu sais qu’il est presque impossible d’obtenir une cartevalide.Donconétaitsurprisdevoirquelesgarsquitravaillentdanslescoloniesont encore des cartes valides. Il y avait des travailleurs arabes à Yakir. Ilslaissentleurscartesàl’entréeetvonttravaillerdanslacolonie.Etqu'est-cequefont lesdeux typesavecmoi? Ilsprennent lescarteset lesmettentdans leurspoches.Untypesanssacarte,tupeuximaginerceque...

Pourquoilesont-ilsmisesdansleurspoches?Sansraison,justeparméchanceté.Justeparceque.Legardeestsortifumer

et ilsont faituneblague, ils lesontcachées. Ilneva rien luiarriver,biensûr.Genrequoi?C’est justelelaissez-passerd’untype.Ilsreviendrontaprèsavoirtravaillétoutelajournéeetcommenceront...

Cen’étaientpasdescartesd’identité?Desautorisationsdevoyagequipermettentd’emprunterlesroutesjuivesen

Cisjordanie et je ne sais pas exactement quoi d’autre. Par exemple, à notrecheckpoint, ceux qui nousmontraient cette carte, ça ne changeait rien. Tu ne

pouvais toujours pas passer, c’était tout. Mais apparemment il y avait desendroitsoùçaaidait.

Ilslesontprises?Ilslesontrenduesensuite?Non.Ilslesontjusteprises.Cen’étaitpascommesi...ilsn’ontjamaisvuces

Palestiniensdeleurvie.Ilsontjusteprisleurscartes.Alorsj’aidit:«Rendez-les. » En gros, il y avait... ce n’étaient pas les gars les plus sympas de lacompagnie... ilyavaitcetruc...J’aidit :«Sivousnelesrendezpas,quandlegarderevient,jeluidisquevousavezprislescartes.»Alorsilsontcommencéaveclesmenaces.«Onvatedéfoncer»ettout,voussavez.Voussavezquoi?J’ai honte de le dire. Je neme rappellemême pas comment ça s’est terminé.Vraiment,jenesaispas.C’étaitgenrequandj’étais...quoi?...depuissixmois,un an dans l’armée. Je ne me rappelle pas comment ça s’est terminé. Je merappellejustegenre...Jemerappellequec’estlapremièrefoisquej’aicomprisqu’ungamindedix-huitansunpeumalintentionnépeutfoutreenl’airlaviedequelqu’un.Lelendemain,letypenepeutpasallertravaillerettusaisqu’iladûaffronter les sept cercles de l’enfer pour obtenir cette carte. Tu as été là, àKedumim,aubureaudecoordinationdudistrict,tusaiscequisepasselà-bas.Ettu sais que tu n’as jamais vu une carte comme ça valide, parce qu’elles sonttellementduresàobtenir.Eteux,cestypes,ilsaimaientjustel’étuidecescartes.C’étaitlamodedesebaladeravecdesétuisdecartesàlaplaceduportefeuille...il y en a des verts et des orange.Alors quand tu vois les soldats plus âgés sebaladeravec,çaveutdirequ'ilslesontpiqués.Qu’est-cequ’ilsenfaisaient?Ilss’en servaient, parce qu’il te faut un truc dur pour fixer ton équipement, alorsils... ils utilisaient la partie dure.Ouais... En tout cas, si quelqu’un sortait unecarte commeçaqui avait expiré, tupouvais laprendre, je crois, la confisquer.Parce que tu pouvais dire : «Si tu utilises cette carte, c’est que tu cherches àjouerun sale tour aux soldats.Tunepeuxpasserqu’avec ci et ça. »Alors ilsprenaientlacarteetilsutilisaientl’étuipourleuréquipement...

Ilsenprenaientbeaucoup?Oui.

58.UnosdanslagorgeUNITÉ:ARTILLERIELIEU:SHAKEDANNÉE:2002

J’ai été responsable du checkpoint de Shaked, près de Djénine, pendantquatremois.

Vousétiezcommandantd’équipe?Parce que j’étais vétéran dans ma batterie. Il y avait pénurie de

commandants, donc on a confié le commandement du checkpoint aux soldatsvétérans.

Engénéral, lamajoritéde votre engagementdans lesTerritoires s’est faitauxcheckpoints?

Oui.Biensûr,ilyavaitdesopérations,maispuisquej’étaiscommandantdecheckpoint,jen’yparticipaispresquepas,j’enaijusteentenduparler.

Quel genre de formation avez-vous eue pour commander le checkpoint ?Quelleestlapréparation?

C’est un briefing assez court sur la zone concernée donné par lescommandants du bataillon et de la compagnie. Quelles sont les menaces, lemoded’actionetuneespèced’exercicedecinqminutessurleplateauduGolanpourqu’onvoieàquoidoitressembleruncheckpoint,cequ’ondoitfaireavantd’allersur lefront.UneleçonrapideducommandantdebatailloncommequoilesPalestiniensnesontpasnosennemis,qu’onestlàpourassurerunesécuritédurable,qu’onest làpourprévenir le terrorisme,undiscours sur lapuretédesarmesetson importance.L’undans l’autre,c’étaitassez inutile.D’unpointdevueopérationnelethumanitaire,onnouslaissaitapprécierlessituations.Enfait,ce qui se passait, c’est que chaque soldat déterminait à quoi ressemblerait soncheckpointd’unpointdevuehumain.

Décrivez-nouslecheckpointdeShaked,s’ilvousplaît.En fait, le checkpoint de Shaked n’existe plus, parce que le Mur de

séparationpasseparlà.Enprincipe,c’estcenséêtreunpointd’entréeetdesortiedesTerritoiresoccupés,mais il est situépasmal à l’intérieurdesTerritoires à

caused’unblocimportantdecoloniesprèsdelalignede1967.Lecheckpointaétémis enplacepour séparer lapopulation juivede la région et lapopulationpalestinienne. Le problème avec le checkpoint, c’est que les gens quil’empruntaient régulièrement n’avaient pas d’autorisation, personne. C’est unmoment où les Territoires étaient presque complètement fermés, ni entrée nisortie pour les travailleurs, mais le village situé à l’est du checkpoint, Tora-quelquechose,unegrandepartieappartientaudanKabha–untrèsgrandclan,dontlaplupartdesmembreshabitentenIsraël.DesvillagescommeEina-Sahle,Arrabe, quelques villages à Wadi Ara, ils viennent tous du même dan, doncbeaucoupderésidentsontdescartesd’identitébleues[israéliennes]parmariageouautres liens familiaux.Donc,eux, ilsontdesautorisationspour traverser lecheckpoint. En ce qui concerne les contrôles de sécurité, ils ont le statut decitoyens israéliens, c’est une chose. Mais ils sont arabes, donc il fallaitlittéralement démonter leurs voitures. Un autre problème était que quelquespetitsvillagesàl’ouestducheckpointn’avaientpasvraimentd'autorisationpourentrerenIsraëlmais...l’école,lescourses,lafamille–toutétaitdel’autrecôtédu checkpoint, à l’est, vers Djénine, Nazlat Zeid, Ya’abad, les plus grandescommunautésdelarégion.Donc,touslesjours,onavaitaffaireaumêmegroupedepersonnes.Tufinissaispar lesconnaîtrepersonnellement, leurshistoires,cequechacunallaitfairedel’autrecôté,quandiltraversaitetquandilreviendrait.Voilàcommentçamarchait:engénéralonnecontrôlaitquelesgensquiavaientledroitdepasseretoncontrôlaitaussiun tasdecamionsarabes israéliensquivenaientdesTerritoiresetquiavaientbesoindesortirà lafindela journéedetravail.Engros,c’étaitlafonctionducheckpoint.

Combiendepersonnespassaientchaquejour?Cen’estpascomparableaucheckpointdes tunnels,d’a-Ramouàd’autres

points d’entrée et de sortie des Territoires. Peut-être à cause de la réalité àl’époque où j'étais là-bas... Pendant l’opération « Bouclier défensif », lesTerritoires étaient complètement fermés, trèspeudepersonnesavaient ledroitdepasser–seulementceuxquiavaientdesautorisations.Leprincipalvillageàl’ouestducheckpointestUmmal-Reihan,unequinzainedefamillesvivaientlà-basetellestraversaientpresquetouteschaquejour–desenfants,desjeunesquiallaientàl’école,desadultesquiallaienttravailler,quelquesfemmes.

IlstraversaientversIsraël?Ils traversaient vers les Territoires occupés, à l’est, principalement vers

Ya’abadetDjénine.

Cesgenssontconsidéréscommedescitoyensisraéliens?Non.Ummal-Reihanestàl’ouestducheckpoint,sesrésidentsontdescartes

d’identitépalestiniennes.Aujourd’huijenesaispascequ’ilsfont,parcequ’ilyaungrillage,unmurquilesséparedeleursvies.Jen’ysuispasretourné,maisj’aicomprisquec’estlebordelàcausedumur.

Vouscontrôliezlepassagede...Des Palestiniens qui vivaient à l’ouest du checkpoint et des Israéliens qui

vivaientàl’est.C’étaitlechaoslà-bas.

Et il n'y avait pas de Palestiniens qui vivaient à l’est du checkpoint quitraversaientversl’ouest?

Il y en avait,mais seulement ceuxqui avaient des cartesd’identitébleues.Voilààquoiressemblaitlaréalitéquotidienne.Engros,iln’yapaseudegroscrimescontrel’humanitécommisàcecheckpoint.Sasimpleexistenceétaittrès,trèsproblématique.C’étaitcommeunosdanslagorged’unepopulationquinefaisaitriend’extraordinaireàpartalleràl’écoleetrentreràlamaison.

59.IlspointentleursarmessurdesétudiantsUNITÉ:CORPSBLINDÉLIEU:RÉGIONDERAMALLAHANNÉE:2006

On renforçait le front de Halamish jusqu’à ce que les troupes de Nahalarrivent.C’était lapremière foisque jeme retrouvais exposéàuncheckpoint.Onétaitquatre,troissoldatsetunjeunecommandantquin’avaitjamaisétéàuncheckpoint, luinonplus.Turesteslà,aumilieudelanuit,entreunvillagequis’appelle...c’étaitaunorddeRamallah...Anata,jecrois.Atara?Uncheckpointau nord de Ramallah par lequel passaient tous les étudiants... vers Birzeit ouailleurs.Lapremière foisqu’onétait là,onavait touspeur.Personnenesavaitrien.TuesenpleinmilieudesTerritoires.Onn’avaitaucuneidéedecequ’onétaitentraindefaire.Notrecommandantn’avaitaucuneidéedecequ’ilfaisait.C’est tout. Ça s’est passé tranquillement. Je ne comprenais pas vraimentpourquoi on les contrôlait, parce qu’ils traversaient d’un côté palestinien à uncôtépalestinien.Ilsn’allaientpasversIsraël.

Commentétaitlebriefing?Qu’est-cequ’ilsvousontdit?Rien. Il y a des gens qui... les hommes entre dix-huit et quarante ans ne

peuventpaspasserlecheckpoint.

Pourquoi?Jenesaispas,onestdesimplessoldats.Cen’estpasnotreproblème.

C’estcommeçaqu’ilsvousl’ontdit?C’estcequ’ilsontdit.

Ducôtépalestinienverslecôtépalestinien.Oui.VersRamallah.AunorddeRamallah,verslaville.C’estuneroutequi

passe au-dessus d’une route juive. C’est une route que les Palestiniensempruntentaussi.Jenecomprenaispasvraimentceque...J’aiposélaquestion,ilsm’ontdit:«Iln’yarienàfaire.Ilfautlestrouver.»Voussavez...C’estunpeu, j’aicommencéàremettre leschosesenquestion... riendesérieux,mais ilfallaittoujoursquejedemande.J’aidit:«Lesgars,onestlààmettrelebazardansleursvies.»J'étaispoli.«Ditesbonjour,merci.»Ilsdisaient:«Àquoiça

sert ? » Vous savez, je répondais : « Essayez, ils font la queue pendantlongtemps. » La nuit, il y avait un gars religieux avec moi qui suivait unprogrammepréparatoire de l’armée dans lesTerritoires.Après, il est venumevoiretilm’adit:«TouslesArabesquipassaient,jeleuraidit:“Bonjour,bonvoyage.” » J’ai pensé : « Ça y est, tu vois, tu changes les choses dans lesTerritoires. » Au fait, avant l’armée, je voulais m’engager dans la police desfrontières.Jemedisais:«Jevaisfairedeschangementsici.»

Danslapolicedesfrontières?Ouais. J’ai eu de la chance qu’ils ne m’envoient pas là-bas,

rétrospectivement je crois que j’aurais été vraimentmalheureux. Peut-être quej'étaisunpeufou.

Pourquoi, vous n’avez pas l’impression d’avoir changé quelque chose aucorpsblindé?

Oui...maisjen’arrivaisàquelquechosequ’aveclesgensquiétaientprêtsàécouter. Enfin... c’est le checkpoint de Halamish. On était là depuis le soirjusqu’aumatinsuivant.Etlamêmenuit,ilsontessayédenousécraser.

Quoi?Qui?UnPalestinien.Onsetenaitaucheckpointsurlaroute.Quandl’hommes’est

approchéducheckpoint,ils’estmisàaccélérer.IIaaccéléré,encoreetencore,lesordresétaientclairs:nepastirersurunvéhiculeunefoisqu’ilestarrêté.Dèsqu’ilnemenaceplusvotrevie,interdictiondetirer.Ilacontinuéàaccélérer,lesoldatetmoiavonssautésurlecôté,onatiréenl’airetunepatrouilleestpartie.

Ilsnel’ontpasretrouvé?J’imaginequenon.Après,ilsontdit:«Tuvoiscequ’ilsfont,tesArabes?»

Alorsj’aipensé:«Ilsontunpeuraison,qu’est-cequ’ilsfont?Ilsessaientdenous tuer. » C’est alors que j’ai commencé à me poser des questions, genrequ’est-cequ’onleurfait ici,çanejustifiepasdetuer.Enfinbref... lematin, lapression du checkpoint a commencé... il y avait le commandant et le sous-commandant de la compagnie. Ils me mettent dans une petite guérite àproximité, pas vraiment sur le checkpoint... Je pointe mon arme, je suis àl’intérieur,mon arme est visible, le canon, et je reste là au cas où il se passequelquechose.Jevoisuntasd’étudiantes,desjoliesfilles,quivontàl’universitéetjepointemonarmeverselles...Bonsang,jesuislàavecleslarmesauxyeux,qu’est-cequejefais,àpointermonflinguesurelles?Jevoismoncommandantde compagnie et son lieutenant qui agitent leurs armes en l’air comme des

phalangistes,excités,ilsdisent:«Toi,viensici!»Lesgenssontnerveux,toutlemondecrie,c’estungrandbazar,lesPalestinienspoussent,ilsveulentpasser,ilssontenretardau travail.C’est lechaos total, jeme tiens làdans laguérite,monarmepointée sur tout lemonde.Vous savezquelle imagevient à l’espritd’unsoldat juifquibraquesonarmesurungroupedecitoyens?C’estapparudansmatête,commesionavaitalluméuninterrupteur.Jenecomparepas,pasuneseconde,simplementjecomprends.Lacomparaisonn’estpaslégitime,maislapeurest...voussavez,çaaussi,çaacommencéquelquepart.Cequimefaitpeur, ce n’est pas qu’on fasse vraiment des choses comme ça, jeme projettetrop..,maisqu’ilsn’aientpluslamêmevaleurqued’autresêtreshumains.

LesPalestiniens?Oui.

Vousavezressentiçalà-bas?Moins,mais ça progresse avec le temps. Je ne sais pas, à l’école on nous

donne lamême valeur que les autres humains, chez nous aussi, dans l’arméeaussi,selonlesrègles,engénéral,maisquandtuaffecteslaviedesgenscommeça,quandtucommandesetquetupeuxdéciderquandilmange,quandilfaitciouça, ilperdlentementsavaleur.Cesontdespantins.Cetinstantamarquéledébut d’un tournant dans ma réflexion. J’avais pointé mon arme sur desétudiantes.C’esttellementévidentpourtoutlemonde,maisenmêmetempsçan’ariend’évident.J’ysuisallé,j’aiparléàmoncommandantdesection,jeluiaidit qu'aujourd’hui... Je l’aimais bien, je savais aussi qu’il était vraiment àgauche...Jeluiaidemandédeparlerà tout lemonde,pourqu’ilscomprennentqu’ilsdevaientlestraiteravecrespect.Sontonétaittrèsdistant,jen’arrivaispasàcomprendres’ilétaitavecmoioucontremoi.Lecommandantdecompagnieétait religieux, ilm’aécoutéetm’aparlégentiment, ilétaitd’accordavecmoisurtout,c’étaituncolon,d’ailleurs.Touts’estbienpassé,ilsontparléaveclessoldats. Il y a deux semaines, j’ai rencontré un soldat, et ilm’a dit que notrecommandant de compagnie est vraiment venu lui parler, parce que ce soldatavait beaucoup d’influence dans la compagnie, alors il devait parler avec leshommespourleurdiredenepasfairen’importequoi.Jemesuissentibien:ilyauneréponsedusystème.

60.ServicedegardedanslevillagepalestinienUNITÉ:BATAILLONNACHSHONLIEU:DEIRBALLUTANNÉE:2001

NotrefrontsesituaitdansunecolonieappeléeAleiZahav,danslesecteurdeYakir.LebataillonétaitàYakir,etonestarrivésàAleiZahav,Magen50.Lecheckpointsetrouvedansuntrèsjolivillage,ducôtéouestdeDeirBallut.

Qu’est-cequ’iladejoli?Onyaccèdeparunchemin.Toutestplat,maislecheminserpente,commesi

on était à Oz, sans aucun rapport avec le reste du paysage. Le checkpointempêchelesvéhiculespalestiniensdepassersurlanouvelleroutequirelieAleiZahav et Peduel à la route trans-Samarie. Donc notre checkpoint est là pourempêcher les véhicules palestiniens de traverser la jolie route qu’ils ontconstruitelà.Avant,laroutetraversaitlesvillageslà-bas.C’estcequ’onappelleune«routeunique»danslaterminologiemilitaire.Elletraversaitlesvillages,a-DikhetBrukin,enfaced’AleiZahav.Maisàcausedesjeteursdepierres,ilsontconstruit une route de contournement, sur laquelle les Palestiniens ontinterdictionderouler,biensûr.Lecheckpointestlàpourempêcherlesvéhiculespalestiniensd’entrer.

Ilsonteuinterdictiond’yallerdèsledébut?Quand on est arrivés là-bas, c’était interdit. La compagnie n’avait rien

changéàça.Enplusderefoulerlesvéhiculespalestiniens,ilsfouillaienttouslesvéhicules qui passaient. En gros, c’était une porte d’entrée vers Deir Ballut,parcequ’àpartirdecetteroute...

C’estlaseuleroutepourDeirBallut?Oui,c’est laroutepourDeirBallut,quimèneauxautresvillages.Ilyaun

virage à gauche, s’ils viennent de Deir Ballut, tu peux aller vers Refet puisBidiya, Misha et tout, ou bien un virage à droite vers Rantis. Au début, ilsinterdisaient le virage à droite, plus tard ils l’ont autorisé. En gros, tu avaisvraiment l’impression de... À un moment, on connaissait tous les villageois.C’estuntoutpetitvillage.Commeilyaungardeàl’entréed’unecolonie,ilyavaitungardepourlesgensduvillage...quandilsvoyageaienthorsduvillage,

l’inspection elle-même, si tu réfléchis une minute, c’est inutile, puisqu’ils nepeuventallerquedanslesvillagespalestiniensvoisins.Iln’yapasdecirculationjuive sur cette route, elle ne donne pas vraiment accès à quoi que ce soit. Çamontresimplementquetumetsenplaceuncheckpointpourrien,touslesjours.Pour prévenir l’activité terroriste hostile.Comme pendant le briefing avant departir au checkpoint, ils te disent que c’est pour prévenir l’activité terroristehostilesurlarouteunique,c’est-à-direlaroutejuive.Etilsinterdisentvraimentaux véhicules palestiniens de rouler dessus, ils fouillent les véhiculespalestinienspourempêcherlesterroristeshostilesdepénétrerdanslesecteur.

Quelqu’unadéjàétéarrêtélà-bas?Non,iln’yarien.Iln’yarienàprendre,personnen’auraitaucuneraisonde

traverser.Iln’yarien,c’estuncheckpointentièrementpalestinien,iln’yanullepartoùaller.Siquelqu’unpasse,ilpourraitroulersurlarouteautantqu’ilveut.Il tombera sur un autre checkpoint ou un autre bloc en béton, il ne croiserapersonne, il ne trouvera aucun Juif.Tous les Juifs qu’il rencontrera seront dessoldats. Vraiment, il n’y en a pas, là-bas. En tout cas, c’est un checkpointcomplètementinutile,c’estpourçaqu’ilsl’ontconfiéàunecompagnienormaledubataillonNachshon,quiestpetit,pastrèsconnu.Iln’aétécrééqu'en98,ilsneluiontpasdonnéunsecteurparticulièrementchaud,certainementpasàunecompagniequi avait été au front.Ducoup, le checkpoint a rapidementpris cecôté, genre... Je sais que quand j’étais au checkpoint, je laissais généralementpasserlesvéhicules.Parceque,encoreunefois,l’inspectionétaitassezinutile.Ilyavaitmêmeuneroutedeterrequicontournaitlecheckpoint.

Etvousleslaissiezcontournerlecheckpoint?On voyait quand des voitures passaient, mais ceux qui tenaient à leur

véhicule et n’avaient rien à cacher passaient par le checkpoint. Mais quandmême... vous savez, ils sont tordus, ils fouilleraient probablement le type quivientaucheckpointsansemprunter la routede terre...parcequecette routeenterre,aveclesgensquipassaientdessus,çamontraitbienl’absurditédecetruc.

61.Chaquevendredi:zonemilitaireferméeUNITÉ:BRIGADED’INFANTERIEKFIRLIEU:HÉBRONSUDANNÉE:2004-2005

Quevousrappelez-vousdevotrepériodeàSusiya?ÀSusiya,ilyaeuplusieurstrucs.Ilyaunezoneentrelacolonieetleposte,

leposten’estpastrèsloindelacolonieelle-même,maisilyauneroutededeuxkilomètresetquelques,oùplusieurs familles [palestiniennes]vivaientdansdestentes, c’est le premier truc. Il y avait plein de heurts avec les militants degauche dans la région. Toutes sortes de plaintes au sujet des Juifs qui lesharcelaientpendantqu’ils récoltaient lesolives,des trucscommeça.C’estunepériodeoùl’arméeadéclarélesalentoursdeSusiyazonemilitairefermée,plusoumoinschaquevendredi.

Commentlescolonsrentraient-ilschezeux?Bien sûr, ils ne fermaient pas la colonieni la route d’accès. Je parle de la

zoneentreleposteetlacolonie,unedistanced’environdeuxkilomètres.C’estlàque vivaient quelques familles palestiniennes, et c’est là que tout le bazar acommencé. D’une part parce que les Juifs se méfiaient de la proximité desPalestiniens,d’autrepartparcequelesPalestiniensseplaignaientquelescolonsnecessaientdelesgênerpendantqu’ilscultivaientetqu’ilsneleslaissaientpasse rendre dans leurs pâturages avec leursmoutons. Les gauchistes sont venussoutenir lesPalestiniens, ils sontallésaveceuxdans lespâturages, et les Juifsontappelél’arméepouréloignerlesPalestiniensparcequ’ilss’approchaienttropdeleurcolonie.

Ensuite,quesepassait-il?Ce qui se passait généralement, c’est qu’on éloignait les gens. Chaque

rencontreétaitdifférente,plusoumoinsextrême.Les fois lesmoinsextrêmes,c’était quand on restait là pour isoler la zone proche de la colonie, où setrouvaientlesPalestiniensetlesmilitantsdegauche,pourlesséparer.C’étaientdesincidentsmineurs.Lesplussérieux,c’étaitquandunepatrouilledéplaçaitlesPalestiniensd’unecertainezone,unefoisoudeux,onaarrêtédesmilitantsdegauche parce qu’ils se trouvaient dans une zone militaire fermée, ce qui estinterdit.Àpartça...Jemerappelleunaprès-midioùilyaeuunedisputeavec

l'undes...Onétaitdanslavoitureducommandantdecompagnieetonavuunbergerpalestiniendansunezoneprochedenotrerouted’accès,iln’avaitpasledroitd’êtrelà,alorsons’estarrêtéspourluiparler.Jenemesouvienspasdecequ’on lui aditni commentçaacommencé,mais il aplusoumoins refusédepartir.Leshommesdesafamillesontarrivés,unebagarreviolenteaéclaté...

Qu’est-cequeçaveutdire?Enlangagesimple,engrosquelqu’unaditquelquesmotsqu'iln’auraitpas

dûdireetilsontcommencéàéchangerdescoupsdepoing.

L’undesPalestiniensaditquelquechosequ’iln’auraitpasdûdire?Çaacommencéavecsonrefusdepartir,parcequeçafaisaitdéjàquelques

mois [que lazoneétait fermée],on leconnaissait, ilnousconnaissait, il savaitexactement où il avait le droit d’aller ou non, et pour une raison ou pour uneautre,cejour-làiladécidédeserebelleretdedire:«C’estmonpâturage,j’ailedroitd'êtrelà.»Jemerappellequesafamilleestarrivéetrèsviteet,unpeuplustard,desmilitantsdegauchesontvenusdanslazone.

Attendez,ques’est-ilpassépendantlaconfrontation?Audébut, iln'yavaitquelajeepdenotrecommandantdecompagnie,plus

tardunautreHummerdepatrouilleestarrivé,c’est-à-direqu’ilyavaitseptouhuitpersonnesentout,quatreoucinqdel’autrecôtéetqu’ilyaeuunedisputeviolente. Si je me rappelle bien, les médias en ont parlé. Il n’y a pas eu deblessuresgravesnirien,d’uncôtécommedel’autre,maisilyaeudescoupsdepoing.Impossibledeledécrireautrement.

Etplustard?Ensuite,cesgarssontpartisencourant,àunmomentilssesontenfuisvers

leurs tentes.On a appelé des renforts. Ils ont couruvers leurs tentes.Le type,celuiquiavaitlancéladispute,lebergerquis’étaitenquelquesortedéfendu,lapoliceest arrivéeet adécidéqu’onallait le chercherdans les tentes.L’undeshommes,jecroisquec’étaitunpolicierd’Hébron,sijemerappellebien,ilavule type près d’une tente à cinquante ou soixante-dix mètres de nous, alors lecommandantdelacompagnieet lepolicierontdécidédelepoursuivre.Ilsontretiré lamajorité de leur équipement et se sontmis à lui courir après à toutevitesse. Il y a euun trucmarrant, unpeu sans rapport.Unpolicier a sorti sonarme, il y avait un chien, sans doute un des chiens qui traînaient dans le coinavecune famille, lechienaboyait, cequia semblémenacer le... lechien s’estmisàcourirverslepolicier,quiatiréverslechienpourluifairepeur.C’esttout.

Àlafin,letypearéussiàs’échapper,lapoursuiteacontinuéplusoumoinstoutela nuit. Les affrontements sur la route d’accès se sont poursuivis de manièreassez intense entre les militants de gauche, l’armée et les colons. Ça arrivaitpresquetouteslessemaines.Iln’yavaitpratiquementaucuncontactdirectentreles colons et les Palestiniens. En général, quand ils voyaient les Palestinienss’approchertropprèsàleurgoûtdelacolonieoudansunezonequ’ilsjugeaienttropproche...dèsqu’ilss’approchaienttrop,ilsnousappelaient.

Engénéral,ilestimpensablepourunPalestiniendefrapperunsoldat,maisvous parlez d’une situation, lors de cette confrontation, où ils vous ontréellementfrappés?

Oui, jemerappellequ’ilyavraimenteudescoupsdepoingéchangés.LepremiervenaitdesPalestiniens,puisçaadégénéré,chacunessayaitd’aidersesamis.Onn’étaitpastropinquiets,pasaupointd’utilisernosarmes,detirerenl’airouquelquechosecommeça,çan’auraitpasaidé.Lapremièreréactiondetout lemonde a été que dès que l’un desPalestiniens levait lamain, nos garsvenaientàl’aide.LesPalestiniensfaisaientlamêmechose,puisonacommencéàappelerdesrenfortsparceque,commevousavezdit,c’estinacceptableetonnepeutpaslaisserpasserça.Laréponseétaittrès...Jenesaispassijedoisdiredure, mais oui, les gars sont arrivés aussi vite que possible pour étoufferl’affaire.

62.IlsontfermélaroutependantunmoisUNITÉ:BATAILLOND'INFANTERIEKFIRLIEU:EMMANUELANNÉE:2005

Combiendetempslarouteétait-elleferméeautraficpalestinien?Parfois,çapouvaitdurerjusqu’àunmois.

Unmois?Oui. Je ne veux pas donner un chiffre au hasard, mais ça pouvait durer

longtemps.

Pourquelleraison?Desattaquessurlaroute.

Ilyavaitdesattaquespendantunmois?Non,ilyauneattaque,puisilsbloquentlaroutependantunmois.

Oùavaiteulieul’attaque?Jenepeuxpasvousdire,jenemerappellepasl’histoire...C’étaitquandje

débutais comme commandant de section, quand je suis arrivé au front en tantquecommandantdesection,j’aiétéenvoyélà-basavecmessoldats.

C’étaitvotrepremière foisen tantquecommandantdesectionsurun longdéploiement?

Oui. La première fois que je commandais une section au front. C'était laligned’Otniel,danslescollinesausudd’Hébron.Unesemaineplustôt,toutelacompagnieétaitmontéeàlaligne,j’étaisallélàpourunbriefing.Cejour-là,ilyaeuuneattaquecontreBeitHaggai,unPalestinienatirédescoupsdefeudepuisunvéhicule.

DepuislecarrefourHakvasim?Non,pasdepuisHakvasim,unpeuplusausud,aucarrefour200.

Vousvousrappelezquandc’était?Autourdejuin2005.Ilsonttiré...engros,ilsonttirédepuisunvéhiculeen

marche,surdesauto-stoppeurs.Deuxgarçonsdedix-septansquise tenaientàl’arrêt d’auto-stop ont été tués. Ils voulaient aller de Beit Haggai vers notresecteur,unpeuavantHébron,dansladirectiond’Otniel.Lavoitureestpassée,afaitdemi-touràun rond-point, est revenue, leura tirédessuspuisa faitdemi-tour avant de disparaître. Ils n’ont pas réussi à la rattraper.À cause de ce quis’est passé, ils ont dit : «OK, lesvéhiculespalestiniensn’ont plus le droit decirculer sur la route, lesvoitures avecdesplaquesd’immatriculationvertesoublanchesn’ontplusledroitd’emprunterlaroute,elleestréservéeàlacirculationisraélienne.»

Puisleblocusdetouslesvillagesacommencé?Oui.Ce qui se passe, c’est que des bennes, etc., viennent bloquer tous les

chemins de terre qui relient le village à la route principale. Ils bloquent leschemins. En gros, ton but est demettre en place un tas de checkposts censésempêcher les gens d’atteindre la route principale. C’est arrivé à plusieursreprises, où ils avaient mis des explosifs sur la route, toutes sortes de trucscomme ça. Bon, c’est une route nord-sud, une route que l’armée considèrecommeessentiellepour lesTerritoires.C’est-à-direque s’iln’yapasde traficisraélien sur cette route, si les Israéliens ont peur de l’emprunterquotidiennement,alors l’arméeaéchoué,n’apasatteint l’objectifdecréerunevienormale.

Combiendetempslaroutea-t-elleétéferméeaprèscetincident?Jenepeuxpasvousdireexactement.

C’estarrivéàd’autresoccasions?Oui,ilyaeuplusieursautresoccasionsoùlarouteaétéfermée.Àchaque

foisqu’ilyaeudesexplosifssurlaroute,engros,àchaquefoisqu’ilyavaitunemenace pour la sécurité, la route était bloquée. À chaque fois que, genre, ilsessayaientd’attaquerlarouteouquelqu’unquivoyageaitdessus.

Àchaquefoisquevoustrouviezdesexplosifs,larouteétaitferméependantunmois?

Non,pasunmois.Çadépendaitdeladécisionde...engénéral,moinsd’unmois.Unmois,c’estlepluslongquejemesouvienne.C’étaitenvironunmois.Jecroisquec’étaitunmois,jenemerappellepasexactement.Engénéral,c’estquelques jours, uneoudeux semaines, quelque chose commeça.Maisoui, çaarrivaitsouventdanscesecteur.Entoutcas,pendantl’été2005.

63.OnjouaitàTometJerryUNITÉ:BATAILLONLAVILIEU:RÉGIOND’HÉBRONANNÉE:2005

Ilyaeutoutecetteaffaireaveclescamionsquitransportaientdumarbre.IlyadescarrièresdanslarégiondeBaniNa’imettouteslesusinessontàHébron,Hébron sud. Tous les chauffeurs... aucun d’entre eux n’avait l’autorisationd’emprunterlaroute,alorsilsprenaientlaroutedeMamilaetcontournaientlesbarrières. Ça rendait fous le commandant de bataillon et le commandant debrigade.Lecommandantdebataillonsetientdevanttoi:«Qu’est-cequefichentces véhicules palestiniens sur la route ? » Il devenait fou. Tu ne pouvais pasl’arrêter.C’enestarrivéaupointoùonprenaitlesclés,lespapiersd’identité–cequiestillégal,aupassage.Prendrelesclésdequelqu’unaussiestillégal.Ettunepeuxpassimplementcouperletrafic.Laplupartdesautomobilistessontjustedesgensordinairesquiveulentgagner leurvie,non?Ilyaeuuneréunion, lecommandantdebrigade est venuparler à l’équipe et je lui ai dit : «Vousmedonnez un ordre que je ne peux pas accomplir. Si vous ne voulez pas decirculation ici, donnez-moi un chargeur, des balles réelles, la permission dedétruire deux camions et de tirer dans la jambe de quelqu’un, c’est le prix àpayer.»Iladit :«Quoi?Commentpourriez-vousfaireunechosepareille,cen’est pas éthique. » J’ai répondu : « Ouais, exactement, ce n’est pas éthique,maisc’estcequ’il faut fairesivousnevoulezpasdecirculation.Donnez-moilesmoyens,vousmedonnezunordresanslesmoyensdel’exécuter,c’estleprixàpayer.» J’étais là-basdepuis, je saispas,huitmois, jecomprenaiscequi sepassait,vousvoyez?Iladit:«Vousnepouvezpasfaireça.»J’airépondu:«OK,danscecas,nemedonnezpas l’ordreetnevousénervezpasquandvousvoyez des camions sur la route. » Au moins, il a paru choqué, genre je neproposaispasçasérieusement,hein?Jen’avaisenviede tirersurpersonne, jevoulais juste le secouer un peu, voilà ce qu’il faudrait faire si tu voulaisvraiment,ilfaudraitemployerlaforce,uneforceconséquente.Alorsiladit:«OK,onnevapasrecouriràlaforce.»L’ordretenaittoujours,maisOK.

C’enestrestélà?Écoutez,letrucavecletraficpalestiniensurlarouteautourd’Hébron,c’est

lejeuduchatetdelasouris,vraiment.C’estcommeundessinanimédeTomet

Jerry.Quelqu’unpartde là,alors tuyvaset ilpassepar là.C’enestarrivéaupointoùonessayaitdegarderlescamionshorsdelacirculation.Pourautantquejesache,çan’estjamaisalléjusqu’àdétruiredesbiens.Pourquoi?Parcequ’onpeutarrêteruncamion,onpeutprendrelesclésduchauffeur,sacarted’identité,tu peux dégonfler les pneus, tu n’as pas besoin de les crever, il suffit de lesdégonfler,OK?Tupeuxmêmeemmenerlapersonne.

Oùça?Desfoisàlabase...menottes,yeuxbandés,tulelaissessécheràlaporte.

Uncamionneurquitransportedumarbresurlaroute60?Oui, parfois c’est du marbre, différentes choses. Tu sais, tous ceux qui

contournent les barrières et roulent sur la route sans autorisation... – bref, unPalestinien.Desfois,tuamènessimplementletypeàlaporte,tulelaissesdanslacabineetilrestelàuneheure,parfoisunedemi-heure,parfoisunejournée,dumatinjusqu’ausoir,peuimporte–mêmesituemmènesletypequelquepart,tureviens là où tu as arrêté le camion au bord de la route, une heure plus tard,parfois seulement cinqminutes plus tard, et il n’y a plus de camion. Parti. Àchaquefois.Peuimporte–tuprendslesclés,tufermeslecamion,tudégonfleslespneusavant,ilsontunesortedecompresseur,OK?Tulaissessortirtoutl’airducompresseur,tunecoupespaslescâbles...lacabineestverrouillée,lemoteuréteint...–tureviens,dixminutes,unedemi-heure,uneheureplustard,lecamiona disparu. Incroyable, tout simplement incroyable. Écoutez, un homme endifficultéquiabesoindegagnersavie,ilferal’impossible.Jusqu’àceque...s’ila peur qu’ils brûlent le camion ou qu’ils tirent dessus, alors il s’arrêtera. Lerisqueesttropgrand.Maisprendresespapiers?OK,qu’ilsprennentsespapiers,ons’enfiche.Prendresesclés?OK,ilenaundoubleàlamaison.Desfois,tupeuxmêmedémarreravecuntournevis,lesvieuxMercedes,untournevisouunclou,c’estpareil.Ilesttrèsmotivé.

64.OnareçudesordrescontradictoiresUNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:BETHLÉEMANNÉE:2005

C’étaitunehistoirefolle,ons’estrenducomptequ’onavaitreçudesordrescontradictoiresduBCD.C’étaitincroyable.IlyavaitunBCDàHébronetunàBethléem. C’était juste incroyable. Donc certains gars sont arrivés avec desordres,etunautregroupeavecdesordresdifférents.Turecevaisunordre,etlesordresducheckpoint,parexemple,venaientduBCDdeJéricho,donclesgensdeBethléemnepouvaientpasrentrerchezeux.Toutessortesdetrucscommeça.

Vouscompreniezlesordres?Non, on ne comprenait rien. On devait se débrouiller tout seuls. On avait

l’impressionquequelquechosenesentaitpasbon,puisons’est renducomptequ’ilyavaitdeuxBCDetqu’ilssecontredisaient.C’étaitincroyable.

65.C'estcomplètementarbitraireUNITÉ:PARACHUTISTESLIEU:RÉGIOND’HÉBRONANNÉE:2001

À chaque fois, ils fermaient la route avec une benne et formaient unmonticule de terre. Et à chaque fois qu’ils la rouvraient, on devait monter lagardeàl’intersection.Ilyadescentainesoudesmilliersdevoituresquipassent,desmilliersdepiétons.Turesteslà,troisouquatresoldatsetunVTT.Iln’yarienàfaire,aumoinsunepersonnedoitgarder leVTT,enplusc’estunezoneimmenseparcequ’ilyauncheckpointàchaqueboutdelaroute,etdechaquecôté ilyaunefiledevoitures longuedequatreoucinqkilomètres.Cequiestimportantpour l’opération,c’estque la routene soitpasbloquée,qu’iln’yaitpasd’embouteillage.

Surlaroutejuive?Oui, oui.Donc tu les laisses passer, ils roulentmais il n’y a pas assez de

placepourdeuxvoituresàlafois, jeveuxdiredanslesdeuxsens.Doncilyatoutdesuiteunembouteillageettutemetsàfairelacirculationparcequ’ilfautbienymettrefin.

Etquesepasse-t-ilaucheckpoint?Vouscontrôleztoutlemonde?Non,ilyaunemaréehumaine.Desmilliersdepersonnes.

Danscecas,àquoisertlecheckpoint?Lecheckpointsertàlimiterleursmouvementslanuitoupendantlecouvre-

feu. Tu peux inspecter un véhicule suspect. Certaines voitures ont le droit depassersiellesviennentdelaroute60,lescamions,avecdesplaquesjaunes,biensûr – les voitures avec d’autres plaques ne roulent pas là. À chaque fois lesordreschangent,àproposdequipeutpasserounon.Alorsunefileseformeànouveau,carlescamionneursnesaventpasqu’ilsn’ontpasledroitdetraverser,parcequ’ilyadeuxheures,ouhier,ouilyadeuxjours,ilsavaientledroit,alorsilyaunnouvelembouteillage.Combiendefoisparjourlesordrespeuvent-ilschanger?C’estcomplètementarbitraireetàuncertainpointje...Jemerappelleun incident précis, il y avait une restriction sur les camions avec des plaquesjaunes, certains ne pouvaient plus passer, alors un bouchon a commencé à se

former.J’aidit:«Jeneleslaissepaspasser.Jusqu’àprésent,ilspouvaient,maisjem’enfiche–jenemettraipaslarouteetmessoldatsendanger.»

66.InformationsincohérentesUNITÉ

:OTEFJÉRUSALEM[RÉSERVE]

LIEU

:RÉGIONDERAMALLAH

ANNÉE

:2004

Quelquechosem’avraiment,vraimentdérangée–et jenepeuxmêmepasimaginer ce que ça doit être de supporter ça pendant trois ans, les gars de lapolicemilitairen’ontpersonnepourlesrelever,c’esttoutleurservice–,c’estlemanque d’ordre. Il se trouve que je connais... j’ai un ami qui y était avant, ilcommandait le checkpoint avant qu’ils appellent la policemilitaire.C’était ungroupe dans le corps blindé, c’était comme un front, ils avaient des briefingsbienorganisésetilssavaient:«Aujourd’hui,ilyaunpassagedepuisDjénine,aujourd’huiiln’yapasdepassagedepuisici,ilyaunpassagedepuislà,alertesdepuistelettelendroit...»Parcontre,quandj’yétais,aucunsoldatnepouvaitdonner... ilseseraitfaitengueuler.Tuteretrouvesdanscettesituationabsurdeoùilsnetedisentriendanslebriefing.C’estunbriefing...justepourcocheruneliste : tel secteur, ci et ça, et tu pars pour le checkpoint. Puis les rumeurscommencentàcirculer,qu’ilyaeuunealertepourcietça,jenemerappellepasqui,maismettonsquelesrenseignementsdisentquec’estci,etleBCDditquec'estça.Donctout lemondeestcertaind’unechosedifférente,nonpasqueçales intéressevraiment, je parledes soldats qui sont sur le checkpoint.Mettonsquetuarrives,jedisçaauhasard,deBethléemetquetuveuxpasser.Peut-êtrequedanscette file ilyaunsoldatqui fera l’inspectionet te laisserapasser,etdanscetteautrefilelesoldatnetelaisserapaspasser,parcequ’ilaentenduunechoseetquel’autresoldataentenduautrechose.Ilssontl’unàcôtédel’autre,maisiln’yapasdecommunication.Ettuasl’impressionquechaque...Tudoistedisputeravecquelqu’un,luiexpliquerqu’ilnepeutpaspasser,maisenréalité,pourquoitutedisputes?C’est-à-dire,quelleesttonautoritésilegarsàcôtédetoitecontreditentièrement?Tuasl’impressionquetoutcepourquoituescensé

tebattre...tuasenviedesentirunesortedeprojetnational,unobjectif,parcequetueslà,maisengros,c’estconstruitsurduvent.Parcequeriennes’appuiesurlamoindre alerte fiable.Toutes les informations forment unméli-mélo, çamerendaitcomplètementfolle.

C’étaitingérable.J’aiessayé,jemesuisdit:«OK,puisquejesuislà,jevaisessayerdecomprendre,jevaismepromeneravecuncarnetetmettrelessoldatsaucourant»,maisilétaitimpossibled’obtenirquoiquecesoit,lamoindreinformationcohérente.Çameperturbaitvraiment,etjepeuximaginerqueçaperturbaitaussilessoldatssurplace.

67.Lesordresn’étaientpasclairsUNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:TAPUACHANNÉE:2007

Qu’est-cequevousfaisiezàTapuach,àpartlecheckpoint?Jesuisrestédanslacoloniesansclôturependantunesemaine,douzeheures

àlaporteavecunami.C’étaitmarrant.

LaroutequevousdécrivezétaitréservéeauxIsraéliens,vousvousrappelezlaquellec’était?

Ilyadeuxroutes.PourlesPalestiniens,laroutemèneauxvillages,elleestbloquée, ils ne peuvent pas l’emprunter. Ils s’en servaient pour aller dans unautrevillage.Çacréaitbeaucoupdeproblèmesparcequ’ils empruntaient cetteroute, alors on a pavé une route que les Palestiniens n’avaient pas le droitd’utiliser.Ilsdevaientmarchertroisouquatrecentsmètres,etceuxquin’étaientpasassezforts,ilsvenaientleschercherenvoiture.Iln’yavaitaucuncheckpointorganisé là-bas, donc il était impossible d’arrêter les voitures. Les ordresn’étaientpasclairs,toutn'étaitpasnoiretblanc.

Qu’est-cequevousfaisiez?Vousleurdisiezdefairedemi-tour?Oui,maisaprès?Mêmelabrigadenesavaitpastropquoifaire.

Concrètement,quefaisiez-vousdanscettesituation?Au début, on renvoyait toutes les voitures dans la direction d’où elles

venaient.C’étaitdangereuxdeleurfairefairedemi-tourcommeça,parexempleavecuncamion.

68.Toutreposesurl’interprétationpersonnelleUNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:RAMALLAHANNÉE:2001-2002

NousparlionsdeceuxquivoulaiententreràRamallah.Mettonsquequelqu’unarriveavecunenfant,unegrand-mère,peuimporte,

me montre des documents et me dit qu’il a besoin d’aller à l’hôpital deRamallah,qu’ilarendez-vouschezlemédecin.Laprocédure,pourcequej’encomprends après avoir suivi le briefing, c’est que les gens comme ça peuventpasser. Je laisse passer le type et au bout de quelquesminutes, le checkpointsuivant appelle à la radio, ils disent : «Bon sang, pourquoi vous l’avez laissépasser?»Maisilyauneprocédure,ilpeutyaller.Ilsneveulentpaslelaisserpasser.Jenesaispaspourquoi.

Ilsdisaient:«Jeneveuxpas»ou«Tun’aspascomprislebriefing»?Non, tout dépend beaucoup de l’interprétation personnelle. Le briefing

n’entraitpasdanslesdétails.Ilstedisent:«OK,s’ilyadescashumanitaires,ilspeuventpasser.»Qu’est-cequec’est,exactement,uncashumanitaire?Çadépendbeaucoupdel’interprétationdelapersonneresponsableducheckpointàcemoment-là.Lesgarsducheckpointsuivantsesontmisàm’appeler«ONUman»parcequejelaissaispasserdesgensdontilspensaientqu’ilsnedevaientpaspasser. Ilsdisaient :«Quoi?» Ils…enfin,cen’estvraimentpasorganisé,quipeutpasserounon.C’étaitcomplètement...Çapouvaitdépendredecequisepassedanslaviedugarsresponsableducheckpoint,avecsacopineàlamaison,ou du temps qu’il avait passé à la base. Vraiment, ça dépend des problèmespersonnels du gars à ce moment-là. Ce n’est pas... ce n’est pas comme siquelqu’unvenaittedirequoifaire,personnenecoordonnerien,entoutcaspasle centre de commandement. Il n’y a aucune procédure où tu peux appeler lecommandementpar radioetdemander :«OK, ilyaun type ici...Est-cequ’ilpeutpasser?Paspasser?»Parfoistufaisça.Parfoisceluiquisetrouvesurleterraindécide.C’estunénormebazar.

69.LagrandesagessedeTsahalUNITÉ:CORPSBLINDÉLIEU:VALLÉEDUJOURDAINANNÉE:2001-2002

LacompagnieAétait àuncheckpointqui s’appelleNoam, sur la routedeJéricho.Jecroisqu’ilséparelaroutedelavalléeduJourdainetJéricho.C’étaitl’hiver, début2001, c’était unhiver assezdurpour ceque jem’en rappelle, ilpleuvait, il faisait froid. Ily a lesbases, composéesdequelquesbâtiments,oùl’unitéquigère lecheckpointest stationnéeetà l’extérieurunabriouvert,quiconstituelecheckpointlui-même.Lecheckpointétaittrès...Jepensequ’ilétaitimprovisé, je ne me rappelle pas, ce n’était pas comme les checkpointsd'aujourd’hui,quiressemblentàdesterminauxd’aéroport.

C’estseulementcertainscheckpoints.Oui.Non,maisjepensequecelui-làavaitétéinstallépeuavantnotrearrivée.

J’étaislàaveclecommandantdesectiondelacompagnieA,quiétaitvraimentungarsbien,étantdonnéquec’étaitlebataillon433.Donconétaitlà,ilsavaientcouvertl’abriavecdesbâchesenplastiqueparcequ’ilpleuvaitbeaucoup.C’étaitlanuitet,àpartnous,personnen’étaitréveillé,onétaitenpleinenuit.Vraiment,quandj’yrepensemaintenant,c’estvraimenteffrayantderesterlàaumilieudenullepart, leventsouffleautourdetoiet leplastiquequiteprotèget’empêched’entendre ce qui se passe. En gros, tu attends qu’une voiture passe, maiscomment tu pourrais savoir ? Parce que tu vois, tu vois les phares. Donc onattendlà,touslesdeuxetlesordressont–ouais,lagrandesagessedeTsahal–cejour-là,lesordresétaientdenepaslaisserpasserlesvoituress’iln’yavaitquedeshommesdedans. Il devait y avoir aumoinsune femmeouun enfant pourquellepuissepasser.Ouais,biensûr,c’estunordreprécis,trèsprécis.

Vousavezdemandé...Pourquoi?Mêmesij’avaisposélaquestion,l’autregarsétaitofficier,c’est

sondevoir.Quandjedemandaispourquoi,laréponseétait:«Cesontlesordres,qu’est-cequetuveuxfaire?»Àl’armée,tun’espascensédemanderpourquoi,etquandtulefais...

Maisilpeutyavoirdesordresassezbizarres.

C’est vrai, il y a des ordres bizarres, et ton devoir de soldat est de lesappliquersansposerdequestions.

Vouscherchiezlalogique?Iln’yaaucunelogique.Situchercheslalogiqueàl’armée,tudeviensfou.

Ilst'enfermeraient.

Doncquesepassait-il?Vousarrêtiezdesvoitures?Non,iln’yavaitpresquepasdevoitures,onétaitenpleinenuit,ilpleuvait.Il

yenaeuune,jemerappelle,c’étaituneSubaruavecdeuxhommespalestiniensd’unequarantained’années, jepense. Ilsétaient trèsgentils, ilssesontarrêtés,ilsontdemandéàpasser.Alorsl’officier,ungarsaveclatêtesurlesépaules,n’apas réponducequen’importequel autre soldat aurait répondu, c’est-à-dire :«Non,vousnepouvezpas.»Aulieudeça,iladit:«Ilvousfautunefemmeouunenfant.»Ilsontdiscutéunpeu,puisiladit:«Cesontlesordres,jen’ypeuxrien,une femmeouunenfant.» Ilsont faitdemi-tour, ils sontallésà Jéricho.Dixminutesplustard,ilssontrevenusavecungarçonsurlabanquettearrière,etil a dit : « Je vous en prie, allez-y. » Il leur sourit, ils sourient aussi, tout lemonde comprenait que la situation était idiote et ridicule. Ouais, vous savez,c’est simplement une preuve supplémentaire que le boulot de Tsahal est decompliquerlaviedesPalestiniens.Parcequesituypenses,iln’yaaucunbesoinopérationnel. Quelle est la différence si les mêmes hommes dans la mêmevoiture amènent un enfant ? Ils prennent un gamin au hasard, lui donnent unshekel et demi et lui disent : «Viens avec nous une heure ou deux. »Ouais,voilà.Çameparaissaitjusteridicule,paschoquant.Aujourd’hui,çamechoque.

70.Iln’yapasdesgensquiveulentjustetravailler?UNITÉ

:PARACHUTISTES

LIEU

:HÉBRON

ANNÉE

:2001

C’était

lepremiercheckpointdemavie.Audébut,ilstedisent:«Ilsnepassentqu’avecl’autorisationdel’administrationcivile.»OK,tueslà,voilàlapremièrepersonne.Tudemandes:«Vousavezl’autorisationdel’administrationcivile?»«Non.»«Alorsqu’est-cequevousavez?»«Unecarted’étudiant.

»Tutedis:«Attends,enprincipeiln’apasledroitdepasser,maisbon,posonslaquestion.»Tuprendslaradio,tudemandesaugarsdanslasalledecommandementdelacompagnie.Quiestdanslasalledecommandement?XXX,lasecrétairedelacompagnie.Tuluidemandes:«Écoute,quelqu’unavecunecarted’étudiant,ilpasseoupas?»Ellenesaitpas.Elledoitdemanderàl’officier.DoncelledemandeàXXX,l’officierdesopérations.Ilnesaitpasnonplus,maispuisqu’ilestofficierdesopérations,ilnepeutpasdirequ’ilnesaitpas,doncildit:«Oui,quelqu’unquiaunecarted’étudiantpeutpasser.»OK,d’accord,tupeuxlaisserpasserquelqu’unavecunecarted’étudiant...

Quelqu’und’autrearrive,tudemandes:«Vousavezuneautorisationdel’administrationcivile?»«Non,maisj’aiuneautorisationd’enseignant.»

Attends,situlaissespasserquelqu’unavecunecarted’étudiant,alorsquoi,tunepourraispaspasseravecunecarted’enseignant?Maisjenesaispas,alorsjeposelaquestion.JedemandeànouveauàXXX,XXXnesaitpas.XXX

appelleXXX.Àcemoment-làXXX,l’officierdesopérationsquiétaitenréunionarrive,alorsdit:«OK,situlaissespasserquelqu’unavecunecarte

réunionarrive,alorsdit:«OK,situlaissespasserquelqu’unavecunecarted’étudiant,alorsquelqu’unquiauneautorisationd’enseignantpeutpasser.»

Biensûr,tunesaispastoutça,c’estseulementaprèscoup,quandtufaistonservicedanslasalled’opérations,quetucomprends.Alorstuacceptes,tutedisOK,certainespersonnespeuventpasser,d’autresnon.Quidécide?Lessergentsd’opérationsdécidentquipeutpasserounon.C’estquandtuesencorejeuneetquetulesécoutes.Peuàpeu,tuterendscomptequ’aucunedespersonnesquivientaucheckpointnetedira:«Écoute,jeveuxjustepasser.

Jeveuxjustepasserparceque,jenesaispas,jeveuxpasserlecheckpoint,jeveuxallerlà-bas.»Soitilestmalade,soitilestétudiant,soitc’estunenseignant,soitilestdelaCroix-Rougeoudel’OSTNU4.Ilstesortentdespapiers,desgribouillages,jusqu'àcequetucomprennes,çafaittilt.Çam’afrappéauboutd’unmois,cen’estpasunpeubizarre?Iln’yapasdegensordinairesdanslesTerritoires?Iln’yapasdesgensquiveulentjustepasser?Non,toutlemondeestsoitmalade,soitci,soitça.

71.IIestinterditdefaireentrercertainsproduitsenCisjordanie

UNITÉ:POLICEMILITAIRELIEU:QALQILYAANNÉE:2006-2008

Comments’appellelecheckpointdeQalqilya?Ilyenaplein:lepassaged’Eyal,lepassaged’Eliyahu,c’estlecheckpoint

desfruits,labarrièredeZufim–voilàunehistoiremarrante.Enprincipe,c’estuncheckpointagricoleréservéauxPalestiniens,maislesrésidentsdeZufimquihabitentàcôtépensentqu’ilsontdesprivilèges,alorsilsseplaignentàl’officierchargédesrésidentsdelazone,quisetrouvedanslajuridictiondelabrigade.Àcausedesplaintes,ilsdécidentquelesrésidentsdeZufimaussipeuventtraverserlà.

Est-cequeçaaaffectélespossibilitésdepasserpourlesPalestiniensoulamanièredontlecheckpointétaitgéré?

Jepensequ’uncheckpointagricoleestuncheckpointagricole–Bolem7estuneporteagricole,lesJuifsnepassentpaspar-là,alorspourquoileshabitantsdeZufimpassent-ilspar-là?Maiscen’étaitpasjustelesrésidentsdeZufim,c’étaittousceuxquiavaientuneautorisation,jenemerappellepasexactement.Entoutcas, c’est un checkpoint assez drôle. D’un côté, au début on ne contrôlaitpersonne quand quelqu’un passait du côté israélien de la clôture vers le côtépalestinien,maisensuiteilyaeul’administrationdestransferts,quiaétémiseen place pour superviser le transfert de toutes sortes de marchandises. Lesdouanes,parexemple,s’occupentdecertainesmarchandisescommelestextilesetlesmeubles,c’estlamêmechosepourlesproduitsagricoles.L’administrationdestransfertss’occupaitdessubstancesplusdangereuses.Enpratique,lapolicemilitaireavaitl’autoritésurlecheckpointetlesaidait,parcequ’ilsn’avaientpaslacertification.Lenombredegensquitravaillaientsurlecheckpointchangeaitsans arrêt, Concernant les marchandises qui entraient dans les Territoires, lacrainte était qu’ils commencent à fabriquer des roquettes Kassam en Judée-Samarie. Jeme rappelle que j’étais au checkpoint à l’entrée deTulkarem.UnArabe israélien s’est approché avec deux tuyaux et demi en fer, il a reçu uneinjonction parce que, en théorie, si tu fais entrer des marchandises à double

emploi...avant,tupouvaisfaireentrerdufer,maistupeuxaussil’utiliserpourfabriquer...

IlyainterdictiondefaireentrerdeschosescommeçaenCisjordanie?Sauferreurdemapart,ilestinterditdefairedesaffairesdanslesTerritoires.

Quand ils achètent des légumes ou de la viande, par exemple, les Arabesisraéliens sont limités à trois kilos de viande ou trois bidons d’huile d’olive –pendantlarécoltedesolives,c’estcinq,maisçarestelimité.UnArabeisraéliennepeutpasreveniravecvingtbouteillesd’huile.

EtsionveutintroduiredeschosesenCisjordanie?Les objets de secondemain ne sont pas autorisés enCisjordanie, àmoins

qu'ils ne soient approuvés par l’administration. D'après mes souvenirs, ils tecontrôlaientseulementsi tuallaisducôtépalestinienversIsraël.Engénéral,situpassaisd’IsraëlverslaPalestine,iln’yavaitpasbeaucoupdecontrôles,maisçaaaussichangéaveclespriorités.

Vous dites que s’ils prenaient quelqu’un à introduire du fer, c’est uneinjonctionetuneamende,mêmed’IsraëlverslaCisjordanie?

Cequisepasse,c’estquejesuisl’autorité,etsilapersonnenecoopèrepas–mettonsquejeveuillesimplementcontrôlersespapiers.Siquelqu’unacertainesmarchandisesetqu’iln’apasdepapiers,alorsjenepeuxpassavoiroùvontlesmarchandises.Jenepeuxpasdirequ’ilaunbondechargementpour l’endroitoùilva.J’examinelebondechargementpourvoirs’ilcorrespondexactementàcequ’iltransporte.Tuapprendsàrepérersilebondechargementestvalableous'ilestfaux.Laplupartdutemps,depuisIsraël,cesontdesmarchandisesquetupeux transférer, ou pas, ou alors cette personne a reçu une injonction pour untuyau en fer ou deux et ne peut pas passer. Tu n’as pas besoin d’un bon dechargement ou d’un reçu si le gars de l’administration des transferts a définil’objet comme à usagesmultiples ou dangereux – tu ne le laisses pas passer,c’esttout.

Ilyaunelistedeproduitsqu’ilestinterditd’introduireenCisjordanie?Oui.

Quelssontlesobjetsàusagesmultiplesoudangereux?L’usagemultiple,cesontdeschosescommelefer–ilestintroduitaupoids

et seulement avec l’autorisation de la section, dans toutes sortes de camions,mettonsducôtépalestinienversIsraël,quetulaissespasser.S’ilya,mettons,un

camionchargédeferetqu’iln’apasl’autorisationdelasection,tuluifaisfairedemi-tour... Une fois, j’ai vu la liste des substances, des matériaux que turencontresetoùtucommencesàtesentirmal,parcequetunesaispasquoienfaire.Jenepeuxpastouslesénumérer,maisjemefieàcettelisteparcequelesgens qui l’ont établie faisaient partie de la police militaire et travaillentmaintenant dans l’administration. Ils savent quels matériaux sont autorisés etlesquelsnon.Sic’estàusagesmultiples,unmorceaudeferrailleouquoi,mêmeunepetitequantité,çanepassepas,surtoutdepuislecôtéisraélien.

Lesengraisetlestrucscommeça?Çanonplus.Situasdel’engrais,del’acétone...c’estprobablementpourdes

explosifs.

Vous dites que ce sont les objets qu’on ne peut pas faire entrer,même enpetitesquantités.

Il y a certains cas où ils font tout pour que ce soit respecté. Le gars del’administrationchoisitetjelesoutiens.

Il y a la place pour un choix. Il y a une situation où vous pouvez obtenirl’autorisation défaire entrer des matériaux à usages multiples dans lesTerritoires?Mettonsquequelqu’unconstruiseunemaisonetqu’ilaitbesoindepoutresenmétal,quefait-il?

Quand il s’agit de construction, ils s’en sortent, ils n’ont pas besoind’importerquoiquecesoitd’Israël.

Oùtrouvent-ilslesmatériaux?Jenesaispas,mais ilsconstruisent là-bas. Jemesuisbeaucoupoccupéde

camions qui transportaient de la terre, du béton, etc. Tant qu’ils ont desdocumentsquiénumèrentcequ’ilsontdanslecamion–laplupartdutemps,cesontdesentreprisesdeconstructionarabo-israéliennes.

Est-ce que tous les checkpoints avaient la liste de ce qui était autorisé oupas,ouseulementlesterminaux?

C’est différent à chaque checkpoint. Si tu es près de Bet Iba, il y a unecarrièred’amiantepasloin,j’imaginequ’uncamionpeutpasserlà-bas,maispasducôtéisraélien.S’ilvenaitducôtéisraélien,ildevraitsuivretouteslesétapes.Il y a aussi des restrictions pour les Juifs, pas seulement pour les Arabesisraéliens.

Vous faites une distinction entre les chauffeurs arabes israéliens et leschauffeursjuifspourcequ’ilspeuventtransporter?

Chaquecheckpointasespropresprocédures.ÀEliyahu,ilyaunefilerienque pour les résidents de Samarie et la file rouge est réservée aux Arabesisraéliens et aux Israéliens.La troisième file est justepour lesPalestiniens. Ilspeuventaussitransporterdesmarchandises,maisoncoopèreaveclapolicedesfrontières pour les inspections, et ils ne peuvent faire entrer desmarchandisesques’ilsontuneautorisationquiditquec’estpouruneentreprise,danscecas,çava.Toutdépenddel’autorisation.

Quidélivrel’autorisation?LeBCD.

Qu’est-cequec’est,l’opération«TroisCercles»?Normalement, c’est l’administration de transfert qui s’occupe de

l’inspection,maisonintervenaitquandlapolicemilitairelessurveillait,parfoisc’étaitunsoldatdecombatetonlesurveillait.Onseconcentraitsurlesentréesd’Israël vers le côté palestinien. Il y a des checkpoints sans personne, alors legars de l’administration fait l’inspection seul, s’il a l’autorité ou si quelqu’unavec lui a l’autorité. Mettons que la police militaire a plus d’autorité aucheckpointquelapolicecivile.Àpartlesdevoirsordinairesdelapolice,ilyaplein d’endroits où un policier militaire est là pour inspecter les objets quientrenten Israël.Comme jevousaidit, àcausede lacrainted’un transfertderoquettesKassam.

En gros, l’opération « Trois Cercles » signifiait que quelqu’un del’administrationfaisaitl’inspectionducôtéisraélien.

Àcertainscheckpoints,ilyauneseulepersonnedel’administrationetc’estun problème, parce que le checkpoint a deux directions. À certains endroits,plus. Mais de toute manière, il lui faut quelqu’un sur le checkpoint qui aitl’autorité. C’est pour ça qu’ils sont généralement là où lesmarchandises vontvers le côté palestinien. Encore une fois, quand on parle demarchandises, cesont généralement des choses qui passent dans des véhicules israéliens. Si çavientducôtépalestiniendansunvéhiculeisraélien,alorsilyagénéralementuneinspection et le gars de l’administration se trouve du côté du checkpoint d’oùviennent les véhicules palestiniens... Pour les Palestiniens, tu fouilles toute labagnole,mais engénéral tu n’inspectes que20%d’ungrand camion, commecesVolkswagen.

72.NelaissezpaspasserlesambulancesaucheckpointUNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:BETHLÉEMANNÉE:2005

Ilyavaituneautreprocédureoùlesambulancespalestiniennesnepouvaientpas passer le checkpoint. Elles venaient d’un côté du checkpoint, une autreambulancearrivaitdel’autrecôté,etilsdevaienttransférerlepatient.

Lesambulancessemettaientdosàdos?Non.L’ambulance palestinienne se garait derrière les blocs de béton, et le

patientdevaitmarcherunevingtainedemètresjusqu’àl’autreambulanceouêtreporté sur une civière.Bon, je ne sais pas si vous avez déjà vu une femme dequatre-vingt-dixanspasseruncheckpointavecuneperfusiondanslebras,maisce n’est pas joli à voir. Et certainement pas amusant pour la femmepalestinienne. Le plus fou, c’est qu'on avait comme instruction d’inspecter lesdeux ambulances. Une ambulance arrive, c’est un véhicule humanitairerépertorié, tu laissespasser lavieille femmeparceque, évidemment, elle a lesbonnes autorisations, et elle est vieille – avec les vieux et les enfants, pas deproblème –, elle passe sans encombre puis tu inspectes les deux ambulances.Pendanttoutcetemps,lepatientdoitattendre.Jamaisaupointdemettresavieendanger,etquandilyavaitdescastrèsgravesonn’inspectaitpasvraimentlesambulances,même si tu es censé le faire,mais pendant ce temps, la personnesouffre.Jeveuxdire,iln’yarienàfaire,maisilsrestentlàetilssouffrent.Leregardaccusateurd’unefemmedequatre-vingt-dixans,quin’asansdouterienfaitdemal,c’estquelquechosequivousreste.

73.VousallezdanslavalléeduJourdain?Ilvousfautuneautorisationspéciale

UNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:VALLÉEDUJOURDAINANNÉE:2006

Aucheckpoint,cequisepasse,c’estquetousceuxquiviventdanslavallée– un Palestinien qui vit là-bas – peuvent passer sans permis de travail, peuimportelaraison.

Ilpeutpasserlescheckpointsdanslavallée?Le nôtre en particulier, celui deGitit. Je pense qu’il peut aussi passer les

autrescheckpoints.Touslesautresontbesoind’unpermisdetravail.S’ilsn’enontpas,ilsnepeuventpaspasser.OnobtientlepermisauBCD.

OùsetrouveleBCD?IlyenaunàNaplouseetunàJéricho.Jepensequ’ilsl’obtiennentauBCD

deJéricho.

IlspeuventallerauBCD?Biensûr, ilspeuventallerauBCD.Oh,attendez,non,désolé, ilsn’ontpas

besoin,lesgensde...JenesaismêmepasàquelBCDilsdoiventaller,JérichoouNaplouse.IlyenaunàJérichoetunàNaplouse,ilssontrattachésàl’undesdeux.

LaplupartdesgensontdespermisdeNaplouseoudeJéricho?Voilà,jenesuispassûr.

Sic’estNaplouse,c’estabsurde.Pourquoi?

Parcequesiunepersonnen’apasdepermis,pourenobtenirunelledoitpasserlecheckpoint.

Non,sic’estJérichoc'estabsurde,oui. IlsdoiventalleràJérichodepuis lecheckpoint.LepermisdetravailestseulementpourlesgensdesTerritoiresquitravaillentdanslavalléeduJourdain.

Etsiquelqu’undelavalléeabesoindetravaillerdanslesTerritoires?Ils sont libres de voyager dans cette direction, tout le monde peut passer

librement.Si tuviensde ladirectiondelavalléeetquetuhabitesàRamallah,alors tu peux passer. Si tu vis àRamallah et que tu veux aller dans la vallée,alorstunepeuxpaspasseràmoinsd’avoirunpermisdetravail.

Est-ce qu’ils envoient parfois des ordres au checkpoint du genre : «Aujourd’hui,onlaissepasserlesgensavecteloutelpermis»?

Non. À Gush Etzion c’est comme ça. Chaque service a des ordrescomplètementdifférents.Ici,pasdutout.Toujourslesmêmesordres.

74.UncamionquientreàRamallah?Ilvousfautuneautorisation

UNITÉ:NAHAL(RÉSERVE)LIEU:RÉGIONDERAMALLAHANNÉE:2005

Ilyaunan,j’aifaitmonservicederéserveàQalandiya.J’aifiniparresterlà-basdeuxsemaines,undemi-service.

Ques’est-ilpassélà-bas?Cequis’estpassé?C’étaitterrible.

Qu’yavait-ildeterrible?D’abord, je dois dire que j’étais content de voir que tout le processus des

checkpoints s’était amélioré, parce qu’au moins, maintenant, ils ont desprocédures établies. Qalandiya était bien mieux organisé que dans monsouvenir... Maintenant, des soldats sont censés être là-bas... des soldats de lapolicemilitaire forméspour travailler aux checkpoints, avecdesprocédures ettout.Jesuisarrivélà,c’estlapremièrefoisqu’ilsm’appelaientpourleservicederéserve en trois ans. Ça restait frustrant, parce que maintenant il y a cesprocédures,maisdepuisquejesuiscivil,jeréfléchisauxprocéduresetjenelesaimepas,alorsj’essaied’yfairequelquechose.Ilyaunordreselonlequellescamionssansautorisationpourlesmarchandisesn’ontpasledroitd’entrerdansRamallah.Ungarsarriveavecuncamionvideetilveutentrer.

Maisiln’apasd’autorisation.Iln’apasdepermis,maisiln’apasdemarchandisesnonplus,ilauncamion

vide.Jedis:«Qu’est-cequevousvoulez?»Ilrépond:«Jeveuxrentrerchezmoi,avecmafemmeetmesenfants.»«Vousnepouvezpas.»«Commentça,jenepeuxpas?»Jedis:«Vousnepouvezpasentreraveclecamion.Sivousvoulez, allez legarerquelquepart etprenezun taxi.» Ildit :«Écoutez, c’estmoncamion,ilm’acoûtéunmillionetdemideshekels,jenelequittepasdesyeux.»Non, impossible, tune le laissespasentrer.Toutessortesdesituationscommeça,trèsfrustrantes.Quandjesuisarrivéenservicederéserve,jemesuisditquepeut-être,voussavez, jepourraisfairequelquechose.Voilà le truc, lesseulsgenssur le terrainnepeuventpasêtreceuxquiontenvied’yêtre.Si les

gensdegauchenefontpasleservicederéserve,quirestera-t-il?Çaseraceuxquifont toutes leshorreurs.Jemesuisditnon, il fautque j’ailleauservicederéserve.Onnepeutvraimentrienfaireàmoinsd’êtresurplace.

75.Combiend’autorisationsunepersonnedoit-elleavoir?

UNITÉ:ADMINISTRATIONCIVILELIEU:VALLÉEDUJOURDAINANNÉE:2006

Vousétiezresponsabledeladélivrancedesautorisations?Oui,lesautorisations,lescartesmagnétiques,cegenredechoses.

Quelgenred’autorisationsdonniez-vous?PourentrerenIsraëletcirculerdanslesTerritoires.

Existe-t-ilunpermisspécialpourlesPalestiniensquiviennentdeNaplousepourtravaillerdanslavalléeduJourdain,àJérichoparexemple?

Ilyenavaitun,maintenantjecroisquec’estouvert.Nemecroyezpassurparole,parcequejen’ysuisplusdepuisseptmois.Ladernièrefoisquej’ysuisallé,àBeitel-Kabr,jecroisqu’ilsontouvertlacirculationdeNaplouseverslavallée,maisleconseilnousdonnaitdeslistes.

Quelconseil?LeconseildelavalléeduJourdain.PourlesPalestiniensquitravaillentdans

lescolonies,sic’estcequevousvoulezdire.

EtpourlesPalestiniensquin’ontpasdetravail?Illeurfautunpermisdesiège,unpermisrouge.Commetoutlemonde.

Qu’est-cequeçaveutdire?Unpermisrouge.

EtsivousvoulezallerdeDjénineàJéricho?Pasbesoind’autorisation.Parlepassé,ilenfallaitseulementunàNaplouse

sivouspassiezparlavallée.Ilfallaitunpermisdesiège.Maintenant,iln’enfautplus,jecrois.Sijenemetrompepas.Jecroisqu’iln’enfautplus.MaisilslesdélivraientàNaplouse,paslàoùnousétions.LesrésidentsdeJérichopouvaientse déplacer à peu près librement. La restriction s’appliquait aux habitants deNaplouse.

EtpasdeDjénine?Djénine,peut-être...Jenemerappellepas.

Parcequ’ilfautvenirdelàpouralleràJéricho.Oui, mais de Tubas, par exemple, vous pouviez entrer à Jéricho, aucun

problème,iln’yavaitpasbesoind’autorisation.Jepensequec’étaitjustepourlesecteurdeNaplouse.

TubasestdanslesecteurdeNaplouse.TubasestconsidérécommelesecteurdeDjénine.LeBCDconsidèrequeça

faitpartieduBCDdeDjénine,doncjepensequec’estjustepourlesrésidentsdeNaplouse,parcequ’àl’époqueilyavaiteuunevaguedeterroristesdusecteurdeNaplouse.Etàl’époque,l’idée...Jecroisquec’étaitjustepourlesrésidentsdeNaplouse. C’est ce dont je me souviens. Il y avait aussi des Palestiniens quitravaillaientdansl’agriculturepourlescolonies.Alorsilssoumettaientunelisteetilsobtenaient...

Desautorisations.Non,ilsn’enavaientpasbesoin.Leslistesétaientdansunclasseur,ilsnous

amenaient les listespourqu’on sache.Maintenant, il leur faut aussiunpermisd’entreprise, un permis vert. Il existe des autorisations spéciales pour lesentreprises.

Combiend’autorisationsunepersonnedoit-elleavoir?Ilyaplusieurschoses.SivousvoulezentrerenIsraël,ilyaunpermisbleu.

PourvoyagerdepuisNaplouse...Jecrois,toutcequ’ilrestedespermisdesiège,lespermis rouges, ce sont ceuxpour les taxis et les transportspublics.Nemecroyez pas sur parole, je ne suis pas sûr. Je ne suis pas à jour. Et puis il y al’autorisation d’entreprise si vous travaillez, qui donne droit à plus d'heures.Vousavezplusdetempspourvoyager,decinqàdouzeheuresoudecinqàdix.

Uneautorisationmarcheenfonctiondesheures?Ouais,ilyadesheures.

Le permis de siège, c’est juste pour les taxis ? Les gens normaux ne s’enserventplus?

Non,ilsn’enontplusbesoin,jecrois.Cen’estplusnécessaire,jepense.

Ilsontétéannuléspendantvotreservice?

Ils étaient en train d’être annulés. Pas besoin. Je ne sais pas si... Je croisqu’ilslesdélivrenttoujours.Maisjenesuispassûrqu’ilyenaitbesoin.Nemecroyezpassurparole,jenesuispassûr.

Lesquelsdélivriez-vous?Tous.

76.Deuxvillages,deuxBCDdifférentsUNITÉ:ADMINISTRATIONCIVILELIEU:NAPLOUSEANNÉE:2005-2008

Mettonsqu’unemariéehabite levillagedeMarda, prèsdeNaplouse, et lemariéàDirIstiya.Ilsveulentserendredepuissonvillageàellejusqu’auvillagevoisinpourallerausalondebeauté.Lematin,lecommandantducheckpointleslaissepasser,maisquandilsreviennent,unautrecommandantneleslaissepasrentrer.Illeurdemande:«Commentêtes-voussortis?»Elledoitrentreràsonvillage de Marda, rentrer pour se préparer puis partir avec sa famille pourHawwara,où lemariagedoitavoir lieu lesoir.La familledumariéestcensées’occuperdu transport.Cesdeuxvillagesdépendent dedeuxBCDdifférents :l’unestàQalqilya,l’autreàNaplouse.Pourfinir,touts’estbienpassé,ilssontmêmeallésplus loinetont laissépasserhuitvéhiculespour lemariage.Jemerappelle que je m’en suis occupé pendant une demi-journée, la moitié de madernièrejournée.

VousdeviezassurerlacoordinationaveclesBCD?Non,unseulBCDs’enestoccupé,c’estentrelesdeuxbrigadesrégionales.

Il y a deux secteurs et deux BCD différents, c'est une zone très compliquée.Marda appartient à Qalqilya, c’est-à-dire la Samarie ; Dir Istiya appartient àQalqilya et Efraim, et Hawwara appartient à la Samarie et à Naplouse. Voussavezpourquoilesfrontièresnecorrespondentpas?Parcequecesontcellesdel’administration civile, qui était le gouvernementmilitaire, placé sous contrôlejordanien.Quand l’armée a occupé lesTerritoires en 1967, elle n’a pas reprisl’anciennecarte,elleafaitsaproprecarte.

77.Ças’appelledela«ségrégation»UNITÉ:ADMINISTRATIONCIVILELIEU:NAPLOUSEANNÉE:2006

En 2006, on a reçu une plainte d’étudiants de l’université a-Najah àNaplouse parce qu’ils n’avaient pas le droit d’emprunter le checkpoint deBetIba, qui avait été ouvert, je crois qu’il est resté ouvert jusqu’à quelquesmoisavantcetteaffaire,ensuiteilaétéfermé.Jenemerappellepaspourquoi.Jecroisque ça a un rapport avec les colonies là-bas, parce que le checkpoint ymène,entre autres. Le checkpoint a été fermé pour presque toutes les raisonsimaginables. L’armée, la brigade, ils appellent ça une « ségrégation ». Laségrégationsignifiequetun’autorisesquelesrésidentsd’uncertainâgeàpasser.Leshommesau-dessusd’uncertainâge,mettonstrente-cinq,quaranteans.Etlesfemmesàpartird’unâgeplusjeune.Ilsn’autorisaientpaslesétudiantsàentrer.IlsviventdanslevillageprèsdeNaplouse.C’estcommesivoushabitiezàNessTziona,quevousvouliezalleràRehovotetqu’ilsvousenempêchaient.Jemerappellececasenparticulierparcequec’est lapremièreplainteque j'ai reçue.Un gentil étudiant qui parlait anglais m’a appelé, j’étais content de pouvoircommuniqueravecluietc’étaittrèsdécevantdeluidonnercetteréponse,deluidirequ’ilyalaségrégation,qu'ildevrapasserlesrattrapages.

Ilsvousontdonnélesraisonsdelaségrégation?Oui. Je lui ai expliquédequoi il s’agissait et qu’il nepouvait pas entrer à

causedesonâge.Jenemerappellepasl’âgeexact,maiss’ilavaiteuunautreâge,ilauraitpuentrer.Uneautrefois,quatrefemmes,certainesétaientmaladesetd’autreslesaccompagnaient,ontétéarrêtéesaucheckpointdeBetIba.Ellesétaientmalades et avaient besoin de soinsmédicaux. C’était deuxmois aprèsl’incidentaveclesétudiants.

C’étaittoujourslamêmeségrégation?Jenepeuxpasl’affirmer,maisilyavaittoujourslaségrégation.

Vousnesavezparlesâges?Maintenant je ne sais pas, à l’époque sûrement.On a exercé une pression

énorme,moietXXX,quiétaitcoordinateuràl’administrationcivile.Onafaiten

sortequ’aumoinslesfemmesmaladespuissentpasserlecheckpoint.Lesautresont dû faire un long détour jusqu’au checkpoint d’EinBidan, et apparemmentellesontfiniparseretrouver.

Quiadonné l’ordredeségrégationetquanda-t-ilétéannulépourque lesgenspuissentànouveaupasser?

Certaines ségrégations peuvent durer des mois. Je me rappelle uneségrégationquis’étendaitdetoutelaSamariejusqu’àJéricho,toutelapartieest.UnPalestiniendeRamallahquiveut aller à Jérichon’aqu’une routepossible,parDjénine.Un habitant de Jérusalem qui veut aller à lamerMorte ? Il fautpasserparAfula.

Parquelscheckpointspeuvent-ilspasser?Jenemerappellepaslesnoms.JecroisparBeqaot,Tiasir.

Voussaviezexactementquelscheckpointslesgenspouvaientemprunter?Oui,lesPalestiniensaussilesavaient.

Quelleétaitlaraison?Menacesterroristes.Onm’aexpliquéquec’étaitpourprévenirdesattentats.

Combiendetempsçaaduré?Jenemerappellepas.Ilyacertainességrégationscertainsjours,àcertaines

heures,parfoisçaduredessemaines.

Quimetfinauxségrégations?Quelqu’unauniveaudumajorgénéralsic'estpourplusdequelquesjours,et

ladécisionpeutremonterjusqu’aucommandantdebrigade.

Ilyadességrégationsquin’ontpasdelimitedetempsdéfinie?Jecroisqu’ilyaunelimitedéfinie.Ilyaungrouped’ordresmilitaires–ce

n’est pas la peine de rentrer là-dedans –,mais quand il y a la ségrégation, ilsdisent combien de temps elle va durer, puis ils l’étendent ensuite pour unecertainedurée.

Etvoussavezquandelleprendfin?Oui,et je ledisauxPalestiniens.LesPalestiniens lesaventparcequ’ilya

desrumeurs,leschefsdevillageetlapolicepalestiniennel’annoncentaussi.

Doncvousneparticipezpasàl’annonce?

Jenel’annoncepasdutout.Jen’aiaucunlienavecleschefsdevillage.MaissiunPalestinienm’appelleetmedemandes’ilpeuttransférerdesmarchandisesvia Efraim, qui est un checkpoint « dos à dos » dans la région de Tulkarem,mêmesic’estunjourdecommémorationpourlessoldatstombésdeTsahal,jelui dis oui, il peut le faire jusqu'à midi. On est aussi une sorte de serviced’information, ce qui mène à quelques conversations officieuses pendant lajournée.

C’estunetoutautrehistoire,passerdecheckpointencheckpoint...Lavraiehistoire,c’estquececheckpointpourrineprotègequelescolonies.

BetIba?Oui.Uneautrehistoireintéressanteestcelled’unchauffeurdetaxiquiavait

emmenéunmaladeàl’hôpitaldeNaplouseetquivoulaitrentrerchezluiàBetFurik, alors il a dû passer le checkpoint là-bas. Le checkpoint ferme à huitheures.LesIsraélienschangentd’heureenavril,lesPalestiniensdeuxsemainesplustard.Lemaladeetluiattendentaucheckpoint,maisilestfermé.Lessoldatssurplaceneleurontpasouvert,ilsnelesontlaisséspasserquelematin.IlsontpassélanuitàNaplouse.

Personnen’arienfait?Non.Voilàunautreexemple:unPalestiniendesoixanteansavecuncancer.

Ilavaitl’autorisationdesuivresontraitementàl’hôpitald’Assuta.Unbénévolel’attendait au checkpoint de Reihan pour l’emmener à son rendez-vous àl’hôpital,àdixheuresdumatin.Lessoldatsnevoulaientpaslelaisserpasser.Ilétaitseptheuresdumatin,ilfauttroisheures[pourarriverlà-bas]etilnevoulaitpasratersonrendez-vous.Ilsemblequecethommeavaituneautorisationpourle checkpoint deGilboa, paspourReihan, alors ils lui ont clairement dit qu’ildevait aller à Gilboa, à une heure de route pour les Palestiniens, et de là ilpouvaitpasserlecheckpointpour[entreren]Israël.Jen’aiqu’unechoseàdire:pourquoi ? C’est un sexagénaire avec un cancer, qu’est-ce que ça change s’ilpasseparaccidentàunautrecheckpoint?...etjenesuispassûrqueçal’arrangeentermesdetempsdetrajet.S’ilvoyageaitdepuisledébutaveclepermisqu’ilavait, peut-êtrequ’il serait arrivéplusvite, sans compter le fait qu’ilsne l’ontpas laissé passer.Mais qu’est-ce qui vous prend ?D’un seul coup, vous vousmettezàsuivrelaprocédure.Ilvasansdirequ’ilaratésonrendez-vous,jecroisqu’ilestjusterentréchezlui.Unautreexemple:unbébédevingtjoursaveclajaunisse.C’estarrivé.Ilsn’ontpaslaissépasserl’ambulanceaucheckpointd’a-Zaim,uncheckpointdeJérusalem.Ilsnel’ontfaitpasserqu’aprèsquarante-cinq

minutes.Unbébédevingtjoursnemènepasd’attaquesterroristes,pourautantquejesache.Unautreincidents’estproduitàDjénine,aucheckpointdeReihan–aujourd’hui,c’estuncheckpointplusétabli,maisàl’époqueilyavaitquatrepoliciers des frontières qui restaient là à dire : « Allez, avancez. » Us nelaissaient pas passer le matériel humanitaire, par exemple, vers Barta’a etReihan.Un camionneur qui transportait des fruits ou des légumesm’a appelépour dire : « Je viens deDjénine, je veux entrer dans le village parce que lesgenslà-basn’ontrienàmanger.»Cen’estqu’àlafindelajournée,aprèsqu’ilnousaappelésàneufheuresdumatin,cen’estqu’àcinqheuresmoinslequartqu’ilsl’ontlaissépasser.

Uncamionouunecamionnette?Ilestrestélàhuitheures,àattendre,ensuiteilsl’ontlaissépasser.Ilyavait

plusieurscamionslà-bas.

Ilsl’ontinspecté?Ilsl’ontfouillé,maiscen’estpasleurfonction.Ilsnel’ontsimplementpas

laissépasser parceque c’étaient les ordresdequelqu'und’autre et que le typeétait bloqué ailleurs. Il y avait des plaintes basiques parce que les portesagricoles n’étaient pas ouvertes. Je ne pensais pas que les soldats avaientintentionnellement une, deux, trois heures de retard. Ça signifiait qu’unPalestiniendevait attendre trois heurespour arriver à ses terres ou enpartir etrentrerchezlui,etc’estarrivéuncertainnombredefois.C’estarrivéàcausedelanégligencedessoldats,oudelasalledecommandement,oud’uneopérationquiempêchelessoldatsd’ouvrir lecheckpoint.Parceque,quiouvre lesportesagricoles?Lessoldats.

78.Iln’yarienàfaire,lesretardatairesnepeuventpaspasser

UNITÉ:BATAILLOND’INFANTERIEKFIRLIEU:TULKAREMANNÉE:2008-2009

La patrouille, c’est une force active sur le terrain qui peut être appeléen’importequand,tutepromènes,ets’ilsepassequelquechoseàuncheckpoint,ils t’envoient immédiatement parce que c’est toi le plus près. Parfois tu vasouvrirlesportes.

Qu’est-cequeçaveutdire?Parendroits,ilyadesclôturesquelesArabesdoiventfranchirpourallersur

leursterres,alorstuouvreslesporteslematinquandilyabesoin–chaqueporteaunhoraired’ouverturefixe,tufaisunelistedequipasseetquinepassepas,quipasseetnerevientpas,toutessortesdechosescommeça.

Ilsaccèdentàleursterresquisontdel’autrecôtéduMurdeséparation?Oui,quelquechosecommeça.

Çasepassecommeprévu?Çasepassecommeprévusaufs’ilyaunproblème.Parfois, lesopérations

sontaccélérées,alorsilyadesgensquiarriventunpeuenretardmaisiln’yarienà faire, ilsnepeuventpaspasserparcequ’ils sont en retard.Cen’estpasnotre problème. Parfois, on repousse un peu la limite de temps, on attend lesgensquelquesminutesdeplus.Maiss’ilsn’arriventpasàl’heure,iln’yarienàfaire.

79.Onabloquél’accèsàsasourcederevenusUNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:RÉGIONDEDJÉNINEANNÉE:2005

Tout le monde sait que dans les Territoires, tu es exposé à des tas deparadoxes,dedilemmes,toutessortesdechosesqui...Parexemple,unefois,onétaitdansunecasemateàMevoDotan...[lesPalestiniens]n’avaientpasledroitde monter au sommet de la colline derrière, parce qu’on considérait qu’elledominait unpeu la casemate.Mais il se trouvequ’au sommet de la colline sesituait levergerdequelqu’unet iln’avaitpas ledroitd’yaller.Àchaque foisqu’ilmontait,onluidisaitdes’enaller,onessayaitdel’aider,etilnousdisait:«Mais la terreestàmoi.»Onluiaditqu’onluiobtiendraituneautorisation, lecommandantdecompagniesuivantavraimentessayédeluienobtenirune,maisils’estheurtéà,voussavez,labureaucratieetsoninflexibilité.C’étaitjusteuntype qui... juste parce qu’on amis une casemate là, on a bloqué l’accès à sasourcederevenus.Çaparaîttrivial,toutcequevousvoudrez,maisvoussavez,c’est comme si quelqu’un avait dit à ses parents que ce type ne pouvait plusgagnersavie.Çadétruitsamaison,iln’yariend’autreàdire,çadétruitjustesavie.

80.LesagriculteursontfonduenlarmesUNITÉ:ARTILLERIELIEU:RÉGIONDEQALQILYAANNÉE:2002

C’étaituneopérationde routine :partirdansdesvéhiculespourpatrouillerdans les villages arabes voisins. Il y avait un tas d’excavations dans le coin.C’est vraiment un endroit qui vous brise le cœur, toute la région duMur deséparation.On était exactement à l’endroit où ils creusaient pour construire laclôture, tu arrachais les figuiers et les oliviers des habitants, je trouvais çavraimentduràvoir.

Vousêtesagriculteur?Non,maisvoussavez...Quelqu’unvienttedire:«OK,tamaisonestàmoi

maintenant.Taterreestàmoimaintenant.Toutcepourquoituasinvestidepuisquarante ans. »Vous savez, les vieux, les agriculteurs.Des gens pour qui cetarbreestdelanourriture.Ettuleurdis:«Oublie,dégage,cen’estplusàtoi.»

Vousavezsupervisélestravaux?Non,maisj’aisurveillé.Iln’yapaseud’incidentsviolents.Encoreunefois,

parcequ’onétait siprèsd’Israël.Et s’ilyenaeu... alorsc’était avecd’autresunités, plus expérimentées au combat que nous, et elles sont vraiment entréesdanslaville.

Vousvousrappelezavoirrencontrécesgensdontondéracinaitlesarbres?Ilssontalléssurplace?

Ouais,onlesrencontrait.Tudois...C’estdur,parcequelesgensviennenttevoirenlarmes.

Vousvousrappelezunincidentprécis?Jemesouviensd’unincidentenparticulier.Çamedonnelachairdepoule

rienqued’ypenser.Quelqu’undontilsavaientdéracinélesoliviersestvenumevoir en larmes – pardon, les figuiers – et ilm’a dit : « J’ai planté ces arbrespendantdixans, j’aiattendudixansqu’ilsportentdesfruits, j’enaiprofitéunan,etmaintenantilslesdéracinent.»Letypeavaitdéjàtravaillétrenteans,etilmedit :«J’ai travaillé trenteanspouracheter la terre, je l’aicultivéependant

dix ans, j’ai attenduque ces arbresportent des fruits. » Il n’avait euqu’un anpourprofiterdesesarbres,puislesbulldozersdeTsahalarriventetonluidit:«Oublie tout ça. »Aumieux, tu tombes surun conducteurdebulldozerqui estprêtàreplantersesarbresailleurs.

Iln’yavaitpasdeprocéduredereplantation?Non,absolumentpas.Lesconducteursdebulldozersétaientarabeset ceux

quisesentaientencoreliés...dontlecœursebrisaitencore,alorsilsprenaientlapelleteuse,creusaientetreplantaientl’arbredeleurcôté[palestinien]dugrillage.Ilétaitrarequequelqu’unquifaisaitceboulot...Çacoûtecher,etsonchefluidisait:«Àquoitujoues,arrêtedet’amuser.»Doncledéracinementsefaitlemêmejouretensuitec’estfini,ilscommencentàcreuser[pourconstruireleMurdeséparation].

Quand vous êtes arrivés là-bas, ce genre de travaux ne faisait quecommenceroubiendurait-ildepuisunmoment?

Cen’étaitqueledébut–çacommençaittoutjustelepremierjouroùonestalléssurleterrain.

Aveclesgéomètres?Oui,notreprincipalemissionétaitdeprotéger lesgéomètres.Le travaildu

géomètreestdeprendresaradioetdecommenceràarpenterlazone.

Les géomètres ne voient pas ce qui se passe ?Même avant l’arrivée desbulldozers,ilsnevoientpasqu’ilyalesarbresdequelqu’un?

Si,maislepropriétaireneserendpascomptequeletypequimarchesursonterrainestungéomètre, ilnevoitque lebulldozer.Etmêmes’il comprenait...qu’est-cequeçachangerait?

Ilsneleurparlaientpasàl’avance?Jenecroispas.Jenesaispas.J’imagine...Ilsn’ontnicourriernitéléphones

portablespour la plupart.Quelqu’unqui ade l’autorité arrive et prendvotre...C’estcommesijevenaisetquejeprenaisvotreportable–quienauraitquelquechoseà faire?«Dégage... si tuveux, fais-moiunprocès.»Mêmesi tuesuncitoyen avec une carte d’identité bleue [israélienne] et tous ses privilèges, tuessaiesd’obtenirdel’argentdelaCaissed’assurancenationaleetilstedisent:«Ouais, c’est ça, bonne chance... » Genre, c’est qui celui-là [l’agriculteurpalestinien]?Voussavezcequivasepasser.Voussavezquemêmes’ilfaitunprocèsettout–iln’aurarien.

Sur place, les gens ne contestaient pas, ne se mettaient pas devant lesbulldozers?Voussavez, lesarbres,onnepeutpas lesrendre. Iln’yapasdecompensationpossiblepourquelquechosecommeça.

Ilsleurontpromisdeleurdonnerdel’argentouautrechose,d’autresterres.Ilyauneloiquiditquesil’Étatprendplusde40%[devotreterre],vousavezdroitàunecompensationcomplète.Ilspeuventprendrejusqu’à4096,etvousnepouvez rien faire.S’ilsprennent41%,vousavezunecompensationcomplète.C’estunerèglegénéraledel’État,ilssefichentqueçaleurfassedumaloudecequ’il y a sur les terres. Jen’étaispas sûrqu’ils lesprendraient. Il n’ya rienàfaire.Cequejeveuxdirepar«rienàfaire»?C’esthorribledevoirça,parcequ’ils ont promis une compensation [à l’agriculteur] –mais tu as l’impressionqu’iln’aurariendutout.

Combiendetempsaduréletravaillà-bas?Quandjesuisparti,ça[continuait]encore...

Doncçaaprisdutemps.Construire une clôture, c’est un gros chantier. Parce qu’il s’agit de

montagnes...tucreuseslaterre,tulamesures.

Il n’y a pas eu de résistance physique, de manifestations, pas même unpanneau?

Il y en a eu – je les ai vus sur le côté avec un panneau,mais ce sont desagriculteurs,pasdesactivistespolitiques.Onparled’unhommequin’avraimentpaseudechance.Onnepeutpasdirequ’onfaitdumalàtouteunepopulation.Une seule personne contrôle un terrain, donc tu ne croises personne avant detombersur lesquaranteautres.Àchaquefois,cen’est la terrequed’uneseulepersonne.Cen’estpascommesituarrivaisdansuneuniversitéoùilyauntasdegens.Tune t’enprendspasàunendroitpleindegens,àchaque fois tunevoisqu’uneseulepersonne.Etpuiscettepersonnen’aaucunpouvoir–ellenepeut que regarder en pleurant. Il n’y a pas de syndicat d’agriculteurs. En soi,c’étaittriste,injuste.Voussavez,l’idiotiedecepays,ilsontprislaterredutype,etdemainilsdirontqu’ilsarrêtentdeconstruirelemur.C’estarrivéplusd’unefois. Ilsdécidentque lemurdoitpasserpar là–sur les terresdutype,danssacour, samaisonparticulière–mais le lendemain, ilsdécident,aprèsavoirdéjàdétruitlesroutes,quelemurnemarchepasici:«Partonsd’ici.Enleveztout,çanemarchepasici.»

Ilsontdéplacélemurdansvotresecteur?

Unchangementd’itinéraire.

Non,dansvotresecteur–làoùvousétiez.Unchangementd’itinéraire.Ilsontcommencéàcreuser,puisd’unseulcoup,

ilsontdécidéquel’endroitneconvenaitpas.

Qu’est-cequec’est,cettehistoiredegéomètres?Ungéomètre reçoitunordre.C’est lapartie lamoinschère,vous savezce

quereprésententlesheuresdel’excavatrice?

Maislegéomètrevérifieleterrainavant.Trèsbien..,enIsraël,onfaitleschosesselonuncalendrierdifférent.D’abord

oncreuse,etseulementaprèsonvérifiequec’estaubonendroit.

Oùont-ilsdéplacélaclôture?Parfoisàdixmètres,parfoisilsdécidentdetoutannuleroudecontourner...

parce que, à quoi sert la clôture ? Elle entoure les colonies. Une colonie setrouve à l’intérieur de la Ligne verte, l’autre non. Ils décident si le mur doitentourerounonlacolonie,etàquelledistancedelacolonieildoitpasser–end’autrestermes,ilsfontlesaleboulot.

81.Iladit:«Jevisenprison»UNITÉ:POLICEDESFRONTIÈRESLIEU:PONTALLENBYANNÉE:2002

À l’endroit qu’on appelle la frontière, j’ai essayé de rester humaine, defranchirlaligne.Quandjedisfranchirlaligne,jenesaispas,jeparledeMoussaparexemple.Moussaétait...ontravaillaitsurlepontavecdesgensquivenaientdeJéricho,descivilspalestiniensquivenaientchaque jourdeJéricho jusqu’aupontpourtravailler.Desboulotsdenettoyage,deschosescommeça.

Aucheckpoint?Auterminal.Appelonsçaunterminal,cen’estpasuncheckpoint.Cen’était

pas un checkpoint, OK ? Appelons ça un terminal, parce que c’est l’autoritéaéroportuairequifinancetout.

C’estimportantàsavoir.Non, vraiment, ce n’était pas un checkpoint de Tsahal. Sur place, les

documents viennent de Tsahal, c’est-à-dire que l’armée est indirectementimpliquée.Onnevoyaitpasdesoldatslà-bas,c’étaitplutôtunendroitcivil,descivils et la police, pas l’armée, OI< ? Moussa était l’un des jeunes gars quivenaient travailler là-bas : vingt-deuxans,marié, pèrededeuxenfants.Vingt-deux,vingt-troisans,ouais,voussavez, ils semarient jeunesparcequ’iln’yapasgrand-choseàfaireàpart...quand tuesassiégé, iln’yarienàfaireàpartresterdans lachambreavec ta femme, fairedesenfants...Pendantunedemesconversationsaveclui,qu’est-cequejedis,unedemesconversations?Mêmesije voulaism’asseoir pour discuter avec lui, je ne pouvais pas. Impossible.Auplus, il travaillait, jem’approchais, je disais bonjour, salamaleykoum, commeça, c’est tout, rien de plus. Donc une fois je l’ai croisé en passant, je lui aidemandécommentilallait,çava,etonacommencéà...ilm’aditdeschosesquime restent encore aujourd’hui.C’est-à-dire, tu es avecquelqu'unquivit à uneheureetdemiedelameretquin’yestjamaisallé.

UneheureetdemiedelaMéditerranée?UneheureetdemiedelaMéditerranée,unquartd’heuredelamerMorte.Je

crois qu’ils sont allés à lamerMorte avant l’Intifada,mais il y a des choses

qu’ils, je ne sais pas, il a employé le terme « prison ». Il a dit quemalgré lecalmeàJéricho,entermesmilitairesetpourlecampderéfugiésprèsdelaville,et les gens eux-mêmes – c’est-à-dire que c’est une population religieuse,agricole,iln’yapaseubeaucoupdeproblèmeslà-bas–,malgréça,tuvoisdelacolèredansleursyeux.J’aieul’impressionqu’ilm’accusaitquandildisaitça.Ilm’aregardéedanslesyeuxetilm’adit:«Jevisdansuneprison,jenepeuxpasalleràlamer,jeveuxalleràTelAviv,acheterdeschosespourmafemme.»Etçaterongedel’intérieur.Desmotspareils,unesituationpareille,tucommencesàchangerdepointdevue.C’est-à-dire,quandjesuisarrivée,jemesuisengagéedansl’arméetrès...jenesaispassionpeutdirededroite,maistrèsmotivée...jevoulaistoutfairepour...Ettonservicesèmeledoute,aveccequej’aivécu,j’aicommencéàmettreleschosesendoute.

Quandest-cequeçaacommencé?C’estarrivé lentement.Jenesaispass’ilyaeuunmomentprécisoùçaa

commencé.

Troisièmepartie

Latramedevie:administrerlaviecivilepalestinienne

Les témoignages de la troisième partie illustrent l’influence qu’exercent lesforcesdesécuritéisraéliennessurlaviedesPalestiniensdanslesTerritoires.Lesporte-paroledel’Étataffirmentqu’Israëln’empêchepasl’accèsdesPalestiniensaux produits de première nécessité, que leurs actions ne causent pas de crisehumanitaire,etque,malgrésesimpératifssécuritaires,lepaysassurelemaintiendela«

tramedevie»palestinienne.Detellesaffirmations–commecelleselonlaquellelaCisjordanieauraituneéconomieprospère–visentàsuggérerquelaviesousl’occupationpeutêtretolérableetquerienn’empêchelesPalestiniensdevivreconvenablement.

Sur

lafoidetellesallégations,Israëldécritl’occupationcommeunemesuredéfensiveacceptable.Toutesouffranceenduréeparlapopulationestconsidéréecommeraisonnableetproportionnée.Lesautoritésisraéliennesprétendentparexemplequ’enaccordantdesautorisationsdepassagepourlescas«

humanitaires»,ellespermettentauxPalestiniensdemenerunevienormale.

Maiscettedépendancedemillionsdepersonnesenversunebureaucratiecomplexeetalambiquée,àlaquelleellesneparticipentpasetquinereprésentepasleursintérêts,illustreprécisémentledegrédecontrôlequ’exerceIsraëlsurlaviedesPalestiniens.LestémoignagesdessoldatsrévèlentquelesPalestinienssonttributairesdesbonnesgrâcesd’Israëlpourlesactionslesplusélémentaires.Ceuxquiontbesoind’uneautorisationspécialepourserendrechezlemédecin,autravailoudansleurfamilledépendentdubonvouloirdusoldataucheckpointoudel’officierdel’administrationcivile–labranchedugouvernementquisuperviselavieciviledanslesTerritoires.

LesPalestiniensdoiventconstammentargumenterfaceàdiversreprésentantsd’Israëlpourqueleurcassoitreconnucomme«humanitaire».

L’administration civile est subordonnée au ministère de la Défense. Dessoldats de l’armée régulière et des civils du ministère y travaillent.L’administrationcivilegère les infrastructuresetalloue les ressourcesdans lesTerritoires,déterminelestatutdesterres,émetlespermisdeconstruirepourlaZone C, les autorisations de travail et de transit aux checkpoints, contrôle lecommerce, recense la population et gère nombre d’autres services. LesPalestiniens doivent également se tourner vers elle pour diverses requêteshumanitaires ainsi que pour porter plainte et déclarer les dégradations ou lesblessuressubiesàlasuited’uneopérationdeTsahal.Lestémoignagesdesoldatsetd’officiersayanttravaillédansl’administrationciviledonnentunaperçuraredumondebureaucratiquedel’autrecôtédelaLigneverte.

Depuis

ledébutdelasecondeIntifada,Israëlaresserrésonemprisesurlapopulationpalestinienne.Enplusdesopérationsmilitairesoffensivesquicaptaientl’essentieldel'attentionmédiatique,IsraëlamisenplacedesbarrièresphysiquesetunsystèmebureaucratiquecomplexeafindelimiterlesdéplacementsdesPalestiniens.Ainsi,parexemple,unhabitantdeNaplousequisouhaitealleràJérichopouraffairesoupourrendrevisiteàsafamilleabesoind’uneautorisationdel’administrationcivile.LeMurdeséparation,dontlaconstructionadébutéen2002,créedenouvellesdivisionsencorepluscomplexesauseindelaCisjordanie,provoquantunerecrudescencedunombredepermisetd’autorisationsnécessaires.Ce«régimedesautorisations»aujourd’huienvigueurdanslesTerritoiresaffectetouslesaspectsdelaviequotidiennedesPalestiniens.

Les

témoignagesquisuiventmontrentégalementl’incapacitédesinstancesdirigeantespalestiniennesàassurerunevienormaleàleurpeuple.L’Autoritépalestiniennen’apasd’influencesurlaviequotidiennedanslesTerritoires:lesIsraéliensmaîtrisentlesmouvementsdelapopulationetdesmarchandisesau-delàduMurdeséparationetdanslesTerritoires,l’ouvertureoulafermeturedesmagasins,letransportdesenfantsverslesécoles,desétudiantsverslesuniversités,desmaladesversleshôpitauxetlescliniques.IsraëldétientégalementlesbiensprivésdedizainesdemilliersdePalestiniens.

Parfois,cesbienssontconservéspourdesupposéesconsidérationsdesécurité,d’autresfoisafind’exproprierdesgensdeleurterre.Dansunnombredecassignificatif,ladécisiondeconfisquerdesbiensparaîtentièrementarbitraire.Maisons,terresagricoles,véhiculesàmoteur,appareilsélectroniques,animauxdeferme...:toutpeutêtresaisiàladiscrétiond’uncommandantrégionaloud’unsoldatsurleterrain.Parfois,dessoldatsdeTsahal«confisquent»mêmedesindividuspourunexercice:destroupespeuventfaireirruptiondansunemaisonenpleinenuit,arrêterl’undesrésidentspuislerelâcherplustard,toutcelapours’entraîneràmenerunearrestation.Defait,laviedesPalestiniens,soumiseauxcapricesd’unsoldataucheckpoint,d’uncommandantderégionouducoordinateurdesécuritéd’unecolonie,seconjuguesouventauconditionnel.

Les

forcesisraéliennesemploientlesexpressions«tramedevie»et«

proportionnalité»pourcaractériseruncertainnombredeleursactivités:opérationsauxcheckpoints,démolitiondemaisonsoud’infrastructures,entréeenforcedansdesmaisonspalestiniennes,voireassassinatsciblés.Lestémoignagesdecettetroisièmepartiedonnentuneidéeplusprécisedelatramedeviepalestiniennesousl’occupationisraélienne:arbitraire,mouvante,etindigne.

82.RenverserdescageotspourfaireunexempleUNITÉ:POLICEMILITAIRELIEU:RÉGIONDEQALQILYAANNÉE:2006-2008

Aprèsvotreservice,sivousregardiezvotrecompagnie,vousdiriezque leschoses se passaient correctement ? Y avait-il un clivage entre ce qu’on vousavaitappris, cequ’onattendaitdevouset lamanièredont le checkpoint étaiteffectivementgéré?

Les gens dema compagnie faisaient les choses demanière très stricte, enparticulier à Reihan. À Qalqilya, cetait moins strict sur ce qu’ils faisaient aucheckpoint.IlsétaientstrictsàReihan,maisenmêmetemps,iln’yavaitpastropdedérives.

Commentétaient-ilsstricts?Dequellemanière?LeBCDen a après lesPalestiniensqui transportent desmarchandises.Par

exemple,ilyavaitcetypequiavaitunpetitcamionMercedesetquitransportaitdesproduitsagricolesdansdescageots,toutessortesdelégumes.Engénéral,ondevaitpasserunmagnétomètresurlescageots,au-dessusetendessous.Tumetslecageotsurlecôté,puistupassesausuivant.Lecageotn’estpasgrand,c’estunevieillecaisseenplastique.Biensûr,tun’aidespasletypeàviderlecontenuducageot.Tu luidisde le faireet ensuite il ramasse tout.Encequi concernenotreprocédure,c'étaitlégitime.Ilsnousontditdeviderquelquescageotspourfaireunexemple.Lemêmetype,jemerappelle,ilavaituntasdemarchandises.Aprèslafermetureducheckpoint,onpassaituneheuredeplusàlecontrôler.Jemerappellequ’ilsm’ontditplusieursfoisdevidersescageots.

Pourquoiluienparticulier?IlyaunefillequiestvenueversluiaucomplexeXXX,aupassagepiéton,et

il lui aditqu’ildonneraitquarantemoutonsà sonpère si elle l’épousait,maisellem’aditqu’ill’avaitimportunée.Çan’apasdesens,onnejouepaslesdurspourça...onlefaitparcequec’estnotre travail.Parfois, lesgensprenaient leschosespersonnellement...parcequequelqu’unt’importune,tuvidessescageots.On le faisait aussipour l’exemple.Onne jettepas lesmarchandisesde tout lemonde.

Combiendecageotsavaitletype?Danslecamion,cenesontpasdescageots,c’estunbac.Ilyadescamions

Mercedes,ilyal’Isuzu,quiestpetit,tupeuxymettredescageots.Maiscelui-làétaitplusgrand,genretaillemoyenne,ilyavaitpeut-êtredeuxcentscageots.

Etiladûjeterdeuxcentscageots?Lecasaveclafille?Oui.

C’estunepunitionfréquente?C’est une sorte de punition, mais ça arrivait rarement. Dans ce cas, c’est

arrivéparcequ’ill’avaitimportunée.

83.Jenecomprenaispasl’utilitédecesrepéragesUNITÉ:PARACHUTISTESLIEU:COLLINESD’HÉBRONSUDANNÉE:2003

Ceque jeme rappelle de là-bas quim’avraimentmis en colère, c’était lerepéragedesmaisons.

Pourquoi?Parce que les arrestations, je peux comprendre. Ils nous disaient : « OK,

maintenantonvaarrêterunhommequiadusangsurlesmains, ilamenéuneattaque, il a planifié un attentat. »Ça,OK, je pouvais comprendre.Quand onpartaitfairedurepérage,çamedérangeaitvraimentparcequejenecomprenaispaslebut,laraison.C’étaituntrucquimeparaissaitunpeudépasserlesbornes.

Vousêtescommandantdesectionmaintenant?Oui, je suis commandant de section. Pourquoi franchir les bornes ? Je

comprendsquelerepérageaituneutilitéopérationnelle,lesrenseignementsnousaidentunpeupourlesopérations,peut-êtrequeçanousaideànousoccuperdesterroristesplustard.Maisc’étaitvraimentdurpourmoid’arriveraumilieudelanuitavechuitoudixsoldatsquiportaientdesgiletspare-balles,uncasque,desarmes,lechargeurplein,d’entrerchezdesgens,delesréveiller,decommenceràfouillerleurmaisonetàleurposerdesquestionsembarrassantes.

Quoiparexemple?« Qui êtes-vous, que faites-vous, que fait-elle ici, combien de personnes

habitentici?»Jenesaispas,lesquestionsdépendaientdelasituation.

Iln’yavaitpasunesortedequestionnaire?Si, mais ça ne marche pas toujours comme sur le questionnaire. Parfois

aussi...Engros,cequimedérangeaitvraiment,c’étaitd’entrerchezdesgensenpleinenuitdemanièremenaçante.Jemerappellequeçamemettaitvraimentencolèredevoircommeçaaffectaitlespetitsenfants.Çameperturbaitvraiment.Tu vois un tout jeune gamin, trois, quatre, cinq ans, une petite fille, tu entresdansleurmaisonenpleinenuit,tuentres,tuprends...ellevoitsonpèretrembler–sonpère, l’homme, lafigured’autorité, tremble–, ilsviennent, leprennentà

part, l’interrogent, lui posent des questions. Parfois les soldats mènentl’interrogatoire de manière agressive, peut-être par leur ton, peut-être en lebousculantunpeus’ilspensentqu’ilnecoopèrepas.Etc’étaitvraimentdurpourmoi.Lesrepéragesétaientvraimentdurspourmoi.Parcequelerepérageaunesortedebutde renseignement,cen’estpascommesi j’étais làpourarrêterunsuspectdontonsaitqu’ila tirésurunevoiture lasemainedernière,qu’ila tuédescivilsinnocents.Doncc’étaitvraimentdifficilepourmoi.Écoutez,jen’étaispas,jen’avaispasl’influencepourdire:«OK,onnevapasfairederepérage.»Cen’estpaspossibledenepasallerfaireunrepérage.Doncquandjelefaisais,j’essayaisdemenerl’opérationlemieuxpossibled’unpointdevuehumain.Jen’embêtais pas trop les familles, je ne jetais pas de pierres contre la porte aumilieudelanuitpourlesréveillerensursaut,parcequec’estcequ’ilsfont,c’estuneétapedelaprocédure.

Cen’estpaslaprocédurepourunearrestation?Si, mais c’est aussi la procédure pour ce genre de chose, parce que si tu

frappesàlaporteetquepersonnenerépond,tu...alors,tujettesunepierre.Lesgensconfondentarrestationetrepérage,alorsilsjettentunepierre.

Toutdesuite?Oui. Parfois ils cassent aussi des fenêtres, ils jettent la pierre dans une

fenêtre.

Cesrepéragessefaisaientdansdesrégionsrurales?Unezoneruraleoumi-rurale,mi-urbaine.LazonedeYatta,lazonedeDura.

Toutelarégiondescollinesd’Hébronsud.Onrepéraitcetterégion.

Est-cequ’ilexisteunquestionnaireofficiel?Vousl’avezvu?Oui.Qu’ya-t-ilécrit?Jenemerappellepaslesdétailsexacts,maislesnumérosdecarted'identité,

lesnoms.

Detousleshabitantsdelamaison?Detousleshabitantsdelamaison.

Desenfantsaussi?Lesenfantsn'ontpasdecarted’identité,maisonnotaitcombienilyenavait.

Commentrepéreriez-vouslamaisonoùnousnoustrouvonsencemoment?

J’écrislenumérodecarted’identitéetlenomdetousceuxquihabitentici,tousceuxquisontdanslamaison.

Enhébreu,biensûr.Oui.J'écriscommentestconstruitelamaison.

Vousdessinezunplan?Jenedessinepasdeplan,maisj’écriscombienilyadepièces.

C’estconformeauquestionnaire?Oui, jesuis lequestionnaire.Combien ilyadepièces,commentellessont

disposées, s’il y a une zone de stockage, une structure, un grenier. Un vrairepérage.

Sivousvoyiezunquestionnairecommecelui-là,vouspourriezcomprendrecommentestfaitelamaison?

Pas toujours, mais je ne suis pas sûr que ce que nous faisions était trèssérieux.Peut-être,peut-êtrepas.Jenesaispas.Jenesaispasnonplusquireçoitcesinformationsnicequ’ilsenfont.Çadoitbienavoiruneutilitéquelconque,maispassignificative,etpastoujours... jenepensepasqueçaait toujoursunefonction.Jesuissûrquedansbeaucoupdecas,ilsfaisaientjustelerepéragesansavoirvraimentbesoindesinformations,Onfaitaussidesrepéragesdemaisonsquiontdéjàétérepérées.

Commentlesavez-vous?Parfois,ilsdisaient:«Ilssontdéjàvenus,vousavezdéjàfaitçalasemaine

dernière,vousêtesdéjàvenusici.»

Etvouslefaisiezquandmême?Oui, ça faisait partie du repérage. Le questionnaire est peut-être une

couverture,maisretournerlà-basestunemanièredemontrernotreprésence,deretourner dans leur maison. C’était ça l’intérêt pour l’armée, ce qu’ils nousdisaient,c’est:ilfautêtreactifs,vousdevezagirdemanièreàcequ’ilsnes’enprennentpasàvous.Doncilfautêtreactifsdansleurterritoire.

Quedeviez-vousvérifierd’autre?Àquiappartientlamaison,quihabitevraimentlà,quiyestencemoment.

Justecommeça–s’ilyaquelqu’unsurplacequin'habitepasdans lamaison,alors il faut vérifier pourquoi il est là.C’est ça, en gros. Peut-être leurmétier

aussi.

Quedemandiez-vousquin’étaitpassurlequestionnaire?Vousditesqu’ilyavaitdesquestionsgênantes.

Lesquestionsgênantesdépendentdelasituation.Çadépendvraimentdelasituation.Biensûr,onbalançait lesquestionsembarrassantescommeça, jemerappellequ’onenposait.Jenepeuxpasvousdireexactementlesquelles.

Ilyavaitdesquestionsd’ordreprivé?Bien sûr. Peut-être pas tout le temps, mais il y avait des questions de ce

genre.

Ilyavaitdesopérationsderepérage?Oui,parfoisilyadesopérationsderepérage.

Combiendemaisonsavez-vousrepérées?Enuneopération?

Non,autotal.VousavezcouverttoutYatta?C’esténorme.Onn’apascouverttoutYatta,maisc’étaitlamission.Doncnotrecompagnie

arrive,onrepèreuncertainnombredemaisons,puisuneautrecompagnievientetilsrepèrentd’autresmaisons.L’objectifestderepérertoutYatta.Jesuissûrqu’ilsontdéjàrepéréYattaplusieursfois.

VouspouviezvraimententrerdansYatta,danslevillage1?Oui.

Vousvousdéplaciezlibrementlà-bas?Avecdesvéhicules,deuxvéhiculesblindés.

84.Lamission:perturberetharcelerUNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:HÉBRONANNÉE:2005

QuandontournaitàHébron,c'étaitmerdique,maisjenepeuxpasdirequec’étaitinhabituel.C’étaitpendantleramadan,onn’arrêtaitpasdepoursuivredesgaminsquijetaientdespétards.

Desgaminsarabes?Oui, arabes, c’était pendant le ramadan.Le truc, c’est que j’étais allé dans

desvillagesarabesenIsraëlpendantleramadanprécédent, justepourvoyager,et c’était exactement la même chose. Ça n’avait rien à voir avec Hébron enparticulier,rienàvoiraveclefaitqu’ils tedétestent là-bas, tout lemondejettedes pétards sur tout lemonde.C’est plus amusant de les jeter sur des soldats.Maisnotrecommandantdesectionn’étaitpasd’accord,ilpensaitquec’étaientdes terroristes potentiels, alors il les poursuivait. Pendant deux semainesentières.Onn’apasattrapéunseulgamin.C’étaitpathétique.

Pendantdeuxsemainesentières,vousavezpoursuividesenfantsàHébron?Ouais,etonn’enapasattrapéunseul.

Bon, mettons que je me promène en voiture dans Hébron pour essayerd’attraperungamin...

Envoiture,OK,maisonpatrouillaitàpied.

Doncqu’est-cequevousavezfaitpendantdeuxsemaines?Ben,commej’aidit,onn’aattrapéaucunenfant.Onlespoursuivait.Çame

rappelle les histoires des Romains qui entrent dans des grottes avec tout leuréquipementetquirestentcoincésàl’intérieur.Tueslàavectongiletpare-ballesencéramiqueettoutescesconneries,euxilstiennentlepétardetilscourent.Lefaitestqu’onnelesajamaisattrapés.Jenemerappellepasenavoirattrapéun.Peut-être qu’on a réussi, peut-être une seule fois.En fait, j’ai entenduun jourquenotrecommandantdesectionavaitattrapéungaminquin’avaitrienàvoirdutoutavecça.Ill’aattrapé,luiacriédessuspuisl’alaissépartir.Quepouvait-il faire d’autre ?C’était notremission en action. Jeme rappelle qu'onm’adit

assezclairement:«Notremissionestdeperturber»–cesontlesmotsexacts–«deperturber laviedesgensetde lesharceler».C’étaitnotremission,parceque des terroristes habitent la région et nous voulons perturber l’activitéterroriste,alorsdansnosopérations,onperturbe laviedesgens.Jesuissûrdeça, je pense que c’est encore écrit comme ça aujourd’hui, si l’ordre n’a paschangé.Perturberleurvie,perturberlaviedesgensquiviventlà,parcequeçaperturbel’activitéterroriste.Voilàlebut.

Commentest-cequeçafonctionne?Vous voulez dire qu’est-ce qu’on fait vraiment ? Tu te promènes dans la

ville... Les gars là-bas disent qu’ils n’ont rien à faire ? Voilà comment ça sepasse : tu fais le tour de la ville, tu entres dans les maisons abandonnées –abandonnées en tout cas le temps qu’on arrive –, des fois on entrait dans desmaisonsquin’étaientpasabandonnéesetonmenaitdes fouillescomplètementarbitraires. Des fois, mettons qu’on voyait un gamin jeter un pétard, on seprécipitait.Maispeut-êtrequetoutça,c’estunmensonge...onprenaitaussidesmaisons au hasard. Ce n’est pas comme si on avait des renseignements àl’avance. Onmenait des fouilles arbitraires dans lesmaisons, les gens étaientcomplètementhabitués. Ils n’étaient pas surpris,mêmepas stressés. Ils étaientirrités, déprimés, ils n’ont aucune tolérance pour ces conneries, mais ils sonthabitués parce que ça dure depuis tellement d’annéesmaintenant.Des soldatsentrent,mettent lamaisonsensdessusdessous,foutent lebazarpuiss’envont.Voilàcequ’onfait.Parfoisonprenddestoursdegarde.Ilyauncimetièrelà-bas, alors on restait dedans et on regardait les couples, ou je ne sais pas, tousceuxquipassaientparlà.C’estcequ’onafaitpendantunbonmoment.Parfoisoninstallaitdescheckpostspourlesvéhicules...onseplantaitàuncarrefouretoninspectaitlesvéhiculesduquartier,voilàcequ’onfaisait.

Quecherchiez-vousdanslesvoitures?Ça paraît bizarre, mais ce n’était pas si clair. Je pense que c’est comme

chercher des armes, mais personne ne croit vraiment qu'on trouvera quelquechose.

Mêmepasvotrecommandant?Je ne pense pas. Ça dépend du commandant. Si c’était un officier très

motivé,alorssi.

Maistoutlemondefaitça?Oui,c’estlamissionattitrée.Lecommandantdecompagnieditàl’officier,

quiditaucommandantd’équiperesponsablede lapatrouille :«Votremissionestd’êtreicioulàpendantuneheureetdemieetdefairecietça.»

Vousnevoussentiezpasstupideàfaireça?Complètement stupide. C’est ce que je dis. C’est l’une des raisons pour

lesquelles jenevoulaispasêtrecommandantdesection.Jesentaisbienàquelpoint ces commandants n’ont pas leur mot à dire, ce ne sont que de petitsrouages dans le système, presque comme les soldats. Alors je me suis dit :pourquoim’imposerça?

Vousmenezcesfouilles,etlapopulationsouffre.Exactement, ils sont complètement niqués. C’est exactement le but. C’est

pourçaquec’estsimerdique.Tantqu'onétaitaunord,personnenesouffraitàcausedenosactions, iln’yaquedesarbres là-haut.Maisdans lesTerritoires,c’estlapopulationquisouffre.

85.Chaqueincidententraînaitla«limitationdesdéplacementscivils»

UNITÉ:ADMINISTRATIONCIVILELIEU:GÉNÉRALANNÉE:2001-2004

Après des opérations d’envergure, des attentats terroristes ou quandquelqu’un était tué, y avait-il des moments où l’administration s’en prenaitsoudainàlapopulationpalestinienneengénéral?

C’estnaturel,non?

Oui,maisvoussouvenez-vousd’événementsprécisquisesontproduits?Jenemesouvienspasd’unincidentprécis,ilyenavaitpleinàcettepériode,

maisoui,touslesincidentsdecettesorteentraînentunepunitionpourlescivils,il n’y a rien à faire. Ce n'est pas une punition civile, c’est une limitation desdéplacementscivils.

Parexemple?Parexemple,accordermoinsd’autorisationspourentrerenIsraël,c’estune

mesurequeprendl’administrationquandiln’yariend’autreàfaire.Réduirelesheuresd’ouverturedescheckpointsoùl’onpeutfairetransiterdesmarchandises,et on prend surtout des mesures économiques : on interrompt les transfertsd’argentparlesbanques...çapeutparaîtreanodin,maisçanel’estpas.

Quelrapportavecl’administration?L’administration approuve les transferts d’argent d’une banque à l’autre,

d’une banque palestinienne à une autre, entre les banques étrangères et unebanquepalestinienne,entreunebanqueisraélienneetunebanquepalestinienne.

IlyaunedivisionduBCDchargéedeça?Oui, à l’époque c’était la section économique qui approuvait tous les

transferts.Jecroisqu’ilyaeuunremaniementdelabrancheéconomique,maisjepensequ’elleexistetoujours,jen’ensuispassûr.

Quellesdécisionsprennent-ils?C’est la politique du gouvernement, il n’y a rien à faire, c’est juste de la

politique.

Commentétait-elledéfinie?Vousn’avezpasditqu’ilsn’appelaientpasçaunepunition?

Cen’étaitpasunepunition.

Danscecas,qu’est-cequec’était,commentledéfinissaient-ils?Ils ne le définissaient pas.Ce n’est pas une punition.Ne pas transférer de

l’argent n’est certainement pas une action humanitaire, mais ce n’est pas unepunition.Unepunition signifienepas autoriser le transport depain, de farine,d’huileetd’œufs.Ça,c’estunepunition,etcen’estjamaisarrivé.Ilsnefontpasdeschosescommeça.L’argentn’estpasunenécessité,c’estcommeça.Encoreunefois,jeparled’interromprelestransfertspendantunesemaine.Cen’estpascomme si onne transférait pas d’argent pendant desmois – ça deviendrait unproblèmehumanitaire.Maisl’argentn’estpasquelquechosequi...croyez-moi,iln’est jamaisarrivéque lesbanquesn’aientpasd’argentpour les retraits.Cen’est jamais arrivé, je n’en ai jamais entendu parler. Et si ça arrivait, je vousprometsqu’ilstransféreraientl’argent.

Quellesautresmesuresétaientprises?Vouspouviezgênerlesdéplacementssurlesroutes?

Oui, il y a eu ce fameux projet pour séparer les routes... qui n’a pas étéappliqué,pourautantquejesache.

Quelétaitceprojet?Leplanétaitdeséparerlesroutespalestiniennesetjuives.C’estpassédevant

laCoursuprême,jenemerappellepasquelaétélejugement.

Àquoiceplanfaisait-ilsuite?C'étaiten2002,fin2002,ilyaeudesattentatsterroristes,desembuscades,

unepérioded’embuscades,etilsontdécidédeséparerlesroutes.Finalementilsne l’ontpas fait, ilyavaitunprojetpour le faire,onya travaillépendant trèslongtemps,maisàlafinçanes’estpasfait,jenepensepasqu’ilsl’aientjamaisappliqué,parcequ’ilfallaitconstruireuntasd’infrastructures.

Quelétaitleprojet?Uneroutepalestinienneetuneroutejuive,l’idéeétantqueçapermettraitla

librecirculationdesPalestiniensenCisjordanie,c’est-à-direqu’iln’yauraitpasdeséparationentrelesblocs,ilyauraitdesdéplacementshumanitaires,etçales

empêcherait d’emprunter les mêmes routes que les véhicules israéliens et detendre des embuscades... c’est plus facile de sécuriser une route où seuls lesIsraéliensroulent.Maisçan’aiderapas.

Quiaformuléceplan?Jepensequec’étaientdes instructionsducommandementcentral,maisqui

l’a formulé ? Une division ou une autre, mais c’était principalementl’administrationcivile, cequ’onappelle labranche infrastructures. Ils séparentlesroutesetlesconstruisent.Lestunnels,lesponts,peut-êtrequ’unepartie[duplan]aétéappliquée–jenesaispasvraiment.

86.Voussavezcequesignifieunblocusmaritime?UNITÉ:MARINELIEU:BANDEDEGAZAANNÉE:2005

Ils’agitessentiellementdepunition.J’aihorreurdece:«Ilsnousontfaitça,alorsonleleurrend.»Voussavezcequesignifieunblocusmaritimepoureux?Iln’yapasdenourriturependantplusieursjours.Parexemple,ilpouvaityavoirunattentatàNetanya,alorsilsimposentunblocusmaritimedequatrejourssurtoute la bande. Aucun bateau de mer ne peut sortir, un bateau de patrouilleDabur est stationné à l’entrée du port, s’ils essaient de sortir, au bout d’uneseconde ils tirent sur laproue, ilsdéploientmême l’hélicoptèred’attaquepourleurfairepeur.Onavaitpleind’opérationsavecdeshélicoptèresd’attaque–ilsnetirentpasbeaucoupparcequ’ilspréfèrentnouslaissernousenoccuper,maisilssontlàpourfairepeurauxgens,ilstournentau-dessusd'eux.D’unseulcoup,vous vous retrouvez avec un Cobra juste au-dessus de la tête, il passe bas, ilsoulève le vent et agite tout. Il y a eu plein d’incidents comme ça. Leshélicoptèresd’attaquetravaillaientbeaucoupavecnous.

Etleblocusétaitfréquent?Trèsfréquent.Plusfréquentqu’unisolementspécial,cequiétaitplutôtrare,

jediraispasplusd’unefoisparmois,maisçapouvaitarrivertroisfoisparmois,puistroismoissansrien,çadépend.

Leblocusdureunjour,deux,trois,quatrejours,ouplusqueça?Jenemesouviensd’aucunquiaitduréplusdequatrejours.Siçaduraitplus

longtemps,ilsmourraientlà-bas,etjepensequeTsahallecomprend.Soixante-dixpourcentdesgensviventdelapêche–ilsn’ontpaslechoix.Poureux,çaveutdirenepasmanger.Ilyadesfamillesentièresquinemangentpaspendantquelques jours à cause du blocus. Ils mangent du pain et boivent de l’eau.Commependantl’Holocauste.

87.Commentpeut-ons’attendreàcequelesgensviventsil’onimposeautantdecouvre-feux?

UNITÉ:ADMINISTRATIONCIVILELIEU:HÉBRONANNÉE:2002-2003

Tout à l’heure, vous avez dit que vous pouviez comprendre certainesplaintes.

Oui.

Lesquellesparexemple?Pasdes chosesquime sont arrivées àmoipersonnellement,maisdont j’ai

entenduparlerdanslesmédias,deschosesquisontarrivées,desretards,qu’ilsne voulaient pas laisser passer une femme enceinte... des situations quiapparemmentsesontproduites.Ils installaient toutle tempsdescheckpointsetl’unedemesprincipalesresponsabilitésétaitdecomprendreoùilssetrouvaient.Ilsinstallaientdescheckpointsauhasard,apparemmentc’étaitassezennuyeux,lesplaintesvenaientdegensquinepouvaientpasallertravailler.Jemerappelleune chose quim’a dérangée personnellement : je ne comprenais pas l’histoiredescouvre-feux.ÀHébron,ilyavaitdestasdecouvre-feux,jenemerappellepas le nombre de jours, mais je me souviens que j’ai été choquée par lafréquenceà laquelleonlesmettaitenplace,etons’attendaitàceque lesgensvivent comme ça. Je ne comprenais vraiment pas comment ils s’attendaient àcela.Siturendslaviedesgenstellementdifficile,commentpenses-tupouvoirrésoudrelemoindreproblème?Tunefaisquecréerencoreplusdegensquitedétestentduplusprofonddeleurcœurpourlerestedeleurvie.Jesuissûrequesionm’imposaituncouvre-feupendanttroiscentsoixantejours...qu’est-cequejeferais?Lamanièredontjevoyaisleschoses,cen’était toutsimplementpasréaliste.Jemerappelleenavoirparléàdesgensetpersonnenecomprenaitceque je voulais dire. Ils répondaient : « Risque de sécurité. » Super, risque desécurité,maiscesontdesgens,ilsontbesoindevivre.Oùachètent-ilsàmanger?Commenttugagnesdel’argentpourmangerquandtuessouscouvre-feu?

Vousenavezparléàdesofficiersetàdesamis?J’enparlaisàdesofficiersetàdesamis. Je faisais8/62 et j’avais le temps

d’oublier que j’étais à l’armée. Les six jours où tu es en Israël, tu oubliesfacilementcequetufais.Leshuitjourssurlabasepassentviteparcequetudorssurplace.

88.TroismillePalestinienssurcinqpostesUNITÉ:POLICEMILITAIRELIEU:RÉGIONSDEQALQILYAETTULKAREMANNÉE:2005

CommentfonctionnelecheckpointdeReihan?Vousêtesaveclessoldatsdecombat?

Lessoldatsdecombatétaientavecnousaucheckpoint,ensuiteilyaeudeshommesd’artillerie,puisunepériodeoùl’unedesunitésdeKfirétait là.Tousceux qui venaient au checkpoint étaient contrôlés à fond, on travaillait enfonction des renseignements, parce qu’on avait des mises en garde fortes etprécisesvenantd’eux.Ilsdisaientqu’unpick-upbleuarriveraitavecdesarmes,et il y avait vraiment des armesdedans.Les renseignements étaient précis, onfaisaitdesinspectionsdequalité,plusdélicates.Bon,danslarégiond’Eyal,c’estcomme au centre commercial – tu regardes dans le coffre puis ils s’en vont...C’estpourçaqu’ilyavaitduressentiment...

Certainssoldatsétaientstationnésauterminalpourlesvéhicules,d’autresàceluipourlespiétons?

Oui.

Parlons du terminal piétons avec les guérites en verre, parce que c’est lemode de fonctionnement le plus récent pour les checkpoints aujourd’hui. Untypearrive,quelgenredeprocéduredoit-ilsuivre?

Il arriveaupointdepassage, il se tient là eton l’inspecte. Ilyaungrandmagnétomètre qui bipe s’il identifie des armes ou des ceintures d’explosifs,commeçaons’assurequ’iln’yapasdemenaceaupointdepassagelui-même.Ensuite, il passe aux rayons X et là il sort tous ses objets, même sa petitemonnaie,puisilpasseànouveau.ToutesceschosessontexaminéesauxrayonsX,ilserhabille,ilpasseaucontrôled’identité,puisilfranchitlecheckpoint.IlyavaitbeaucoupdepressionàReihan,parfoislesPalestinienspassaienttroispartrois et ils n’attendaient pas très longtemps. Lematin, à Eyal, c’était une toutautre histoire, parce que c’était l’heure de pointe et il y avait trois millePalestiniens pour seulement cinq postes de contrôle. Par ennui, on s’estmis àfaire un concours pour voir qui laissait entrer le plus dePalestiniens en Israëlpourqueleservicepasseplusrapidement.Là,c’étaitvraimentcinqheuressans

repos,peut-êtreunpeuladernièredemi-heure,maistubossaisettupoussaislesgens.Tu te levais à deuxheures et demie, à quatre ou cinqheures tu étais aucheckpoint,lesyeuxgonflés,àfairepasserdesPalestiniens.

Àquelleheureest-cequ’ilscommencentàarriveraucheckpoint?Avantquatreheures,lecheckpointouvreàquatreheures.

Àquelleheureest-cequeçacommenceàsedégager?Auboutdequatreheures,quatreheuresetdemie.

C’estcommeçatouslesjours?Oui.Cinqjoursparsemaine,levendredi,c’estmoinsencombréparcequela

plupartdesgensnetravaillentpas.Ledimancheestde loin le jouroùilya leplusdemonde.Ledimanche,tun’avaispasderépitparfoisjusqu’àladernièreminute.Jeneprenaisunepausequ’auboutdecinqheures.Lesservicesétaientdivisés–soittufaisaisdixheuresd’affilée,soitunservicedecinqheures,cinqheuresdecoupurepuisunautreservicedecinqheures.C’étaitfouparcequetuétaiscoincédanscettepetiteboîte,toutseul,lesordresdisaient:pasdemusique,rien. Après l’heure de pointe, tu avais envie de te suicider. Les soldats serelâchaient, ilsamenaientdesMP3, j’aimêmeamenéunlecteurDVDportablepourpasserletemps.J’étaiscomplètementàbout,j’éprouvaisdeschosesquejen’avaisjamaisressentiesdemavie.J’aibénilejouroùj’aiétédémobiliséetoùjesuispartidelà,parcequejedétestaistellementtravailleraucheckpoint...

PourrevenirauterminalpiétonsdeReihan,quandilspassentauxrayonsX,ilyauncontact?

Aucun.Seulementparmicro.Tu leurparles, et c’estdingueparcequedesfois ils jouent les idiots,desfois ilssaventcequ’ils fontmais ilsveulent justet’énerver,alorstudeviensfouparcequetunepeuxpasleurmontrer,tudoisleurdonner des instructionsdepuis ta boîte, et tu neparles pas toujours assezbienarabepourleurexpliquer,tuimprovisesjustedesphrases.

Leshommesetlesfemmessontensembleaucheckpoint?Oui,mais dès qu’il y a besoin demener une inspection plus poussée, dès

qu'il faut retirer des vêtements, les hommes et les femmes allaient dans descellulesséparées,oùdessoldatshommesoufemmeslescontrôlaient,selonleursexe.

SivousavezdéjàunemachineàrayonsXetunmagnétomètre,quandya-t-il

besoind’uncontrôlepluspoussé?Quand le magnétomètre n’arrête pas de sonner ou quand les gens que tu

contrôlesnefontpascequetudis,alorstulesprendsàpart.

Vousavezditquevouscontrôliezlesautorisations...toutlemondeabesoind’uneautorisation?

Oui,sinonilsn’ontpasledroitdepasser.

Àpartirdequelâgefaut-iluneautorisation?Lesenfantsn’enontsûrementpasbesoin.

Jenemerappellepaslaprocéduredanscecas-là,maisunenfantdoitpasseravec un adulte qui l’accompagne, sinon il doit avoir une copie de la carted’identitédesonpèrepourmontrerdequellevilleilvient,etquesonpèrealedroitdepasser.

Encequiconcernelesbagages,ilsontledroitd’amenerunevalise?Ils ont le droit de tout faire passer sauf des appareils électroniques, parce

qu’onnepeutpaslescontrôler.ÀlamachineàrayonsX,ilyavaitdesgensquisavaientcontrôler,maisça,ilsnepouvaientpas.

Etpourquelqu’unquiarriveenvoiture?S’ilauneautorisationpourça,ilpeutpasserenvoiture.

Est-ce qu’une autorisation pour véhicule vous autorise à passer desmarchandises?

Onavaitunelistedeceuxquiavaientledroitdepasserdesmarchandises.

Quelle est la définition de « marchandises » ? Si quelqu’un a uneautorisation pour un véhiculemais pas pour desmarchandises et qu’il arriveavecundemi-litred’huile,ilpeutpasser?

Oui.Les restrictionsconcernent lesmoutons, lesbonbons, les légumes, leschosescommeça.

Çaconcerneletypedeproduitsoulaquantité?Laquantité.Jemerappellevingt-quatreplatsàgâteau,parexemple.

Toutétaitdéfini?Oui.

89.DesheuresréduitespourfranchirlecheckpointUNITÉ:POLICEMILITAIRELIEU:RÉGIONDEQALQILYAANNÉE:2006-2008

Il y avait aussi des passages pour piétons au checkpoint de Zufim ouseulementpourlesvéhicules?

Les piétons pouvaient passer. Lematin, il y avait des gens originaires deZufimoudesrésidentspermanents.

Ilsavaientlibertédemouvement?Ilsdevaientêtrecontrôlés,maisoui.

Lespassagesagricolesétaient-ilstoujoursouverts?Biensûr.LecheckpointdeZufimétaitouvertvingt-quatreheuressurvingt-

quatre pour les résidents. En général, la porte agricole n’est ouverte qu’àcertainesheures.Àpartça,ilyaunpostedanschaquezoneoùilscontrôlentlespiétons.

Lesrésidentspermanentsnepouvaientpaspasserparlà-bas?Ilspouvaient.C’estunpeuflou.

UnPalestinienpeut-ilpasseràdeuxheuresdumatin?Non. Il y a des heures fixes aux checkpoints, même pour les résidents

permanents.

MaissiunJuifarriveàcetteheure-là,ilpeutpasser?Oui.MêmesiontravaillaitdemanièreaussistrictequepossibleàReihan,il

yavaittoujoursdesgensquipouvaienttraversertantqu’onétaitaucheckpoint.Par exemple, s’ils venaient du côté israélien, ils pouvaient passer tard le soir,parcequ’iln’yavaitpasde raisonde lesgarderducôté israélien.Onétait lesseulsàavoirl’autoritépourcontrôlerlesgens,nousetpersonned’autre.

Vousavezditqu’ilyavaitdesbarragesentrelesvillagespalestiniens,Azun-AtmaetBeitAmin.

C’est commeàHawwara... tu jouesaubingo.Tuasuneversioncourtedu

numéro de carte d’identité, les quatre derniers chiffres, et tu as le logiciel surl’ordinateur.Tuvérifieslenuméro–pourlaplupart,iln’yapastropderaisonsdecontinuerlecontrôle.Letruc,c’estqu’iln’yapasdeclôturepourempêcherlesgensquiviventàAzun-Atmadepasserducôtéisraélienparcequ’ilsysontdéjà.S’ilsquittentlevillage–ilsnepeuventpasparcequ’ilyauneinterdictionpourlesPalestiniens–maiss’ilsvoyageaientversl’ouest,ilsseraientconsidéréscommedesclandestins.Lebutducheckpointestd’empêcherlesPalestiniensquin’ont pas d’autorisation d’aller à Azun-Atma, ou d’attraper une personnerecherchéequivoudraits’yrendre.

Doncsiquelqu’unn’habitepasàAzun-Atma,peut-ilyaller?Non.

90.Lafilen'étaitpasdroite,alorsl’officieratiréenl’air

UNITÉ:CORPSBLINDÉLIEU:COLLINESD’HÉBRONSUDANNÉE:2001

IlyauncheckpointaucarrefourdeDahariya.Dahariyasud.LesPalestinienspassent par là pour aller travailler à Beersheba. Des dizaines de Palestiniensdoiventpasserparlàtouslesjours,certainsàpied.L’undesofficiersquiétaientavecnousvoulaitmaintenirl’ordre,ilvoulaitquetoutlemondesetienneenfiledroite,égale.Ilestpasséàcôtéd’euxetleuraditdes’aligner.IlsneFontpastrèsbienfait.Alorsjusteàcôtédelapremièrepersonnequ’ilavueàl’avant,untype d’une cinquantaine d’années, avec un gamin de dix-huit ans ou quelquechose comme ça, un jeune garçon... l’officier a tiré en l’air, et la file s’estordonnée.

Ilatiréenl’airpouralignerlafile?Pouralignerlafile.Uneautrefois,ilajustetabasséuntype...Ill’afrappéau

visageaveclacrossedesonGalil,luiamisuncoupdepieddanslescouilles,luiacrachédessus,l’ainsulté...illuiachiédessusengros.Devantlepetitgarçondutype.Ill’acomplètementhumilié.C’étaitrare...çaarrivait...

C’étaitunofficierdevotrecompagnie?Ducorpsblindé?Oui,onavait aussiunautre soldatqui faisaitdespréparatifs spéciaux. Ily

consacrait deux semaines, pour pouvoir tabasser desArabes. Et tous ceux quin’étaient pas... qui ne faisaient pas exactement ce qu’il disait, tous ceux quin’obéissaientpasimmédiatement,illesfrappaitaugenou,àlajambe,auventre,àlatête,ettousceuxquinerépondaientpasdirectementàsesquestions:«Oùest ta carte d’identité ? », « D’où tu viens ? »... comme ces brutes qui tetabassent, tout ce qui ne lui plaisait pas, il te frappait. Il y a des gens qui ontbesoinde ce genre depouvoir, ça les rend fous, ils deviennent violents. Je neparlepasdessoldatsquitiraientsurlesArabesquis’enfuyaientousurdesgensquicontournaientlescheckpoints...maistouscescoups,c’étaitvraimentidiot.

Etquandvousassistezàça,vous...Surlemoment,tuessilencieux...ettu...tunepeuxpasl’empêcher.Jeparle

dequandtuesenservicenormal.Çan’arrivaitpasenservicederéserve.Si jevoyais quelque chose comme ça maintenant, je ne laisserais pas faire. On sedisputait avec les policiers des frontières, on essayait de les éloigner, on sedisputait vraiment avec eux.C’était difficile.Écoutez, on est... lamajorité desgens sont bien, ce n'est pas la majorité qui pose problème, c’est juste uneminorité.Leproblème,c’estquecegenredecomportementétaitlégitime.Donc,frapper unArabe, l’insulter, l’humilier, pointer ton arme sur lui, puis tirer enl’airunesecondeplustard–ceschoses-làétaientlégitimes.C’étaitunindividu,cen’étaitpas,mettonsquatre,cinqsoldatsquitabassaientcetypeet...maisilyavaitdesgensquisavaientqu'ilsallaientfrapperquelqu’untouslesjours.Ilsenparlent ouvertement, ils prennent des photos... Ils ont photographié unPalestinienqu’ilsontligotécommeuncontorsionniste–destrucschoquants.

91.Ilsnousontdit:«Laissez-lessécher»UNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:RÉGIONDETULKAREMANNÉE:2001

C’étaitjusteaprèsl’attentatauDolphinariumClub3.Ilsvoulaientétablirunebrigadesurlalignedelazonefermée,alorsilsnousontenvoyésdanslarégionde Taibe. On était à Avnei Hefets et notre mission était de patrouiller pourempêcherlesclandestinsdepasser.IlyaunterraindégagéaunorddeTaibe,onétaitstationnéslà-bas.Iln’yavaitrienàfaireaveclesgens,là-bas.Biensûr,lamajorité de ceux qui passent va travailler. On n’a jamais attrapé... à part undroguéquivivaitdansunegrotte,sansdoutelecasleplusintéressantsurlequelonsoittombés,laplupartdesgens,tousceuxqu’onarrêtaitétaientdesgensquiessayaientd’entrerenIsraëlpourtravailler.Etiln’yavaitrienàfaireaveceux,iln’y avait pas de locaux pour les emprisonner. C’est impossible. Alors laprocédure était juste de prendre leur carte d’identité, de les garder pendantquelquesheures,leslaisserlà,puisdelesrenvoyerchezeux...

Etvousleurrendiezleurcarted’identité?Oui, au bout de quelques heures. Tu attrapes quelqu’un, tu vérifies son

numérodecarted’identité,oui,leShabak,cen’estjamaisarrivéqu’ilsarrêtentl’unedecespersonnes,tulesgardessurunrocherpendantquelquesheuresettucontinuescequetuesentraindefaire.Ilyavaitdesgars,desRusses,lesfous,jemerappelle,ilsontjusteattrapéquelqu’un...Unefois,jelesaivus,engénéralils étaient sur une autre position, donc une fois ils ont pris quelqu’un et, sansraison,ilsontdécidédeluienfairevoirdetouteslescouleurs,c’est-à-direqu’ilsluiontprissacarted’identité.Enprincipe,ilstenaientunpostedesurveillance,cequiétaitgénéralementlecas–onétaitendessous,ilssurveillaientetilsnousdisaient;«Ilyaquelqu’unquitraverselà-bas.»Alorsonyallaitpouressayerde l’attraper. Parfois on avait un pick-up, ou on était à pied... tu pars, tul’attrapes,tuluiprendssespapiers,tuluifaispasserquelquesheuresausoleilouàl’ombreselontonhumeurdumoment,puis tu lerenvoieschezlui.Ouais,çapouvaitdurerdedeuxheures...entredeuxetsixouhuitheures,selonquandtul’attrapais.Lesprocéduresn’étaientpastrèsclaires,parcequ’ilsnesavaientpasquoifairedecesgens.Ilsdisaient:«Laissez-lessécher.»«Laissersécher»estassezvague, ça laisseplaceà l’imagination...DonccesRusses,qui avaient en

principeunpostedesurveillance,quiétaitplutôtunposteoùglandersansfaired’efforts,c’est-à-direqu’ilsn’avaientpasbesoindecouriràgaucheetàdroite.Doncparhasardquelqu’unestpasséjusteàcôtédeleurposteetilsl’ontattrapé.Ils l’ont attrapé et l’ont aussitôt attaché. Quand on les attrapait, on les faisaitasseoir,onleurdonnaitdel’eau...

Vousfaitesasseoirlesgensensembleousimplementàl’endroitoùvouslesattrapez?

Çadépend.Desfois,onattrapaitplusieurspersonnesenmêmetemps,alorson les faisaitasseoirensemble,oubienondécidaitqu’onnevoulaitpasqu’ilsrestent ensemble : «Toi tu t’assieds là, toi ici. »Doncquand lesRusses l’ontattrapé,ilsluiontattachélesmainsderrièreledos,ilsluiontbandélesyeux,ilsl'ont pris enphotodans toutes sortes depositions, avecune armeen l’air, deschosescommeça,commes’ilsavaientarrêtéunterroristeimportantouquelquechosecommeça.C’étaitjusteungarsquiallaittravailler.

Ilyavaitdesincidentsviolents?Pasvraiment,àpartcetincident,jenesaispasvraimentcequisepassaitlà-

bas,parcequejenesuisarrivéqu’àlafin.Quandonestvenusleschercher,onavu qu’ils étaient... Ils ont dit : « Ouais, une seconde, on doit libérer ce type,coupezsesliens...»

ÀlafinduserviceàAbir,vousdeviezrevenirauposte?Oui, alors on devait passer prendre les soldats russes. Et on a vu qu’ils

avaient attrapé ce type et qu’ils lui avaient fait ça. Je ne me rappelle pasd’incidents violents là-bas. Juste leur faire comprendre que c’est nous quicommandons.Maisdelavraieviolence?...

Qu’est-cequeçaimplique?Çaimpliquequ’ilsneteparlentpas.C’esttoiquileurparles.Tuleurdisquoi

faire.Ceuxqui parlent, tu leur dis : «Tagueule ! Je neveuxpas le savoir. »Parcequ’ilsteparlentsansarrêtdeleurfamilleettout,ilsdisent:«J’aibesoindetravailler,j’aibesoinde...»Tut’enfous–«Tagueule,assieds-toi!»alorsilsperdent...Jeprendsleurcarted’identitéetc’estfini.«Assieds-toilà,tuasintérêtàêtre làquand je reviens.» Ils sont toujours làquand tu reviens.Personnenes’envasanssespapiers.

92.Tuattrapesunhommeettuprendslecontrôledesavie

UNITÉ

:BATAILLONLAVI

LIEU

:COLLINESD’HÉBRONSUD

ANNÉE

:2003

Il

yaeuunincidentdontjepensequec’estleplus...c’estletrucquejeregretteleplus.C’estlapirechosequej’aifaitependanttoutmonservicedanslesTerritoires.IlyavaitcetypequivenaitdeYattaetquivoulaitpasserunbarrage.IlserendaitdeYattaàHébron,àlalaiterie.Ilavaituncamionpleinderécipientspourlelait.Jecroisqu’ilyavaituncouvre-feuàHébronàcemoment-là.Bref,iln’avaitpasledroitdepasser.Jel’aiattrapéaumomentoùilfranchissaitlebarrage,c’étaitlatroisièmefoisdelasemainequej’attrapaislemêmetype–dansdescirconstancesdifférentes,maislemêmetype,plusoumoinsaumêmeendroit.J’aiunpeupétélesplombs,parcequejel’aifaitsortir...jeluiaiditdedescendreduvéhiculeettout,maisils’estmisàprotesteretàcrier,alorsj’aitoutdesuitefaitdeuxchoses:j’aisortilesmenottesetlebandeau.Jesuismontédanslajeepetjel’aiamenéàlaporte.IIétait,jenesaispas,dixheuresdumatin,quelquechosecommeça...etjel’airelâchéentreonzeheuresetuneheuredumatin.

C’est-à-dire,c’étaitl’été...c’est-à-dire,toutelajournée.Ilavaitgenredeuxmillelitresdelaitavecluiettoutatourné.Çaadurétoutelajournée,ilestrestéàlaporteaveclesyeuxbandésetlesmainsattachées.

Quandj'yrepensemaintenant,j’aihontepourdeuxraisons.Premièrement,pourlamanièredontj’aitraitéunautreêtrehumain.Attraperunhommeetprendrelecontrôledesaviecommeça?Jel’aiattrapéphysiquement,jel’aiattaché,jel’ai

contrôledesaviecommeça?Jel’aiattrapéphysiquement,jel’aiattaché,jel’aiamenéauposteetjeluiaidit:«OK,restelà.»Jel’aiemmenécommeunprisonnier,attaché.Etpersonned’autren’étaitresponsabledeça.Cen’estpascommesij’avaisreçudesordres,vousvoyez?Non,c’estcequej’aidécidédefaire.Etc’étaitacceptable.Dupointdevuedetousmessupérieurs,iln’yavaitpasdeproblème.OK,tuasarrêtéquelqu’un,voilàcommenttuastraitéunautreêtrehumain,maislefaitestqu’ilyavaitaussidesbiens,c’est-à-direlelait.Quelquechosequiavaitunevaleurfinancièreaétéperdu.C’est-à-direquej’aifaitperdrejenesaispascombiendeshekelsàcethomme,mettonsquelelaitvalaitaumoinscinqcentsshekels.ÀYatta,çareprésentebeaucoupd’argent.Vraiment.Bon,doncjen’aipasprisl’argentdesapoche,maismesactionsluienontfaitperdre.Pourmoi,çarestemoinsimportantquelamanièredontjel’aitraitéentantqu’êtrehumain.Çanevapas.Parcequevraiment,c’estquoileproblème?Cen’estpasunterroriste,iln’étaitpasrecherché,ilnes’enestpasprisàmoi,ilnem’apasmenacéavecunearme.C’estuntypenormal.Quelleétaitl’utilitédecequej’aifait?Aucune.Est-cequeçaacontribuéàlasécuritédel’État?Non.J’aijustefaitdumalàquelqu’un.Etçanevapas.

93.Jel’aifaitchierdanssonpantalonUNITÉ:POLICEDESFRONTIÈRESLIEU:WADIARAANNÉE:2003

Travailleravec lapopulation,c’étaitnotredistraction.En toutcasàKatzir.Jenesaispascequisepassaitàcemoment-lààDjénine,maisc’étaitamusant.Travailleraveclesgens,c’était...

«Travailleraveclesgens»,c’estuneuphémisme.Oui.Travailler avec les gens.C’est ce qu’il y avait à faire.Puis d’un seul

coup,ilsontconstruitlemuretiln’yapluseupersonne.Ilyavaitlapopulationisraélienneavecquiilfallaitfaireattention,ilyaBarta’a,oùonpouvaitencorefaireunpeu...

DonclesopérationssesontdéplacéesàBarta’a?Il y a eu un léger mouvement, ouais. Mais encore une fois, ils avaient

tendance à garder Barta’a pour Tsahal, c’était plus leur domaine. Donc notretravail,c’étaitsurtoutlelongdumur.

Quesepassait-ilquandilsattrapaientquelqu’un?On y allait. Si tu captures quelqu’un, alors tu peux y aller. Vraiment, la

plupartdes foisoù j’aivude laviolence,c’était avant laconstructiondumur,c’était routinier.Vider le sacdesgaminset joueravec leurs jouets.Tusais, tuprenaisunjouetettut’amusaisàtelelancer.

Lesenfantspleuraient?Toutletemps.Ilspleuraientetilsavaientpeur.Çanerataitpas.

Lesadultesaussipleuraient?Bien sûr, ils étaient humiliés. Le but était toujours : « Je l’ai fait pleurer

devantsesgamins,jel’aifaitchierdanssonpantalon.»

Ilyavaitdesfoisoùilsfaisaientleursbesoinsdansleurpantalon?Oui.

Pourquoi?

Parce qu’on les frappait, pour la plupart. Quand on te frappe, qu’on temenace,qu'ontecriedessus...tuesterrifié.Surtoutsic’estdevanttesenfants...on leur criedessus,on lesmenace,on leur fait peur, alors tu fais aussipeur àleursgamins.Unefois,onaarrêtéunhommeavecsonfils–ilétaitpetit,quatreans,quelquechosecommeça.Ilsn’ontpasfrappélegamin,maisçaaénervélepolicierqueletypeaitamenésonfilspourqu’ilsaientpitiédelui.Ildit:«Tuamènestongaminpourqu’onsesentemalpourtoi–jevaistefairevoircequec’est,desesentirmal.»Ilsemetàletabasser,illuicriedessus,ildit:«Jevaistetuerdevanttonfils,peut-êtrequetutesentirasplus...»C’estterrifiant.Ilyauntasd’histoiressurlafierté.

Letypes’estpissédessusdepeur?Oui.

Devantlegarçon.Oui.Pleind’histoiresdefierté,genre:«Regarde,jel'aifaitchierdansson

pantalonettout.»Ilsenparlaienttoutletemps,cen'estpascommesi…

Oùest-cequ’ilsenparlaient?Àlacafétéria,devantlesofficiers?Lesgensenparlaientouvertement?

Oui.Àmonavis,unofficierquiprétendnepasêtreaucourant,ilment.Entout cas, les officiers, les hauts gradés savaient. Les commandants de sectionavaient moins de responsabilité, mais le commandant de compagnie, sonlieutenant, les officiers des opérations... ils encourageaientmême ça, dans unecertainemesure.Encore une fois, pas directement, ils ne venaient pas dire : «Allez-y, tabassez-les », mais il y avait une sorte de légitimation, sinon ça neserait pas arrivé. Encore une fois, c’est une chose qui se produisait moins àDjénine,etàmonavispasseulementparcequ’ilyavaitmoinsdetravailaveclapopulation.

94.Onavaitunesortedecampdeprisonnierstemporaire

UNITÉ:PARACHUTISTESLIEU:RÉGIONDENAPLOUSEANNÉE:2003

J’étais commandant d’équipe à ce moment-là. C’était aussi une de cespériodesfolles...lamêmehistoirequej’airacontéeàproposd’Hébron,saufquecette fois c’étaitdansNaplouse.Pasdepostes statiques. Jeme rappelleque jedisaisauxsoldatsqueçaintéressaitqu’ilsavaientdelachancedenepasêtreàHébron.Uncheckpoints’appelleHavah7,àBetPorik,unautres’appelleMeteg3,àlasortienord,nord-estentreNaplouseetEinBidan,etunautres’appelle«lavalléedesfugitifs»,ilmerappelleuntasdesouvenirsauxquelsjen’avaispasrepensé jusqu’àprésent.Lavalléedes fugitifs...Sur laplupartdescheckpointslà-bas, il ne se passait pas vraiment grand-chose, parce qu’il y avait uncommandant d’équipe. Des choses inhabituelles ont commencé à se produirequandilyaeumoinsdecommandantsd’équipeetquedessoldatssesontmisàjouercerôle...LescheckpointscentrauxdeNaplouse,Hava5,Hava7,Hava6,normalement, rien d'inhabituel ne s’y passe, parce qu’ils sont ouverts auxmédias.Ces gens sont toujours là –MachsomWatch,B’Tselem4, vous savez.Mais parfois on ne sait pas trop où est le checkpoint... C’est un checkpointitinérant,cequ’onappelleuncheckpost,ouuncheckpointnonétabli,qu’onmeten place avec un VTT pour pouvoir fermer une large zone et empêcher lesPalestiniensd’ensortir.Tupatrouilleset tuétablis toujours lecheckpointàunendroitdifférent,personnenetevoit,personnenesaitoùtues,c’estunterrainabandonné.Quandj’yétais,ilnes’estpaspassétropdechosesnonplus.Maistoutpouvaitarriverparcequ’iln’yapasréellementdesupervision.

Ilyadeschosesquifontpartiedelaprocédure,commearrêterlesgens,leslaissersécher,confisquerleursclés?Ceschosesvoussontfamilières?

OK,oui.Écoutez,aucheckpoint,arrêterquelqu’un,c’estcequ’ilfautfaire.Jepeuxvousdirequ’aujourd’hui,pourtoutessortesderaisons,onpréfèrearrêterquelqu’un, c’est la chose lamoinspire.Lavie d’un soldat est endanger à uncheckpoint.S’iln’yapasd’ordre,alorslesoldatpeutmourir.C’estunequestiondevieoudemort,parcequetouslescheckpointslà-bassonttrèsdangereux,onesttrèsvulnérablesuruncheckpoint.Tuessoldat,tutetienslà,c’estfacilede

t’attaquer.Dèsqu’uncommandantperdlecontrôledesoncheckpoint–lesgensneformentplusunefiledroite,ilss’approchenttropousepromènentlibrementautour du checkpoint, alors il y a de bonnes chances que quelqu’un vienne sefaireexploserouprofiteduchaospourtirersurlecommandant.Siuncheckpointest ordinairement chaotique ou si le commandant est toujours désorganisé, cen’est qu’unequestionde temps avant qu’un terroriste, surtout dansune régiondangereusecommeNaplouse,s’enrendecompteetattaque.Laquestionestdonc:quepeut faireuncommandantpourmaintenir l’ordreaucheckpoint? Ilpeutemployer la violence physique, ça fonctionne, c’est sûr que ça fonctionne. Lacruautémarche.Situprendsquelqu’unquidevientfouetquetuluicasseslatêteavec la crosse de ton arme, çamarche, c’est efficace.Ce n’est pas éthique, etnormalement les commandantsne le fontpas.C’est pour çaqu’ils arrêtent lesgens.C’estuneméthodemoinsefficace,çaleurfaitmoinspeur,maisvoilà,çafonctionne.

Qu’est-cequeçaimplique?Unepersonnequit’acréédesproblèmes,quiatroublélapaixaucheckpoint,

qui t’a parlé d’une certaine manière... Tu dois garder ton autorité, tu dois lamaintenirpourqu’ilsterespectentaucheckpoint.Qu’est-cequetupeuxfaire?Çaparaîtterrible,etçal’est.C’estlaréalitéducheckpoint.Toutcequ’onpeutdireàcesujetadéjàétéditetécrit,tousceuxquiontvulefilmCheckpointlecomprennent, jecrois.Auboutducompte, il fautque tu te fasses respecter, ilfautmaintenirl’ordre.Donctuprendscetypequidépassedelafile,cegroupequiteposeproblème,tuleurattacheslesmainsdansledosettulesfaisasseoirpendantdixheures,cinqheures.

Quidécide?Lecommandantducheckpoint?Le commandant sur place. Encore une fois, je dois dire que tant qu’un

checkpointexiste–etc’estunetoutautrediscussion,savoirs’ildevraitounonyavoirdescheckpoints... apparemment il en faut,parcequ’àcertains endroits iln’yapastroplechoix,maisàd’autresendroitslescheckpointspourraientêtresupprimés. Ça me paraît clair. Et quand ils pourront évacuer les colonies engénéral, ilserapossibledesedébarrasserdenombreuxcheckpoints.Maisilenexistera encore un certain nombre. Aussi longtemps que les checkpointsexisteront, l’arrestation est le moyen le plus humain, parmi tous les autresmoyensquisontmoinshumains,demaintenirl’ordresurplace.Qu’est-cequ’onpeutyfaire?Ilfautaussiprotégerlaviedessoldats.

Entantquecommandantdecheckpoint,quivousditsivousavezounonle

droitd’arrêterquelqu’un?C’estpendantlebriefingducommandantdecompagnie.Ilsnousontditque

c’étaitacceptabled’arrêterlesgens.Personnenelégitimaitlaviolencephysique.

Quellesautrespunitionssontemployéespourasseoirsonautorité?Dans les cas lesplus extrêmes, ils emmènent lesgens à la compagnie.On

avaitinstalléunesortedecampdeprisonnierstemporaire,oùlesgenspouvaientresterdeuxjours.C’estpourlescasoùlesgenscausaientvraimentbeaucoupdeproblèmes.Tu les emmènesà la jeep, tu lesmetsdans le campdeprisonniersimproviséqu’onavaitaménagé,avecuntoitentôleetdesmatelas.

Ilssontprisonniers?Oui.Ilsontlesmainsattachéesderrièreledosetilsrestentdanslecampde

prisonniersun jouroudeux.On leurdonnede l’eau,de lanourriture,mais ilsrestentattachéslàunejournéedanslecampdeprisonniersdelacompagnie,ilyaquelqu’unquilessurveille.C’estunesortedetoitentôle,avecunmatelasendessous,entourépardesbarbelés.

Quels sont les critères pour mériter un jour ou deux dans le camp deprisonnierstemporaire?

Jenemerappellepas.C’étaitpourlesgensquiposaientvraimentproblème.Quelqu’unquetuarrêtaismaisquicontinuaitàmettrelebazar,quisemettaitàsecomportercommeunfou,quidevenaitviolent,ousic’étaitquelqu’unquetuattrapaisrégulièrement.

95.Ilamarmonnéunpeu,jeFaifrappéauvisageUNITÉ:CORPSDUGÉNIELIEU:RÉGIONDERAMALLAHANNÉE:2005

Quandjesuisarrivélà-bas,ilsm’onttoutdesuitebriefésurlecheckpointdeQalandiya–c’étaitlevieuxcheckpointdeQalandiya,avantqu’ilsoittransforméenterminal.Ilyavaitvingt-quatresoldatsparservice:douzeaucheckpointpourvéhicules et douze à celui pour piétons, qui restaient en alerte la plupart dutemps et servaient d’équipe d’intervention. Le checkpoint piétons était déjàstérile – pas comme avant. Quand je suis arrivé, le checkpoint piétons étaitstérile, il n'y avait que des passages vitrés et l’unité de transit de la policemilitaire.Ilyavaituneunitéd’alerteaucheckpointpiétonnier,l’autres’occupaitducheckpointvéhicules. J'étais à cecheckpoint, et lapremière fois jemesuisactivement opposé à ce qu'on faisait.À cause demes prises de position,moncommandant de sectionm'a pris à part pour une conversation, ilm’a dit qu’ilétait obligédeme relever demes fonctions et dem’expulser de la compagniedans la semaine et qu’ilsme trouveraient une nouvelle affectation, au quartiergénéralapparemment,parcequej’exprimaisdesopinionspolitiquescontrairesàla procédure militaire. Mes « opinions politiques » étaient que, pendant quej’étaislà,personnenemenaceraitpersonne.C’estuncheckpointoùlesfemmesdeMachsomWatchserelaientvingt-quatreheuressurvingt-quatre,entoutcasàl'époque,etj’aiditquepersonnenedevaitsetournerverselles,leurparleroulesimportunerdequelquemanièrequecesoit,quecequ’ellesfontest légitimeetquec’estleurdroit.Tupeuxt’adresseràellesparl’intermédiaireduporte-parolede Tsahal, mais autrement on n’a pas l’autorité pour leur parler. Ce sont lesordresdel’armée,etjelesreprésentaisfidèlement.Lessoldatsnem’écoutaientpas,ilspointaientleursarmesmêmesurlesfemmesdeMachsomWatch,ilslesinsultaient, se moquaient d’elles. Il y avait un tas de mauvais traitements aucheckpoint...C’était vers décembre ou janvier, un hiver dur, pas comme cetteannée. Il fait froid à Ramallah, et Qalandiya est épuisant – tu restes deboutpendantdouzeheures,uneballedanslachambredetonarme,carc’estconsidérécommedangereux... tuasuncasquesur la tête,ungiletpare-balleset tout tonéquipement, tu es toujours debout, douze heures ou 8/8, mais c’est la mêmechose,tutravaillestoutletemps.Tugèlesàresterlà,ettuvoislesPalestiniensquiarriventdans leursvoitureschauffées.Ona inventéun jeu : laplupartdes

voiturespalestiniennesétaientvieilles,lecoffrenes’ouvraitpasdel’intérieurdelavoiture,alorsonleurdisaitdel’ouvrirpourqu’ilssoientobligésdesortirdansle froid et la pluie. Ça me mettait en colère, de les voir dans leurs voitureschauffées, au point que j’oubliais qu’eux non plus n’avaient pas envie demevoir.

Unefois,untypequis’appelaitAmjadJamalNazer–jemesouviensbiendelui –, je lui ai dit de descendre ouvrir le coffre et il m’a demandé pourquoi,puisqu’ilpouvaitl’ouvrirdel’intérieur.Ilgrêlait,jemesentaisunpeumalade,jeluiaiditdedescendreetd’ouvrirlecoffre.Ilarefusé.J’aisuivilaprocédure:iladitqu’ilnedescendaitpasalorsj’aiprissavoiture,j’aiprissesclésetjeluiaiditdesemettresurlecôté.Ilamarmonnéunpeu,jel’aifrappéauvisageaveclacrossedemonarme–et justecommeça, j’ai faitpartieducycledeviolence.Mes soldats n’y croyaient pas, ils étaient tellement excités. J’étais sous-commandant au checkpoint des véhicules, et cet incident a marqué une étapesupplémentaire pour nous. Le checkpoint est devenu très violent à cause dutemps et des conditions exceptionnelles. Notre nourriture arrivait toujours enretard et on tenait les Palestiniens pour responsables de ça aussi. Les soldatsenvoyaientdesArabesleurchercherdelanourrituredansRamallahquandjenefaisaispasattention.Biensûr,ilsnelespayaientpas.Ilsprenaientdeschapeletsdeprière,lesgardaient.Àl’époque,jenesavaispasquec'étaitconsidérécommeun crime de guerre, prendre des chapelets de prière ou même des pastèques.J’étaiscomplètementcontre.Jeneparticipaispas,maisçaarrivaittoutletemps.Untasdecommandantsd’équipeetdesergentsyparticipaient.Jedoisdirequelesofficiersyétaientopposésetqu’ilsintervenaientcontretousceuxquiétaientimpliquésdanscegenredechoses.Ilsétaientfermementcontre.

C’étaitlegenredechosesqu’ilsvolaient?Des chapelets, surtout de la nourriture. Ils ne prenaient pas d’argent. Il y

avaitd’autreschoses–jenemerappellepasexactementquoi.

Descigarettes?Des cigarettes. Il arrivait souvent qu’ils arrêtent un camion rempli de

cartouches de cigarettes, c’était comme un pot-de-vin, comme tu vois à lafrontièremexicaine,ilsprenaientdeuxcartouchesetleslaissaientpasser.

Etsilechauffeurneveutpaslesleurdonner?Alors il ne passe pas,même s’il est juste à côté de chez lui.Mais il leur

donne. Je n’ai presque jamais vu de situation comme ça. On était toujours làavecundoigtsurlagâchette,auproprecommeaufiguré.Ilsnousdisaientque

c’étaitunendroittrèsdangereux,donctoutétaitpermis.C’estencorecommeçaaujourd’hui.Ce n’était pas comme le lavage de cerveau qu’ils nous ont fait àYakir, où c’est joli et champêtre. À Qalandiya, c’était dangereux et nous lesentions.Auboutd’unmois surce front, laveilledu jouroù jedevais rentrerchezmoi,undemesamisaupostedetireurd’éliteareçuquatreballesetaétégravementblessé.Unautresoldatdecepostes’estfaittirerdessusetilestmort.Çachangeaitcomplètementlesrèglesdujeu.Ilsontfermétoutlecheckpoint,ila été hermétiquement fermépendant vingt-quatre heures, personnen’entrait nine sortait de Ramallah. On est entrés, à Ramallah sans raison, en termes desécurité. On a mis la ville sens dessus dessous, de la haine pure, on a arrêtéquatre-vingtspersonnescesoir-là.Onestdevenusfous.

Qu’est-cequevousvoulezdire?Onabrisélesampoulesdetouteslesmaisonsoùonestentrés,aveclacrosse

de nos fusils – sous un prétexte opérationnel : on disait que la lumière nousdérangeait.Onutilisaitlacrossedenosarmes,lecanon–laviolencephysiqueàunniveauindescriptible.Leniveaude...Çaaaugmentédemanièreincroyable,lecheckpointestdevenuextraordinairementviolent.Denotrepointdevue, ilsavaient tué notre ami. C’était un bon ami, un ami proche, et je l’ai prispersonnellement.J'aienlevétoutesleslimitesàmessoldatssurlecheckpoint.Laviolence est devenue une réalité quotidienne.On faisait sortir les gens de leurvoitureenlesfrappantaveclecanondenosarmes.Letireurd’élitequisetenaitau-dessus de nous avait comme consigne de garder son viseur sur la voiturequ’oninspectait,degarderuneballedanslachambre,detoujoursavoirunœilsur lapersonne.Lamoindreperturbation, tupouvais tirer.On s’estmis à tirerdanslesjambesdesPalestiniensquinesuivaientpasnosinstructions.Ilyaeuunoudeux incidentsoùon leur a tirédans les jambes. Ils n’obéissaientpas àl’ordre de s’arrêter à cinquante mètres avant le checkpoint, de soulever leurchemiseetdesetourner.C’estdevenulaprocédure.Unefois,onn’apastouchécetype,ils'estenfuietonl’arattrapé.Unefois,onatouchélajambed’untypeetonl'ablessé.Inutilededirequec’étaituncivilinnocent,désarmé.Là-dessus,on a fini notre service àRamallah, c’était d’ailleurs la partie la plus calmedeRamallah. Ça a été la norme de notre compagnie pendant des années, notreviolencefaisaitlafiertédelacompagnie.Onétaitsombres,fous,pascommele4e d’infanterie, de gentils Ashkénazes qui se comportent bien avec lesPalestiniens.

Lescommandantsdebataillon,debrigade, savaient-ils cequi sepassaitàQalandiya,ilssavaientpourlaviolence?

Non.Lecommandantdubataillon605yétaittrèsopposé.Jecroisqu’ilétaitaucourantcertainesfois,etquandiladécouvertcertaineschoses, ilapuni lesgens, il ne voulait pas étouffer l’affaire. Mais il n'était pas au courant de laplupart des incidents violents. Ça restait au niveau des sergents, descommandants de section. Au pire, les sous-commandants de compagnie, lescommandantsdecompagnie.

96.Tuveuxlesclés?Metsdel’ordredanslecheckpointUNITÉ:ADMINISTRATIONCIVILELIEU:RÉGIONDEBETHLÉEMANNÉE:2002

UnPalestinienestvenuauBCDetadit:«Ilsontprismesclésdevoitureaucheckpoint.»J’airépondu:«Pourquoilesont-ilsprises?»«Parceque...»Ilacommencé à parler. Je lui ai dit : « Écoutez, je veux voir par moi-même. »C’était le checkpoint d’al-Hader. Il est monté dans ma jeep, on y est allésensemble.J’aidit:«Montrez-moil’officier.»Iladésignél’officier,unpremierlieutenantdesparachutistes. Je suis allé le voir et j’ai demandé : «Vous avezprissesclés?»Ilarépondu:«Oui.»Alorsj’aidemandé:«Pourquoi?»Iladit:«Parcequ’ils’estarrêtéicipourdéposerdesgens,etilsn’ontpasledroitdedéposerdesgens.»J’aidit:«Doncqu’est-cequevousavezdécidédefaire?»Iladit:«Delepunir,deluidonneruneleçon.»J’aidit:«Quelleétaitlaleçon?»Ila répondu :«Mettrede l’ordredans lecheckpoint,mettre tout lemondeenfile, et ensuite je lui rendrai ses clés. En attendant, il ne les récupérera pas. »C’était incroyable. Ce gars était tellement idiot. Bien sûr, je lui ai dit de luirendre ses clés immédiatement, j’ai relevé son identité et je l’ai transmise aucommandementdelabrigadeettout.Jenesaispass’ilaétéjugé.Aprèsça,ilsontfaitunesortedebriefing.Voilàpourlepremierlieutenant.IIajustereconnucequ’il avait fait. Il adit :« Je lui aipris sescléspour luidonnerune leçon,parce que sinon ils n’apprennent jamais. C’est la seule manière pour qu’ilscomprennent.»IladitauPalestinien:«Metsunpeud’ordreici,organiseunefile, fais en sorte que tout soit en ordre, nettoie le checkpoint, ensuite je terendraitesclés.»

97.LesroutesouvrentquatreheurestouslesdeuxjoursUNITÉ:ADMINISTRATIONCIVILELIEU:GÉNÉRALANNÉE:2002

Au début de l’Intifada, il y avait des problèmes avec les couvre-feux, parexempleilsmettaientjusteuncouvre-feuenplaceetc’étaittout.Oubliequandtudoisouvrir, n’ypensemêmepas.L’administrationcivile a établides règlespourcegenredechose,ilsontétabliquetouslesdeuxjours,çadoitêtreouvertpendantquatreheures,ilss’assuraientqueçaresteouvertpendantquatreheures,maisilsn'informaientpaslapopulation,ilsnel’annonçaientpasàlaradioni...Ils ont juste fermé un tas de routes. Ils s’assuraient qu’aucun village n’étaitentièrementbloqué,qu’uneambulancepouvaitentreretquechaquevillageavaitunesortie,toutessortesdechosescommeça.

Commentsaviez-voussiunvillageétaitbloqué?Tout à l’heure, je vous ai dit qu’on entrait en contact avec des individus

palestiniens.Vousavezunhommequin’est...C’est lapersonnedecontact, tul’appelles, tu lui demandes ce qui se passe dans le village, et ci, et ça, ce quiarrive.Il terépond.Ets’il teditquequelquechosenevapas, ilatoujourstonnumérode téléphone,non? Il t’appelle.Et s’il teditquequelquechosenevapas,alorsc’esttondevoirdet’enoccuper.

Commentfonctionnaientlescouvre-feux,audébut?Audébut,c’étaitpareilàHébron,ilyadescartes...tupeuxlesdemanderau

ministèredelaDéfense,ilstelesdonneront,onlefaisaitàl’époque,ellessontdanslebureauduministredelaDéfense,çaaétédéplacélà-bas.Maisaudébut,ilyaeuunelonguepériodesansrienouvrir...Environunefoisparsemaine,jecrois.J’étaisencoreàBetEl,maisaudébutilyavaitcestrèslongscouvre-feux,et après ça ils ont vraiment ouvert les choses : toutes les quarante-huit heurespendant quatre heures et le vendredi, à cause des prières.Le samedi aussi, onpouvait généralement circuler, parce qu’il n’y a pas une grande présence deTsahaldanslazone.Touts’estlentementmisenplace.

Quidécidaitducouvre-feu?Lecommandantdebrigade.

Donciln’yaaucunsystème,aucuneobligationdeconsulterl’administration?

Non.Pourcommencer, il consulte toujours l’administration.Mais la raisond’être d’un couvre-feu, c’est la sécurité, donc l’administration ne peut rien yfaire.C’est pour cela que le commandant de brigadeprend la décision, il doitinformer le commandant de division, mais il ne... et il a des directivesorganisées.Ilyadesrègles.

Oùsesituel’administrationsurcettequestion?Parexemple,siunofficierdel’administrationdit...

Parexemple,siauboutdequaranteheures...d’abordcetteloia...c’estunerègleétablieparleconseillerjuridiquedeCisjordanie,parleconseillerjuridiquedel’arméeenCisjordanie.C’estlarèglequ’ilafixée,maisilyadesexceptions.C’est-à-direque s’il sepassaitquelquechose, tupouvais t’adresserà l’officierdu commandement général, et il pouvait approuver un couvre-feu de plus dequarante-huitheures.Maiscesincidentsétaientinhabituels–ilfallaitqu’ilyaituntrèsgrosattentat.Etl’administrationdoitrappelerlecommandantdebrigadetoutes les quarante-huit heures, ou dire : « Vous devez ouvrir pendant quatreheures,detelleheureàtelleheure.»Etc’esttout.C’estlegenredechosequel’administration annonce à l’avance, pour que la population soit au courant etsoitprêteàsortir.

Commentlestenez-vousaucourant?Tuappelleslaradio,tuledisauxresponsablesdesémissions.Mêmeàceux

de la radio du Fatah. À l’époque, il n’y avait pas de stations du Hamas.Aujourd’huijecroisqu’ilyena.

Etilsl’annoncent?Oui.

98.DesvillagessanseauUNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:RÉGIONDENAPLOUSEANNÉE:2001

BetFuriketBetDajansontdesvillagesquin'ontpasd’eau.Ilsl’amènentparcamiondeNaplouse.

Commentça,ilsn’ontpasd’eau?Ilsnesontpas reliésau réseaud’eau.Vousnesaviezpasqu’ilyavaitdes

endroits comme ça ? Donc voilà, ils ont ces camions, et tous les jours ilstransportentcescontainers,ilsvontàNaplousepourlesremplird’eau.D’aprèscequem'ontditlesconducteurs,lesgensontdespuitsdansleurmaison,quelquechosecommeça,etilslesremplissent.

Ilyavaitdesfoisoùvousempêchiezlescamionsd’eaud’entrer?Engénéral, la routeétaitassezouvertepour lescamions,mêmequand ily

avait des couvre-feux pour tout le reste, les camions d’eau pouvaient quandmêmepasser.MaispendantlapériodeoùGandhi5aététué,ilsontdécidéqueçasuffisait,personnenepassait,pasmêmelescamionsd’eau.Jemerappellequeça agaçait mon commandant de compagnie au checkpoint, il disait que lasituationnepouvaitpasdurer,etenfait,lemêmejour,cetaprès-midi-làoupeut-être le lendemain, le village n’avait plus d’eau. Je ne me rappelle pas quandexactement,maisonareçuassezrapidementunelistedechauffeursautorisés,etpresquetouslesconducteursdecamionétaientdessus.Ilyenavaitquelques-unsquin’avaientpasl’autorisation,etseulsceuxavecunpermispouvaientpasser.

99.Unesorted’environnementhumanitaireUNITÉ:ADMINISTRATIONCIVILELIEU:GÉNÉRALANNÉE:2001

Jepensequel’administrationcivilenes’estpasréveilléeavantlemilieudel’année2002–ellen’apascomprislepassagedesaccordsd’OsloàlasecondeIntifada.Çaaprisenvironunan,unanoupluspourcomprendrelechangement.Quelle devait prendre une position plus militaire et moins se préoccuper desquestionsdecommunicationavec lesPalestiniens.Donc, audébut, laquestionétait:«Commentfait-on?OncoupelescommunicationsaveclesPalestiniens,etqu’est-cequ’onfaitàpartirdemaintenant?»Audébut,l’administrationétaitperdue,maispeuàpeuelleestretombéesursespieds,elles’estretrouvéedanslerôledequasi-gouvernement.

Qu’est-cequeçaveutdire,«l’administrationétaitperdue»?Engros,lesaccordsd’Oslodéterminaientquelesbureauxdecoordinationdu

districtmaintiendraient le contact avec lesPalestiniens.Bien sûr, une fois quel’Intifada a éclaté, les BCD et les gens comme ça, ceux qui s’occupaient descontactsdesécurité,cegenredechoses,leurtravailn’existaitplus.Quiyavait-ilàrencontrer?Tun’aspasledroitauxrencontres,legouvernementainterditlesrencontres.Alorsqu’est-cequetudoisfaire?Quelesttonrôle?Lentement,tut’inventesunnouveautravail.

Alors que se passait-il sur le terrain ?D’un côté, vous aviez un ordre dugouvernement,del’autrevousdeviezfairevotretravail.

Non, à l’époque, l’administration civile se concentrait plus sur ce qu’onappelleprotégerla«tramedevie»palestinienne:accèsauxroutes,toutessortesdechosescivilesquiprofitentpour laplupartà lapopulationpalestinienne,engrosassurerunesorted’environnementhumanitaire, faireensortequ’iln’yaitpas de désastre humanitaire ou quelque chose comme ça. En gros, c’étaitl’objectifde l’administrationcivilependantcettepériode.Etaussiderenforcerlesliensaveclepeuplepalestinien,maisplusaveclegouvernementpalestinien.On ne voit plus le gouvernement palestinien, on voit davantage les gens. Tucréesdesliensavecdessourcesnonofficielles,enfait.

Commentcelasepasse-t-il?

Parexemple,audébutde l’Intifada, le transfertdesmarchandisesétait trèsproblématique.Onestpasséd’unepériodeoùtoutpouvaitentreretsortiràcettenouvellepériodeoù,d’uncoup,ilfallaitconstammentréfléchirdupointdevuede la sécurité si on laissait entrer quelque chose. Alors, par exemple, ontravaillaitàorganiserl’importationetl’exportationdesmarchandises.

Commentest-cequeçafonctionne?Enzones«dosàdos»,commeTarqumia6–vousvoyezdequoijeparle.Ils

créaient des zones «dos à dos », par exemple.Ladernière qu’ils ontmise enplaceétaitàBitunya7,après2002. Ilsautorisent lepassagedemarchandisesetinspectent les chargements pour vérifier qu’ils apportent vraiment de lanourriture,duciment,ducarburant.

L’administrationa-t-elleétablidesrègles?Oui, l’administration est un bureau assez petit, mais elle a beaucoup de

pouvoir. Au début de l’Intifada, elle n’était pas très respectée, mais c’est unbureauquiabeaucoupdepouvoir.

Bon,mettonsqu’aucunemarchandisenepassaitàunmoment,etensuite...Non,ilsnetrouvaientpasdemoyensûrpourfairepasserlesmarchandises,

alorsl’administrationcivile,aveclefinancementdugouvernement,biensûr,estallée construire ces zones de béton. Il y en avait une à Tarqumia,mais pas àHawwara, à Bitunya, ni à Jalama. Aujourd’hui je crois qu’il y en a une àQalqilya,maisjenesuispassûr,çafaitlongtempsquejen’ysuispasallé.Voilàcequefaitl’administration,elles’assurequelesmarchandisessonttransférées.

100.L’undestravailleursestmortécraséUNITÉ:CHECKPOINTD’EREZLIEU:BANDEDEGAZAANNÉE:2003

À chaque fois qu’ils devaient faire passer une ambulance, un véhiculearrivait de chaque côté, une ambulance palestinienne et une ambulanceisraélienne,etilstransféraientlapersonnedel’uneàl’autre.

Quandtransfèrent-ilsquelqu’undansuneambulanceisraélienne?Pourquoiont-ilsbesoindepasserenIsraël?

J’imaginequ'ilsvontà l’hôpitalpourdesblessuresousiunefemmeestentrain d’accoucher par exemple. Je reste dans la salle de contrôle, alors je neconnais pas exactement les détails. Je sais que quelqu’un estmalade, j’ai sonnom, son numéro de carte d’identité et je vérifie auprès du bureau decoordination du district si tout est en ordre avec cette personne, puis je lesautoriseàletransférer,maisjeneconnaispassasituationmédicale.

Non,maisvousentendezdirequ’unefemmeestentraind’accoucherouquequelqu’unestmalade...

Ils me parlent des cas spéciaux, par exemple quand il y a un pacemaker,parcequ’ils fontpasser tout lemonde sousundétecteurdemétauxet certainséquipements médicaux le déclenchent. Il y a une inspection séparée pour cegenredecas.

Donctoutlemondepasseparledétecteurdemétaux?Mêmedansles«dos-à-dos»?Quelgenred’incidentsyavait-il?

Siune femmeesten traind’accoucheretdoitattendredepasserde l’autrecôté,elleaccoucheraaucheckpoint... J’imaginequ’une femmeenplein travaildevra subir le processus, il y avait toutes sortes de personnes malades, desenfantsquiavaientbesoindesoinsmédicaux.

Quandouvrent-ilslecheckpoint?Lematindehuitàdixheures,puisànouveaul’après-midi.Ilyaunpassage

vers Israël et aussi un petit checkpoint pour les travailleurs qui passent de labandeauxrégionsvoisines.Ilssortent,travaillentpuisreviennent.

Oùétiez-vous?Le bataillon était responsable de ces deux points de passage, on est un

bataillondecheckpoint,onest responsablesde toutcequipasseetde tous lespoints de passage. Parfois, il y avait des instructions pourmodifier les heuresd’ouverture et de fermeture, mais la plupart du temps, c’était ouvert deux outroisheureslematinetànouveaudeuxoutroisheuresl’après-midi.

Combiendepersonnespassaient?Jeneconnaispasleschiffresexacts.Jesaisquebeaucoupdegenspassaient.

Ilsnenousparlentpasdetousceuxquipassent.Ilsdisent:«Lecheckpointestouvert,lecheckpointestfermé.»

Vousn’étiezpascurieusedevoirleschoseshorsdelasalled’opérations?Quand je suis arrivée là-bas, j’étais dans le bataillon depuis environ trois

semaines,puisilsm’ontamenéeàlacompagnie.Quandj’étaisdanslebataillon,unefoisjesuisalléeaucheckpointpourvoirdequoiilretournait,pourvoiràquijeparlais tout le temps, jeme rappelleque lesgensattendaientpour traverser,c’étaitbondé,ilyaeuunhommequiaététropécrasécontrelaporte,ilsluiontfait franchir lecheckpointpour lesoigneret ilestmort– ilestmortécraséaucheckpoint.

Iln’étaitpasmaladenirien?Pour autant que je sache, il n’était pas malade, mais le checkpoint est

construitcommeça:iciilyadesbarres,làilyauneporteàtambour,commeàl’université,oùtunepeuxnientrernisortir,puisilyaunedirectionpoursortir.Ils attendent qu'ils ouvrent le passage, puis ils se poussent sous l’effet de lapression,etl’und’entreeuxaétéécraséparlesbarres.

Vousvousrappelezlalargeurapproximativedupassage?L’endroitavec laporteà tambour, ilspassaientunparun, ils se tiennentà

côté,ilyaunepalissadeenferassezlarge,ettoutelaplateformeducheckpointfaitenvironlatailledecettepièce.Elleestdiviséeendeuxfiles,ilyauneportepuisuneautrezoned’attente.Toutçaétaitremplidegens.

Ques’est-ilpassé?Jenesaispas,j’étaisdansl’arméedepuisunmoisetdemi,c’estlapremière

chose que j’ai vue, çam’a fait un choc. Il s’est évanoui, ils ont essayé de lesoigner,ilsontappeléunmédecinmaisiln’apasréussi...

Oùl’ont-ilsgardé?Oùa-t-ilétélibéréde...?Jenem’occupepasdecegenredechoses.Jesuisrestéesur lecôté, j'étais

arrivéeaumilieuduchaos.J’imaginequesiquelqu’uns’évanouit,ilslelaissentpasser.

Ensuite,qu’ont-ilsfait?Jesuispartieaprèsquelemédecinaéchouéàlesoigner.Jesuispartie–c’en

était assez pour moi. Je n’avais pas besoin d’en voir plus et je suis partie.J’imagine qu’ils ont enlevé le corps et l’ont amené aux autorités compétentes,certainementparl’intermédiaireduBCD.

Qu’ont-ilsditensuitependantledébriefing?Jenesaispascequis’estpasséaudébriefing.

Maisilsenontparléaprès?Cen’estpas legenredechosesdont ilsparlaientdanslasalled’opérations

oudontilss’occupaientlà-bas,j’imaginequ’ilsenontplusparléauBCD,parceque c’est pertinent pour leur travail. Et au checkpoint, j’imagine. Mais si unsoldatsetientaucheckpointavantl’ouvertureetquetoutlemondesebouscule,il ne peut pas juste dire : « OK, arrêtez de pousser... » Ils sont comme desgaminsquiattendentd’entreràunconcertetquisebousculentsansarrêt,mêmequandtuleurdisdebiensetenir.Biensûr,ilyaunedifférence,maisjepensequedanscecas-là,lemieuxqu’onpuissefaire,c’estquelesoldatquisetrouvelàpeut essayerde leurdiredenepasexagéreroudenepasbouger.Maispasplus.On ne peut rien faire de significatif face au fait qu’un grand nombre depersonnesessaiedepasserdansuntempslimité.

L’histoiredel’hommequiestmorta-t-elleattirél’attention?Pourautantquejesache,non.Jen’aipascherchéd’informationsàcesujet,

mais je pense qu’il n’y a rien eu. Les Israéliens s’intéressent plus auxinformationssurlesattentatsterroristes,ouquasiterroristes,ousurlesattentatsdéjoués,qu’àunArabequiaété tué.Les journauxessaientsurtoutdemontrernotrecôté,cequisepasseentreeuxetnous,commentilsnousattaquent.

101.Onatirésurdespêcheurs,coupéleursfiletsUNITÉ:MARINELIEU:BANDEDEGAZAANNÉE:2005-2007

Il y a une zone qui bordeGaza qui s’appelle la ZoneK, contrôlée par lamarine.Avantetaprèsledésengagement8,rienn’achangéparrapportausecteurmaritime,toutestrestépareil.Laseulechosequiachangé,c’estquelaZoneKséparaitIsraëletGaza,laZoneMétaitentrel’ÉgypteetGaza,etaumilieuilyavait une autre séparation qui empêchait les bateaux de traverser du port deRafahversleportdeGaza.Cetteséparationadisparuavecledésengagementetensuitec’étaitànouveauouvert.C’étaitleseulplus.JemerappellequeprèsdelaZoneK,entreIsraëletGaza,ilyavaitdesgaminsquiselevaienttôtlematin,desgaminsdequatreousixansàpeine.Soixante-dixpourcentdelapopulationdeGazavitdelapêche.C’estleurpain,leureau,tout.S’iln’yapasdepoisson,il n’y apasdenourriture. Ils partaient dans les zoneshors limite tôt lematin,versquatreoucinqheureschaquematin.Ilsallaientlà-basparcequelesautreszonessontencombréesdepêcheurs.C’estunepetitezone,lespoissonsvontlà-basparcequ’iln’yapasdepêcheurs.Lesgaminsessayaient toujoursdepartirenreconnaissanceetdetraverser,ettouslesmatinsontiraitdansleurdirectionpourleurfairepeur,c'enestarrivéaupointoùontiraitverslespiedsdesgamins,làoùilssetenaientsurlaplage,ouversceuxquipartaientdanscettedirectionsur une planche de surf.On avait des policiers druzes à bord qui leur criaientdessusenarabeetlesinsultaient.Ensuite, turegardaislescamérasettuvoyaislesgaminspleurer,lespauvres.

Qu’est-cequeçaveutdire«tirerverseux»?Çacommencepardes tirsen l’air,puison tireàproximité,etdans lescas

extrêmesontireversleursjambes.Jen’aitirédanslesjambesdepersonne,maisd’autresbateauxdemacompagniel’ontfait.

Dequelledistancetiriez-vous?De loin, cinq ou six cents mètres. On tire avec une mitrailleuse lourde

Rafael,toutestautomatique.

Oùvisez-vous?

C’est une question de perspective. Sur la caméra, il y a une jauge pour lahauteuretunejaugepourlalargeur,tumarquesaveclecurseuroùtuveuxquelaballeaille,çaannulel’effetdesvaguesetçatoucheoùçadoit,c’estprécis.

Vousvisezàunmètredelaplanchedesurf?Plutôt à cinq, six mètres. J’ai entendu parler de cas où ils ont touché la

planche,maisjenel'aipasvu.Ilsdisaientquedeséclatslesavaienttouchés,lericochet de la balle quand elle frappe l’eau. Il y avait d’autres choses quimedérangeaient, par exemple ce truc avec les filets de pêche palestiniens. Leursfilets coûtent environ quatremille shekels, ce qui représente une fortune poureux, genre comme un million de dollars pour nous. Quand ils nousdésobéissaienttrop,oncoulaitleursfilets.Ilslaissentleursfiletsdansl’eau,ilsyrestentpendantprèsdesixheures.LeDabur9arriveetcoupeleursfilets.

Pourquoi?Commepunition.

Pourquoi?Parce qu’ils nous ont désobéi trop souvent. Mettons qu’un bateau dérive

jusqu’à une zone hors limite, alors un Dabur arrive, tourne, tire en l’air puisrepart.Uneheureplustard,lebateaurevient,leDaburaussi.Latroisièmefois,leDaburcommenceàtirerverslesfilets,verslebateau,puistentedecoulerlesfilets.Çanem’estjamaisarrivé,maisj’aitiréverslebateauetlesfilets.

Commentsavez-vousàquiestlefilet?Lebateautirelefilet.Ilesttoujoursreliéaubateau.

Lazonehorslimiteestcellequiestproched’Israël?Il y a la zone proche d'Israël et la zone le long de la frontière israélo-

égyptienne. La frontière maritime est longue de trois milles et large de vingtmilles,environtrentekilomètres.

ÇaprendencomptelesvingtmillesentreGazaetl’ÉgypteetentreIsraëletGaza?

Oui.

Cesvingtmilles,ilssontprissurlazoned’IsraëlousurcelledeGaza?À votre avis ? Sur celle de Gaza bien sûr. Non seulement ça, mais la

frontière maritime d’Israël est longue de douze milles, celle de Gaza de

seulement trois. Ils n’ont que ces troismilles en direction de laMéditerranéepouruneraison,parcequeIsraëlveutsongaz,etilyauneplateformedeforageàquelque chose comme troismilles et demi en facede labandedeGaza, quidevraitêtrepalestinienne,saufqu’elleestànous.Ilstravaillentcommedesfouslà-basetShayelet13,l’unitédesforcesspécialesdelamarine,assurelasécurité.Si un oiseau approche de la zone, ils le descendent. Il y a un déploiement desécurité hallucinant pour ce truc. Une fois, des filets de pêche égyptiens ontdépassélestroismilles,ons’enestoccupés,çaaétéundésastretotal.

C’est-à-dire?Ilsétaientdans leseauxinternationales,onn’estpasdansnotre juridiction,

maisonallaitleurtirerdessus.

Surlesfiletségyptiens?Oui.Etonestenpaixavecl’Égypte.

102.Entraînementaumilieuduvillage,enpleinenuitUNITÉ

:PARACHUTISTES[RÉSERVE]

LIEU

:RÉGIONDETULKAREM

ANNÉE

:2007

En

principe,depuisl’époquedeladernièreguerre,l’arméeenestarrivéeàlaconclusionqu’elledoitprofiterdechaquejourduservicederéserved’unsoldatpourlepréparercomplètementàlaprochaineguerrequiapproche.Donclesentraînementspré-opérationshabituelssetransformaientenentraînementsintensifs.Bienplussérieux,bienplusd’exercices,surunebienplusgrandeéchelle.Normalement,tut’entraînesautir,àdescendreduHummerpourterappelercommentfaire.C’estlapréparationpourlefront.Maintenant,c’estunexercicebienplusvaste.Bon,j’aicommencémonservicederéservele11

mars.C’étaitladeuxièmefoisquejefaisaismonservicederéserveàAriel.

Onsavaitqueçacommenceraitpartroisouquatrejoursd’entraînement,puisqu’oncontinueraitverslefront.Levendredid’avant–le11étaitundimanche–,levendredid’avantjesuisalléchezmesparentset,enchemin,j’écoutelesinformations,etilsparlentd’unexercicemenéparlabrigadecentraledesparachutistes,unentraînementpré-opérationsdanslevillagedeBeitLid.Bon–c’estmoi.C’est-à-dire,ilmeparaîtclairquesic’estcequ’afaitlebataillonavantmoi,c’estcequejevaisfaireledimanche.Doncj’écouteattentivement,etapparemmentc’étaitunexercicesurunterrainquiressembleauLiban,enSamarie,oùonsimulaitdesdéplacementsversdescibles,avecdessentinelles,desembuscadesettoutessortesdechosescommeça,etçasefinissaitparl’occupationd’unvillage.Bon,cequ’ilsdisaientdanslereportage,c’estqu’ilyavaiteudesplaintes...Encoreunefois,lesvillagesducoinsontarabes,doncleursplaintesneportentpasaussifort,maisdessoldatsdelacompagnie,dans

leursplaintesneportentpasaussifort,maisdessoldatsdelacompagnie,danslesbataillons,s’étaientplaints.D’abord,ilsdisaientqu’ilsn’avaientpasreçul’ordred’ouvrirlefeu.Bon,pourquoiest-cequetunereçoispasl’ordred’ouvrirlefeu?Parceque,engros,d’uncôté,c’estunexerciced’entraînement,ilyadestasd’autresunitésdanslecoin,untasdesoldatsquiontmarchétoutelanuitetquisontfatigués...situcommencesàmettreuneballedanslachambredetonarmeouàremplirunchargeur,tuvasteretrouveravecdufeuami.D’unautrecôté,cen’estpasunvillageisraélien,cen’estpascommesitufaisaisunexercicedansunkibboutzouquelquechosecommeça.Ilyaunevraiemenace.Etlesrenseignementssaventqu’ilyapleindechasseurslà-bas–ilschassentbeaucouplesanglierdanslarégion.Ilyadeschancesquetuvoiesquelqu’und’arméaumilieudelanuit.Qu’est-cequetuvasfaire?Rien.Ilsn’avaientpasd’ordres.Etpuislessoldatstrouvaientquelamanièredegérerl’exerciceétaitassezbizarre.Tuentresdansunvillageaumilieudelanuit,oùiln’yapas...etàlafin,tuutilisesdesballesàblanc,desgrenadesincapacitantesetdesexplosifs.C’estunvillagedontleshabitantsnereprésentaientaucunemenace,niavantniaprès–maispeut-êtrequ’après,ilsenreprésenterontune–etengrostuperturbesleurnuit.Lesenfantsfontpipiaulit,lesmèreshurlent,leschosesquiarriventquandtuentresdans...

Unavocataparléàlaradio,puismonsous-commandantdebrigade,lesous-commandantdecettemêmebrigade.Etlegarsparle,ilditàquelpointc’estimportantaprèsleLibandes’entraînerettout,etquetoutvabien.

Puisilconclutavecunephrasequim’astupéfié.Iladit:«J'étaisledernieràquitterlevillagelematin,etleshabitants,pleinsdesouriresetdecompréhension,m’ontbénietm’ontditd’allerenpaix.»Cequiest,au-delàdel’ignoranceetdel’arroganceaveclesquellesilsepermetdeparler...voussavez,s’excuser,direquel’avocatgénéraldel'arméemènesonenquête,donneruneréponsemilitairepeut-être...maisj’aimeraisjustequ’unexercicecommecelui-làaitlieudanslekibboutzoùhabitelesous-commandantdebrigade.Qu’àquatreheuresdumatin,ilsentrentavecdesgrenadesincapacitantesettout,j’aimeraislevoirjeterdurizlematin10quandlessoldatss’envont.Parcequec’estvraimentchutzpah,çadépassetouteslesbornes.Bon,j’imaginais,dansmanaïveté,queceseraitdifférentpournous.C’est-à-direqu’onarriveraitlà,etpuisquel’histoireavaitdéjàfaitdubruitdanslesmédias,qu’unavocatmilitaireetd’autresautoritéslégalesseraientimpliqués,quequelqu’uns’enoccuperait.Bon,j’arriveauservicederéserveledimanche,j’aipointéparcequejedevaisretourneraucentredupayspourunejournéepuisreveniràmonservicederéserve.Quandje

suisrevenuàlaréserve,onétaitdéjàmardi,etj’aicomprisqu’ilsétaientaucombledespréparatifspourcetexercice.Onneparlaitpasvraimentdulieuettout...Bref,ilsétaientaucombledespréparatifspourl’exercice.Bon,l’histoiredetoutcequej’avaisentendumetournaitencoredanslatêteetjevoulaisvoirs’ilyauraitunedifférence.Puisjesuisarrivéà

l’avant-dernierbriefing–nonqu’ilyenaiteubeaucoup–,maisjesuisarrivéàl’avant-dernierbriefingdusous-commandantdecompagnie,unbriefingdesécurité,ilacommencépar:«Lesgars,jem’enfous.Vouspouvezallervoirlesmédias,leurracontercequevousvoulez,maisleplusimportantpourmoic’estquevousfassiezci,cietça...»Alorsjemesuisditques’illeprenaitsurceton,s’ilparlaitcommeça,alorsrienn’allaitchanger.Eteffectivement,ils’estpasséexactementcequelessoldatsdel’exercicedebataillonprécédentavaientdit–pareilavecnous.Onamarchétoutelanuit,onafaitdesembuscadesetdesinvasionsicietlà,toutcequetufaispendantcegenred’exercice.Auxpremièresheuresdumatin,ons’estretrouvésàal-Hayad,prêtsàcommencerl’incursiondanslevillageproprementdit.Encoreunefois,jenemerappellepasavoirreçud’ordresclairsconcernantl’ouverturedufeu.

Peut-êtrequ’iladitquelquechose,maissijenem’ensouvienspasmaintenantalorsquec’étaitilyaseulementunmois,apparemmentc’étaitsuffisammentvaguepourquejenecomprennepasexactementlaprocédure.Mêmes’ill’adit,jenepensepasqu’aprèsunenuitcommecelle-làj’auraisétécapabledefaireladifférenceentreunsoldatetunPalestinien,jenesaispasquelgenredePalestiniensoud’Arabesisraélienssortentavecleurarmepourchasserlesanglierprèsduvillage,beaucoupd’incidentspouvaientseproduiredanscettesituation...Onafaitcequ’ilsavaientprévu.Onestentrésdanslevillageetonaprisdesmaisons,sansentreràl’intérieur.

Maisvousêtesentrésdanslescours.Tu

entres...onestentrésdansunezoneprèsduwadi11.C’estunvillagearabe,c’estdifférent...Ladéfinitiond’unecour,decequiestàvousetdecequiestàmoi,c’estdifférent.Mais,entoutcas,onatraversédesmaisons,àl’intérieurdescours,onn’estpasjusterestéssurlesroutes.

Bon,c’estjustecequej’aivu,jenesuispastoutlebataillon.Jenesaispascequ’afaitlerestedubataillon...Parcontre,etc’estpeut-êtreleseulchangementquiaeulieu,jesaisqu’aprèsnousavoirditqu’àpartirdemaintenantondevait

quiaeulieu,jesaisqu’aprèsnousavoirditqu’àpartirdemaintenantondevaitentrerdanslesmaisonsetlesoccuperenutilisantdestechniquesdecombaturbain,ensuiteilsnousontditdenepaslefaire.Jenesaispassiçavoulaitdirequel’unitéavantnousl’avaitfaitpendantl’exerciceetquenousneleferionspas,ousienprincipec’estcequetufaispendantuneguerrequandtuentreschezquelqu’un,jenesaispas.Ilfaudraitvérifiers’ilssontvraimententrésdanslesmaisons.Parceques’ilsl’ontfait,alorsilsavaientapprisquelquechose.OK,donconaterminél’exerciceaumilieuduvillage.Onacommencéàsedirigerverslesbusquiattendaientàquelqueskilomètres.Écoutez,vousvoyezleshabitantsquisetiennentlà,ilsregardentautourd’eux,ilssourientettout.Évidemment,lesmotsdusous-commandantdebrigademesontrevenus,maiscenesontpasdessouriresetdelacompréhension.Cesontdessouriresetlacompréhensionquec’estlaquatrièmeoucinquièmefoisquecetexercicealieudansleurvillagesansquepersonnenes’organiseaveceuxàl’avance.Jenesaispass’ilslesontinforméslaveilleausoirounon.Entoutcas,voilàpourcetexercice.

J’étaisstupéfaitquepersonnedansl’unitéderéserve...qu’iln’yaitpas...

voussavez,quandtuesconscritpersonnen’élèvelavoix,maisdansl’unitéderéserveiln’yaeuaucunevoixd’oppositionpourdemander...

Personnen’ariendit?Écoutez,

toutlemondeétaitlà,jeneconnaispersonnequin’aitpasparticipéàl’exercice.Jen’aientendupersonneseleverpendantlebriefingetdire:«

Écoutez,cen’estpasjuste,cen’estpasbien,cen’estpas...»Non.Rien.

103.IlsclassentlaplainteetpassentàautrechoseUNITÉ:ADMINISTRATIONCIVILELIEU:GÉNÉRALANNÉE:2001

Confisquer des cartes d’identité est interdit, ce n’est pas censé arriver. Laplupartdescheckpointslefonttoutletemps,jecrois.Attraperquelqu’unsurlarouteet luiprendresespapiersnedevrait jamaisarriver.C’est illégal, selon leconseillerjuridique.C’estdifficileàdire,çaarrivaitbeaucoup,jecrois.

Qu’est-cequeçasignifiesiunPalestinienn’apasdecarted’identité?C’est commesivousn’aviezplusdecarted’identité,mais en soixante-dix

foispire.Parcequevous,quandavez-vousbesoind'unecarted’identité?Pourouvriruncompteenbanque,plusoumoinsseulementça.Ilsontbesoindeleurcarted’identitépourtout.Pourobteniruneautorisation,illeurfautleurspapiers,poursedéplacerd’unmètre,illeurfautleurspapiers.C’estcommeprendreuncontrôletotal.Ilsnepeuventrienyfaire.Sanscompterlesdégâtsfinanciers.

Alorsquefont-ils?Ils rentrent chezeuxpardes cheminsdétournés, s’ilspeuvent.C’est-à-dire

qu’onlesobligeàfaireundétourpourrentrerchezeux.Laplupartd’entreeuxcommencentparappelerl’Autoritépalestinienne,puisl’APsetourneversnous–toutçapasseparleBCD–etsoitilsreviennentchercherleurcarted’identité,soitilsenreçoiventunenouvelle.Auboutd’unmoment,çanepassaitplusparl’AP, ils savaient qu’il fallait aller au bureau de coordination du district pouravoirleurcarted’identité.

Maiscommentpeuvent-ilsarriverauBCD–iln’yapasdescheckpointslelongduchemin?

Exact.C’estlàquelescheminsdétournésentrentenjeu.Onlesforceàfairedeschosestrèsétranges.

Vous lesobligezàcontourner lescheckpoints,parcequ’ilsnepeuventpaslesfranchir.

Oui, exactement. Et Dieu fasse que personne ne les arrête sans carted’identité,oubliezça.Sinon,ilspartentdirectementaucentrededétentiondela

based’Oferouquelquechosecommeça.Auboutd’unmoment,ilsontapprisàvoyageravecunedeuxièmepièced’identité,ilsn’avaientpastroplechoix.Maislessoldatsconfisquaientuntasdecartesd’identité.Untas.

Vousnevousplaignezpasàvossupérieurs?Si.

Etalors?Auboutducompte,lesoldataucheckpointestroi.C’estleroi.Peuimporte

lenombredediscussionsetdebriefings.Onbriefaitlecommandantdebrigade,lecommandantdebataillon, le commandantdecompagnie, le commandantdesectionetlesoldat.Etilestroi.Ilestlà,enpleinechaleurpendanthuitheuresavecsoncasqueetsongiletpare-balles–ilestroi.Etsilapolicedesfrontièresest sur la route, quand il n’y a personne d’autre... il l’est entièrement. C’estcommeça.

Etquedisentlessupérieurs?Les supérieurs disent : «Non, non, non, ça ne va pas. » Et c’est tout. Ils

prennentdesmesuresactives,maisqu’est-cequ’onpeutfaire,enfindecompte,quandunsoldatestlàtoutseul?Soitc’estunêtrehumaindécent,soitnon.Soitça luiestmontéaucerveau,soitnon.Jesuisàpeuprèssûrque tout lemondesavait que c’était illégal et que ça n’allait pas. D’où vient cette manie deconfisquer lesclés?Jenesaispasquia inventéça.Çanemeparaîtpas légalnonplus.

Vousavezaussireçudesplaintesàcesujet?Biensûr.Maisencoreunefois,onreçoituneplainteetc’esttout.Àpartla

classer,qu’est-cequ’onpeutfaire?

Vousn’avezaucunpouvoir,aucuneautorité?Non.C’est-à-direque,mêmesij’enavais,mêmesijefaisaisunbriefing,un

briefingpour toutes lesunitésdu secteur,qu’est-cequeça changerait ?Onnepeut pas éduquer la police des frontières. Je pensequ’ils causaient lamajoritédesproblèmes,maisc’estunedécisionstratégiquedelesimpliquerdirectementavec les Palestiniens. Le gouvernement savait ce qu’il faisait. Parce que lespoliciersdesfrontièressontlesmeilleurspourtabasser.C’esttout.

104.InefficacitéetindifférenceUNITÉ:POLICEMILITAIRELIEU:CHECKPOINTD’EYALANNÉE:2008-2009

Le checkpoint était construit avec plusieurs files – une file juive, une filepalestinienne et une file pour les camions. Les Juifs devaient mettre unautocollantsur leurvoiture,etçacréaitdesdisputes :«Pourquoiest-ceque jedevraismettreunautocollantsurmavoiture?Pourquoidevrais-jeêtrecontrôléàchaquefoisquejesorsdechezmoi?»C’était tenduaveclescolons,aveclesPalestiniens,avectoutlemonde.

LesPalestiniensaussiavaientbesoind’uneautorisationpourcecheckpoint?

Oui...Lesordresétaientcontradictoires,ilschangeaienttouteslessecondes.Ilsjouaientavectoi–oui,puisnon.

Quelsordreschangeaient?Laquantitédeviandequ’onpouvaittransporter,parexemple.Toutcequetu

nepeuxpasinspecter,tunelelaissespaspasser.Quelqu’unquiessaiedepasseravecuncanapé–tunepeuxpasl’inspecter,donctuappelles,puisilpeutpasser.

Vouscontrôliezlaviandeaupoids?Àvue.Turegardeslenombreapproximatifdesacs.Siquelqu’unessayaitde

cacherdelaviande,jelerenvoyais,mêmepourunkilo.Laplaieducheckpoint,c’étaitl’inefficacitéetl’indifférence.

C’étaitlecheckpointtrans-Samarie,lecheckpoint107?Ilyavaitlecheckpoint709,justeàcôtédeTulkarem.Celuidontonparlait

estlecheckpoint109.

Àl’exceptiondutrans-Samarie,touslescheckpointssontlelongdumur?Jenesaispaspourle709parcequejen’yétaispastrèssouvent,etilsl’ont

fermépendantunmoment,alorsjenepeuxpasdire.Ilyavaitlaported’Efraim,unpassagecommele107.Laported’EfraimétaitàTulkarem,le107àQalqilya.Les deux sont des terminaux piétonniers, aux heures de pointe le nombre de

Palestiniens atteignait les trois mille. Le 107 était piétonnier, le 109 pour lesvéhicules. Ils sont tous les deux plus ou moins au même endroit. La ported’Efraim était près du 709, près de Tulkarem. La porte d’Efraim est pour lesvéhicules, le709pour lespiétons.Ilyavaitunautrecheckpointprèsdutrans-Samariepour lesPalestiniens, ilyavaitunecasematedecontrôle là-bas, jeneme rappelle même pas comment elle s’appelait. Il y avait un poste de douzeheureslà-bas,oùontemettaitenbinômeavecquelqu’und’autrepourmenerlesinspections.

Quelétaitlebutdececheckpoint?Commetouslescheckpoints,empêcherl’activitéterroriste.

Maispourquoin’ya-t-ilquedeuxsoldatslà-bas?Oui,seulementdeuxsoldats.Turesteslàpendantdouzeheuresetlessoldats

sontstationnésendehorsduposte,à inspecter lesvéhicules.Onest làavecundétecteurdemétauxetunemachineàrayonsX,oninspectelespiétonsenmêmetemps.Çaduraitdouzeheuresparjour.

Ilyaaussiunmurdeverrelà-bas?Oui.Tuesseuldans lapièce, tu leurparlesparunhaut-parleur, tuentends

des bips, les gens, tu as desmauxde tête horribles.On faisait un tas de trucsstupidespour tromper l’ennui.Onappelait d’autrespostespuison raccrochait,parennui.Ons’insultaitparleshaut-parleurs.Jejuraistoutelajournée,là-bas.

Commentfaites-vouspourcontrôleruntelnombredegens?Tu ne le fais pas. Au milieu, il y a des portes qui se verrouillent, mais

parfois, pour que tout le monde puisse passer, il y avait des moments où lesportessonnaientetquelqu’unpouvaitpassersansavoirétécontrôlé.OnvoyaitqueTsahalne fournissaitpasassezdepersonnelpourmener lamissionet ilyavaitunmanquedecommunicationentrenousetnoscommandants, alorsà lafin les gens dormaient dans la cabine par indifférence, ils laissaient les portesouvertesetlesgenspassaient.

Mêmequandc’estbondé?Oui...etc’estquandtuviensdeteréveiller,c’est-à-direquandtuesleplus

fatigué, qu’il y a le plus de gens. C’était hallucinant comme les heuresd’ouvertureétaientdures.

C’estàcemoment-làquevousvouscomportiezdifféremment?

Oui, des fois tu insultais lesPalestiniensqui essayaient depasser...On lesretenait à l’extérieur. Si quelqu’un criait « Soldat ! » près de la porte, on lesgardaitvingtminutesdeplus.L’indifférencetotale.

Ilyavaitdesmomentsoùlecheckpoint107étaitfermé?Oui,parcequ'onpeutpasserenIsraëldelà.IlétaitfermépendantShabbatet

lesfêtes,lesordresn’étaientpastrèsclairs,parcequeparfoistutombaissurunbarrageoùquelqu’unavecteletteldocumentpouvaitpasser,etquelqu’unavecunautretypenepouvaitpas,puisilschangentlesordresunesecondeplustard.Tu ne sais pas ce qui va se passer le lendemain.Tu attends la onzième heurepourvoircequivasepasser.Desfois, ilsfermentàladernièreseconde,tunesaispasquoidireauxPalestinienssurplace.ToutelacompagnieEyal,àtouslescheckpoints, les instructions sont équivoques, on n’a pas d’informations àl’avance.Tuasl’impressionqu’ilstejettentlàetquetudoiscomprendresurletas. Ça nous agaçait, parce que en tant que soldats on ne savait pas quand seprépareràallerdormir,commentorganiseruntourdegarde,àquois’attendre.

Du côté palestinien, on ne savait pas comment répondre à leurs questions,s’ilspouvaientamener leur frèreou leur fils. Il arrivait souventquequelqu’unvienneettudisunechose,puisaumilieudeladiscussionunautresoldatarriveetditautrechose.Letypes’énerveparcequ’ilestrestécoincéauBCDpourdesconneries.Oubienilsnelaissentpaspasserquelqu’unavecsonfilspourvoirunmédecinparcequ’iln’apasd’autorisation,maiss’ilbaratineunpeu,genreilvavoir samère en Israël, alors ils le laissent passer. Il n'y avait pas de réponsesclaires, le BCD changeait d’avis sans arrêt, ce n’était pas organisé, ils nesavaientpasquipouvaitpasserounon.Lesordresgénérauxétaient trèsclairs,maissurlemomenttunesavaispascequetudevaisfaire.Tunepeuxpasdiren'importequoiàunPalestinienquitecriedessus,tudépendsdesordres.Alorstuappelleslecommandantetildit:«Occupe-toidelui,dis-luijustenon.»Tutedisputes avec lui pendant une heure. Il va auBCD et ils lui disent qu’il peutpasser, tu appelles le BCD et tu t’aperçois qu’il y a plein de situations où lapersonneabandonneetrentrechezelle.

Vous vous êtes déjà retrouvé dans une situation où trois mille personnesattendentàl’entréeetvousditesàtoutlemondederentrerchezsoi?

Oui.

Combiendefoisparmoisest-cequeçaarrive?Çane se compte pas en nombre de fois parmois. Je leur criais de rentrer

chezeuxquandlecheckpointétaitfermé,jel’aifaitmoi-mêmeplusdecinqfois

pendantmonservice.Cen’estpaschaquemois,maisçaarriveplusieursfoisparan. Ensuite, ils essaient de passer par un autre checkpoint, et une autre cohuecommencelà-bas.LazonedeQalqilyaestunvraibazar,pascommeDjénine,oùlesordresétaientclairs.

105.Siquelqu’unélevaitlavoix,onl’attachaitUNITÉ:CORPSBLINDÉLIEU:NAPLOUSEANNÉE:2003

IlyavaitcecheckpointdansNaplousemême,cetteroutequirelieBetFurikà d’autres villages au nord de Naplouse. On leur en faisait baver, là-bas. Onarrêtaittousceuxqu’onvoulaitaucheckpoint,onpoursuivaitlesfuyards.Voilàcequ’onfaisaitlà-bas.

Pardéfinition?Quelqu’unvousadit:«Vouspouvezarrêtertousceuxquevousvoulez»?

C’était un checkpoint. Il fallait inspecter tous ceux qui passaient pours’assurerquepersonnen’étaitrecherché,etc.Jenepensepasquenossupérieursnousaientdonnéd'instructionspourarrêterquiquecesoit.Lecommandantdecompagnieavaitpourordred’arrêtertousceuxquiessayaientdes’enfuirettousceuxdontlapièced’identitédevaitêtrecontrôléeparlapolice.Ontransmettaitlesinformationsàlapolice,ànotresalledecontrôlequilestransféraitàcelledubataillon, puis aux services de sécurité ou à la police. Il leur fallait vingt outrenteminutespour revenir versnous à chaque fois qu’on leur transmettait unnuméro. Avec tous les soucis de communication, la pluie, le soleil et tout lereste, les gens étaient retenus un bon moment. Si entre-temps quelqu’un semontraitimpoli,élevaitlavoixounoustapaitsurlesnerfs,onl’attachait,c’est-à-direavecdesmenottes.

Vouslemenottiezetvousluibandiezlesyeux?On lemenottait.Le bandeau sur les yeux, c’était seulement pour ceux qui

dépassaientvraimentlesbornes.Onlesfaisaitagenouiller,onleslaissaitsécher.

Pendantcombiendetemps?Çapouvaitdurerjusqu’àhuitouneufheures.Jusqu’àcequ’onenaitassez.

Ensuite,quandonchangeaitlagarde,ondisaitàceuxquinousrelevaientdelelaisserlàencoreaumoinsdeuxheures.«Celui-làestvraimentdésagréable.»Ou:«Cetype,laisse-lepartirbientôt,iln’arienfait.»Destrucscommeça.C’estcommeçaqueçamarche,engros.

106.L’undesvétéransadécidédel’humilierUNITÉ:ARTILLERIELIEU:WADIARAANNÉE:2001

L’undestrucsqu’onfaisait,c’étaitd’attraperdesclandestinsprèsdelazoneferméeentreUmmal-Fahmetunautrevillage.Envoyanttouscesclandestinsettout, je me rappelle l’un des vétérans... À chaque fois il y avait ce truc depoursuivre les gensqui s’enfuyaient, je n’ai jamais compris ceque çapouvaitfaire. Ils les attrapaient, les faisaient asseoirprèsdenouset ils leshumiliaientaveccesdiscoursdégradants.Commedireàunadultedesetaire,àdesjeunes,àdesgens...cesontlesgenslesplusgentilsdumondeetlessoldatsleurdisaient:« Ferme ta gueule » et tout, il y avait vraiment des situations incroyables.Çapassait d’essayer d’humilier quelqu'un à être subitement très gentil avec lui.Soudain il lui amène des glaces et des cigarettes quand il revient, des trucscommeça.

Qui,lesoldatamèneceschosesauPalestinien?Non, lePalestinien luiamène les trucs.Etpuisd’unseulcoup tout semble

bienaller,mais...

Lessoldatsprenaientdespots-de-vin,descadeaux?Ils les retenaient sans raison. Tu contrôles leurs papiers, tu dis : « Bonne

journée », n’importe quoi. Disons juste qu’ils n’étaient pas aussi humains etprofessionnelsquepossible.J’aiachetéunguidedeconversationenarabe, j’aiapprisàdire:«Vousnepouvezpaspasserici»etj’aidemandédel’aideàmesparents,ilsparlentarabe.

Attendez, donc les soldats arrêtent des gensmême s’ils ont des papiers ettout?Ilssecontententdelesretenir?

Oui, sans raison. « Assieds-toi, reste là. » Il n’y a pas besoin de ça. Siquelqu'unnepeutpaspasser,ilsuffitdeluidirederepartir.Ets'ilnepeutpas,alors laisse-le passer.Mais il y a eu une dispute où ce vétéran a juste décidéd’humilieruntype.C’étaitjusteaumomentoùonallaitquitterleposte,iladitautypedes’allongerparterre,c’étaitleplus...C’étaituntypedevingt-cinqans,unétudiant,gentil,etcesoldatajustedécidédel'humilier.Ill’afaitallongersur

leventre...

C’étaitunsoldatouuncommandant?Unsoldatvétéran,ilavaitplusdepoidsquelescommandants.Letypeétait

bienhabillé,chemise,jean.Illuiajusteditdes’allongerparterresurleventre.Il luiamislepiedsurlecou,ici,aarmésonfusilet luiacrié:«Pourquoitutraversesici,nepasseplusparici...»Etcietça...etlesoldatacommencéàluidiredefaire toutessortesdechoses,des’allongersur leventre, il luiaditdestrucs comme ça. Je lui ai crié : « Arrête, laisse-le partir, ça suffit. » J’étaischoqué.Lasituationm’avraimentébranlé.Jemesuisditquecesoldatétaitunanimal,pasunêtrehumain.Jepensequec’estunêtrehumainmerdique.Jenepouvaispaslesupporteravanttoutça,maisaprèsçaaétéencorepire.Maisjenel’aipassignalénirien.Personnenem’auraitécouté.

Pourquoin’enavez-vousparléàpersonne?Parce que ce type était copain avec tout lemonde. Je crois quemême les

officiersétaientaucourant.Lecommandantétait làaussi.Lecommandantn’apasvuçacommeunmanquedeprofessionnalisme,apparemment.

Unofficier?Un commandant, un commandant d’équipe, J’ai aussitôt décidé que je ne

voulais rien avoir à faire avec cet endroit de fous, si c'est comme ça qu’ilshumilientdesgensquin’ontrienfaitdemal.Etmêmes’ilsavaientcommisuncrime,onn’apasledroitdeleverlamainsureux,c’estinterdit.J’étaischoqué.Jene saispas si le typeétaitpalestinienoucitoyen israélien. Ilyadebonneschances qu’il ait été citoyen israélien, parce queUmmal-Fahm est un villageisraélien.Ilyaeuuneautresituationaumêmeendroitoùilsontarrêtélavoitured’untypeetsesontmisàluicrierdessus.C’étaittoujourslegroupedevétéransqui faisait cegenredechose.On faisait cequ’onavait à ' faire : contrôler sespapiers.Eux,ilsfaisaientçapouravoirdel’action,oujustepourpasserletemps,pouravoirquelquechoseàraconterchezeux.Pourtuerletemps,j’imagine.Ilsont commencéàdémonter lavoituredumec.À lui crierdessus.Le typeaditqu’il était deB’Tselem et qu’il habitait àUmmal-Fahm. Ils ont quandmêmecontinuéàl’insulter.Ilsnesaventmêmepascequ’estB’Tselem.C’étaientdesimbéciles.Etpuis ça s’est terminé.Cesdeux situations... voilà commentça sepassait.

107.C’estlepouvoirquetuasUNITÉ:ADMINISTRATIONCIVILELIEU:RÉGIONDEJÉRICHOANNÉE:2001

Jepartaispatrouillerdansdifférentssecteurspourvoircommentlessoldats–nossoldats–traitaientlesPalestiniens.Çatedégoûteentantqu’êtrehumain.Tufaispartiedusystème,maissurtout,si tunefaispaspartiedecettebase, tunepeux pas faire grand-chose. Des trucs dégoûtants... Chaque soldat del’administrationcivilesaitcequ’estunabriouvert.IlyaunabriouvertdevantleBCD,lesPalestiniensattendentlà.TouslesPalestiniensquiviennentdemanderuneautorisationattendentlà.Etilyalafenêtre.Ilss’approchentdelafenêtre–unevitrepare-balles–,del’autrecôté,nossoldatssontassis, ils impriment lesautorisations. Ils leur donnent les autorisations. Un Palestinien peut rester àsécher dans cet abri ouvert pendant cinq heures, voire plus, pendant quelquesjours.

Pourquoi?J’aibeaucoupdemalàexpliquerle«pourquoi».Cen’estpasquelesoldat

laissesécherlePalestiniensansraison.IldoitpasseruncontrôleduShinBet–jenemerappelleplus laprocédureexacte.Maisdisons justequesic’étaientdesIsraéliens, ça ne se passerait pas comme ça. J’ai vu de mes yeux des trucsdégoûtants.AuBCD,ilyavaitunstorepourlafenêtre,pourquelesPalestiniensnetevoientpas.Donctupeuxbaisserlestoreetilsattendentdehors,maisquandlestoreserelève,tuvoislessoldatsàl’intérieurquijouentaufoot,toutessortesdeconneries,ilssemoquentdetousceuxquisontdehors,ilsdisent«Viens»,alors il s’approche,puis ilsdisent :«Non,non,assieds-toi.»C’est lepouvoirquetuas.Auboutd’unmoment,çatebousille,situesunêtrehumain.

108.Lecommandantducheckpointsefaisaitappeler«ledocteur»

UNITÉ:BRIGADEGOLANILIEU:RÉGIONDEDJÉNINEANNÉE:2002

Jemerappellequ’onavaituncommandantd’équipedanslacompagniequisefaisaitappeler«ledocteur».Iladoraitregarderlesgensquivenaientavecdesradiographies. Je devais les ouvrir pour voir le nom sur la radio, s’ilcorrespondait à la carte d’identité. Il regardait la radio comme s’il décidait defaireunesorted’inspectionphysique.C’étaituneblague...Unjour,quelqu’unaditqu’ilavaitmalàlatête,alorslecommandantluiatâtélecrânepuisadit:«Non,non,tuvasbien.»Quelquechosecommeça.Çafaisaitvraimentmarrerlessoldats. Je me rappelle que tout le monde trouvait ce commandant d’équipetellementcool.

109.TusapesmonautoritéUNITÉ

:PARACHUTISTES

LIEU

:RÉGIOND’HÉBRON

ANNÉE

:2001

Je

merappellemieuxlessubtilitésducheckpoint,paslescasextrêmesdemauvaistraitement,plutôtcequilesprovoquait.C’estdelàquevientmaconsciencedescheckpoints,j’yréfléchissaisbeaucoup.Ilyaeuunefois–ensuitej’aimêmeutilisél’expressionentantquecommandant–oùunsoldataconfisquéunbonbonKrembo.Jel’aiprisàpartaprès,mêmes’ilnepouvaitplusrendrelebonbon,iln’yavaitpluspersonneàquilerendre,etjeluiaiditqu’ilnedevaitpasfaireça,jenemerappellepasexactementcequej’aidit,maisjeluiaifaitlaremarque.Etsaréponseaété:«Tusapesmonautorité.»Pourmoi,cesmotsreprésententlachosehorriblequefontlescheckpointsàunepersonnenormale–pasàquelqu’unquifrappelesArabes,pourtantilyenaplein.C’estcequelecheckpointfaitàungarsnormal,quelqu’unquin’ariend’extraordinaire.Cegenredegarsn’aaucuneautorité,maisiln’enapasbesoinfaceàunhommedequarante,cinquanteouvingtansquivientpourpasserlecheckpoint.Iln’yaaucunequestiond'autorité.Avoirlesentimentde«Jesuisau-dessusd’eux»n’apasdesens–tuesdéjàau-dessusd’eux.Tuleurdisquandilspeuventpasserounon,s’ilssontindisciplinéstut’énerves,ettuaslepouvoirdet’énerverparcequetuasunearmeetquetupeuxfermerlecheckpoint.Alorstulescontrôles.Etquandd’uncouptudisàquelqu’un:«Nefaispascietça»,tusapessonautorité.Donccetteexpression,«Tusapesmonautorité»,m’estrestéejusqu’audernierjourdemonservice.Pourmoiçadittout,parcequ’ils’agitd’unincidentmineur,cen’estpasunsoldatquifrappequelqu’un,cen’estpasdonneruncoupdepoingàunArabeoulefrapperaveclacrossed’unearme.C’estune

considérationdebase,maistoutlemondecommencecommeça.Jenesaispascombiendesoldatsenarriventàcepoint,maismettonsquec’estl’infanterie,lecorpsblindé,l’artillerie,laDCA12,lecorpsdugénie.Çafaitbeaucoup.Etilyenapleind’autres,cenesontpaslesseuls.Peuimporteàquelpointtut’opposesidéologiquement,çateprend,cettesensationdesuprématie.Quandjesuisaucheckpoint,leplusdurpourmoiestdevoiràquelpointlessoldatss’énervent,cen’estpasjustequ’ilss’énerventsansraison,c’estcommequandunprofs’énerve.«Tunefaispascequejet’aidit?Tuvasvoir.»Putain,jesuislààfairelacirculationcommeundébile,alorsilsontintérêtàécoutercequejedis.Biensûr,laréponselaplusextrêmeest:«Jesuislàavecunearme,alorsfaiscequejetedis.Jedécidequipasseounon.Jedécidequandouvrirlecheckpointounon.»C’estaussiunpeuarbitraire.Pourlesplushautplacés,jenesaispasàquelniveau,maisjesuisconvaincu–etj’aibeaucoupd’amisqueçametencolèrequandjedisça–maisjesuisconvaincuquel’arbitraireestunestratégie.Unestratégiepoursaperleurconfiance,leurstabilité,pourqu’ilsnesachentpascequivasepasserlelendemain.J’ensuispersuadé.Jenepensepasqu’ils’agissedelastupiditédelahiérarchie,jepensequec’estunepolitique,unestratégie.J’ensuisconvaincu.

110.Tuasl'impressionqu’unesecondedeplus,ettulesarrosesdeballes

UNITÉ:ADMINISTRATIONCIVILELIEU:ZONEDEJÉRICHOANNÉE:2001

IlyauncheckpointjusteàcôtéduBCDdeJéricho,lecheckpoint327.Lebataillon sur ce front s’enoccupait, et on envoyait un soldat ouunofficier enrenfort pendant quelques heures pour les aider avec toute cette histoired’autorisationsetcegenredetrucs.Quandj’allaislà-bas,ilsrestaientlàpendant,mettons,huitheuresenmoyenne,plusoumoins,avecuncasqueetungiletpare-balles,danslachaleurétouffantedelavallée,quiestdifficileàdécrireavecdesmots,etilsgéraientdesconneriesnon-stop,toutletemps.S’iln’yavaitpasdesoldatoud’officierdecheznouslà-bas,ilsn’avaientpaslamoindreidéedequelpermis t’autorise à passer et quel autre non. Et tout ce stress avec lesPalestiniens... tant que tu ne le vois pas par toi-même, tu ne peux pas lecomprendre, ça te renddingue. Jecomprendsvraiment les soldatsquipétaientlesplombsaucheckpoint.Çaterenddingue.C’estdifficileàexpliquer.Jérichoestdifficileàcausedelabrigadelà-basetdesgensquiveulentallerenJordanie,ilyajustetropdegensquipassentparlà.Ettunecomprendspasvraimentlesordres. Alors, les gens peuvent passer ? Ils ne peuvent pas ? S’ils ont unpasseport, ilspeuvent?Jenesaispas.Lessoldatsalignent tout lemondeet tudoiscommencerà fouillerdans leurs légumes,à l’intérieurdescamions,parceque la veille ils ont trouvé une roquette dans la région deDjénine. Et tu doisinspecterchaqueambulance...Lafemmeavecsavieillemèretecrieauvisage,ettuleurcriestoutletemps:«Reculez,reculez»,ettudeviensfou.Audébut,tuteprendspourunsoldatnazi,tuasl’impressiond’êtreuneespècedenazi,puisauboutd’unmomenttuoubliescetteidée,parcequependantcombiendetempstupeuxavoirl’impressiond’êtreunnazi?Alors,tusuislemouvement.Etçaterend dingue. Vraiment. Un soldat qui ne devient pas fou, je pense qu’il a unproblème.Ouqu’ils’estentièrementrefermésurlui-même.

Qu’est-cequevousvoulezdirepar:«Audébut,tuteprendspourunsoldatnazi»?

Parcequetuleurcriesdessusdansuneespèced’arabe-hébreu,parcequelessoldatsneparlentpasarabe.On le saitunpeu,alorsonessaiede lesaider.Et

puis tu leur cries, dans cette espèce d’arabe-hébreu : « Reculez ! » Et ils net’écoutent pas. Alors tu commences à lever ton arme, comme si tu allaisvraiment t’en servir, et tout lemonde, les femmes et les enfants semettent àpleurer,ilscrientaussi,etilfaitchaud,ettuasl’impressionqu’unesecondedepluset tu lesarrosesdeballes.Tunecomprendspasceque tufais là.En toutcas,pasmoi.

111.C’estquoicettehistoiredefermerleparking?UNITÉ:ADMINISTRATIONCIVILELIEU:RÉGIONDENAPLOUSEANNÉE:2006

Ilyaunehistoiresurdessoldatsquiontformédesbarrièresdeterresurleparking entre Askar et Ein Bidan à Naplouse. C’est un parking spécialementréservé aux transports publics et aux véhicules privés palestiniens. Il est àquelquechosecommetroiskilomètresdeNaplouse.Selonunrapport,lessoldatsseraient allés sur le parking, ils auraient tiré en l’air et dit auxPalestiniens dequitterlazone.Unefoistousleshabitantspartis,lessoldatsontélevédestasdeterreavecunepelleteusepourbloquerl’accèsauparking.L’arméen’apasprislapeinedevérifierqu’iln’yavaitplusdevoituresaucheckpoint.Lespelleteusessontarrivéesàquatreoucinqheuresdumatin,ellesontconstruitdesbarragesenterre.Leschauffeursdebuspalestinienssontarrivésauparkingversseptouhuitheuresdumatinetilsn’avaientpasmoyendesortir.Ilyavaituntasdevoitureslà-bas, tous ceux qui avaient un petit véhicule ont fait ce que font tous lesPalestiniens,ilsontcontournélabarrière.Maislescamionsetlesbus,ilyavaitenviron trente véhicules sur place, ils ne pouvaient pas sortir. Donc vingtvoitures particulières et trois bus étaient bloqués sur le parking.Au fait, l’unedesjeepsétaitencoredanslazone.

C’étaitunejeepdel’arméeoudubureaudecoordinationdudistrict?Unejeepdel’armée.Onamêmerelevésonnumérodeplaque.

Commentavez-vouseucesdétails?LesPalestiniensontvulesplaquesd’immatriculation.

Vousavezvérifié?Jenepouvaispasvérifier,jem’occupaisdel’enquêtepréliminaire.Ensuite,

il est devenu clair que la pelleteuse avait créé une double barrière et scelléhermétiquement la zone. L’armée prétendait que tous les véhicules avaient pusortir,lesPalestiniensaffirmaientlecontraire.Pourfinir,leshabitantsontpayédes travailleurspourdétruire lesbarrières.Mais lescamionset les troisbusnepouvaient toujours pas passer. Ils ont détruit une partie de la barrière, et lesvoituresparticulièresquiontétéretenuesjusqu’à15heuressontpasséesà18h

37.Lebataillonaprévenuqu’ilsenverraientuneéquipepourouvrirlabarrière.À22h39,ellen’était toujourspasouverte,à22h48ellen’était toujourspasouverte. À 22 h 48, ils ont demandé la permission d’appeler une pelleteuseprivéepalestiniennepourl’ouvrir.

Quil’aamenée?Les Palestiniens, ils nous ont demandé l'autorisation. Les Palestiniens ont

perduunejournéedetravail.À7heures,lelendemainmatin,ilsontcommencéàouvrir les barrières, à 10 heures ils sont passés. Une histoire qui a duré unejournée,depuis8ou9heureslematin.

Quelleétaitlaraisonpourfermerleparking?Ildonnaitaccèsàunvillageouquelquechosecommeça,jenesaispas.

112.OnconfisquaitdesclésetdesvéhiculesUNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:RÉGIONDENAPLOUSEANNÉE:2001

Ilsconfisquaientdesvéhiculeslà-bas,ilsconfisquaientlesclésdesgenss’ilspoussaientdans lafileouarrivaientaumauvaisendroit,alors ilsontdécidédeles«éduquer».

Ilsprenaientlesclésdesgenspuislesleurrendaient,ouilslesmettaientdecôtéetdisaient:«Aurevoir,rentrezchezvous»?

Ouais, commeça. Ils confisquaientun tasde cartesd’identité, degensquin’avaientpasledroitdepasser,ouquelquechosecommeça.Ilsétaientcensésrevenirlesoirpourlesleurdemanderavantqu’ilsfermentlecheckpoint,àhuitheuresdusoir.

Doncilsattendaienttoutelajournée?Ils pouvaient retourner de leur côté, du côté palestinien, tant qu’ils ne

traversaientpaslecheckpoint.

Pourquoiconfisque-t-onlacarted’identitédequelqu’un?Comme punition. Les gens n’avaient pas le droit de passer, mais ils

essayaientquandmême.

113.Fermerdesroutes?C’estpolitiqueUNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:HÉBRONANNÉE:2008

IIyavaitdescouvre-feuxpendantquevousétiezàHébron?Non.

Sijenemetrompepas,laCoursuprêmeadécidépendantvotreservicelà-basquelaroutedeDaviddevaitêtreouverte,non?

La Cour suprême a pris sa décision avant qu’on n’arrive là-bas, et lesPalestiniensavaientledroitdel’emprunter.Plustard,larouteaétéfermée,jenesaispaspourquoi.Elleétaitferméequandj’étaisàHébron.Toutecettehistoiredeperturber laviedesgens, d'ouvrir et fermer les routes, c’est avant toutunequestionpolitique. Iln’ya jamaisunmotifdesécuritéabsolupour le faire.Niune raison légale. Tout ouvrir pour permettre le mouvement, la vie et ledéveloppement, ou tout fermer, c’est un débat entre le gouvernement etl'administration.Jemerappellequ'àRantis,ilyavaituncommandanthautgradéquinousaparléunefois,ildisaitqu’ilétaitabsolumentopposéàlarevitalisationdelatramedevie.Ilauraitpréféréfairen’importequoid’autrequebloquerlesroutes,parexempleentrerdanslesvillages,empêcherlesgensdesortirdechezeux.Cequej’aicommencéàcomprendre,seulementauboutd’unlongmoment,c’est qu’il ne représentait pas nécessairement l’opinionde l’arméeou celle dugouvernement. Il y a des conflits d'intérêts là-dedans.Ça dépend qui prend ladécision,commentilpense.C’étaitcompliquéàHébronparcequ’ilyavaitdeszones...Jemerappellequandilsnous l’ontexpliqué, leHamass’organisait là-bas. Les gens qui ont été tués à Hébron pendant notre service l’ont été pard’autresPalestiniens,dansuneguerredesdans,alorsc’étaitdangereuxd’ouvrirlesroutes–encoreunefois,çadépenddesrégionsetçasupposed’êtrefamilieraveccesproblèmes.C’estplusunequestionpolitiquequemilitaire.Ilstedisentquelarouteestbloquée,doncelleestbloquée.Çaaungrosimpactsurlaviedesgenslà-bas.Ilyaeudesincidentsoùlesgenssontpassésenforceetonadûlesarrêter. Ça a aussi à voir avec une politique de punition,mais on n’avait pasl’autoritépourpunirlesgens,alorsonlesretenaitpendanttroisheures,laduréedéfinie.

Ilsétaientattachés?Onpréféraitnepaslesattacher.Onlesretenait,onrelevaitleuridentité,etil

faut l’autoritépourretenirunepersonneentantque...Jenesaispassi touslessoldatspouvaient,maisentantquecommandantdemission,oui.Ilsutilisaientladétentionpourfairecomprendrequelesroutesétaientvraimentbloquées.Jenepensepasqueçaaitfonctionné.J’essayaisdememontrercorrect.J’expliquaisàlapersonnequ’elleavaitétéretenuepourdesraisonsdesécurité–jen’avaispasbesoinde luidiresielleétaitsoupçonnéepourquelquechoseenparticulier, jelui disais juste quelle était retenue. Je les gardais pendant trois heures. Çacraignait,beaucoupdegensseplaignaient,jenesupportaispasleuramertumeetleurhaine.Ilyavaitaussidesobservateursquivérifiaientqu’onneretenaitlesgensquependanttroisheures.Auboutdetroisheures,jelesrelâchais.

114.Tudonnaisdel’argentàMohammedUNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:DISTRICTDERAMALLAHANNÉE:2001-2002Ilyavaitun type, jecroisqu’il s’appelaitMohammed,quiestdevenuami

avecnous.

Qu’est-cequeçaveutdire?Ilcomprenaitlejeu.Ilcomprenaitquelapersonnequiprendladécisionn’est

pas... Ilacomprisqu’iln’yaaucuneraisond’avoir lesbonnesautorisationsettout, lamanière de faire les choses, c’est avec les soldats sur le terrain.C’estcommeçaqu’ilasympathiséavecnous.Ildemandait:«Hé,vousavezbesoindecigarettes?»Ildistribuaitdugazdanslarégion,alorsilpassaitsontempsàalleretvenir,etsituavaisbesoindequelquechose,alorstudonnaisdel’argentàMohammedetiltel’amenait...ouilneprenaitpasl’argent.

Delanourriture?Desboissons?Àboire,descigarettes,despetitstrucscommeça,biensûr.Etenéchange,il

traversaitplusfacilementqued’autres.

115.Certainsprisonniersn’étaientpasaptesmédicalement

UNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:DJÉNINEANNÉE:2005-2007

Salem est pour les prisonniers qui ont été arrêtés pour des infractions desécurité,ilspurgentleurpeinelà-bas.Lesconditionsétaientpiresqu’àMegiddo,quiestuneénormeprison.Iln’yapasdemédecinàSalem,ilyenaunquivientuneoudeuxfoisparsemaine,etenthéorielesprisonniersdeSalemsontcensésavoirétéexaminésparundocteurquidétermines’ilssontaptesàêtredétenusdansuncomplexesansmédecin.CeuxquisontinaptesvontàMegiddo,engros.

Pourquoi«engros»?J’aiconnutoutessortesdecasoùdesgens,s’ilsavaientvuunmédecin,ne

seraientpasallésàSalem.Parexemple,quelqu’unavecdesproblèmesdecœuravantqu'onluiposeuncathéter,ouquelqu’unavecdudiabète.

Cegenredechosearrivait?AlorsilsallaientàMegiddo?Oui,maisilsétaientàSalem,c’estleproblème.Jemesouviensdecertains

cas, un garçon avec une douleur aux testicules. Il y avait des cris dans lescellules.Oh,etilyaunégoutjustesousSalem,etçapuevraimentenété,çapuevraiment,vraiment,plusquetout.Donconacriéausergentdeservicedevenir,auboutdevingtminutesdecris,etilsontsortiungarçondequatorzeouquinzeansdelacellule,ilyauntraducteursurplace,quelqu’unquiparlearabeetquitraduitpourcommuniquerentrelessurveillantsetlesprisonniers.Ils’estrenducompte que le garçon avaitmal aux couilles... Il y avait un protocolemédicalpour lesdétenus.Leprotocolepourungarsquiavaitmalauxcouillesétaitdel’emmeneràl’hôpital,d’allervoirunmédecin.J’aiinsistépourquelemédecindubataillonvienne.Iladitqu’ilviendraitdansdeuxjoursetqu’entre-tempsjedevaisluidonnerduparacétamol.

Qu’est-cequevousavezrépondu?Que leparacétamolnesoulagepas ladouleuraux testicules,qu’ilabesoin

d’alleràl’hôpital.Iladitquelegarçonnepouvaitpasyalleretqu’ilessaieraitdevenirlelendemain.Unautreincident,ilyavaituntypevraimentgros...

Qu’est-ilarrivéaugarçon?Ilvabien,undocteurestvenuetill’atransféré.

Vous lui avez dit de rester dans sa cellule et vous lui avez donné duparacétamol?

Il n’y avait pas grand-chose à faire. Je lui ai amené du paracétamol poursoulagerladouleur,etpsychologiquementçal’acalmé.Jeluiaiditdem’appelers’ilavaitencoremal.

Ilaencoreeumal?Ilnem’apasappelé.

Vousl’avezrevuensuite?Jenesaispas,jenemerappellepas.Jecroisqueoui.

Ilallaitbien?Encoreunefois,jemesouviensqu’ilnem’apasappelécettenuit-là.J’étais

deservicecommeinfirmier.Jesavaisqu’ildevaitêtreopéréd’unehernieavantsonarrestation,jelesavaisparcequ’ilyavaitdespapierssignéscommequoiunmédecin l’avaitvuavantqu’il entreendétention,maispeut-êtreque l’examenn’étaitpascomplet,parcequecegarçonn’auraitpasdûêtreenprison.Ensuite,je me suis rendu compte que ce n’était pas toujours un médecin qui faisaitl’examen.

Commentvousenêtes-vousrenducompte?Quandilsm’ontdemandéderegarders’ilétaitmédicalementapte,ilsm’ont

ditqu’uninfirmierpouvaitaussifairel’examen.

Vousêtesofficiellementinfirmierdelaprison?Il y avait plusieurs infirmiers dans la prison. J’étais infirmier jusqu’à un

certainmoment,quandjen’aipluspuêtrelà.J’avaisuntasdeconflitsaveclepersonnel,avecl’infirmierdemacompagnieetaveclemédecindubataillonsurcettequestion,alors ilsm’ontditdenepasyretourner.Unautrehomme,plusvieux,afaitunecrisecardiaquedanslaprison.Encoreunefois,quelqu’unquiadesproblèmesdecœuretquidoitêtrecathétérisénedevraitpasêtredansuneprisonsansmédecin.L’ambulancedel’arméeamisquaranteminutesàarriver.Il nous fallait l’ambulance du bataillon. C’était après que j’ai menacé d’enappeler une civile, j’ai dit que jeme fichais des répercussions que ça pouvaitavoir.Ças’estbienterminé.Unesemaineplustard,j’aivusonfilsàlaportede

laprison, ilm’aditque sonpèreavait euunecrisecardiaquemaisqu’il allaitmieux.Ilétaitaussidiabétique,etlesveinesdesesjambesétaientgonflées.

Combiendejoursa-t-ildûattendrepourêtretraité?Jenemerappellepas,c’étaitilyatroisans.Quandjesuisarrivé,iln’yavait

mêmepasdecabinetmédical.

Oùsetrouvaientlesmédicaments?Chezl’infirmierdelacompagnie.

Dansunetroussedevoyage?Engénéral,iln’yavaitpasdemédicamentslà-bas,niaucheckpoint.J’avais

mesaffairesd’infirmierdelacompagnieaubesoin.

Vousemportiezlatrousseavecvous?Jeprenaiscedontj’avaisbesoinengénéral.

Devotreproprechef?Je pense, je ne me rappelle pas exactement. Le truc pour la tension, le

thermomètre,leparacétamol,duCiflox,cegenredechoses.Maisc’estlimitéetpeupratique.ÀSalem,lesgensviventdansdemauvaisesconditionssanitaires.

Undiabétiquea-t-ilsespropresmédicaments?Écoutez, ils parlent arabe, et je ne comprends pas l'arabe. Le traducteur

devaitm’expliquerleschoses,maisilyavaitdesmotsqu’ilnesavaitpasdireenhébreu.Cequiestvraimentterriblelà-bas,cequiétaitduràvoirpourlesautressoldats, c’étaient les conditions, les conditions de vie, parce qu’il y avaitvraimentdessituationsdedanger, legarsavec lacrisecardiaqueest lederniercas pour lequel j’étais là, ensuite je n’ai pas pu y retourner. Je pense quequelqu’unacruquec’étaitunemanièred’attirerl’attention,ilyaaussidesgensqui s’en fichent... le typen’était pasdugenreà jeterdespierres, c’était plutôtquelqu’unqu’ondéfinitcomme«sécuritélégère».

Ça n’a pas l’air d’avoir de rapport avec la sécurité, emprisonner undiabétique.

Ilssont«sécuritélégère»s’ilsn'ontpasmenéd’attentatterroriste.Lesfrèresde terroristes, leur famille, les gens qui jettent des pierres, des membresd'organisationenpossessiondematériauxqui...

Commentsavez-voustoutça?J’ai regardé leursdossiers.Tousceuxquientrentaucentrededétention, il

fautregarderleursituationmédicale,quiestdansledossier.

Commentestorganiséledossier?Nom,renseignements.

Deuxpages?Ledossiercrimineletledossiermédical?Ilyaunephoto, lesrenseignementsofficiels, ladescriptiondel’infraction,

combiendetemps...etsespapiersd’entréeenprison.

Quileremplit?Enprincipe,lemédecinoul’infirmier.

Vousenavezrempli?Oui, j’ai rempli des formulaires : pouls, tension, questions de santé,

médicaments,histoirefamiliale.

Quisigne?Moi.

Qu’est-cequiestécritenbas?Signépar...Lemédecin,jecrois,jenesuispassûr.Ilsdisentqu’uninfirmierpeutsigner.

Quiaditça?Lemédecin,jecrois.

Lemédecinvousadonnél’autorisation?Oui,ilsontdemandéàuninfirmierd’examinerlesdétenusentrants.

Quiademandéça?Jenesaispas.

Ilsvousontdonnéunordre?Quelqu’unm’adit:«Vaexaminercesgens.»

Quatrièmepartie

Applicationdelaloi:undoublerégime

Lestémoignagesdelaquatrièmepartieconcernentl’applicationdelaloietdel'ordre dans les Territoires. Les Palestiniens sont soumis au pouvoirmilitaire,c’est-à-dire au contrôle de l’armée, qui assoit son autorité par la menace, lesactions punitives et les agressions. Des milliers d'ordres, de règles etd’ordonnancessontémispardifférentesinstitutions–leministèredelaDéfense,l’administration civile, le commandement central – ainsi que par descommandantsetdessoldats.Lesinstructionschangentfréquemment,souventdemanièrecontradictoire.Denouvelles règlesapparaissent sanscesse, tandisqued’autresexpirentsanspréavis.Àuncheckpoint,unsoldatal’autoritépour«

exerceràdiscrétionlecommandementsurleterrain»:arrêter,détenirouuserdelaforcecontretousceuxqu’ilperçoitcommeunemenace,pourquelqueraisonquecesoit.Ainsi,lapopulationpalestinienne,considéréecommehostileparlesforcesdesécurité,estelle-mêmesoumiseàuneinfinitédemenacesdelapartdel’Étatd’Israël.

En

plusdesmillionsdePalestiniensquiviventsouslegouvernementmilitaire,descentainesdemilliersdecitoyensisraélienshabitentdanslesTerritoires,essentiellementsouslajuridictiondelaloiisraélienne.Lescolons–quien1967ontcommencéàétablirdescoloniesisraéliennesavecl’aidedugouvernement–sontjugéspardestribunauxisraéliens,lesloisquis’appliquentàeuxsontcellesdeleurpropreÉtat.Cependant,lescolonsnesontpasdesimplescitoyensisraéliensbénéficiantd’uneprotectiondel’arméeetdel’applicationdudroit:enpratique,ilsparticipentaugouvernementmilitairedesPalestiniens.

Il

existeunrapportétroitentreTsahaletlescolons:denombreusesunitéssontpositionnéesàproximitédescolonies,voireàl’intérieur.Lescolonsoffrentsouventdelanourritureetducaféauxsoldats,ilsleurfournissentdesrenseignementshistoriques,géographiquesetpolitiquessurlarégionetlesaccueillentmêmepourlesrepasdefêteetdeShabbat.Plusimportant,lestémoignagesdecettepartiemettentenlumièrelefaitquelescolonsparticipentàdesactionsmilitairessignificatives:ilscommandentdessoldats,lesguidentetinterviennentdansleprocessusdeprisededécisionsopérationnelles.D’autrestémoignagesmontrentque,dansdenombreuxcas,lessoldatsreçoiventetexécutentlesinstructionsdescolonsoudescoordinateursdesécuritédescolonies,particulièrementencequiconcernelesexpulsionsdesPalestiniensdesterresagricolesvoisinesdeleurcolonie.C’estparcetteméthodequelescolonsparviennentàdéposséderlesPalestiniensdeleurterreetàétendreleterritoiredeleurcolonie.

Cette

partieexposeledoublestatutdescolonsdanslesTerritoiresetmontrecequiarrivequandilsenfreignentlaloioucontreviennentàlapolitiquedictéeparleschefsdesforcesdesécurité,généralementpourchasserlesPalestiniensdeleursterres.Desactionsquientempsnormalconstitueraientd’indéniablesviolationsdelaloisetransforment,danslecontextedesTerritoires,ensimplesdifférencesdevueentrelescolonsetlesautoritéslégales,quiserésolventparuncompromis,habituellementauxdépensdesPalestiniensetdeleursdroits.Cesmomentsdecriseetcescompromisrévèlentl’étenduedupartenariatquiunitlesdeuxparties.Lanon-applicationdesloisisraéliennesauxcolonsnereflètepasl’incompétencedesautoritésmaisdénoteplutôtledoublestatutaccordéauxcolons:lesforcesdesécuritéisraélienneslesconsidèrentcommedesalliéscontreunennemicommunetdespartenairesàpartentièrepourlecontrôlemilitairedesPalestiniens,toutenleuraccordantlamêmeprotectionqu’àdescitoyensisraéliens.Ainsi,lescolonspeuventagirdanslesTerritoirescommedesreprésentantsd’Israël,commes’ilsfaisaientpartiedesforcesdesécurité.

L’occupation

sefondesurcedoublerégime:lesdroitscivilsdescolonssontgarantisparlaloiisraélienne,tandisquelesPalestinienssontsoumisauxmenacesetàlaforcemilitaire.LestémoignagesdesoldatsdécriventcommentTsahalsertlesambitionspolitiquesdescolonsdanslesTerritoiresaudétrimentdelapopulationpalestinienne.IlsracontentégalementcommentlescolonsaidentlesforcesdesécuritéisraéliennesàexerceruncontrôlesurlesPalestiniens.Ledoublestatutdontbénéficientlescolonsconstitueunphénomènesymptomatique:lescolonsjouentunrôleessentieldansunsystèmequicontrôlelaviedesPalestiniensetassurel’emprised’IsraëlsurlesTerritoires.

116.Lamission:assurerlasécuritépendantquelescolonssedéchaînaient

UNITÉ:CORPSBLINDÉLIEU:DISTRICTDENAPLOUSEANNÉE:2000

UneopérationàHawwara restegravéedansmamémoire.C’estunvillagearabe,pasexactementcalme,maiscen'estpasDjénine.

Ques’est-ilpassélà-bas?En gros, ce qui s’est passé, c’est que les Juifs ont décidé de partir se

déchaînerdanslarégiondeTapuach.Ilyadescolonieslà-basetuntasd’avant-postes.

Vousn’étiezpasdanslevillage...Onn’étaitpasdanslevillage,maisHawwarasetrouvaitdansnotresecteur.

IlsnousontenvoyésmaîtriserlesévénementsàHawwara.Onnesavaitpasquelétait le problème. On est arrivés. Les colons avaient décidé d’attaquer leshabitantsduvillageetnous...onestcenséslesprotégerets’assurerqu’ilneleurarriverien.

LescolonsétaientàHawwara?Ils sont arrivés pourmanifester et ils ont commencé à jeter des pierres en

direction du village, vers Hawwara, sur la route principale et à créer del’agitation. Il y avait un groupe de gens venus de l’étranger pour soutenir lacolonie juive, ils aiguillonnaient les colons. Je me rappelle que j’étais sur lepoint d’en frapper un... C’était un groupe de Juifs extrémistes français, ilsprenaientdesphotosdecequisepassaitlà-bas...

QuefaisaientlesArabes?Rien.Ilsavaientpeur.

Lescolonsétaientarmés?Ils avaient des armes et ils jetaient des pierres. Des enfants jetaient des

pierressurdesadultes.

Ilyavaitdesfemmes?Il y avait aussi des femmes [palestiniennes],mais pas beaucoup.Mais il y

avait des femmes parmi les colons.Donc on se tenait là, Tsahal, et le groupefrançaisnousdérangeait.

Qu’avez-vousessayédefaire?Arrêterlesjetsdepierresoujusteprotégerlescolons?

Protéger les colonset faireen sortequ’ilne leurarrive rienpendantqu’ilsjettentdespierres,pendantqu'ilssedéchaînent...

C’étaitunordreofficiel?Qu’est-ce qu’on y peut? La sécurité avant tout. La sécurité. Protéger les

colons.Tuarriveslà,ilssontunis,ilsjettentdespierres.Tulessoutiens,tulescouvres.Bon,d’uncôté,lesgensduvillageserassemblentsurlestoitsettuesmortdepeurparcequetuteretrouvesexposévis-à-visdesPalestiniens,etd’unautrecôtétunesaispasquoifaireparcequetuprotègeslescolonsquiontdécidédecommencertoutecettehistoire.C’enestarrivéaupointoùonavaitenviedetoutarrêter.Onnevoulaitpaslaisserlescolonsentrerdanslevillage.

Cen’étaitpaslapremièrechosequevousvouliezfaire?Non,onattendaitlapolice.

C’est-à-direquevousn’avezpasdéplacélescolonspendantcetemps?Non,maisàunmoment,jecroisqu’unofficieraessayédelesempêcherde

jeterdespierrespourqu’ilss’enaillentdelà.C’enestarrivéaupointoùilaeupeur.On essayait de les empêcher de harceler lesPalestiniens,mais ondevaitaussi lesprotéger et nousprotégernous-mêmes...C’était fou, absurde.Et eux,les colons, ils s’en fichaient. Ils se fichaient des soldats, et certainement desPalestiniens.

Etquandvousessayezdelesfairearrêter...Onlesfrappe.

Vousfrappezlescolons?Oui.Alorslesétrangersarrivent,lesFrançais,ilscommencentàprendredes

photoset tucommencesàfrapper lesgens. Ilss’allongentsous ta jeepet tuasenviedelesfrapperaussi.Ilsviennentavecleurscaméras,tuattrapesungarçondedix-huitans, tu lepoussesdans lavoiture,etuneimbécileavecunecaméravienttefilmer.Etpendantcetemps,lescolonscontinuentàsedéchaîner.Tuas

enviedelesgifleretdelesexpulseraussi,lescolons–unparun,ilsjettentdespierres!Ilsjettentdespierresetpeut-être...Ilscommencentàtirer,ilstirent!Ilsjettentdespierresverslesmaisonsetlesgens...

Ilyaeudesblessés?Pastropgraves.Cen’estpasqu’onn’estpasalléslessoigner,çafaisaittrois

heures...

Quiaétéblessé?LescolonsoulesArabes?Non,non,non...lesArabes.

Quelqu’una-t-ilététouchéàlatête?Vousrigolez?Jepensequeplusdedixpersonnesontététouchéesàlatête.

Ilssaignaient?Ilssemettaientàsaigneretilss’enfuyaient.Quelqu’unsetenaitàlafenêtre

desamaison...Aufait,':4esmêmescolons,ilyaeuunjouroùilsonttirésurlesréservoirsd’eau.Ilsonttirésurlesciternesd’eauàHawwara.

Commentças’estterminé?Ças’estterminéqu’onlesajetésdehors.

Vouslesavezjetésdehors?Oui.

Vouslesavezemmenésphysiquement?Non,envoiture.Ilssontarrivésdansleursvoitures,ilssontdescendusetont

commencéà jeterdespierres.C’étaitdifficilede lesarrêter àcausedudangerpotentielpourlessoldats.Pendantlapremièreheureetquelques,tulesprotèges,tuleslaissesjeterdespierres...

Vousleslaissezjeterdespierrespendantuneheureetpersonneneditrien?Vousnecomprenezpascequis’estpassé.Onétaitenpatrouillemotorisée

quandonestarrivés.Onnesavaitpascequisepassait.Ensuite,onacomprisqu’ilfallaitéviterquedesincidentscommecelui-làseproduisent.

Etlescolonscontinuaientàjeterdespierres?Oui.Ilsétaientnombreux,ilsfaisaientcequ’ilsvoulaient.Ilsavaienthuitou

neufvéhiculesaveceux,quelquechosecommeça,ilsbloquaientlacirculation.

Tutebatsaveceuxetlegroupefrançaisestarrivé...

Etlapopulationlocale?Lesgensn’essaientpasdeblesserlessoldats?Absolumentpas!Ilspassentlatêteparlafenêtre,ilsreçoiventunepierreet

ilsrentrentà l’intérieur.Réfléchissez, ilssontsouslechoc.Cesgensvivent là.Ilspassentlatêteparlafenêtre,ilsreçoiventunepierre.Ilsmarchentdanslarue,ils reçoivent des pierres.À cemoment-là, leur vie et leur quotidien étaient endanger.

Alors,quiadit:«Arrêtonslescolons...»?Notre commandant de bataillon a décidé que ça suffisait. Que c’était trop

dangereux s’ils résistaient et qu’un groupe terroriste arrivait. Les choses ontchangé assez rapidement. On a mis les colons dans leurs véhicules, on s’estdébarrassésdecesFrançaisetonacommencéàéteindre le feu.Onne l’apasfaitpourdesraisonshumanitaires.Onn’apasarrêtélescolonsparcequeTsahalest soudain devenue humaine, c’était juste pour éviter de graves problèmes,qu’ungroupeterroristedébarqueouautre–onpensaitauxsoldats,pasauxgens.

117.Onatiréenl’airpourchasserlesagriculteursUNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:COLLINESD’HÉBRONSUDANNÉE:2004

Tous les habitants sont obligés de sortir pour la patrouille de nuit avec lecommandantdudétachementpourassurerlasécuritédeleurcolonie.Ilyavaitungarsque lesgenspayaientpourpatrouillerà leurplace.Doncnormalementc’étaient une, deux, trois personnes qui le faisaient. Là-bas, c’était la mêmehistoire.Lecoordinateurdesécuritédéfinissaitleslimitesexactesdelacolonie.Ilyavaitunendroit,enborduredelacolonie,oùilmedisait:«Là,tuvoiscetendroit,cetteligne,c’est leterritoiredelacolonie,etcettezonelà-bas»–ilyavaitaussiceschampsouverts,iln’yavaitpasdeclôtureautourdelacolonie–,«elleestinterdite».C'estunezoneouverte,ilyaunchamp,maislescolonsontdit:«Ilsnepeuventpasallerlà,ilsnepeuventpasentrerdanscettezone.Desfois ilsviennentavecdestracteurspourtravailler la terre,mais ilsn’ontpas ledroit,cen’estpasleurterre.»OK,jecomprends.Unjour,ilvientmevoiretdit: «Viens par-là, ils viennent travailler la terre. »Bon, je ne suis qu’un jeunecommandant d’équipe, j’arrive sur place et il fait : « Là, viens tirer quelquescoups en l’air pour leur faire peur. » Le coordinateur de sécurité a une arme,maisilnel’utilisepasparcequec’estmoilesoldat,etqu’iln’apasledroitdes’enservir.OK,doncjetirequelquescoupsenl’air.Lesagriculteursontlevélatête, mais ça ne les a pas arrêtés, ils étaient juste à l’entrée des terres de lacolonie. Par hasard, un groupe de réservistes patrouillait, il passait par là aumêmemoment.Quand les réservistes sont arrivés... ils sont déjàhabitués à cegenredechoses,ilsn’ontpaspeur...ilsontdit:«Cesgars-làvonttecauserdesproblèmes.»OK,doncilvient,ilprendsonarmeetiltireàcôtéd’eux.

Qui?Le réservisteavisé lesagriculteurs, s’estdécalédequelquesmètrespuisa

tiré,pourleurmontrerqu’onétaitsérieux.Ilatiré,puisiladit:«Venezici.»Ils ont commencé à se diriger vers eux, les réservistes sont allés vers eux, lesPalestiniens.Les réservistes sont arrivés et ont pris lesPalestiniens, ils les ontamenéslàoùjemetenaisaveclecoordinateurdelasécurité.Jedis:«Vousnepouvezpas être ici, vousnepouvezpas... »Le réserviste aprisun type et l’agiflé, lui a donnéun coupdepied. J’étais choqué, je ne savais pas quoi faire,

quoidire.J’avaislesentiment,voussavez,quecen’étaitpasjuste.Leréservistefait : « C'est la seule façon pour qu’ils apprennent, c’est la seule façon pourqu’ilsnedépassentpasleslimiteslaprochainefois.»Ettutedisquec’estpeut-être la seulemanière pour qu’ils apprennent. C’est tout. Puis il l’a relâché endisant : « Ne reviens pas ici. » Ils sont repartis et se sont éloignés sur leurtracteur.VoilàcequisepassaitàBetHaggai.

Vousnevousêtespasditquec’étaitpeut-êtreleurterre?Honnêtement,jen’aipaspenséàça.Jen’aipasmisendoutelecoordinateur

desécuritéquandilm’aditquec’étaitsaterre.

D’oùvenaitleréserviste?Jenesaispas,ilvenaitd’unecompagniederéservistesquisetrouvaitlà.

ÀBetHaggai?Non,ilsétaientjustedanslesecteur,enpatrouille.Ilssontarrivésenjeep.

Lecoordinateurdesécuritédelacolonielesaappelés?Jenesaispaspourquoilesréservistessontvenus,ça,jen’ensaisrien.Peut-

êtrequ’ilspassaientjusteparhasard,oupeut-êtrequelecoordinateurdesécuritéles a appelés. Les réservistes sont arrivés, le coordinateur de sécurité leur araconté l’histoire,puis les réservistesontpris leschosesenmainetont faitcequ’ilsontfait.

Unofficier?Non.

QuellesétaientlesconsignespourouvrirlefeuàBetHaggai?Normal.Tudis«stop,stop»siquelqu’uns’approchetropettout.

LesPalestinienssesontapprochés?Lesdeuxsurletracteur?Non.

Maisvousavezouvertlefeu.J’aitiréenl’air.

Maiscen’étaitpasunordre.Qu’est-ce que je peux y faire ? Écoutez, ensuite je suis retourné à la

compagnieetj’airacontéàtoutlemonde:«Hé,ils’estpasséuntrucfoulà-bas.

»Çaparaissaitlogiqueàl’époque,c’estl’armée.

Çavousaffecte,c’estsûr.Jesaisquejen’auraisfrappépersonne.

Lecoordinateurdesécuritén’apastiré?Non.

Ilvousahriefésauposte?Il a fait le briefingune fois, quandon est arrivés. Il a briefé les soldats et

moi.D’abordmoi,puislessoldats.

Etlecommandantdesection?Iln’étaitpaslà,ilétaitdansuneautrecolonie.

Lecoordinateurdesécuritédelacolonieétaitl’autoritéderéférencepourlecommandantdesection?

Non,c’étaitmoilecommandantdelazone.

Maisquivouscommandait?Personne,j’étaislecommandantdelazone.Quandtuparsenpatrouille,par

exemple,ilyauncommandantsurleterrain.Quiétaitmoncommandant?XXXétaitresponsabledemoi,maisiln’étaitpasavecmoiàlacolonie.

Maisilestresponsabledetouteslescolonies.Oui,ilestresponsabledetouteslescolonies.

Iln’estjamaisvenuvoircequevousfaisiez?Non,ilétaitdansuneautrecolonie.Oupeut-êtrequesi,jenesaispas.

Quivousdonnaitlesordres,lecoordinateurdesécurité?Le coordinateur de sécurité de la colonie ne s’implique pas trop dans les

tours de garde et tout. Il ne vient pas me voir tous les jours pour dire : «Aujourd’hui,tuvasfairecietça,vanettoyertonarme.»Ilestjustelàs’ilyaune urgence ou quelque chose comme ça. Ce n’est pas comme s’il mesupervisait.S’ilmeditquelquechoseetquejenelefaispas,cen’estpascommesijerefusaisunordre.

Maisvousfaitesdeschoses.

Jefaisdeschosesparcequ’ilestlàetqu’ilconnaîtl’endroit.Jenesuisqu’uncommandantd’équipe,jesuislàunesemaineendétachementàlasécuritédelacolonie, je ne sais pas ce qui se passe autour demoi ni rien. Donc c’est uneautoritéetjel’écoute.

C’estlogiquequ’ilaitmisenplacecettedivisiondutravail.Ouais, peut-être. Peut-être qu’il l’amise en place, je n’ai aucunmoyende

vérifier.

LesPalestiniensreprésentaient-ilsunemenace?Non,ilsnereprésentaientaucunemenace.Jen’avaispasl’impressionqu’ils

en représentaient une. Vous savez, c’est la zone de la colonie, donc ils nedoivent pas y aller. Dans les Territoires, chaque Palestinien est un terroristepotentiel.Ilyaunesortedefrontièrequicommenceàlacolonie...jenesaispassielleest légaleounon,nicommentelleestdéfinie...mais ilyaunesortedefrontière.S’ilsont ledroit de sepromener librement autourde la colonie, elledevient bien plus difficile à protéger alors ils doivent rester à une certainedistance.

118.Lecoordinateurdesécuritédelacolonienousaditcequiétaitautoriséetcequinel’étaitpas

UNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:COLLINESD’HÉBRONSUDANNÉE:2002

J’aiassurélasécuritédescoloniespendantmesclassesàAvigailFarm.Aufond,c’esttrèssympa.D’uncoup,tun’asplusdecommandantpourtetapersurla tête, tuvis avec six autresgars, ça ressemblevraiment àune ferme ici, unecommunauté. Il y a une jolie vue. Je me disputais avec les colons, je parlaistoujoursaveceux.

Dequoi?Descoloniesettout,etdequeldroitils...Jeleurdisais:«Aufond,vousêtes

descriminels,vousenfreignezlaloi,votreprésenceiciestillégale.»Ilsdisaient:«Onétirelaloi,elleseplieraàcequ’onfait.Onl’étire.»

Quiaditça?Undesgarslà-bas,àAvigailFarm.Lecoordinateurdesécurité.

Qu’est-cequeçaveutdire,«onétirelaloi»?Comment est-ce qu’ilme l’a expliqué ? Il y a le rôle du conseil régional.

C’estungrouped’idéalistes.Lescolonsviennentvoirlechefduconseil–jeneme rappelle pas comment s’appelle le conseil, Mont Hébron, je crois, ouCollinesd’Hébron sud– et ils disent : «Onveut fonderune colonie, donnez-nous un endroit pour le faire. » Ils sont venus chercher un endroit avec leministèredelaDéfense.Attendez...lescolonsm’ontparléd’unendroit,maisilsn’avaientpasencorereçulespermisdeconstruireduministèredelaDéfense.Ilsont commencé à construire, les autorisations viendront plus tard. Voilà, ilscommencentàconstruireetvoilà.Peut-êtrequemaintenantilsontl’autorisationd’êtrelà-bas,maisàl’époque,l’emplacementdelacolonien’étaitpasapprouvéparleministèredelaDéfense.Cecolonaappeléça«étirerlaloi».«Nouslesmettons devant le fait accompli sur le terrain et ils accepteront ce que nousfaisons.»Biensûr,ilyabeaucoupd’accordstacites,beaucoupdecorruption,onpourraitappelerçaleministèredesColoniesetdelaDéfense.

QuandvousétiezàAvigailFarm,quelgenredestructuresyavait-il?Il y avait un château d’eau, deux caravanes, une maison qu’ils avaient

construiteetunbusabandonnéoùvivaitunefille.

Unefille?Oui, une femme avec cinq ou six garçons.Àpart ça, c’était un groupe de

genstrèssympas,voussavez,vraimentsuper.Ilsn’avaientpasl’airdugenredepersonnesquivontdéracinerdesoliviers,frapperetpoursuivredesPalestiniens.Ilsvoulaient juste fonderunecolonie, ilsse fichaientdesconséquencesqueçapouvaitavoir.Ilsn’étaientpasdirectementagressifs.Jemerappellejustequelecoordinateurdesécuritéestvenumevoiretm’adit:«Ici,c’estnotreterritoire,et là ilspeuvent travailler.»Quandilbriefait lessoldats, ildisait :«Onadesarbres ici, et des fois le vendredi toutes sortes d’organisations viennent, desorganisationsquitravaillentaveclesPalestiniens,ilsviennentrécolterlesolivespourmontrerquec’estàeux.»Sijenemetrompepas,cevendredi-là,desgenssontvenusetonlesachassésendisant:«Partez,partez.»

Voussaviezàquiappartenaientlesoliviers?Jenesavaispas,jemefiaisaucoordinateur.

Ilyavaitunofficieravecvous?Oui,ilyavaitunofficiersurplace.

Quedisait-il?Quandjesuisarrivé,j’aireçumonbriefingducoordinateurdesécuritédela

colonie.C’étaitmoilecommandantdelazone,etlecoordinateurdelacolonieétaitl’autoritéderéférencesurcequiétaitautoriséoupas.

Ilvousdonnaitdesordres?Il...voussavez,cen’estpasexactementdonnerdesordres.Ildéfinissaitles

choses.Ildisait:«C’estnotreterritoire.»Aufond,jen’aijamaisvuoùtoutçaétaitécritnicequ’ilyavaitd’écrit.Pourmoi,cequ’ildisaitétaitvrai.

Entantquecommandant,commentbriefiez-vousvossoldats?Lebriefing :«Nous sommes là aucasoù la colonie serait infiltrée.On la

surveilleencasd’invasion.Onestunedéfense.»

Ilyavaitdesordressurlarécolted’olives?Non,justeengénéraldechasserlesgens.

Commentréagissaient-ils?Aprèsqu’on lesavaitexpulsés?Jenemerappellepasexactement,mais il

n’yavaitpastropdefrictions.Aucune,vraiment.

Combiendepersonnesvenaient?Pas trop. On pouvait les compter sur nos doigts. Une dizaine, peut-être

moins.Pasbeaucoup.

Vousleurdisiezjuste:«Vousnepouvezpasresterici,dégagez»?Oui.Jenemerappelleaucunedispute.

Àquelledistanceétaitlechampdelacolonie?Pas loin.Centmètres,vraimentpas loin.Cen’étaitpasungrandchamp, il

étaitpetit.Aufond,onétaitlàpourempêcherlesinfiltrations.Onfaisaitaussiuntas d’autres trucs : on se promenait dans les collines pour marquer notreprésence,onvisait toutessortesdeciblesdans la forêt, legenredechosesquefontlessoldats.

119.Engros,c’estunciviletilditàl’arméecequ’estlaloi

UNITÉ:FORCESSPÉCIALESMAGLANLIEU:COLLINESD’HÉBRONSUDANNÉE:2002

J’ai participé à un détachement de sécurité à Eshkolot et dans une autrecolonie à proximité, je ne me souviens pas de son nom. Mais quand on estarrivés là, il y avait un village à un ou deux kilomètres de la colonie. Ilstravaillent leur terre dans la région, à cinq cents mètres dans la vallée encontrebas. La colonie se trouve au sommet de la colline, et les Palestinienstravaillentlaterredanslavalléeendessous.Cequejemerappelle–c’estunpeuflou–,c’estqu’unefois ilsétaient làentraindetravailler.D’unseulcoup, lescolonssortent...c’estau-delàdeslimitesdelacolonie,maisc’estexactementlàqu’était l’extensiondelacolonie...donconacouruvers l’extension, làoùelleétaitenconstruction.Lescolonsleurontcriédessus...ilsn’ontpastirénirien,maisilslesontchassés.Jenesaispass’ilssontpartis.

Quilesaexpulsés?Lecoordinateurdesécuritédelacolonieestarrivé,nousaappelés,ilnousa

déployés,unautresoldatetmoi.Iladit:«Ilsfranchissentlalimite,ilsviennentenreconnaissance,ils...»Qu’est-cequej’ensais?Bref,illeuracriédessus,jenesaispass’ilssontpartis.Maisjemerappellequ’ilestalléleurcrierdessus:«Dégagez, dégagez d’ici ! » Plus tard, je pars en patrouille avec lui dans levéhiculeetilvoitunepetitefillequijoueprèsdel’entréedelacolonie.Elleétaitsurlarouted’accèsàlacolonie,maistoujoursàl’extérieurdelaclôture–çanefaisaitclairementpaspartiedelacolonie.Ilvoitcettefilleetjel’entendsquiluicriequelquechoseenarabedanslemégaphone,quelquechosecomme«Rasak».Jen’aipascompris.Jelui.demande:«Qu’est-cequevousavezcriéàlafille?»Ilrépond:«Situreviensparici,jetecasselatête.»Quelquechosecommeça. Là-bas, la situation, c’est en gros que le coordinateur de sécurité est toncommandant.C’est lui qui te dit ce qui est autorisé oupas, où ils ont le droitd’aller,oùilsn’ontpasledroit...Iltedonnel’autorisationdetirerenl’air,alorsqu’en principe je suis le plus haut commandantmilitaire – c’est-à-dire le plushautgradé–surleterrain.Ilpeutdireauxsoldatsdetirer,àdiscrétion.Maisenprincipe,ilfixelesrègles.Cen’estpasuneautoritémilitaire,uncommandantde

compagnieouunofficierrégional,c’estlecoordinateurdesécuritédelacoloniequidécidecequiestautoriséounon.C’estassezridiculequandonyréfléchit,quanduncivilditàl’arméequellessontseslimitesetcequ’estlaloi.

120.UnservicedetransportpourlescolonsUNITÉ:BATAILLONLAVILIEU:NEGOHOTANNÉE:2003-2004

Vous avez dit quelque chose à propos de la route Adorayyim-Negohot,qu’elleétaittristementcélèbre...

Oui,aumoinsj’avais...elleestcélèbred’unpointdevuesécuritaire.Cequis’estpassélà-bas,c’estlaseuleroutequireliel’ouestdeShakefetNegohotversOtniel avecHébron et la partie est. Tous les jours, on utilisait deux véhiculespour escorter les colons de Negohot, on escortait les gens qui partaienttravailler... Il y avait un arrangement avec l'armée pour quelle les escortependantqu’ilsvoyageaientsurcetteroute.Chaquevoyagedevaitêtreapprouvéd’en haut. Cette histoire d’approbation d'en haut était terrible. D’un côté, tuassureslasécurité,maisd’unautrecôté,tunesaispassiçasefaitdanslecadredelasécuritéoudanslecadrede...Jeveuxdire,là-bas,lescolonsdéterminaientplusoumoinsceque faisait l’armée.Les seules foisoù ils fermaient la route,c’étaitquandilyavaitunincidentouqu’ilssoupçonnaientqu’ilallaitsepasserquelquechose.Lerésultat,c'estqu’unebonnepartiedutempsqu’onpassaitdanscetterégion,aumoinsdeuxfoisparjour,onagissaitcommeunesortedeservicede transport pour les colons. Bon, on emmenait aussi les enfants à l’école lematin, alors ce n’était pas sans raison,mais il y avait des fois où tu ramenaisjustequelqu’undutravail,ettuavaisunpeul’impressiond’êtreuntaxi.

121.Lescolonsvisitentlacasbah,éloignezlesPalestiniens

UNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:HÉBRONANNÉE:2008

Vousavezditquevousparliezentrevous...dequoiparliez-vous?Àcausedenosorigines,onn’étaitpaslegenredegarsàcouvrirleschoses.

Éthiquementetpolitiquement,c’étaitdurd’êtrelàpournous.C’étaitdurd’êtreaveclescolons.Onétaitdanslecentre,lecentredelacasbahetlecentredelacolonie,etuntasdesproblèmesqu’onaeusétaientaveclescolons.Laplupartdes violences ne venaient pas des Palestiniens, parce qu’ils n’avaient pas lamoindre chance... ils ne peuvent pas faire grand-chose face à des soldats.C’étaient plutôt les colons qui se montraient violents. Pendant mon service,j’avaisuncarnetdansmapoche,etàchaquefoisque lescolons juraientousecomportaientviolemment,jel’écrivais,j’interrogeaisaussid’autressoldatsetjenotais.

Combiendecarnetsavez-vousremplis?Plein,vingt-trois.C’étaitimportantpourmoiderépertoriercequejevoyais

oucequemeracontaitunamiproche.Jenevoulaispasdechosesque jene...C’était importantpourmoiderépertoriercommeça toutessortesdeviolences,depuisuneinsultejusqu’àunevraieattaque.

Qu’est-cequ’unevraieattaque?À Hébron, l’un des objectifs était d’empêcher les frictions, alors ils ont

séparélesroutesentreJuifsetArabes.Notretruc«préféré»,c’étaitlavisitedelacasbahduvendrediaprès-midi.Lescolonsquicrachaientauvisagedesgens...

Lescolonsallaientdanslacasbahlevendredi?Oui, il y avait une sortie régulière avec l’un des chefs de la colonie, ils

partaient en excursion et on devait les protéger. En dehors du fait qu’il leurfallaitledoubledegenspourlesprotéger,c’étaitlachoselaplushumilianteaumonde.Pas tantpournous,c’étaitplutôtcequ’ils faisaient... Ilssemettaientàjurer etonessayaitd’éviter les rencontres.Onadûviderune rueentièrepourquecegroupepuissepasser.

Quelleestlaprocédureconcernantlapopulationpalestiniennequandilyaunevisitedelacasbah?

Ilyavaituneunitésurlestoitspourmonterlagardeetuneautreenbasaveclecommandantdecompagnieoulesous-commandantpourentourer lescolonsetchassertousleshabitantsdelarue.

Vousn’imposiezpasuncouvre-feu?Non,onlesécartaitsimplement.Onessayaitderendreçapropre,stérile,de

les déranger le moins possible, même si c’était impossible de ne pas lesdéranger.Jenesaispascombiendetempsçaaduré.

Vousavezassistéàdevéritablesviolencesdelapartdescolons,àpartlesinsultes?

Non.Jecroisquemêmesijelesavaisvusneserait-cequegiflerquelqu’un,j’auraisconsidéréçacommeunacteviolent,parcequecesonteuxqui lefont.C’estcommeçaquejevoislemonde.Quelledifférenceilyasic’estuncolonqui pousse, qui insulte ou qui frappe quelqu’un – c’est leur attitude qui poseproblème.

Vousavezmontrévotrecarnetàunofficier?Non.Àunmoment,onaeuunediscussiondécisiveaveclecommandantde

bataillon.Ilétaitdroitethonnête,etiladitqu’ondevaitparlersionvoyaitdeschosesouque lui-même faisaitquelquechose... il voulait enquêter, révéler leschoses.Iladitqu’ilenquêtaitsurleschosesdontilavaitconnaissance.Onluiaparlédufaitdes’occuperdescolons.Onavaittoujoursl’impressionquecequel’armée attendait de nous n’était pas clair... où était la limite.On n’est pas lapolicebleue,onn’apaslesmêmesdroitsquelapolice,etlescolonsnetevoientpas comme une autorité. Les colons sont derrière toi quand ça les arrange,sinon...Doncnotrecommandantdebataillonadit:«Mêmesilescolonsvouscrachentdessusouvousattaquent,essayezdelesignorer.»Ilavaitconsciencequeçaposaitproblèmemaiscequ’ilpouvait faireétaitassez limité,parcequec’estpolitique.

Quedisaient-ilsdevotreautoritésurlescolons?Ils disaient qu’on avait la possibilité de les arrêter s’il se passait quelque

chose,maisenpratiquec’est trèsdifficile.Lesentimentgénéralétaitqu’onnesavait pas clairement ce qu'on pouvait faire. La police a des ressources trèslimitées,et jeveuxcroirequ’ilsaimeraientenfaireplus,maisjesaisquec’estdifficilepoureuxenraisondunombred’incidentsquiavaientlieu.

Donc, en général, la seule chose que vous pouvez faire quand vous voyezquelquechosecommeça,c’estdevousyopposer?

Non,ons’impliquait,maisonétaitlimitésdanscequ’onpouvaitfaire.C’estdifficile pour un gars de dix-neuf ou vingt ans de s’opposer à quelque chosecommeça.Jenesaispasnonplusquelpouvoironavaitdelefaire.

Alorsqu’est-cequevousfaisiez?On les séparait, les points de friction physique entre les gens étaient

relativementpeunombreux.Quandilsepassaitquelquechose,onessayaitdelessépareretonappelaitlapolice.IlyavaitdesgaminsquimontaientsurlestoitsàAvrahamAvinupourjeterdestrucsoucrierdesinsultes,etlessoldatsdevaientles chasser. J’ai l’impression que la loi est assez lacunaire, que ce qu’ilsattendentdenousn’estpasclair.

122.TroisdenossoldatsquigardentunecabaneUNITÉ:PARACHUTISTESLIEU:ELONMOREHANNÉE:2002-2003

À Naplouse, il y a des colons d’Elon Moreh et tous les problèmes desTerritoires.C’estvraimentdifférentlà-basparcequ’onn’estpasàl’intérieurdela ville, on l’entoure. C’est plus difficile à contrôler, même si on a le montGerizimetlemontEval.OnavaituntasdeproblèmespourcontrôlerlazoneàNaplouseàcausedesfermesisoléesdescolonsetparcequel’ÉtatadécidéqueTsahal les protégerait : trois ou quatre soldats qui gardent une cabane ou lesommetd’unecollinequiesttotalementexposé.

C’est dangereux ? Habituellement, les soldats en détachement de sécuritésontresponsablesdecegenredechose.

C’estplusarbitrairequeça.Dèsqu'ilyaunordredelabrigaderégionaleouau-dessus, ildescendà labrigade,aubataillon,à lacompagnie,etpour finiràtoi.

Vous savez si les colonies au sommet des collines étaient légales ? Parcequ’ilyatoutelaquestiondesavant-postesillégaux.

Tuparsduprincipequesi labrigaderégionalet’adonnéunordre,alorsçava.Quandtuessurleterrain,tunesaispascequ’enpenselaCoursuprême.Çaposaitun tasdeproblèmes,parcequeparfois ilsnevoulaientpasqu’onmontegarder [les avant-postes], parcequedès que tu temets à les surveiller, tu leurdonnes une légitimité. Les colons veulent fixer les frontières, s’approprier desterres et établirunecolonie. Ils se fichentquequelqu’un lesprotège.De toutemanière,touslescolonssontarmés.C’estunautreproblème,parcequedanslenoirtupeuxidentifierunhommeavecunearme,maisilfautfairetrèsattention.IlyavaitaussidesproblèmesdeharcèlementdesPalestiniens.

123.ToutesceschosesnepassentpasdanslesmédiasUNITÉ:PARACHUTISTESLIEU:HÉBRONANNÉE:2002

La pire chose que j’aie vue à Hébron est arrivée le lendemain del’enterrementd’ElazarLeibowitz1.JemontaislagardeaupostedeGross,quiestsur le toit d’un immeuble, pour guetter la place centrale d’Hébron. J’étais degarde là-bas, et au milieu de mon service, dans l’après-midi, je vois un vieilhommequimarcheavecunecanne,unArabed’AbuSneina.Ilparaissaitavoirplusdesoixanteans,avecunecanne,ilarriveaucarrefourd’AbuSneina,verslaplace Gross, et d’un coup trois gamins de seize ou dix-sept ans lui sautentdessus,ilslepoussentausolenl’espaced'uneseconde.Ilsattrapentunepierreetluiouvrentlatête.Ilssemettentàlerouerdecoupsdepiedàterre,àlefrapperàlatête.Ilyaunhommedesoixanteansavecunflotdesangquijaillitdesatête,du sangquicoulede sa tête.Tout s’estpasséenquelques secondes,vraiment,juste quelques secondes. En une seconde il est par terre, puis ils tiennent unepierre,ilsluiontentaillélecuircheveluetunflotdesangcouledesatête.Ilsluidonnentdescoupsdepiedetavantquelessoldatsquisetiennentendessousdemoi, au poste, puissent les atteindre, ils se sont déjà enfuis. Un officier depatrouilleestarrivé,mais ilnesavaitpascequ’ilsavaient faitalors ilne lesapas arrêtés. Ils se sont juste enfuis. L’infirmier de la compagnie est arrivéaussitôtets’estmisàbanderlevieuxPalestinien,puisonl’aemmenéversuneambulance.

Voussavezcequiluiestarrivé?Non.Jepensequ’ils’enestsorti,parcequ’ilsontarrêtéleflotdesangdesa

tête et l’ont envoyé à l’hôpital. C’était tellement choquant. J’étais choqué.Ensuite jesuisallévoir l’officier,enlarmes.J’étaissoldatdepuisseptmois, jenecomprenaispascequisepassaitici.J’aiditqueçanepouvaitpassepassercommeça,qu’onprotègelescolons,jenecomprenaispaspourquoiçasepassaitcommeça.L’incidentm’avraimentchoqué,pourmoi,çaatoutdétruit.Voilàletruc, le premier truc auquel j’ai comparé ça, j’ai immédiatement pensé aulynchageàRamallah2.Lesimagesmerestententête,encoreaujourd’hui.C’estdurquandj’ypense,çamerappellevraimentlelynchageàRamallah,commentilssesontcomportés.

PuisvousêtesallévoirCarmela3?J’airacontécettehistoireàCarmelaMenashe.Jen’enaiparléàaucunsoldat

dansmacompagnieparcequeçanemeparaissaitpasapproprié,maisjemesuisdiscrètementadresséàCarmelaMenashe.J’avaissoncontact.

Ilyavaitd’autressoldatscommevous?Danschaquecompagniejecroisqu’ilyavaitunsoldatquiavaitunproblème

avec la situation. La majorité n’avait pas l’intelligence émotionnelle oul’ouverturenécessairepourenparler.Etpuisonn’enparlaitpasentenous,parceque les soldats ne se parlent pas de ce genre de choses, il n’y a pas dediscussions sérieuses dans une compagnie de soldats combattants. Toute cetteatmosphèremacho,toutestuneblague,ilsneprennentrienausérieuxetauboutducompte,chacunessaie justedesurmontercettemerdeensemble.Parceque,encoreunefois,commej’aidit,surl’échelledesgensmalheureuxàHébron,cen’estpassuperd’êtresoldat.Tuessacrifié.

Ques’est-ilpasséquandvousêtesallévoirCarmelaMenashe?Jeluiairacontél’histoirepartéléphone.Ellen’apasétédiffusée.Jen’enai

entenduparlernullepart.Çaaétéunautrechoc,parceque j’aicomprisqu’engros toutcequi sepasse là-bas,quedesgamins innocentsdequatorzeouhuitansmeurent sans raison4,que lescolonsentrentchezeuxet leur tirentdessus,que les colons se déchaînent dans les rues, cassent les vitrines des magasins,frappent les soldats, leur jettent des œufs et lynchent des personnes âgées...toutes ces choses ne passent pas dans lesmédias. Hébron est un petit mondeisolé,etlequartierd’AvrahamAvinuestisolédansHébron,ilyaplusdesoldatspour le surveiller que d’habitants. Les gens du quartier font tout ce qu’ilsveulent,lessoldatssontobligésdelesprotéger.Lescolonssontlesplusgrandsnazisjuifsquej’aiejamaisrencontrés.C’estici,dansl’Étatd’Israël,etpersonnene le sait, personneneveut savoir,personnen’enparle.Lesgenspréfèrentnepassavoir,nepascomprendrequequelquechosedeterriblesepassejusteàcôtéde nous. Vraiment, personne n’en a rien à faire. Les soldats là-bas sontmalchanceuxetlesPalestinienssontsupermalchanceux.Etpersonnenelesaide.

124.Unevieillefemme...lesgarsl’onttabasséeUNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:HÉBRONANNÉE:2002

CommentsepassaientvosrencontresaveclescolonsàHébron?Quandj’étaisdanslacompagniedesoutien,ilyenavaitdavantage.Àcette

époque, on était à Jabal Juar. Avant, c’était une école arabe, mais depuis aumoinsquelquesannéesc’estunpostedeTsahal.Ilyaeuunincidentlà-bas,oùdes colons ont sauté sur une femme, une vieille femme. Elle étaitmalade. Ilsl’ont blessée au ventre, une blessure grave. Ce n’est que plus tard qu’on acompris qu’elle étaitmalade.Mais à part ça, elle était très vieille et quelquescolonsluiontsautédessusdanslaruelleErez.

C’étaientdesgamins?Desadultes?Desgars.Desjeunes.Ilsl’ontfrappéeunpeuetl’ontgravementblesséeau

ventre.

Avecquoil’ont-ilsfrappée?Onaentendudirequ’ils l’ontfrappéeavecdespierres.Mais jenesaispas

exactement. On est arrivés après, elle était étendue là. On est arrivés avantl’ambulance–onavaitappelé l’ambulance.Jecroisque les jeuneshommessesontenfuisàKiryatArba.CertainsontcouruversAvrahamAvinu,d’autresversKiryatArba.Onl’a trouvéeétenduelà.LesIsraélienset lesPalestiniensont ledroitd’allerdanslaruelleErez.C’étaitcommelaroutinelà-bas–cettefemmeétendue par terre et les colons qui passaient, on leur a demandé ce qui s’étaitpassé,ilsontréponduqu’ilsnesavaientpasetontcontinuéleurchemin.C’étaitunesalesituation,onnesavaitpasquoifaire.Onaappeléuneambulance.

QuelsétaientlesordresquanddescolonsblessaientdesPalestiniens?Iln’y...iln’yavaitpasvraimentd’ordresmaisilyavait...

Mais que pensiez-vous qu’était votre devoir quand des colons attaquaientdesPalestiniens?

Cequejepensaisêtremondevoir?Delesséparer.

125.Lemignonpetitgarçonaprisunebriqueetacassélatêtedelapetitefille

UNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:HÉBRONANNÉE:2003

À Hébron, mon principal problème, c’étaient les colons, la communautéjuive.J’avaisl’impressionqu’onprotégeaitlesArabesdesJuifs.Aucundesdeuxcôtésnenousaimait,mais j’avais l’impressionque les Juifs faisaientcequ’ilsvoulaientetquetoutlemondes’enfichait.Onétaitprisentrelesdeux.Voilàunexempledecequis’estpasséjusteàcôtédemoi:j’étaisdegarde,etunsoldatd’un autre poste a appelé un infirmier par radio. Quelqu’unm’a remplacé auposte, j’ai couru voir ce qui s’était passé et je tombe sur une petite fillepalestiniennedesixans,satêteétaituneplaiebéante.

Auposte44?Ouais.Cegamin toutmignonquivenait régulièrementvisiternotrepostea

décidéqu’iln’aimaitpasquelesPalestinienspassentenbasdechezlui,alorsilaprisunebriqueetl’ajetéesurlatêtedelafille.Là-bas,lesgaminsfonttoutcequ’ilsveulent.Personneneréagit.Toutlemondes’enfiche.Ensuite,sesparentsl’ontfélicité.Lesparentsencouragentleursenfantsàseconduirecommeça.Ilyavaitbeaucoupdecascommecelui-là.Desgamins juifsdeonzeoudouzeansfrappentdesPalestiniensetleursparentsviennentlesaider,lâchentleschiens–ilyamilleetunehistoires.

126.Lesmaisonsdescolonssontàl’intérieurdelabasemilitaire

UNITÉ:BRIGADEKFIRLIEU:HÉBRONANNÉE:2006

Jemesouviensduchocquej’aiéprouvéquandj’aidécouvertquedescolonshabitaient à l’intérieur de la base. Il y a une maison, la caravane, une autrecaravanequ’ilsontgaréeàl’intérieurdelabase.Vousvoyezdequoijeparle?

BetRomano?Non,BetRomanoestlayeshiva,aveclesescaliersquimontentdelayeshiva

àlabase.

Desescaliersenmétal?Ouais.Doncquand tuarrivesenhautde l’escalier, il y adeuxmaisonsen

facedetoi,deuxfamilleshabitentlà.Ilsappellentçalequartierdescaravanes,àmoinsqu’ilaitunautrenommaintenant,jenesaispas.

Ilssepromènentdanslabase?Oui,ilssepromènentlibrementdanslabase,ilssortentparlagrilled’entrée.

Pendant Shabbat, on n’a pas le droit de fermer la grille parce qu’ils doiventl’emprunterpour sortir.C’est incroyable, tunepeuxpas fermer lagrilleparcequec’estShabbat, tuvois,alors tunepeuxniouvrirnifermerlagrille.Mêmes’il y a un soldat juste au-dessus, il doit laisser la grille ouverte pour qu’ilspuissentsortir.

Çavousdérangeaitentantquesoldats?Çamerendaitfou.Çamerendaitvraimentfou.Jemerappelleaussiqu’une

fois,undenoscommandantss’estdisputéavecunsoldat,ils’estmisàluicrierdessus.Lesoldatavait la réputationd’êtredifficileet lecommandant luicriaitdessus.D'un coup, une fenêtre s’ouvre et un colon roux, vous savezdequi jeparle,ilétaitbienconnu,passelatêteetcrieaucommandant:«Pourquiest-ceque vous vous prenez, à lui crier dessus comme ça ? » Le gars criait. Voussavez... « Venez là, dites donc, vous n’avez pas honte ? Qu’est-ce que c’est,votreproblème?Vousêtesci,ilestça...»Commes’ilvoulaitprotégerlesoldat.

Alorstoutlemonde,voussavez,toutlemondesemetàsedisputeravecluiettout,puisl’undessergentsarriveethurleaucolon:«Taisez-vous,rentrezchezvous, pourqui est-cequevousvousprenez ?»Exactement la bonne réponse.Qui est ce colon pour ouvrir sa gueule ? Il aurait pu se contenter de dire : «Arrêtezdecrier,vousfaitestropdebruit.»J’auraispuaccepterça,maisdequoiil semêle ?Ensuite un officier est allé lui parler.Vous savez comment c’est.Finalement,ilnes’estrienpassé.

Vouspreniezlerepasduvendredisoiraveclescolons?Jen’étaispasd’accordpouryaller.Ilsm’ontinvitéunpaquetdefois,mais

je ne voulais pas y aller. Pourtant, ils m’invitaient toujours... Parfois ilst’invitaient:«Viens,assieds-toiavecnous,vienspourlerepasdeShabbat.»Jen'ysuisjamaisallé.

Quelsétaientvoséchangesaveceux?Ladernièrefoisquej'ysuisallé,ilyavaitunegrille.

Ils la franchissent. S’ils vont àBetHadassah, ils y vont à pied depuis cetendroit.

Oùgarent-ilsleursvoitures?Jenesaispas,jepensequ’ilslesgarentenbas,àBetRomano,auposte38.

Jenesaispasoùilssegarent.Tuasquelquescontacts,tulesvoispasser.

Etleursenfants?Ilscourentdansleposteavecleursvélos,entièrementlibres.Jemerappelle

aussi,c’étaitleplusincroyable,jemerappellequ’ons’entraînaitauposte,etjevoisdixouquinzereligieux,jenesaispas,ilsétaientvenusàHébronpourvoirletombeaudesPatriarches,etilssontlààregarder.Àl’intérieurd’unebase,unebasemilitairedeTsahal,ilssontlàànousregarder.Voussavez,ons’entraîneaucas où quelqu’un vous attaque par le côté et ils sont tous, je sais pas, ils sontjuste là à te regarder. D'un coup, tu sais, tu te dis : « Allez, c’est ridicule,complètement incroyable.Qu’est-cequ’ils font là?»Voussavez,çaneparaîtétrangeàpersonne.IlyavaittoujoursdesgensduChabad5quisepromenaientsurleposte:«Vousavezmisdestefillin6?Vousavezmisdestefillin?»Jemerappellequ’unsoir jemesuisréveilléparceque j’aientendudesfilles–onseréveille tout de suite pour des filles –, et une fille religieuse américaine sepromenait dans le poste, à poser des questions. Elle a montré mon badged’Alephetelleadit:«Jeveuxcebadge.»C’estlebadgedemonbataillon,lebataillonAleph,ellelevoulait.Ellesepromenaitlibrement,voussavez.

LesgensdeBetRomanoaussisepromenaientcommeça?Toutlemonde.Cen’estpas...vousvoyez?Lescolonssepromènentpartout.

Personnen’avaitdedifficultépourentrersurlabase.

Lecommandantdecompagnienedisaitrien?Ildisaitqu’onn’avaitpasledroitdefermerlagrillependantShabbat.Onne

peutpaslafermer.Ettudoisl’ouvrirchaquejourpourlescolons.

Ilyavaitdesescarmouchesàlagrilleparfois?Avec les colons ? Peut-être, je ne me rappelle pas. Je crois. Mais c’est

incroyable, c’est complètement fou, comme ils sont dans tes pattes. Je ne lesaimaisvraimentpas.Enplus,ilsétaientnombreux.Jemesouviensd’unépisodeavecundistributeurdeCoca.C’étaitgenreaprèsmonservicedegarde,etletrucquimefaisaittenirlecoup,c’étaitlacanettedeCocaquej’allaisboireaprès.Tufinistontourdegardelevendredi,lesamediaprès-midi,ilfaitchaud,çapue,tuesdeboutdepuissixheuresdumatin,turentresàmidiettuescrevé,tuarrivesàla machine qui est éteinte avec un mot : « Cette machine ne fonctionne paspendantShabbat.»Filsde...

Vousavezrencontrédesproblèmespourévacuerdesavant-postesdecolons,ilsprovoquaientd’autresperturbations?

Alorsvoilà.Écoutez,pendantmonservicelà-bas,parexemple,lemarchédegros a dû être évacué7.On ne l’a pas évacué, la police des frontières s’en estchargée,mais après l’évacuation il y avait beaucoup de tensions. Écoutez, lescolons sont incroyables. Ilsne te respectentpas, ilsne teconsidèrentpas–aucontraire,enfait,ilst’insultentdanslarue.Voussavez,aprèsledésengagement,c’estincroyable.Jemerappelletouteslesdisputes.

127.TudétestestoutlemondeUNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:HÉBRONANNÉE:2004-2006

Jeme rappelle que j’ai vu ces gamins àHébron, et j’étais fier qu’ils aientpeur.Jeparledegamins,vraiment.Etdequiavaient-ilspeur?Desgaminsjuifs.Ilsnefontrien,mais lesgamins juifs leur jettentdespierresquandilspassent.Lesparentsjuifsnedisentpasunmot.Lesparentsrestentlà,ettuvoisunpetitgaminjuifquijettedespierresethurlesurdesgaminsarabes,c’étaitlaroutine.Quand tu arrives à Tel Rumeida, tu vois ça tous les jours et ça va, c’estacceptable.Etlesparents,jenesaispassicesontlesparents,maislesadultessepromènentetilsnedisentpasunmotauxenfants.

Çanevousparaîtpasbizarrequ’unenfantjetteunepierreàunautreenfant?

Parce que l’un est juif et l’autre palestinien, c’est comme si ce n'était pasgrave.

Vousavezaussivul’inverse,unPalestinienjeterunepierreàunJuif?Je me rappelle que je disais que c’était presque normal, mais au fond je

pensais :«Allez, ilestdébileouquoi?»Cegarsne luiavait rienfait. Jemedisais, c’est ça qui provoque tout ce bazar, toutes ces petites disputes, cesincidents que créent les Juifs. Je sais que leurs parents leur apprennent à lesdétester,ilslégitimentlefaitdeleurjeterdespierresetdelesinsulter.C’estlegenredechosequetuvoisàlatélé.Alorsc’estclairqueçaseralebazarensuite.Et tune comprendspasdequel côté tu es.ÀHébron, c’est trèsbizarre, tunecomprendspasdequelcôté tues. Jesuisunsoldat juif israélien, jesuiscenséêtrecontrelesArabesparcequecesontlesennemis,maisjesuislà,àcôtédelamaisond’uncolondanslabase,etjecommenceàmedirequejenesuispasdeleurcôté,quelesJuifsn’ontpasraison.Doncattends,non,jedoisactionneruninterrupteurdansmoncerveaupourcontinueràdétesterlesArabesetjustifiercequefontlesJuifs.Maisnon,attends,jenepeuxtoujourspasêtred’accordaveclesJuifs,parcequec’esteuxquiontcommencé,c’estàcaused’euxqu’onestlà,c’estàcaused’euxquetoutçasepasse,parcequ’ilslesdérangentetqu’ilsontpeur.C’estterrible,toutça...

Alors,pourquoiactionnerl’interrupteur?Parcequetudoisêtreloyalàtoncamp.

Quelâgeontlesgaminsdontvousparlez?Jeunes,genrecinqousixans.Ceuxquicourentdehors.

Lesadultessemontraientviolents?Je me rappelle un incident. On était dans un bus, c’était pendant le

désengagement,jenemerappellepasl’histoire,maisilyavaitunefemmecolondanslebusdontondisaitqu’elleétaitfolle.Sonmariousoncopainavaitététuéparunterroristeouquelquechosecommeça,alorsellecriaitsurunsoldatquinevoulaitpasluilaisserlaplacepours’asseoir.Jemerappellequ’ilseconcentraitpoursecontrôler,seretenir,etellelefrappait,jecrois.Ils’estretenuetretenu,puisàunmomentilluiacrié:«Taisez-vous,c’estàcausedevousquejedoisêtrelà.»Ilsdétestaientêtrelà.

Lessoldats?Oui. Je crois qu’ils en voulaient aux colons et aux habitants d’Hébron. Ils

étaientencolère.

Lescolonsnevousamènentpasdespizzasauposteetdeschosescommeça?

Oui,maisj’entendaissouventlessoldatsdire:«C’estàcausedecesmerdesqu’onestlà,ilsdevraientdégagerd’ici,ilsdevraientpartir.»D'uncôté,ilyaça–encoreunefois,tuesencolèrecontretonpaysquelescolonssoientlà,quelesJuifssoientlà.D’unautrecôté,tudétestesaussilesArabesparcequ’ilstuenttesamisettecausentdesproblèmes.

Doncvousdétesteztoutlemonde?Oui.Jepensequetuneréfléchispas...tudisjustecequitepasseparlatête

sur lemoment :maintenant jedétesteci,alors jevais l’insulter,puis jedétesteça,alorsjevaisl’insulter,etmaintenantjeledétestelui,alorsjevaisluicracherdessus.

VousavezcrachésurdesJuifs?Non,pourquoi?Ilsnem’ontrienfait.

EtlesArabes?Maisc’estgenre,desArabes...Jenesaispas,c’estvrai,letypesurquij’ai

crachénem’avaitrienfait.Jepensequ’iln’avaitrienfaitdutout.Maisencoreunefois,c’étaitcooletc’étaitleseultrucquejepouvaisfaire,voussavez,jenepeuxpasarrêter lesgensetêtrefierd’avoirarrêtéunterroriste, jenepeuxpastuer un terroriste et je ne peux pas partir en opération pour trouver des armessouslecarrelaged’unemaison.Maisjepeuxleurcracherdessus,lesridiculiseretleshumilier.

128.Onconfisquaitdesvoituresetlescolonslesvandalisaient

UNITÉ:PARACHUTISTESLIEU:RÉGIONDENAPLOUSEANNÉE:2003

Quelétaitleproblèmeaveclesvoituresconfisquées?Ilyavaitbeaucoupderoutes,maiscen’estriencomparéàtousleschemins

de terre là-bas.Àunmoment,onavait l’ordrequesion trouvaitquelqu’unentraind’essayerdecontournerlaroute,oudetecontournertoi,etqu’onarrivaitàl’attraper,ondevaitconfisquersavoiture.

Quefaisiez-vousaveclavoiture?Tul’amènesàunterrainprèsduposte.Ilsontcrééunterrain.

Qui?Je ne sais pas. Je pense qu’il était là avant qu’on arrive, on s’en servait

commeparking.Leproblème,c’estqu’iln’yavaitpersonnepoursurveiller lesvoitures, alors les colons d’Elon Moreh venaient détruire les voitures que tuavais confisquées et que tu avais l’intention de rendre à leur propriétaire lelendemain. Tu confisques des voitures, c’est une manière pour l’État de temenacerpourquetunerecommencespas.

Vousregardiezaussiàl’intérieurdesvoitures?Oui.D’abordtuemmèneslapersonnepourunbrefinterrogatoire,puisilpart

endétention.

Oùlesemmeniez-vouspourl’interrogatoire?Tulesamènesaucheckpoint,c’estlàqu’ilslesinterrogent.

Lessoldatsdelacompagnielesinterrogent?Soit les soldats de la compagnie, soit, si nécessaire, tu les amènes aux

interrogateurs de la brigade centrale. On ne fait pas ça. En général, on lesrelâchaitauboutd’unedemi-heure, ilss’enallaienteton leurdisaitderevenirchercherleurvoituredansunjouroudeux.Notreproblème,c’étaientlescolonsquidescendaientd’ElonMorehpourdétruirelesvoitures.Onlessurveillaitpour

qu’ils ne cassent pas les vitres, ne les vandalisent pas.Les taxis sont l’une deleurs principales sources de revenus. Le type revient le lendemainmatin avecsonticket;tuparsaveclui,tuveuxluirendresavoiture.

Doncilyavaitvraimentunsystèmeorganisé.Oui, il avait un ticket et nous aussi, il signe et tu signes, puis il revient le

lendemainpourrécupérersavoiture.

Qu’yavait-ild’écritsurleformulaire?Sonnumérod’immatriculation.Aprèsl’interrogatoire,ilrecevaitunefeuille

avecsonnuméro.L’idéeétaitdeneluiprendresavoiturequepourunejournée.Ill’amenaitjusqu’auparking,onl’escortait.

Doncvousjouiezauchatetàlasourisaveclescolons...C’est ça. Le lendemain, tu restes impuissant devant le type, tu vas lui

montrer la voiture et tu vois qu’elle est cassée : les pneus lacérés, les vitresbrisées.Tuattrapesuncolondetreizeouquatorzeansetlà,tuasunproblème.Tuvasàlacolonied’ElonMorehetilsdisentqu’ilsnesontaucourantderien,alors tu te retrouves dans une situation où la compagnie doit allouer un autreposterienquepoursurveillerlesvoitures.C’étaitvraimentpénible.Onsebattaittoutletempsaveccestarésdecolons–onessayaitdelesprotéger,maisilsnefaisaientquenousmettredesbâtonsdanslesroues.Tuattrapesunevoitureettumènesuninterrogatoirepourquelesterroristesnefassentpasdemalauxcolons,tu dois tout le temps t’occuper des colons. Et il y a tous ces sales gosses decolonsàquileursparentsn’ontjamaisrienapprisquandilsétaientpetits.

Maisvousconnaissezlaroutine...vousvoyezvenirlescolons...Leplusabsurde,c’estqu’ontendaitdesembuscadesauxgaminsquivenaient

détruirelesvoitures.Tulesattrapes,maistunepeuxpaslesarrêterparcequ’ilssontmineurs–lapolicenepeutrienleurfaire.

Ilssonttousmineurs?Ouais, les colons ne sont pas idiots, ils envoient leurs gamins, ils ne se

mettentpas endanger.Si tu en attrapesun, tudoisouvrir undossier.Puis tessupérieursparlentauxchefsde lacolonie,onétait impuissants.Quiva réparerleurs voitures ? Parfois, les voitures étaient dans un tel état que ça ne valaitmême pas la peine de les réparer. Tu te sens vraiment comme une merde àdevoirlesprotéger,eteux...

129.Lescolonssontentrésdanslacasbah,ilsonttuéunepetitefille

UNITÉ:PARACHUTISTESLIEU:HÉBRONANNÉE:2002

Les Juifs sontde loin leséléments lesplusdifficilesàHébron, incroyable.C’estcequetudécouvres,aprèstoutesleursfolies,alorsquetuvislà,decettemanièrehallucinante, juste pour les protéger.Tu es là dans leur quartier, dansleurrue,tuportesuncasqueetungiletpare-ballespendantqu'ilssepromènentnormalement. Puis, soudain, il se passe quelque chose, comme le meurtred'ElazarLeibowitz,quiaététuédanslarégiondeCarmel,pasloind’Hébron.Ilvivaitdanslequartierjuifd’Hébron,puislafureurs’estdéchaînée,lafoliedanslesrues.Lorsdesonenterrement,lesJuifssontentrésdanslacasbahetsesontmisàtirerenl’air.Ilsonttuéunefille,ungarçondehuitansareçuuncoupdecouteaudansledos,destrucssidérants.

Quelétaitvotrerôledansl’histoire?J’essayaisdelesarrêter.

Quelsétaientvosordres?Essayerde lesarrêterpar tous lesmoyens.Laforcephysique...mais ilsne

nous ont pas donné l’autorisation, impossible, tu ne peux pas donnerl’autorisationpourça.Leproblème,c’estquemêmesilesoldatn’apasenvie,ilse retrouve à protéger les colons pendant qu’ils font des choses horribles auxPalestiniens. Parce que si un Palestinien jette une pierre, tu peux aussitôtcommenceràtirerenl’airetluilancerdesgrenadesincapacitantes,tupeuxfairemilleetunechosessansquepersonnenediseunmot.MaistunepeuxrienfaireàunJuif.Tupeuxseulementessayerd’attraperuncolonetl’éloignerdeforce.Et normalement, les Juifs qui vivent là connaissent les tactiques des soldats.Quandilsvontdétruireunemaisondanslacasbah,ilsentrent,détruisentunmur.IlsontdétruitlamaisonSharabati8,c’estlebazarlà-bas,encoreaujourd’hui.Tun’esqu’unmisérablesoldatparmidescentainesd’enfants,ondiraitqu’onjoueauxgendarmesetauxvoleurs.Unsoldatsetientàl'entréedelacasbahlesbrasécartés,etdesgaminsdeseptanspassentdessousencourantdanstouslessens.S’il en attrape un, quatre autres arrivent. Il n’y a rien à faire, ils entrent en

courant dans la casbah.Tu essaiesde les arrêter et de les protéger, parceque,après tout, c’est la casbah,mais ils rentrent quandmême, ils entrent dans lesmaisons,cassenttouteslesfenêtres,cassenttoutcequ'ilspeuvent,ilsdétruisenttout, puis ils déclarent que la maison est à eux, ils disent qu’ils ont pris unenouvellemaisondansHébron.Leurattitudeeststupéfiante.D’uncoup,lapolicearrive, les colons leur jettent desœufs et tu te retrouves... jeme suis retrouvédans une situation où je marchais à côté d’une femme colon, à essayer deprotéger le bébé qu’elle tenait dans ses bras pendant qu’ellemarchait dans lafoule. On est à l’intérieur d’une maison arabe, dans la casbah. Il n’y a pasd’Arabessurplace,biensûr,maisunecentainedegaminsjuifsquionttoutcassédanslamaison.Ilsontcassélemur,ilsontpercélemurpourcréerunpassagede la maison vers leur quartier, parce qu’il n’y avait qu’unmur pour séparercettemaison de leur quartier. Je suis dans cette situation folle où les policiersessaientde fairesortir lesenfantscolons,et jeme tiensentre lapoliceetcettefemmeavecsonbébé.J’essaiedelesprotéger,elleetsonbébé,etlescolonsmetouchentavecunœufalorsqu’ilsvisaientlapolice.Lespoliciersseprennentuntas de coups, la patrouille féminine spéciale se fait frapper par les filles, àl’enterrement[deLeibowitz]onsebatavectouslescolons...etlelendemainilst’amènentdelanourritureauposte.

Ques’est-ilpasséàl’enterrement?L’enterrementétaitcomplètementdingue.J’étaisà l’intérieurduposte,età

unmomentlescolonsonttiréversleposte.PasdesPalestiniens...desJuifs.Paraccident,parcequ’ilsvenaientd’entrerdanslacasbahetqu’ilscommençaientàtirerenl’air.Ilstiraientenpiloteautomatique,sansréfléchir.Àcausedeça,unepetitefilleaététuéeetunautregarçonareçuuncoupdecouteaudansledos.Unedestructioninsensée.

Oùétaitlapolice?La police ne pouvait pas contrôler les colons, c’est impossible. Ils sont

partout...lapolicenepeutpascontrôlerunecentainedegaminsquicourentdansla casbah. Deux soldats essaient de bloquer l’entrée, mais c’est comme s’ilsjouaient à un jeu avec des gamins de sept ans. Tu ne peux pas contrôler unenfantdeseptans.

Etsic’étaitunecentained’enfantspalestiniens?Oh,ilyauraitunedifférenceénorme,c’estexactementcequejedisais.Pour

commencer, les enfants palestiniens ne feraient jamais ça. Si une centaine dePalestiniens arrivaient, alors en principe ils pourraient aussi faire ce qu’ils

veulent.Maisilsneferaientjamaisça,parcequedèsquedesgaminspalestiniensessayaient d’infiltrer le quartier juif, il y avait des tirs en l’air, des balles encaoutchouc,ilyavaitdebonneschancesqu’und’entreeuxmeure,alorstouslesautress’enfuyaient.Maisungaminjuif...personneneluitireraitjamaisdessus.

Donc vous n’avez pas l’autorisation d’utiliser toutes les formes de forcecontrelescolons?

Justelecontactphysique.

Vousnepouvezpaslesarrêter?Onpouvait.On les arrêtait parfois,mais c'est rare.Très rare.On les traite

avectropd’indulgence.Engénéralonnelesarrêtaitpas.

Qu’ont-ils fait avec tous les gens qui se sont déchaînés pendant lamanifestation?Ilyaeudesprocédurescontreeux?Voussaviezquiilsétaient?

Pastoujours.Normalement,ilyauntasdegaminsdescollinesquiviennentd'Itamaretd’ElonMoreh,etàHébronpersonnenelesconnaît.Doncungroupedegaminsdeseizeoudix-septansestvenu,asemélapagaillepuisestreparti.Personnenesavaitcomment lesattrapernicomment les localiser,et laplupartdessoldatsn’avaientpaslamotivationpourlefaire.Tun’aspasenviedefaireleflic,cen'estpastontravail,cen’estpastonproblème,tueslàpouressayerdeprotégerles...Jeveuxdire,peut-êtrequesituvoyaisdesgaminsjeterdespierressur un magasin palestinien tu essaierais de les arrêter, parce que ça paraîtcomplètementdéraisonnable,maisengénéral tune faispas tropd’effortspourlespoursuivreet lesarrêter.Çanesepassepascommeça.Ilyavaitbeaucoupd’hostilité. Pendant toute la cérémonie d’enterrement, c’était le chaos dans lesrues, des officiers de tous rangs se sont physiquement battus avec des colons.Lescolonssontvenuscrachersurlecommandantdebataillon–peut-êtrelapirechosequ’ilspouvaientfaire.Encoreunefois,commejel'aidit,etc’estimportantde le dire... à Hébron, les soldats sont les plus grandes victimes. Non, lesPalestinienssontlesplusgrandesvictimes,maislessoldatsviennentensuite.Ilsseretrouventdanscetendroitoùilsdoiventallercontreleurgréetsoutenirlescolonsquipeuventfairecequ’ilsveulent,maltraiterlesPalestiniensautantqu’ilsveulent.Lessoldatsessaientd’arrêterlescolons,maisilsn’ontpaslepouvoirdelefaire.

130.LescolonsontfaituntroudanssonmurUNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:HÉBRONANNÉE:2006

Un autre truc terrible qui s’est passé, c’était pendant la patrouille 30, unPalestiniens’estapprochéduposte38, lepassageentre lacasbahet lacoloniejuive. Il est venu et a dit : « Ils sont en train de caillasser ma maison, ilsbombardentmamaison.»Jefais :«Quoi?»Et ilnousditqu’ilhabitesur laroute de Zahav. La route de Zahav longeBetHadassah, puis il y a la granderoute de Shalala et la petite route de Shalala. La route de Zahav estcomplètementfermée,sauftoutaubout,oùilyaunbâtimentjusteàcôtédeBetHadassah. Toutes les fenêtres sont fermées, bien sûr. L’armée a soudé lesfenêtrespourqueluietsafamillenevoientpascequisepasseàBetHadassah,mais Bet Hadassah peut voir leur mur. Le type demande l’autorisation pourentrerdansleurterritoireparlaroutedeSirena.Ilentreavecnous,etilvoitl’étatde sa maison, deux pièces et une chambre, et toute sa famille est dehors,tremblante.Dansuncoindesamaison,prèsd’unpilierenmétal,onvoitletrouquelescolonsontfaitdel’autrecôtéavecunmarteaudecinqkilos.

C’étaitquand?Ilyajustetroismois.Chaquepierrejetéecontrecepilierenmétalrésonne

comme une explosion. Il est juste contre leur chambre. Cet incident m’avraimentmis en colère. J’ai appelé le commandant dema compagnie, enragé,j’étaisvraimentencolère.Jen’aipaspuluiparlerparradio,alorsjel’aiappeléau téléphone. Il dit : « Rappelez-vous juste une chose quand vous parlez aucoordinateurdesécuritédelacolonie,rappelez-vousqu’ilestdenotrecôté.»Lecommandantdecompagniecomprenaitmacolère.Luiaussiétaiténervé,parcequ’onvoyaitletrouqu’ilsavaientfaitaveclemarteaudecinqkilos.

Jeveuxêtresûrdecomprendre,ilsontfaituntroudanslemur?Ilsontfaituntroudanslemuretontjetédespierresdansleursfenêtres.Ça

m’avraimentmisencolère.

Vousvousrappelezlenomdelafamille?Non,maisjecroisquec’étaitladernièrefamilledanslamaison.Laseulequi

supportaitlasituation.

Voussavezcommentestlasituationaujourd’hui?Non.J’aipeurdesavoirs’ilsviventencorelà-bas.

Ilyaeuuneenquêteaprès?J’endoutesérieusement.

Qu’avez-vousfait,vousavezappelélapolice?J’aiappeléYoni9.Euxaussi l’ontappelé.Onarrive là, jevaisà lamaison

dansBetHadassahpourrencontrerlapatrouilledeHadassahdanslazoneetleurracontercequis’estpassé.Entre-temps,jevoisungroupedegaminssurlecôtéquidisent:«Ouais,onaexploséleurmaison.»Ilssonttoussupercontents.Àcemoment-là,j’avaisenviedefairejenesaispasquoiàcesgamins,parcequ’ilsétaient tellementheureuxd’avoirexplosé lamaison,commesic’étaitcequ’ilsavaientfaitdemieux.C’estl’undestrucsquim’adérangéleplus.Unefamilletellement...

Pourquoiavez-vousappeléYoni,quelleétaitlaprocédure?C’étaitlaprocédure,appelerlecoordinateurdesécuritédelacolonie.Etbien

sûr, tu appelles la police, mais ils mettent dix ans à venir, pour des raisonsévidentes.

Donclecoordinateurdesécuritéétaitlepremieràarriver?C’étaitlepremieràarriver.

Qu’est-cequ’iladitenarrivant?Ilaregardélamaisonetilafait:«OK,jevois.»C’esttout.

Ilaparléauxgamins?Peut-être,jenesaispas.

Quelleautoritéalecoordinateurdesécuritéd’unecolonie?Je n’en sais rien.C’est un hommebien, il est gentil, il soutient l’armée et

tout,maisd’unautrecôtéilfaitpartiedecettecolonie.

Oùhabite-t-il?ÀBetHadassah?Ouais,undecesendroits.Ilajuste...jenesaispaspourquoiilsl’ontappelé,

c’estvraimentdelablague,parcequ’ilnefaitriencontrelesgensdesacolonie.

Maisilal’autoritépourlefaire,laresponsabilité?IlestassujettiauministèredelaDéfense.C’estsonautorité.

Mais c’est la première personne vers qui vous vous tournez s’il se passequelquechose?

Non,çadépenddel’incident.

Etdansuncascommecelui-là?Tutetournesversluietverslapolice.Tut’adressesàluiparcequ’ilestdela

colonie, alors il peut parler aux gamins et tout. Parce que, en fin de compte,essaiedefairequelquechoseàungamindemoinsdequatorzeans.Tun’asledroitderienfaire.Peut-êtrequ’ilyavaitdesgaminsdequinzeouseizeanslà-bas.

Quesepasse-t-ils’ilsontplusdequatorzeans?Etalors?

Doncvousditesquevousneleurfaitesriennonplus.Qu’est-cequeçavousfait?

Qu’est-ce que je peux leur faire ? Je ne suis pas, je suis désolé... Moncommandantdecompagnieétaitvraimentremontéparcequelemêmejourilsluiont dit qu’il devait rester pour protéger la maison Sharabati. Ça l’énervaitbeaucoup.Ilavaiteudesdiscussionsaveclecommandantdebataillon,lesous-commandantdebataillonetlesous-commandantdebrigadepourleurdirequ’iln’étaitpas làpour ça. Il aditqu’iln’étaitpas làpourprotéger leurmaison. Ilétait là pour protéger la colonie juive, pas pour protéger lesPalestiniens de lacolonie juive. Il a répété à quel point il était irrité. Ils comprenaient qu’il n’yavaitpasd’issue,alorsilsontmisenplaceuneunitédepatrouillespécialequandlesouvrierspalestiniensétaientlà.

131.Arrêterlescolons?L’arméenepeutrienfaireUNITÉ:BATAILLONLAVILIEU:COLLINESD’HÉBRONSUDANNÉE:2003

Etlesagriculteurspalestiniens?Qu’est-cequevousvoulezdire?

Jesaisqu’ilyadesconflitspourlaterredanslescollinesd’Hébronsud.D’abord, ce n’était pas notre secteur, alors j’étais moins impliqué dans

l’histoire des colons qui empoisonnaient les moutons. Je parle des colons deMaon.Ilsdisentjuste:«C’estmaterre!»etilsexpulsenttousceuxquinesontpasjuifs,OK?L'arméenefaitrien.

L’arméenefaitrienenpublic?J’imagine.Jen’aiaucunepreuve,jesupposequetoutlehautcommandement

dusecteurestaucourantqu’ilyaunproblème.Maiscommentdoit-onlerégler?Est-cequ’ilyaunplanpourréglerleproblème?Non,jenepensepas.C’estcomme quand j’étais à Hébron, les colons là-bas sont comme les colons àHébron. Ils jettent des pierres, ferment la casbah et gâchent la vie desPalestiniensquiviventlà-bas,d’accord?Est-cequel’arméefaitquelquechose?

Non.Exactement.C’estlamêmechoseici,l’arméeneveutpasdeconfrontation...

Ils prennent le contrôle d'une maison, une maison privée où vivait la familleMuasi.Unemaisonpalestinienne,dont les Israéliensont justepris le contrôle.Ellen’étaitpasabandonnée,d’accord?Ilsontsimplementexpulsélafamilledelamaison.Etqu’a fait l’armée?Rien...Et la famillepalestinienne?Pourquoil’arméenelesa-t-ellepasexpulsés?Cen’estpascommesionn’avaitpasdesunités qui peuvent aller là-bas... Comment l’armée s’occuperait-elle dePalestiniensretranchésdansunemaisonavecdesarmes?Ilsferaienteffondrerlamaisonsureuxavecunbulldozer.C’estlamêmechoseavectouslescolonsde la région. Si un colon fait quelque chose de mal, il n’y a pas moyend’appliquerlaloi.Etlescolonslesavent:«Etalors,tuesunsoldat,tunepeuxrienfaire.Appellelapolice.»

Ilsvousdisentça?Ouais.Ilsdisent:«Vachercherlapolice.»Ettusais,tusaisquelapolice

estdéjà là.Donc tuappelles lapolice,mais si tu signalesunJuif, lapolicenevientpas.C’estlamêmechoseaveclesArabesisraéliens,j’aieucetteréponsedelapoliceunefois:«Onnevientpas,relâchez-les.»

132.Lecommandantdebrigadenevoulaitpass’impliquer

UNITÉ:ADMINISTRATIONCIVILELIEU:HÉBRONANNÉE:2001-2004

Jefaisaispartiedeceuxquisontentréset j’aivu lesenfantsdecolonsquitraînaient autour de la maison Sharabati. On avait reçu la même plainte deplusieursendroits,delavilled’HébronetduWaqf.Jecroisquec’étaitlesoir,ilsm’ontenvoyélà-baslanuit.J’aireçulaplainte,alorsjesuisallévoircequisepassait. J’ai surpris ces gamins là-bas, onze-treize ans, qui jouaient dans lamaisonSharabati,àl’étage.Jenemerappellepasexactementcequisepassait,mais jemesouviensquecertainsd’entreeuxfumaient.C’étaitunrepairepourfumer du shit. J’avais toujours soupçonné qu’ils se droguaient là-bas,mais cen’estpasimportant,mêmesic’estvrai.J’aifaitmonrapport,maisjenepouvaispasfairegrand-chosed’autre.

Vousavezfaitvotrerapportàl’arméeouàlapolice?Àl’armée,àlapolice,àtoutlemonde.

Ques’est-ilpasséensuite?La maison Sharabati est compliquée. Le rapport est parti chez le

commandantdebrigade.Lecommandantdebrigadea fait traîner leprocessustrès longtemps.Vous savez, il ne l’a pas gelé,mais il ne s’en est pas occupépendant très longtemps. Il ne voulait pas entamer une confrontation avec lacoloniejuive;c’étaitunmomentsensible,aprèstoutlereste.

Quiétaitlecommandantdebrigadeàl’époque?C’étaitXXX. Il a retardé l’affaire. Personne n’a envie d’une confrontation

aveclescolons.Cesontlesgenslesplusprochesdetoi,commetonofficierdesopérations,c’estcommeçaqueçamarche.Audébut,ilatemporiséetnes’enestpasvraimentoccupé,maisilyavaitunepressionpourqu’ilagisse.Ilyavaitunepressionverticaleduconseillerjuridique,quiestalléclarifierleschoses,ensuitelerapportn’apasététransmisaucapitaineconseillerjuridiquemaisàXXX,uncolonel,etXXXvoulaitdesrésultats.Là,leschosesontvraimentcommencéàbouger.L’arméeabloquélamaison,ilsontmisungrillage,etaujourd’huiilya

desblocsenbéton.Jenemerappellepas,maisjecroisqu’ilsontbloquéle...peuimporte, et pendant une période des soldats montaient la garde. Les gensentraienttoutletempspareffraction,aumoinsunefoisparmois.

Ilyavaitd’autres«maisonsSharabati»?Non, mais je me rappelle qu’une fois les colons ont brûlé une maison

palestinienneunsamedi.Unemaisonjusteenfaceducimetière.Jemerappellequedesgamins,douzeansauplus,ontentièrementbrûlé lamaison.Jenesaispasàquoiçaressembleaujourd’hui.J’aiprisdesphotosàl’intérieur.JesuisalléàHarata-Sheikhpourescorterlecamiondepompiers,despompierspalestiniensquiontéteintl’incendie,parcequeKiryatArbarefusaitd’envoyersoncamion.C’étaitShabbat,et ilsontditqu’ilsneconduisaientpaslecamiondepompierspendantShabbatsaufsic’étaituneurgence.

Pendantcetemps,lamaisoncontinuaitdebrûler?Oui. Le feu était en train de ravager une maison en face du cimetière

musulman.

Lamaisonétaitvide?Non, elle n’était pas vide. Quand ils l’ont brûlée, il n’y avait personne,

ensuitej’aiassurélacoordinationaveclesPalestinienspourqu’ilspuissentvenirrécupérercequirestait.Jelesaiescortésetjelesaiaidésàdéplacerleursobjets.

Quiaprislesaffaires?LesPalestiniensquivivaientlà.C’étaitleurmaison.

Vousditesqu’ilyavaitdelanourrituredanslefrigo.Unefemmevivaitlà.Ellen’étaitpaschezellequandlesenfantssontentrés

pourbrûlerlamaison.ElleétaitdanssafamilleàAbuSneina,peut-êtreavecsonfilsouquelqu’undesafamille.

Ellevivaitlàauquotidien?Non.Ellevivaitlà,maispastouslesjours.Lamaisonétaitenordre,propre

même,maisest-cequ’onpouvaitdirequ’elleétait là toute lasemaine,ou touslesdeuxjours?Jenesaispas.Aprèsl’incendiedelamaison,ellen’étaitpluslà.

Vousvousêtesoccupédumarchédegrospendantcetteépoque?Lemarchédegros,j’yaifaitdutravailjuridique...Aprèsl’incendie,quiaeu

lieuen2003,j’aicommencéàbeaucouptravailleraveclescoloniesjuives,pas

avec elles, avec leur conseiller juridique, pour faire avancer la question descoloniesjuivesetéviterlaviolenceentravaillantencoopérationaveclapoliceisraélienne. J'étais membre de comité, un comité militaire qui réunissaitl’administration civile, la police, le conseiller juridique.On voulait trouver unmoyend’enrayer laviolence,quiavaitbeaucoupaugmentéen2003... ilyaeuuneexplosionsoudainedelaviolence.

Qu’est-cequiaprovoquécetteexplosionsoudaine?Jenesaispastropcequil’aprovoquée...aprèsl’incendiedecettemaison,il

yaeuunweek-enddeviolencesintense,jenesaispaspourquoi.Peut-êtrequ’ilyaeuunattentatterroriste,jenesaispas,maisc’estsûrqu’ils’estpasséquelquechose. Alors je me suis mis en colère et j’ai appelé XXX, j’ai parlé aucoordinateur des opérations auprès du gouvernement desTerritoires, et ils ontdécidédemettreenplaceunsystèmepours’enoccuper,maisleursystèmen’apasfonctionnéparcequ’iln’avaitpasdemordant.

Lapoliced’Hébronavaitdupouvoir?Non, lamoindredécisionpour réguler laviolenceau seinde lapopulation

juivedoitvenird’enhaut, lapolicenepeutrienfaire.Tudois justedécider, lecommissairedepolicedoitdire:«Stop.»Etpersonnene...

Mais il y a un représentant de la police dans le comité ? La police ne seplaignaitpasdesonmanquedemoyens?Ilsnedisaientpasqu’ilsnepouvaientpas travailler dans ces conditions ? Qu’ils avaient besoin de renforts ? Lereprésentantn’apasditcegenredechosesaucomité?

Non, iln’a rienditdecegenre.Lapoliceseplaint toujoursdumanquedemoyens,toujours,mais...Quellesétaientlesplaintesducomité?Lemanquedemoyens, alors ils ont discuté des jours où il leur fallait des hommessupplémentairesounon,commentrenforcerlecommissariat,commentnepaslerenforcer–desquestionsadministratives.J'étaisimpuissant,jen’avaisvraimentpasmonmotàdire.

133.Ilsfermentlesmagasinspalestiniensmêmesansinjonction

UNITÉ:ADMINISTRATIONCIVILELIEU:HÉBRONANNÉE:2001-2004

L’administrationcivileauntrèsmauvaisrapportaveclescolons.

Pourquoi?Ilsnoustraitentcommeuneautoritépalestinienne.

Etl’armée?Jevousaidit,lecoordinateurdesécuritédelacolonieestcommeunofficier

desopérations.Ilentredanslebureauducommandantdebrigadequandçaluichante, comme ça lui chante. Ils se parlent tout le temps. C’est comme ça. Ilparticipe à tous les points sur la situation, à toutes les discussions, il est aucourantdepleindechosesàl’avance.

Quel pouvoir ont les coordinateurs de sécurité sur les décisions prisespendantlesréunions?

Ils représentent une force de sécurité, ils sont traités comme tels. Ilsconstituent une équipe d’alerte qu’on traite comme une force de sécurité. Ilsémettentbeaucoupderequêtespendantlesréunions,untasderequêtes.

Vousavezassistéàcesréunions?Trèssouvent.

Vousvoussouvenezderequêtesspécifiques?Je n’étais pas avec , seulement avec XXX. Des requêtes spécifiques ? Je

croisqu’aprèslaroutedesPèlerins10,ilyaeudesdiscussionssurarmesoupasd’armes,combiend’armesetcommentlesutiliser...ilsontdiscutédeceschoses-là.

Ilsdiscutaientdesarmesqu’ilsallaientrecevoir?L’entraînementdesforcesd’alerte.Desdétailsmilitairestechniques.

Il yavaitdes requêtes concernant la fermeturedesmagasinsetdes routespalestiniennes?

Non, pour commencer, ce sont des lettres internes qui circulent dans lacolonie.Ilsremettentceslettrespersonnellementaucommandantdebrigade,etpendant la réunion d'évaluation de la situation, ils exposent leurs plaintes. Lalettrevadirectementaucommandantdebrigade,tunelavoispas,maistusaisquelleexiste.Ehoui,lescolonssesonténervésplusd’unefoispourl’ouverturedes magasins palestiniens dans la zone des routes de Shalala, il y a eu unepériodeoùonaessayéd’ouvrirlesroutesdeShalalaetc’étaittrèsdésagréable,les colons semontraient très désagréables pendant cette période. Pendant uneréunion,ilsontexigéunrepéragedelacasbah.Lescolonsdisaientquel’arméedevaitrepérerlacasbahpourvoirquellesfamillesyvivaient.Etilsl’ontfait.

Doncleursdemandessontacceptées?Oui,oui.

Ilsontfaitunrepérage...Çaacommencéparlà.Oui.

C’étaitquand?Çaacommencéen2003.Jenemerappellepascequisepassaitàl’époque,

maisilyavaituneraison.Personnen’aditquelleétaitcetteraison,maisc’étaitau moment où le comité pour l’amélioration de la vieille ville et l’Autoritépalestinienneontdécidéd’embourgeoiserlequartier.C’étaitverslafin2002,ilsvenaient de recevoir de l’argent dugouvernement suédois, alors ils ont décidéd’embourgeoiser le quartier.Quand on regarde, fin 2002, début 2003, on voitpleindefamillesdescampsderéfugiés,d’al-Fuarouailleurs,quiviennentvivreici.Ilyavaitpleind’argentlà-bas.

Quelsétaientlesrapportsentrelescolonsetlapolice?Dans la ville elle-même, ils ne sont pas très amicaux,mais plus onmonte

danslahiérarchie,pluslesrelationssontamicales.Allezvoir lecommissaireàEtzion,vousverrezqu’ilsontdebonsrapports.Lesrapportsamicauxn’existentpasauplusbasniveau,dumoinsd'aprèsceque j’aivu. Ilsn’étaientpasamisavecles[policiers]druzes.Maisplushaut,si.

Commentcelasetraduit-il?Je ne sais pas, je ne suis jamais resté à Etzion et je n’ai jamais parlé au

commissaireautéléphone,maisjesavais,j’aivuleslettresquelescolonieslui

envoyaient,çaveutdirequ’ilsavait,ilétaitencontactaveclescolons.Maisjenesaispascommentçasetraduisait.

Comment lemouvementàHébrona-t-il été contenu?Commentavez-vousagi?

C’était avantmon service. Quand je suis arrivé, la rue Shuhada était déjàmorte,laseulechosequiachangédanslequartierdeShuhadapendantquej’yétais,c’estquelestuilesdeFedesco[unestation-servicepalestinienneferméeen2000]sonttombées.C’esttout.Àpartça,rienn’achangépendantmonservicelà-bas.

Undangerpourlasécuritépublique...Oui,onnesaitpastropquilesajetées,maisonlesaramassées.

C’est-à-direquequandvousêtesarrivélà-bas,larueShuhadaétaitferméeauxpiétonspalestiniens.C’estencore...

Oui,c’estencorelasituationactuelle.

Quandvousêtesarrivésurplace,quivousl’aexpliqué?Cen’estpasquelquechosequ’onm’aexpliqué– tu t’en rendscomptepar

toi-même. Personne ne disait rien, ne te montrait rien. Après que Moshé «Boogie»Yaalon11estarrivéàlabrigade,ilssontallésréorganiserdesmagasinsquiavaientété fermés,avecousans injonction.Quand il estarrivéen2003etqu’ilanomméXXX,cen’estqu’àcemoment-làqu’onavuoù ilyavaituneinjonctionetoùiln’yenavaitpas.Avantça,ilétaitplutôtnaïfdepenserqu’ilyavaitvraimentuneinjonction.

Qu’est-cequevousvoulezdire?Bouguiest arrivéen2003, jeneme rappellepas, ilyaeuunchangement

politique,ils'estpasséquelquechose,jenemesouvienspas,qu’est-cequis’estpassé en 2003 ? Peut-être que c'était la hudna12, il y a eu un changementpolitiqueetilavisitélesbrigades,j’aifaitlaprésentationpourl’administrationcivile.

Uneprésentationsurquoi?Jenemerappellepas,pleinde trucs, la fonctionde l’administrationcivile,

etc.Tout,engros.IlaposédesquestionssurlamanièredecalmerlasituationàHébron,etj’aiévoquélesfermetures.Ensuiteilestvenuà...

Quelgenredefermetures?Fermer les magasins et les rues avec des injonctions, rendre les choses

officielles.Cen’estqu’àcemoment-làqu’onaprisconscienceduproblème.

Consciencequelesmagasinsetlesruesavaientétéferméssansinjonction?Oui.

Et qu’avez-vous découvert pendant l’enquête ?Quels endroits avaient uneinjonction?

Aucun.

Aucun,ycomprislesmagasinsetlesrues?Oui.

Alorsilsontémisdesinjonctions?Çadépend,danscertainscasoui,dansd’autresnon.Alorstutransmetslecas

auconseillerjuridique,quiditoùc’estpossibledefermerlesmagasinsetoùçanel’estpas,oùilyaunbesoindesécuritéimmédiatetoùc’estjusteunbesoindesécuriténormal...Ilhiérarchisaitlesbesoinsdesécurité,commedesanneauxautour des colonies juives. À la fin, c’est comme ça qu’ils ont émis lesinjonctions.

Pourquelsendroitsont-ilsémisdesinjonctions?Jenemerappellepas,c’étaitsélectif.Ilsontémisdesinjonctionspourtoutes

leszonesprochesdescolonies,jenemerappelleplustrop.

Vousvoussouvenezs’ilsontémisuneinjonctionpourlarueShuhada?Jenemesouvienspasd’uneinjonctionpourlarueShuhada.

Doncelleresteferméesansinjonction.S’ilyauneinjonctionaujourd’hui?Jenesaispas.Pendantmonservice,je

n’aipasentenduparlerd’uneinjonction.

Voilàlaquestion:Vousmenezuneenquêtedontlebutestde...L’objectifpremierdel’enquêteétaitd’allégerleschosespourlapopulation

palestinienne d’Hébron, à la lumière de la hudna et des autres événementspolitiquesquiavaienteulieu,nemedemandezpaslesquels.J’étaisresponsabledeça,j’aifaitunrepéragedeH213,[poursavoir]oùilyadesinjonctions,oùiln’yenapas.J’aiprésentémonrapportpendantuneréunion,oùlechefd’état-

majoraditquelesrésultatsquej’avaisobtenusétaientimpossibles,alorsBoogieYaalonaditaucommandantdebrigadedevérifier,etluiaussiadécouvertqu’iln’yavaitpasd’injonctions.Ilavaitdeuxsemainespourvérifier,puisestarrivéela réunion d’évaluation de la situation devant le général du commandementcentral,jenesaispascequis’yestpassé,jen’yétaispas.Puis,peuàpeu,ilsontcommencéàémettredes injonctions.Lecommandantdebrigadeaémis toutescellesqu’ilpouvaitpendantquatre-vingt-dixjours,dansdeszonestrèslimitées.Ensuiteilsontcommencéletravailadministratif,quiapristrèslongtemps,jenesaispass’ilest finiaujourd’hui.Àlafin, leschosessontrestées tellesquelles,mêmepourlesendroitsquin’ontpasd’injonctions.LaseuleexceptionétaitpourlesroutesdeShalala.

LesroutesdeShalala,c’estlaseulechosequiachangé.LesShalala...personnellement,jetrouvaisquec’étaitungrandpasqu’elles

aient rouvert. Je n’oublierai jamais le jour, un vendredi, où on a reçul’autorisationd’ouvrirlesroutesdeShalaladèsledimanche.

Quiadonnél’autorisation?Le général du commandement central. Il a demandé à tout le monde par

radiodedireauxcommerçantsde se rendresur lagauchede laplace,prèsduposte de police. Il y a six mille, huit mille personnes, et je leur crie dans lemégaphonedelajeep,toutseul,sansescortemilitaire,rien,commeunfoutoutseul, je leur dis qu’ils peuvent ouvrir leurs boutiques. Je crois que c’était undimancheouunlundi.Enfait,c’étaitunescènetrèsagréable.

Àpart les routesdeShalala, les endroitsquin’avaientpasd’injonctionetquin’enontpasreçupendantlaréorganisationsontrestésfermés?

Onn’apasfinilaréorganisationpendantmonservicelà-bas,etjenesaispascomment est la situation aujourd’hui, mais oui, ils sont restés fermés, sansinjonction.Ça,j’ensuissûr.

Etlesmaisonsfermées,ouleshabitantsquin’avaientpasledroitderentrerchezeuxs’ilshabitaientprèsd’AvrahamAvinu,parexemple?

Vous parlez des soudures? Oh... les soudures se faisaient sans injonction,puis elles se faisaient avec une injonction. Quand on a vu que des endroitsétaient à nouveau soudés sans injonction, ils ont commencé à émettre desinjonctions qui, si je neme trompe pas, venaient du commandant de brigade.Maisquandilssontvenussouderlesmaisons,ellesétaientdéjàscellées,alorsilsrecommençaient.Àcemoment-là,pluspersonnen’habitaitcesmaisons.

134.Àchaquefoisqu’ilsallaientévacuerl’endroit,unordrearrivaitduministredelaDéfense

UNITÉ:ADMINISTRATIONCIVILELIEU:HÉBRONANNÉE:2002-2003

Qu’est-cequevousvousrappelezdeHazonDavid14?ÀpartlesnuitsàHazonDavid,ellesm’ontachevé...

Lesévacuationsontcommencépendantvotreservicelà-bas...Jemerappellequejelesaiévacuésplusieursfois.Àchaquefois,onessayait

de lespiégerd’unemanièredifférente,vousvous rappelez ?C’était n’importequoi. Leur montrer qu’ils se faisaient évacuer ? On essayait toutes sortesd’astuces,çanemarchaitjamais.

Racontezunehistoire.Iln’yapasvraimentd’histoire,HazonDavidesttoujourslà.

Commentontcommencélesévacuations?Quand?Pourquoiest-cequeçan’ajamaisvraimentétéévacué–commentças’estpassé?

D’abord,jenemerappellemêmepascombiendefoisilsm’ontditd’évacuerl’avant-poste de Hazon David, mais au moins plusieurs, je crois. Il y a unjugementàcesujet.

QuandaétéfondéHazonDavid?Je ne me rappelle pas exactement. Pendant mon service là-bas, fin 2002,

début2003,quelquechosecommeça.Laraisonpourlaquelleils l’ontcrééestclaire. Ilsont toujoursrêvéderelier laporteouestdeKiryatArbaà lacoloniejuive.Ilsteledisaientenface.Laraisonpourlaquelleilsfaisaientçaétaitclaire.Hazon David est une histoire merdique... à chaque fois que l’armée allaitl’évacuer,leministredelaDéfensedonnaitl’ordredenepaslefaire.Àchaquefoisqu'ilsl’évacuaient,l’avant-posteréapparaissait,toujourslamêmehistoire.Jenesaispasquelleétaitl’embrouillelà-bas.Sijeservaislesintérêtsdelacolonie,j’auraispuvousraconterl’histoire,maisçanem’intéressaitpas.Jenesaispascequis’estpassélà-bas.

IlyaeudesfoisoùvousêtesallésévacuerHazonDavidetoùleministredelaDéfensevousaordonnédenepaslefaire?

Lesoiroùonétait censés l’évacuer, ilsont annulé l’opérationune fois, ilsl’ontannuléeunedeuxièmefois,etlatroisièmefoisonl’aévacué,maisl’avant-posteaétéremisenplacelelendemain.Jenemerappellepascequis’estpassélà-bas.J’aiperdutellementdenuitsàHazonDavid.

Vous saviez depuis le début que l’avant-poste se trouvait sur un terrainpalestinienprivé?Unepropriétéprivée?

Cen’estpaspertinent,jenemerappellepas,jenesaispasquoivousdire.Jene sais pas à qui appartenait la terre, je neme rappelle pas.Mais ça n’a pasd’importance.

PourquoiHazonDavidn’est-iltoujourspasévacué,vousavezuneidée?Parceque...écoutez,voilàcequis’estpassé.Mi-2003,plusieursmembresde

laKnessetontvisitélacoloniejuived’Hébron,aprèsqueHazonDavidavaitétécréé,vouspouvezvérifierlesdocuments.J’aiescortéleurvisite.TzachiHanegbiétait là,RubyRivlin15et toutessortesdegenscommeeux.EtilyavaitHazonDavid, un fait établi. Écoutez, quand on reçoit une légitimation verbale d’unmembredelaKnesset...

DesmembresdelaKnessetontrenduvisiteauxcolons?Ilsontvisitétoutelacoloniejuive,ilsontfaitletour,laporteouest,ilsont

vraimentfaitletourcomplet.

IlssontvenusàHazonDavidetontdit...JemerappellequeTzachiHanegbiaditquel’undesbutsétaitderelier la

porteouestàlacoloniejuive.Iladitçaauxchefsdelacolonie.Regardezdansunjournal,Haaretz,decettepériodeetvousverrez.Àunmomenten2003.

135.Ilsm’ontcrachédessusetm’ontinsultéUNITÉ:RENSEIGNEMENTSSURLETERRAINLIEU:ELONMOREHANNÉE:2006

Auboutdeplusieursmoisàaccomplirdiversesmissions,vousavezsuivilaformationdecommandantd’équipe,puisvousêtespartiàNaplouse.Quelgenred’opérationsmeniez-vouslà-bas?

OnétaitaussiàElonMoreh,là-baslesopérationsconsistaientàprotégerlacolonieelle-même,àladéfendrecontrel’activitéterroriste.

Commentfaites-vousça?On surveille les montées qui mènent à Elon Moreh, et tous ceux qui

s’approchentdelacolonieparenbassontsuspects.

Qu’est-cequevousleurfaisiez?Jepeuxvousraconterdeshistoiresdecesecteur,maispendantmonservice

là-bas,personnen’estmontéàElonMoreh.

Maisquelsétaientlesordressiquelqu’uns’approchait?Situidentifiesunsuspect,tutirespourtuer.S’ilestarmé...tutirespourtuer.

Sic’estjustequelqu’un...tudéploieslesunités,lecoordinateurdesécuritédelacolonie,tousceuxdonttuasbesoin.

Vousdéployezuneunitécivile?LecoordinateurdesécuritéestcommeunemployédeTsahal.Entoutcas,il

estliéàl’arméeetilreçoittouslesrapportsradio.

Enthéorie,sivousvoyezunepersonnemonterlacôtesansriensurlui,vousinformezlecoordinateurdesécurité?

Non, d’abord tu informes le centre d'opérations de la brigade. Mais lecoordinateurestlepremieràréagir,c’estsonrôledanslacolonie.Jepeuxvousdirequ'unefoisonaidentifiédeshommesarmésquimontaientlacôte,maisilsetrouvequec’étaientdesgensde lacoloniequiavaientdécidéd’entraîner leursenfants là, une sorte de camp d’entraînement où ils leur apprenaient às’introduirediscrètementdansdesendroits. Ilsnesesontpascoordonnésavec

l’armée,biensûr,etçaacrééunsacrébazar.

Quiétaitarmé?Lesadolescentsetleuréducateur.

Quelâgeavaientlesadolescents?Dequinzeàdix-septans,quelquechosecommeça.

Etques’est-ilpassé?Onl’arapportéaucentred'opérations,ilsontenvoyéuneéquipeetàlafin

touts’estbienpassé,jenemerappellepasexactementcequiestarrivé,maislesgarsqu’onavait identifiésétaient israéliens,alors ilnes’est rienpassé.C’étaitassezstupidedeleurpartdefairequelquechosecommeça,parcequ’uneautreunitéleurauraittirédessus.

Quellesautresmissionsmeniez-vousàpartça?Depuis le poste d’Elon Moreh, tu surveilles aussi les quartiers est de

Naplouse,etlàtuaccompagnesessentiellementdesarrestations.Ladistanceestassezimportante,doncengrostuassureslasécuritésurlestoits,lesfenêtresettuaccompagneslesarrestations.Etbiensûr,sécuritévolante.

Qu’est-cequeçaveutdire?C’estunemissionfixe,cen’estlerésultatderiendespécial,c’estjusteune

unité militaire qui protège les colonies, qui assure la sécurité des coloniesenvironnantes, qu’il s’agissedeGidonim,Yitzhar,HarBrachaouElonMorehelle-même.Essentiellementdelasécuritévolante.C’estplusoumoinslegenred’opérationsqu’onavaitlà-bas.

Etvousavezassistéàdesactionsdecolonsdanslarégion?Une fois, par exemple, on était censés assurer leur sécurité pendant une

randonnée unmatin de Shabbat, dans la vallée entre deux villages. Toute unecompagnie a été affectée à leur randonnée rien que pour assurer leur sécurité.Vraiment, je parle de familles qui vont pique-niquer.Une unitémilitaire les aescortésparcequeleurrandonnéetraversaitunezonepalestinienne.Onassuraitleursécurité.

Ils ont vraiment mis en place une unité de reconnaissance et une escortejustepourlarandonnée?

Oui.

VousétiezstationnésprécisémentàElonMoreh?Unepartiedel’unitéétaitàElonMoreh,l’autredanslabrigadecentrale.

IlyaeudesmissionsoùvousétiezstationnésàYitzhar,parexemple?Oui.L'unité stationnée àElonMoreh reste àElonMoreh.Ellen’enbouge

pas. L’unité de la brigade centrale va àYitzhar,HarBracha,Gidonim, un tasd’endroitsdanslesecteur.

Vousavezrencontréunevéritableactivitéterroristependantquevousétiezdanscescolonies?Destentativesd’incursion,desactionspourbrûlerleurterre?

Non.Jenesuispasrestélongtemps.J’imaginequ’ilyaeudeshistoiresdecegenre,maispaspendantmonservice.

Etlecontraire?LescolonscontrelesPalestiniens?Non.Paspendantmonservice.Maisilyavaitdeshistoiresquicirculaient...

c’était une période relativement sensible en ce qui concerne les relations deTsahalaveclescolons,parcequec’étaitaprèsledésengagement.Jemesouviensd’unehistoire.Jen’étaispaslàquandc’estarrivé,maisJ’aientendudirequelesous-commandantdelabrigaderégionaledeSamarieestarrivéàunséder16dePessahavecunœilaubeurrenoirqueluiavaitfaituncolon.Ilyavaituntasdeconfrontations comme celle-là. Ce genre de choses arrive, même sipersonnellement je n’y ai pas assisté. Il y a des histoires sur des colons quivandalisent du matériel militaire, crèvent des pneus, et il y a eu une histoireterribleàYitzhar,quiaconduitl’arméeàretirersondétachementdesécuritédelacolonie.Descolonsmasquéssesontapprochésdelaporte,ilyavaitunsoldatdu détachement de sécurité, les colonsmasqués l’ont frappé et lui ont pris saradio.Ças'estpasséquelquesmoisavantmonarrivée,jecrois.Monexpériencepersonnelle, c’est que, une fois, à ElonMoreh, j’allais courir dans la coloniequand j’ai reçu un crachat et je me suis fait insulter. Les colons disaient deschoses du genre : « Un Juif n’expulse pas un Juif », etc. C’est vraimenthypocrite,parcequed’uncôté ils t’amènentdugâteau, etde l’autre tu sens latensionettusupportescequetusupportes.Sijevoulaisquequelqu’unm’amènedepuislecarrefourdeTapuach,cequiestinterditmaistoutlemondelefait,unhabitantde l’unedescoloniess’arrêtait,et lapremièrequestionqu’il teposait,c’estoù tuétaispendant ledésengagement.C’estunpeu le ticketpourmonterdanssavoiture.Soittutejustifies,soittucachesdesinformations,soittufaiscequej’aifait:tuclaqueslaportièreettuluidisdecontinuersaroute.

Vous en avez parlé à vos supérieurs ? Que les colons vous crachaientdessus.

Tu leur racontes ce qui s’est passé, mais le sous-commandant de brigades’estfaitfrapperpardescolonsàYitzhar.Toutlemondesaitquelasituationesttendue. Naplouse, ElonMoreh, Gidonim, Itamar et Yitzhar sont connus pouravoirétélessecteurslesplusdurs,vraimentunendroitdifficile.'Arieln’estpascommeça.Tuconnaislecaractèredelapopulation,alorstuessaiesdecauserlemoins de frictions possible. Les colons visitaient les postes, alors l’armée ainterdit auxcivilsd’ElonMorehde s’approcherdespostes. Il y enaplusieursparlà-bas,etjecroisquel’ordrelesconcernaittous.

136.IlspiétinentlesmitsvotetlamoraleUNITÉ:UNITÉDUPORTE-PAROLEDETSAHALLIEU:YITZHARANNÉE:2005

Pendant votre service, y a-t-il eu des incidents inhabituels qui vous ontvraimentlaisséuneimpression...?

Oui.Lepremieraétél’évacuationdel’avant-postedeShalhevetYitzhar,le3janvier2005.C’estlapremièrefoisqu’ilyaeudevraiesphotosdel’événement.Je n’avais jamais rien photographié de vraiment journalistique avant, où lesévénementsétaientsiintensesetsidétaillés.Vousvoulezquejevousdécrivecequis’estpassé?

Oui.Pourquoiavez-vouschoisicetévénementenparticulier?Parce que l’incident m’a affectée personnellement, parce que j’étais

impliquée,jen'étaispasjusteunespectatrice.Etaussiparcequec’estvraimentlapremièrefoisquejemesuisretrouvéedansunesituationaussiintense,çam’apousséeàm’intéresserà lasituationpolitiquedupays.Pourquoisommes-nouscommeça,commentensommes-nousarrivés là,quisontcescolons,commentsont-ilsdevenusaussipuissants,quisontcesgens,quesepasse-t-illà-bas?

Vousnesaviezpastoutçaavant?Çam'intéressait,maiscen’étaitpasmaprincipalepréoccupation,jen’allais

pasliredeslivressurlesujet.Maintenant,j’ensuisaupointoùchaque–enfin,çan’exprimepasvraimentleproblème–maischaquefoisquejevoisuncolondanslarue,jemeretourne...Donc,ques’est-ilpassélà-bas?Jesuisarrivéelematinavecl’équipedephotographie–uncameraman,unpreneurdesonetunephotographe.J’étaislaphotographe,onestpartisavecunconvoidesoldatsdelacolonie,depuislagrilledelacoloniejusqu’àl’avant-postequisetrouvaitunpeuplusbas.Bon,àunmomentons’est trouvésséparésduconvoi.Enbref, ilyaune pente qui descend vers l’avant-poste, qu’ils évacuaient et où il y avait unbazar sans nom. Quand on est arrivés, c’était le chaos, les coups pouvaient,c’étaitlemassacre.

EntreTsahaletlescolons?EntreTsahaletlescolons.

Lapoliceétaitlà?La police était là, ils avaient amené un tas d’engins lourds pour évacuer

l’avant-poste, qui se résumait à une caravane. Puis à un moment, on s’estretrouvésséparéssurlapente.Lessoldatssesontéloignésdenouspendantqu'ondescendait.L’équipephotonebougeaitpas, lecameramanetlepreneurdesonsetenaientenhautdelapenteetilsfilmaientquelquechosequinem’intéressaitpas,alorsj’aicommencéàdescendre.J’étaisseule,j’avaisunappareilphotoetununiforme,ilsontvuquej’étaisunesoldate.Pendantquejedescendais,cinqousixcolons sont arrivés, ilsm'ont entouréeet se sontmisàmecrierdessus.L’équipephotonemevoyaitpas,lescolonsm’entouraientetmecriaientdessus,je ne pouvais pas dire unmot, je suis restée là sans bouger et sans rien dire.J’avais deux appareils photo, un autour du cou et l’autre à l’épaule, et à unmoment l’undescolonsaattrapéceluiquipendaitàmonépauleeta tiré. J’aitiré,ilatiré.Çaacontinuépendantunedizainedesecondes,saufqu’ilétaitplusfort. Il l’a pris, s’est enfui et voilà. Ensuite je me suis mise à crier, je crois.J’étaisplutôtchoquée.

Ilsvousonttouchée?Non,mais la situation faisait peur. Ilsm’ont entourée et je nepouvaispas

parlernibouger.Maisjemerappellequej’aiétépluschoquéeparcequ’afaitunsoldat.Ilyavaitunsoldatprèsdemoi,j’aicommencéàluidire:«Aide-moi,ilsm’ontvolémonappareilphoto»,etengros il– j’imaginequ’ilavaitpeur,parcequ’iln’arienfait–,engrosilestparti.

Ilestparti?Oui, il est parti. Ensuite j’ai commencé à crier à mes amis de l’unité : «

Venezvoir»,etilssesontmisàcourir.

Commentavez-vouscontinuéàtravaillerensuite?J’avaisunautreappareilphoto.

J’imaginequevousn’avezpasphotographiélafoule.Enfait,çam’adonnéenvie.Jevoulaisencoreplusprendredesphotosaprès,

parcequeçam’avaitmisehorsdemoi.Ensuiteje...j’étaistoujourssouslechoc,mais j’étais hors demoi, ilsm’énervaient.Qu’est-ce que ça veut dire ?Toutecettemorale qu’ils prétendent avoir, ils la jettent juste comme ça. Toutes cesmitsvot17etcettemoraleaunomdesquellesilsfonttoutça,ici,ilslespiétinent.Vousvoyez?

137.Dansl’administration,lescolonsfontcequ’ilsveulent

UNITÉ:ADMINISTRATIONCIVILELIEU:GÉNÉRALANNÉE:2000-2002

Vousavezeuaffaireauxquestionsqui touchaientauxavant-postes età laterre?

Non. Personnellement non, c’était le domaine de toute l’administration.Mettons que 90 % du travail se fait au niveau du quartier général, dans labranchedesinfrastructures.Lechefdesinfrastructures,unlieutenant-colonel,aétéarrêté.C’étaituncolon.Ilaétéarrêtéparcequ’ilavendudesterres,dontlespropriétaires étaient absents, à des Juifs. Là-bas, tout est corrompu jusqu’autrognon,parcequecesontdescolonsquifonttoutcequ’ilsveulent.

Lesgensquitravaillentlà?Oui. C’est choquant. Vraiment. Je pense que tout le monde le sait. Je ne

comprendspaspourquoiiln’aétéarrêtéquemaintenant.

138.Évacuerunavant-poste?ÇaprenddesannéesUNITÉ:ADMINISTRATIONCIVILELIEU:GÉNÉRALANNÉE:2007

Tu reçois des appels de chefs de colonies : « Pourquoi vous avez fait ci,pourquoivousavezfaitça?...»

Commentça?Ils veulent savoir pourquoi nous n’approuvons pas tel ou tel plan de

construction,oupourquoilaconstructionestretardée.

LeBCDapprouvelesplansdeconstruction?L’administration sert d’autorité de planification, elle est responsable de la

planification et de la construction dans les Territoires, comme son noml’indique,l’administrationcivile.Onrecevaitaussidesplaintesdel’autrecôté:pourquoi vous n’évacuez pas cet avant-poste, pourquoi vous n’évacuez pascelui-là?

Desplaintesde...D’organisations de gauche, oui. Pourquoi l’administration n’évacue-t-elle

pastelleoutellemaison?Dansl’administrationcivile,onvoitvraimenttouteslescomplexitésd’unequestion,parcequ’ons’occupedetoutcequisepassesurplace,onreçoitdesrapportssurtoutcequisepasse.Tuvoislabureaucratie,àquelpoint l’administrationestfermementretranchée.Onest làdepuisquaranteans,bonsang...annexezoupartez.Israëlnepeutpascontinuercommeça,ilyatellement...VoussavezquelaloidanslesTerritoiresn’estpasisraélienne.Elleestjordanienne.

Jordanienne?Jecroyaisquec’étaitunhybridedeloiisraélienne...Non,c'estcommeça,c’estlaloijordanienne.

Pourquelscas?Pourtouslescas.Peuimportelesquels.

Lesaffairespénalesaussi?Aussi.Mais les ordonnances de sécurité signées par le major général, les

injonctionsdumajorgénéralpeuventpasseroutrelaloijordanienne.Engros,lemajor général dirige la région. Bon, pour les questions de planification et deconstruction,laloiestjordaniennedanstouslescas.C’est-à-direquepourtoutleprocessusdespermisdeconstruire–pastous,ilyaaussidesordonnancesquiarriventaprès–,maislaloijordaniennerestelafondation.

Vousapprenezvraimentlaloijordanienne?Non.Maiscertainesautoritésdel’administrationlefont.Ledépartementde

planification la connaît parfaitement. Alors tu comprends qu’en gros... c’estcommeunpurgatoirequiduredepuisquaranteans.Iltefautuneinfinitéd’avisjuridiquessurchaquesujet,etrienn’estjamaisfait.Ilyaunetelleagitationqu’àlafintut’énerves,mêmesitufaispartiedusystème.«Allez,décidez-vous,bonsang!»L’administrationnedéciderien.

Qu’est-cequevousvoulezdireparlà?Ils ne décident rien, ils discutent, ils discutent, ils discutent sans jamais

prendrededécision.

Desdécisionsàquelsujet?Touslessujets:construction,planification,eau,électricité.

Maisencequiconcernelesavant-postesillégaux,d’aprèscequejevoissurleterrain,c’estassezrapide.

C’estcompliqué.Trèscompliqué.

Quoi?Pourlesroutes,l’électricité...Évacuerunavant-poste,c’estcompliqué... trèscompliqué.Ilfautsoumettre

des injonctions, puis ils peuvent faire appel de l’injonction, ensuite ça passedevantlecomitéd'appelmilitaire,çarestebloquélàpendantdesmois,parfois.Etunefoisquetureçoisl’approbationpourévacuer,ilsvontàlaCoursuprême.Et là il fautattendreque laCoursuprêmeait terminé.C’estcompliquéet tu tedis : « Je vais prendre un bulldozer et le détruire moi-même pour mettre unterme à tout ça. » Il y a des avant-postes qui génèrent sept, huit, neuf, dixclasseursdecorrespondancejuridique.L’avant-postedeBeruchina...dansmonbureau,ilyavaitdixclasseursetleconseillerjuridiqueenavaitencoreplus.

Leprocessusd’évacuationestvraimentsicompliqué?Oui.Cesontdesprocessuslégauxcompliqués, ilfautprouverbeaucoupde

chosespourqu’ilsvouslaissentévacuer.

Maisvousavezdescartesquimontrentquelesavant-postesnesontpassurvotreterre...cen’estpassimple?

Pas du tout. Il y a beaucoup de choses que je ne peux même pas vousexpliquer.

Vousvousêtesoccupédesavant-postesdanslescollinesd’Hébronsud,parexemple?

Pastrop.Jem’occupaisplusdeBeruchin...enprincipe,ilyaplusieurstypesdeterre.Ilyalaterred’État,abandonnéeengénéraletgéréeparl’autoritédesterresd’Israël.Etpuisilyalesterresprivées–juivesetpalestiniennes.

En termes juridiques, lepremier typede terreest-il lemême,mettons,quedanslesrégionsdeHaderaetdeModi’in,àNetanyaetàRishonLezion18?

Laterred’État?Entermesdeplanificationetdeconstruction?

Oui.Non. Il y a plusieurs autres choses.On ne peut pas construire unemaison

danslesTerritoirescommeàHadera.

Quelleestladifférence?Ilfautl’accordduministredelaDéfenseetuntasdechosescommeça.Mais

les avant-postes les plus problématiques sont ceux construits sur des terresprivéespalestiniennes.Çadevraitêtreplussimple,enfait,maisc’estbeaucouppluscompliqué.Mettonsquejeconstruiseunemaisonsurlaterred’État...l’Étatvientmefaireunprocèsparcequej’aiconstruitunemaisonillégalement,maisilnes’enpréoccupepasvraiment.C’estmoinsproblématique.Leproblèmeleplusurgent est d’évacuer les avant-postes sur les terres privées palestiniennes. Etmenertouteslesprocéduresrapidementestimpossible.

Pourquoi?C’est impossible. Parce que c’est protégé par la loi. Je vous présente une

injonctiond’évacuerlamaison,vousmedites:«J'ailapreuvequelaterreetlamaisonsontàmoi.»Venezleprouver.Vousmesoumettezlapreuveetjedoisattendre.

Maislapreuve...quellepreuve?Lespreuvesnesontpasdéfinitives,parcequen’oubliezpasquelescartesde

1948nesontpasexactes.C’est-à-direquelescartesquimontrentladélimitationdesterresnesontpasexactes.

Maisvousavezdescartes...Ellesnesontpasprécises.

EtleBCDn’apas...Iln'existepasdecarteprécise.

Alorscommentpouvez-vousfairevotretravail?Ilexistedevieillescartes,ilyacequ’onappelle«l’équipedelalignebleue

».L’équipedela lignebleueestuneunitéquiredéfinit lesfrontières,avecdescorrections, de toutes les terresdans lesTerritoires.En finde compte, elle estcenséeredéfinirlesfrontières,paspourleszonesoùiln’yapasdeconflit,maisdanslamajoritédeszonesàproblèmes.Parexemple,ilyadescoloniesquiontétéconstruitessurlabased’injonctionsmilitaires.C’estuntoutautreproblème.

Descoloniessurlabased’injonctionsmilitaires?Ma’aleEfraim...uneinjonctionmilitairedesaisie.

Qu’est-cequeçaveutdire?Uneinjonctiondesaisie.L’arméeprendpossessiondelaterre.

Maisilyaunebaselà-bas.Non,ilsontconstruitunecolonie.

Aveclesoutiendel’armée?Surlabased’uneinjonctionsignéeparlemajorgénéral.Lemajorgénérala

signé l’injonction de saisie pour une certaine portion de terre, et ils y ontconstruitunecolonie.

C’estunprocessusquiavancerapidement?Oui. Bien plus rapidement. Dès que l’injonction est signée, il suffit de

soumettre les plans de construction, qui sont approuvés sur la base del’injonction.Parcequec’estuneinjonctiondesaisie.S’ils’agitd’uneprocédurecivile,c’estbienpluscompliqué.

Maisl’injonctionfaitautoritésurquelleterre?Seulementsurlaterred’État.

Ilyaplusdeterred’Étatquedeterreprivée?Oui,beaucoupplus.

Mettons que je vienne vous voir avec un groupe de personnes et qu’onveuillefonderunecolonie.Quesepasse-t-ilsijevienssansinjonction?

Sansinjonction?

C’est ça.Ce n’est pas une longue procédure ?Vousme suggéreriez de lefaireavecuneinjonction?

Mais ils ne donnent pas d’injonctions. Elles n’existent plus, elles neconcernent que les bases. C’est un problème juridique d’approuver uneinjonction pour construire une colonie. Maintenant il y a seulement uneprocédurejuridique.

Quiestlamêmepourtoutlemonde?Oui.Maisleschancesquevotreplandeconstructionsoitapprouvédansles

Territoiressonttrèsfaibles,parcequ’ilyatoujoursdesterresprivéesaumilieu.Mettonsquec’estlaterrepourmacolonie.J’aimisaupointunplansurtoutelaterre,mais il y a une terreprivée... ils n’approuveront pas le plan.Essayezdetrouverunterrainquinecontientpasdeterreprivée.Bonnechance.

Maisonconstruitquandmêmedescolonies.Ilsneconstruisentplusdecolonieslégales.

Etlesquartiersd’Efrat,parexemple?Jenemerappellepasexactementquelestlestatutd’Efrat.

Çasefaitcolonieparcolonie?Oui,maisleplandeconstructionexiste,donciln’yaaucunproblèmepoury

faire des ajouts. Si vous avez unplan de construction approuvé, alors il n’y aaucunproblèmepour bâtir unnouveauquartier, s’il est approuvé. Il vous fautégalement un permis de construire,mais ils vous le donneront – parce que leplan a déjà été approuvé.On ne construit pas de nouvelles colonies, on étendjustelesanciennes.Iln’yapasvraimentdenouvellescolonies.

EtGiva’atSal’itaunord?JecroisqueGiva’atSal’itestunavant-poste.

C’estconsidérécommeunquartieréloigné.Maisc’estunavant-poste.Giva’atSal'itestunavant-poste.

Ilestlàdepuisdesannées...çaprendvraimentdesannéespourl’évacuer?

Ilyaunordred’évacuationpourGiva’atSal’it?Jenesaispas troppourGiva’atSal’it.MaisMigron,prèsdeRamallah,est

unavant-postesur lequel ilexisteunordred’évacuationdepuis troisouquatreans,etl’affaireesttoujoursàlaCoursuprême.

Ilyaeudesdécisionsde laCourSuprêmependantvotreservice? Ilsontévacuédescolonies?

Quelquescaravanes,deschosescommeça.J’enaiferméquelques-unes.

Lesquelles, vous vous rappelez ? Par exemple, j’étais à l’évacuation deGiladFarm.

Non.Qu’est-ce que c’était, Gilad Farm ?Une caravane, pas une structurepermanente.

Maistouslesavant-postessontessentiellementcomposésdecaravanes.Qu’est-cequevousracontez?

Commentpeuvent-ilsmonterausommetd’unecollineautrement?Ofra19estungrosavant-poste.

Ofraestunavant-poste?Lamajoritéd’Ofraestunavant-poste.Vouspensezqu’onpeutévacuerOfra

?

Non.Jamaisdelavie.

Mais d’un point de vue administratif, je ne comprends pas ce qu’est unavant-poste.Sivousmedisiezqu’Ariel20estunavant-poste,jevouscroirais.

Ariel est légal à 90 %. Il y a quelques maisons isolées dans la zoneindustrielle, ce n’est pas qu’elles sont illégales, mais il y a une sorte deproblème.MaisArielestlégal.

Maisvousm’avezditqu’Ofraestunavant-poste.C’esténorme.Toutelacolonieaétéconstruitecommeunavant-poste.

Quand?Ilyavingtans.

Ilyavingtans?IlyadesaffairesdelaCoursuprêmequiremontentàvingtans?

Il n'y a pas d’affaire. Personne ne l’évacuera.Où est-ce que vous vivez ?Tout lemonde sait que c’est illégal,mais personne ne l’évacuera.On ne peutpas.Onnepeutpasévacuerdesendroitscommecelui-là.

139.OnnesavaitpastropoùcommençaitlacolonieUNITÉ:BATAILLONCARACALLIEU:COLLINESD’HÉBRONSUDANNÉE:2008

QuelleaétévotreexpériencedanslesTerritoires?J’yétaispendantmaformationd’officierdeposte.

C’étaitquand?ÀChavouotdernier.Jemerappelleparcequec’étaitunefête.

Vousyétiezentantqu’élèveofficier?Oui.

Pourl’entraînementd’officierspécialisé?Oui.

Etdansquelbutavez-vousétédéployé?OnnousaamenéslàpourprotégerlacoloniedeSusiya.Ilyavaitégalement

des élèves féminines non combattantes dans notre groupe, qui avaient étécommandantes d’équipe pendant les classes et avaient suivi la formationd’officier.C’étaitunpeubizarredemonterlagardeavecelles.

Pourquoi?Parce que, habituellement, elles ne montent pas la garde. Elles ne

connaissentpasvraimentlaroutine,ledébriefing,recevoirlesinstructionssurleterrain,cegenredechoses.Çanefaitpaspartiedeleurvie.

MaismonterlagardeàSusiyafaisaitpartiedelaprocéduredesécuritéderoutine,non?

Oui.Onétaità l’intérieurd’unecolonie.Onnesortaitpas.C’est justementça... c’est une colonie un peu bizarre, surtout étant donné l’endroit où elle setrouve.Ellesoulèveuntasdequestions–s’iln’yavaitpastoutescessituationslà-bas,çapourraitmêmeêtreunendroittrèsjoli.Çavousfaitréfléchir.Touteslesquelquesheures,tuvasmonterlagardeetturéfléchis.Etpuis,pendantnotrepremière tournée, pour nous familiariser avec les postes de garde, le

coordinateurdesécuritédelacolonieaessayédenousdéfinirunelignerouge,uneligneverte,etc.

Commentça?Oùlesbergerspeuventfairepaîtreleurtroupeaudanslevillagesurlacolline

d’enface,oùondevaitlesarrêter.Oùlacoloniecommenceetoùellefinit.

Leslimitesdelacolonie?Oui.Susiyan’apasdegrillage,c’estunecoloniesansgrillage.Parcequeça

coûtecheretaussiparcequec’estunecolonierudimentaire.

Le coordinateur de sécurité vous a expliqué pourquoi ils n’avaient pas degrillage?

Oui.D’abordparcequ’ungrillagen’empêchepasvraimentlesgensd’entrer,çanefaitquelesretarder–ceuxquiveulentvraimententrertrouveronttoujoursunmoyen.Ensuite,parcequ’ilsveulentsentirqu’ilsn’ontpasbesoindegrillage.C’est une sorte de déni du danger. Et vu la façon dont il a défini les choses,quelleslignespeuventêtrefranchiesounon,onnesavaitpastropcequifaisaitounonpartiedelacolonie.Mêmes’ilavaitdit:«Lacolonieseterminelà,danslewadi,maissivousvoyezquelqu’unsurlacollineenfaceduwadi,vousdevezquandmême l’éloigner. »D’un côté, il est évident que c’est pour cette raisonqu’ils font ça, que c’est comme ça : ils font très attention que personne n’oseentrerdans leur colonie, ilsneveulentpasattendreque lapersonne franchisseeffectivement la limite.D’un autre côté, qu’est-cequimedonne ledroit, ou àeux,dedireàquelqu’un:«Quittezcettecolline»?

Lescollinesoùl’onvoitlecairnderochers?Oui,làoùilyaletroud’eau.

Doncvousêtesstationnélà,ouest-celecairnquimarquaitlalimite?L’inverse...Ilyavaitunposteoùlalimiteétaittrèsincertaine.Leterrainest

plusbasetenfait leposteneprotègequ’unefamille,dontl’undesmembresaétéassassiné.

DesJuifs?Oui.Ilssontdelacolonie.Leposteestjusteàcôtédeleurmaison.Àcause

decequileurestarrivé,lepostedegardeaétéplacéjustelà,pourleurdonnerun sentiment de sécurité.C’est sur la partie la plus basse de la crête.Donc ladéfinitiondelàoù[lesPalestiniens]n’ontpasledroitd’allerest:partoutoùtu

lesvois.

C’estcequ’aditlecoordinateurdesécurité?Oui.Jusquelà-bas...

Àl’intérieurdeslimitesdelacolonie,ilyaquelquechosequiappartientàquelqu’und’autre?Untroud’eau,unarbre,unverger?

Jenecroispas.

Desmaisons?Jenecroispas.Iln’yavaitrien.

Iln’yavaitpasunseultroud’eaudanslazonequevoussurveilliezquiétaithorslimite?

Jenecroispas.

Vousconnaissezleterme«zonedesécuritéspéciale»?Qu’est-cequeçaveutdire?

Le coordinateur de sécurité ne vous en a pas parlé ? Combien de tempsavez-vousmontélagardelà-bas?

Une semaine. Tout était très vague. Qu’est-ce qui appartenait à qui, si çafaisaitpartiedelacolonieounon,parcequesansgrillage...Moi-même,jeneluifaisaispasconfiance.Ilétaitunpeuchafouin,tunesavaispasquandiltedisaitlavéritéetquandiltedonnaitsapropreinterprétation.Jenesaispas.

Ilyavaitunecartequevouspouviezconsulter?Non.

Unesalledebriefing?Non.

Quiétaitlecommandantdanslacolonie?Notrecommandantedelaformationd’officiers.

Etellevousamontréunecarte?Quevousa-t-elleditpendantlebriefing?Onn’avaitpasdebriefings.Elleétaitdelapolicedesfrontières,ilsnefont

pasdebriefingsdeposte.Ilsn’enfontpasdutout.

140.C’étaitsacolonieetlefaitestqu’onétaitsessubordonnés

UNITÉ:BRIGADEGIVATILIEU:GUSHETZIONANNÉE:2007

Ils ont construit de grossesmaisons pour les colons,mais les colons n’ontpasemménagédedanspournepasdevoirpayer l’impôtsur lerevenu,alors ilsont continué à habiter gratuitement à côté des bâtiments qui avaient étéconstruits pour eux.Un endroit gris, sans couleur, des religieux quimarchenttête baissée.Un endroit bizarre et déprimant, avecun coordinateur de sécuritéqui avait des cicatrices de la guerre du Vietnam. On était quatre et uncommandantdesectionquiestpartiauboutd’unejournéepourrevenirleweek-end.Unautretypeetmoicommandions.Lecoordinateurdesécuriténousafaitclairement comprendre que c'était sa colonie, et effectivement on était sessubordonnés.

Ilvousabriefésaudébut?Oui.

Qu’est-cequ’iladit?C’étaitcommedanslesfilms.Jenemerappellepassonnom,maisiladit:«

J’ai servi au Vietnam, j’étais dans lesMarines et je vois que vous êtes dansl’infanterie,c’estbien,parcequej’aideuxgarçonsdanslaGolani.»Ilnousaditquesiquelqu’unvoulaitentrerdanslacolonie,ondevaitvérifiersespapiersetques’ilétaitarabe, ilnepouvaitpasentrer. Ilcommenceàdire :«Jevois lesgens au loin, s’ils veulent entrer, je leur tire dessus. » Il dit : « Si les gensarrivent en taxi, il faut vous assurer que le chauffeur soit juif, parce que, unefois,quelqu’undelacolonieaprisuntaxiàJérusalem,ilneconnaissaitpaslechauffeur, le chauffeur est entré et je l’ai surpris dans la crèche en train dechercherdestoilettes.Jesuisallélevoir,ilcherchaitdescouteaux,jel’aienvoyéaudiable, jene laissepersonneavecunnomarabeentrerdans...»Ce typeestfou.

Quefaisiez-vouslà-bas?Onmontait la garde.On attendait que des gens essaient d'entrer, personne

n’estvenu.

C’étaitcalme,là-bas.Oui.Unefois,aveclesjumelles,onavuqu’àtroiskilomètresdelacolonie

un garçon amenait son troupeau de la zone d'Hébron vers la vallée. Lecoordinateurdesécuritéestvenu,ilamisunchargeurdanssonarmeetl’avidédanssadirection,commesiçapouvaitporterjusque-là.

Ilatirédansladirectionduberger?Oui. Il a dit : « Cet Arabe collecte des informations, il veut infiltrer la

colonie. »On le voyait à peine. La brume venait de se lever, alors on devaitprendrelesjumellespourlevoir.

Ilavidéunchargeurentierversunepersonneàtroiskilomètres?Oui,cetypeétaitfou.

Vousavezvulegarçonensuite?Il ne s’estmêmepas rendu compte que quelqu’un lui tirait dessus. Il était

prèsd’Hébron,ilsvidentdeschargeurstoutelajournée,là-bas.Ilestrestéoùilétaitavecsesmoutons.Leplusdrôle,c’estquelebataillonHaruvnousarelevés,et ilsont tousdesnomsarabes,alorsquececoordinateurdéteste lesArabesettousceuxquiparlentarabe.

141.Lecoordinateurdesécurités’estmisencolère,illuiadonnéuncoupdepied

UNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:ALEIZAHAVANNÉE:2008-2009

Versmidi,onareçuunappelradiopouralleràAleiZahav.OnestmontésdansleHummeretonestpartis.Jevoisqu’unsoldatquis’occupedelasécuritédelacolonieetlecoordinateurdesécuritéontsortileursarmes.Ilmeditqu’unefemmea entendudesvoix, qu’il est entré avec ledoigt sur lagâchettede sonarme,qu’ilyavaitdeuxhommes,etquemaintenantilssontattachés,lesmainsausol,avecdesliens.

Quiétaitlà?Deux jeunes Arabes, environ notre âge. Le coordinateur leur a posé des

questions, la femmeaditqu’ils luiavaientvoléhuitcentsdollars,unesommeastronomique.Ilademandéoùétaitl’argent.L’unadit:«Ici,là...»L’autreadit à chacundenous : «Toi, bois de l’eau, bois de l'eau, bois de l’eau. »Onauraitditqu’ilvoulaitnousénerver,commepournousdire:«Ducalme.»Puis,lecoordinateurs’estmisencolère,illuiadonnéuncoupdepiedetluiamarchésur le visage. Je ne sais pas si le commandant de section l’a vu,mais il s’estdétourné, parce qu’il ne voulait pas voir ça. Jeme suis dit : « Soit j’arrête lecoordinateur,soitjememetsautravailetjecherched’autresArabes.»Pendantquelecoordinateurletabassait,ilamislecanondesonarmedanssaboucheousursatêtepuisilm’adit:«Emmène-ledehorsettue-le.»Ildisaitseulementçapourluifairepeur.Pourfinir,l’Arabeavaitbienunechaîneenordanssapoche.On a inspecté les papiers dans leurs portefeuilles et on a trouvé une carted’identité.L’Arabeadit:«Monamiabesoind’eau.»Aprèsavoirététabassé,ilavait arrêté de parler, on avait peur qu’il lui soit arrivé quelque chosemais ils’estadresséànouveauaucoordinateur,quil’aencorefrappé.Ill’atabassédeuxoutroisfois.L’unedesfois,moncommandantdesectionl’avu,aumoinsunefois.

Ças’estpassédanslesalondelafemme?Oui.

Quisetrouvaitdanslapièce?Lesdeuxintrusarabes,lafemmeétaitdanslamaison,lecoordinateur,moi,

unautresoldatet lecommandantdesection.Ensuite, lapoliceestarrivée,desvoisinsaussi.Onaamenédel’eauàl’Arabe,ilétaitsonné,maislecoordinateuraditqu’ilfaisaitsemblant.L’amidel’Arabeaditqu’ilavaitétémorduparunchienetqu’ildevaitalleràl’hôpital.Onacontrôléleurspapiersetalorsonavuque c’étaient des soldats d’Abu Mazen21, c’étaient des soldats en uniforme.Quand ils leurontdemandépourquoi ils avaient fait ça, ilsont réponduqu’ilsn’avaientpasd’argent.

Ilsparlaienthébreu?L’undesdeux,oui...D’autresunitéssontarrivées,lesontfrappésunpeu,à

unmomentletéléphoned’undesArabesasonné,alorsl’undeséclaireursluiapointé son arme sur le ventre pour qu’il parle et qu’ils puissent obtenir desinformations. Il lui a donné de l’eau, il dégageait une odeur horrible. Il puait,tout le tempsoù jenettoyais lamousseautourdesabouche. Jepensequ’ilnepouvaitpascontrôlersesgaz,ilavaitlesyeuxouvertsetdelamoussesortaitdesa bouche. Peut-être qu’il avait quelque chose, peut-être pas. J’ai appelé uneambulanceetdeuxtypessontarrivés,ilsluiontdonnéquelquesclaques,jecroisque c’était l’infirmier, il a répondu à quelques questions. Il pouvait fairesemblant, mais peut-être pas. Il était sous le choc. Ils l’ont frappé – pasmortellement,maisilluiadonnédescoupsdepiedetluiamarchésurlatête–,c’étaitsurtouthumiliant.Lecoordinateurdesécuriténel’apasfrappétropfort.

Seullecoordinateurdesécuritél’afrappé?Oui. Ce qui s’est passé ensuite, c’est que l’infirmier de la compagnie est

arrivé,leseulinfirmierdisponibleétaitcejeunegars,unpeuchoqué.Onn’avaitpas d’infirmiers dans notre compagnie, ils nous en amenaient toujours desnouveaux.Avantquel'infirmiercommenceàlesoigner,jeluiairacontécequiétaitarrivéàl’Arabe.Lecommandantdesectionadit:«Personnenel’afrappé.» J’ai dit : « Si. »On s’est disputés. Le commandant de section s’estmis encolèrecontremoietm'aditd’allerdansleHummer.J’airefusé.Jevoulaisresterlàparcequelefilsdelafemmeétaitarrivé,énervé,etj'avaispeurqu’ilessaiedetabasser l’Arabe. La police s’en fichait, ils voulaient juste récupérer leursmenottes.

Pourquoiluiavez-vousmisdesmenottes?Jeluiaimisdesliensennylon,pasdesmenottes.Quandlapoliceestarrivée,

onlesaremplacéspardesmenottes.Jenevoulaispasquitterl’Arabeaprèsavoirvu qu’il avait été tabassé et qu’il était peut-êtremalade. Je suis resté dans lamaison, mais je ne voulais pas en parler devant tout le monde. J’ai dit [aucommandantdesection]:«Ilfautqu’onparle.»OnestallésdansleHummer.Jeluiaidit:«JenevaispasresterdansleHummer.»Ilm’amenacédetroisjoursdeconfinementsurlabase,retirésàmapermission.Jesuisretournéchezmoietonnes’estjamaisreparlé.

142.Lescoordinateursdesécuritéseprennentpournoscommandants

UNITÉ:BATAILLONKFIRLIEU:SUSIYAANNÉE:2004-2005

Vous vous souvenez d’autres histoires sur Susiya ? Quels étaient vosrapportsaveclescolonslà-bas?EtavecleshabitantsdeSusiya,leshabitantsdescoloniesetdesautresavant-postesdanslarégion?

Il y avait des hauts et des bas. Pour l’essentiel, pendant cette période, lescolonsnousrespectaient,parfoisilsnousgâtaientmême,c’est-à-direqu’ilsnousinvitaientpartout.Ilyavaitaussidesgensquitrouvaientquenotretravailn’étaitpasassezdur,untasdeslogansdugenre:«Nousvoulonslasécurité,pasuneprotection.»Parfoislescoordinateursdesécurité,commentdire,ilsseprenaientpour nos commandants à la place de notre commandant de compagnie. Ilsessayaientdenousdonnerdesordres,denousdirequoifaire,quandetoù.

Etilsn’avaientpasleurmotàdire?Ilsavaientdel’influence,maispasleurmotàdire.Parexemple,ilsdisaient:

«Vosgarsn’ontpaséloignélesbergersquandilssesonttropapprochés»,ou:«Laprochainefoisquevousvoustrouvezdanslamêmesituation,faitesçabienet soyez plus agressifs. » Ce n’était pas comme s’ils disaient quoi faire aucommandantdecompagnie,maisilsavaientdel’influence.Jeneparticipaispasauxréunions,mais lescolonsavaientde l’influenceà la foisdans les réunionsavec le commandant de bataillon et certainement dans les réunions avec lecommandant de compagnie. Les coordinateurs de sécurité des coloniesrencontraientlecommandantdecompagnieaumoinsunefoisparsemainepourune évaluation de la situation de routine, mais ils disaient aussi ce qu’ilspensaientdecequ’onfaisaitetcequ’ilsvoulaientqu’onfasse.Jenesaispasàquel point la hiérarchie les écoutait. En bas de la hiérarchie, parfois lecommandantdecompagnienelesécoutaitpasdutout.Etpuisilyavaitdescasoù on faisait exactement ce qu’ils disaient. Je ne sais pas ce qui était censéapaiser l’officier de sécurité et ce qui relevait de vraies considérations desécurité, mais certaines choses étaient certainement influencées par lecoordinateurdesécurité.

143.Lecheckpointn’estpasfaitpourlasécuritéisraélienne

UNITÉ:BRIGADENAHALLIEU:CHECKPOINTDEGITIT,VALLÉEDUJOURDAINANNÉE:2006

Moralement,çaaétéunmomentdifficile.Toutcecheckpointn’étaitlàquepourdesPalestiniensquivenaienttravaillerpourdesIsraéliensdanslavalléeduJourdain.C’étaitunequestiond’exploitationdesPalestiniensparlesIsraéliens.

Vousavezvuçaaucheckpoint?Vous connaissez la récolte des dattes ? Pendant la récolte des dattes, les

Palestinienssontpayésquelquechosecommecinquanteshekels.

Voussavezçaparlecheckpoint?Biensûr.Jesaiscombienilssontpayés.Ilsviennentchaquejouràquatreou

cinqheuresdumatinetrentrentàseptheuresdusoir,épuisés.Tuvoisuntypeépuisé d’avoir travaillé dur toute la journée, du travail manuel, et il reçoitcinquante shekels par jour. Super, enfin, c’est ce qu’ils reçoivent pour cueillirdesdattes.C’estcequereçoiventlestravailleurs.Nonseulementjesaisqu’ilsnetouchentquecinquanteshekelspourunejournéedetravail,maisenplusdeça,voussavez,jesuislà,ilsdoiventattendreàmoncheckpointetsubiruncontrôlehumiliant. Je veux dire, tout ce checkpoint n’est qu’une infrastructureéconomique.Tuasl'impressiond’êtreenservicedecheckpointnonpaspourlasécuritéd’Israëlmaispoursoncompteenbanque.

Quelrapportaveclecheckpoint?Quipasseparlecheckpoint?RienquedesPalestiniensquitravaillentdans

la vallée du Jourdain. Ils n’ont aucune raison d’aller là-bas, c’est juste leurgagne-pain.Riend’autre.Enfin,parcequ’ilsgagnentleurvielà-bas,ilsontunefamilledans la région,mais lesgensd’Akrabaetdecesvillagesn’ontaucuneraisond’allerdans lavalléeduJourdain.Cesontdeuxpopulationsdifférentes.Toutestintimementlié,parcequequandtutravaillesquelqueparttuétablisdescontacts, tu fondes une famille, etc. Mais je suis au checkpoint pour que lesPalestiniensquitravaillentsanspermisnepassentpas.Qu’est-cequeçapeutmefairequ’ilsn’aientpasdepermis?D’unpointdevuesécuritaire,parcequeça

veut dire qu’ils n’ont pas reçu l’approbation.Mais qu’est-ce que ça veut dire,qu’ils n’ont pas reçu l’approbation ? Vous savez ce qui empêche quelqu’und’obtenirunpermisdetravail?Écoutezbien...siunparentauquatrièmedegré,c’est-à-dire le grand-père de votre oncle, a jeté une pierre en 1948 – je neplaisantepas–,alorsvousnepouvezpasavoirdepermisdetravail.

Commentsavez-vousça?Parcequ’unefoisonademandélescritèresàunagentduShinBet.Ilnousa

ditqu’ilyavaitunedéfinitiontrèsclaire.Siunmembredelafamille–jusqu’auquatrièmedegré–aunjourétéaccuséd’unactedeviolencecontreIsraël,pasdepermisdetravail.C’estl’undescritères.Maintenant,montrez-moiquelqu’un,jeveuxdire...quelestlepourcentagedelapopulation?Rien.C’estzéro.Onestenguerreaveceuxdepuisplusdecinquanteans,alorsclairement,quelquepartdansl’arbre généalogique, quelqu’un a jeté une pierre à unmoment ou à un autre,vousvoyez?Toutestarchivé.Donctuasungamindeseizeansquiarriveaucheckpointtoutsouriant,etlegrand-pèredupèredesonfrèreajetéuncocktailMolotoven1962.Doncilnepeutpasavoirdepermisdetravail.Alorsqu’est-cequ’ilfait?Ilcontournelecheckpoint.Bon,pourquoicetype-làcontourne-t-illecheckpoint... pour faire un attentat? Non. Pour travailler. Donc en tant quecheckpoint, jetravaillepourdesintérêtséconomiques.Cool.Super.C’estdelamerde.Àpartlecapitalisme,lesocialisme,toutça.Pourquoiest-cequemoi,entantquesoldat,jedoisveillersurlescomptesenbanquedescolonsdelavalléedu Jourdain ? Pourquoi ? Il n’y a pas une seule raison au monde. C’est lacorruption de l’occupation dans sa forme la plus évidente. Le pur intérêtéconomique.

144.UnecolonieinterditeauxsoldatsUNITÉ:CORPSBLINDÉLIEU:DISTRICTDERAMALLAHANNÉE:2003

Unesectionmontaitdansenvironhuitjeepsdepatrouille,desjeepsblindéesetpartaitpatrouiller, surtoutpour fairede la reconnaissanceetdescheckposts.Lescheckpostsétaientplus intéressants. Ilyavaitdesvidages trèshostilesparlà-basetplusieurscoloniesillégalesquiétaientaussitrèshostiles,oùonn’étaitpascensésentrersansescorte.

Qu’est-cequevousvoulezdire?Ilyavaitcettecollinelà-bas,lesordresétaientdenepasentrerparcequeles

colonsn’aimaientpaslessoldats.Ilssontfouslà-bas.

Silessoldatsentraient,quesepassait-il?Jenesaispas,onn’ajamaisessayé.J’imaginequ’ilyauraituneémeute.Je

nesaispas.Onn’yvajamais.

Vousparlezd’unecolonie?Oui.

145.LaclassepolitiqueesttrèsprochedescoloniesUNITÉ:ADMINISTRATIONCIVILELIEU:GÉNÉRALANNÉE:2001-2004

Quandvouschangezderôlepourtravaillersurlaquestiondescolonies,engrosvousactionnezuninterrupteur:aulieudevousoccuperdelapopulationpalestinienne,vousvousoccupezdescolons.

Oui.

Qu’est-cequeçasuppose?Pourcommencer, ladécisiondeconstruiredes coloniesn’estpasprisepar

l’administration civile. Pour l’essentiel, il s’agit de directives du conseiller duministredelaDéfensepourlaquestiondescolonies.Mêmesiplustardils’estavéré qu’il y avait de la corruption là-dedans – c'était après mon départ del’armée, vous pouvez chercher sur Internet comme j’ai fait. XXX a laissé unsacré bazar, il semble qu’il a fait passer des choses, construit des maisons,transféré des terres, toutes sortes de trucs comme ça.XXX était le chef de ladivision infrastructure. Je ne suis même pas sûr qu’il ait été jugé. Bref, ons’occupe de questions assez techniques, de déplacer des mobile-homes d’unendroit à l’autre, des caravanes. Étendre le territoire d’une colonie spécifique,s’occuperdugrillageautourd’Efratoude lasécuritédeKiryatArbaetdesongrillage.

Qu’est-cequeçaveutdire«s’occuperde»?Financer?Si seulement l’administration civile avait de l’argent pour ce genre de

choses.C’estl’argentduministèredelaDéfense.

Organiserlesrequêtes?Organiser lesrequêtes,parleravec les[colons],voircequiest raisonnable,

cequinel’estpas,toutessortesdemesuresdéfensives,etc.Tut’occupesd'untasd’incursions israéliennes, d’infractions israéliennes, toutes sortes deperturbations. Suivre une injonction émise par la branche de supervision,s’assurer quelle est vraiment appliquée. C’est le travail du superviseur, cen’était...

Aprèsavoirorganisélesrequêtes,quellesdécisionsétaientprises?Le commandant de la branche peut faire des recommandations, mais on

n’avaitaucunpoids.Vraimentaucun...

Larecommandationjoue-t-elleunrôle?La recommandation joue un rôle... Le chef de l'administration dit ce qu’il

pense,ouiounon,mais la recommandationdesécurité joueunrôle.Qu’est-cequ’onpeutfaire?Ilapprouvel’emplacementdugrillage.

Etdetellesactionsnécessitentl’approbationduministredelaDéfense.Il faut l’approbation du ministre de la Défense pour les questions qui

regardent les colonies. L’approbation de son conseiller suffit, il est censéinformerleministre.Censé,maisjenesaispass’illefait.

Vousvousoccupezégalementdedéfinirleslimiteslégalesdescolonies?Oui.C’esttypiquementlerôledel’administrationcivile.Vouspensezqu’on

fait ça uniquement pour les colonies juives, mais non. Les Palestiniens aussicausentdesproblèmes : ilsdétruisentdesmaisons, infiltrentdes territoiresquidoiventensuiteêtreévacués,ilsdéracinentdesvergers.Biensûr,ons’occupedetoutça.

C’est-à-direlasupervisiondesterres,desinfrastructuresetdescolonies...LescoloniesenZoneC,certainesenZoneB,mêmesionnes’occupepas

vraimentdelaZoneB,maisçaarrive.

OK,commençonsparlescaravanesdescolons.Commentdéplacez-vousunecaravane?Qu’est-cequeça implique?Ilvous fautuneautorisation?Qui ladonne?

Encoreunefois,c’estlerôleduconseillerduministredelaDéfensepourlescolonies, lui seul peut approuver chaque caravane. Chaque caravane peutpotentiellementétendreunecolonie.Réfléchissez,onnepeutrienfaire.Pourlemoindre changement, le conseiller du ministre de la Défense annonce uneinjonction,quiparvientàl’administrationcivile,quivérifiequelechangementaétéappliquécommeilsedoit...quelacaravaneaétédéplacéeaubonendroitetquelle ne s’est pas retrouvée dans une autre colonie – ça arrive. Parfois, descaravanesapparaissentsansqu’onsachepourquoi.

Commentest-cequeçaarrive?Parcequelesoldataucheckpointnesaitpasnécessairementqu’unecaravane

abesoind’uneautorisation.Lescolonsdéplacentlescaravanessansautorisation,soit l'une de leurs propres caravanes, soit une caravane qu’ils déplacent d’unecolonie à une autre. Dans les Territoires, il y a un tas de colonies avec desdécharges,surtoutdanslarégiondeNaplouse,oùilsprennentdumatérielqu’ilsutilisentpourconstruireuneautrecolonie.Çaarrive.

Etquesepasse-t-ilquandvousvousenrendezcompte?L’unitédesupervisionémetuneinjonction.D’abordonémetuneinjonction

pourenquêter,puis ilsviennent aucomité etvérifientqu’iln'y avraimentpasd’autorisationpourcettecaravane,etpourquoicen’estpaslecas.S’iln’yapasd’autorisation,alorsilyadeuxoptions–soitilsobtiennentuneautorisation,cequiestuneoptiontoutàfaitplausible...

Çaarrivesouvent?Oui.

Quisiègeaucomité?Unreprésentantdel’administrationcivile,deladivisioninfrastructure.Ilya

un représentant du ministère de la Défense, un représentant de l’unité desupervision, et le comité dépend du chef de l’administration civile. Chaquedécisionest soumise auchefde l’administrationcivile, qui connaît ladécisionavant...

Maislesacteurs,normalementlesreprésentantssont...Trèshautplacés,desemployésdebureau.

Ya-t-ildescolonsaucomité?Jenesaispasquiyestaujourd’hui,maisdans l’unitédesupervision ilya

beaucoupdegensquiviventenJudée-Samarie,ilyadesgensdel’armée.

Maisilyaplusieurspersonnesdel’équipequiviennentdes...Oui, des colonies, deskippas tricotées, on les trouve là-bas.Si tu regardes

bien,tulestrouveras.Maisc’estcommeçadanstouslesgroupes.

Laquestionestdesavoirsilescolonsducomitéinfluencentleprocessusdedécision,parcequevousdites,parexemple,quebeaucoupdecaravanessituéesquelquepartsansautorisationreçoiventuneautorisationrétroactive.

Quileuraccordeuneautorisationrétroactive?Paslecomité.

D’accord.Quialors?Lecomitéexaminelesaffairespuislestransmet.Cequefaitlecomité,c’est

dire :«Cettecaravanen’apascequ’il faut,nousdevonsclarifiersonstatut»,alorslecomitédemandeuneclarification,ilinformeleconseillerduministredelaDéfense.

Quiappelle-t-onpourlaclarification?Peuimporte...ilnesuffitpasd’unesignaturepourunecaravane,cen’estpas

lerôledel’armée.

Alorsquis’encharge?Normalement,sic’estàl’intérieurd’unecolonie,alorslechefduconseilde

lacolonies’encharge,mais...

Lacolonieoùilsontmislacaravane.C'estça, lacolonieoùilsontdéplacélacaravane...danslaplupartdescas,

unecaravanenerestepasseule,d’autreslarejoignent.Ilsnedécidentpas,danscegenredecas,ilsdisentjustequ’ilyaunecaravaneà...Onémetuneinjonctiondedémolitionoud’évacuation,peu importe,engénéralc’estune injonctiondedémolition, mais peu importe. Une caravane, c’est déprimant, elle réapparaîtailleurspuis ils adressent l’affaire au conseillerduministrede laDéfense, quipeutdéciderquelacaravanerestelà.Çafaitpartiedesespouvoirs,çaarrive.

D’aprèsvotreexpérience,çaarriveplusoumoinssouventquelesordresdedémolitionoud’évacuationpourunecaravane?

Écoutez, on ne discute pas de la question de la colonisation en Judée-Samarie par écrit. Beaucoup de choses se décident oralement et pas à notreniveau.Puisqueleschosessedécidentoralement,voustrouverezpeut-êtreseptcaravanes illégales, l’affaire ira jusqu’au conseiller duministre de laDéfense,quidira:«OK,l’unitédesupervisionatrouvécescaravanes,maisenfaitjelesaiapprouvéesverbalement»,doncilleslaisseenplace.C’estcommeçaqueçamarche,c'estleprocessus.

C’est-à-dire que vous avez souvent des cas où les choses ont étémises aupointverbalement,sans...?

Oui, ilyaun tasd’accordsverbaux.Etpuisque laclassepolitiqueest trèsprochedescolonies,onnepeutrienyfaire.

Vous n’avez jamais vu un document signé par quelqu’un ? Mettons un

documentpourapprouverunecaravane?Non. Et je pense que si vous trouviez un tel document... Pendant mon

service, c’étaitFouad22, habituellement les accords se faisaientpar compromisaveclacolonie,ilsn'étaientpasmisparécrit,vousnelestrouverezpasparécrit,sivouslescherchiez,vousnelestrouveriezpas.

Donciln’existeaucundocumentofficiel,mêmepas...J’imagine qu’il doit exister des documents internes au ministère de la

Défense.Maisilsnenousparviennentpas.«IlyaunordreduministèredelaDéfense,à la lumièredecetaccord,évacuezX,YetZ.»Mais ledocument?Peut-êtrequeleministèredelaDéfenseasespropresprocédures.

Maisvousnelesconnaissezpas.C’estuncorpspolitique,ilessaied’êtreneutremais...

Quels sont les paramètres de la juridiction d’une colonie ? Comment estétablielajuridictiond’unecolonie?Quiladétermine?Pourquoi?

Qu’est-ce que vous voulez dire ? La juridiction d’une colonie, elle estclôturée, envertudu fait qu’elle est clôturée, elle aune juridictiondéfinie, onparle de colonies existantes. Pendantmon service, il y avait peut-êtreMigron,quin’atoujourspasdejuridiction,jecrois.Maisjemerappellequ’onn’ajamaisétablidenouvellejuridiction,ças’estplutôtfaitavecl’expansiondelacolonie.Quand une colonie s’étend parce que des familles veulent la rejoindre, lajuridictiondelacolonieestdéfinieenconséquence.

Vous travaillez aussi en coordination avec les agents de sécurité de lacolonie?

Non.Lecommandantdebrigade travaillemaindans lamainavec l'officierdesécurité.C’estsonmeilleurami.L’administrationcivilenes’occupepasdesofficiersdesécurité.

Jeveuxreveniràlaquestiondesgrillages.Quelleest l’histoirederrièrelaclôtured’Efrat?Dequellepériodes’agit-il?

Onparle de l’année 2002.Le problème avec la clôture d’Efrat, c’est qu’ils’agitd’unecoloniebienétablieetquelesbergersdelarégionentraientdanslacolonie, ce qui constituait une menace, alors ils ont demandé des ressourcesspéciales, et maintenant encore je pense que c’est l’un des systèmes les plusavancés dans les Territoires – clôture, surveillance, caméras, détecteurs, lesystème est très avancé. Au moins, à Gaza, ce système a été utilisé pour

approuverdesmesuresdesécurité.Etilsl’ontapprouvépourEfrat.

Etleszonesagricolesaffectéesparlaclôture?Efratestunbonexemple:desterresagricolesappartenantàdesPalestiniensont-ellesétéentouréesparlaclôture?

Il faut être propriétaire, donc la question est de savoir à qui appartient laterre.

Doncvousavezmenéuneenquête,etmaintenantlacolonie...Ce n’est pas difficile, il y a toutes ces cartes d’archives, ce n’est pas si

difficile,cen'estpaslapeinedemeneruneenquête.Ilyalapériodeottomane,la période britannique, tout ce que vous voulez, des cartes qui tombent enmorceauxdans le...peu importe,vousvoyezàquiappartient la terre.Cen’estpas si compliqué.Si la terre est très importantepour les routesde sécurité, çaarrive...quelquesdunams23...c'est limité.S’ilsdécidentqu’ilsontbesoinde laterre,alorsilspeuventexproprier.Oui,pourraisonsdesécurité.

Quipeutsaisirlaterre?Vous?Oui,c’estparintérêtpublic,pourainsidire,c’estunpeudifférent.

Quellequesoitlaraison,vousémettezuneinjonction?Le conseiller juridique émet une injonction, qui est signée par

l’administration civile. Mais la source qui l’approuve légalement, c’est le...conseillerjuridique,ildoits’assurerqu’ilsrecevrontunecompensationpourleurterre,etilsauracommentrépondreautribunalquandl’affaireserajugée.Ilestsubordonné au conseiller juridique du gouvernement, à travers le procureurgénéralmilitaire,maisoui.

Etquesepasse-t-ilquanduneterreestentouréeparuneclôture?Commentvousenoccupez-vous?Ilyaunaccès?Pasd’accès?

Non,iln’yapasd’accès.Onincorporecetteterreàunecolonie.Maisencoreunefois,jen’aijamaisvudeterreagricoleactive,etjenecroispasqu’ilyaiteudeterresfertilesannexéesparlescolonies.Généralement,cesontdesterresquinesontplusutiliséesdepuisuncertaintemps, ilspeuventl’évaluerenfonctiondesmauvaisesherbessurplace.Cen’estpassigrave.Ilyadesgensdel’unitéde supervisionqui saventcommentdéterminer si la terren’apasété travailléedepuisdeux,huitoudix...

Comment gérez-vous, quelle est la politique envers les Israéliens qui ont

infiltrédesterresdanslesTerritoires,ouvertunebrèchepouruneroute,etc.?DesIsraéliens?Quelleestlapolitique?D’abord,ilfautquelecoordinateur

de supervision le constate.L’unité de supervision, les coordinateurs, un tas degens qui connaissent la région. La politique est d’émettre une injonctionindiquant que la brèche n’est pas... Je parle de gens qui connaissentincroyablementbienlarégion.Leplusjeuned’entreeuxoccupelemêmepostedepuis douze ans, parfois au même endroit. On émet une injonction pour labrèche,onvoitsionpeutconvoquerquelqu’un,sic’estuneincursiondansunecolonie alors il y a sûrement quelqu’un à convoquer. Si c’est juste une vieillebrèche – et il y en a qui signalent une ouverture vers autre chose, on voit labrèches’élargiretunerouteapparaîtrelentement...Ensuite,s’ilyaquelqu’unàappeler, on l’appelle.S’il n’y apersonneà appeler, alorsonmet enplaceunesurveillance pour chercher le tracteur qui a ouvert la brèche. On fait trèsattentionaumomentoùletracteurestlàoupas,puisonattrapeletracteuretonenquêtesurcequisepasse,quil’aenvoyé,quil’afait,etondonnenosrésultatsauxenquêteurs.

Et que se passe-t-il si en cours de route vous identifiez la création d’unnouvelavant-poste?

Çadépendde lapériode.À l’époquedeXXX,même s’ils établissaientunavant-poste,personnen’avaitlescouillesd’allerenparleràlaclassepolitique.Iln’y avait pas de « nouvelles incursions ». Même s’il y avait une nouvelleincursion,personnen’avaitlescouillesdedire:«Ilyaunenouvelleincursion,jevaisladétruire.»Lapériodesuivante,celledeXXX,jenesaispass’ilyaeuun changement politique ou si c’était de sa propre initiative, mais c’étaitdifférent,lesnouvellesincursionsétaientdétruites.C’estvraimentarrivé.

Vouspouvezdonnerquelquesexemples?Unbonexempledenouvelle incursionestunecaravane.Unemaisonn’est

pasconsidéréecommeunenouvelleincursion,parcequesitupassesdutempsàconstruire une maison, alors c'est une « incursion vétérane », ce qui signifiequ’elle a été approuvée par la classe politique. Oui, je me rappelle plusieursexemples,maispourlaplupart,c’étaitavecdestentes.Jenemerappelleriendeprécis,maisc’estarrivé.

Vousvoussouvenezdansquellesrégionsc’estarrivé?DanslarégiondeRamallah.C’étaitplustard,j’étaisàHébronàcemoment-

là,maisjemerappellequec’estarrivédanslarégiondeRamallah.Enfait,c’estsurcettequestionqueles[colons]étaient...Onétaiten2003,ilsétaientdevenus

malins.

Aumomentoùilsrepéraientuneincursion,pourquoin’était-ellepasdéfiniecommeunenouvelleincursion?Ilsfermaientlesyeux?

Non, ils ne fermaient pas les yeux. Personne ne pouvait prendre laresponsabilitédefaireça.Fermerlesyeux,c’estquelquechosequ’ondécidedefaire.Mêmelecoordinateurdesupervisionnefaisaitpasça.Peut-êtrequ’ilnelevoyaitpas,cegenredechosearrive,ilnesepromènepassurleterraintoutelajournée. Il y a un coordinateur pour chaque secteur et ce n’est pas une petiterégion.Ilvisitechaquerégionunefoispar... Ilvoitchaqueterrainunefoisparmois,parmoisetdemi–c’estunproblème.Siquelqu’unfermelesyeux,c'estlahiérarchie.Necherchezpaschezlesemployés,çan’existepas.

C’est-à-dire que les employés enregistrent et rapportent tout. Une pierredéplacée:unnouveaurapport.

S’il le voit. Il y a un rapport, qui est transmis aux commandants. Lecommandant de division sait qu’une pierre a bougé, d’accord ?Ou le chef del’administrationciviledécouvrequ’unepierreabougéetmêmes'ila l’autoritédeladéplacer,ils’adresserad’abordauxcolonspourleurdirequ’ilvalabouger,puis ildemandera l’opinionduconseillerduministrede laDéfense.Etsic'estune pierre qui a été déplacée il y a longtemps, il ne s'en occupera pas. Il neprendrapaslaresponsabilitédemeneruneévacuation.Ilfautdescouillespourfairecegenredechose.

Comment est-ce que ça marche s’il s’agit de Palestiniens, pas de colonsisraéliens?

Pareil. Ça marche de la même manière, sauf que la hiérarchie approuvel’évacuation... « Nouveau », ça n’a pas de sens, ça vient du directeur del’administration civile, du commandant de division, du général ducommandement,ladécisiond’évacuerpassesansproblème...S’ilsenparlentauconseiller,çayest,c’estfait.Maisuneincursionpalestinienne,ilyadestasdeconstructionspalestiniennes illégales,unocéan,onnepeutmêmepasensaisirl’ampleur.Commentçamarche?Supervision,injonctions,uncomitéd’enquêteàBetEl,ilsviennent,ilsmettentenplaceuncomité,ilsdécidentquoifaireet,enattendant que ce soit fixé, ça remonte au chef de l’administration civile et augénéralducommandement. Ilyaeuuneépoqueoù lesconstructions illégalesremontaientjusqu’auministredelaDéfense.C’étaitunepériodetendue.

Contrairement aux cas concernant des colons, où c’est le conseiller du

ministredelaDéfensesurlescolonies...Oui,c’estunniveaud’approbationinférieur.

Ici,c’estledirecteurdel’administrationcivile?Non,c’estlegénéralducommandement.

L’application?Combiendeconstructionsjuivesillégales...Inutile de comparer les quantités. Si vous demandez combien de

constructions palestiniennes illégales ont été détruites par rapport auxconstructionsjuives,c’estuncertainnombre.Jenesaispas,jen’aipasvérifié.En termes de violations, si je vous emmenais dans la région d’Hébron, jepourraisvousmontrercinquanteemplacementsdeconstructionsillégalessurlechemin.C’estcommeça.

EtlesautorisationsdanslaZoneC?Onpeutlesobtenir,maisc’estunprocessuslong.

Vousconnaissezdescasoùilslesontobtenues?Ils lesobtiennent,paspourunenouvellecolonie,pouruneexpansionde la

colonie,maisc’estunprocessustrèslong.Çapeutprendrecinqousixans.

Vousavezunexemple?Jemerappelledefoisoùlaconstructionavaitétéapprouvée.Jemesouviens

avoir ludesdocumentsoù lesconstructionsétaient approuvées.Çapassaitparmoidans la chaîneadministrative... c’était approuvépar l’unitéde supervisiondel’infrastructure,alorsçan’arrivaitpasaudirecteurdel’administrationcivile.Cen’estpasunedécision–sic’estdansune régionstratégique, ladécisionseprendenhautde l’échelle.Maisçametvraiment longtemps,pendant l'Intifadaçaprenaitencoreplus longtemps,danscertainscasçaduraitcinqans,mais ilsfinissaient par l’approuver. Ils obtenaient l’autorisation. S'il s’agissait d’unecolonie existante, on ne peut pas dire non. Mais normalement, les colons nedemandent pas notre autorisation : le processus était long, alors ils décidaientqu’onn’évacueraitpaslesconstructionsillégales,dumoinsilsespéraient.

D’habitude,lescolonsfontlademande?Pourl’expansiond’unecolonieexistante?Oui.

Etpourlesnouveauxavant-postes?Ilsnevousdemandentpas?Certainement pas à l’administration civile.Certainement pas à l’époquede

XXX, impossible, les colons le détestaient, ils le haïssaient. Ils lui crachaientdessus. À l’époque de XXX, tous les contacts qu’avaient les colons avecl’administration civile, toutes ces conneries ont disparu dès l’arrivée deXXX.Çan’existaitplus.

Vousvoussouvenezdevaguesdeviolence?Desviolencesdecolonscontrel'administrationcivile?

Oui, àHébron j’ai reçu des pierres, desœufs, certainement, bien sûr.Descommentairesracistes,tout.

Cartes

Notes

Introduction1.L’ouvrageaétééditéenhébreuparMikhaelManekin,AvichaiSharon,YanayIsraeli,OdedNaamanetLeviSpectre.

Premièrepartie–Prévention:intimiderlapopulationpalestinienne1.Selon les termesde l’accorddeWashingtonde1995, laZoneAcouvre lesterritoiresdanslesquelslesquestionsdesécuritéet lesaffairescivilessontàlacharge de l'Autorité palestinienne ; en Zone B, l’Autorité palestinienne necontrôlequelesaffairesciviles;laZoneC,quiinclutlescoloniesisraéliennes,lavalléeduJourdain,leszonestampons,lesroutesd’accèsetdecontournement–lamajoritédesTerritoires–,resteexclusivementsouscontrôleisraélien.2.PourcélébrerlafêtedePourim,lesenfantsisraéliensfontdutapageetsèmentlapagailledanslarue.3.Les termes«ShinBet»et«Shabak» sont interchangeables.CesontdeuxacronymespourSherutBitachonClali,lesServicesgénérauxdesécuritéchargésdurenseignementintérieur.4.LesPalestiniensdesTerritoiresn’ontpas ledroitde travaillerenIsraëlsanspermis.5.LetermedésignelesroquettesenvoyéessurIsraëlparlesPalestiniensdurantlasecondeIntifada.6.Ungiletbourréd’explosifs.7.Véhiculedetransportdetroupesblindé.(N.D.T.)8. Souvent, les soldatsmettent une croix sur leur arme pour chaque personnequ’ilstuent.9.Explosifsutiliséspourpasseràtraverslesportesetlesmurs.10.Avecdestirsàballesréelles.11.UnAchzarit,littéralement«méchantefemme»,estuntransportdetroupeslourdementblindé,principalementutiliséparlabrigadeGolani.12.Campagnemilitairelancéele29février2008danslabandedeGaza.13.Lancéele1ernovembre2006,égalementdanslabandedeGaza.14.UneincursiondetroissemainesdanslabandedeGazapendantl’hiver2008-2009.15. Heures de service : 2/4 signifie deux heures de service, quatre heures derepos.16.TankfabriquéenIsraël.17.Cessez-le-feu.

18.Checkpointsurprisetemporaire.19.Lequartierjuifd’Hébron.20. Pour empêcher l'expansion du Mur de séparation, qui doit traverser unebonnepartiedelaville.21. Le terme fait référence à un prisonnier que l’on retient sans l’arrêterofficiellement.22.DanslesTerritoiresoccupés,lescolonsisraélienssontsouslajuridictiondelapoliceisraélienne,paslesrésidentspalestiniens.23.Unexempledeveuvedepaille.24.RetenirlesPalestiniensauxcheckpointsparcaprice.25.Coloniesisraéliennes.26.Lesbureauxadministratifsdel’Autoritépalestinienne.27. La pureté des armes (la moralité dans la guerre) est l’une des valeursaffirméesdansladoctrineéthiqueofficielledeTsahal:«LessoldatsdeTsahaln’utiliserontpasleursarmesetlaforcepourporteratteinteàdesêtreshumainsquinesontnidescombattantsnidesprisonniersdeguerre,et feront toutpouréviterdeporteratteinteàleurvie,leurcorps,leurdignitéetleursbiens.»28.ONGisraélienned’observationdesdroitsdel’homme.(N.D.T.)29.Termeallemandemployépourlesopérationsnazies.

Deuxièmepartie–Séparation:contrôle,expropriationetannexion1.Desplaquesisraéliennes.2. Une yeshiva est un centre d’étude des grands textes sacrés du judaïsme.(N.D.T.)3.LefusilsnipersilencieuxRuger10/22,classécommeunearme«létale».4. L’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés dePalestinedansleProche-Orient.(N.D.T.)

Troisièmepartie–Latramedevie:administrerlaviecivilepalestinienne1. Yatta, une ville assez importante, se trouve en Zone A, sous contrôle del’Autoritépalestinienne.2.Huitjoursàlabase,sixàlamaison.3.UneboîtedenuitdeTelAvivoùunebombeaexploséenjuin2001.VingtetunIsraéliensontététuésetplusd’unecentaineblessés.4. Machsom Watch est un mouvement pacifiste de femmes israéliennes,B’Tselem est un observatoire des droits de l’Homme dans les Territoiresoccupés.(N.D.T.)5.LeministreduTourismeetmembredelaKnessetRechavamZe’evi.6.Uncheckpointdanslazoned’Hébron,l’undesplusgrandsdeCisjordanieetl'undesprincipauxpointsdepassagedesmarchandises.7. Un checkpoint dans le secteur de Ramallah, principalement utilisé pourtransférerdesmarchandises.8.L’évacuationdescoloniesisraéliennesdelabandedeGazaen2005.9.Unbateaudepatrouille.10.Ungestetraditionneldebienvenue.11.Petitevalléeoùpasseuncoursd’eau,parfoisasséché.(N.D.T.)12.Défensecontreavions.(N.D.T.)

Quatrièmepartie–Applicationdelaloi:undoublerégime1.Uncolond’Hébrontuédansuneattaquepalestiniennealorsqu’ilrentraitchezluidesonservicemilitaire.2.En2000,deuxréservistesisraéliensontététuésparunefouleàRamallah.3. CarmelaMenashe, la célèbre correspondante militaire de la radio publiqueisraélienneKolIsraël.4.Lesoldat fait référenceàuneexpéditiondecolonsaucoursde laquelleunefillepalestinienneaétéabattueetungarçonpoignardédansledos.5.LeChabad-Loubavitchestunmouvementreligieuxjuiforthodoxe.(N.D.T.)6.Objetsdecultepropresaujudaïsme.(N.D.T.)7.Lemarchédegroshistoriqued’Hébronaétéoccupédeuxfoispardescolonsdans le but d’étendre leur présence dans la ville. Ils ont été évacués pour ladeuxièmefoisen2007.8. La maison, qui borde le quartier d’Avraham Avinu, a été plusieurs foissaccagéeparlescolonsetrendueinhabitablepourlafamilleSharabati.L’arméeasoudélesaccèsàlamaisonpourlapremièrefoisen2002.9.L’undescoordinateursdesécuritédelacolonie,uncivil.10.Le15novembre2002,unattentatterroristeaeulieusurcequ’onappellela«routedesPèlerins»,danslequeldouzeIsraéliens–dessoldatsetdescolons–ont été tués. La route est un raccourci qui relie Kiryat Arba au tombeau desPatriarches.11.Lechefd’état-majordeTsahalàl’époque.12.UnetrêvenégociéeentreIsraëletleHamasen2003.13.Lazoned’Hébronsouscontrôleisraélien.14. Un avant-poste illégal à Hébron, dont on a ordonné l’évacuation et ladestruction...plusdetrentefois.15.Membresdugouvernement,duLikoud,lepartidedroite.16.L’undesévénementsrituelsdelafêtedePessah.(N.D.T.)17.«Bonnesactions»enhébreu.(N.D.T.)18.Desvillesd’Israël.19.Unecolonieemblématiquede3200habitants, l’unedespremières, fondée

en1975.20. La quatrième colonie la plus importante de Cisjordanie, fondée en 1978,avecunepopulationde17600habitants.21. Le soldat fait référence à Mahmoud Abbas, le président de l’Autoritépalestinienne.22.LeministredelaDéfensetravaillisteBinyaminbenEliezer.23.Mesuredelaterreemployéesousl’Empireottoman,correspondantàcequel’onpeutlabourerenunejournée.(N.D.T.)

Glossaire

8/8 (ou toute autre combinaison de chiffres) : rapport entre le nombred’heuresdeserviceetderepos(quiincluentuncertainnombredecorvées).

Balles en caoutchouc : balles enrobées d’une enveloppe de caoutchouc.Ellessontconsidéréescommemoinsmortellesque lesballes réellesetdoiventêtre tirées par groupes de trois, retenus par une enveloppe en plastique. Ellesdeviennentplusmortellesquandellessontséparées.

Bataillon:detroisàquatrecentssoldats,commandésparuncolonel.BCD : bureau de coordination du district. Il s’agit d’une branche de

l’administration civile en Judée-Samarie, un corps militaire chargé de lasupervisiondesaffairesquotidiennesdesPalestiniensenCisjordanieetdans labandedeGaza.

Brigade :demilleàmillecinqcentssoldats,commandésparunlieutenantgénéral.

Brigade régionale : brigade composée de bataillons qui alternent pourmaintenir le contrôle logistique et tactique des opérations dans une régiondonnée.

Compagnie:decinquanteàcentsoldats,commandésparuncapitaine.Coordinateur de sécurité d’une colonie : aussi désigné par l’acronyme

hébreu Ravshatz, un civil employé par Tsahal et chargé de la sécurité d’unecolonie.

Déploiement:périodependantlaquelleuneunitéestenvoyéesurleterrainpour mener des opérations de sécurité de routine. Les unités de combat sontgénéralementsoitendéploiement,soitàl’entraînement.

Équipe:decinqàdixsoldats,commandésparunsergent.H1/H2 : zonesadministrativesd’Hébrondéfiniespar lesaccordsd’Hébron

de 1997. H1 englobe l’essentiel de la ville, administrée par l’Autoritépalestinienne.H2 est le centre-ville, sous commandement israélien, égalementhabitépardescolonsisraéliens.

MAG :acronymepourunemitrailleuse(machinegun),déployéeauniveaudelasection;onentrouveégalementdanslesvéhiculesblindésetlespostesdegarde.Cettearmeoffreunepuissancedefeumoyenneetn’estpastrèsprécise.

Mouillé:argotpourlestirsàballesréelles;contrairede«sec»,c’est-à-diresanscoupsdefeu.

Officier de sécurité : civil chargé de la sécurité d’une certaine zone ouinstitution.

Ruger:armedetireurd’éliteutiliséepourlecontrôledesémeutes.En2001,l’avocatgénéraldel’arméeadéclaréqueleRugerétaitunearmemortelleetnedevaitpasêtreutilisécommeoutilantiémeute.

Section:devingtàquarantesoldats,commandésparunlieutenant.Veuve de paille : maison palestinienne occupée par une unité, utilisée

commepostecaché.VTT:véhiculedetransportdetroupesblindé.Ilenexisteplusieursvariétés:

le VTT standard s’appelle le Bardelas, il est assez vulnérable, bien quefréquemment utilisé par l’infanterie ; les VTT lourds – le modèle Puma ouAchzarit (« méchante femme ») – sont moins courants et plus lourdementblindés.

Zone de sécurité spéciale : zone tampon autour d’une colonie ou autreinstallationisraéliennedanslesTerritoires.

Remerciements

Nousremercionsvivementlesnombreuxvolontairesetlessympathisantsquiontrendu le travail sur ce livrepossible.Sans leur aide, ces témoignages capitauxn’auraientpaspuarriverjusqu'àceuxquidoiventlesentendre.Nousvoudrionségalement remercier Shai Efrati, qui a établi les cartes ; les membres deB’Tselem et de « La Paix maintenant », qui ont fourni les informations surlesquelleselless’appuient;TalHaram,J.R.,AmitGvaryahu,AlexandraPolsky,JerryHaber,etparticulièrementClareNeedhampourleuraideàlatraductionenanglais.Enfin,merci aussi àRivaHocherman, chezMetropolitanBooks, dontl’implicationdansleprojetapermisàcelivredevoirlejourentraduction.

Tabledesmatières

Préface–Lesbriseursdeglace

Introduction145témoignagesLesdessousdelapolitiqueisraélienne

Premièrepartie

Prévention:intimiderlapopulationpalestinienne1.Grenadesincapacitantesàtroisheuresdumatin2.Empêcherlevillagededormir3.Ilssontarrivésdevantunemaisonetl’ontdémolie4.Lesous-commandantdebrigadeafrappéunprisonnierattaché5.Ilsontfrappéunhommemenottéàcoupsdepieddansleventreetàlatête6.IlfrappeunArabeetjenefaisrien7.Onenvoyaitleursvoisinsdésamorcerdesexplosifs8.Jen’arrivaispasàcroirequel’ordredetuerpuisseavoirétéexécutéenuneminute9.Peinedemortpourunhommedésarmé10.Lecommandantdebataillonaordonnédetirersurdesgensquiessayaientderécupérerdescorps11.Iladescenduungarçondeonzeans12.Sesmembresétaientétaléssurlemur13.Uneprocédurebienconnue14.Tuasenviedeletuermaisilpleure15.Lecommandantdebrigadenousaexpliqué:«Tut’approchesducorps,tumetslecanonentrelesdentsettutires»16.Ilsontordonnéàl’unitédetirersurtoutlemondedanslarue17.Sivousvoyezungaminavecunepierre,vouspouveztirer18.Onarassemblétousleshommesdanslestade19.Perturberlaviequotidiennedeshabitants20.Descoups,desbousculades,toutessortesdechosescommeça.Touslesjours21.Desarrestationsinutiles22.Lesgarsontpissédanslacour23.Prendrelecontrôled’unefamille24.Unbouclierhumainambulant25.Onagitaitnotrearmepourmontreraugarçonquoifaire26.Tupouvaisfairecequetuvoulais,personneneposaitdequestions27.Ilsluiontjetéunegrenade,puisilsluionttiréuneballedanslatête28.Lecommandantadit:«Jeveuxdescadavrescriblésdeballes»29.Lecommandantdedivisionadit:«Vousêtesclassésselonlenombredepersonnesquevoustuez»

30.Onaseulementtuéquatreenfants31.Ilsdétruisaientdélibérémentleurmaison32.Onentrechezdesinnocents.Touslesjours,toutletemps33.Grenadesincapacitantesdansdeslieuxcentraux34.Entrerjoyeusementavecdesgrenadesincapacitantes35.Ilssontvenus,ilsontposédesexplosifs,ilsontfaitsauterlamaison36.Onatuédespoliciersdésarmés37.Visezlesyeuxpourarracherunœil38.UnepatrouillepourfrapperdesArabes39.Onestentrésdansunemaisonpourquelatélévisionnousfilme40.RegarderlefootàNaplouse41.LafinaledeCoupedumondedansuncampderéfugiés42.Tupeuxsaisirunemaisonpendantdesannées43.Çafaitvraimentressortirlafolieentoi44.Tufourrestoutçadanstonsacàdos

Deuxièmepartie

Séparation:contrôle,expropriationetannexion45.Jenesavaispasqu’ilyavaitdesroutesréservéesauxJuifs46.Lecheckpointdétruitdesvies47.Lavilleesthermétiquementfermée48.Sicen’estpasunghetto,qu’est-cequec’est?49.Lecommandantaditdebloquerlaroute50.Uneroutestérile51.Hébron,uneclaquecuisante52.Lesmanifestantssefaisaientfrapper,lesofficiersouvraientdesgrainesdetournesol53.Ilsfermaientlesmagasinscommepunitioncollective54.«VouscroyezvraimentquejevaisattendrederrièreunArabe?»55.J’aihontedecequej’aifaitlà-bas56.Tunesaispascequetufaislà57.Lessoldatsontfaituneblague,lepermisdetravailadisparu58.Unosdanslagorge59.Ilspointentleursarmessurdesétudiants60.Servicedegardedanslevillagepalestinien61.Chaquevendredi:zonemilitairefermée62.Ilsontfermélaroutependantunmois63.OnjouaitàTometJerry64.Onareçudesordrescontradictoires65.C'estcomplètementarbitraire66.Informationsincohérentes67.Lesordresn’étaientpasclairs68.Toutreposesurl’interprétationpersonnelle

69.LagrandesagessedeTsahal70.Iln’yapasdesgensquiveulentjustetravailler?71.IIestinterditdefaireentrercertainsproduitsenCisjordanie72.Nelaissezpaspasserlesambulancesaucheckpoint73.VousallezdanslavalléeduJourdain?Ilvousfautuneautorisationspéciale74.UncamionquientreàRamallah?Ilvousfautuneautorisation75.Combiend’autorisationsunepersonnedoit-elleavoir?76.Deuxvillages,deuxBCDdifférents77.Ças’appelledela«ségrégation»78.Iln’yarienàfaire,lesretardatairesnepeuventpaspasser79.Onabloquél’accèsàsasourcederevenus80.Lesagriculteursontfonduenlarmes81.Iladit:«Jevisenprison»

Troisièmepartie

Latramedevie:administrerlaviecivilepalestinienne82.Renverserdescageotspourfaireunexemple83.Jenecomprenaispasl’utilitédecesrepérages84.Lamission:perturberetharceler85.Chaqueincidententraînaitla«limitationdesdéplacementscivils»86.Voussavezcequesignifieunblocusmaritime?87.Commentpeut-ons’attendreàcequelesgensviventsil’onimposeautantdecouvre-feux?88.TroismillePalestinienssurcinqpostes89.Desheuresréduitespourfranchirlecheckpoint90.Lafilen'étaitpasdroite,alorsl’officieratiréenl’air91.Ilsnousontdit:«Laissez-lessécher»92.Tuattrapesunhommeettuprendslecontrôledesavie93.Jel’aifaitchierdanssonpantalon94.Onavaitunesortedecampdeprisonnierstemporaire95.Ilamarmonnéunpeu,jeFaifrappéauvisage96.Tuveuxlesclés?Metsdel’ordredanslecheckpoint97.Lesroutesouvrentquatreheurestouslesdeuxjours98.Desvillagessanseau99.Unesorted’environnementhumanitaire100.L’undestravailleursestmortécrasé101.Onatirésurdespêcheurs,coupéleursfilets102.Entraînementaumilieuduvillage,enpleinenuit103.Ilsclassentlaplainteetpassentàautrechose104.Inefficacitéetindifférence105.Siquelqu’unélevaitlavoix,onl’attachait106.L’undesvétéransadécidédel’humilier107.C’estlepouvoirquetuas

108.Lecommandantducheckpointsefaisaitappeler«ledocteur»109.Tusapesmonautorité110.Tuasl'impressionqu’unesecondedeplus,ettulesarrosesdeballes111.C’estquoicettehistoiredefermerleparking?112.Onconfisquaitdesclésetdesvéhicules113.Fermerdesroutes?C’estpolitique114.Tudonnaisdel’argentàMohammed115.Certainsprisonniersn’étaientpasaptesmédicalement

Quatrièmepartie

Applicationdelaloi:undoublerégime116.Lamission:assurerlasécuritépendantquelescolonssedéchaînaient117.Onatiréenl’airpourchasserlesagriculteurs118.Lecoordinateurdesécuritédelacolonienousaditcequiétaitautoriséetcequinel’étaitpas119.Engros,c’estunciviletilditàl’arméecequ’estlaloi120.Unservicedetransportpourlescolons121.Lescolonsvisitentlacasbah,éloignezlesPalestiniens122.Troisdenossoldatsquigardentunecabane123.Toutesceschosesnepassentpasdanslesmédias124.Unevieillefemme...lesgarsl’onttabassée125.Lemignonpetitgarçonaprisunebriqueetacassélatêtedelapetitefille126.Lesmaisonsdescolonssontàl’intérieurdelabasemilitaire127.Tudétestestoutlemonde128.Onconfisquaitdesvoituresetlescolonslesvandalisaient129.Lescolonssontentrésdanslacasbah,ilsonttuéunepetitefille130.Lescolonsontfaituntroudanssonmur131.Arrêterlescolons?L’arméenepeutrienfaire132.Lecommandantdebrigadenevoulaitpass’impliquer133.Ilsfermentlesmagasinspalestiniensmêmesansinjonction134.Àchaquefoisqu’ilsallaientévacuerl’endroit,unordrearrivaitduministredelaDéfense135.Ilsm’ontcrachédessusetm’ontinsulté136.Ilspiétinentlesmitsvotetlamorale137.Dansl’administration,lescolonsfontcequ’ilsveulent138.Évacuerunavant-poste?Çaprenddesannées139.Onnesavaitpastropoùcommençaitlacolonie140.C’étaitsacolonieetlefaitestqu’onétaitsessubordonnés141.Lecoordinateurdesécurités’estmisencolère,illuiadonnéuncoupdepied142.Lescoordinateursdesécuritéseprennentpournoscommandants143.Lecheckpointn’estpasfaitpourlasécuritéisraélienne144.Unecolonieinterditeauxsoldats145.Laclassepolitiqueesttrèsprochedescolonies

Cartes

NotesIntroductionPremièrepartie–Prévention:intimiderlapopulationpalestinienneDeuxièmepartie–Séparation:contrôle,expropriationetannexionTroisièmepartie–Latramedevie:administrerlaviecivilepalestinienneQuatrièmepartie–Applicationdelaloi:undoublerégime

Glossaire

Remerciements

Quatrièmedecouverture

BREAKINGTHESILENCE

LELIVRENOIRDEL'OCCUPATIONISRAÉLIENNE

LESSOLDATSRACONTENT

« C'est un monde complètement différent là-bas, avec desrègles complètement différentes. Dans ce monde-ci, cettehistoire est inacceptable, en tout cas pourmoi... Là-bas, c’esttellementnaturel.Lesrèglessonttellementdifférentes.Personnenecomprendçaàmoinsd’avoirétélà-bas.»Réveiller un village en pleine nuit à coups de grenades pourfaire régner la terreur, démolir des maisons au prétexte dechercherdesarmesquines'ytrouventpas,passeràtabacdesprisonniersmenottés,participeràdesopérationsdevengeancemeurtrière,arrêterdesenfants,annexerdesterres,tuerets’entrouver félicité : dans les Territoires occupés de Palestine,l’insupportableestdevenubanal.En 145 témoignages, les soldats de l’armée israélienneracontent leur quotidien fait de violences ordinaires et detensionspermanentes.Dans ceque certainsdécrivent commeun Far West, les limites morales de chacun sont sans cessemises à l’épreuve. Et tous sont marqués à vie. Dix ans

d’enquête ont permis à l’organisation Breaking the Silence derécoltercesparolesdeguerrequidisentlesobjectifsréelsdelapolitiqueisraéliennedanslesTerritoires:renforcersonemprisesurlaterreetcontrôlerlapopulationpalestinienne.Breaking the Silence, l’une des ONG israéliennes les plusreconnuesà l’étranger, a été fondéeen2004à Jérusalempardes vétérans de Tsahal afin de recueillir les témoignages dessoldats ayant servi dans les Territoires occupésdeCisjordanieetdanslabandedeGaza.Zeev Sternhell, le préfacier, est professeur émérite desciencespolitiquesàl’UniversitéhébraïquedeJérusalem.Traductiondel’anglais(États-Unis)parSamuelSfez.

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