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Facebook pour l’enseignement/apprentissage informel du
FLE : une étude de cas
Christelle Combe Celik
Lidilem, Université Stendhal – Grenoble 3
UFR des Sciences du Langage
BP 25
38040 Grenoble cedex 9
christellecelik@hotmail.com
___________________________________________________________________
RÉSUMÉ. Cet article s’ancre dans le champ des recherches qui explore l’utilisation des
réseaux sociaux, et plus particulièrement Facebook, dans un contexte
d’enseignement/apprentissage informel du Français Langue Etrangère. Partant du postulat
que cet espace multimodal induit un comportement discursif particulier, à partir de l’analyse
interactionnelle et pluri-sémiotique d’échanges en ligne recueillis écologiquement, il décrit
les pratiques discursives d’apprenants de FLE et de leur enseignante dans un espace dédié
sur Facebook.
MOTS-CLÉS : analyse de discours médié par ordinateur, apprentissage informel du FLE,
communication médiée par ordinateur, Facebook, interactions pédagogiques en ligne, réseau
social.
ABSTRACT. This paper analyzes the use of Facebook in the context of informal teaching
and learning of French as a Foreign Language (FFL), through social media. It is based on
interaction analysis and plurisemiotic analysis. The protocol of research is based on an
empirical method of collecting ecological data. The study aims to describe the discursive
practices of FFL learners and their teacher through a Facebook group.
KEY-WORDS : computer mediated discourse analysis, FFL informal learning, computer-
mediated communication, Facebook, online pedagogical interactions, social network..
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JOCAIR’2012. Thématique
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1. Introduction
Avec le développement des technologies numériques et des réseaux de
communication, les individus (et tout particulièrement la génération de ceux
que l’on appelle les « natifs digitaux ») sont de plus en plus interconnectés
grâce à un ou plusieurs réseaux qu’ils consultent régulièrement (parfois
plusieurs fois au cours d’une journée), depuis des terminaux fixes ou
mobiles (ordiphones, tablettes). L’avènement de l’Homo Reticulus (l’humain
en réseau) semble bien être le phénomène marquant de cette première
décennie du 21e siècle. Ce phénomène social, devenu champ de recherches à
creuser, intéresse notamment la recherche en didactique. Il apparaît
cependant que « l’utilisation des réseaux sociaux dans le domaine de
l’enseignement est loin d’être uniforme et présente des utilisations diverses
et variées » (Damani, K. et Rinaudo, J.-L., 2011) et qu’il est encore en phase
exploratoire1, notamment dans l’enseignement/apprentissage des langues.
Aussi, dans cette communication, nous proposons-nous d’explorer à notre
tour ce champ et d’étudier les échanges qui ont eu lieu au sein d’un groupe
ouvert sur Facebook par une enseignante de Français Langue Etrangère à
destination de ses apprenants. Postulant que cet espace multimodal induit un
comportement discursif particulier, nous chercherons à répondre à
l’interrogation suivante : Quelles pratiques discursives, enseignante et
apprenants de français langue étrangère, mettent-ils en œuvre dans un espace
dédié sur Facebook ? Dans cette perspective, nous procéderons à une analyse
interactionnelle et pluri-sémiotique d’échanges en ligne recueillis
écologiquement. Après avoir exposé le contexte, le cadre théorique, l’objet
de la recherche et la démarche méthodologique, nous présenterons notre
analyse et discuterons les résultats auxquels nous aboutissons.
2. Le cadre théorique
Cette étude s’ancre dans le champ des recherches en sciences du langage
qui explorent le web social et qui s’interrogent plus particulièrement sur
1. Une communauté d’enseignants et de chercheurs européens s’y intéresse particulièrement :
http://www.elearningeuropa.info/fr/book/l039apprentissage-des-langues-et-les-médias-
sociaux-–-6-axes-principaux.
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l’utilisation des réseaux sociaux dans un contexte
d’enseignement/apprentissage des langues.
2.1. Web social, médias et réseaux sociaux
Comme l’ont rappelé Develotte et Dervin (2011) lors du dernier
colloque Epal, le web social pose des « problèmes définitoires ». A ce jour,
le concept est encore instable et les termes de web social (ou web 2.0),
médias sociaux et réseaux sociaux sont souvent employés indifféremment
alors qu’ils recouvrent trois concepts bien distincts : le web social est avant
tout un concept et les médias sociaux sont les services et applications qui se
sont développés en respectant les fondements de ce concept (Anderson,
2007). On distingue six types de médias : les projets collaboratifs
(Wikipédia), les blogs (Wordpress) et microblogs (Twitter), les
communautés de contenus (YouTube, Flickr), les sites de réseaux sociaux
(Facebook, LinkedIn), les jeux virtuels (World of Warcraft) et mondes
virtuels (Second Life) (Kaplan et Haenlein, 2010). Les réseaux sociaux ne
sont donc qu’une infime partie du web social, mais comme Coutant et
Stenger (2010), nous pensons qu’il convient de souligner « leur double
dimension sociale et technologique » et adoptons la terminologie de « réseau
socionumérique ».
2.2. Le réseau socionumérique Facebook
Facebook est l’un des réseaux socionumériques les plus populaires et
serait le site le plus visité après le moteur de recherche Google. Nous ne
rappellerons donc ici que les caractéristiques qui intéressent la
communication sur le mur d’un groupe.
La communication sur Facebook est ordonnée : l’interface hiérarchise
les contributions qui peuvent être initiatives ou réactives. Elle est aussi
multimodale : l’internaute peut non seulement publier un message écrit mais
aussi un lien vers un site ou une vidéo (qui seront automatiquement reconnus
s’ils proviennent d’Internet), une photo, ou encore poser une question. Il
peut aussi indiquer avec qui il est et où il est, l’application étant désormais
utilisable également à partir des ordiphones (application Facebook Mobile).
Elle est enfin guidée : que ce soit pour initier une contribution ou réagir,
l’interface incite l’internaute à s’exprimer « Exprimez-vous », à poser une
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question « Demander quelque chose … ajouter des choix de réponse », à
aimer, à commenter, à s’abonner à la publication, à partager. La
communication avec les autres membres est a priori asynchrone, toutefois le
délai de réaction peut être très bref et s’apparenter à un échange synchrone.
Le discours est multi-adressé, à l’ensemble des membres du groupe, et les
contributions sont généralement courtes, proches du microblogage, sans être
pourtant automatiquement restreintes par l’outil.
Face à un tel engouement social, la recherche en didactique explore
l’utilisation pédagogique qui peut en être faite (Selwyn, 2007 et 2009,
Madge, Meek, Wellens et Hooley, 2009, Lamy, 2011, Siemens et Weller,
2011).
2.3. Quels outils pour étudier la communication sur Facebook ?
En tant que recherche en sciences du langage, notre étude s’ancre dans le
champ des recherches qui étudient la communication médiée par ordinateur
(CMO) et s’appuie tout d’abord sur le cadre défini par Herring (2004 : 2) :
« toute analyse de comportement en ligne qui se fonde sur des observations
empiriques, textuelles est de l’analyse de discours médié par ordinateur. »
Toutefois, pour décrire ces discours pluri-sémiotiques, les outils
traditionnels de l’analyse de discours textuels s’avèrent insuffisants. Nous
convoquons donc les entrées que Develotte (2006) propose : la mise en
écran, la mise en média, la mise en rubriques, ainsi que la mise en discours.
Le mur de Facebook formant une vaste conversation, afin de définir les
unités de la conversation, nous nous appuyons sur les entrées proposées par
Kerbrat-Orecchioni (1998). Nous nous attachons enfin à étudier le langage
d’Internet qui est le résultat de différents contacts : des contacts de langue
naturelle, des contacts entre langue écrite et langue orale et des contacts
entre langue écrite et langue du clavier (Develotte et Gee, 2003).
3. L’objet de la recherche
Entre autres applications, un utilisateur de Facebook peut créer un groupe
ouvert, fermé ou secret. Notre objet d’étude est un groupe fermé créé sur
Facebook le 17 janvier 2011 par une enseignante de Français Langue
Etrangère dans un Institut Français à l’étranger.
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3.1. Les membres
Ce groupe comporte 39 membres (dont nous-mêmes en tant
qu’observateur passif et deux faux profils, 36 membres actifs donc, dont
l’enseignante).
Ce groupe fermé est, à l’origine, destiné aux apprenants de Français
Langue Etrangère que cette enseignante a eu en présentiel au cours de
l’année. Toutefois, six personnes (mis à part notre profil) dans ce groupe ne
sont pas ses étudiants en présentiel : quatre sont des amis qui s’intéressent au
français et deux d’anciens étudiants.
Les membres sont des adultes dont le niveau de français varie de A1 à C.
Cependant 28 sur 34 étudiants ont un niveau dit introductif ou de découverte
(A1). Ils vivent tous dans une métropole et ont accès aux dernières
nouveautés technologiques (ordiphones, tablettes) qu’ils sont vivement
encouragés à utiliser, y compris pendant les cours. Tous les membres ont le
statut d’administrateur et disposent donc de tous les droits dans cet espace.
3.2. Le projet
L’enseignante travaille avec ses étudiants sur la plateforme Moodle, mais
c’est suite à la suggestion d’une étudiante qu’elle a décidé d’ouvrir ce
groupe. Facebook semblait, en effet, aux yeux des étudiants, un lieu plus
propice à l’interaction spontanée.
Aucun objectif pédagogique n’a été prédéfini en termes de compétences
de production écrite et de compréhension écrite, mais un objectif en termes
de compétences interactionnelles était visé, sachant qu’il s’agit d’un groupe
multiculturel. Aucune consigne particulière n’a été donnée : « Pendant le
cours, je signalais au fur et à mesure aux autres classes la possibilité de
joindre ce groupe fermé ».
Les échanges au sein du groupe Facebook ont lieu pendant et après le
cours en présentiel et sans lien particulier avec les points abordés en cours.
L’espace est destiné à rester ouvert plusieurs années, sans limitation d’accès
ou de temps aux membres.
3.3. Les unités de la conversation
L’interface de Facebook ordonne les contributions initiatives, la plus
récente apparaissant en premier sur le mur. Par ailleurs, elle hiérarchise les
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contributions réactives par rapport aux contributions initiatives, les
premières apparaissant en retrait, le tout formant un échange. Nous
distinguons quatre unités de la conversation :
la contribution isolée : une contribution initiative postée par un
membre qui est resté isolée car personne n’y a directement répondu
selon le critère de hiérarchisation de l’interface de Facebook.
l’échange dialogal : un échange constitué d’une contribution
initiative suivie d’une contribution réactive. Parfois cet échange se
prolonge au-delà d’une réponse unique, tout en restant cependant
confiné à deux interlocuteurs.
l’échange polylogal : un échange auquel prennent part au moins trois
interlocuteurs différents. Il est constitué d’une contribution initiative
suivie de plusieurs contributions réactives.
l’appréciation « j’aime » : une contribution réactive a minima
(propre à Facebook).
4. La démarche méthodologique
Notre travail est une étude ethnographique non participante. La démarche
méthodologique que nous adoptons est hybride : après différents comptages,
nous procédons à une analyse sémio-discursive du discours multimodal en
interaction.
4.1. Le corpus
Nous avons opté pour un recueil de données fondé sur la temporalité
(Herring, 2004). Le groupe ayant été ouvert le 17 janvier 2011, nous avons
étudié les échanges qui ont eu lieu au sein de ce groupe durant une année,
soit jusqu’au 17 janvier 2012.
Ne pas être l’enseignant à l’initiative du projet nous est apparu un atout
pour l’objectivité de l’observation discursive. Toutefois il nous a semblé
indispensable d’adresser préalablement un questionnaire à l’enseignante afin
d’éclairer de l’intérieur le groupe et le projet. Le corpus d’étude se compose
donc de l’ensemble des données multimodales recueillies directement sur la
page Facebook de ce groupe ainsi que des réponses à un questionnaire
adressé à l’enseignante.
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Enfin, il est à souligner que pour préserver la spontanéité naturelle des
échanges qui ont lieu dans cet espace, les apprenants n’ont pas été informés
que le groupe était observé et qu’il ferait l’objet d’une étude scientifique.
Tous les échanges ont donc été strictement anonymés afin de préserver leur
identité, seule l’enseignante qui nous a donnée libre accès au groupe est
informée de cette étude.
4.2. Des comptages manuels à l’analyse sémio-discursive du discours
multimodal en interaction
Pour mieux appréhender les corpus extraits et avant de procéder à
l’analyse fine du discours, il nous semble intéressant de disposer de quelques
données chiffrées. Dans un premier temps, nous avons donc effectué des
comptages manuels en cherchant à mettre en évidence la participation des
différents membres (enseignante et apprenants), mais également la
répartition des différents types de contribution et des différentes unités de la
conversation.
Nous avons ensuite procédé à une analyse qualitative de l’ensemble du
corpus, c’est-à-dire non seulement des productions textuelles, mais
également des données multimodales telles que photos, hyperliens
vidéos/audios ainsi que le bouton « J’aime », suivant la piste d’analyse
sémiotique suggérée par Lamy (2011).
5. Analyse et discussion
5.1. Quelques données quantitatives
Interventions
totales
Contributions
initiatives
Commentaires J’aime
Enseignante 168 62 51 55
Apprenants 222 61 88 73
Tableau 1. Participation détaillée par type de contributions
Ce premier tableau nous informe de la répartition de la participation entre
l’enseignante et les apprenants, mais également entre les différents types de
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contributions. Nous observons notamment la forte activité discursive de
l’enseignante au sein du groupe.
En ce qui concerne la participation étudiante, nous avons constaté que sur
les 35 membres inscrits, 19 étudiants ont contribué au moins une fois (12
étudiants ont posté au moins une contribution initiative, 12 étudiants ont
posté au moins un commentaire et 14 étudiants ont cliqué sur au moins un
« J’aime »), tandis que 16 étudiants ne sont, quant à eux, jamais intervenus.
Sur les 19 étudiants ayant contribué au moins une fois, six étudiants ont été
très actifs (jusqu’à 40 contributions), six un peu actifs et sept étudiants peu
actifs (d’une à deux contributions).
Si nous observons les différents types de contributions, nous constatons
que l’utilisation des trois types de contribution est à peu près également
répartie chez l’enseignant et que chez les apprenants, les contributions
réactives (commentaire ou j’aime) sont plus nombreuses que les
contributions initiatives.
29 30 51 13
contributions
isolées
contributions isolées
avec J’aime
échanges
dialogaux
échanges
polylogaux
Tableau 2. Répartition par unités de la conversation
Ce deuxième tableau nous renseigne sur l’activité interactionnelle. Et
nous constatons que 94 contributions ont suscité une réaction du simple clic
sur « J’aime » au polylogue de dix commentaires à cinq interlocuteurs
différents. L’activité interactionnelle au sein du groupe a donc bien eu lieu.
5.2. La contribution initiative : quelles catégories ?
Dans un premier temps, nous avons cherché à caractériser la contribution
initiative. Nous avons tenté en premier lieu de nous appuyer sur la grille
conçue par Selwyn (2009) et raffinée par Lamy (2011), toutefois, il nous a
semblé que ce qui se distinguait dans notre corpus était le support et
notamment le support vidéo. Nous avons ainsi relevé comme catégories : la
vidéo chanson (avec ou sans les paroles), la vidéo chanson de dessin animé,
la question politique ou polémique à partir d’un article ou d’une vidéo, la
question qui pose débat, l’explication et la référence au cours. Les aspects
socioculturels (chanson, cinéma, politique, débat de société) sont les sujets
les plus fréquents et la vidéo – et notamment le vidéoclip de chanson –
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permet ainsi aux apprenants débutants de s’exprimer sans avoir recours à
l’écrit. Nous avons aussi remarqué que ces différentes catégories suscitent
une plus ou moins grande interactivité, certaines contributions initiatives
générant de longs polylogues.
5.3. Quelques polylogues fructueux
Certaines contributions initiées par des apprenants à partir d’une vidéo ou
d’un article polémique génèrent de longs polylogues. Nous avons retenu
deux exemples. Le premier concerne une vidéo, entretien en anglais de
Marine Le Pen. Le second part d’un article polémique en français et d’un
autre en anglais autour de la sexualisation des très jeunes filles.
Figure 1. Exemple d’un polylogue
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Dans ces deux exemples, les contacts de langue (anglais/français), y
compris de la part de l’enseignante, sont importants, la volonté de participer
à l’échange semble dominant.
5.4. J’aime : le degré minimum de l’interactivité sur Facebook
Nous nous sommes aussi intéressée au bouton « J’aime » caractéristique
de Facebook, qui nous apparaît à la fois comme le degré minimum de
l’interactivité tout en maintenant un lien entre les membres, un geste réactif
aux sens multiples. En effet, « J’aime » peut signifier que l’on apprécie la
contribution initiative ou encore que l’on approuve son contenu, il peut aussi
marquer le remerciement. Considérant qu’une contribution initiative qui
suscite plusieurs « j’aime » d’interlocuteurs différents est un échange
polylogal, il est le degré minimum de l’interactivité sur Facebook. Marquant
l’assentiment, il sert de lien de connivence entre les membres. En revanche
une vidéo polémique que l’on ne peut pas aimer suscite davantage de
réactions écrites. L’enseignant de langue dans son utilisation de Facebook
aurait donc intérêt à choisir davantage des sujets à controverse s’il entend
susciter la parole de ses apprenants.
5.5. Quelle présence de l’enseignante ?
En dernier lieu, nous avons cherché à caractériser la présence de
l’enseignante qui est à la fois sociocognitive et socioaffective dans un espace
où elle a choisi d’avoir de fait les mêmes droits que les apprenants. Elle
poste de nombreuses contributions initiatives où la vidéo chanson tient une
place privilégiée, faisant parfois référence au cours de langue qui a eu lieu
dans la journée. Elle cherche à susciter la parole de ses apprenants et poste
également des liens vers des sites utiles à l’apprentissage du français
(dictionnaire, clichés, etc.). Elle corrige parfois la langue. Elle répond très
régulièrement ou ponctue d’un « j’aime » les publications ou commentaires
des apprenants. Cet espace apparaît donc comme un lieu de partage,
d’échange et d’humour. Mais c’est aussi là que l’enseignante tisse des liens
socioaffectifs forts avec ses apprenants :
Chers amis, je suis désolée, ce soir je ne peux pas venir en
cours (je vais vous expliquer lundi). Il y a du vin et des
gâteaux et j’ai demandé à [Prénom] de venir à ma place ! A
lundi et gros bisous.
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Demain je serai à Lyon, vous allez me manquer (;_;) bon
cours.
Mille merci à vous pour ce semestre rempli de bonheur; une
petite lecture pour un été plein de couleurs et de soleil ! Mon
poème préféré :-) [suit un lien].
L’enseignante dans cet espace particulier semble donc adopter bien
davantage la posture et le langage d’une tutrice en ligne.
6. Conclusions et perspectives Cette étude d’un groupe Facebook destiné à l’enseignement du Français
Langue Etrangère montre tout d’abord que cet espace offre une grande
liberté qui permet un apprentissage communautaire informel où les
apprenants partagent non seulement leurs humeurs, leurs goûts mais
approfondissent également leur apprentissage de la langue et de la culture
française. Ils renforcent aussi des liens communautaires préexistants. Si des
études précédentes ont montré que les apprenants souhaitent que cet espace
reste un lieu de socialisation (Madge, Meek, Wellens et Hooley, 2009 ;
Lamy, 2011), nous observons qu’il n’est pas incompatible avec une pratique
linguistique en prolongement d’un enseignement/apprentissage plus formel.
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Remerciements : Nous remercions l’enseignante du cours qui souhaite
rester anonyme de nous avoir donné libre accès à l’ensemble de ses données.
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