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Université PARIS 8
Institut d’études européennes
MST d’études européennes de Gestion et valorisation des échanges culturels et sociaux
Les arts de la rue Etude comparative de la situation en France et en Italie
soutenu par Virginie Karniewicz
sous la direction de M. Alain Bertho
Année 2003-2004
Université PARIS 8
Institut d’études européennes
MST d’études européennes de Gestion et valorisation des échanges culturels et sociaux
Les arts de la rue Etude comparative de la situation en France et en Italie
soutenu par Virginie Karniewicz
sous la direction de M. Alain Bertho
Année 2003-2004
Je remercie vivement M. Francesco Rienzi, directeur artistique du Lucania Buskers Festival,
sans qui ce mémoire n’aurait pas vu le jour.
Je tiens également à remercier tous les professionnels du secteur qui ont bien voulu
m’accorder un peu de leur temps.
Je remercie M. Bertho pour son suivi.
SOMMAIRE
1. L’institutionnalisation en France…………………………………………...7
1.1 Deux organismes subventionnés ……………………………………7
1.1.1 Lieux publics………………………………………………7
1.1.1.1 La Cité des Arts de la Rue ………………………8
1.1.1.2 La FAI AR……………………………………...10
1.1.2 HorsLesMurs…………………………………………......13
1.1.2.1 Le Goliath………………………………………14
1.2. Les lieux de fabrication……………………………………………16
1.3. Les financements…………………………………………………..17
1.4. Une année des arts de la rue……………………………………….20
2. Le développement des arts de la rue en Italie…………………………....22
2.1 Les arts de la rue contemporains…………………………………..22
2.2 La bataille politique………………………………………………..25
3. L’organisation professionnelle…………………………………………….28
3.1. En France: la Fédération des arts de la rue…………………………28
3.1.1 Rapports HLM/ Fédé……………………………………..30
3.2 En Italie : La Federazione Nazionale Artisti di Strada (FNAS) …..32
3.2.1 La volonté de reconnaissance institutionnelle…………....34
3.2.2 La formation………………………………………………………38
3.2.3 Kermesse……………………………………………….....39
4. La situation économique des artistes de rue………………………………41
4.1 Les festivals : principaux diffuseurs des arts de la rue………………41
4.2 En France, le statut d’intermittent du spectacle……………………..44
4.3 Une situation moins favorable pour les artistes italiens……………..47
5. Etude de cas de plusieurs festivals et spécificités………………………….51
5.1 Les festivals en France……………………………………………....51
5.1.1 Chalon dans la rue (Chalon-sur-saône - Bourgogne) …………51
5.1.1.1 L’Abattoir……………………………………………….54
5.1.2 Fest’Arts (Libourne - Gironde) …………………………….....56
5.1.3 Bains de rue (Clichy - Hauts-de-Seine) ………………………58
5.1.3.1 Les arts de la rue en région parisienne…………………..59
5.1.3.2 Bains de rue……………………………………………...61
5.2 Les festivals en Italie………………………………………………...62
5.2.1 Mercantia (Certaldo - Toscane) ……………………………...62
5.2.2 Napoli Strit Festival (Naples - Campanie) …………………...65
5.2.3 Lucania Buskers Festival (Stigliano - Basilicate) ……………68
6. Dimension politique et sociale des arts de la rue………………………….73
6.1 Les arts de la rue et la politique de la ville…………………………….73
6.2 Le danger de l’instrumentalisation…………………………………….75
6.3 Les enjeux citoyens…………………………………………………....77
7. Les réseaux européens, l’avenir des arts de la rue…………………………80
7.1 Circostrada……………………………………………………………..80
7.2 Eunetstar……………………………………………………………….86
7.3 In Situ…………………………………………………………………..88
ANNEXE I : Récapitulatif des crédits centraux du Ministère de la culture pour les
arts de la rue en 1996 et en 1997
ANNEXE II : Chiffres-clés du financement des arts de la rue par le ministère de
la Culture (DMDTS)
ANNEXE III : Les compagnies des arts de la rue conventionnées par le Ministère
de la culture (DMDTS) ANNEXE IV : Fac-simile di delibera comunale
ANNEXE V : Fus 2001, répartition du fonds de 1.028 milliards de lires
ANNEXE VI : Cartographie partielle des festivals d’arts de la rue en France
ANNEXE VII : Cartographie des festivals en Italie
ANNEXE VIII : Rapport de stage
Bibliographie
En guise d’introduction il convient de définir ce que sont les arts de la rue.
Nous le ferons en deux temps : d’abord par leurs caractéristiques puis de façon
historique. Cependant en donner une définition exhaustive est un exercice difficile
car ce qui pourrait le mieux les définir serait la diversité et la transversalité. En effet
si l’on regarde le nombre de disciplines différentes recensées dans les guides des arts
de la rue, qu’ils soient italiens ou français, on voit que le secteur des arts de la rue est
très hétérogène. Il croise parfois et même souvent les arts de la piste : acrobates,
mimes, clowns, jongleurs…Les arts de la rue se nourrissent aussi d’autres arts : on
parle de « théâtre de rue », de « danse urbaine », d’artistes plasticiens…qu’ont-ils en
commun ?
Tous ces artistes, souvent polyvalents, interviennent dans la rue ou plus exactement
dans l’espace public. En effet ce que l’on appelle « rue » peut être aussi une place,
une gare, un parc, une cour…
Les arts de la rue sont considérés comme un art populaire et ce pour plusieurs
raisons. Une des principales raisons est sans doute la gratuité des représentations.
Mais la gratuité induit aussi souvent un spectacle de basse qualité dans l’esprit des
gens. Or pour les arts de la rue, la gratuité est un combat.
La revendication de gratuité touche au sens, à la valeur même de tout un versant des arts de la rue. Elle est une revendication politique posée au cœur même de ces pratiques artistiques. Revendiquer la gratuité est consubstantiel à un certain type de projet artistique.1
Cependant de plus en plus de festivals, que ce soit en France ou en Italie,
fonctionnent avec une billetterie. A Chalon dans la rue par exemple, certains
spectacles sont payants et à jauges limitées. A Mercantia, en Italie, les spectateurs
doivent payer un droit d’entrée forfaitaire qui va de 7,50 à 10 euros pour pénétrer sur
le site du festival.
1 Enquête « espace gratuit ? » parue dans la revue Mouvement n°29, juillet-août 2004
1
La deuxième raison est le fait que les arts de la rue touchent tout le monde, des plus
jeunes aux plus vieux. Si l’on observe le public des festivals, on remarque tout de
suite le nombre impressionnant de familles. Le public n’est pas toujours attentif. Il
est libre de rester ou de partir, de manger, de boire et de fumer. C’est ce que Michel
Crespin a appelé le « public-population ».
Le public-population, c’est le public qui se trouve dans la rue, naturellement, qu’un spectacle s’y produise ou pas. Le public qui représente la plus large bande passante culturelle, sans distinction de connaissances, de rôle, de fonction, d’âge, de classe sociale. […] sa qualité première, le libre choix. De passer, d’ignorer, de s’arrêter, de regarder, d’écouter, de participer. Ce public-là, c’est sans doute le public rêvé pour un artiste de rue. C’est un public à
conquérir. Or avec la multiplication des festivals, le spectateur est souvent averti. Il a
choisi minutieusement les spectacles qu’il voulait voir à l’aide d’un programme qui
détaille les places et les horaires.
Le public est important car il fait aussi partie du spectacle. Il n’est pas rare qu’un
artiste interpelle un spectateur qui aura son rôle à jouer dans le spectacle. La réaction
du public guide aussi la représentation.
Après ce semblant de définition, nous allons remonter brièvement le temps pour
comprendre les origines des arts de la rue en Europe.
On peut tout de suite noter que l’influence italienne semble très forte. Les artistes
d’aujourd’hui puisent beaucoup de leur inspiration dans la commedia dell’arte, les
cantastorie, et cela se traduit parfois par l’usage de termes italiens dans le nom de la
compagnie ou des spectacles produits : l’Illustre famille Burattini (marionnettes), la
Compagnia dell’improvviso (commedia dell’arte), La Strada (festival international
des arts de la rue en Autriche)…
Cet héritage est d’autant plus important pour les artistes italiens qui, plus que les
artistes français, ont su s’approprier les traditions du théâtre populaire. Cependant si
2
l’on s’intéresse à l’histoire théâtrale récente et à l’émergence des arts de la rue, l’on
doit se pencher sur la fin des années 1960. C’est là qu’apparaît un mouvement de
contestation du théâtre en salle, du théâtre élitaire…C’est là que l’on découvre des
troupes venues des Etats-unis comme le Living Theatre et le Bread and Puppet
Theatre. Ces troupes se distinguent par une forme d’écriture collective et un discours
politique, deux caractéristiques importantes dans les arts de la rue. Cependant ce que
l’on appelle aujourd’hui les « arts de la rue » n’existe pas encore. Le phénomène de
se produire dans la rue est apparu au départ pour des raisons économiques et
politiques avant de devenir une véritable recherche esthétique. Chaque artiste a sa
propre spécificité, sa propre discipline et ne revendique pas son appartenance à un
secteur bien défini. On utilise encore le terme de « saltimbanques » et son abandon
sera une première victoire2. En effet les artistes de rue ne sont pas seulement des
« cognes-trottoirs » selon la terminologie employée par Michel Crespin. Le théâtre
de rue est aussi politique, il n’y a pas que des cracheurs de feu.
Les artistes se produisent d’abord sous forme d’interventions spontanées. Les gens
n’ont pas l’habitude, ils se laissent surprendre dans leur vie quotidienne par la magie
des spectacles. Se produire dans la rue prend donc véritablement un sens.
Être artiste de rue dans les années 1960-1970 comportait un risque important. En
effet outre la précarité, les artistes devaient faire face à l’hostilité des autorités qui ne
voyaient guère de différence entre les mendiants et les artistes.
En 1973, Jean Digne, qui sera par la suite directeur de l’AFAA3, lance à Aix une
manifestation appelée Aix, ville ouverte aux saltimbanques. Elle réunit tous les
artistes de rue, français, du moment. Elle aura lieu jusqu’en 1976 et donnera lieu
aussi à une école d’été située à Manosque et à une caravane culturelle. 2 Philippe Chaudoir : « En 1981 sont organisées à Marne-la-Vallée, les premières rencontres d’artistes d’espaces libres qui verront notamment l’abandon du terme de « saltimbanques ». 3 Agence française d’action artistique
3
Le deuxième grand événement du genre que l’on peut considérer fondateur est la
Falaise des fous, organisée en 1980 à la Falaise de Chaslain par l’homme de théâtre
Michel Crespin pour fêter son anniversaire. L’événement a duré trente-six heures du
6 au 7 septembre. Il y avait 7000 personnes dont 230 artistes. C’était une sorte de
manifeste artistique. Jacques Livchine, encore aujourd’hui une des figures de proue
des arts de la rue, bien qu’il ne revendique pas faire du théâtre de rue a dit :
Nous ne savions pas alors que ça s’appelait les « arts de la rue ». Nous étions loin de nous douter qu’ils allaient plus tard devenir, sous la houlette de Michel Crespin, l’une des formes artistiques institutionnelles modernes de ce pays, l’un des outils les plus prisés par les municipalités pour mettre un peu de couleur aux joues des banlieues tristes4. Après ces premières expériences qui restent ponctuelles, en 1986, Michel Crespin
crée le festival Eclat à Aurillac, ville moyenne au cœur de l’Auvergne et donc
relativement isolée. Eclat est créé en tant que « festival international de théâtre de
rue ». Pour ce premier festival, aucune communication n’a été faite au niveau
national. Le public se composait alors de la population d’Aurillac et de ses environs,
plus de nombreux amis et professionnels.
En ce qui concerne l’Italie, il semble que l’un des événements marquants pour la
récente histoire des arts de la rue fut l’Eté romain, organisé en 1977 par Renato
Nicolini, délégué à la culture de Rome. Cet événement, peu rattaché à la réalité des
arts de la rue d’aujourd’hui, mais se rapprochant plus d’événements de grande
ampleur comme « La fête de la musique » ou « Nuit blanche », marquait cependant
le retour des grandes manifestations en extérieur. On peut retenir aussi des
expériences comme celle de l’Odin Theatret d’Eugenio Barba, homme de théâtre
italien émigré en Norvège puis au Danemark et qui a travaillé aussi dans la rue,
revenant ainsi en Italie et en Europe.
4 Le théâtre de rue, 10 ans d’éclat à Aurillac, HorsLesMurs, Editions Plume, 1995
4
En 1978, des troupes historiques comme le Teatro Nucleo, venu d’Argentine mais
vivant et travaillant en Italie depuis leurs débuts, et le Teatro Tascabile di Bergamo,
dont nous évoquerons le travail plus avant, commencent à opérer dans la rue.
En 1988 c’est la première édition du plus grand festival italien consacré aux arts de la
rue : Mercantia. Il a lieu dans une petite ville médiévale de la Toscane à Certaldo et
en est aujourd’hui à la dix-septième édition.
On voit donc que le phénomène naît à la même époque dans les deux pays et que le
développement des arts de la rue est porté par une association ou une structure
derrière laquelle se cache un homme fort. L’organisation professionnelle et la
reconnaissance de l’Etat ne viendront que plus tard.
Depuis ces premières expériences une profusion de festivals a vu le jour.
Parmi ceux-ci il existe un noyau des plus « grands » festivals en terme de notoriété,
d’ancienneté et sûrement de quantité d’artistes…mais comme le dit à nouveau
Jacques Livchine :
Les groupes ne vont plus à Aurillac pour vivre une histoire d’amour avec la ville, non, leur préoccupation, c’est de se montrer et de vendre5». Ces grands rassemblements sont devenus les rendez-vous incontournables des professionnels, une sorte de grande foire aux artistes où l’on trouve le pire et le meilleur, « la kermesse n’est pas éloignée6. Les arts de la rue vont ensuite évoluer de façon différente dans les deux pays : en
France, on assiste à un processus d’institutionnalisation qui ne s’observe pas
vraiment en Italie. En Italie, on se bat plutôt pour une loi permettant le libre exercice
des artistes dans l’espace public.
Nous allons donc développer l’évolution du secteur des arts de la rue successivement
dans les deux pays. Puis nous nous pencherons plus particulièrement sur
l’organisation professionnelle et la situation économique des artistes de rue avant 5 Le théâtre de rue, 10 ans d’éclat à Aurillac, HorsLesMurs, Editions Plume, 1995 6 Ibidem
5
d’étudier le cas concret de plusieurs festivals en France et en Italie. Ensuite nous
développerons une partie analysant les enjeux de la pratique des artistes de rue. Enfin
nous conclurons sur l’avenir des arts de la rue.
6
1. L’institutionnalisation en France
1.1 Deux organismes subventionnés
1.1.1 Lieux publics
C’est depuis 1993 qu’il existe réellement une politique culturelle au Ministère
de la culture en faveur des arts de la rue. Le secteur était déjà organisé grâce à
l’action de Michel Crespin. En effet il installe en 1982 à la Ferme du Buisson à
Marne la vallée, un lieu dédié aux arts de la rue : Lieux Publics. L’intitulé exact du
lieu est « centre international de rencontre et de création pour les pratiques artistiques
dans les lieux publics et les espaces libres ». Pendant huit ans, Lieux Publics œuvre à
Marne la vallée. Des événements urbains, surtout dans les villes nouvelles voient le
jour, le festival Eclat à Aurillac est créé en 1986, un centre de documentation
donnera lieu à la publication du premier guide de référence des arts de la rue en
1984 : le Goliath, des rencontres de réflexion, les « Rencontres d’octobre » sont
organisées et incitent des sociologues et chercheurs à travailler sur les arts de la
rue… Lieux Publics déménagera à Marseille en 1990.
En 1993 le Ministère de la culture reconnaît Lieux publics comme « Centre national
de création des arts de la rue », toujours le seul à cette heure. Sa mission est analogue
à celle d’un centre dramatique national mais il n’en a malheureusement ni le label ni
le prestige. Les missions de centre de documentation et d’édition sont confiées à
HorsLesMurs, association nouvellement créée.
Lieux publics est installé sur un site comprenant un atelier de construction de 1000
m² environ, ainsi que des bâtiments d’accueil pour les compagnies. Lieux Publics
conçoit, produit et co-produit des spectacles, accueille des productions extérieures,
met à la disposition de celles-ci ses moyens techniques et logistiques, accueille des
artistes en résidence.
7
1.1.1.1 La Cité des Arts de la Rue
La Cité des arts de la Rue est un projet de la Ville de Marseille qui devrait
voir le jour en 2006. Il s’agit d’un grand territoire d’expérimentation de 34 000 m²,
dont 11 000 m² de bâti. Le montant global de l’équipement s’élève à 6,1 millions
d’euros avec la participation prévisionnelle à hauteur de 41% pour la ville de
Marseille, 15% pour l’Etat, 11% pour le Conseil régional de Provence-Alpes-Côte
d’Azur, 11% pour le Conseil général des Bouches-du-Rhône, et 22% pour l’Europe
(grâce au programme FEDER ; les quartiers Nord de Marseille où se trouve
l’emplacement du site, sont une zone éligible aux fonds structurels).
La Cité des Arts de la Rue a fait l’objet d’un concours architectural qui a été gagné
par l’équipe « Isnardon-Lacube-Redondo » établie à Marseille. C’est sur le plateau
des anciennes huileries-savonneries L’Abeille que le projet verra le jour. Comme
l’ont analysé les architectes, « le site de la Cité des Arts de la Rue est un plateau qui
s’élève au-dessus de la voie de chemin de fer, de la ville et de la mer, au-dessous de
l’autoroute A7 et qui est entouré en amphithéâtre de cités : les Créneaux, les
Aygalades…7».
La Cité des Arts de la Rue aura des habitants dont certains sont déjà installés sur le
site. Sept organismes dont nous allons maintenant faire la liste, oeuvreront au
développement des arts de la rue. Les Ateliers Sud Side, qui sont un atelier de
création de constructions spectaculaires et un garage moto associatif, Karwan, pôle
de développement et de diffusion des arts de la rue et des arts du cirque, Lézarap’art,
groupe d’action culturelle de proximité, la FAI AR (Formation Avancée Itinérante
des Arts de la Rue), représentée actuellement par l’APCAR (Association de
Préfiguration de la Cité des Arts de la rue) sont déjà sur le site, logeant pour l’instant
7 http://www.arcade-paca.com, La Cité des Arts de la Rue
8
dans des préfabriqués ou dans des locaux provisoirement attribués. Générik Vapeur,
compagnie internationale d’arts de la rue et Théâtres acrobatiques, « Territoire de
création et de formation de l’acteur acrobate » sont tous deux installés aux Abattoirs
à Saint-Louis. Lieux publics, centre national de création des arts de la rue, se trouve à
Saint-André. Ainsi plusieurs étapes du processus de création sont représentées : la
création, la formation, la construction, la sensibilisation des publics des quartiers
voisins…Pour cela la Cité des Arts de la Rue se définit comme un « laboratoire
scénique de création en espace public ». Les associations auront des projets
indépendants mais aussi et surtout des projets ensemble. Il s’agit de créer une
synergie visant au développement des arts de la rue à l’échelle locale, nationale et
internationale.
Des projets ou plutôt des collaborations entre les différents futurs habitants sont déjà
en cours. Par exemple L’Année des 13 lunes, saison des arts de la rue réalisée par
Lieux publics et Karwan, propose 70 spectacles dont deux créés par la compagnie
Générik Vapeur et un autre créé par Sud Side.
« La synergie entre les structures constitutives de la Cité prend toutes les formes de
combinaisons possibles des compétences présentes in situ pour un meilleur accueil,
accompagnement et développement des projets tant internes qu’externes », peut-on
lire dans la présentation de la Cité des arts de la Rue8.
Un des habitants sera la FAI AR dont nous allons maintenant développer le projet.
8 http://www.arcade-paca.com, La Cité des Arts de la Rue
9
1.1.1.2 La FAI AR, un projet de formation
Mettre en place une formation pour les arts de la rue est un projet ambitieux
et qui fait l’objet d’une réflexion depuis de nombreuses années. En réalité, comme
nous l’avons vu dans le bref historique que nous avons tracé, dans les années 1970,
avec le lancement de la manifestation Aix, ville ouverte aux saltimbanques, s’était
ouvert aussi une « Ecole d’été », d’abord à Villeneuve-les-Avignon puis à
Manosque. Cette expérience n’a pas eu de suite immédiate. Depuis 1999, la question
de la formation a été remise au goût du jour et un des projets présentés, celui de la
Formation Avancée Itinérante des Arts de la Rue, devrait être mis en place, après
deux ans de préfiguration, en 2005.
Aujourd’hui la formation aux arts de la rue devient nécessaire et surtout possible. En
effet les arts de la rue contemporains n’ayant qu’une trentaine d’années, ce n’est que
maintenant que des « savoir-faire ont été identifiés et des outils mis en place9».
Le Ministère de la Culture a encouragé le projet de formation en confiant en 1999
une mission d’étude à Franceline Spielmann sur « les questions de la formation, de
qualification, de transmission dans le domaine des arts de la rue10». Cependant les
arts de la rue, caractérisés par leur diversité et leur transversalité, comme nous
l’avons vu auparavant, ne sont pas une discipline simple à enseigner.
Comment former sans déformer ? Comment éviter l’imitation et comment se confronter au changement ? Comment transmettre une histoire, des références et inciter à trouver son propre chemin ? La diversité artistique du secteur rend la situation encore plus complexe. La transmission a ici un véritable rôle car elle est la seule à pouvoir dépasser la reproduction et affronter la pluralité des arts de la rue11.
9 Mémoire de DESS de Aurélie Labouesse, Invente ou je te dévore, la création d’un dispositif de formation artistique comme nouvel enjeu de développement des arts de la rue, soutenu en 2002 10 Ce document est consultable sur le site Internet de La Fédération 11 Mémoire de DESS de Aurélie Labouesse, Invente ou je te dévore, la création d’un dispositif de formation artistique comme nouvel enjeu de développement des arts de la rue, soutenu en 2002
10
Pour répondre à ces exigences, quatre projets ont été clairement annoncés. Cependant
la FAI AR, mené par Michel Crespin, étant le projet le plus avancé, les porteurs des
autres projets se sont ralliés à celui-ci en intégrant un Collège de compétences12,
pouvant ainsi faire part de leurs conceptions.
Michel Crespin a, de plus, été désigné par le Ministère de la Culture pour réaliser
« l’Etude de définition et de faisabilité d’un dispositif de formation supérieure à la
Cité des Arts de la Rue à Marseille».
Le projet de la FAI AR a été présenté en 2002 au festival Coup de chauffe à Cognac,
par Michel Crespin et Serge Noyelle.
« Le sigle FAI AR se prononce « fé art » et peut évoquer « fée art » ou « fait art ».
Cette homonymie permet à chacun d’y attribuer la valeur poétique ou symbolique de
son choix 13».
Nous allons voir maintenant plus précisément comment va s’organiser cette
formation. La FAI AR est organisée autour de la Cité des Arts de la Rue dont nous
avons amplement parlé précédemment. Cependant si ce lieu sera le « point de repère
et de visibilité de la structure 14», les enseignements seront également proposés dans
d’autres organismes, dans d’autres villes, ce qui fera de la FAI AR une formation
itinérante. Sont prévus environ sept points d’appui dont cinq en France et deux en
Europe. La formation dure deux ans et se déroule comme « une tresse constituée de
12 Les membres du collège de compétences sont Philippe Chaudoir, sociologue-urbaniste, François Delarozière, scénographe urbain, Alexandre Del Perrugia, formateur, Maud Le Floc’h, compagnie Off, Jacques Livchine, comédien, metteur en scène, Serge Noyelle, directeur du théâtre de Châtillon, Jean-Paul Ponthot, directeur de l’école des Beaux-Arts d’Aix-en-provence, José Rubio, directeur technique de la Grande Halle de la Vilette 13 Mémoire de DESS de Aurélie Labouesse, Invente ou je te dévore, la création d’un dispositif de formation artistique comme nouvel enjeu de développement des arts de la rue, soutenu en 2002 14 Ibidem
11
trois brins différents qui s’entrelacent simultanément pour former, en progressant, un
toron unique15 ». Ces trois brins sont :
• Le développement collectif qui est le tronc commun des enseignements
fondamentaux
• Les aventures individuelles (ex : stage au sein d’une compagnie et
participation à une création, l’organisation d’un voyage dans un pays non-
occidental pour se confronter à des pratiques et des usages différents.....)
• Le projet artistique personnel qui sera le lien avec la réalité
professionnelle.
La formation est prévue pour quinze à dix-huit personnes. Elle est ouverte aussi bien
aux artistes français qu’étrangers. Ce sera une formation « professionnalisante » et
non « diplômante » pour des « individus ayant déjà une histoire concrète avec les arts
de la rue -les arts ou la rue-, un projet solide, et bien sûr quelque chose à dire 16».
Le regard personnel qu’il porte sur les autres, le monde, les faits de société pour faire émerger l’être politique ; le regard décalé voire loufoque,indécent ou iconoclaste, humoristique ou incisif, « border line », qui éloigne du « politiquement correct artistique » seront des éléments déterminants de l’appréciation17. Ce ne seront pas des élèves mais des apprentis.
Cette description laisse présager un très beau projet. Cependant il convient d’émettre
quelques réserves. D’une part le volume horaire est très lourd et ne permet
aucunement de poursuivre une autre activité en parallèle. Au niveau du financement
tout n’est pas encore clair. Les co-signataires du projet préconisent de toute façon la
gratuité de la formation surtout en raison de l’argument cité ci-dessus. Il y aura des
partenariats financiers institutionnels et privés : le Ministère de la Culture, plusieurs
15 Etude de définition et de faisabilité d’une formation supérieure dans le domaine des Arts de la Rue à la Cité des Arts de la Rue, Michel Crespin, Anaïs Lemaignan, Marseille, 2002 16 http://www.mouvement.net « Quelle formation aux arts de la rue ? » 17 Etude de définition et de faisabilité d’une formation supérieure dans le domaine des Arts de la Rue à la Cité des Arts de la Rue, Michel Crespin, Anaïs Lemaignan, Marseille, 2002
12
collectivités locales grâce à la polylocalisation de la formation, l’Europe par
l’intermédiaire des fonds structurels…
Enfin, même si ce projet n’a suscité aucune réaction contraire de la part des
professionnels du secteur, faut-il encore que ceux-ci se mobilisent pour faire exister
ce projet et le légitimer.
1.1.2 HorsLesMurs
HorsLesMurs, basée à Paris, est une association nationale pour le
développement et la promotion des arts de la rue (et de la piste depuis 1996). La
promotion ne fait maintenant plus partie des objectifs de HorsLesMurs. L’association
directement subventionnée par le Ministère de la culture a pour mission de
« favoriser le développement, la création artistique, l’information et la réflexion des
professionnels des arts de la rue et de la piste et l’étude de ces secteurs18 ».
HorsLesMurs met plusieurs outils à disposition :
le centre de documentation qui rassemble des publications, des monographies
spécialisées, des dossiers documentaires, réglementaires, thématiques et des
travaux de recherche (études, mémoires et thèses) qui sont tous consultables
sur rendez-vous. Le centre recense aussi les contacts, les projets, les tournées
de spectacles, les programmations, les dossiers de presse, les documents
iconographiques et vidéographiques sur l’activité de plusieurs milliers
d’intervenants des secteurs des arts de la rue et de la piste : artistes,
diffuseurs, institutions, lieux de résidence, écoles, prestataires de service…
HorsLesMurs publie aussi le Goliath, guide-annuaire pour les arts de la rue et
de la piste tous les deux ans. Le nouvel exemplaire sera donc disponible pour
18 LeGoliath 2003-2004
13
début 2005. Par ailleurs une partie des informations disponibles sur ce guide
sont accessibles en ligne sur le site de l’association.
Deux revues sont également publiées « Arts de la piste » et une autre
consacrée aux arts de la rue. Il y a eu « Rue de la Folie », puis « Scènes
urbaines », toutes deux arrêtées à ce jour pour faute d’avoir trouvé un public.
HorsLesMurs peut également accompagner les artistes et les compagnies
dans leurs projets en les conseillant sur des questions réglementaires que ce
soit par des rencontres individuelles, des rencontres régionales, ou des
séminaires.
L’association réalise aussi des études sur des problématiques et des projets
touchant aux activités des secteurs. Ainsi en 2003, une étude a été réalisée sur
les conséquences des annulations et perturbations des festivals de l’été
200319.
Dans le tableau reproduit en Annexe 1, l’on remarque qu’en 1997, les subventions
accordées à Lieux Publics et à HorsLesMurs représentaient 65 % du budget de la
Direction de la Musique, de la Danse, du Théâtre, et des Spectacles (DMDTS)
consacré aux arts de la rue.
1.1.2.1 Le Goliath
Le guide que j’ai consulté correspond à l’édition 2002-2004 du Goliath.
L’édition 2005 est en cours de préparation et sera disponible avant le début de
l’année 2005. Le Goliath existe depuis 1984. Il était alors publié par Lieux Publics.
Au départ il était destiné seulement aux arts de la rue. Les arts de la piste faisaient
19 Annulations et perturbations des festivals de l’été 2003, Etat des lieux de la situation économique des compagnies des arts de la rue et des arts du cirque, Etude HorsLesMurs, octobre 2003
14
l’objet d’un autre guide. Maintenant les deux secteurs sont regroupés dans un même
ouvrage, assez volumineux. Le prix public du Goliath est de 46 euros.
Il débute par une présentation de l’association HorsLesMurs et un mode d’emploi en
trois langues (français, anglais, espagnol). On a ensuite une description très précise
des aides dont peuvent bénéficier les arts de la rue et de la piste. Un calendrier global
des festivals est également proposé. Il indique seulement le mois où le festival a lieu,
ce qui permet au calendrier de ne pas être obsolète d’une année sur l’autre. Vient
ensuite un annuaire commun aux deux secteurs qui recense les institutions, les
diffuseurs, les lieux de ressources, les publications, les lieux de formation du
spectacle vivant, les agents artistiques, les prestataires de services (administration,
production, diffusion, communication, presse…). Après l’annuaire général, suivent
deux annuaires spécialisés : l’annuaire des arts de la rue qui rassemble les artistes et
compagnies, les festivals et les lieux de résidence ; l’annuaire des arts de la piste sur
le même schéma avec en plus la liste des écoles de cirque. L’index en fin d’ouvrage
représente un outil très important et rend le Goliath très fonctionnel. Il se divise en
sous-index : index général, index des patronymes, index par pays (car le Goliath
s’ouvre aussi à l’Europe), index par régions (françaises), index des disciplines rue,
index des disciplines cirque. Enfin en annexe, HorsLesMurs donne quelques chiffres-
clés du financement des deux secteurs.
Le Goliath est vraiment un ouvrage pratique qui permet d’accéder immédiatement à
l’information recherchée. Il a été conçu comme une base de données avec une
recherche à plusieurs entrées. Les informations qu’il donne sont d’ailleurs reprises
sur le site internet de HorsLesMurs.
Le Goliath est un outil exhaustif, il ne fournit donc pas de jugements artistiques. On
trouve donc des artistes et des manifestations de tous genres. HorsLesMurs ne filtre
15
pas les données et joue avec le Goliath son rôle de service public. Il n’y a pas de
cotisation ou d’inscription nécessaire pour apparaître dans le guide.
1.2. Les lieux de fabrication
Le Ministère préfère soutenir directement les lieux de fabrication et les
festivals plutôt que les artistes ou les compagnies. Comme il est écrit dans le
Dictionnaire des politiques culturelles de Larousse, d’un point de vue ministériel, ces
lieux de fabrication ne sont pas destinés à se « multiplier outre mesure ».
D’après un article paru dans le numéro consacré aux arts de la rue de Scènes
urbaines20, trente lieux de fabrique sont répertoriés en France. Parmi ceux-ci
seulement une dizaine sont soutenus par l’Etat (douze exactement selon Le Goliath
2002-2004). La plupart du temps ces lieux sont gérés par des centres nationaux, des
structures municipales ou associatives et quelques rares fois par des compagnies.
L’initiative part souvent des organisateurs d’un festival. En effet, ceux-ci, qui ont des
liens privilégiés avec les municipalités avec lesquelles ils travaillent, peuvent
intervenir dans les démarches administratives pour investir un lieu. Il existe plusieurs
exemples avec L’Abattoir21 de Chalon-sur-Saône, L’Atelier 231 à Sotteville-lès-
Rouen, Le Parapluie à Aurillac. Ce dernier a été inauguré lors de l’édition 2004 du
festival d’Aurillac. Comme le précise un article de Libération, Le Parapluie est « un
lieu de fabrique et de résidence de 2000 m², réalisé après huit années interminables
de préfiguration. Comprenant de nombreux hangars outillés, un studio de danse et
des logements, le lieu a coûté 3 millions d’euros 22». La compagnie Oposito gère
quant à elle Le Moulin Fondu à Noisy-le-Sec. Lieux Publics est bien sûr le premier
de ces lieux de fabrication. Cependant pour l’Etat, il n’existe pas un label « lieux de 20 Scènes urbaines n°1, mai 2002, « Lieux de fabrique, lieux intermédiaires ? » par Floriane Gaber 21 cf 5.1.1.1 22 Libération du 17/08/2004 « Aurillac à craquer » par Bruno Masi
16
fabrique », au même titre que les centres dramatiques nationaux pour le théâtre. Il
n’y a pas de réseau institutionnel labellisé.
1.3 Les financements
Les Arts de la rue, en tant que secteur reconnu par le Ministère de la Culture,
peuvent bénéficier de différents systèmes d’aides. Nous allons les détailler
successivement. Les Arts de la rue peuvent prétendre à des aides auprès de la
Direction de la Musique, de la Danse, du Théâtre et des Spectacles (DMDTS) qui est
un service central du Ministère de la Culture ou bien auprès des Directions
Régionales des affaires culturelles (DRAC) qui sont chargées de mettre en œuvre les
politiques culturelles mises en œuvre sur le plan national par le Ministère de la
culture. Le budget global que consacre le Ministère de la culture aux arts de la rue est
de 6,5 millions d’euros23 soit « le budget d’un seul gros centre dramatique
national24 ».
La DMDTS proposent plusieurs types d’aides comme :
L’aide à la résidence de production : elle concerne des projets impliquant un
travail dans des lieux de création ou de diffusion du spectacle vivant,
spécifiques aux arts de la rue ou pluridisciplinaires.
L’aide à la résidence d’artistes : elle concerne des projets de création
comportant une collaboration d’artistes extérieurs (plasticiens, metteurs en
scène, chorégraphes, musiciens…)
Ces deux aides ont été instituées par l’arrêté du 19 mars 1999. Les projets présentés
par les deux aides doivent être pluridisciplinaires et prendre en considération l’espace
public. Les demandes d’aides peuvent être formulées soit par les compagnies soit par
23 Voir la répartition du budget 2001 en Annexe 2 24 Télérama n°2843, 7 juillet 2004, « Spectacles à la rue » par Emmanuelle Bouchez
17
les lieux qui les accueillent. Les compagnies doivent avoir déjà créé et donné à voir
au minimum un spectacle. Il est précisé que le projet doit comporter un budget
détaillé faisant apparaître d’autres ressources que celles demandées à la DMDTS.
Une compagnie ne peut solliciter ces aides deux années de suite. Une commission
nationale consultative composée de membres nommés tous les deux ans (artistes,
programmateurs, diffuseurs, personnalités du secteur), est chargée une fois par an,
d’examiner les demandes d’aides présentées et d’émettre un avis lors de la séance
annuelle.
L’aide aux dramaturgies non-textuelles : cette aide fait partie de l’aide à la
création d’œuvres dramatiques. La demande doit être formulée par une
structure de création professionnelle sous la forme d’un projet précis et
détaillé sur le travail d’écriture que la compagnie souhaite développer. Les
demandes sont examinées par la commission nationale consultative d’aide à
la création d’œuvres dramatiques qui se réunit deux fois par an.
L’aide à l’équipement : cette aide est plus spécialement destinée aux arts du
cirque, mais pour certains projets d’équipement, notamment dans le cadre
d’implantation de compagnies, les arts de la rue peuvent aussi bénéficier de
ces aides. Cependant elles ne concernent pas l’achat de décors ou autre
matériel périssable nécessaire à une production donnée.
Les DRAC accordent aussi plusieurs types d’aides :
L’aide au fonctionnement : elle est accordée à des équipes témoignant
d’une envergure artistique de niveau national et d’une certaine
structuration. La qualité du parcours et des recherches artistiques,
l’étendue du public concerné et l’implication d’autres partenaires (ville,
département, région) constituent d’autres critères essentiels pour cette
18
aide au fonctionnement. Elle fonctionne sur la base d’un
conventionnement de trois ans, avec un cahier des charges à respecter
notamment concernant le nombre de créations et de représentations25.
L’aide à la production dramatique : elle concerne des projets de création
(théâtre, arts de la rue, cirque…) présentés par des équipes
professionnelles (deux ans minimum d’existence, deux créations réalisées
et diffusées). Les projets doivent se distinguer par leur crédibilité
artistique et leur faisabilité économique (apports en production, minimum
de dates prévues en diffusion…). Les demandes sont examinées par un
comité d’experts, nommé par le préfet sur proposition de la DRAC pour
deux ans et composé de professionnels de la région concernée. La
compagnie ne peut solliciter deux années de suite l’aide à la production
dramatique sur le même projet.
D’autres aides peuvent être obtenues auprès de l’Office National de Diffusion
artistique (ONDA) et de l’Agence Française d’Action Artistique (AFAA). Les aides
de l’ONDA sont accordées aux programmateurs des spectacles et non aux
compagnies. L’AFAA, quant à elle, a pour but de développer les échanges artistiques
entre la France et l’étranger. Elle a par exemple soutenu la compagnie Royal de Luxe
dans ses premiers voyages en Afrique et dans des projets comme Cargo 92, auquel
ont participé aussi la Mano Negra, Phillipe Découfle et Philippe Genty.
L’embarcation s’est ainsi arrêtée dans les ports d’Amérique Latine pour faire visiter,
dans sa cale, la reconstitution d’une rue entière avec les bar-tabac, les boucheries et
les pissotières...
25 En Annexe 3 la liste des compagnies conventionnées
19
Enfin bien sûr les arts de la rue peuvent bénéficier des financements européens
comme le programme Culture 200026.
1.4 Une année des arts de la rue
Une année des arts de la rue, comme il y a eu de l’été 2001 à l’été 2002 une
année des arts du cirque, se prépare. On en parle depuis deux ans mais rien n’a
encore été annoncé officiellement. Elle pourrait débuter au second semestre 2005. En
tout cas, le 6 juillet 2004, des représentants de la Fédération des arts de la rue ont
rencontré des membres de la DMDTS pour discuter de comment les professionnels
du secteur imaginent une année des arts de la rue. Ainsi ils ont demandé qu’ «elle ait
lieu non pas comme un feu de paille, une opération de communication ou une
pendaison de crémaillère, mais comme une étape de développement pour leur
secteur27 ». Jean-Raymond Jacob, le président de La Fédération rêve plus
personnellement pour cette année des arts de la rue d’ « une chose fabriquée à
cinquante, cent, deux cent compagnies, irréalisable et infaisable […] porteur d’un
acte artistique unique et extraordinaire. »
Ce qu’ils souhaitent principalement c’est de voir les Arts de la Rue considérés
comme un secteur à part entière, à l’instar du cirque et de la danse contemporaine, et
d’arriver à doubler le budget actuel de 6,5 millions d’euros. Les Arts de la Rue
veulent « disposer des mêmes outils de création, de production, et de diffusion que
les autres secteurs, et obtenir des moyens qui permettent d’échapper à une logique de
marché 28». En effet pour cette année des arts de la rue, le ministère promettrait un
budget de 2 millions d’euros jugés bien insuffisants. En ce qui concerne son contenu,
26 Toutes les informations concernant les aides spécifiques aux arts de la rue se trouvent sur le site du Ministère de la Culture http://www.dmdts.culture.gouv.fr/culture/dmdts/index-dmdts.htm 27 http://www.lefourneau.com/lafederation/index.html 28 ibidem
20
la Fédération tient à ce que ce ne soit pas « une opération fourre-tout sur les arts
urbains et les arts dans la ville, à ce que le spectacle vivant soit au cœur du projet et
que l’accent soit mis sur la création. Année du spectacle de rue, année du public,
année de l’écriture pour l’espace public…mais pas année des arts populistes, année
de l’art public… 29». Une commission spéciale a été constituée pour élaborer ce
projet et étudier la possibilité de répondre ou non aux exigences de ce secteur. Elle
est composée de 20 membres, représentants des institutions (DMDTS,
HorsLesMurs), des collectivités, des compagnies, des centres nationaux et de La
Fédération bien sûr. Le nom donné à cette année pourrait être « Le temps des arts de
la rue ».
Cependant personne ne doit être dupe du fait que si cette année se fait en partenariat
étroit avec le Ministère de la culture elle devient un outil de communication. De plus
ce temps fort doit être considéré comme un dû et non comme l’occasion de vérifier
l’inventivité et la pertinence artistique des arts de la rue.
29 Ibidem
21
2. Le développement des arts de la rue en Italie
2.1 Les arts de la rue contemporains
Il s’agit dans cette partie de développer l’émergence de ce qu’on appelle
aujourd’hui les arts de la rue, c’est-à-dire quels ont été les protagonistes, les lieux
clés…La situation ne semble pas aussi claire qu’en France et ce peut-être parce
qu’aucune « histoire des arts de la rue » n’a été rédigée jusqu’à présent. Peut-être
aussi parce que certains artistes ne se reconnaissent pas dans le « théâtre de rue »,
terme plus communément utilisé par les italiens.
Quelques chercheurs évoquent tout de même les grandes troupes qui ont inspiré toute
l’Europe : The Living Theatre, Bread & Puppet Theatre, le mouvement Agit-
prop…c’est de là que tout est « re-parti ». Car le théâtre de rue italien trouve ses
racines plus profondes aussi et bien sûr dans la commedia dell’arte, les cantastorie,
disciplines encore très pratiquées aujourd’hui. C’est de ce mélange que l’on peut
dresser une brève histoire contemporaine des arts de la rue italiens. Le Living
Theatre s’installera d’ailleurs pendant presque dix ans en Italie de 1975 à 1983.
Le théâtre de rue commence à réapparaître dans les années 1960, années de
contestation presque partout en Europe. C’est à cette époque que commence à se
faire connaître Eugenio Barba, un jeune italien installé en Norvège, qui fonde en
1964 à Oslo, l’Odin Theatret. Il rassemble autour de lui de jeunes gens, candidats
refusés au concours de l’Ecole de théâtre d’Oslo pour commencer à faire du théâtre
expérimental, directement inspiré des méthodes de Grotowski avec qui il a travaillé
pendant deux ans en Pologne. En 1965 l’Odin Theatret déménage dans un petit
village du Danemark, Holstebro. En 1967 la troupe produit son deuxième spectacle.
Pourtant Eugenio Barba et l’Odin Theatret sont encore loin des expériences menées
par le Living Theatre et le Bread & Puppet Theatre. Contrairement à ces deux
22
troupes ils ne se dirigent pas tout de suite vers le théâtre de rue. Ce n’est qu’en 1974,
lors d’un séjour prolongé en Italie du sud qu’Eugenio Barba va se rapprocher de la
rue, pour mieux se rapprocher des gens. Le projet qu’il propose s’intitule le Baratto,
le troc. L’Odin Theatret arrive dans des « terres sans théâtre » pour offrir du
spectacle et une formation théâtrale en échange d’une autre forme de spectacle, celle
que les gens veulent échanger, en général des chants et des danses.
Après le passage d’Eugenio Barba et de son théâtre, d’autres artistes vont tenter
l’expérience de la rue. Ainsi entre 1975 et 1976 quatre étudiants du DAMS30 fonde
un groupe nommé Les Melquiades, et font le tour de l’Italie du sud en mini-bus se
produisant sur les places et vivant des recettes du chapeau. Ce sont alors les premiers
artistes à tenter cette expérience. L’un deux a par la suite fait une grande carrière,
Bustric, de son vrai nom Sergio Bini, mais a aujourd’hui abandonné la rue.
Les initiatives de théâtre de rue sont, à l’époque, très liées au contexte politique. Le
théâtre est un moyen d’expression. Se produire dans la rue est une façon de faire du
théâtre autrement. Ainsi en 1976, l’Assemblea Teatro est fondée en tant que
« coopérative de production théâtrale, cinématographique, audio-visuelle, graphique,
musicale ». Ce groupe est créé pour faire du théâtre d’intervention politique, du
« théâtre d’occasion ». Aujourd’hui la compagnie piémontaise existe toujours et a
réussi à dépasser ce stade purement contestataire pour devenir une des plus grandes
troupes de théâtre de rue italiennes. Elle organise aussi de nombreuses manifestations
théâtrales en été.
Outre les motivations politiques qui ont poussé les artistes dans la rue, on trouve
aussi des raisons liées au phénomène de « décentralisation culturelle ». Par exemple
pour la saison de 1969-1970, le Teatro Stabile de Turin a lancé une « opération
30 Université de Bologne, Disciplines de l’art, de la musique et des spectacles
23
décentralisation », se rendant compte que malgré ses efforts il n’arrivait pas à toucher
une certaine frange de la population. Ainsi il a fait appel à un groupe de recherche
théâtrale pour investir quatre quartiers périphériques de la ville et créer des
spectacles répondant aux attentes des habitants de ces quartiers. Le but était aussi de
créer avec les habitants. Cela a donné lieu à la naissance de plusieurs groupes
théâtraux. Cependant cette opération a par la suite été interrompue par la ville.
Eugenio Barba a donné en 1976 lors d’un colloque organisé à Belgrade une
définition de ce qu’il a appelé le Terzo Teatro, le troisième théâtre. Cela regroupe
pour lui tous ceux qui font du théâtre en marge, avec d’autres moyens que le théâtre
culturellement accepté et respecté. Cependant le Terzo Teatro et le Théâtre de rue,
malgré leurs similitudes, ne sont pas la même chose. On pourrait penser que le
deuxième découle du premier mais en réalité très peu de troupes nées dans les années
1970 sous cette étiquette donnée par Eugenio Barba se produisent encore dans la rue
aujourd’hui. Ces troupes sont d’ailleurs maintenant institutionnalisées, reçoivent des
subventions et travaillent sur contrat. Elles ne sont donc plus en marge. On peut tout
de même penser à une évolution, à une presque reconnaissance du théâtre de rue,
même si cela concerne seulement quelques privilégiées. L’une d’elles est le Teatro
Tascabile di Bergamo. Cette compagnie, fondée en 1973 à Bergame, est dirigée par
Renzo Vescovi. En 1977 elle s’approprie les techniques du théâtre de rue, surtout les
échasses, et rencontre aussi la danseuse Orissi, Aloka Panikar. Dès lors leur intérêt se
porte vers le théâtre et la danse indienne dont ils mêleront les influences à leur art. Ils
ont depuis tourné dans le monde entier et sont une des troupes italiennes les plus
reconnues.
Deux autres événements charnières dans l’histoire du théâtre de rue ont eu lieu à la
fin des années 1970. Du 28 août au 6 septembre 1977, le Teatro Tascabile di
24
Bergamo organise dans leur ville, avec Eugenio Barba, un Atelier International. De
nombreux groupes du monde entier y prennent part. Parmi les troupes italiennes on
peut citer Potlach, Mago Povero, Piccolo Teatro di Pontedera, Teatro di Ventura,
tous appartenants au Terzo Teatro. Ce qui devait être au départ un “atelier” se
transforme presque en festival avec l’affluence du public. Les artistes proposent alors
aux spectateurs des créations collectives improvisées. L’année suivante, en 1978,
Roberto Bacci, le metteur en scène du Piccolo Teatro di Pontedura, organise un
festival international à Santarcangelo. Ce festival aura pour nom La città dentro il
teatro, la ville dans le théâtre. Les journées se partagent entre les spectacles, les
ateliers et les séminaires. Là aussi les artistes créent des événements en commun, se
produisent dans d’énormes parades à travers la ville. « Le festival fut un moment
important pour vérifier si, à la croissance organisatrice et politique du théâtre de rue,
correspondait aussi un développement artistique31 ».
Dans les années 1980, c’est l’éclosion des festivals et la structuration d’un véritable
secteur : le théâtre de rue.
2.2 La bataille politique
Dans cette partie nous allons beaucoup évoquer le rôle de l’association
Terzostudio, créée par Alessandro Gigli, le directeur artistique de Mercantia que
nous avons évoqué en introduction, et Alberto Masoni, un de ses plus proches
collaborateurs. C’est en décembre 1990, après la troisième édition de Mercantia, que
l’association voit le jour. Leur objectif en créant cette structure était de « promouvoir
en Italie le théâtre de rue et le théâtre de marionnettes, à travers la ligne poétique du
projet Teatro delle città. Ce projet intitulé « Théâtre des villes » a constitué à créer
31 Paolo STRATTA, Una piccola tribù corsara : il teatro di strada in Italia, Ananke, 2000
25
un réseau de manifestations en Toscane et ailleurs, à publier une série de livres qui,
encore aujourd’hui, représentent des sources précieuses d’informations concernant
les arts de la rue italiens. De plus, c’est souvent de Mercantia que sont partis les
grands débats qui ont contribué à l’organisation professionnelle et à une
reconnaissance institutionnelle minime des arts de la rue.
En 1991 se crée en effet un mouvement qui prend le nom de « Teatro da quattro
soldi » qui signifie « théâtre de quatre sous ». Dans le catalogue issu de l’édition
1991 de Mercantia, on trouve le « Manifeste du Teatro da quattro soldi » rédigé par
Andrea Mancini. Les 21 et 22 avril 1992, se tient une assemblée pour la fondation du
mouvement du « Teatro da quattro soldi ». Le manifeste est réécrit à plusieurs mains.
Au mois de mai suivant paraît le premier numéro d’un magazine trimestriel du même
nom que le mouvement. Ce numéro contient aussi un calendrier des événements liés
au théâtre de rue (une vingtaine y sont recensés). Cette revue sera éditée par
l’association Terzostudio jusqu’en 1993.
Entre 1992 et 1994 les manifestations liées au théâtre de rue se multiplient dans toute
l’Italie et surtout en Toscane grâce à l’action de Terzostudio.
Le 18 juillet 1995 se tiennent les « Etats généraux du théâtre de rue ». Une première
proposition de loi concernant les arts de la rue est faite. Le catalogue de 1996
rassemble toute la colère des artistes de rue envers l’immobilisme du gouvernement
qui fait encore réguler les arts de la rue par l’article 121 du Testo unico delle leggi di
Pubblica sicurezza32 (TULPS).
La commune de San Giovanni in Persiceto en Emilie-Romagne, crée un rendez-vous
annuel de débat, de formation et de spectacle. Ce « meeting » en est aujourd’hui à sa
32 Texte unique des lois de sécurité publique
26
neuvième édition et a lieu autour du 25 septembre. C’est certainement aujourd’hui
l’un des rendez-vous les plus importants du circuit des arts de la rue italiens.
« Teatro da quattro soldi » est à nouveau publié dans un format de 8 pages. En 1997
la revue est enregistrée comme revue trimestrielle et paraît quatre fois par an. Dans
ce « nouveau » premier numéro, est publié une proposition de texte que chaque
commune devrait adopter pour la libéralisation, sur son territoire, des arts de la rue.
Au mois de mars 1997, se crée à Certaldo la « Coordination nationale des arts de la
rue ». S’ensuit une période de lutte pour obtenir une loi nationale. Naissent aussi des
coordinations régionales principalement actives dans le Piémont, la Toscane et le
Latium. A Rome des confrontations ont lieu entre les artistes et les administrations
communales pour la création d’un règlement qui disciplinerait les arts de la rue dans
la ville.
En mars 1998, ont lieu à Rome des manifestations d’artistes pour une loi en faveur
des arts de la rue. Au cours de l’édition 1998 de Mercantia se tient également une
Assemblée nationale pour « une loi sur les arts de la rue ».
En septembre 1998 on assiste à un premier pas du gouvernement , plus précisément
de la Commission pour la culture du Sénat, qui, par une nouvelle loi sur le théâtre,
élimine de l’article 121 du TULPS les mots « saltimbanques », « chanteurs »,
« musiciens ». Cela semble être une première victoire pour tout le monde mais en
réalité la situation ne se débloque pas. Cette modification crée un vide juridique. Le
gouvernement tombe et la procédure bureaucratique continue de patauger. Le combat
sera repris par la Federazione Nazionale degli Artisti di Strada (FNAS)33.
33 Voir 3.2 En Italie : la Federazione Nazionale degli Artisti di Strada (FNAS)
27
3. L’organisation professionnelle
3.1 En France : la Fédération des arts de la rue
Dès 1991, les professionnels des arts de la rue commencent à se regrouper en
fondant le « collectif 91 ». En effet cette année-là, la guerre du golfe entraîne
l’annulation de la saison des arts de la rue et il devient urgent de se battre pour
obtenir une reconnaissance du secteur auprès du Ministère de la culture. En 1993 ce
sont les administrateurs qui se rassemblent au sein d’un comité (le CLARC) et
s’élèvent contre le monopole des finances publiques par HorsLesMurs. En 1994, un
collectif de représentants de lieux de fabrication créés en dehors de l’institution
« autoproclament » la spécificité des lieux de fabrique pour les arts de la rue. En
1997 c’est enfin la création de La Fédération. C’est le 21 septembre 1997 à Châtillon
qu’elle est instituée. Elle se constitue en tant qu’association professionnelle des arts
de la rue. Qui sont les gens qui la composent ? Des artistes, des directeurs de
compagnies, des directeurs et programmateurs de festivals, des responsables de lieux
de fabrication et des techniciens…tous les acteurs du secteur et toutes les familles
des arts de la rue y sont représentées. L’association rassemble aussi plusieurs
générations d’artistes même si ceux qui ont signé l’acte fondateur sont les plus
anciens du secteur : Jacques Livchine, Michel Crespin, Pierre Layac et Jacques
Quentin (fondateurs de Chalon dans la rue), Jean-Marie Songy (directeur des
festivals d’Aurillac et de Chalons-en-Champagne), Jean-Raymond Jacob (compagnie
Oposito et actuel président de La Fédération)…
Comme l’a dit ce dernier dans une interview donnée à HLM « ce n’est pas très
compliqué de savoir qui fait ce métier. Les équipes fondatrices sont encore là, avec
depuis cinq ou six ans de jeunes compagnies qui ont rejoint la Fédé et sont présentes
28
dans un conseil d’administration représentatif de ce métier 34». Comme il est écrit
dans l’acte fondateur signé à Aurillac, la Fédération a pour but de « fédérer le secteur
professionnel des Arts de la Rue, de promouvoir et de défendre une éthique
collective liée à sa spécificité de création, à savoir, utiliser comme scène l’espace de
la ville en générant des formes artistiques nouvelles (originalité des spectacles, du
rapport au public, des modes de production et de diffusion…) ».
La Fédération œuvre pour une véritable reconnaissance professionnelle et artistique
des arts de la rue dans le domaine de l’art contemporain et du spectacle vivant et se
bat aussi pour que ce secteur dispose de « la part des pouvoirs publics des moyens
nécessaires à son développement » (avec l’exemple de l’année des arts de la rue). La
Fédération n’est pas un syndicat mais un « réseau de compétences actives et
plurielles ». Elle se définit malgré tout comme un groupe de pression auprès du
Ministère de la culture et prend position aussi sur des problématiques plus vastes
comme le développement urbain, l’aménagement du territoire, les questions de
société et tout ce qui touche au spectacle vivant et qui peut interférer avec les arts de
la rue, notamment le statut des intermittents pour lés événements récents.
La Fédération est une association et fonctionne donc sur la base du paiement d’une
cotisation pour ses membres. Pour adhérer en tant qu’individu, cela coûte 55€ par an
et 25€ pour les personnes non-imposables l’année précédant l’adhésion. Pour adhérer
en tant que structure c'est-à-dire les associations, les compagnies, les festivals, les
lieux de fabrique, la cotisation est d’un coût proportionnel à 1/1000 du budget 2003,
avec un plancher de 100€ et un plafond de 800€.
34 http://www.lefourneau.com/lafederation/index.html
29
Son président donne une très belle définition de la Fédération :
C’est un espace qui permet aux gens de ce métier de travailler ensemble. C’est un des endroits où nous nous rencontrons, je dirais un peu « dédouanés » du côté impitoyable de ce métier. Et je pense que cela apporte beaucoup. Les gens se croisent à la Fédération alors qu’ils ne le feraient pas dans leurs parcours individuels. C’est un espace assez turbulent avec de forts caractères mais c’est aussi un endroit où l’on écoute beaucoup35. Depuis sa création la Fédération a travaillé sur de nombreux dossiers, notamment la
création en 1999 du groupe d’étude parlementaire pour les arts de la rue à
l’Assemblée nationale, présidé par Pierre Bourguignon, député-maire de Sotteville-
lès-Rouen. La Fédération est également très engagée dans la lutte pour résoudre la
crise de l’intermittence.
3.1.1 Rapports HLM / Fédé
Dans l’édition 2004 du guide-annuaire italien des arts de la rue, Kermesse, on
peut lire un très bel article concernant la Fédération française des arts de la rue36. Et
notamment sur les rapports de celle-ci avec l’association institutionnelle HLM. De
plus il semble que HorsLesMurs ne soit pas toujours d’accord avec le rôle de la
Fédération : « elle est un espace de circulation d’idées, d’échanges et de débats et se
considère être un groupe de pression37 ». La Fédération n’est-elle pas un groupe de
pression ? Certes elle n’est pas que cela mais quand il s’agit de se battre pour les
intérêts des professionnels, c’est elle la mieux placée. Pascale Canivet précise dans
son interview : « nous ne sommes pas seulement une sorte de lobby, nous sommes
des personnes qui croient que le travail artistique et culturel des arts de la rue
35 Jean-Raymond Jacob, dans une interview de HLM, http://www.lefourneau.com/lafederation/index.html 36 Entretien entre Simona Molari, journaliste-clown et Pascale Canivet, coordinatrice générale de la Fédération, dans le Kermesse 2003-2004 37 Le Goliath : guide-annuaire des arts de la rue et des arts de la piste, HorsLesMurs, 2002
30
contribue à notre société en tant que moyen spécifique pour agir sur la ville et les
zones rurales ».
Ensuite il est un peu trop facile de dire que le Ministère de la culture s’est toujours
intéressé aux arts de la rue comme le souligne un article consacré aux arts de la rue
dans le dictionnaire des politiques culturelles38 : « mais, bientôt obligé de prendre en
compte l’irrésistible développement des pratiques artistiques en milieu urbain, il [le
Ministère de la culture] n’a pas longtemps hésité à reconnaître les arts de la rue
comme un secteur autonome du spectacle qu’il fallait traiter selon sa logique
propre ». Les arts de la rue ne sont pas traités à valeur égale avec le théâtre par
exemple. Les arts de la rue sont souvent considérés comme des arts populaires qui ne
sont pas à la hauteur du théâtre traditionnel, et ne bénéficient pas du tout des mêmes
moyens. D’accord il y a HorsLesMurs, qui est un organisme institutionnalisé dédié
aux arts de la rue, mais son action est loin des réalités du secteur professionnel.
Combien coûte HLM ? Cher…selon les professionnels qui préféreraient que cet
argent soit investi ailleurs…dans la création par exemple. En effet, HLM ne se révèle
pas très utile aux professionnels des arts de la rue, mis à part peut-être aux plus
jeunes qui ont besoin de conseils juridiques. Pascale Canivet souligne que ce qui peut
intéresser le plus les professionnels est la base de données réalisée par HLM.
Cependant elle fait remarquer qu’au moins un tiers des informations sont erronées ou
incluent des artistes dont personne ne sait rien. De plus la majeure critique que la
Fédération fait à HLM est que cette dernière considère évident que la Fédération est
à son service. Or ce n’est pas le cas et ce devrait même être plutôt le contraire selon
Pascale Canivet. Un autre article datant de 1992 et mis en ligne sur le site de la
Fédération souligne ce problème : « il est important de pointer que le
38 cf bibliographie
31
dysfonctionnement structurel d’HLM doit beaucoup à l’absence de politique
culturelle lisible, notamment financièrement, du Ministère à l’égard des arts de la
rue. Ce manque offrant grande latitude à faire la politique de l’Etat à la place de
l’Etat tout comme à jouer le rôle de porte-parole de la profession sans la
consulter 39».
3.2 En Italie : La federazione Nazionale degli artisti di strada
(FNAS)
En février 1999 les artistes se réunissent à Certaldo, c’est la réunion qui
précédera la constitution de la « Federazione nazionale degli artisti di strada40 », la
FNAS. Y participe aussi Antonio Buccioni, le vice-président de l’Associazione
Generale dello Spettacolo Italiano41 (AGIS). L’Agis a finalement pris conscience des
revendications des artistes et le 5 mai 1999 la FNAS est créée officiellement à Rome
au sein de l’AGIS justement. Dans les statuts de la FNAS il est précisé que
l’association a, entre autres, pour but « d’obtenir la reconnaissance institutionnelle
des activités artistiques, théâtrales et musicales pratiquées dans la rue, aussi bien par
des compagnies professionnelles que par des associations ou des artistes solo ».
Depuis ses cinq ans d’existence la FNAS a déjà mis en œuvre plusieurs chantiers.
Elle consacre beaucoup d’énergie à la bataille politique, comme nous le
développerons plus en avant, mais aussi à la structuration du secteur et à sa diffusion
grâce à un centre de formation et un guide-annuaire…
Nous nous intéresserons dans un premier temps à l’organisation de l’association.
39 « Identification des objectifs prioritaires du point de vue de La Fédération pour HLM, centre de ressources des arts de la rue », mise en ligne 16 décembre 2002 40 Fédération nationale des artistes de rue 41 Association Générale du Spectacle Italien
32
Il existe plusieurs types d’adhérents : les membres « ordinaires », qui peuvent être
des compagnies professionnelles organisées sous forme de coopérative ou de société,
des associations culturelles, théâtrales ou des artistes associés, des entreprises
individuelles qui pratiquent les arts de la rue ; les membres « adhérents » qui sont des
artistes solo exerçant libéralement les arts de la rue ; les membres « promoteurs »
qui sont des organismes, des associations, des entreprises qui promeuvent les arts de
la rue en mettant en place dans la continuité un projet culturel au niveau local,
régional, national ou international, à travers l’organisation de manifestations, de
festivals, d’initiatives documentaires, éducatives ou formatives ; enfin les membres
« honoraires » qui sont des personnes physiques ou morales qui acceptent d’être
nominées par l’assemblée sur la base de mérites exceptionnels dans leur activité,
dans la promotion ou la valorisation culturelle des arts de la rue.
Depuis le mois d’avril 2003, un organe supplémentaire s’est ajouté à l’association :
la Consulta Nazionale dei promotori dell’Arte di Strada42 (CIPAS). Cet organe
suscite toutefois la méfiance de certains acteurs du secteur qui considèrent presque
l’adhésion des promoteurs comme une trahison de la part de la FNAS. La CIPAS
travaille de toute façon de manière parallèle à la FNAS qui, comme le rappelle
Marco Cardona (actuel président de la Fédération) dans le bulletin interne de la
FNAS, ne « promeut pas des artistes mais soutient et travaille pour tous les acteurs
du secteur des arts de la rue43 ». Elle se propose de réunir toutes les réalités du
spectacle de rue italien. Les cotisations annuelles s’élèvent à 181 € la première année
et 78 € les années suivantes pour les membres « ordinaires », 31 € pour les membres
« adhérents » et 100 € minimum pour les membres « promoteurs ». Les avantages
offerts aux membres sont une promotion de leur activité, une assistance fiscale, des 42 Conseil national des promoteurs des arts de la rue 43 Fnas Informa ! , n°2 octobre-décembre 2003, newsletter trimestrielle destinée aux membres de la FNAS
33
facilités de paiement et des réductions pour les cours et les stages, une copie gratuite
de l’annuaire Kermesse, une carte AGIS pour des réductions au cinéma et enfin pour
les membres « promoteurs », des conseils pratiques pour l’obtention de subventions
ministérielles.
En 2003, la FNAS a reçu de la part du Ministère « dei Beni e delle attività culturali »,
c'est-à-dire l’équivalent du Ministère de la culture, une subvention de 28 000 euros
dont 13 000 destinés à la formation, et 15 000 au projet éditorial Kermesse. Nous
détaillerons ces deux activités de la FNAS dans les parties suivantes.
La FNAS a renouvelé sa demande de subvention pour l’année 2004 et souhaiterait
obtenir cette fois 15 000 euros pour la formation et 25 000 pour Kermesse.
3.2.1 La volonté de reconnaissance institutionnelle
Le 28 mai 2001, par un décret du Président de la République, l’article 121 du
texte unique sur la sécurité publique, qui datait des années 1930, est abrogé de
manière complètement inattendue. Cet article autorisait les artistes de rue à se
produire seulement après avoir été s’inscrire auprès de la commune sur laquelle ils se
trouvaient dans le « registre des métiers ambulants ». Cette démarche se concluait
d’ailleurs souvent par un refus de la part des communes. C’est le premier résultat
concret après des années de bataille. Et cela semble une victoire. En réalité il y a
maintenant un vide législatif à remplir et les communes doivent créer leur propre
règlement en ce qui concerne l’exercice des arts de la rue sur leur territoire. L’artiste
de rue n’est donc toujours pas libre de s’exhiber et doit s’informer des dispositions
prises par chaque commune. Le travail de la FNAS consiste donc à inciter les
administrations communales à prendre des mesures visant à encourager le libre
exercice des arts de la rue.
34
La FNAS propose aussi sur son site un modèle de délibération communale44.
Plusieurs communes l’ont déjà adopté. Nous pouvons prendre l’exemple de la ville
de Venise. La ville propose une brochure destinée aux artistes de rue comprenant
leur règlement des arts de la rue en italien et en anglais puis une carte de Venise
indiquant les lieux libres d’accès et ceux interdits. Le règlement met par exemple des
limites de temps, de nuisances sonores et de lieux à l’exhibition des artistes. De plus
il existe au sein de l’administration communale un bureau dédié aux arts de la rue qui
délivre aussi aux artistes un pass attestant leur engagement à respecter le règlement.
Les jeunes artistes (entre 18 et 35 ans) résidant, étudiant ou travaillant à Venise ont
également la possibilité de participer à des séminaires organisés par la ville qui
soutient aussi des projets de création.
Une proposition de loi nationale spécifique aux arts de la rue a été discutée devant le
Sénat italien. Elle a été proposée par les sénateurs Togni et Ripamonti. Elle n’a
toujours pas été adoptée.
On voit bien que le théâtre de rue n’est pas un secteur artistique reconnu en Italie à
travers les modalités d’intervention du « Fondo Unico dello Spettacolo45 » (FUS) qui
soutient le spectacle vivant depuis 1985. Parmi les catégories soutenues on
trouve l’art lyrique, la musique, le cinéma, la danse, le théâtre, le cirque et les
spectacles ambulants, sans plus de précision. L’art lyrique reçoit la majeure partie
des subventions accordées. Cependant même dans l’imprécision, et justement, les
arts de la rue peuvent faire une demande de subvention au FUS. Tout en sachant
qu’en 2001 la catégorie « Cirques et spectacles ambulants » n’a reçu qu’une part de
7800 euros ce qui est relativement ridicule si l’on compare d’une part avec le budget
44 cf Annexe 4 45 Fonds unique du spectacle
35
total du FUS qui est de 531 millions d’euros46 et d’autre part si l’on compare avec le
budget total réservé aux arts de le rue en France : 6,5 millions d’euros. A quoi peut
être destiné l’argent du FUS en ce qui concerne la catégorie déjà citée ? A couvrir
une part des frais matériels suite à la dégradation des structures pour cause d’un
accident, à aider à combler un déficit, à aider à l’acquisition de nouveau matériel, à
aider à la formation. On ne parle donc pas du tout du soutien à la création par
exemple.
La majorité du centre-gauche s’est rendue compte de ce problème, soulignant que la
précarité dans laquelle vivent les artistes nuit à leurs capacités artistiques. Ils ont
donc proposé une loi visant à réformer les attributions du FUS. Cette loi est en
discussion au parlement mais n’a toujours pas abouti. Dans cette proposition de loi il
est précisé que le spectacle vivant comprend la musique, le théâtre, la danse, le
cirque et les spectacles ambulants, y compris l’activité des artistes de rue et les
différentes formes de spectacles populaires, les activités récréatives et les parcs
d’attraction. Cela n’est peut-être pas très flatteur d’être placé à côté des parcs
d’attraction, ceux-ci relevant plus d’une activité commerciale que d’une activité
artistique (même si les artistes de rue français se produisent aussi dans les parcs
d’attraction…), mais c’est déjà un grand progrès par rapport à l’indifférence dont les
arts de la rue ont bénéficié auparavant. Cette proposition de loi ajoute aux modalités
d’intervention, actuelles, du FUS : la production de spectacles, le soutien aux
manifestations telles que les festivals et la diffusion à l’étranger des spectacles.
L’année dernière, un nouveau décret ministériel (transformé ensuite en loi) relatif au
« théâtre de prose » a ajouté les arts de la rue parmi les bénéficiaires des subventions
ministérielles. Il s’agit de l’article 15 du « regolamento prosa » qui précise les
46 cf Annexe 5
36
attributions du FUS. Cet article stipule que les activités de promotion des arts de la
rue ou les organismes organisant des manifestations, des festivals…pourront être
financés par le FUS dans la limite de 20% des dépenses engagées. Cependant,
l’ancien président de la FNAS, Alessio Michelotti, a confié dans un entretien que
pour l’année 2004 une vingtaine de demandes attendent encore d’être examinées et
que pour l’instant aucun des fonds prévus n’ont été destinés47. Ce règlement n’est
donc pas pleinement satisfaisant puisqu’il ne s’agit, d’une part, pas d’une loi
spécifique aux arts de la rue comme l’attendent les professionnels depuis des années,
et d’autre part parce qu’il finance uniquement les initiatives de promotions comme
les festivals.
Enfin deux régions ont pris l’initiative, vivement saluée par tous les professionnels
du secteur, de promulguer deux lois en faveur des arts de la rue s’accompagnant
d’offres de subventions : la région des Pouilles et celle du Piémont. La région
Piémont, depuis le 15 juillet 2003, propose un « prix pour la valorisation des
expressions artistiques dans la rue » s’adressant aussi bien aux artistes qu’aux
manifestations. Dans le détail, la région attribue cinq prix annuels de 50 000 €
chacun au profit de communes piémontaises ayant promu ou soutenu des expressions
artistiques dans la rue et cinq prix annuels de 5000 € chacun au profit d’artistes solo
ou en groupe s’étant distingués pour la qualité de leurs spectacles.
La région des Pouilles, quant à elle, a tout comme le Piémont rendu libre l’exercice
des arts de la rue sur son territoire depuis le mois d’août 2003. Les communes de la
région peuvent proposer leur propre règlement en accord avec la loi régionale et en
absence de celui-ci les artistes de rue sont libres de s’exhiber sur les places
publiques.
47 Alessio Michelotti dans un entretien qu’il m’a accordé
37
3.2.2 La formation
En avril 2001, à Certaldo, dans la fraction de Fiano, la FNAS ouvre son
propre « centre de formation, de recherche et de production du théâtre de rue ».
Après beaucoup de démarches il semble qu’aujourd’hui ce centre soit vraiment une
réalité. Il est installé dans un ancien cinéma. La coordinatrice du projet est Angelika
Georg de la compagnie Teatro Schabernack. En effet jusqu’en 2003 le centre de
formation n’était pas encore véritablement aux mains de la FNAS. Mais maintenant
la commune de Certaldo a reconnu ce projet de formation et donnera une subvention
de 5700 euros en plus de l’aide à la restructuration de l’ex-cinéma. En effet le maire
de Certaldo, Rosalba Spinelli, a souligné la grande importance du festival Mercantia
et du monde du théâtre de rue pour sa commune. Le centre de formation offre aussi
la possibilité d’héberger les participants aux stages avec l’auberge de jeunesse qui a
été mise à leur disposition par la commune. En 2003 le centre a reçu une subvention
de la part du Ministère de la culture d’un montant de 12 480 euros ce qui a permis à
la FNAS d’équiper le centre d’une scène, de lumières, de coulisses, de miroirs et
autres accessoires…Le Ministère de la culture a reconnu le centre pour son rôle
éducatif sur le territoire national dans le spectacle vivant. La coordinatrice du projet
reçoit également une indemnité pour son travail qui s’élève à 4880 euros pour
l’année 2003.
Le centre de formation propose des stages de clowns, d’expressions corporelles, de
marionnettes, d’acrobatie…avec des professionnels du genre, des « maestri » comme
Peter Weyel, Phillip Radice, Cora Herendorf, Memo Dini, Lars Gregerson, Pierre
Byland, Eric de Bont…la plupart venant de l’étranger.
Des projets donnent également lieu à la création de spectacles comme Carmen qui
unit le travail de sept femmes clowns et qui a été présenté au festival Mercantia, ou
38
bien la « Banda degli artisti » qui réunit plus de soixante artistes qui n’étaient pas
tous musiciens d’origine.
Le centre de formation propose aussi des stages décentralisés, la « scuola
viaggiante 48». Tout ceci n’est pas comparable à un projet de l’ampleur de la FAI
AR, mais comme nous venons de le voir, les arts de la rue italiens ne disposent pas
d’une aide ministérielle très conséquente.
Enfin le centre permet aussi aux artistes et compagnies de répéter et de produire de
nouveaux spectacles, ce qui assimile presque le centre de Fiano à un « lieu de
fabrique ».
3.3.3 Kermesse
Les publications concernant le monde des arts de la rue sont assez rares en
Italie. Terzostudio publie la revue trimestrielle « Teatro da quattro soldi » ; un
premier numéro d’une revue consacrée au théâtre de rue, “Teatro di strada”, est sorti
mais n’a toujours pas de suite, il existe ensuite “Juggling” qui est un magazine plus
spécialement consacré au jonglage et puis le catalogue de Mercantia49.
Kermesse, le guide-annuaire de la FNAS consacré aux arts de la rue et aux arts de la
piste en est à sa deuxième édition. Ce projet éditorial a été salué par le Ministère de
la culture, l’AGIS, et par de nombreux organismes du secteur du spectacle vivant. On
peut acquérir l’ouvrage lors des festivals italiens, on le trouve aussi dans quelques
librairies et il se vend bien sûr par correspondance. Cette année le guide était présent
sur le festival d’Aurillac ce qui laisse espérer une meilleure connaissance du secteur
des arts de la rue italiens au sein des professionnels français.
48 L’école ambulante 49 cf Bibliographie
39
Chaque année, l’enjeu est de compléter les informations données dans l’ouvrage et
de mettre à jour la base de données des manifestations et des artistes. Pour être
recensé dans le guide il suffit d’envoyer le matériel nécessaire à la FNAS. Ce guide
est très important pour la FNAS car il leur assure des recettes non négligeables.
Cette publication est très intéressante car elle propose également des articles
pertinents sur la situation des arts de la rue et du cirque en Italie et en Europe. Elle
propose ensuite des fiches consacrées aux festivals avec tous les renseignements
utiles aux professionnels comme au public (hébergement, restauration, transports,
cachets ou possibilité de se produire au chapeau, informations techniques…). Ce sont
les organisateurs des festivals qui envoient leurs propres informations, ce qui laisse
supposer une certaine subjectivité. On ne distingue pas les manifestations de cirque
ou de rue. On trouve aussi une liste des artistes et compagnies (classés selon qu’ils
soient membres de la FNAS ou pas) ordonnée par disciplines, des lieux de formation,
des magasins de matériel, une bibliographie, un calendrier global des événements.
L’ouvrage est agréable à consulter, agrémenté de photographies et coûte 18 euros. Si
l’on compare avec Le Goliath, on peut dire que le prix de Kermesse est beaucoup
plus abordable (le Goliath coûte 46 euros). Cependant les deux ouvrages sont conçus
de manière différente. Le Goliath est plus ancien et donc beaucoup plus complet et
fonctionnel. Ce qu’il manque à Kermesse est sans doute une meilleure organisation
des données. Pour avoir pratiqué les deux guides, je peux affirmer que la recherche
d’une information précise est beaucoup moins aisée dans Kermesse que dans le
Goliath. Kermesse joue plus sur le côté attrayant du guide avec des illustrations en
couleur et des articles.
40
4. La situation économique des arts de la rue
4.1 Les festivals : principaux diffuseurs des arts de la rue
Les arts de la rue sont caractérisés par le caractère saisonnier de leur activité.
En effet on observe deux grands pics de diffusion pour les arts de la rue : l’été et
Noël. On peut considérer que la période de l’été va de mai à septembre. Pourquoi
cela ? La raison principale est d’abord d’ordre climatique puisque pour qu’un
spectacle d’arts de rue soit pleinement réussi on compte aussi sur le beau temps. La
crainte des organisateurs de manifestations est toujours la pluie. Cependant la pluie
peut parfois conférer une certaine atmosphère et une complicité supplémentaire entre
l’artiste et son public. A Aurillac, en Auvergne, où se déroule le plus grand festival
d’arts de rue français, il pleut souvent....ce n’est pas pour rien que c’est dans cette
petite ville que l’on a inventé le parapluie qui a d’ailleurs donné son nom au lieu de
fabrique ayant ouvert cette année.
En ce qui concerne la période des fêtes de fin d’année, l’atmosphère justement
festive est souvent prétexte à la venue d’artistes de rue pour égayer les villes.
Cela signifie donc que les artistes de rue dépendent de beaucoup de facteurs
extérieurs pour se produire. Cela nous mène à dire que la diffusion des spectacles
d’arts de la rue se fait principalement par les festivals, qui se sont multipliés depuis
les années 1980. Pourtant les festivals d’arts de rue ne représentent que 10% en terme
de chiffre d’affaires dans les débouchés des compagnies selon l’enquête menée par
Elena Dapporto et Dominique Sagot-Duvauroux50. Malgré ce chiffre étonnant, les
festivals sont importants pour les artistes de rue car c’est ce qui leur donne la plus
grande visibilité, une opportunité de présenter leur spectacle aux professionnels du
secteur, aux programmateurs…« Les festivals sont devenus des acteurs-clés du 50 Elena DAPPORTO, Dominique SAGOT-DUVAUROUX, Les arts de la rue : portrait économique d’un secteur en pleine effervescence, La documentation française, 2000
41
secteur. Figurer dans la programmation officielle ou passer dans le OFF est
désormais un enjeu considérable pour les compagnies de rue51».
Mais comment les festivals sont-ils devenus aussi incontournables ? Philippe
Saunier-Borrel, qui a créé le festival de Saint-Gaudens, aujourd’hui arrêté, précise
dans un interview : « Cette forme s’est imposée sans débat. Le fait que des artistes en
manque de reconnaissance aient besoin de se regrouper pour exister favorisait l’idée
de festival 52».
Ce qui a déterminé aussi ce mode de diffusion est le fait que ce sont les collectivités
locales plus que l’Etat qui ont soutenu les arts de la rue. Nous développerons
cependant ce point dans une autre partie53. On peut simplement dire que pour une
ville de taille moyenne, programmer un festival d’arts de rue - qui représente un
moment de fête, touche toute la population - est souvent une alternative au manque
de saisons ou d’établissements culturels permanents.
Or pourquoi la « festivalite » est-elle condamnable ? Parce que souvent la création
artistique est diluée dans la profusion de compagnies présentes à la manifestation.
Jean-Marie Songy qui dirige les festivals de Chalons en Champagne et d’Aurillac
souligne : « A Aurillac la profusion de spectacles Off est la conséquence d’un
engagement de la part de la municipalité, comme du festival, de déclarer la ville
ouverte au théâtre de rue ». Mais on reproche souvent aux directeurs artistiques ce
manque de cohérence et l’on finit par reléguer les arts de la rue comme des sous-
arts…
51 Ibidem 52 « Festivals, saisons, commandes.....rêver les territoires », débat animé par Anne Quentin in Scènes urbaines n°1, mai 2002, HorsLesMurs 53 cf partie 6
42
Mais quel serait alors l’autre mode de diffusion ? Depuis quelques années on parle de
« saisons des arts de la rue » et aussi de la diffusion de ces spectacles par les scènes
nationales.
En ce qui concerne la programmation d’une saison des arts de la rue, ce phénomène a
été initié par Lieux Publics et l’association Karwan, pôle de développement et de
diffusion des arts de la rue et des arts du cirque. Ils ont créé en 2002, l’Année des
treize lunes, c'est-à-dire treize dates (les pleines lunes) dans treize villes du
département Bouches-du-Rhône. Avec cette initiative il s’agit « d’inventer une
politique de diffusion du territoire, d’aller à la rencontre de publics nouveaux et de
replacer la ville au cœur de l’interrogation artistique 54». Pour la première édition des
Treize lunes, le fil narratif était la quête de la lune. L’enjeu est bien sûr la création
avec des « work in progress » qui, comme leur nom l’indique, progresseront au fil
des étapes et deviendront des rendez-vous récurrents de la saison, mais aussi donner
à voir des morceaux de bravoure du spectacle de rue avec des compagnies telles que
Générik Vapeur, Trans Express, Ilotopie… « On obtient alors une épaisseur et une
cohérence qui fait habituellement défaut aux programmations de rue55 ».
D’autres saisons se mettent en place notamment grâce à l’existence des lieux de
fabrication comme l’Abattoir à Chalon-sur-Saône, l’Atelier 231 à Sotteville-lès-
Rouen, Le Parapluie à Aurillac.
Cependant ces programmations annuelles et itinérantes seraient plus faciles à mettre
en place avec la collaboration des scènes nationales et des centres dramatiques…
Or les théâtres ont encore bien du mal à s’intéresser aux formes de la rue. « Nous
avons un outil magnifique, tout neuf, qui a coûté très cher et qu’il faut faire tourner.
L’art de rue n’est pas une discipline instituée et les Centres dramatiques nationaux ne
54 « Diffuser autrement » par Gwénola David, www.mouvement.net 55 « Treize lunes et des poussières » par Frédéric Kahn, www.mouvement.net
43
sont pas censés s’y intéresser 56», se justifie un édile de la ville de Toulouse, dont le
Théâtre de la Cité est pourtant un des rares établissements français à programmer des
spectacles de rue, même si ce n’est pas de façon régulière. La Ferme du Buisson,
scène nationale de Marne-la-Vallée a gardé un lien privilégié avec les arts de la rue.
En effet ce lieu a accueilli Lieux Publics lors de sa création, avant que le centre ne
déménage à Marseille. La Ferme du Buisson engage de 25 à 30 % de son budget
artistique sur des propositions d’arts de rue qu’elle accueille sur les nombreux
espaces de plein air dont elle dispose.
Les lieux qui prennent des risques sont plus nombreux qu’on ne le pense. On demande à l’institution d’être partout, sur toutes les disciplines, à la fois au centre et à la marge. Ce ne sont pas des positions toujours faciles à tenir. Ce que nous faisons en salle marche bien. Elles sont pleines. Cela devrait nous encourager à être toujours plus audacieux. Car tout autour des théâtres, il y a une population qui ne s’intéresse absolument pas à ce que nous présentons. Il est évident que nous avons aussi une responsabilité sur ce fait urbain57.
4.2 En France, le statut d’intermittent du spectacle
Il convient d’expliquer précisément à quoi correspond le statut d’intermittent
car même si nous en avons beaucoup entendu parler depuis l’été dernier, peu de gens
savent à quoi cela correspond.
Tout d’abord, les intermittents du spectacle sont très représentés dans le milieu des
arts de la rue et cela est dû principalement au caractère saisonnier de leur activité.
Une étude de HorsLesMurs, qui prenait en compte 179 structures d’arts de la rue et
du cirque, fait remarquer que ces compagnies travaillent en moyenne avec 9,2
56 « Programmations : La rue en scènes nationales » par Frédéric Kahn, Scènes urbaines n°1, mai 2002, HorsLesMurs 57 Ibidem
44
intermittents par structure pour seulement 1 permanent. Celui-ci est d’ailleurs le plus
souvent un emploi jeune s’occupant des tâches d’administration et de gestion58.
Les intermittents du spectacle peuvent être des artistes du spectacle engagés par
contrat à durée déterminée ou des ouvriers ou techniciens engagés par contrat à durée
indéterminée. Ces métiers peuvent bénéficier d’une allocation s’ils ont travaillé 507
heures ou plus au cours des 335 jours (c'est-à-dire dix mois) précédant la fin de leur
contrat de travail pour les seules périodes de travail effectuées en qualité d’artiste,
d’ouvrier ou de technicien. Le nombre d’heures pris en compte pour la recherche de
la durée d’affiliation requise est limité à 48 heures par semaine ou à 208 heures par
mois.
En ce qui concerne le paiement des artistes rémunérés par cachets, comme c’est
souvent le cas dans les festivals d’arts de rue, « les activités déclarées sous forme de
cachets sont prises en compte à raison de huit heures par jour pour les cachets
groupés (couvrant une période d’au moins 5 jours continus chez le même
employeur), douze heures dans les autres cas. Toutefois le nombre de cachets pris en
compte est limité à 28 par mois59 ».
La formation et l’enseignement, dans une certaine limite, peuvent être aussi
comptabilisées dans le nombre d’heures.
Enfin cette allocation sera perçue pendant 243 jours (c'est-à-dire huit mois). Son
montant ne peut pas dépasser 75% de l’ancien salaire. Enfin, si l’intermittent exerce
une activité, quelle qu’elle soit, l’Assédic calcule, chaque mois, un certain nombre de
jours non indemnisables. Lorsque les 243 jours d’indemnisation sont épuisés, de
nouveaux droits peuvent être alors ouverts sur le même principe : avoir comptabilisé
507 heures de travail dans les 335 jours précédents la fin du contrat de travail. 58 Annulations et perturbations des festivals de l’été 2003 : Etat des lieux de la situation économique des compagnies des arts de la rue et des arts du cirque, étude HorsLesMurs, octobre 2003 59 Ces informations viennent du site de l’Unedic : www.assedic.fr
45
Ce qui a déclenché la crise de l’été dernier c’est la remise en cause de ce statut
particulier par le gouvernement. En effet, avant les intermittents devaient justifier de
500 heures de travail sur un an.
Qu’est-ce que la crise de l’été dernier, avec l’annulation ou la perturbation de
nombreux festivals, principaux diffuseurs des arts de la rue, a eu comme
conséquence pour les compagnies des arts de la rue ? HorsLesMurs a essayé de
répondre à cette question.
Il résulte qu’il est difficile d’estimer exactement le montant des pertes financières
occasionnées par ces bouleversements. La situation des compagnies jouant dans le
Off, est la plus préoccupante. En effet ces compagnies ont engagé des frais « qui sont
assimilables à des pertes sèches dans la mesure où elles n’entraînent aucun retour en
termes de recettes et plus encore en termes de visibilité auprès des professionnels et
de la presse 60».
HorsLesMurs résume ainsi la situation des compagnies ayant souffert de la crise de
l’été dernier : « Plus que les pertes financières immédiates qui sont souvent assumées
et consenties par les compagnies qui participaient à la contestation, celles-ci font
valoir la perte d’une chance d’être programmées la saison prochaine liée à
l’impossibilité de présenter les spectacles aux professionnels ». Cette situation touche
même les compagnies d’arts de rue les plus reconnues. Télérama, qui consacre un
article aux arts de la rue, souligne : « Un an plus tard, pourtant, la compagnie
marseillaise Générik Vapeur peine à diffuser son ex-nouvelle création. Comme
Délices Dada, autre pionnière du théâtre de rue. Ou la jeune compagnie Babylone61».
Ces difficultés peuvent parfois aller jusqu’à la dissolution de la compagnie comme
pour Lackaal Duckric, compagnie installée dans les Cévennes. Françoise Bouvard, la 60 Annulations et perturbations des festivals de l’été 2003 : Etat des lieux de la situation économique des compagnies des arts de la rue et des arts du cirque, étude HorsLesMurs, octobre 2003 61 Télérama n°2843, 7 juillet 2004, « Spectacles à la rue » par Emmanuelle Bouchez
46
fondatrice de la troupe, confie au journal : « Depuis, on s’attelle au renflouement de
notre compagnie, grâce à des boulots qui n’ont rien à voir avec notre métier. Mais
plus encore que le désastre économique, c’est l’impasse violente dans laquelle on
s’est trouvés qui laisse des traces. Sur quelles bases repartir après ça ? ».
En conclusion nous pouvons affirmer que les nouvelles règles établies par la réforme
de l’assurance chômage ne sont pas adaptées au caractère plus qu’intermittent de
l’activité des artistes de rue. Enfin, le danger de cette réforme est surtout la tentation
de produire des œuvres plus commerciales pour assurer la survie de sa compagnie et
donc perdre de vue l’innovation artistique, qui est déjà ce que l’on reproche souvent
aux compagnies de rue.
4.3 Une situation moins favorable pour les artistes italiens
Le statut d’intermittent est une particularité française et les artistes italiens ne
bénéficient d’aucune mesure similaire. On peut donc supposer que le travail de
création est beaucoup plus compliqué pour eux. Ceci explique aussi l’importance du
« chapeau » pour les artistes italiens. En effet à la fin d’un spectacle, il est beaucoup
plus courant qu’un artiste fasse passer un « chapeau » faisant appel à la générosité du
public. Pour souligner l’importance de cette pratique, on peut remarquer que sur le
guide Kermesse, pour chaque festival il est précisé s’il est possible ou non de fare
cappello. Dans une interview de Pascale Canivet62, coordinatrice de la Fédération,
Simona Molari, clown, lui demande pour le compte de la FNAS s’il y a encore
beaucoup d’artistes français qui vivent grâce au « chapeau » :
Je ne crois pas qu’il y ait beaucoup d’artistes qui vivent seulement du « chapeau », parce qu’en France le système de l’intermittence permet à l’artiste de vivre. D’habitude c’est une question de périodes. Ceux qui pratiquent le chapeau se produisent dans les stations de métro ou dans la période précédant l’été. En général
62 Kermesse 2003-2004
47
ce ne sont pas des professionnels, ou du moins pas la majorité d’entre eux. Mais bien sûr cette façon de considérer notre travail est directement liée au fait qu’il y ait un moyen officiel d’être reconnu en tant qu’artiste qui est le statut d’intermittent. Cela dénote aussi, pour en revenir aux artistes de rue italiens, de la façon plus
artisanale et populaire d’envisager leur art. On trouve beaucoup plus d’artistes
indépendants alors qu’en France les artistes se constituent plus facilement en
collectif : compagnies, troupes…
De plus certains artistes ne s’engagent pas vraiment dans la bataille institutionnelle
menée par la FNAS63.
Quelques grandes compagnies italiennes ont accepté de répondre à mes questions et
de commenter la situation italienne des arts de la rue. Silence Teatro, qui a beaucoup
travaillé en France dans les années 1990, a pu constater que contrairement à l’Italie il
y avait en France une véritable reconnaissance du théâtre de rue. Institutionnelle bien
sûr, mais aussi en terme de dignité. Le théâtre de rue est un art au même titre que le
théâtre « officiel ». Le problème en Italie est que le théâtre de rue est considéré
comme marginal. Et ne reçoit donc pas beaucoup de subventions. Quand on interroge
Luigi Pezzotti sur les possibilités d’aide à la formation et à la création, il répond que
cela relève un peu de l’utopie. Ils doivent s’auto-financer. Il est uniquement possible
de recevoir des subventions dans la phase finale de leur travail, c'est-à-dire le
moment de la présentation au public. En Italie il n’y a pas de véritable politique ou
de volonté visant à soutenir le théâtre de rue de la part de l’Etat. Les initiatives
dépendent souvent des sensibilités des élus locaux du moment.
La Compagnia dei Folli, souligne aussi que la situation des artistes italiens est
beaucoup moins favorable que celle des artistes français. Et fait remarquer que dans
les grands événements d’arts de rue européens on trouve très peu de compagnies
63 cf partie 3.2.1
48
italiennes. La compagnie précise que même s’ils ne manquent pas d’idées ils ne
peuvent pas se permettre de monter des grosses productions capables de s’exporter à
l’étranger.
Pour en revenir au rôle assumé par les lieux de fabrique en France, c'est-à-dire l’aide
à la résidence de création et à la production, il n’existe rien de similaire en Italie
comme le confirme l’association Terzo Studio. Cependant des initiatives dans la
formation conduisent souvent à la création d’un spectacle. Que ce soit par
l’intermédiaire du centre de formation de la FNAS ou d’autres écoles. Terzo Studio
organise aussi un festival La Luna è azzura, consacré au théâtre d’objets qui
accueille ces productions. L’association nous apprend qu’en Toscane il existe un
financement spécifique pour l’aide aux jeunes compagnies. Quand on évoque le
statut d’intermittent du spectacle, Alberto Masoni de Terzo Studio confirme que ce
statut n’existe pas en Italie, mais explique que les acteurs sont assimilables aux
autres travailleurs. La catégorie leur ressemblant le plus serait d’ailleurs les
personnes travaillant à domicile. Ils peuvent recevoir une indemnité chômage réduite
s’ils ont versé régulièrement des contributions à l’Ente nazionale di previdenza ed
assistenza per i lavoratori dello spettacolo64 (ENPALS), et s’ils ont comptabilisé un
minimum de 120 journées de travail.
Alberto Masoni conclue en soulignant qu’en Italie il existe peu de compagnies ayant
mis sur pied une véritable structure organisatrice. Mis à part les grands noms déjà
cités, ATMO, Compagnia dei Folli, les compagnies dépassent rarement les cinq
employés. Avoir une structure signifie investir, avoir un local, avoir une
spécialisation. Sans cela les compagnies et les expériences ne peuvent évoluer mais
en même temps être libre permet aussi aux artistes italiens de survivre.
64 Organisme national de prévoyance et d’assistance pour les travailleurs du spectacle
49
Nous pouvons terminer sur le nouveau projet lancé par la FNAS. Il s’agit de la
Cooperativa strada. Cette coopérative nationale pour les artistes de rue a pour but de
centraliser les coûts en planifiant le système de gestion des activités en amont et en
fournissant, en plus de l’exécution de toutes les pratiques (de la simple demande de
praticabilité à la fiche de paie), un contrôle continu sur le bon fonctionnement de
l’activité. Avec l’objectif de couvrir les dépenses totales (gestion et administration,
taxes, versements et contributions diverses) avec des pourcentages avantageux. Cela
permet aussi d’offrir un contrat de travail régulier (à temps indéterminé), avec le
versement des journées ENPALS (que la coopérative peut couvrir non seulement sur
le nombre de spectacles, mais aussi sur la base d’un rapport de travail plus large, qui
comprend les répétitions, les missions et autre) permettant ainsi de comptabiliser les
120 journées requises pour percevoir une indemnité. De plus cela offre toutes les
garanties auxquelles ont normalement accès les employés à temps indéterminé
(maladie, accident, maternité, chômage…).
La FNAS se propose d’avancer l’argent nécessaire au lancement de cette
coopérative, mais souligne que pour couvrir les frais de gestion, il sera nécessaire
d’avoir un minimum de 50 adhésions. Et cela sera certainement le principal problème
vu que la mobilisation n’est pas très forte. D’après Kermesse le nombre d’adhérents à
la FNAS s’élève à 71. Ce qui confirme les propos d’Alessio Michelotti qui fait
remarquer que de la part des artistes et des compagnies, il n’y a pas encore une forte
volonté ou capacité d’agir.
50
5. Etude de cas de plusieurs festivals et spécificités
5.1 Les festivals en France65
5.1.1 Chalon dans la rue (Chalon-sur-saône-Bourgogne)
Chalon dans la rue est le plus grand festival d’arts de rue en France après le
festival Eclat, à Aurillac. Il a été créé en 1987, un an après celui d’Aurillac. Il est
donc non seulement un des plus grands mais aussi un des plus anciens. L’initiative
est à l’origine du maire de la ville d’alors, Dominique Perben, aujourd’hui ministre
de la justice, sur la proposition de deux artistes : Pierre Layac et Jacques Quentin. La
première édition ressemble encore à une fête de village avec tout de même une
vingtaine de compagnies invitées et un budget de 150 000 francs. Aujourd’hui le
maire de la ville et le directeur artistique du festival ont changé. Le budget aussi a
changé. En 1998 il était de 4 millions de francs et aujourd’hui il s’élève à 1,5
millions d’euros.
Chalon-sur-Saône66 est la sous-préfecture du département de la Saône-et-Loire. Elle
compte 52 260 habitants. La ville est très bien équipée au point de vue culturel. En
effet elle dispose outre de Chalon dans la rue et de L’Abattoir, d’un théâtre
missionné L’Espace des Arts, proposant une programmation très riche en théâtre,
musique, danse, cinéma, cirque…, de deux musées dont le Musée Niepce, musée
national de la photographie, puisque Chalon-sur-saône est aussi la ville natale de
Nicéphore Niepce, inventeur de la photographie. Il y a également un Conservatoire
national de musique et de danse, une bibliothèque municipale, un parc d’exposition,
une école municipale d’art, deux galeries municipales. Ce n’est donc pas dans un
contexte de désert culturel que s’inscrit le festival Chalon dans la rue.
65 cf Annexe 6 66 Le site de la ville, www.chalonsursaone.fr, est bien conçu et donne une foule d’informations.
51
Au niveau de l’architecture la ville dispose d’un centre historique assez joli qui se
prête bien aux arts de la rue. En particulier la place de la cathédrale Saint-Vincent qui
renvoie à l’époque médiévale.
Chalon dans la rue se prénomme « festival transnational des artistes de la rue »,
appellation qui diffère avec celle plus commune de « festival international des arts de
la rue ». Quelle est donc la différence ? Transnational parce que pas tout à fait
international et longtemps national. Si l’on observe le catalogue des compagnies
aussi bien In que Off, la part des compagnies étrangères n’est pas très élevée.
Le festival a lieu à la mi-juillet durant quatre jours.
Le festival est considéré comme une vitrine des arts de la rue. C’est un des rendez-
vous des professionnels. Etre programmé dans le In est une reconnaissance pour une
compagnie. Le In cela représente une vingtaine de compagnies. Cette année elles
étaient 21. 21 compagnies à être rémunérées. Les autres viennent à leurs frais et
comptent sur les recettes du chapeau. Cependant les compagnies du Off sont elles
aussi sélectionnées. Cette année elles étaient au nombre de 130. C’est beaucoup
moins qu’à Aurillac qui accueille quelques 500 compagnies de passage. On imagine
mal comment cette situation est gérable. En effet déjà Chalon dans la rue donne une
sensation de profusion. Qui dit nombreuses compagnies dit aussi public nombreux.
Ainsi certains spectacles comportent une jauge et sont soumis à une billetterie. Par
conséquents ils ne peuvent pas être vus par tous.
Tous les contacts des compagnies se retrouvent dans le catalogue du festival,
présenté sous forme de journal et vendu à 1,50 euros. Chaque jour, on peut se
procurer aussi « Le journal dans la rue », publié avec le concours du « Journal de
Saône-et-Loire ». Il est vendu à 1 euro à la criée ou bien dans certains points-clé du
festival. Ce journal fait le point sur le programme du jour en donnant horaires et
52
lieux de représentation de tous les artistes. Il propose aussi des articles informatifs
sur le monde des arts de la rue, des interviews…
Chalon dans la rue, c’est aussi l’occasion de mettre en place des rencontres
professionnelles. Ainsi des rencontres avec la Fédération des arts de la rue, avec la
FAI AR et des « Rencontres Européennes Informelles de Coopération théâtrale », ont
eu lieu cette année. Les fameuses « Passions à table » mises en place par Jean-Marie
Songy à Chalons-en-Champagne, et qui ont fait un tour de France des festivals, ont
permis à des artistes, des institutionnels, des représentants de la profession et du
public de discuter ensemble sur la situation du spectacle vivant.
HorsLesMurs, La Fédération, l’ANPE Culture-Spectacle et l’AFDAS67 tiennent aussi
des permanences. Tout cela se passe au sein de la « Maison du Festival », dans les
Jardins du Carmel.
Après 17 ans à la tête de la direction artistique du festival Pierre Layac et Jacques
Quentin ont cédé leur place. Ce changement de direction est intervenu suite à la crise
des intermittents qui a fortement perturbé le festival l’été dernier. Même si le duo
avait annoncé son départ bien avant l’édition 2003, celui-ci semble lié à une
mauvaise gestion de la crise. « A aucun moment, Pierre et Quentin n’ont semblé en
mesure de tenir la barre d’une manifestation qui tanguait dangereusement68 ».
Leur rôle dans l’histoire du théâtre de rue n’en reste pas moins essentiel. A la tête du festival comme de l’Abattoir, ce lieu de résidence et de fabrique qui borde la Saône, ils ont su accompagner le développement de projets artistiques exigeants. Pour que Chalon ne soit pas qu’un rassemblement d’échassiers, de cracheurs de feu ou de jongleurs à diabolo69. Le directeur actuel est Pedro Garcia. Cet homme de 49 ans a été pendant presque dix
ans co-directeur du théâtre de Châtillon dans les Hauts-de-Seine en compagnie de
67 Fonds d’assurance formation agréé qui gère sur le plan national l’ensemble du dispositif de la formation professionnelle des secteurs du spectacle vivant, du cinéma, de l’audiovisuel, de la publicité et des loisirs 68 Libération, « Chalon fait peau neuve » par Bruno Masi, jeudi 15 juillet 2004 69 Ibidem
53
Serge Noyelle. On ne peut pas vraiment dire que ce soit un homme qui vienne des
arts de la rue. En effet il a aussi été directeur du cinéma d’Art et Essai de Châtillon.
En 1993 il organise cependant un Festival international : Les Arts de la Rue. Il
s’intéresse aussi aux nouvelles technologies puisqu’il sera directeur du festival Take-
off, dédié à ces formes d’art. Il sera ensuite directeur de production du « Styx
Théâtre », compagnie permanente implantée au Théâtre de Châtillon. On voit
d’ailleurs que sa première programmation de Chalon dans la rue est à l’image de son
CV. En effet il a donné la part belle aux arts numériques et a invité le « Styx
Théâtre ».
L’équipe de Chalon dans la rue dirige aussi le lieu de fabrique L’Abattoir, soutenu
par les pouvoirs publics.
5.1.1.1 L’Abattoir
En 1990, les abattoirs régionaux ferment leurs portes. La municipalité décide
alors que ce lieu désaffecté pourrait convenir à la résidence de compagnies en
recherche d’espaces de création. La première compagnie à s’installer, en février
1991, est la compagnie Lackaal Duckric (déjà citée car elle est aujourd’hui dissoute
suite à de graves difficultés financières). Le passé du lieu est encore très présent.
Mais les artistes accueillis en résidence se sont inspirés de cela pour créer.
Les chambres froides et les antichambres de la mort deviennent ateliers de travail,
studios de répétitions « L’Ame des cochons », « La Petite Tuerie » mais aussi salles
d’exposition « Le Frigo », « Les Ecorchés ». Tous ces noms interpellent…même la
billetterie a gardé son nom d’origine : « La Saignée ». On peut dire que la naissance
de L’Abattoir en tant que lieu de résidence fut marquée par la « Big Pop
Exhibition », une grande fête regroupant plus de 80 artistes résidents avec des
54
concerts, des expositions et des spectacles. En octobre 1991, la grande salle
d’abattage devient une salle de spectacles modulable : « La Grande Tuerie ».
Depuis L’Abattoir est devenu un lieu de fabrique spécialisé dans les arts de la rue. Il
a vu naître bon nombre de spectacles et soutenu plus de 120 compagnies de théâtre
de rue accueillies en résidence.
De plus, L’Abattoir accueille des résidents permanents. Le lieu met à la disposition
d’artistes locaux des moyens logistiques et financiers pour concrétiser un projet.
Plusieurs d’entre eux ont un local dans lequel ils peuvent travailler toute l’année. En
2002-2003 ont été accueillis Allison Reed, plasticienne, Luc Torrès, vidéaste, Les
Frères Fer et le Théâtre à Vue, compagnies d’arts de rue, pour la création de leur
spectacle.
Dans la moyenne 15 à 20 compagnies par an séjournent à L’Abattoir. Pour la saison
2002-2003 ont été accueillis des compagnies comme Générik Vapeur, OPUS,
Métalovoice, 26000 couverts, Les Ogres de Barback…
A chaque fin de résidence et de saison, les travaux réalisés sont présentés au public
lors des « Chantiers Publics » qui réunissent à peu près 3500 spectateurs. En
revanche pour Chalon dans la rue, qui est une opportunité de diffusion pour les
spectacles montés à L’Abattoir, ce sont plus de 350 000 spectateurs qui peuvent être
touchés.
Afin de favoriser la création et la diffusion d’œuvres écrites pour le théâtre de rue,
L’Abattoir et la fondation Beaumarchais, affiliée à la SACD70 organisent un
concours d’écriture théâtrale intitulé « Ecrire pour la Rue ». Ce prix est destiné à
récompenser un projet d’écriture pour le théâtre de rue, inédit, d’expression française
et originale, par une bourse de 3049 Euros. Ce concours a primé en 2003 " Va donner
70 Société des auteurs et compositeurs dramatiques
55
aux poissons d'idée de ce qu'est l'eau - acte 1 ", le projet écrit par Philippe Freslon,
directeur de la compagnie OFF, accompagné de Benoît Louette et Julien Cottereau.
Ce spectacle a été diffusé lors de l’édition 2004 de Chalon dans la rue. Le prochain
concours devrait avoir lieu en 2005.
L’Abattoir est très bien équipé et constitue aussi bien un espace de répétition que de
création de décors, de matériel, de scénographie, de costumes…
En extérieur un espace de 1500 m2 permet l’installation de chapiteaux, le parking de
véhicules lourds et de caravanes, la répétition en condition « rue ». Les artistes en
résidence peuvent également être logés puisque L’Abattoir est doté d’une maison
d’habitation avec 18 lits répartis en chambres double ou triple, plusieurs sanitaires,
une cuisine équipée. Il y a même la possibilité de prendre des repas préparés par le
chef-cuistot de L’Abattoir.
5.1.2 Fest’Arts (Libourne - Gironde)
Pour la deuxième étude de cas j’ai choisi le festival de Libourne, ville de
21 761 habitants en Gironde. Le festival a lieu à la mi-août pendant trois jours. La
« Bastide » comme on appelle le centre de Libourne, est un lieu suggestif avec la
place du marché, les arcades, les rues piétonnes…
A l’origine de Fest’Arts, c’est la volonté, au début des années 1980, de remettre en
place les fêtes traditionnelles libournaises. On cherche à recréer une manifestation
festive et populaire pour animer la ville l’été. En 1990, une première tentative
d’approcher les arts de la rue est faite avec le lancement de La Rue en fête. Un ou
deux millions de libournais répondirent à cette proposition. En 1992, le théâtre de rue
faisait une première apparition dans la programmation des fêtes de la ville. En 1993
c’était un festival d’arts de rue qui naissait : Fest’Arts. Cela a contribué aussi à attirer
56
un public extérieur à Libourne (ce qui était moins facile avec une fête traditionnelle
« libournaise ») et à donner une autre image de la ville, connue surtout pour le
négoce du vin, l’adresse du Père-Noël et son côté un peu bourgeois.
Fest’Arts est organisé par l’association Festivités et actions Culturelles (FAC). Cette
association dépend de la ville de Libourne. D’ailleurs son président est le premier
adjoint au maire. Elle a pour but de mettre en œuvre la politique culturelle de la ville.
Le directeur, Dominique Beyly, souligne : « notre démarche ne s’arrête pas à
l’organisation de Fest’Arts. Nous nous attachons aussi, tout au long de l’année, à
diffuser des spectacles et à soutenir la création71 ». En effet FAC propose une saison
culturelle à Libourne et y intègre de nombreux spectacles de rue. Ainsi à l’automne
2004 la troupe Royal de Luxe jouera dans le parc de l’Epinette ; une installation
multimédia interactive donnant une vision poétique de la Mongolie sera proposée
dans la cour de la Médiathèque…Des résidences d’artistes et des co-productions sont
également proposées. Cela dans le but de faire reconnaître un jour Libourne comme
scène nationale des arts de la rue par le Ministère de la Culture. Une équipe de quatre
personnes travaillent en permanence à l’association : un directeur, une secrétaire de
direction, un régisseur de plateau, une secrétaire qui s’occupe aussi de l’accueil et de
la billetterie. Pendant les jours du festival ce sont plus de soixante bénévoles qui
participent à l’organisation dans trois grands pôles d’activité : l’accueil du public,
l’accueil des artistes, et l’espace restauration-buvette.
Les chiffres de cette treizième édition étaient 27 compagnies internationales, 5
compagnies « scènes découvertes », 4 groupes musicaux, 97 représentations
gratuites. Avec 17 compagnies présentées en exclusivité nationale ou régionale. Car
en effet FAC insiste beaucoup sur ce point : la création, l’inédit. Il n’y a pas de
71 « Sud Ouest », dimanche 8 août 2004, Place aux arts de la rue par Jean-Pierre Tamisier
57
distinction In et Off. Ce que l’on pourrait considérer comme Off seraient les
compagnies « scènes découvertes », puisqu’elles ne reçoivent pas de cachet. En
revanche elles sont logées et nourries pendant la durée du festival et grâce au soutien
de la « Caisse d’Epargne Aquitaine – Nord », une aide financière de 3000 euros est
accordée à une compagnie. Un bulletin est remis au public qui peut désigner ses
« coups de cœur ». C’est donc le public qui désigne la compagnie qui remportera le
prix « Scène découverte ». Cette année les compagnies sélectionnées appartenaient
toutes au secteur des arts de la piste. Le budget 2004 de Fest’Arts était de presque
250 000 euros. Les recettes proviennent de la mairie de Libourne, de la DRAC
Aquitaine, du Conseil Régional et du conseil Général, du sponsoring avec des
grandes entreprises comme EDF-GDF, La Lyonnaise des Eaux et la Caisse
d’Epargne.
5.1.3 Bains de rue (Clichy-la-Garenne – Hauts-de-Seine)
Depuis une quinzaine d’années la ville de Clichy organise une manifestation
au printemps. Il y a eu auparavant un autre festival d’arts de rue, des manifestations
de clowns, des spectacles burlesques. C’était dans la volonté des élus de créer un
véritable festival d’arts de rue, signe pour eux de manifestation populaire. Les arts de
la rue « ayant le vent en poupe 72». De plus ce genre de manifestations n’est pas très
présent en région parisienne. Nous allons donc faire dans un premier temps le bilan
de la situation des arts de la rue en Ile-de-France pour nous attarder ensuite sur le
festival de Clichy, Bains de rue.
72 Propos tirés d’un entretien avec Nicolas Deplanche, directeur de la culture de la ville de Clichy
58
5.1.3.1 Les arts de la rue en région parisienne
En effet l’offre culturelle est telle à Paris que ce n’est pas là que se sont
développés les grosses manifestations liées aux arts de la rue. Pourtant si l’on regarde
la provenance des compagnies recensées dans le Goliath, on observe que c’est en Ile-
de-France que l’on trouve le plus de compagnies. Malgré cela les arts de la rue ne se
sont pas développés avec une « logique entre centralisation et décentralisation,
comme cela a été le cas dans d’autres domaines du spectacle vivant 73». Elena
Dapporto, dans son étude, souligne qu’ « un tiers des compagnies vit en région
parisienne mais que ce pourcentage reste faible comparé à d’autres secteurs
artistiques, notamment les comédiens de théâtre et de cinéma 74». L’auteur précise
aussi que les artistes résidant en Ile-de-France sont surtout des artistes individuels ou
couple d’artistes : « la tradition des musiciens de rue et des saltimbanques est donc
encore vive dans la capitale (animation dans le métro et sur les marchés, le parvis de
Notre-Dame ou la Piazza à Beaubourg…)75 ». Les arts de la rue ont tout de même
tissé une part de leur histoire en région parisienne puisque qu’en 1982, c’était à
Marne-la-Vallée que Michel Crespin installait Lieux Publics. La Ferme du Buisson
est encore aujourd’hui une des scènes nationales conventionnées qui accueille de
nombreux spectacles de rue. La compagnie Oposito qui dirige le lieu de fabrique Le
Moulin fondu à Noisy-le-Sec organise aussi en mai Les rencontres d’ici et d’ailleurs.
Paris voudrait aussi avoir son festival d’arts de rue. Un article de Libération disait
pourtant en 1999 « Paris n’est pas prêt d’avoir son festival de rue76 ». C’est
maintenant chose faite. Et il s’agit même d’une manifestation plutôt originale.
73 Elena DAPPORTO, Dominique SAGOT-DUVAUROUX, Les arts de la rue : portrait économique d’un secteur en pleine effervescence, La documentation française, 2000 74 Ibidem 75 Ibidem 76 Libération, dossier spécial « Le théâtre est dans la rue », « Emportés par la foule » par René Solis, 6 août 1999
59
Itinérances rue, initiative de la Mairie de Paris, dotée d’un budget de 300 000 euros,
a vu le jour en 2003. C’est une manifestation qui mêle minirésidences, spectacles et
ateliers. Ce sont huit compagnies qui oeuvrent dans huit arrondissements. En 2003
c’était de septembre à novembre. La productrice Caroline Loire s’exprime dans le
journal Le Figaro : « Le principe de base de la manifestation est d’inviter les
habitants à participer au travail des compagnies. Il ne s’agit pas de présenter un
spectacle isolé mais de l’accompagner d’ateliers et d’animations qui le précéderont
de quelques jours77 ». Itinérance rue a eu lieu cette année du 17 au 26 juin. Une autre
saison a débuté au 15 septembre et dure jusqu’au 15 novembre 2004. Les
Compagnies Ilotopie, Annibal et ses éléphants, Délit de façade…y participent.
Cependant d’autres manifestations liées aux arts de la rue existaient déjà. Le
printemps des rues, dont c’était cette année la septième édition, se déroule dans le
dixième arrondissement sur les bords du canal Saint-Martin. Ce festival qui a lieu en
juin, est organisé par l’association Le Temps des rues. Georges Luneau, le
responsable de l’organisation du festival n’apprécie pas vraiment la nouvelle
initiative de la ville de Paris. Il reproche à la mairie de « mettre en avant ses propres
manifestations à grand renfort de communication et au détriment de celles qui
existent déjà78 ». De plus le lancement d’Itinérance rue a aussi eu pour conséquence
de réduire les subventions de la ville en faveur d’autres festivals. Le Temps des rues
« a été contraint de passer les deux tiers des quarante compagnies attendues en off,
c’est-à-dire les faire jouer sans les payer, contre la moitié seulement l’année
dernière79». L’autre grande manifestation parisienne qui s’ouvre aux arts de la rue est
Paris Quartier d’été. Cette année, parmi d’autres, la troupe Royal de Luxe s’est
produite en bas de la Butte Montmartre avec son nouveau spectacle Le tréteau des 77 Le Figaro, « Paris s’ouvre aux arts de la rue » par Françoise Dargent, 1er septembre 2003 78 Zurban, « La culture bat le pavé » par Gwendoline Raisson, 2 juin 2004 79 Ibidem
60
ménestrels : Soldes ! deux spectacles pour le prix d’un. Cependant des événements
comme la Nuit Blanche, qui propose pourtant à de nombreux artistes d’investir
l’espace public, ne sont pas considérés par la profession comme des manifestations
liées aux arts de la rue. Ainsi Jean-Raymond Jacob, président de La Fédération,
interrogé à ce sujet par HorsLesMurs répond :
Pour moi, les Nuits Blanches, ce n’est pas les arts de la rue, c’est une fête nocturne artistique d’extérieur et d’intérieur. […] Je ne vois pas où il y a une écriture au sens propre du terme, d’une œuvre pérenne qui serait vraiment pensée et réfléchie pour jouer dehors. Ce sont des choses totalement différentes, ce qui ne veut pas dire que ce n’est pas bien80. 5.1.3.2 Bains de rue
En 2004 c’était la troisième édition de Bains de rue. Le festival se déroule sur
deux jours en mai. C’est un des premiers festivals de la saison.
Clichy est une ville de la banlieue parisienne. Elle n’offre pas une architecture
exceptionnelle. Les spectacles se déroulent de façon très concentrée dans la ville : au
parc Salengro, sur les allées Gambetta et sur la place des Martyrs. Le festival investit
aussi un peu les quartiers.
Ce n’est pas un festival qui attire un public très large. Il n’est pas tellement reconnu
au plan national. Le public est très familial. Il touche vraiment les habitants de
Clichy en premier lieu. Le festival doit donc améliorer sa communication pour
essayer de toucher un public plus vaste et surtout se faire connaître des
professionnels. La presse nationale ne s’intéresse pas du tout à la manifestation, mais
cela n’est pas une spécificité de Bains de rue. Beaucoup de petites manifestations
sont ignorées des médias et les arts de la rue en général suscitent cette indifférence.
80 Jean-Raymond Jacob, dans une interview de HLM, http://www.lefourneau.com/lafederation/index.html
61
Pour les deux premières éditions la ville de Clichy a fait appel à un prestateur de
services pour l’organisation. Cette année tout s’est fait en interne, par le biais du
service culturel de la ville. Le festival n’est donc pas géré par des professionnels
issus du secteur des arts de la rue. Pour la programmation les organisateurs se
déplacent dans d’autres festivals et font confiance à la base de données de
HorsLesMurs.
C’est une manifestation très généraliste, il n’y a pas de thème. Les formes légères, les
spectacles nécessitant peu d’installations techniques lourdes sont privilégiés. Le
directeur de la culture souligne cependant qu’ils recherchent des spectacles avec une
« vraie écriture ». Malgré cela, Bains de rue semble correspondre au modèle de la
« manifestation animatoire81 ».
Bains de rue dispose tout de même d’un budget de 77 734 euros pour 2004. 85 à
90% sont financés par la ville. Le reste provient du Conseil général et du sponsoring.
5.2 Les festivals en Italie82
5.2.1 Mercantia (Certaldo – Toscane)
On ne peut parler des arts de la rue italiens sans évoquer Mercantia. Nous
avons d’ailleurs déjà eu souvent l’occasion de citer cette manifestation. Mercantia,
définie par ses fondateurs comme une « Teatralfestamercatomedievale » c’est-à-dire
une fête-marché théâtrale et médiévale, est née en 1988. Certaldo est une petite ville
de Toscane, à quelques kilomètres de Florence. Elle est formée de deux parties :
Certaldo Basso et Certaldo Alto. C’est dans cette dernière qu’a lieu le festival.
Alessandro Gigli, directeur artistique de la manifestation, se rappelle de comment lui
est venue l’idée de la manifestation :
81 cf partie 6 82 cf Annexe 7
62
Cette nuit-là le ciel était étoilé et la lune resplendissait. Je marchais seul dans les rues de Certaldo Alto en découvrant pour la première fois les petites places et les terrasses récemment réhabilitées. Je m’émerveillais de l’infinité d’espaces théâtraux qui étaient ainsi offerts, dans lesquels j’imaginais de faire apparaître un musicien, plus loin un jongleur, là-haut un funambule83. Alessandro Gigli propose alors son idée à l’adjoint à la culture, M. Andrea Spini. Ils
décident ensemble du nom qu’ils donneront à la fête : Mercantia. « Mercantia ce
n’est pas seulement le théâtre de rue, c’est aussi l’artisanat, c’est l’art, et tant d’autres
initiatives collatérales. Tout cela pris comme une marchandise, mais pas au sens
péjoratif du terme bien sûr84 ».
Le but était donc à travers cette fête de réinventer la place médiévale, de façon à ce
que chacun puisse présenter ses propres produits, qu’ils soient le fruit d’un travail
manuel (l’artisanat) ou intellectuel (les spectacles). La première année il n’y avait pas
plus de dix compagnies. La deuxième année il y en avait déjà une vingtaine. Et la
troisième année, Mercantia était devenue l’étape obligée pour de nombreux artistes
italiens. Aujourd’hui chaque édition de Mercantia réunit à peu près 150 troupes. Le
festival se déroule sur cinq jours à la mi-juillet. L’entrée de la cité médiévale est
soumise à une billetterie. Ainsi du mardi au jeudi l’entrée coûte 7,50 euros et 10
euros du vendredi au dimanche. Un abonnement du mardi au vendredi coûte 13
euros. Seuls les enfants de sept à quatorze ans ont un tarif réduit. En dessous de sept
ans c’est gratuit.
En ce qui concerne le budget du festival, Alessandro Gigli parle d’un million d’euros
pour l’ensemble avec 150 000 euros pour la partie artistique. C’est un petit budget si
on le compare avec celui du festival de Chalon-sur-Saône en France mais un gros
budget pour la situation italienne. Les recettes de la billetterie couvrent une partie des
frais. L’association TerzoStudio qui gère le festival organise aussi d’autres 83 Teatro di Strada, « Certaldo, il borgo come scenografia » par Antonio Bianchi, supplément au n°8 de la revue Rivivere la Storia, mai-juin 2004 84 Ibidem
63
manifestations comme La luna è azzura (dédiée au théâtre d’objets) et In/Canti &
Banchi (consacré à la musique et plus particulièrement à la tradition italienne des
cantastorie ou ménestrels). Ces deux manifestations ont lieu elles aussi dans des
villes de la région Toscane et font partie du projet « Teatro delle città ».
C’est un projet qui choisit la ville-théâtre comme espace et qui fait se mouvoir ses personnages selon un scénario. C’est un projet qui contraste avec le développement basé sur la centralité des métropoles et sur la logique de déracinement qui en découle85. Mercantia, c’est donc des spectacles de rue, un marché artisanal, des expositions.
Tout cela donne une atmosphère magique à la ville. Le cadre médiéval est
absolument adapté aux arts de la rue. Pour l’année 2004 le projet artistique était de
redécouvrir la rue, son rythme, ses mouvements, son agitation, par le choix de
nombreux spectacles déambulatoires qui vont inciter le public à bouger et à ne pas
s’agglutiner sur les places et dans les angles. Le slogan de Mercantia c’est « un
spectacle tous les 15 mètres ». Le soir l’atmosphère particulière est complétée par
des feux d’artifice. La scénographie urbaine est une dimension importante du festival
puisque les organisateurs font appel à des éclairagistes de renom pour illuminer ce
grand décor qu’est Certaldo Alto. Les étudiants de l’académie des Beaux-arts de
Florence collaborent également par la réalisation de sculptures et de mobilier urbain.
Alessandro Gigli est lui-même artiste : écrivain, acteur, cantastorie. Il s’est même
produit au festival d’Aurillac, entre autres. Il fait part de la difficulté de respecter à la
fois ses exigences d’organisateur et ses exigences d’artistes, c'est-à-dire la qualité, la
poésie et la communication.
Terzo Studio publie chaque année un catalogue de la manifestation. Ces catalogues
réalisés avec la précieuse collaboration d’Alberto Masoni et de Massimo Agus,
85 Ibidem
64
photographe officiel de Mercantia, constituent un précieux témoignage de
l’évolution des arts de la rue en Italie.
Cette année, un nouveau projet éditorial a vu le jour : « I quaderni di Mercantia ».
Ne pouvant satisfaire la demande de tous les artistes souhaitant participer au festival,
même gratuitement, l’association a décidé de privilégier les artistes ayant des
« histoires à raconter ». Il leur est demandé d’écrire leur carnet en y insérant leur
parcours artistique, les textes de leurs spectacles ou de leurs chansons, des
photographies en couleur, des opinions…l’association se propose ensuite de tirer
1000 copies de ce carnet dans un format de 24 pages couleur de 11,5x15,8
centimètres. Il sera ensuite remis à l’artiste 900 copies de ce carnet qu’il pourra
utiliser comme bon lui semble. Ce carnet est une forme de défraiement pour leur
participation en plus du remboursement du voyage. Cela fait aussi référence au
cantastorie qui offraient au public, après leur spectacle, un livret contenant les
histoires venant juste d’être racontées.
Et puis Terzo Studio publie aussi bien sûr la revue trimestrielle Teatro da quattro
soldi dont nous avons déjà parlé.
5.2.2 Napoli Strit Festival (Naples – Campanie)
Inutile de présenter Naples. Cette grande métropole connue pour son chaos,
son art de la débrouille, la pauvreté aussi. Mais aussi pour la chaleur des gens, les
scènes de rue qui ne sont pas du théâtre mais presque, la commedia dell’arte…Il
n’est donc pas étonnant que les arts de la rue y soient présents. Mais sous forme de
festival cela peut-être plus surprenant pourtant. En effet il est assez rare qu’un
festival d’arts de rue investisse une ville de l’ampleur de Naples. Pourtant c’est le
pari qu’a relevé l’association Napoli Strit Festival. « Strit » est un jeu de mots entre
65
l’anglais « street » et le dialecte napolitain « strit » qui signifie « stretto » c'est-à-dire
étroit comme les rues du centre historique de Naples. L’idée du festival est née
pendant l’été 1998 sous l’impulsion de l’actuel président de l’association, Ettore De
Lorenzo, amoureux des arts de la rue, s’inspirant de l’expérience d’autres villes
européennes.
Ettore De Lorenzo, journaliste, s’est entretenu avec l’adjoint au tourisme d’alors,
Giulia Parente, lui proposant d’organiser un festival « d’arts dans la rue » comme le
précise Marcello Zagaria86, l’un des organisateurs. En 1999 le projet avait pour
ambition d’envahir le centre historique de Naples devenu patrimoine universel de
l’Unesco pour le restituer à la ville elle-même, aux quartiers « haut » et « bas » de la
ville pour les faire converger ensemble et autour de la libre expression des arts. Le
projet avait pour but d’envahir le centre historique de la ville pour se rapprocher
d’autres expériences européennes similaires et la restituer à un circuit international
de voyageurs curieux et attentifs aux expressions de la culture du monde.
L’association a été fondée par six personnes, dont trois sont finalement impliqués
étroitement dans l’organisation et la production de l’événement. Chacune de ces trois
personnes coordonne un groupe de travail qui peut aller de 4 à 20 personnes en
fonction des temps de travail et du budget qui leur est attribué. Quand on aborde les
temps d’organisation il est assez étonnant de constater qu’ils ont été réduits au fil des
années. La première année l’association a travaillé au moins six mois à l’organisation
du festival pour y consacrer seulement deux mois maintenant.
Le festival est financé en grande partie par des partenariats publics avec la ville de
Naples, le département, la région Campanie. Au niveau des partenariats privés, ils
ont commencé à être intéressants à partir de l’édition 2003 mais jamais déterminants
86 Marcello Zagaria, dans un entretien qu’il m’a accordé
66
au point de pouvoir se permettre des folies en communication ou enrichir la
programmation artistique. Le budget 2004 est de 75 000 euros.
Un appel est également lancé sur le site internet du festival pour « adopter un
artiste de rue ». Ainsi l’hébergement, les repas et pourquoi pas une visite guidée de la
ville seraient pris en charge par une personne volontaire. Il va sans dire qu’il faut
avoir confiance dans l’hospitalité des gens. Et à Naples cela fonctionne.
Le festival a lieu à la mi-septembre sur quatre jours, attirant plus de 400 000
spectateurs entre les habitants et les touristes.
Au départ le festival ne concernait pas vraiment les arts de la rue mais les arts dans la
rue, c'est-à-dire les installations, la scénographie, et les œuvres « provocantes » des
étudiants des Beaux-arts, pour s’ouvrir ensuite aux laboratoires de percussion, au
théâtre, aux clowns et aux saltimbanques (sic).
Napoli Strit Festival a aussi une vocation sociale puisque les spectacles sont portés
dans les périphéries abandonnées, dans les hôpitaux, les hospices, les centres de
détention, et dans les camps roms.
Cette année, cependant, de profonds bouleversements ont eu lieu. Les organisateurs
s’expliquent sur l’édito de leur site internet87 et l’on perçoit leur grande déception. Ils
expliquent en effet que depuis deux ans des épisodes de violence urbaine rendent
difficile le bon déroulement de la manifestation. Les artistes ont été victimes de vols,
de menaces, d’agressions… « Le centre historique, qui pour un temps fut le symbole
de la renaissance culturelle napolitaine est maintenant redevenu un territoire obscur
où domine souvent la peur. La peur de la violence gratuite et impunie des bandes
d’adolescents qui affirment le droit, à leur façon, de faire partie du jeu 88».
87 http://www.napolistritfestival.it 88 Ibidem
67
Ainsi le festival se déplace dans la périphérie Est de Naples. Les spectacles auront
lieu dans un parc et dans les quartiers au lieu des places, ruelles, cours du centre
historique. Les organisateurs regrettent beaucoup d’avoir dû faire ce choix qu’ils
considèrent comme une véritable défaite. En effet ils avaient l’impression d’avoir
construit, à travers un festival d’arts de rue, une ville plus sociale, tout en restant
conscients de la marginalité de leur rôle, bien sûr. Ils n’oublient pourtant pas les
encouragements des petits artisans du centre historique, contents de voir diminuer les
tensions nocturnes propres au quartier, les sourires et la confiance des personnes
âgées qui ont retrouvé l’atmosphère de la Piedigrotta, grande fête musicale populaire
de Naples qui existait depuis 1895.
Ce déplacement peut être l’occasion d’un renouvellement du festival. C’est le point
de départ d’une nouvelle réflexion sur les rapports centre/périphérie, inclus/exclus.
C’est aussi une invitation à récupérer à travers l’extraordinaire vitalité sociale des
quartiers périphériques, à travers une fête populaire, cet esprit perdu qui avait
pourtant obligé tant de personnes à changer d’opinion sur la ville de Naples.
5.2.3 Lucania Buskers Festival89 (Stigliano – Basilicate)
Lucania Buskers Festival est le premier et le seul festival des arts de la rue en
région Basilicate. Il naît en 2002 grâce à l’initiative de l’association culturelle
Mananderr (cela signifie « mano a terra » ce qui revient à dire non à la tricherie, au
mensonge et à la corruption) de Stigliano.
Stigliano, dans la province de Matera, est un village de quelques 6000 habitants qui
s’élève à 1000 mètres d’altitude. Il se compose, comme de nombreux villages en
Italie, de deux parties : le centre historique, la Chiazza en dialecte stiglianais, et le
89 cf Annexe 8
68
village moderne en hauteur. Le centre historique est un lieu en déclin. Il ne reste que
quelques habitants, des personnes âgées surtout, les rues sont peu praticables, les
maisons parfois dans un état proche de la ruine…Cela est dû au manque d’intérêt des
politiciens à l’égard de la valorisation de ce patrimoine. Pour l’instant aucune
véritable politique de restructuration n’a été mise en place. Seules des initiatives
privées participent au maintien de ce lieu comme un lieu vivant. Ainsi Rocco De
Rosa, habitant de Stigliano et passionné d’histoire, a acheté plusieurs maisons dans
lesquelles il a installé des éco-musées. Un qui reconstitue un intérieur paysan, un
autre qui recueille des outils et un autre encore qui rassemble des archives. Quelques
fêtes traditionnelles ont aussi lieu à la Chiazza. Enfin le Lucania Buskers Festival est
maintenant un événement attendu avec impatience par les stiglianais et les gens de la
région. En 2003, 23 000 spectateurs ont participé au festival.
Malgré seulement trois ans d’existence, le festival international d’arts de rue est
reconnu par la FNAS et par l’AGIS. Il fait aussi parler de lui dans le circuit
artistique.
L’association Mananderr a été créée en 2001 à la suite de la publication d’une revue
visant à informer sur les thèmes du territoire, des ressources et de l’environnement.
Elle compte maintenant à peu près 150 membres. La moitié participe concrètement à
l’organisation du festival en tant que bénévoles. Le noyau organisateur se resserre
ensuite sur trois ou quatre personnes. Le projet du Lucania Buskers Festival est né
dans un souci de contribuer à la revalorisation des centres historiques de l’intérieur
des terres lucaniennes (Lucanie est l’autre nom pour désigner la Basilicate).
L’association propose comme stratégie de développement pour cette zone, un modèle
lié au développement durable, au tourisme éthique, à la redécouverte des produits
artisanaux et gastronomiques de qualité. Les arts de la rue ont un énorme potentiel
69
d’attractivité. C’est pourquoi ils ont été choisis comme base du projet. Ils s’adressent
à un public très large et touchent plusieurs générations. Les arts de la rue divertissent,
rassemblent, se regardent mais sont aussi interactifs. Ainsi les habitants du centre
historique peuvent participer à la fête, mais aussi tout le village et les touristes qui
redécouvrent ces lieux le temps de deux soirées. De plus, l’association organise
parallèlement au festival un marché de produits régionaux et biologiques : la
« Biosfiera », et des conférences liées au tourisme éthique et au développement
durable.
Le festival a lieu à la mi-août pendant deux soirées. Il a vocation à s’étendre (aussi
bien en durée que dans l’espace) en devenant itinérant. En 2003 déjà, pour deux
soirées supplémentaires, des spectacles se sont déplacés dans deux villages alentour.
Les communes qui ont accueilli le festival s’intéressent elles aussi à la mise en valeur
de leur centre historique. Ainsi le festival peut vraiment devenir le festival de la
région Basilicate tout en gardant une place centrale pour le village de Stigliano d’où
est parti le projet. Pour l’année 2005 il est prévu que le festival dure presque une
semaine. Quatre ou cinq villes sont intéressées dont Matera, le chef-lieu de la
province.
Son budget était en 2003 de 15 000 euros. C’est un petit budget par rapport à ceux
que nous avons cité auparavant. Cependant une vingtaine de compagnies ont tout de
même participé au festival. Pour celles qui ne peuvent recevoir de cachet mais qui
acceptent de participer tout de même, l’hébergement et les repas leur sont offerts. De
plus les recettes du chapeau sont une ressource non négligeable. L’enthousiasme des
spectateurs va de pair avec leur générosité.
Le lieu de la Chiazza est littéralement transformé pendant les deux soirées du
festival. Les ruelles pleines de monde sont illuminées avec des bougies posées à
70
terre, et l’on peut vraiment retrouver la sensation de se perdre et de voir surgir un
spectacle devant soi. A certains endroits le paysage des collines de la Basilicate sert
aussi de décor, le ciel étoilé participe à la magie du lieu.
Les organisateurs du Festival travaillent actuellement sur un nouveau projet unique
en Italie : le Borgo Teatro. Ce projet consisterait à réaliser un centre culturel
polyvalent lié aux arts de la rue. Les objectifs du centre seront la promotion et la
divulgation d’activités dans le but d’enraciner le théâtre de rue en Italie du sud.
Le lieu de ce centre serait bien sûr la Chiazza. Etant donné la certaine dégradation
des maisons, leur prix de vente est dérisoire (à partir de 1500 euros). Le centre
historique est cependant doté de tous les services : eau, électricité, gaz, ligne
téléphonique…
Le Borgo Teatro se composerait de quatre maisons qui seraient destinés
respectivement à :
• un centre de documentation, une petite librairie et un magasin consacré aux arts de
la rue
• un espace de création, de répétitions et de formation soutenu par les différentes
organisations professionnelles, les artistes et les promoteurs de spectacles de rue
• une salle d’exposition pour des expositions permanentes ou temporaires (objets,
décors, photographies…)
• un espace pour de petites représentations à l’intérieur pour permettre aux
compagnies de passage de donner des représentations tout au long de l’année.
Le centre ainsi constitué permettrait de suivre et de coordonner directement l’activité
des artistes et des promoteurs qui opèrent dans le sud de l’Italie. De plus si le projet
démarre bien, des artistes ou d’autres personnes pourraient être intéressées à venir
s’installer à Stigliano et à acheter eux même des maisons à la Chiazza. L’association
71
Mananderr aurait alors réussi son pari, celui de redonner vie au centre historique de
leur village et ce grâce aux arts de la rue inscrits dans une politique de
développement local.
72
6. Dimension politique et sociale des arts de la rue
Après avoir décrit dans le détail un échantillon de festivals dans les deux pays, il
convient d’analyser les enjeux des arts de la rue. Si l’on assiste à une certaine
« festivalite » depuis les années 1980 ce n’est pas anodin. En France surtout, les arts
de la rue ont parfois participé aux projets issus de « la politique de la ville ». En
France et en Italie, les artistes de rue ont pour principal interlocuteur les collectivités
locales. Comment s’explique ce rapport très étroit ? D’où vient le danger de
l’instrumentalisation des artistes de rue ? Et enfin quels sont les enjeux citoyens de
cet art ?
6.1 Les arts de la rue et la politique de la ville
La politique de la ville est une nouvelle conception qui naît en France à la fin des
années 1970. Elle fait suite à l’urbanisation massive qui a eu lieu au cours des années
1960 pour faire face à la pénurie de logements. L’épisode des Minguettes90, à
Venissieux, près de Lyon, en 1981, déclenche l’inquiétude. Il y a une véritable crise
sociale qui s’exprime par des actes de violence. En 1988 sera créée la Délégation
Interministérielle de la Ville (DIV). Elle a en charge « l’animation, la gestion et
l’évaluation des programmes engagés par le ministre délégué à la ville, ainsi que la
coordination interministérielle avec les instances d’autres ministères impliqués dans
la politique de la ville91 ».
Ceci concerne notre sujet car dans les années 1980, la culture a été inscrite dans la
politique de la ville. Elena Dapporto, dans son étude, souligne qu’en Haute-
90 Des jeunes se livrent à des rodéos de voiture. Avec l’intervention de la police, des émeutes violentes se déclenchent. 91 Elena DAPPORTO, Dominique SAGOT-DUVAUROUX, Les arts de la rue : portrait économique d’un secteur en pleine effervescence, La documentation française, 2000
73
Normandie, trois des neuf « contrats de villes » existant dans la région ont été
consacrés aux arts de la rue.
En 1996, une autre grande opération a été lancée - ce qui n’est pas sans rappeler
l’ « opération-décentralisation » menée à Turin dans les années 1970 - les « projets
culturels de quartier ». Vingt-neuf projets dans vingt-et-une régions ont eu lieu et 40
millions de francs ont été débloqués par le Ministère de la culture. En 1997, ce sont
soixante projets bénéficiant de 300 000 à 4000 000 francs chacun qui ont pu être
montés. Malheureusement en 1998, avec le changement de gouvernement l’opération
n’a pas été reconduite. Cela a été vivement critiqué car ces projets ont suscité des
attentes de la part des habitants des quartiers qui ont par la suite été frustrés. Les
compagnies d’arts de rue ont notamment été très impliquées dans ces « projets
culturels de quartier ». Jacques Livchine rebondit sur cet épisode dans un article paru
dans un numéro spécial de Cassandre92 :
Tandis que les ministres qui se succèdent ne parlent que d’élargissement du public, d’art citoyen, de théâtre pour tous, le théâtre de rue, qui remplit pourtant ces fonctions rassembleuses, est jeté aux oubliettes. Tout juste l’envoie-t-on batailler dans les quartiers, pour tenter d’impossibles opérations de pacification. Comme le dit si bien Jacques Livchine, les arts de la rue ont des « fonctions
rassembleuses ». Pour autant, « les artistes de rue ne détiennent pas l’exclusivité de
la pertinence artistique pour intervenir dans ‘les quartiers’. Ce serait là aussi un
jugement stigmatisant pour ces formes d’art93 ».
La politique de la ville, en tant que telle, n’existe pas en Italie, ni même dans d’autres
pays européens. Mais comme le rappelle Elena Dapporto, « les artistes de rue n’ont
92 Rue, Art, Théâtre, Cassandre, Hors-série, 1997 « La rue rue-t-elle encore ? » par Jacques Livchine 93 Elena DAPPORTO, Dominique SAGOT-DUVAUROUX, Les arts de la rue : portrait économique d’un secteur en pleine effervescence, La documentation française, 2000
74
souvent pas attendu l’élaboration de mesures ministérielles pour agir concrètement
dans les quartiers en difficulté94 ».
6.2 Le danger de l’instrumentalisation
D’où naît le danger d’une instrumentalisation des artistes de rue ?
Instrumentalisation par qui ? Pourquoi ?
Les artistes de rue, par essence, se produisent dans l’espace public. Or l’espace
public n’appartient pas à tout le monde…il est contrôlé par les « autorités
publiques ». Les artistes italiens le savent bien puisqu’en Italie le combat mené s’est
essentiellement concentré sur le vote d’une loi en faveur de l’exercice de leur art.
Nous l’avons développé dans les parties 2 et 3. Si l’on parle moins de cette
problématique en France, le jeu en espace public n’est pas pour autant libre. Il existe
plusieurs solutions :
L’improvisation, sans prévenir personne, le spectacle naît/est accouché dans la rue. L’intervention est alors subordonnée au bon vouloir des forces de l’ordre et la recette limitée au chapeau, si les autorités en laissent le temps […] Autre solution, la compagnie bénéficie, sur un emplacement donné, de la « tolérance » municipale. La recette est là aussi assujettie à la générosité des passants, et le spectacle doit être discret sous peine d’interdiction. Moins amateur, le contrat de cession d’un spectacle est l’accord le plus souvent négocié95. En France, peu de gens jouent encore au chapeau. La reconnaissance du secteur des
arts de la rue fait que les artistes se produisent la plupart du temps, comme nous
venons de le dire, sur la base d’un contrat ou dans le cadre d’un festival. Dans ce cas-
là, c’est l’organisateur qui gère l’occupation de l’espace public. C’est pour cela que
de plus en plus les compagnies du Off sont soumises à une sélection (en plus des
motivations purement artistiques). Cela nous amène au discours de la subversion et
de l’instrumentalisation. On dit souvent des arts de la rue qu’ils sont subversifs. Cette 94 Ibidem 95 Rue, Art, Théâtre, Cassandre, Hors-série, 1997, « La subversion et les notables » par Paul Rondin
75
affirmation était sans doute vraie dans les années 1970, lors des premières
expériences de théâtre politique. Elle l’est moins aujourd’hui. S’il n’a pas de contrat,
l’artiste de rue est presque conduit à s’autocensurer pour jouer tranquillement, et
risque de tomber dans le néant artistique, l’animation. C’est la critique que l’on
formule le plus souvent à l’égard des arts de la rue. Ainsi un article de Libération sur
l’édition 2004 de Chalon dans la rue disait encore à propos du spectacle « La crèche
à moteur » de la compagnie OPUS « Surtout cette drôle de visite confirme le talent
d’un comédien, Pascal Rome, comme les arts de la rue en comptent si peu96 ».
Ce côté animatoire est d’ailleurs trop souvent pris en compte par les programmateurs
des festivals de rue. Elena Dapporto se demande alors si cela ne « présuppose pas
que les arts de la rue ne soient pris en considération que pour leur côté ‘bon enfant’,
toute autre ambition étant exclue. On voit ainsi pointer la corrélation très insidieuse
entre pauvreté de l’acte artistique, pauvreté de sa portée intellectuelle et pauvreté de
ceux qui le regardent97 ». Un festival d’arts de rue cela permet d’animer à moindre
coût une ville. Cela coûte moins cher qu’un établissement culturel. C’est plus visible,
plus gratifiant. Cela touche plus de monde. Paolo Stratta dans son ouvrage98 souligne
aussi qu’il existe un « street show business » et que quand il n’existe aucune forme
de compétence artistique ni de la part du commanditaire, ni de la part du public, la
diffusion de spectacles de basse qualité à but animatoire peut nuire aux
professionnels ayant quelque chose à dire.
De plus la multiplication des festivals et des Off maintiennent les artistes dans une
situation inconfortable. En effet, un artiste ou une compagnie est en général prêt à
96 Libération, samedi 17 juillet 2004, « Un chalon d’essayage » par Bruno Masi 97 Elena DAPPORTO, Dominique SAGOT-DUVAUROUX, Les arts de la rue : portrait économique d’un secteur en pleine effervescence, La documentation française, 2000 98 Paolo STRATTA, Una piccola tribù corsara : il teatro di strada in Italia, Ananke, 2000
76
faire des sacrifices pour pouvoir se produire à ses frais dans les grands festivals et
avoir une chance d’y être remarqué par quelque programmateur. Cela permet ainsi
aux festivals d’afficher ensuite les « chiffres » du festival : 200 compagnies, 350 000
spectateurs…
Les arts de la rue sont liés à une logique marchande. Souvent les compagnies
« courent d’un marché à l’autre sans avoir ni le temps ni les moyens de se poser pour
concevoir un nouveau spectacle99 ».
En France depuis quelques années la situation est en train d’évoluer. D’autres modes
de diffusion s’offrent aux artistes de rue : quelques scènes nationales se risquent à
programmer des spectacles de rue, les lieux de fabrique et de création prennent le
relais des festivals d’été et permettent aux arts de la rue d’exister toute l’année et
surtout de se renouveler, les subventions de créations (compagnies conventionnées,
aides à la résidence de création) permettent aux compagnies d’échapper à la main
prise des collectivités locales. En Italie nous sommes encore loin de tout cela. Les
subventions à la création existent seulement dans deux régions…Le Ministère de la
culture italien commet peut-être une erreur en se désintéressant des arts de la rue.
Il se crée alors un effet pyramidal avec au sommet les instances nationales qui ne s’occuperaient que du grand Art […] et en bas les collectivités locales qui ne s’occuperaient que du petit art, d’ailleurs plus proche des pratiques culturelles que de l’art100.
6.3 Les enjeux citoyens
Cette partie rejoint la précédente sur certains aspects. En effet si les arts de la
rue sont parfois « utilisés » à des fins sociales, c’est qu’ils s’y prêtent
particulièrement. Ils suscitent des sentiments forts : admiration, émerveillement,
99 Elena DAPPORTO, Dominique SAGOT-DUVAUROUX, Les arts de la rue : portrait économique d’un secteur en pleine effervescence, La documentation française, 2000 100 Ibidem
77
rires, émotion…ils nous entraînent parfois dans l’irréel. Je n’ai pas eu la chance de
voir Le Géant de la compagnie Royal de Luxe. J’ai simplement vu une vidéo de leur
passage au Havre101. Et pourtant j’ai ressenti moi aussi une grande émotion à la vue
de ces images. Cette marionnette immense à qui les comédiens de Royal de Luxe
donnent vie, les histoires fantastiques qu’ils racontent aux gens…
Les artistes de rue racontent aussi des histoires bien réelles. Ils ne font pas seulement
rêver mais dénonce aussi les travers de notre société. C’est le cas de la compagnie
Kumulus, dont quatre comédiens ont interprété des SDF de façon très réaliste et avec
un grand talent. Un spectacle comme celui-ci pourtant, n’a été joué en rue que dix
fois en six ans (dont cinq fois en France). Alors la vérité fait peur ? Dérange ?
Personne n’a le courage de programmer un spectacle comme celui-ci ? C’set pourtant
cela aussi l’enjeu citoyen des arts de la rue. On revient à la source, au théâtre
politique.
L’enjeu citoyen c’est de rassembler ? Si l’on observe le public des arts de la rue, on
s’aperçoit qu’il est très hétérogène. Il y a les habitants, les touristes de passage qui
profitent de l’animation, les enfants, les personnes âgées curieuses du
bouleversement, les aficionados programme en main, les jeunes un peu
bohèmes…c’est populaire. Et c’est gratuit. Donc cela ne met personne à l’écart.
L’enjeu citoyen c’est aussi de redécouvrir un territoire. Cela s’illustre parfaitement
bien avec des initiatives comme le Lucania Buskers Festival qui investit un centre
historique abandonné par ses habitants. Il le repeuple, le magnifie pendant une
période donnée. Les ruelles cabossées, les maisons presque en ruine, les petites
places deviennent autant de scènes de spectacle. La vie revient dans ce lieu et cela
met en route un processus, une prise de conscience des possibilités de cet endroit.
101 cf bibliographie
78
L’enjeu citoyen c’est aussi l’universalité du discours des arts de la rue. En
s’éloignant des exemples strictement français et italiens, on peut évoquer le Festival
Interculturel de Mostar (MIF) en Bosnie-Herzégovine. Il a lieu tous les étés depuis
maintenant huit ans. Les performances proposées sont issues de divers domaines
artistiques : cinéma et vidéo, théâtre et spectacles de rue, expositions et happenings,
concerts et événements musicaux, ateliers pour enfant, animation jeunesse et art
urbain. L’accès du festival est entièrement gratuit et toutes les personnes mobilisées
y travaillent bénévolement. Le festival est organisé dans des lieux symboliques le
plus souvent touchés par la guerre et aujourd’hui laissés à l’abandon. Il s’agit de les
nettoyer, de les remettre en état afin que la population se les réapproprie. Une partie
de la programmation du MIF est itinérante dans et autour de Mostar pour aller à la
rencontre des habitants et répondre à la problématique de l’enclavement des
populations. La diversité des prestations et des lieux de spectacle permet de toucher
un large public, de tous âges, “mélangés”. Le secteur des arts de la rue joue un rôle
très important dans le MIF. En effet il permet aux Mostariens de se réapproprier
l’espace de leur ville. Les arts de la rue permettent aussi de toucher des quartiers
périphériques de la ville, particulièrement défavorisés, de se déplacer à l’extérieur de
Mostar dans les camps de réfugiés et les villages alentour.
Pour moi cette dimension citoyenne est très importante dans les arts de la rue. Mais
assez peu de festivals la laissent transparaître. Bien sûr, sur le moment, l’essentiel est
souvent l’aspect festif mais …
Ce n’est pas un objectif de politique culturelle médiocre que de favoriser le développement des fêtes collectives, lorsque le sens en est réinventé. Comme ce n’est pas un objectif de politique culturelle médiocre que de chercher une implication pertinente des artistes dans le débat social et politique102. 102 Elena DAPPORTO, Dominique SAGOT-DUVAUROUX, Les arts de la rue : portrait économique d’un secteur en pleine effervescence, La documentation française, 2000
79
7. Les réseaux européens, l’avenir des arts de la rue
La présentation des réseaux européens permet aussi de donner un aperçu de la
situation des arts de la rue dans toute l’Europe et de témoigner du dynamisme de ce
secteur. Nous allons voir trois types de réseaux différents, tous trois centrés autour
d’une initiative française et bénéficiant de crédits européens. Ils ont des ambitions
différentes mais collaborent ensemble pour certains aspects. Ils sont basés sur un
échange de compétences, une curiosité sans frontières, un désir de créer des
initiatives communes… « Y a-t-il une Rue en Europe et quelle est sa longueur ? »
s’interroge les fondateurs du réseau IN SITU. Parmi ces trois initiatives, seule une a
l’Italie pour partenaire. Cependant un nouveau projet semble voir le jour. Une
demande de subvention a été faite pour le programme « Culture 2000 ». Il s’agit de
réaliser un plan de coopération international sur plusieurs années entre cinq pays
européens. L’objectif serait d’encourager la mobilité et les échanges entre artistes et
opérateurs du secteur du « spectacle populaire » dont font partie les arts de la rue.
Dix festivals italiens pourraient être associés au projet EUROP. A. SHOWCASE.
7.1 Circostrada
Le premier réseau européen que nous allons étudier est Circostrada, créé en
2003 à l’initiative de HorsLesMurs. Ce réseau a une double compétence, à l’image
de HorsLesMurs : les arts de la rue et les arts du cirque. C’est un réseau
d’information et d’échange qui souhaite travailler au développement et à la
structuration des arts de la rue et des arts du cirque en Europe. Il a été financé grâce
au soutien du programme européen « Connect », qui favorise les interconnexions
entre les programmes communautaires relevant des domaines de l’éducation, de la
formation, de la culture, de l’innovation, de la recherche et des nouvelles
80
technologies. Il est constitué de douze partenaires européens « choisis pour leur
connaissance des secteurs dans leurs pays ». Les douze partenaires sont :
• Pour l’Allemagne : Kulturmanagement, structure de management culturel
spécialisée dans l’organisation de festivals culturels, d’événements et de tournées,
depuis la programmation (théâtre de rue, art en espace public, cirque contemporain et
formes artistiques expérimentales) jusqu’à la production et la documentation.
• Pour la Belgique il y a deux partenaires : le Festival de théâtre de rue
international de Gand, actif aussi dans le réseau Eunetstar, et Olé Olé, qui soutient le
développement et la promotion des arts de la rue en Wallonie-Bruxelles selon trois
axes : réalisation d’outils au service du secteur comme Le Nomade,guide des arts de
la rue, arts du cirque et arts forains, diffusion d’informations sur le secteur et aide à
la programmation et à l’organisation d’événements en espace public.
• Pour l’Espagne : l’ODA, un office de diffusion artistique de Barcelone qui
promeut le théâtre, la danse, la musique et les arts visuels et soutient les
programmations artistiques des municipalités de la province de Barcelone.
• Pour l’Italie, pays qui nous intéresse plus particulièrement, le partenaire est la
Festa Internazionale del circo contemporaneo de la ville de Brescia.
• Pour les Pays-Bas, le partenaire est Straattheater.net, qui est à la fois une
association et un site internet dédié à la promotion des arts de la rue et du théâtre in
situ aux Pays-Bas et en Belgique. Cette association de bénévoles est vouée à devenir
un centre de ressources professionnel.
• Au Portugal c’est le Théâtre Rivoli qui s’intéresse aux passerelles entre les arts et
qui fait venir régulièrement dans sa programmation des artistes du cirque
contemporain.
81
• Pour le Royaume-Uni il y a deux partenaires : le Circus Arts Forum & Total
Theatre Network, qui sont en fait deux organismes différents. Le premier œuvre à la
reconnaissance du cirque dans tous ses aspects, et le deuxième soutient et promeut le
« théâtre sans texte » et des performances physiques et visuelles, et publie aussi une
revue trimestrielle Total Theatre Magazine.
Le deuxième partenaire est La Managerie, structure spécialisée dans les arts de la rue
et qui travaille pour des compagnies britanniques et européennes. La fondatrice a
aussi créé une maison d’édition consacrée aux arts de la rue.
• En Slovénie c’est le plus important festival d’arts de la rue Ana Desetnica qui a
été choisi comme partenaire.
• Enfin en Suède, c’est Cirkus Cirkör, l’organisation de référence sur les arts du
cirque, mais également très ouverte aux arts de la rue, qui a été choisie.
Le réseau se compose donc de treize partenaires (en comptant HorsLesMurs) de dix
pays différents. Il était nécessaire d’établir la liste des partenaires pour mieux
comprendre la composition du réseau. On voit donc que certains partenaires sont,
tout comme HorsLesMurs, consacrés aux arts de la rue et aux arts du cirque et que
d’autres sont soit tournés vers le cirque soit vers les arts de la rue. Les partenaires
sont cependant censés avoir une bonne connaissance de la situation de leur pays dans
les deux secteurs.
Parmi les actions du réseau on trouve la constitution d’une base de données
européenne sur les arts de la rue et les arts du cirque, qui reprend essentiellement les
données de la base de HorsLesMurs si ce n’est qu’elle est accessible en trois langues
(français, anglais, espagnol) sur le site internet de Circostrada103. Un guide européen
103 www.circostrada.org
82
des festivals a également été publié en 2004104. C’est sur ce guide que l’on peut
trouver la plupart des informations que nous allons donner ici. Il s’agit aussi, à
travers ce réseau, d’organiser des rencontres professionnelles, des séminaires et des
colloques pour développer une réflexion commune sur les pratiques et les enjeux des
arts de la rue et des arts de la piste en Europe, de faciliter la mise en relation des
coproducteurs et des programmateurs des différents pays avec les artistes, et de
donner une meilleure visibilité à leurs projets de création à l’échelle internationale.
Enfin Circostrada est directement lié aux autres réseaux que nous allons développer
dans cette partie, c’est-à-dire Eunetstar et In situ. A travers cette coopération multi-
réseaux, il est prévu de réaliser un lexique multilingue sur les arts de la rue et du
cirque, des fiches pratiques pour améliorer les conditions des tournées dans chaque
pays de l’Union européenne, et également une étude sur les publics des arts de la rue
en Europe.
Nous allons maintenant insister sur la partie du guide européen105 qui concerne
l’Italie. En effet le guide propose un article décrivant la situation des arts de la rue et
du cirque puis une sélection de festivals. J’ai pour cela rencontré Stéphane Simonin,
le directeur de HorsLesMurs, qui a accepté de répondre à mes questions. Je l’ai
interrogé sur le choix du partenaire italien et sur les critères de sélection des festivals.
Le partenaire italien est la Festa Internazionale di circo contemporaneo organisé par
la ville de Brescia. Le directeur artistique en est Gigi Cristoforetti. C’est un festival
qui se concentre sur le cirque nouveau alors que les crédits du gouvernement italien
se dirigent plus souvent vers le cirque traditionnel. Ce festival existe depuis 2000 et
accueille de nombreuses compagnies européennes, en particulier françaises. Gigi
Cristoforetti a pour projet de mettre en place un centre de ressources dédié au cirque 104 Les festivals des arts de la rue et des arts du cirque, guide-annuaire Europe 2004, HorsLesMurs, 2004 105 Ibidem
83
contemporain. Il est, selon Stéphane Simonin, « sur la même longueur d’ondes » que
HorsLesMurs. En effet ce que HorsLesMurs exige de ses partenaires c’est une
sensibilité artistique qui soit en accord avec la leur. J’ai alors émis l’hypothèse de la
FNAS comme partenaire possible du réseau. Stéphane Simonin a convenu que sur le
papier la FNAS semblerait le partenaire idéal : double spécialisation (rue et cirque),
publication d’un guide-annuaire…cependant la FNAS est avant tout une organisation
professionnelle. On connaît les rapports parfois assez conflictuels de HorsLesMurs
avec la Fédé, ce qui les amène à se montrer prudents sur ce point. Pour le directeur
de HLM, la FNAS est un groupement de « compagnies plutôt animatoires ». Il se
demande si la FNAS serait capable d’émettre un jugement artistique en vue d’opérer
une sélection de festivals ou si elle ne serait pas plutôt tentée et poussée à mettre en
valeur tous ses adhérents. Il donne pour cela l’exemple de La Fédé qui n’évoque
jamais en son sein la valeur artistique de ses membres ce qui pourrait générer des
situations délicates. Il souligne de plus qu’un réseau européen est assez difficile à
gérer parce que les différences culturelles, linguistiques existent et qu’il est inutile
dans un premier temps de rajouter des « différences » en choisissant des partenaires
trop éloignés les uns des autres. En effet un réseau ne se constitue pas simplement de
personnes travaillant sur un même secteur mais de personnes étant, encore une fois,
sur « la même longueur d’ondes ». Il pense clairement que la FNAS pourrait ne pas
« être à l’aise dans ce réseau ». Il conclue en disant q’il n’est pas exclu d’envisager
dans le futur d’avoir deux partenaires pour l’Italie (comme cela est déjà le cas pour la
Belgique ou le Royaume-Uni), le réseau étant voué à s’agrandir, mais qu’il faudrait
pour cela que les deux partenaires soient susceptibles de s’accorder ce qui n’est pas
un évidence pour lui. Dans ce cas le deuxième partenaire pourrait être la FNAS. Mais
elle devrait en quelque sorte « faire ses preuves ».
84
En ce qui concerne la sélection des festivals, je lui ai fait remarquer qu’il manquait
tout de même quelques grands festivals italiens comme Mercantia et Ferrara
Buskers Festival. Il m’a répondu que selon lui en Italie il existait beaucoup de
« manifestations animatoires » et peu de festivals dignes de ce nom. Qu’en tant
« qu’expert artistique » ce qui l’intéressait était des manifestations offrant un regard
artistique sur la ville, des résidences d’artistes, des créations…Pour lui ce que l’on
peut voir majoritairement en Italie sont des spectacles peu innovants, des
propositions que l’on a vues il y a trente ans en France. Il pense que les artistes de
rue italiens sont plus assimilables à des gens de théâtre se produisant dans la rue, des
saltimbanques. Gigi Cristoferotti lui-même trouve la situation des arts de la rue en
Italie peu intéressante. Il explique que le but du guide européen réalisé pour
Circostrada n’est pas de recenser toutes les manifestations existantes, à la manière
du Goliath (on peut cependant observer que la place réservée aux manifestations
françaises est largement prépondérante : 41 contre 19 pour l’Italie qui n’est
finalement pas si mal représentée, une dizaine pour l’Allemagne et la Belgique et
seulement 1 pour la Grèce…). HorsLesMurs n’est pas une agence de promotion (bien
qu’à l’origine la promotion faisait partie des missions du centre de ressources), mais
se doit de mettre en valeur les propositions d’artistes qui leur paraissent innovantes.
S’ils ne peuvent pas le faire à travers le Goliath, ils le font dans les revues, les
bulletins et les monographies qu’ils publient.
A Alessio Michelotti, le secrétaire de la CIPAS106, qui s’étonne dans une note
interne107 que le réseau porte un nom italien étant donné le peu de cas qu’il fait de la
situation des arts de la rue italiens, on peut répondre que ce nom a été choisi pour sa
sonorité agréable, que c’est un nom court et percutant (tout le monde connaît le mot
106 Conseil national des promoteurs des arts de la rue 107 FNAS-Consulta Italiana Promotori dell’arte di strada, bulletin informatif n°14 du 3 septembre 2004
85
strada grâce entre autres à Fellini). Stéphane Simonin insiste sur le fait que ce nom
n’a pas été choisi particulièrement parce que c’était un nom italien.
7.2 Eunetstar
Eunetstar qui signifie European Network Street Arts est quant à lui un réseau
entièrement consacré aux arts de la rue. Il a été créé en 2002 en Belgique par neuf
directeurs artistiques de festivals internationaux implantés dans huit pays différents.
L’Italie n’en fait pas partie. Ce projet a été financé grâce au soutien du programme
européen « Culture 2000 ». Pour trois ans le projet a reçu une subvention de presque
900 000 euros. Les membres du réseau investissent eux-mêmes 600 000 euros. C’set
une association de fait, sans structure administrative. Eunetstar se définit comme
« un réseau européen de production et de diffusion des Arts de la rue ». Le réseau a
pour but le développement de projets transversaux qualitatifs et artistiques. Les
différents partenaires se sont engagés pour trois ans à réaliser au moins une nouvelle
production par an dans le réseau européen. Parallèlement à cette collaboration dans le
réseau européen, chaque partenaire développe un réseau national dans lequel seront
promus les productions d’Eunetstar.
Les membres du réseau sont :
Fabien Audooren de l’International Straattheaterfestival à Gent en
Belgique
Jean-Felix Tirtiaux de Namur en mai, le festival international des arts
forains à Namur en Belgique
Frank Wilson du Stockton International Riverside Festival à Stockton-on-
Tees au Royaume-Uni. C’est le plus ancien et le plus international des
festivals d’arts de la rue en Angleterre.
86
Joop Mulder du Terschellings Oerol Festival basé sur l’île d’Oerol au
nord-ouest des Pays-Bas
René Marion du festival Coup de Chauffe à Cognac en France
Michal Merczynski du Miedzynarodowy Festival Teatralny Malta à
Poznan en Pologne
Rose Parkinson du Galway Arts Festival à Galway en Irlande
Goro Osojnik de l’Ana Desetnica, Ljubljana & Lent Festival à Maribor en
Slovénie, festival très international
Constantin Chiriac du Sibiu International Theatre Festival à Sibiu en
Roumanie
Tous ces festivals sont répertoriés dans le guide européen publié par HorsLesMurs.
Concrètement en quoi consiste l’action du réseau ? Il apporte son aide en tant que
producteur ou coproducteur à des projets susceptibles d’être diffusés par les festivals
de son réseau. Il soutient également les arts de la rue par des activités de promotion
comme la création d’un site web, la production et la diffusion de DVD et des
publications spécifiques. Il organise aussi des séminaires spécialisés dans le but
d’échanger des compétences. Enfin une étude scientifique des publics des festivals
d’arts de rue va être réalisée. Nous l’avons brièvement mentionnée précédemment.
Cette étude est coordonnée par la journaliste et sociologue française Floriane Gaber.
L’objectif de cette enquête est de découvrir les similarités et les différences de
réception des spectacles de rue en Europe. L’étude se base sur trois axes : qui est le
public ? Quelle est la relation entre le public de salle et le public de rue ? Quelle est
la réception du spectacle de rue par le public ? L’étude sera réalisée en distribuant
des questionnaires à environ 1000 spectateurs de chaque festival du réseau Eunetstar.
87
Les résultats seront ensuite présentés lors d’une conférence de presse dans chacun
des festivals en 2005.
7.3 In situ
Un troisième réseau a vu le jour en 2003. IN SITU se décline comme suit :
International Spectacles innovants en Territoires Urbains. C’est une « plate-forme
européenne de création des Arts de la Rue » qui a pour but de faire naître neuf projets
artistiques que le réseau va aider à se construire et à circuler entre 2003 et 2006,
période pour laquelle il bénéficie du soutien du programme européen « Culture
2000 ». Ce réseau se pose donc vraiment la question de la création à l’échelle
européenne.
Comment les différences culturelles et les influences locales peuvent-elles nourrir un propos, produire du sens et du sensible ? […] Comment la co-écriture permet-elle aux artistes d’aller plus loin dans leurs aventures ? Comment outrepasser les problèmes de compréhension, tout en s’enrichissant de la variété des langues européennes ?108 Les projets artistiques soutenus doivent répondre à certains critères. Seront
prioritaires ceux qui se basent sur l’interculturalité et la collaboration entre des
artistes et des compagnies de différents pays européens, ceux qui collaborent dans
chaque ville avec des entités artistiques locales, et ceux qui s’engagent sur des
préoccupations communes européennes liées à l’environnement.
Les membres de ce réseau sont au nombre de six et sont des acteurs majeurs des arts
de la rue en Europe.
Lieux publics, Centre National de Création des Arts de la Rue à Marseille en
France
108 http://www.in-situ.info/
88
L’Atelier 231, Pôle Régional des Arts de la Rue à Sotteville-lès-Rouen en
France, c’est un des principaux lieux de fabrique français. Il organise aussi le
festival Vivacité.
La Strada, festival de théâtre, de théâtre de rue et de marionnettes de rue à
Graz en Autriche
Antwerpen Open, saison d’été de la ville d’Anvers en Belgique
La Fusic, Fondation organisatrice de grands événements à Barcelone en
Espagne
UZ Production à Glasgow en Ecosse. Cet organisme porte plusieurs grands
festivals de rue comme ceux de Brighton, Bradford…
De plus d’autres partenaires se rattachent progressivement au réseau et s’engagent
sur la co-production, le préachat et la diffusion des œuvres en Europe et dans le reste
du monde.
89
Même si les arts de la rue contemporains ont émergé à la même époque aussi
bien en France qu’en Italie, on se rend compte que la situation a évolué de façon
complètement différente dans les deux pays.
Le secteur des arts de la rue français est aujourd’hui très structuré. Depuis plus de 20
ans c’est un secteur reconnu par l’Etat et cette institutionnalisation a permis la mise
en place de nombreux outils : un centre national de création, un centre de ressources,
de nombreux festivals et plusieurs lieux de fabrication. Un centre de formation
supérieure se met en place. « Qu’est-ce donc qui leur manque ? » s’interroge Jacques
Livchine ? De l’argent…c’est la principale revendication des professionnels.
Pourtant les artistes italiens seraient sûrement contents d’avoir même la moitié du
budget des arts de la rue en France. Non pas que le secteur des arts de la rue en Italie
ne soit pas « riche ». Il existe, il se fait entendre. Les artistes n’attendent pas un signe
du gouvernement pour s’organiser. La Fédération italienne des artistes de rue a
depuis cinq ans fait évoluer beaucoup de choses. L’Etat ne se rend encore pas
compte…les région si. Ce sont elles qui soutiennent les arts de la rue, font les lois
tant attendues…
Et en effet c’est de cette façon qu’il faut rebondir. Si le Ministère de la culture reste
sourd, si les arts de la rue sont trop souvent considérés comme des sous-arts, il faut
peut-être s’adresser aux autres ministères. Les arts de la rue se définissent par leur
transversalité, il faut en profiter. Tout en restant prudent. Il faut faire attention à ce
que la dimension sociale des arts de la rue ne prenne pas le pied sur la dimension
artistique.
L’utilisation plus courante du terme « théâtre de rue » en Italie est également
révélatrice. Elle dénote du caractère plus « artisanal » des productions italiennes.
Cela dépend aussi bien sûr des moyens qui sont offerts. C’est certainement le rêve de
90
beaucoup d’artistes d’investir une ville entière. Mais pour le faire il faut séduire les
décideurs politiques. Le Royal de Luxe, malgré sa renommée, n’a jamais pu faire
porter Le Géant à Paris par exemple. C’est un spectacle lourd, qui demande de
grands moyens techniques. C’est ce qu’analyse Alessio Michelotti109, lui-même
artiste de rue :
D’un point de vue artistique, ce que j’apprécie moins, c’est que dans les productions françaises il y a souvent une distance abyssale entre l’acteur et son public. On a plus affaire à un théâtre expérimental qu’à un travail de rue, à une relation intime avec le spectateur. Cela nuit un peu à la magie. Le spectateur ne se sent plus autant protagoniste. C’est sans doute dû aux traditions, et je ne sais pas si les arts de la rue français ont su recueillir et interpréter un patrimoine culturel d’origine populaire…L’avis que partagent beaucoup de programmateurs européens est que les spectacles français sont riches de moyens et de structures, techniquement parfaits, souvent très poétiques, mais aussi très lourds. Deux conceptions un peu différentes donc…Pourtant cela n’empêche pas que les
artistes français soient très présents en Italie, et que quelques troupes italiennes soient
aussi demandées en France. Le rôle des réseaux européens apparaît clair dans ce cas.
La difficulté de créer ensemble avec les différences culturelles mais aussi le défi à
relever. Mettre ses moyens en commun. L’avenir des arts de la rue c’est encore et
toujours l’innovation.
Le lien entre la réussite artistique et la subvention n’est pas mécanique, il ne faut pas attendre de miracle, les solutions ne sont pas administratives. Le théâtre de rue doit s’arracher au conformisme, inventer, chercher de nouvelles pistes110. Et cela comme il a su faire à ses débuts. Les arts de la rue doivent continuer à être
non-conventionnels sans pour autant renoncer à être institutionnels.
109 Dans un entretien qu’il m’a accordé 110 Rue, Art, Théâtre, Cassandre, Hors-série, 1997 « La rue rue-t-elle encore ? » par Jacques Livchine
91
BIBLIOGRAPHIE
Monographies o Le théâtre de rue, dix ans d’éclat à Aurillac, Editions Plume, 1995
Publié par Hors les murs
o Royal de Luxe, 1993-2001, sous la direction de Claire David, Actes Sud, 2001
o Dictionnaires des politiques culturelles de la France depuis 1959, sous la direction
de Emmanuel DE WARESQUIEL, Paris, Larousse, 2001
o Philippe CHAUDOIR, Discours et figures de l’espace public à travers les « arts
de la rue », la ville en scène, Editions L’Harmattan, 2000
o Elena DAPPORTO, Dominique SAGOT-DUVAUROUX, Les arts de la rue :
portrait économique d’un secteur en pleine effervescence, La documentation
française, 2000
o Christophe RAYNAUD DE LAGE, Intérieur rue, dix ans de théâtre de rue (1989-
1999), Editions théâtrales, 2000
o Paolo STRATTA, Una piccola tribù corsara : il teatro di strada in Italia, Ananke,
2000
Etudes
Aurélie LABOUESSE, Mémoire de DESS, Invente ou je te dévore, la création d’un
dispositif de formation artistique comme nouvel enjeu de développement des arts de la
rue, soutenu en 2002
Annulations et perturbations des festivals de l’été 2003 : Etat des lieux de la situation
économique des arts de la rue et des arts du cirque, Etude HorsLesMurs, octobre 2003
Enregistrement vidéo
Le dernier voyage: le géant tombé du ciel / d’après un spectacle du Royal de Luxe, un
film de Dominique DELUZE, auteur metteur en scène Jean-Luc COURCOULT
Paris : Adav (distribution Le Volcan-Le Havre) Les films à Lou production, 1995
Guides-annuaires
Le Goliath : guide-annuaire des arts de la rue et des arts de la piste, Hors les murs, 2002
Les festivals des arts de la rue et des arts du cirque, guide-annuaire Europe 2004, Hors
les murs, 2004
Kermesse, annuario italiano dello spettacolo di strada e di pista 2002-2003, FNAS/AGIS,
2003
Kermesse, annuario italiano dello spettacolo di strada e di pista 2003-2004, FNAS/AGIS,
2004
Revues spécialisées o Rue, Art, Théâtre, Cassandre, Hors-série, 1997
Numéro spécial consacré aux arts de la rue
o Scènes urbaines, n°1, HorsLesMurs, mai 2002
Revue semestrielle publiée par HorsLesMurs. Seulement deux numéros ont vu le
jour. Le premier consacré aux arts de la rue. Le deuxième aux théâtres nomades.
o Mouvement, n°29, juillet-août 2004
« L’indisciplinaire des arts vivants ». Dans ce numéro dossier spécial sur les arts
de la rue et la gratuité.
o Zurban Paris, n°197, semaine du 2 au 8 juin 2004
Dossier spécial sur les festivals d’été à Paris
o Teatro di strada, supplemento al n°8 di Rivivere la storia, maggio/giugno 2004,
Trentini, Argenta (FE)
Lancement d’une revue consacré au théâtre de rue. Premier numéro en supplément
de la revue Rivivere la storia. Dossier spécial sur Mercantia.
o Juggling magazine, n°19, giugno 2003, Associazione Giocoleri & Dintorni,
Citavecchia (RM)
Revue trimestrielle consacrée aux jonglages et aux arts qui s’en rapprochent…
o Teatro da quattro soldi, n°29, gennaio/marzo 2004, Terzostudio, Ponte a Egola
Teatro da quattro soldi, n°30, aprile/giugno 2004, Terzostudio, Ponte a Egola
Revue trimestrielle publiée par l’association Terzostudio.
o Fnas informa!
Bimestriel officiel de la FNAS, newsletter destinée aux membres de l’association.
Trois numéros à ce jour. Téléchargeable sur le site internet de la FNAS.
Articles de presse Jérémie DUBOIS, « Dans la folie auvergnate », L’Humanité, 23/08/2004,
Bruno MASI, « Aurillac à craquer », Libération, 17/08/2004
Germain MOYON, « La rue entre en scène », Sud Ouest, 11/08/2004
Germain MOYON, « Sur les pavés, la scène », Sud Ouest, 10/08/2004
Jean-Pierre TAMISIER, « Place aux arts de la rue », Sud Ouest, 08/08/2004
Bruno MASI, « Un Chalon d’essayages », Libération, 17/07/2004
Stéphane DAVET, « Nouveaux noms et belles trouvailles du théâtre de rue », Le Monde,
17/07/2004
Bruno MASI, « Chalon fait peau neuve », Libération, 15/07/2004
Emmanuelle BOUCHEZ, « Spectacles à la rue », Télérama n°2843, 7 juillet 2004
Thierry VOISIN, « Le spectacle est dans la rue », L’express, 28/06/2004
Françoise DARGENT, « Paris s’ouvre aux arts de la rue », Le Figaro, 01/09/2003
François DEVINAT, René SOLIS, dossier spécial « Le théâtre est dans la rue » en cinq
articles, Libération, du 2 au 6 août 1999
Stéphane DAVET, « A Chalon, surprises à chaque coin de rue », Le Monde, 27/07/1998
René SOLIS, « A Chalon, la rue se donne en spectacles », Libération, 26/07/1998
Sources Internet
Sites spécialisés
• http://www.lefourneau.com/
Site du Fourneau, situé à Brest, lieu de fabrication des arts de la rue. Ce site abrite aussi le site
de la compagnie Oposito qui gère le Moulin fondu, lieu de fabrication à Noisy-le-sec et le site
de La Fédération. De plus on peut s’inscrire à la liste de diffusion des arts de la rue.
• http://www.lefourneau.com/lafederation/index.html
Site de La Fédération
• http://www.horslesmurs.asso.fr/
Site de l’association Hors les murs, informations juridiques, base de données des festivals…
• http://www.lieuxpublics.com/
LE centre national de création des arts de la rue
• http://www.eunetstar.org
Le site de l’European Network Street Arts
• http://www.in-situ.info/
IN SITU, plate-forme européenne de création des arts de la rue
• http://www.circostrada.org
Le site du réseau Circostrada, accessible en trois langues
• http://www.fnas.org/
Le site de la FNAS
• http://www.teatrodistrada.it/
Le site de l’association Qanat à Turin : centre de documentation sur les arts de la rue, Base de
données d’artistes, nombreuses activités dans le secteur des arts de la rue.
• http://www.terzostudio.it/
Le site de l’association Terzostudio. Lien vers les manifestations organisées et nombreuses
informations sur les activités de l’association. Certains numéros de Teatro da quattro soldi
sont téléchargeables en ligne.
• http://www.articircensi.org/
Site du CEDAC, le centre de documentation des arts du cirque qui vient d’ouvrir à Vérone.
Ce centre dispose d’un rayon consacré aux arts de la rue.
• http://www.karwan.info/
Pôle de développement et de diffusion, et des arts de la rue et des arts du cirque en région
Provence - Alpes - Côte d'Azur
• http://www.bonaparte-spectacles.com/
Librairie spécialisée dans le spectacle. Elle propose des catalogues avec une sélection
d’ouvrages.
Les festivals
• http://www.napolistritfestival.it/
Site du Napoli Strit Festival
• http://www.lucaniabuskers.com/
Site du Lucania Buskers Festival
• http://www.mercantiacertaldo.com/
Site de Mercantia
• http://www.chalondanslarue.com/
Site de Chalon dans la rue
• http://www.labattoir.com
Site de l’Abattoir
• http://www.ville-clichy.fr/home.html
Page consacrée au festival Bains de rue
• http://www.festarts.com/
Site de Fest’Arts
Les sites institutionnels
• http://www.mairie-chalon-sur-saone.fr/
Site de la mairie de Chalon-sur-Saône
• http://www.spettacolo.beniculturali.it/
Site du Ministère de la culture italien
• http://www.culture.gouv.fr/culture/dmdts/index-dmdts.htm
Site de la DMDTS
La presse en ligne
• http://www.mouvement.net
Version en ligne de la revue Mouvement, revue indisciplinaire des arts vivants. Base de
données d’articles consultables en ligne. Nombreux articles consacrés aux arts de la rue.
• http://horschamp.org/
Revue Cassandre : art et société. Hors-champ et Cassandre organisent aussi les micro-
rencontres. Base de données documentaires accessible sur abonnement.
• http://www.liberation.fr/
Depuis quelques années nombreux articles sur les arts de la rue en période estivale.
Contributions M. Stéphane Simonin, directeur de HorsLesMurs, M. Dominique Beyly du FAC de Libourne,
M. Nicolas Deplanche, directeur de la culture à Clichy.
M. Alessio Michelotti, ancien président de la FNAS, M. Marcello Zagaria du Napoli Strit
Festival, M. Francesco Rienzi directeur artistique du Lucania Buskers Festival, M. Alberto
Masoni de l’association Terzo Studio, M. Luigi Pezzotti de la compagnie Silence Teatro, La
compagnia dei Folli.
ANNEXES
ANNEXE I
Récapitulatif des crédits centraux du Ministère de la culture pour les arts
de la rue en 1996 et en 1997
1996 en francs % 1997 en
francs %
Lieux publics et Hors les murs
6 700 000 69,04 6 850 000 65,33
Festivals 1 320 000 13,60 1 400 000 13,35 Aides au lieu et à la compagnie
420 000 4,33 570 000 5,44
Aides à l’écriture 225 000 2,32 250 000 2,38
Aides à la création 1 040 000 10,72 1 415 000 13,50
Totaux 9 705 000 100 10 485 000 100
Source : Les arts de la rue, portrait économique d’un secteur en pleine
effervescence, Elena Dapporto et Dominique Sagot-Duvauroux, La
Documentation française, 2000
ANNEXE II
Chiffres-clés du financement des arts de la rue par le ministère de la
Culture (DMDTS)
Aide aux compagnies (DRAC)1 13,813 MF*
Aide à la résidence d’artistes ou
de production (DMDTS)2
1,87 MF
Lieux de fabrication et autres
lieux arts de la rue3
10,29 MF*
Festivals4 7,259 MF
HorsLesMurs5 2,1 MF
Formation 0,15 MF
Organismes professionnels 0,25 MF
Total des crédits centraux et
déconcentrés
35,732 MF ou 5 447 308 €
* Chiffres non définitifs : hors aides à la production Midi-Pyrénées et Nord-Pas-de-Calais et hors aides lieux
de fabrication Nord-Pas-de-Calais
Source : Le Goliath 2002-2004
1 Aides au fonctionnement (conventionnement depuis 1999) et aides à la production – crédits déconcentrés 2 Aide à la résidence d’artistes ou résidence de production arts de la rue (commission nationale) – crédits centraux 3 Y compris Lieux Publics, aidé sur crédits centraux jusqu’en 1999 4 Inclus le festival d’Aurillac aidé sur crédits centraux 5 50% e la subvention de fonctionnement
ANNEXE III
Les compagnies des arts de la rue conventionnées par le Ministère de la
culture (DMDTS)
26 000 Couverts
Amoros et Augustin
L’Arbre à Nomades
Décor Sonore
Délices Dada
Friche Théâtre urbain
Générik Vapeur
Groupe Zur
L’Illustre Famille Burattini
Ilotopie
Compagnie Jo Bithume
Compagnie KMK
Compagnie Kumulus
Laboratoire Tricoe
Metalovoice
Nord Ouest Théâtre
Compagnie Off
Oposito
Les Piétons
Le Royal de Luxe
Teatro del Silencio
Théâtre de l’Unité
Transe Express
Source : Le Goliath 2002-2004
ANNEXE IV Fac-simile di delibera comunale L’amministrazione comunale di ___________, considerato: 1. che sempre un maggiore numero di persone si dedicano all'esercizio dell'arte e dello spettacolo di strada; 2. che dette persone con le loro esibizioni altro non fanno che moltiplicare e arricchire le occasioni di incontro, comunicazione e socializzazione negli spazi urbani; 3) che in assenza di una regolamentazione organica del fenomeno di queste forme artistiche è frequente il ripetersi di interventi repressivi; 4) che è volontà di questa amministrazione comunale riconoscere i diritti degli artisti di strada e valorizzare l'espressione artistica in tutte le sue forme; nel rispetto della normativa vigente e limitatamente ai propri poteri, con voti___________ DELIBERA:1) di vietare il libero esercizio dell'arte e dello spettacolo di strada sul proprio territorio limitatamente alle seguenti piazze___________ e nei seguenti orari________ , fermo restando che gli artisti di strada interessati rispettino le seguenti condizioni: 1.1) Non venga esercitato il commercio ambulante (tranne nei casi previsti dall'art 61, comma 12, lettera f, DM 4 Agosto 1988 n° 375; è consentita la vendita di prodotti di ingegno relativi all'espressione artistica); 1.2) Non sia impedita la normale circolazione pedonale, non siano impediti gli accessi ad esercizi commerciali e non vengano ostacolate altre attività commerciali; 1.3) Non sia turbata la quiete pubblica con emissioni sonore troppo forti. E' ammesso l'uso di piccoli impianti di amplificazione purchè le emissioni sonore non risultino eccessive in relazione alle caratteristiche dello spazio. In ogni caso non si possono superare i limiti di legge; 1.4) Non si chieda il pagamento di un biglietto, né si chieda un preciso corrispettivo per l'esibizione. E' consentito esclusivamente, alla fine dell'esibizione, il passaggio "a cappello" (tipico dell'artista di strada) che determina la possibilità di ottenere libere offerte; 2) L'occupazione dello spazio da parte dell'artista di strada è sottratto al regime dell'occupazione del suolo pubblico e detta occupazione non potrà protrarsi oltre il tempo necessario all'esibizione; 3) L'artista di strada è responsabile di eventuali danni al manto stradale o a qualsiasi altra infrastruttura pubblica o privata che possano essere causati dalla sua esibizione. 4) L'amministrazione comunale declina ogni responsabilità in ordine a eventuali danni a persone o cose derivanti da un comportamento dell'artista in cui si configuri imprudenza, inosservanza delle leggi, regolamenti e delle elementari norme di sicurezza. Source : la FNAS
ANNEXE V
Fus 2001, répartition du fonds de 1.028 milliards de lires
Voici la répartition, par secteur d’activité et en lires, du Fonds unique du spectacle, qui en 2001 représentait 1. 028 milliards de lires c’est-à-dire presque 531 millions d’euros.
Secteur Répartition en lires Répartition en euros Osservatorio dello Spettacolo
1 milliard 516. 457
Funzionamento delle commissioni
107 millions 55.261
Enti lirici 503.110 millions 259.835 Musica 130.700.454.000 67.501.151 Prosa 171.436 millions 88.539 Fondo integrativo (residuo)
13 millions 6.713
Danza 14.771.546.000 7.628.867 Cinema, produzione 33.618.557.000 17.362.536 Cinema, fondo di intervento
68.775.086.000 35.519.368
Cinema, promozione 89.302.357.000 46.120.818 Circhi e spettacoli viaggianti
15.166 millions 7.833
Source : site du Ministère de la culture italien
http://www.spettacolo.beniculturali.it/
ANNEXE VI
Cartographie partielle des festivals d’arts de la rue en France
Seuls 38 festivals sont représentés sur cette carte. Or si l’on fait une recherche sur la base
de données de HorsLesMurs avec les mots « RUE » et « FRANCE » on obtient 149
festivals.
On pourrait rajouter selon le Goliath, 3 festivals en Alsace, 4 ou 5 festivals en Aquitaine,
une dizaine en région Centre…pour obtenir un panorama plus complet. Tout ceci pour
rendre compte du grand nombre des manifestations et de leur dispersion sur le territoire.
Sources : Le Goliath 2002-2004
Cette carte se trouve sur le site du Fourneau : http://www.lefourneau.com/
ANNEXE VII Cartographie des festivals en Italie
Les points bleus représentent les manifestations qui font l’objet d’une description dans le
guide Kermesse. Les points marron concernent les autres manifestations recensées. Il n’y a
pas de distinction entre les arts de la rue et les arts du cirque. On observe une nette
concentration dans les régions du Nord de l’Italie.
Source : Kermesse 2002-2003
ANNEXE VIII
Rapport de stage
Stage pratique effectué au sein de l’association culturelle Mananderr
Participation à l’organisation du Lucania Buskers Festival, Festival international des
arts de la rue
du 15 juillet au 15 septembre 2003
Présentation de l’association et de ses activités
Le siège de l’association se situe à Stigliano, dans la province de Matera dans la région
Basilicate (Italie du sud). Mananderr, en dialecte stiglianais signifie « mano a terra », ce
qui signifie « main à terre ». Cette expression s’emploie au jeu quand il y a des tricheurs
mais aussi et surtout, dans le cas de l’association, en politique. En effet Mananderr est
avant tout une association « politique ». Elle a été créée officiellement en 2001, faisant
suite à la publication d’une revue. Mananderr est une association ONLUS. Ce qui signifie
« Organisation non lucrative d’utilité sociale ». C’est un peu l’équivalent de l’association
loi 1901. Elle compte aujourd’hui 150 membres environ.
Les principaux champs d’intervention de l’association sont l’organisation d’expositions, de
manifestations et de séminaires, la mise en valeur et la réhabilitation des centres
historiques dégradés, des actions en faveur de la protection de l’environnement…Depuis
2002, l’association organise le Lucania Buskers festival, festival international des arts de la
rue.
Il convient de décrire rapidement le contexte dans lequel cette initiative a vu le jour.
Stigliano, est une petite ville à environ 1000 mètres d’altitude. Malgré ses 6000 habitants,
elle est encore aujourd’hui l’un des plus importants centres de l’intérieur des terres
lucaniennes. Elle fait partie de la province de Matera, et a depuis 1637, toujours eu une
place importante dans la province. En se promenant à travers les rues de la ville il est
encore possible d’apercevoir les vestiges d’un passé important. La multitude des palais
nobiliaires ayant appartenu à des familles souvent originaires de la région de Naples, mais
aussi l’ampleur du vieux Bourg (la Chiazza) qui malheureusement tombe aujourd’hui
progressivement en déclin après des années de spéculations et d’enlaidissement des
bâtiments, témoignent du statut important de la petite ville. Tremblements de terre,
éboulements et cimentations successives ont rendu dominante à Stigliano « l’inculture de
l’habitat ». Une génération entière d’élus locaux a fait en sorte que disparaissent
radicalement les vieilles valeurs de la société rurale au profit d’une forte homologation
d’une « consommation à outrance politiquement menée ». C’est malheureusement triste de
le dire, mais Stigliano est maintenant dans une impasse depuis des années.
Le défi culturel que se sont donnés les organisateurs du Lucania Buskers Festival est celui
de redonner vie aux ruelles et petites places du centre historique en les transformant en
espaces de production artistique, de socialité, de démocratisation des rapports humains à
travers les arts de rue.
Leur festival se veut une sorte de laboratoire culturel, au sein duquel se côtoieront des
spectacles de jongleurs, échassiers, gens de théâtre et musiciens mais aussi des expositions
et parcours sur l’art et la culture rurale, des débats visant à promouvoir et relancer
l’intérieur des terres lucaniennes à travers le tourisme responsable, qui est à la base de ce
modèle de développement aujourd’hui communément appelé « développement durable ».
Leur moteur est que la reconversion du centre historique de Stigliano et des centres
historiques de l’intérieur des terres lucaniennes peut passer aussi par la promotion
culturelle.
Avec presque 15000 visiteurs à Stigliano pour les deux soirées, la première édition du
festival s’est révélée un succès. C’est dans leur objectif de continuer à attirer de
nombreuses personnes à Stigliano et dans son centre historique pour les amuser.
Le Festival a eu pour l’instant deux éditions dont la première s’est tenue en 2002. Dans
cette petite ville où la vie culturelle est quasi inexistante : pas de cinéma, salle de théâtre
qui donne quelques représentations à l’année, les loisirs sont simples : aller au bar pour se
retrouver, louer des films au nouveau distributeur qui vient juste d’ouvrir…La ville qui il y
a quelques années comptait le double d’habitants, s’est aujourd’hui vidée. Les gens
émigrent vers le nord pour trouver du travail. L’été est propice à l’organisation de
manifestations culturelles. Cependant la municipalité organise des événements surtout
racoleurs.
Avec le Lucania Buskers Festival, pendant deux jours, le vieux bourg s’anime aux rythmes
des artistes de rue. Les spectacles ont lieu le soir, et les ruelles sont éclairées par l’occasion
par de grosses bougies ce qui leur confère une atmosphère magique. Outre les objectifs
principaux de l’association qui sont le développement des arts de la rue en Italie du sud et
la revalorisation du centre historique de Stigliano, cette manifestation donne l’occasion à
de nombreux jeunes du village de s’investir dans l’organisation d’un événement. Ainsi de
nombreux jeunes ont revêtu l’an dernier le maillot jaune des volontaires et se sont démenés
pour que tout se passe bien : bar, vente de matériel, renseignements, orientation, tombola,
assistance technique et logistique, hébergement des artistes…
La petite ville vit réellement au rythme du festival pendant tout l’été. Tous les habitants
attendent l’événement qui les a surpris l’année d’avant, ils sont curieux de savoir ce qui les
attendra, ils sont heureux de voir débarquer les artistes et de leur faire découvrir leur
région…
Description du poste de travail occupé
Nous pouvons résumer le travail effectué pendant mon stage selon trois phases :
Dans un premier temps, je me suis bien sûr informée sur le fonctionnement de la
structure, l’équipe organisatrice, les lieux… Quand on travaille dans une petite ville, il est
important d’apprendre tout d’abord à connaître les gens et leur fonctionnement. De plus le
festival se déroule dans le centre historique qui est un vrai labyrinthe pour un non-initié. Ce
travail d’observation et d’information permet tout simplement de s’attirer la confiance des
gens et de pouvoir travailler dans une meilleure ambiance. Quand je suis arrivée,
l’association venait juste de prendre possession d’une petite maison qui allait devenir le
siège provisoire de l’association pendant l’été. Cette maison était équipée très
sommairement, sans ligne téléphonique par exemple, bien que la demande en ait été faite.
Je me suis donc chargée à mon initiative de mettre de l’ordre dans les dossiers en créant
des classeurs et en organisant les documents, ce qui a permis plus d’efficacité par la suite.
J’ai de plus saisi informatiquement les coordonnées des membres de l’association, des
artistes, des contacts utiles…Parallèlement, j’ai contacté les artistes confirmés pour avoir
des précisions sur leur date d’arrivée, leurs accompagnateurs et leurs exigences techniques,
ce qui m’a permis de mettre en pratique aussi les langues étrangères en ma connaissance.
Pendant le festival même, je me suis occupé de l’accueil des artistes en étant
présente sur leur lieu d’hébergement. Ceci m’a permis d’avoir un rapport très informel
avec les artistes et de discuter avec eux de leur travail. Ce fut très enrichissant pour moi.
Lors des soirées, j’étais sur les lieux du festival, assistant le directeur artistique dans son
travail de « relations publiques » et de gestions des imprévus : artiste en retard, problème
d’horaires…en commun accord avec l’équipe organisatrice j’ai aussi simplement assisté
aux spectacles, pouvant ainsi me faire une idée de l’ambiance du festival, de la réaction des
gens…Le festival qui a vocation à devenir itinérant, s’est ensuite déplacé dans deux autres
villages alentour. Il s’agissait donc, sur place, avec quelques autres volontaires de
représenter l’association (promotion de matériel, vente des guides Kermesse,
renseignements…) et de veiller au bon déroulement des spectacles.
Une fois le festival terminé, j’ai pu m’atteler à la traduction du site internet du
festival, de l’italien vers le français. J’ai également participé à la rédaction des bilans
financiers, à la mise en place d’une exposition des photographies réalisées pendant le
festival.
Les « problèmes » que j’ai pu rencontrer relèvent surtout du fait que l’association
est une petite structure qui fonctionne essentiellement avec des bénévoles. De plus j’étais
la première stagiaire qu’ils accueillaient. En revanche cela m’a permis d’instaurer un
rapport très informel avec tous les membres de l’association qui étaient tous très proches
de mon âge et de me sentir vraiment impliquée dans un projet en construction. Ainsi je n’ai
pas hésité à formuler mon avis, à faire-part de mes idées et à prendre des initiatives.
Stratégies culturelles de l’association
L’association prépare actuellement le festival 2005. Elle est notamment en contact avec
une illustratrice française qui est chargée de la conception de l’affiche.
Le festival n’a pas vocation à s’agrandir mais à se transformer en festival itinérant. Ainsi
au terme de quatre soirées dans d’autres villages de la Basilicate, le Lucania Buskers
Festival se terminerait par deux soirées à Stigliano. Cela permet aussi à l’association de
pouvoir obtenir plus de subventions.
L’association développe également un nouveau projet : le Borgo Teatro. Ce projet
consisterait à réaliser un centre culturel polyvalent lié aux arts de la rue. Les objectifs du
centre seront la promotion et la divulgation d’activités dans le but d’enraciner le théâtre de
rue en Italie du sud.
Le lieu de ce centre serait bien sûr la Chiazza. Etant donné la certaine dégradation des
maisons, leur prix de vente est dérisoire (à partir de 1500 euros). Le centre historique est
cependant doté de tous les services : eau, électricité, gaz, ligne téléphonique…
Le Borgo Teatro se composerait de quatre maisons qui seraient destinés respectivement à :
• un centre de documentation, une petite librairie et un magasin consacré aux arts de la
rue
• un espace de création, de répétitions et de formation soutenu par les différentes
organisations professionnelles, les artistes et les promoteurs de spectacles de rue
• une salle d’exposition pour des expositions permanentes ou temporaires (objets, décors,
photographies…)
• un espace pour de petites représentations à l’intérieur pour permettre aux compagnies de
passage de donner des représentations tout au long de l’année.
Le centre ainsi constitué permettrait de suivre et de coordonner directement l’activité des
artistes et des promoteurs qui opèrent dans le sud de l’Italie. De plus si le projet démarre
bien, des artistes ou d’autres personnes pourraient être intéressées à venir s’installer à
Stigliano et à acheter eux même des maisons à la Chiazza. L’association Mananderr aurait
alors réussi son pari, celui de redonner vie au centre historique de leur village et ce grâce
aux arts de la rue inscrits dans une politique de développement local.
Je pense qu’il faudrait que l’association réussisse à devenir une structure employant un ou
plusieurs permanents. En effet si elle veut mener de front les deux projets (festival et
Borgo Teatro), il faut qu’elle puisse s’y consacrer à temps plein. Borgo Teatro fournirait
peut-être à l’association l’occasion et les moyens de mettre en place cette structure
permanente.
L’association est bien sûr ouverte sur l’Europe. D’une part car elle compte reconduire
l’expérience d’accueil d’une stagiaire étrangère, et aussi parce qu’elle envisage de créer un
chantier international pour jeunes ou de devenir structure d’accueil pour un jeune du
Service Volontaire Européen.
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